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FEUILLE FÉDÉRALE SUISSE

XXVII. AnnéVolumenie III.

N° 26.

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Samedi juinnin 1875.

Message du

Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale relatif à la garantie fédérale à accorder à la nouvelle Constitution du Canton de Lucerne.

(Du 24 mai 1875.)

Monsieur le Président et Messieurs, Par office du 7 mars de l'année courante, le Gouvernement du Canton de Lucerne a transmis au Conseil fédéral la Constitution révisée du Canton de Lucerne de Vannée 1875, afin que celle-ci soit soumise à la ratification de l'Assemblée fédérale. Cette demande est accompagnée des renseignements suivants : Plusieurs dispositions de la Constitution cantonale lucernoise de 1863, révisée en partie en 1869, ont dû être modifiées par suite de l'adoption de la nouvelle Constitution fédérale. Le Grand Conseil a décidé néanmoins, le 27 mai 1874, de modifier non seulement les articles de la Constitution incompatibles avec la nouvelle Constitution fédérale, mais de soumettre cette Constitution à une révision totale. Cette révision a eu lieu en deux délibérations, ainsi que le prescrit la Constitution lucernoise ; le projet définitivement arrêté a été soumis le 28 février 1875 à la votation du peuple et adopté par la majorité des votants. En application des art. 35 et 37 de la Constitution de 1863/1869, le Grand Conseil a, le 6 mars 1875, déclaré la nouvelle Constitution révisée comme loi fondamentale du Canton et chargé en même temps le Gouvernement de demander la garantie de la Confédération, conformément à l'art. 6 de la Feuille fédérale suisse. Année XXVII Vol. 111.

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Constitution fédérale. En exécution de cette invitation, le Gouvernement de Lucerne a sollicité du Conseil fédéral de proposer à l'Assemblée fédérale d'accorder la garantie fédérale à la nouvelle Constitution cantonale lucernoise.

Suivant le tableau officiel sur le résultat de la votation populaire du 28 février 1875, annexé à cette Constitution, de 30,821 citoyens du Canton de Lucerne ayant droit de voter, 18,112 ont pris part à la votation et 13,091 se sont prononcés pour l'acceptation de la Constitution révisée. La nouvelle Constitution a donc été adoptée à teneur de l'art. 35 de la Constitution lucernoise alors en vigueur.

Cette nouvelle Constitution du Canton de Lucerne apporte entre autres les modifications suivantes à l'ancienne Constitution de 1863 et aux articles révisés en 1869.

Relativement aux rapports religieux, l'ancienne Constitution (art. 1er des modifications de 1869) contenait entre autres, à côté de dispositions détaillées sur la liberté de croyance, etc., une disposition plaçant la religion catholique romaine sous l'entière protection de l'Etat. L'art. 2 de la nouvelle Constitution restreint cette garantie à la «liberté de conscience et de croyance et au libre exercice des cultes conformément aux articles 49 à 52 et à l'art. 58 de la Constitution fédérale. » Ici rentre aussi la modification contenue à l'art. 91 de la nouvelle Constitution, relative aux paroisses.

La paroisse (Kirchgemeinde) comprend les membres d'une même confession habitant une circonscription paroissiale existante ou qui se formerait à l'avenir conformément à la loi ; ces membres doivent, du reste, être électeurs d'après l'art. 27 de la Constitution et doivent être organisés en corporations reconnues. D'après l'art. 92 de l'ancienne Constitution, ces paroisses n'existaient qu'en faveur des habitants appartenant à la religion catholique, et l'on ne reconnaissait de paroisse qu'en faveur des protestants de la ville de Lucerne.

En matière d'instruction, l'ancienne Constitution, par son article 4, assurait à l'Eglise une certaine influence. L'art. 3 de la nouvelle Constitution est maintenant rédigé comme suit : « Le Canton pourvoit à l'enseignement public sous l'obser« vation des dispositions de l'art. 27 de la Constitution fédérale.

« La direction des écoles publiques appartient exclusivement i aux autorités
de l'Etat.

« La liberté de l'enseignement privé est reconnue en principe, « sons réserve du droit de surveillance de l'Etat en ce qui concerne « l'observation du programme d'études des écoles primaires pu« bliques.

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« Le droit d'élire les régents primaires est garanti aux com« munes. » La disposition de l'ancien art. 71, par laquelle un nombre déterminé des membres du Conseil d'éducation devait être choisi parmi les ecclésiastiques, a été retranchée par l'art. 70 de la nouvelle Constitution.

Les modifications se rapportant au militaire se trouvent dans les articles 19, 57 et 58, alinéa 3, de la nouvelle Constitution.

L'ancienne Constitution (art. 22) faisait une différence entre les ressortissants du Canton et les citoyens suisses d'autres Cantons en ce qui concerne l'établissement (voir rapports des Commissions du Conseil des Etats et du Conseil national sur la garantie à accorder à la Constitution lucernoise de 1863. Feuille fédérale 1863, III. 341). La nouvelle Constitution a supprimé cette différence, et elle prescrit à son art. 21, alinéa 2, «que tout citoyen suisse « a le droit de s'établir librement dans chaque commune, confor« mément à la Constitution fédérale. » Le droit de vote, soit en affaires cantonales, art. 27, soit en affaires communales, art. 88, alinéa 3, de la nouvelle Constitution, est garanti à tous les citoyens du Canton et aux citoyens suisses légalement établis dans le Canton depuis trois mois sans interruption de domicile. L'ancienne Constitution exigeait déjà pour les affaires cantonales un domicile de trois mois (art. 3 de la révision de 1869); pour les affaires communales, les citoyens d'autres Cantons devaient être établis dans la commune depuis 2 ans (art. 89, alinéa 3, de la Constitution de 1863). En outre, d'après ce même article 89, les habitants d'une confession chrétienne pouvaient seuls prendre part aux affaires communales ; d'après l'art. 28 de la môme Constitution, les citoyens laïques étaient seuls aptes à voter dans toutes les élections et votations en général. La disposition de l'ancienne Constitution, par laquelle un électeur devait, fournir la preuve formelle qu'il avait le temps de domicile nécessaire (art. 3 de la révision de 1869), n'a pas été jgwrise dans la nouvelle Constitution.

Par contre, cette dernière conTient encore, avec une différence de peu d'importance, le même nombre d'exceptions relativement à la capacité électorale, tout en réservant les modifications qui pourraient être apportées par la législation fédérale (art. 27, alinéa 5, de la nouvelle
Constitution.) La disposition de l'ancienne Constitution, par laquelle les électeurs non ressortissants de la commune, qui voulaient se faire nouvellement inscrire dans le registre électoral, étaient tenus de produire un certificat de capacité électorale du Conseil communal de leur commune d'origine, se trouve de nouveau reportée à l'art. 29, mais avec cette modification que la

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Chancellerie du Conseil communal de la commune du domicile doit, sur la demande de l'intéressé, réclamer officiellement ce certificat (le la commune d'origine.

En ce qui concerne la capacité électorale pour revôtir certaines fonctions, ainsi que l'exercice du droit de voter dans les assemblées des communes politiques, l'ancienne Constitution exigeait la possession d'une fortune déterminée. La garantie fédérale fut toutefois refusée à ces dispositions (voir les arrêtés fédéraux des 25 juillet 1863 et 22 juillet 1869 concernant la garantie de la Constitution lucernoise de 1863 et de la Constitution révisée de 1869. Ëecneil officiel, VII. 542 et IX. 745), et elles ont été annulées daus la nouvelle Constitution, art. 46, 64, 72, 74, 80, 83, 85, 88, 89 et 90. De même, la disposition contenue au dernier alinéa de l'ancien article 89, par laquelle les citoyens du Canton avaient seuls le droit de voter sur l'emploi de la fortune d'une commune, a aussi été retranchée (voir les rapports des Commissions ci-dessus mentionnés).

Nous pouvons mentionner ici le fait que l'exercice du droit de vote a été facilité pour les élections au Grand Conseil et celles des tribunaux de district; ces élections ont lieu maintenant par votation dans les communes, tandis que précédemment les électeurs devaient se rendre pour ces votations au chef-lieu de l'arrondissement électoral ou du district. (Voir l'art. 10 de la révision de 1869, l'art. 84 de la Constitution de 1863 et les articles 27, alinéas 1, 43 et 83 de la Constitution de 1875.)

Le referendum a été modifié par la nouvelle Constitution ; la votation populaire sur les lois, etc., est ordonnée maintenant si 5000 citoyens en font la demande, tandis qu'il suffisait de 4000 signatures d'après l'ancienne Constitution. La précédente disposition, par laquelle cette votation pouvait avoir lieu si un tiers des députés au Grand Conseil le demandait après la votation définitive, a aussi été retranchée. Par contre, la disposition de l'article 7 de la révision de 1869, prescrivant que dans le cas où la votation populaire ne réunirait pas 13,000 votants, celle-ci demeurerait sans résultat, a été laissée de côté à l'aj(f 39, en sorte qu'actuellement la majorité absolue des citoyens ayant participé à la votation décide sur l'acceptation ou le rejet d'une loi, etc.

Quant au nombre
des membres du Grand Conseil nécessaire pour que ce corps puisse rendre une décision valable, l'article 62 de la nouvelle Constitution a introduit cette innovation qu'il suffit que la majorité absolue des membres soient présents, tandis qu'auparavant la présence des deux tiers de ces membres était indispensable.

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Contrairement à l'ancienne Constitution, nous citerons en outre que la représentation de la minorité politique dans le seiu des autorités a aussi été étendue, par l'art. 96 de la nouvelle Constitution, à la Cour d'appel et à la Cour criminelle.

Nous mentionnerons encore le fait que la ville de Lucerne a été choisie comme chef-lieu du Canton et désignée seulement comme siège « ordinaire » des autorités cantonales. (Art. 24 et 63, alinéa 2.)

Enfin, la nouvelle Constitution de Lucerne renferme à son article 38 des dispositions relatives à l'exercice des droits accordés aux Cantons par les art. 86, 89 et 93 de la Constitution fédérale ; l'article 5 supprime la peine des fers, déclare la peine de mort comme étant abolie et interdit les peines corporelles.

MM. A. Wapf, membre du Grand Conseil, D r Robert Winkler r et D Alf. Steiger, à Lucerne, ont réclamé auprès de l'Assemblée fédérale, le 10 mars 1875, contre cette Constitution révisée et spécialement contre la disposition de l'alinéa 3 (transcrit plus haut) de l'art. 3 de cette Constitution, et demandé que la garantie fédérale soit refusée à cette disposition. Cette réclamation est fondée sur les motifs ci-après : La Constitution révisée de Lucerne, suivant la lettre a de l'art. 6 de la Constitution fédérale, ne peut recevoir la garantie fédérale qu'autant que ses " dispositions ne sont pas en opposition avec cette Constitution. Les pétitionnaires ont été chargés, par un certain nombre de membres du Grand Conseil, d'attirer entre autres l'attention îles autorités fédérales sur une disposition de la nouvelle Constitution qui, suivant leur opinion, ne doit pas recevoir la garantie fédérale parce qu'elle est contraire au sens et à l'esprit d'une disposition fondamentale de la Constitution fédérale; on voudrait introduire comme constitutionnel dans le Canton de Lucerne ce que la nouvelle Constitution fédérale et la majorité du peuple suisse n'ont pas voulu. Les pétitionnaires ont défendu leur point de vue lors des délibérations du Grand Conseil, mais leurs propositions n'ont pas été prises en considération. Ils ont déjà réservé, lors de ces délibérations, leur droit de recours auprès des autorités fédérales.

Il s'agit de la disposition contenue à l'art. 3, alinéa 3, de la Constitution révisée et relative aux écoles privées. Cette disposition est en
contradiction avec les dispositions de l'art. 27, alinéas 2 et 3, de la Constitution fédérale. La tendance et le sens de ces dernières dispositions sont complètement clairs et nets. Cette tendance n'était pas dans l'intention de la majorité du Grand Conseil, et elle a cherché à modifier la disposition de la Constitution fédérale qui lui était peu sympathique. Les dispositions de l'art. 27 de la Constitution

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fédérale sont limitées par celle de l'art. 3, alinéa 3, de la Constitution lucernoise ; la première place les écoles primaires exclusivement sous la surveillance de l'Etat, tandis que la nouvelle Constitution lucernoise ne veut soumettre les écoles primaires privées au contrôle des autorités de l'Etat qu'afin de savoir si le programme des études est atteint. La différence entre les dispositions de ces deux Constitutions est si évidente que toute discussion ultérieure serait superflue.

L'Etat, qui déclare obligatoire la fréquentation des écoles, a aussi le devoir de surveiller les écoles et de protéger les droits de la jeunesse. Il ne pourrait pas émettre de dispositions relatives à l'éducation physique dans les écoles privées s'il n'avait un droit de contrôle que sur l'accomplissement du programme des études. La culture intellectuelle et morale pourrait être gravement compromise si l'Etat ne surveillait pas l'organisation intérieure des écoles privées et si le personnel enseignant ne possédait pas les capacités nécessaires ou avait des tendances hostiles à l'Etat. L'expérience démontre que dans les écoles privées les actes contraires à la morale sont beaucoup moins rares que dans les écoles publiques. L'Etat doit par conséquent ne pas laisser porter atteinte a son droit de surveillance ; il a, au contraire, à diriger l'éducation scolaire afin qu'elle soit conduite convenablement.

La tendance de l'article incriminé de la Constitution do Lucerne est visible. On veut rendre inefficace la disposition de l'article 27, alinéa 3, de la Constitution fédérale, car une école fréquentée par des enfants appartenant à toutes les confessions, sans qu'il soit porté atteinte a la liberté de conscience et de croyance, ne convient pas à la majorité du Grand Conseil de Lucerne. Cette majorité tient à avoir des écoles confessionnelles et à restreindre envers celles-ci la surveillance des autorités de l'Etat. Les pétitionnaires ne veulent pas la suppression des écoles privées, mais ils demandent qu'elles soient entièrement placées sous la surveillance de l'Etat.

L'importance de l'art. 27 de la Constitution fédérale serait une illusion si l'art. 3 de la Constitution révisée de Lucerne était garanti, et l'art. 51 de cette première Constitution n'aurait plus de valeur pratique pour le Canton de Lucerne. Les pétitionnaires
se voient dès lors obligés d'attirer les regards de l'autorité fédérale sur la conduite de la majorité du Grand Conseil de Lucerne.

Cette réclamation, renvoyée par la Présidence de l'Assemblée fédérale au Conseil fédéral pour rapport, a été communiquée au Gouvernement de Lucerne, afin qu'il puisse formuler ses observations.

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Par office du 27 mars 1875, le Gouvernement de Lucerne justifie la disposition constitutionnelle incriminée de la manière suivante : Les pétitionnaires ne placent pas la teneur de l'art. 3 de la Constitution lucernoise en regard de celle de l'art. 27 de la Constitution fédérale, mais ils estiment que la tendance de cet article 3 est en contradiction avec celle de l'art. 27 de la Constitution fédérale. Le Gouvernement n'a pas la prétention de demander la garantie fédérale pour la tendance renfermée dans un article de la Constitution, mais seulement pour sa teneur; il ne porte pas son jugement sur la tendance d'un article de la Constitution fédérale, mais s'en tient seulement à sa teneur.

La Constitution fédérale sépare, à l'article 27, l'instruction de l'école. L'instruction primaire a été déclarée obligatoire, mais non la fréquentation des écoles primaires publiques. Elle exige uniquement des Cantons qu'ils pourvoient à une instruction primaire suffisante, et cette instruction primaire suffisante doit être placée exclusivement sous la direction de l'autorité civile. La législation cantonale a le droit de déterminer le degré suffisant d'instruction primaire jusqu'à ce qu'une loi fédérale le fixe positivement ou que les autorités fédérales déclarent, lors de cas spéciaux, que les prescriptions cantonales sont insuffisantes. Ainsi donc, d'après la Constitution fédérale, la direction de l'instruction primaire, la fixation du programme d'enseignement, la preuve que celui-ci a été rempli, l'âge dans lequel il aura été atteint, sont exclusivement du domaine de l'Etat. Par contre, l'école primaire et encore beaucoup moins l'instruction primaire en elle-même, sa méthode, ses moyens d'instruction et son étendue, en ce qui concerne le degré suffisant requis, etc., n'ont pas été déclarées exclusivement du domaine de l'Etat. Quoique, par l'art. 27 de la Construction fédérale, l'instruction primaire suffisante ait en général été déclarée obligatoire pour chacun d'eux, le même article porte d'un autre côté que la gratuité d'enseignement est admise seulement dans les écoles primaires publiques, et la Constitution fédérale reconnaît expressément que cet enseignement primaire peut se donner d'une autre manière que dans une école publique.

Elle admet donc implicitement les écoles privées et l'enseignement privé à
côté des écoles publiques. Mais les pétitionnaires partent de la supposition contraire que l'art. 27 de la Constitution fédérale prescrit l'obligation générale de la fréquentation des écoles publiques et qu'il exclut dès lors l'enseignement privé. Il sont donc en contradiction aussi bien avec la teneur qu'avec le sens de l'article 27 ci-dessus. S'ils déclarent toutefois qu'ils ne veulent pas la

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suppression des écoles privées, ils doivent, conformément à leur interprétation de l'art. 27 de la Constitution fédérale, demander, comme ils le font non seulement pour ces écoles, la surveillance complète de l'Etat, mais aussi qu'elles soient placées exclusivement sous la direction de l'autorité civile; en d'autres termes, il ne doit exister d'autre différence entre une école primaire privée et une école primaire publique que celle-ci: dans la dernière, l'instruction est donnée gratuitement, ce qui n'est pas le cas pour la première.

L'art. 3 de la Constitution de Lucerne ne parle pas d'école privée, mais reconnaît simplement le principe de la liberté de l'enseignement privé. Cette reconnaissance n'est pas une modification des dispositions de la Constitution fédérale, mais elle règle un domaine non abordé par la Constitution fédérale et laissé ainsi à la législation cantonale. Les Cantons sont entièrement libres d'autoriser avec ou sans conditions ou de refuser par leur législation l'enseignement privé à tous les degrés de l'instruction. Cette disposition cantonale n'est sans doute pas parfaite dans le domaine de l'instruction primaire; car les Cantons sont tenus par la Constitution fédérale à pourvoir à ce que cette instruction soit suffisante aussi bien dans les écoles publiques que dans les écoles privées. Aussi longtemps que des dispositions fédérales n'auront pas été émises, la mesure sera celle des écoles primaires publiques, desquelles on exige aussi une éducation corporelle. Par ce motif, la liberté de l'enseignement privé n'est pas sans réserve dans la disposition dont il s'agit de la Constitution lucernoise, mais elle a éié reconnue sous l'observation spéciale de la surveillance de l'Etat, en ce qui concerne l'accomplissement du programme d'études des écoles primaires publiques fixé par la Confédération.

Les Cantons sont responsables envers la Confédération de la manière dont l'instruction primaire est donnée ; mais il est de leur ressort de juger et de fixer par voie législative par quel moyen ils veulent et peuvent satisfaire aux exigences de la Constitution fédérale, aussi longtemps que des dispositions fédérales ne sont pas en vigueur.

Le principe, tel qu'il est posé à l'art. 3, alinéa 3, de la Constitution révisée, est à peu près le même que celui renfermé à l'article 17 de la
loi lucernoise sur les écoles primaires du 10 octobre 1869; l'art. 18 de cette loi contient nue disposition relative à l'établissement d'écoles privées. Les pétitionnaires ont voulu précisément abroger cet art. 17 de la loi primaire par leur réclamation relative à la garantie en principe de la liberté de l'enseignement privé, et ils ont formulé la proposition, lors des délibérations sur la Constitution de remplacer la disposition actuelle de l'art. 3,

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alinéa 3, de celle-ci par les mots : « Les écoles privées sont placées sous la surveillance de l'Etat. » Mais, comme il a été dit plus haut, une telle disposition, suivant la supposition de laquelle les pétitionnaires sont partis relativement au contenu de l'art. 27 de la Constitution fédérale, serait aussi peu d'aceord avec celle-ci que la disposition contenue dans la Constitution cantonale.

La liberté de l'enseignent privé, en égard directement à lalaïcité, est une exigence de la Constitution fédérale non seulement pour les écoles primaires publiques, mais pour chaque école publique. Toute instruction religieuse, soit à l'école primaire ou dans une école supérieure, rentre dans l'enseignement privé. L'Etat u'a pas à diriger cette instruction, parce que, suivant Fart. 49 de la Constitution fédérale, il n'existe aucune religion d'Etat et qu'à teneur de l'alinéa 3 de cet article sur l'éducation religieuse, ainsi que sur l'instruction religieuse, les enfants sont, sous ce rapport, à la disposition de leur père ou de leur tuteur jusqu'à l'âge de 16 ans révolus. L'instruction religieuse doit donc toujours ótre un enseignement privé et confessionnel, selon la volonté de ceux qui y adhèrent.

L'objection élevée par les pétitionnaires de l'art. 27, alinéa 3, de la Constitution fédérale tombe par conséquent.

Le Gouvernement ne comprend pas l'opposition formulée contre la disposition dont il s'agit de la Constitution lucernoise ; dans ce domaine, laissé à l'autonomie cantonale, la plus grande liberté possible doit être garantie à chacun, et à côté de la liberté de conscience et de la presse et du droit de réunion se place aussi le principe de la liberté d'enseignement, digne de figurer dans la loi fondamentale d'un Etat libre. Si l'application de principes d'une Constitution cantonale qui ne sont pas contraires à la teneur de la Constitution fédérale devait, dans le cas spécial, occasionner des faits en opposition avec la Constitution fédérale, la garantie de ladite Constitution n'exclut ni le droit de recours ni le droit de décision des autorités fédérales. Il est par conséquent superflu de dénoncer les tendances qui ont fait agir lors de l'élaboration de la disposition de la Constitution eantenale.

Au surplus, la disposition de l'art. 3, alinéa 3, de la Constitution lucernoise n'a pas posé d'autre
principe que celui qui a été adopté il y a peu de temps par le Grand Conseil du Canton de Zurich et qui a été envisagé comme conforme à la Constitution fédérale.

Appelé à donner son opinion sur l'art. 3 de la nouvelle Constitution de Lucerne placé en regard de l'art. 27 de la Constitution fédérale, le Conseil fédéral doit reconnaître tout d'abord que cet article a été évidemment rédigé en vue de tenir compte des nou-

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veaux principes du droit public fédéral en matière d'instruction publique.

L'ancienne Constitution lucernoise prescrivait (art. 4) que l'instruction doit ótre dirigée dans un sens religieux et patriotique et assurait à l'Eglise l'influence nécessaire pour que l'éducation contribue au maintien de la foi et des moeurs.

La nouvelle Constitution proclame au contraire que les écoles publiques sont placées exclusivement sous la direction de l'autorité civile et rappelle expressément l'application de l'art. 27 de la Constitution fédérale à l'enseignement public.

Quant à la partie de l'art. 3 de la Constitution lucernoise qui a donné lieu aux réclamations de quelques membres du Grand Conseil de Lucerne, le Conseil fédéral ne saurait lui attribuer le caractère inconstitutionnel qu'y ont vu les recourans.

En mentionnant à deux reprises les écoles PUBLIQUES et en exigeant pour ces écoles seulement la gratuité et l'absence de tout caractère confessionnel, l'art. 27 de la Constitution fédérale a implicitement reconnu l'enseignement PKIVÉ. Celui-ci existait dans toute la Suisse avec une liberté plus ou moins grande lorsque la Constitution fédérale a été adoptée. Si cette Constitution avait voulu restreindre cette liberté et~""souinettre les écoles privées à la tutelle et à la direction de l'Etat, elle aurait dû nécessairement proclamer une innovation aussi grave, aussi profonde et aussi contraire aux principes généraux du droit public suisse en matière de liberté individuelle. Puisqu'elle ne l'a pas t'ait, c'est qu'elle entend que l'enseignement privé subsiste librement à côté de l'enseignement public.

Quant à l'influence que l'art. 27 doit avoir sur l'enseignement privé, elle ne peut s'exei-cer que sur l'instruction primaire, puisque celle-ci fait seule l'objet d'une disposition imperative dudit article et que l'instruction secondaire ou supérieure reste aux Cantons sous la réserve indiquée au premier alinéa de l'art. 27. La Constitution fédérale a voulu que l'instruction primaire lut partout suffisante.

La Confédération, de même que les Cantons, a dès lors le droit de s'assurer qu'il en est ainsi, et à ce point de vue un droit de contrôle leur appartient sur les écoles primaires même privées.

Quant à la gratuité et à la laïcité, à l'absence de l'élément religieux, ce sont des conditions que les écoles
privées n'ont point à remplir. Le bon sens indique au contraire que, dès le moment que l'élément religieux et confessionnel est banni des écoles publiques, la religion doit pouvoir être enseignée et doit avoir sa place dans des écoles privées, et que certaines écoles privées devront précisément avoir pour but de combler la lacune intentionnelle que le législateur laisse dans l'enseignement public en ce qui tient k la

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religion. Le Conseil fédéral ne pense pas qu'on ait songé à exclure de cet enseignement et de la direction de pareilles écoles privées des instituteurs revêtus d'un caractère religieux.

L'art. 3, 3e alinéa, de la Constitution de Lucerne paraît au Conseil fédéral s'être inspiré de ces principes. D'après ce texte, l'Etat a le droit do s'assurer si les écoles privées du Canton de Lucerne atteignent le but que doivent remplir les écoles primaires publiques, c'est-à-dire si elles donnent à leurs élèves le minimum d'instruction, si elles les font arriver à ce niveau intellectuel que la Constitution fédérale désigne comme suffisant.

C'est tout ce que l'autorité fédérale a le droit de demander.

Si d'ailleurs des cas spéciaux donnaient lieu dans le Canton de Lucerne comme ailleurs à des recours fondés sur la violation de l'art. 27 de la Constitution fédérale, le Conseil fédéral aurait toujours le droit d'examiner si l'application faite de l'art. 3 de 1s Constitution lucernoise est conforme à l'esprit do la Constitution fédérale.

Le Conseil fédéral n'estime pas dès lors que la conclusion de MM. Wapf, Winkler et Steiger puisse être admise dans la forme où elle se présente aujourd'hui, et il ne voit pas de motif pour refuser la sanction fédérale à l'art. 3 de la Constitution lucernoise.

Quant aux autres dispositions de cette Constitution, elles n'ont donné lieu à aucune réclamation, et le Conseil fédéral, après les avoir examinées, pense qu'il y a lieu de leur accorder également la garantie fédérale. 11 est à remarquer spécialement que l'art. 27 réserve expressément les changements qu'une loi fédérale sur le droit de vote introduira dans la Constitution lucernoise sur cette matière, et que ce n'est également que sous cette réserve que le Conseil fédéral admet pour ce qui le concerne le 10e alinéa de l'art. 29, relatif au certificat de jouissance des droits civiques que doit produire un citoyen qui change de domicile politique, et l'art.

88, relatif au droit de voto en matière communale. L'attention du Conseil fédéral s'est aussi portée sur les art. 31, 33 et 34 réglant le mode de révision de la Constitution cantonale. Il a constaté que l'art. 31 exige qu'une demande de révision soit présentée par lemajorité absolue des électeurs inscrits. A teneur de l'article 6, lettre c, de la Constitution fédérale,
et d'après ce que l'Assemblée fédérale elle-même a décidé dans son arrêté du 17 juin 1874 sur la Constitution de Zoug (Ree. off., nouvelle série, I. 44) une pareille disposition n'est pas contraire au droit public fédéral.

Un seul article soulève des doutes : c'est l'art. 9C, qui impose le serment à la Constitution et aux lois à tous les fonctionnaires et employés du Canton de Lucerne. A l'occasion de la loi sur l'or-

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ganisation judiciaire fédérale, art. 19, l'Assemblée fédérale a admis que, en face des dispositions de la Constitution fédérale sur la liberté de conscience et spécialement de l'art. 49 qui statue que nul ne peut être contraint d'accomplir un acte religieux, un serment ne peut plus être imposé, et a décidé qu'en cas de refus de prêter serment, une promesse solennelle pourrait en tenir lieu. Le Conseil fédéral s'est prononcé dans le même sens par un arrêté du 22 janvier 1875 au sujet d'un recours qui lui a été adressé en matière de serment judiciaire, et plus récemment encore à l'occasion du serment au drapeau. Dans ces circonstances, il y a lieu de réserver expressément, en regard de l'art. 96 de la Constitution de Lucerne, les droits que garantit à chaque citoyen l'art. 49 de la Constitution fédérale.

Nous avons en conséquence l'honneur de vous proposer le projet d'arrêté ci-après et nous saisissons cette occasion, Monsieur le Président et Messieurs, pour vous renouveler l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 24 mai 1875.

Au nom du Conseil fédéral, Le Président de la Confédération: SCHERER.

Le Chancelier delà Confédération: SCHIESS.

23 & (Projet.)

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE

de la CONFÉDÉRATION SUISSE, vu le message et le projet d'arrêté du Conseil fédéral sur la Constitution du Canton de Lucerne de l'année 1875, Considérant : que l'art. 96, 2e alinéa, de cette Constitution ne peut porter aucune atteinte à la liberté de conscience et de croyance garantie par l'ar.t. 49 de la Constitution fédérale; que cette Constitution ne renferme d'ailleurs rien de contraire aux dispositions de la Constitution fédérale ; qu'elle assure l'exercice des droits politiques d'après des formes républicaines ; qu'elle a été acceptée par le peuple lucernois et qu'elle peut être révisée lorsque la majorité absolue des citoyens le demande, arrête : Art. 1er. La garantie fédérale est accordée à la Constitution dn Canton de Lucerne de l'année 1875.

Art. 2. Cet arrêté sera communiqué au Conseil fédéral pour l'exécution.

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Message du

Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant un projet de loi fédérale sur la chasse et sur la protection des oiseaux utiles.

(Du 26 mai 1875.)

Monsieur le Président et Messieurs, L'article 25 de la Constitution fédérale est ainsi conçu : « La Confédération a le droit de statuer des dispositions lé« gislatives pour régler l'exercice de la pêche et de la chasse, « principalement en vue de la conservation du gros gibier dans i les montagnes, ainsi que pour protéger les oiseaux utiles à « l'agriculture et à la sylviculture. » Notre Département de l'Intérieur s'est entouré des lumières du nombre nécessaire d'experts de diverses parties de la Suisse et a examiné un projet élaboré par eux. Après avoir pris connaissance de ce projet, qui nous a été présenté par le Département, et l'avoir soumis à un nouvel examen, nous sommes dans le cas de vous présenter le projet de loi ci-annexé. Nous avons également en portefeuille un projet de loi sur la pêche, mais il ne peut encore être soumis à vos délibérations, attendu que les traités à conclure avec les Etats riverains du Rhin et du lac de Constance ne sont pas encore définitifs. Toutefois, les négociations sont assez avancées pour que l'on puisse affirmer dès à présent que cette loi sera présentée dans la session d'hiver.

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Message du Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale relatif à la garantie fédérale à accorder à la nouvelle Constitution du Canton de Lucerne. (Du 24 mai 1875)

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