13.036 Message concernant une disposition constitutionnelle de caractère général sur le service universel du 8 mai 2013

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons trois options de projet d'arrêté fédéral concernant une disposition constitutionnelle de caractère général sur le service universel.

Nous vous proposons simultanément de classer l'intervention parlementaire suivante: 2005

M 05.3232

Disposition constitutionnelle relative à la desserte de base (E 16.6.05, Commission des transports et des télécommunications 04.076; N 6.3.06)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

8 mai 2013

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2012-2120

2991

Condensé La motion 05.3232 demande que l'on fixe les principes du service universel (la «desserte de base») dans un nouvel article constitutionnel de caractère général. Le Conseil fédéral soumet ici à la discussion trois solutions possibles. Il demeure cependant d'avis qu'il serait préférable de renoncer à édicter une disposition et ne propose donc d'adopter aucune de ces trois options. En tout état de cause, le service universel étant une idée générale applicable à une multitude de secteurs, une norme de caractère général à ce sujet sera forcément déclaratoire. Les règles concrètes ne peuvent être que sectorielles.

Contexte Le service universel est d'une importance centrale pour la Suisse. La cohésion géographique et sociale du pays dépend de l'accès de tous aux biens et services répondant aux besoins usuels. Les secteurs fournissant un service universel sont également très importants économiquement.

Tant les domaines concernés que les acteurs impliqués, tant les moyens mis en oeuvre que les biens et prestations relevant du service universel sont très divers. De nombreuses dispositions fédérales constitutionnelles, législatives et règlementaires règlent ce thème, de manière plus ou moins détaillée. Il existe aussi des règlementations cantonales. Dans un certain nombre de domaines, la Constitution donne à la Confédération des compétences qui offrent à cette dernière une grande marge de manoeuvre pour adapter le régime actuel du service universel. De nombreux autres domaines importants relèvent de la compétence des cantons et des communes.

Contenu du projet Les trois options que nous présentons ici sont centrées sur un mandat fait aux collectivités de tous les niveaux de l'Etat de s'engager à promouvoir un service universel suffisant accessible à tous. L'option A se limite à ce mandat.

L'option B le complète par une définition du service universel et une liste des secteurs typiquement pertinents pour le service universel.

L'option C décrit plus précisément les principes matériels du service universel: les biens et les prestations du service universel doivent être accessibles à toute la population de manière continue, dans toutes les régions du pays, et être abordables pour tous. L'offre ne doit pas être développée sans mesure, mais il faut prendre en considération les principes de causalité et
de la couverture des coûts. Les différents principes applicables, en partie antinomiques, doivent être conciliés dans chaque secteur, au cours d'un processus politique.

Quelle que soit la solution choisie, la Constitution formule seulement un mandat aux collectivités, sans obligation de résultat. La disposition ne fonde pas des droits directement invocables à une prestation de l'Etat et ne change rien au partage des compétences entre la Confédération, les cantons et les communes.

2992

Position du Conseil fédéral Le Conseil fédéral considère qu'il n'est pas judicieux d'édicter une nouvelle norme constitutionnelle de caractère général sur le service universel. Il n'est pas possible de formuler des règles concrètes qui s'appliquent de la même manière aux secteurs très divers dans lesquels il existe un service universel. Si l'Assemblée fédérale décidait néanmoins de créer une telle norme, c'est l'option A qui a la préférence du Conseil fédéral.

2993

Message 1

Grandes lignes du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Mandat du Parlement

L'initiative parlementaire 03.465 Maissen Theo «Service public. Desserte de base dans la Constitution» demande l'insertion d'un nouvel article sur «la desserte de base des services publics» dans la Constitution (Cst.)1. La Commission des transports et des télécommunications du Conseil des Etats (CTT-E) a suspendu cette initiative en faveur d'une motion dont elle est elle-même l'auteur (05.3232 «Disposition constitutionnelle relative à la desserte de base»). La motion de la CTT-E reprend expressément les exigences de l'initiative parlementaire, chargeant le Conseil fédéral de présenter à l'Assemblée fédérale un article constitutionnel sur la desserte de base, mais elle précise le mandat sur quelques points. Elle demande un article rédigé en termes généraux n'énumérant pas tous les domaines concernés mais posant au contraire des principes généraux, à l'instar de l'article sur le développement durable (art. 73 Cst.).

La motion suggère au Conseil fédéral de se baser sur son rapport du 23 juin 2004 «Le service public dans le domaine des infrastructures»2 (ci-après «rapport 2004 sur le service public»). Ce n'est possible que dans une certaine mesure car ce rapport ne traite que du domaine des infrastructures, dans les limites des compétences de la Confédération. Or le mandat qui ressort de la motion couvre aussi d'autres secteurs et touche aux domaines de compétence des cantons et des communes.

1.1.2

Etapes parcourues

Dans sa réponse à la motion, le Conseil fédéral a expliqué pourquoi il jugeait inopportun d'inscrire dans la Constitution une norme générale sur le service universel, vu la difficulté qu'il y aurait à trouver une formulation couvrant l'ensemble des domaines concernés.

Les deux conseils ont écarté la proposition du Conseil fédéral et approuvé la motion, puis réaffirmé leur position dans le cadre du rapport 2008 sur les motions et postulats3.

En exécution de cette décision, le Conseil fédéral, tout en exprimant ses doutes, a mené en 2010 une consultation sur un avant-projet qui répondait aux exigences de la motion4.

1 2 3 4

RS 101.

04.076, FF 2004 4309.

09.017: BO E 2009 562, BO N 2009 909; cf. le rapport du Conseil fédéral du 6 mars 2009, FF 2009 1647 1662.

Dossier de consultation à l'adresse www.admin.ch > Documentation > Législation > La procédure de consultation > Procédures de consultation et d'audition terminées > 2010 > Département fédéral de justice et police.

2994

L'avant-projet ayant recueilli une majorité d'avis défavorables au cours de la consultation (14 cantons sur 22, 4 partis politiques sur 7)5, le Conseil fédéral a présenté un rapport proposant le classement de la motion6. Le Conseil national a refusé de la classer le 14 juin 20127; sa décision est définitive8.

La CTT-E avait entretemps donné suite à l'initiative parlementaire Maissen, mais n'avait pas été suivie par son homologue du Conseil national. Après le refus du Conseil national de classer la motion, elle a de nouveau suspendu l'initiative dans l'attente du présent message.

1.1.3

Le terme «service universel»

Contexte sémantique actuel Que convient-il d'entendre par «service universel» («Grundversorgung», «servizio universale»)? Il n'existe pas de définition universellement reconnue de ces termes.

Une profusion d'expressions coexistent d'ailleurs dans ce contexte sémantique: «service public» (cf. le rapport 2004 sur le service public et l'iv. pa. 03.465), «prestations de base» (cf. l'art. 43a, al. 4, Cst.), «desserte de base» (cf. la motion 05.3232), «service universel» (cf. art. 1 LPO9). L'italien connaît «servizio universale» et «servizio pubblico». En allemand, on trouve en concurrence «Grundversorgung» et «Universaldienst». Ces deux dernières langues empruntent aussi au français l'expression «service public».

Terme choisi dans le projet En allemand, on a opté pour le terme de «Grundversorgung», déjà présent aux art. 43a, al. 4, et 92, al. 2, Cst. et dans la législation10. Il exprime bien l'idée essentielle de l'article constitutionnel proposé. En français, le terme choisi ­ «service universel» (cf. art. 92, al. 2, Cst.) ­ est celui qui peut le plus facilement être étendu à tous les domaines concernés. Contrairement à «service public», il peut couvrir des activités autres que celles des entreprises de l'Etat. Le terme de «desserte de base», d'ailleurs vieilli, ne saurait guère s'appliquer qu'à des moyens de transport. Quant à des expressions telles que «(biens et) services de base» ou «service de base», elles véhiculent plutôt la notion d'un strict minimum et expriment moins bien le contenu de cette notion (voir plus bas). Dans «service universel», l'adjectif «universel» exprime l'idée que chacun peut accéder à ces prestations. Par principe, chacun devrait pouvoir bénéficier de ce qui est fondamental, «de base» («grundlegend»), si bien que cette idée se trouve aussi incluse dans le mot «universel». Certes, ce syntagme est utilisé aujourd'hui essentiellement dans le domaine des postes et des télécommunications, mais il semble justifié de l'employer de manière générale, en 5 6 7 8

9 10

Synthèse des résultats de la consultation d'août 2011, ch. 4.1 (note 4).

FF 2012 213 (sur la base de l'art. 122, al. 3, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement, RS 171.10).

12.012: BO N 2012 849.

Art. 122, al. 3, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement, dans sa version publiée dans le RO 2003 3543 en relation avec la disposition transitoire de la modification du 5 octobre 2007, RO 2008 2113.

Loi du 17 décembre 2010 sur la poste, LPO, RS 783.0.

Art. 1, al. 2, de la loi du 30 avril 1997 sur la télécommunication (LTC), RS 784.10; titre de la section 1 du chapitre 2 de la loi du 23 mars 2007 sur l'approvisionnement en électricité, RS 734.7; art. 32, 54 et 62 de l'ordonnance du 27 juin 1995 sur l'assurance-maladie, RS 832.102.

2995

raison des avantages exposés. Quant à l'italien, le terme de «servizio universale», proche du français, présente les mêmes avantages. Il est d'ailleurs déjà utilisé dans un contexte plus large (cf. iv. pa. 03.465 et motion 05.3232).

On notera au passage que la toute nouvelle loi sur la poste utilise cette même triade: Grundversorgung, service universel, servizio universale. Elle est claire, forme un ensemble cohérent et constitue une formule brève et frappante, facile à utiliser.

Certes, l'expression allemande ne met pas l'accent sur le même aspect que les versions française et italienne: par le lexème «Grund», elle souligne le caractère essentiel des biens et services concernés, tandis qu'«universel» et «universale» se réfèrent au fait que ces biens et services sont destinés à tous. Cette légère variation ne doit pas être vue comme un inconvénient mais comme un enrichissement du sens de la disposition. Chacun des termes exprime une des facettes les plus importantes de la notion visée, sans qu'il y ait contradiction entre elles.

En conséquence, les projets présentés prévoient une harmonisation terminologique des dispositions constitutionnelles (art. 43a, al. 4, pour le français et l'italien, art. 92, al. 2, pour l'italien).

Définition Au-delà du choix du terme, il importe de définir matériellement la notion que l'on entend intégrer dans la Constitution. Il s'est avéré impossible de reprendre telles quelles des définitions antérieures.

­

L'initiative parlementaire 03.465 décrit comme suit la notion à régler: «la fourniture, par les services publics, de biens et de services à caractère public à toutes les couches de la population et à toutes les entreprises de l'économie, dans toutes les régions du pays, à un prix abordable». Cette description laisse ouverte une question majeure. Qu'est-ce qu'un bien ou service «à caractère public» (en allemand «spezielles öffentiches Interesse»)?

­

La définition donnée dans le rapport 2004 sur le service public ne se rapporte qu'aux infrastructures. Elle est formulée comme suit: «le service public comprend une offre de services de base de qualité, définis selon des critères politiques, comprenant des biens et des prestations d'infrastructure, accessibles à toutes les catégories de la population et offerts dans toutes les régions du pays à des prix abordables et selon les mêmes principes.» Elle fait par ailleurs de la Grundversorgung (ici «offre de services de base») un des éléments de la définition du service public.

En s'inspirant de ces deux définitions, on peut toutefois circonscrire la matière du futur article constitutionnel.

Le service universel est un objectif qui doit être précisé selon des critères politiques et selon lequel la population doit avoir accès aux biens et services répondant à ses besoins usuels. Pour l'Etat, il a la valeur d'un mandat de promouvoir cet objectif.

Les éléments de cette définition sont par force de nature abstraite et sujets à appréciation. Certaines caractéristiques se dessinent toutefois clairement: ­

Il s'agit d'un mandat général à toutes les collectivités, dans les limites de leurs compétences, et non d'une norme de compétence.

­

La Confédération et les cantons sont tenus d'agir, mais non d'atteindre un état de choses clairement déterminé.

2996

­

Le genre de mesures à prendre n'est pas dicté par la disposition. Il n'est pas possible de déterminer sur un plan général si les forces du marché parviendront plus ou moins, à elles seules, à produire un résultat satisfaisant ou si l'Etat doit prendre des mesures, et lesquelles.

­

Le service universel peut avoir pour objet des biens (eau, denrées alimentaires, médicaments, énergie, etc.) et des services (télécommunications, transports, soins médicaux, etc.) de toute sorte.

­

Le service universel ne porte que sur des biens et services répondant aux besoins usuels de la population. Voilà qui correspond en partie au «caractère public» dont parle l'initiative parlementaire 03.465, et qui exclut les biens et services de luxe ou exclusifs, de même que ceux qui sont utilisés certes par un grand nombre de gens, mais peu souvent (comme l'établissement d'un passeport, prestation qu'il serait difficile en pratique d'offrir sur tout le territoire).

Les besoins usuels de la population recouvrent plus de choses que l'assistance des personnes dans le besoin au sens de l'art. 115 Cst., sans parler de l'aide dans des situations de détresse au sens de l'art. 12 Cst. Le nouvel art. 41a vise à augmenter le bien-être de l'ensemble de la population, tandis que l'art. 115 Cst. s'applique lorsqu'un individu est dans le besoin.

L'art. 12 Cst. statue un droit fondamental à un strict minimum nécessaire pour vivre dans la dignité.

11 12

­

La notion de besoin est également une restriction importante. Elle reflète un autre aspect du «caractère public». Elle exprime le fait qu'il ne faut pas s'attendre à une offre trop particularisée, garantie du moment qu'il existe une demande. L'Etat n'est pas tenu de s'engager en faveur de l'approvisionnement en biens et services qui sont couramment consommés mais qui ne sont pas jugés nécessaires aux yeux de la société. Pour ce qui est de l'eau potable, par exemple, il suffit qu'il fasse en sorte que la population dispose d'une eau du robinet d'origine locale, propre et fraîche, même s'il est usuel de consommer de l'eau minérale des Alpes en bouteille. L'avant-projet mentionnait en conséquence les «biens et prestations de base répondant aux besoins usuels de la population». Certains ayant fait remarquer à juste titre que cette notion ne se distinguait pas clairement de celle de besoins usuels, on y a renoncé à ce stade.

­

L'étendue du service universel doit être déterminée selon des critères politiques pour chaque domaine concerné, critères qui seront fixés par la législation. Elle ne peut pas être définie abstraitement dans la Constitution. L'Etat ne peut pas produire des améliorations pratiques pour la population au travers d'un article de principe applicable de manière générale; il doit pour cela prendre des mesures concrètes (y compris législatives) dans des domaines précis. De plus, il serait infaisable de régler le contenu concret du service universel dans la Constitution, par exemple celui des télécommunications à l'art. 92 Cst.; la loi du 30 avril 1997 sur la télécommunication11 et l'ordonnance du 9 mars 2007 sur les services de télécommunication12 sont d'un échelon législatif plus adapté.

Art. 16 LTC.

RS 784.101.1, art. 15 à 23.

2997

1.1.4

Aperçu de la situation juridique actuelle

Nous exposerons la situation juridique actuelle ­ non seulement au niveau constitutionnel mais à tous les niveaux législatifs ­ à l'aide de trois propositions, chacune illustrée par un survol de quelques modèles assortis d'exemples.

A. Divers types d'acteurs contribuent, dans divers domaines et par divers moyens, à assurer un service universel portant sur tout un éventail de biens et services.

Principaux types d'acteurs: ­

unités de l'administration centrale (pour les routes, offices cantonaux et communaux des travaux publics et Office fédéral des routes);

­

établissements (compagnies communales de distribution de l'électricité, de l'eau et du gaz);

­

sociétés anonymes mixtes (privé/public) et/ou régies par des lois spéciales (CFF, Swisscom, la Poste, compagnies communales de distribution de l'électricité, de l'eau et du gaz);

­

particuliers (individus, par ex. les médecins de famille; entreprises familiales, par ex. les paysans; PME, par ex. les commerçants de détail; entreprises de transport; multinationales).

Moyens d'assurer le service universel (parfois combinés): ­

initiative privée, cadre réglementaire limité essentiellement à des mesures de police (commerce de détail, services financiers);

­

système de concession (concession de service universel dans le domaine des télécommunications, certains transports publics, énergie hydraulique);

­

pilotage de l'offre par un système de commande de prestations (certains transports publics);

­

subventions (transports publics, dans une certaine mesure la construction de logements sociaux);

­

administration de prestation classique, sans concurrence avec le secteur privé, ce dernier réalisant cependant des mandats (routes, approvisionnement en eau, ramassage des ordures);

­

administration de prestation en concurrence avec le secteur privé (dans une certaine mesure la construction de logements sociaux).

Biens et services objets du service universel: ils ne peuvent pas être énumérés exhaustivement. La motion 05.3232 demande d'ailleurs que l'on renonce à l'énumération des domaines concernés. Actuellement, les collectivités de Suisse s'engagent en faveur du service universel notamment dans les domaines suivants: ­

l'approvisionnement en eau potable;

­

l'électricité;

­

l'élimination des déchets et le traitement des eaux usées;

­

les denrées alimentaires;

2998

­

le logement;

­

la formation;

­

les soins médicaux;

­

le transport des personnes et des marchandises au niveau national, régional ou local;

­

la construction de routes;

­

l'envoi et la réception de lettres et de colis;

­

les services de paiement (virements postaux);

­

le téléphone;

­

les connexions Internet;

­

les médias;

­

la culture (théâtre, cinéma, musique, folklore);

­

les infrastructures et manifestations sportives;

­

la sécurité: protection de la vie et de l'intégrité physique des personnes, de la propriété, de l'ordre et de la paix publique, par exemple à travers un bon aménagement de l'espace public et une présence policière.

B. Le service universel est réglé par diverses dispositions de la Constitution et diverses lois et ordonnances, à un degré de détail différent, mais aussi par les législations cantonales.

Cas de figure typiques: ­

pure compétence fédérale, concrétisée par une législation prévoyant essentiellement des mesures de police (par ex. art. 98 Cst., concrétisé par la législation sur la surveillance des banques et des assurances);

­

pure compétence fédérale sans mandat spécifique à la Confédération, concrétisée par une législation contenant le mandat d'assurer un service universel et dérogeant en partie au principe de la liberté économique statué à l'art. 94, al. 1 et 4, Cst. (par ex. art. 87 Cst., concrétisé entre autres par la législation sur les chemins de fer);

­

compétence fédérale avec mandat à la Confédération de veiller à assurer un service universel portant sur certains biens et services (par ex. art. 92 Cst., concrétisé par la législation fédérale sur la poste et les télécommunications);

­

mandat aux cantons dans un domaine relevant de leur compétence (par ex.

art. 62 Cst., concrétisé par la législation scolaire cantonale et le droit intercantonal; art. 57 Cst., qui porte sur un domaine relevant de l'ordre et de la sécurité publics où la compétence originaire appartient aux cantons);

­

matière non mentionnée spécifiquement par la Constitution, dans laquelle le service universel est assuré principalement par le secteur privé, la législation se limitant pour l'essentiel à des mesures de police et émanant de tous les niveaux de l'Etat fédéral (par ex. commerce de détail).

2999

C. La Constitution donne à la Confédération, dans divers domaines, des compétences telles que le législateur fédéral dispose d'une grande marge de manoeuvre pour adapter le régime de service universel. Certains domaines majeurs relèvent cependant de la compétence des cantons et des communes.

Par exemple, le législateur fédéral peut, sur la base de l'art. 92 Cst., étendre ou restreindre comme il l'entend le service universel dans le domaine de la poste et des télécommunications en fonction des circonstances. De même, les législateurs cantonaux et communaux peuvent adapter les modalités de l'élimination des déchets ou bien mettre un terme à l'exploitation des réseaux publics de distribution du gaz (ou les remettre en fonction). Le cadre imposé par la législation fédérale sur la base de l'art. 91 Cst. à l'exploitation de ces réseaux, qui se trouve dans la loi du 4 octobre 1963 sur les installations de transport par conduites et son ordonnance d'exécution13, peut être modifié par le législateur fédéral et par le Conseil fédéral. De manière générale, on constate que pratiquement aucune des mesures qui font l'objet d'un débat ne requiert de modification de la Constitution, parce que les bases constitutionnelles existent déjà.

Il existe néanmoins des domaines dans lesquels la base constitutionnelle fait défaut pour une intervention sur le marché ou pour une offre de biens et de services publics. Que l'on pense notamment aux domaines dans lesquels le service universel est assuré à titre privé tandis que l'Etat se borne à prévoir des mesures de police pour éviter les abus (par ex. le domaine des services financiers, dans la mesure où ils peuvent être compris sous la notion de service universel). Il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas possible ni souhaitable de créer, sous forme d'article constitutionnel général, la base juridique d'une intervention de l'Etat sur le marché de ces biens et services ou de leur production par l'Etat.

1.2

Trois règlementations possibles

Le présent message présente trois règlementations possibles:

13

­

l'option A est un simple mandat adressé aux collectivités à tous les niveaux de l'Etat. Cela évite de nommer des critères sur lesquels tous les acteurs politiques principaux ne s'accordent pas dans le détail. Mais cette disposition aurait un effet d'annonce, comme le souhaite le Parlement au vu de ses délibérations;

­

l'option B comporte, outre le mandat aux collectivités, une définition du service universel. Les éléments de cette définition et les domaines cités à titre d'exemple sont en partie controversés;

­

l'option C tente en outre de poser les grands principes du service universel, généralement reconnus en Suisse. Notamment, elle fixe, avec beaucoup de réserve, des principes de financement. Dans l'ensemble, il n'est pas possible de statuer des règles univoques ni même justiciables. La disposition pourra tout au plus contenir des principes très abstraits, en partie antagonistes. Un équilibre devra donc être trouvé en fonction du domaine d'application, au cours du processus politique. Dans le détail, le contenu et la portée de ces RS 746.1; ordonnance du 2 février 2000 sur les installations de transport par conduites, RS 746.11.

3000

principes sont tous controversés, de même que certains des domaines cités pour exemple.

En décrivant des principes matériels, l'option C accroît le risque de malentendus concernant le caractère programmatoire de la nouvelle disposition.

On a donc explicité ce dernier en extrayant les éléments correspondants de l'article sur les buts sociaux (art. 41), de sorte qu'ils s'appliquent clairement à toute la section.

1.3

Motivation et appréciation du projet

1.3.1

Considérations générales

Une disposition constitutionnelle de caractère général sur le service universel ne peut avoir qu'un contenu programmatoire. Dans la consultation et au cours des débats parlementaires, partisans et adversaires du projet ont confirmé ce point de vue du Conseil fédéral14. Mais les avis divergeaient quant à l'opportunité de créer une disposition de principe sans caractère justiciable. Une majorité des participants à la consultation a émis un avis négatif; de nombreuses critiques et contre-propositions de détail ont été émises (elles seront évoquées au ch. 2, dans le commentaire des projets). Les Chambres fédérales, au contraire, se sont nettement prononcées en faveur de la motion15.

Plusieurs participants à la consultation se sont prononcés sur l'idée d'élaborer une norme de principe très courte, suggérée par le Conseil fédéral dans le rapport explicatif16. Une partie des adversaires et des partisans du projet se sont dit prêts à soutenir cette variante; de plus, certains opposants ont exigé, si le projet devait être poursuivi, qu'il soit au moins formulé succinctement17. Ces déclarations ont poussé le Conseil fédéral à proposer plusieurs options de règlementation.

En décrivant les principes du service universel, dans l'option C, on a veillé à transposer scrupuleusement les exigences de la motion tout en évitant des conséquences juridiques non désirées. La notion de «service universel», au moment où l'on codifie les principes qui la caractérisent, ne trouve pas de consensus sur le plan politique, ainsi que l'a montré la consultation. Si tous pensent que la Suisse doit disposer d'un bon service universel, le problème soulevé par l'option C est qu'il n'est guère possible de trouver un réel dénominateur commun quant à la manière de l'assurer et à son financement. L'iv. pa. Maissen 03.465 et la motion 05.3232 ont pourtant pour objectif déclaré de réaliser un consensus général au niveau constitutionnel.

L'option A satisfait au désir d'inscrire une norme programmatoire dans la Constitution: elle confère au service universel une nouvelle importance, sans comporter d'éléments de détail qui créent la controverse ni susciter l'impression ­ fausse ­ que la norme confère des droits semblables à des droits fondamentaux. L'option B répond aussi à ces considérations mais son contenu est déjà contesté et donc moins propre à réunir le consensus général espéré.

14 15 16 17

Voir notamment BO N 2012 849, intervention Amherd; synthèse des résultats de la consultation, ch. 4.2 et 4.3 (note 4).

05.3232: BO E 2005 658, N 2006 11; 09.017: BO N 2009 909, E 2009 562; 12.012: BO N 2012 849.

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 1.3 (note 4).

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 4.4 (note 4).

3001

Le Conseil fédéral demeure cependant d'avis qu'une norme de caractère général sur le service universel ne saurait répondre aux attentes et n'apporterait pas de gain pratique. Il serait préférable de renoncer à édicter une disposition. Conformément à son mandat, il présente un message au Parlement mais ne lui propose d'adopter aucune des trois options présentées. Si l'Assemblée fédérale décidait néanmoins de créer une telle norme, il accorde sa préférence à l'option A. Le fait qu'elle se limite à un principe concis répond au caractère programmatoire de la disposition.

Indépendamment de l'existence d'une telle norme, le Conseil fédéral observe attentivement l'évolution de tous les secteurs dans lesquels il est pertinent d'assurer un service universel. S'il est nécessaire de prendre des mesures législatives, il le fera.

Au besoin, il proposera des adaptations de la Constitution. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à de telles démarches à l'heure actuelle.

1.3.2

Solutions rejetées

Les solutions exposées ici ont été débattues dans le cadre de la consultation et parfois soutenues par les participants à cette dernière. Elles ont été rejetées pour les raisons que nous exposons ci-dessous.

18

­

Règlementation concrète prévoyant des instruments de régulation déterminés: cette solution n'est pas réalisable dans le cadre d'une disposition générale, car les domaines visés et les actions possibles sont trop hétéroclites. De plus, la motion demande que les domaines ne soient pas énumérés et que l'article soit rédigé en termes généraux. On pourrait certes y inscrire une liste exemplative des instruments de régulation sans les rattacher à des domaines précis, mais cela n'aurait guère de sens.

­

Obligations sectorielles de la Confédération et des cantons d'assurer le service universel dans certains domaines: cette option devrait être examinée séparément pour chaque domaine (voir l'art. 92, al. 2, Cst. et les révisions constitutionnelles en cours mentionnées au ch. 2.6).

­

Article sur le service universel limité aux infrastructures (cf. le rapport 2004 sur le service public): la motion 05.3232 l'exclut puisqu'elle exige un article formulé en termes généraux, sans énumération des domaines concernés. La notion d'infrastructure est assez vague. Les domaines traités dans le rapport 2004 sur le service public en font clairement partie, mais il est usuel de considérer que l'enseignement est un élément de l'infrastructure d'un Etat. La restriction serait donc relativement factice.

­

Transfert de compétences entre la Confédération et les cantons: il faudrait édicter des modifications du chapitre 2 du titre 3 de la Constitution en donnant à la Confédération la faculté ou le mandat d'agir dans de nouveaux domaines. Cette option serait cependant malvenue politiquement; elle saperait la valeur de l'autonomie cantonale, réaffirmée au travers de la RPT18, et les efforts pour éviter les transferts de charges entre les collectivités.

RPT: réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons; voir la modification des art. 5a, 43a, al. 1, 46, al. 3, et 47 Cst., RO 2007 5765.

3002

1.4

Coordination des tâches et des moyens financiers

La relation entre l'ampleur et le coût des tâches concrètes découlant de la garantie du service universel doit être examinée pour chaque domaine. C'est dans la législation sectorielle que les règles détaillées qui découlent de cette analyse ont leur place; il n'est pas possible d'assurer la concordance des tâches à accomplir et des coûts consentis dans un article constitutionnel général. Cela vaut pour les trois options proposées.

1.5

Classement d'interventions parlementaires

Par le présent message, le Conseil fédéral réalise la motion de la CTT-E 05.3232 (voir ch. 1.2). L'initiative parlementaire Maissen 03.465, aujourd'hui en suspens, deviendra obsolète car ses exigences ont été reprises dans la motion.

2

Commentaire des dispositions

2.1

Modifications formelles (titres, art. 41 Cst.)

Il convient d'ajouter une mention du service universel dans les titres précédant les art. 7 et 41 Cst. L'art. 41, aujourd'hui seul article du chap. 3 et donc sans titre, s'intitulera «Buts sociaux» dans les trois projets.

2.2

Option A: simple mandat aux collectivités

L'option A se limite à un mandat général, adressé aux collectivités de tous les niveaux, de s'engager à promouvoir un service universel suffisant accessible à tous, dans les limites de leurs compétences (art. 41a).

Bien que brève, la disposition proposée n'est pas lacunaire. Sous cette forme, la Constitution laisse aux législateurs de tous les échelons de l'Etat le soin de donner au service universel un contenu, soit une définition, des domaines d'application et des principes. Chaque secteur peut être réglé séparément, ce qui permet d'édicter des normes plus concrètes.

Comme les buts sociaux, la norme sur le service universel ne fonde pas de droit directement invocable à des prestations de l'Etat (voir art. 41, al. 4). La collectivité est seulement tenue d'agir.

La disposition ne confère pas non plus de compétence. La précision selon laquelle la Confédération et les cantons agissent «dans les limites de leurs compétences» (par exemple), insérée dans divers articles du chapitre de la Constitution consacré aux compétences19, est sous-entendue. Il n'est pas nécessaire de l'expliciter (comme certains l'ont demandé dans la consultation20) puisque nous sommes ici dans un chapitre consacré à des principes généraux et que cette restriction découle des dispo19 20

Art. 54 à 125 Cst., voir par ex. les art. 57, al. 1, 61a, al. 1, 72, al. 2, et 89, al. 1.

Pour les propositions de modification émises durant la consultation, voir la synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.2 (note 4).

3003

sitions générales sur le partage fédéraliste des compétences. Ce n'est que dans le chapitre «Compétences» qu'il est utile d'éviter toute ambiguïté.

La tournure «en complément de la responsabilité individuelle et de l'initiative privée» (art. 41 Cst.) est également superflue: elle ne ferait que répéter le principe de la subsidiarité, souligné dans la RPT (art. 5a Cst.). Certes, l'art. 41 et plusieurs autres dispositions du chapitre «Compétences» contiennent une clause de subsidiarité.

Mais vu la chronologie des articles considérés, il est clair que l'on ne saurait déduire de l'absence de cette clause à l'art. 41a, proposé ici, que ce dernier déroge au principe de subsidiarité. Quand l'art. 41, le plus ancien, a été édicté, lors de la révision totale de la Constitution de 1999, ce principe n'était pas encore inscrit dans la Constitution. Maintenant qu'il l'est, à l'art. 5a, le préciser serait une répétition inutile: il va de soi que l'initiative privée a la primauté et que l'intervention de l'Etat doit avoir une justification particulière.

Seuls la Confédération et les cantons sont cités; les communes sont comprises dans l'appellation «les cantons», car le partage des tâches entre ces deux échelons de l'Etat fédéral relève du droit cantonal. Il est vrai que la Constitution connaît quelques dérogations à cette manière de faire21, mais étant donné que l'art. 41, dans la même section, ne mentionne que les cantons et sous-entend les communes, il serait illogique de citer ces dernières dans la nouvelle norme.

L'avant-projet envoyé en consultation mentionnait la population comme destinataire du service universel. Or, la suggestion a été faite que l'économie et les entreprises étaient également des bénéficiaires importants du service universel. On pourrait d'ailleurs exiger que soient cités d'autres acteurs tels que les écoles ou les associations. Il faut cependant éviter de compliquer exagérément la norme, si bien que le projet prévoit que le service universel doit être accessible à tous, selon la formule du contre-projet à l'initiative populaire «Oui à la médecine de famille»22. Cela signifie que les prestations du service universel sont accessibles à l'ensemble de la population dans toutes les parties du pays et en temps utile. La formule recouvre donc les dimensions géographique, sociale et
financière. On présentera plus en détail ces trois aspects à propos de l'option C (voir ch. 2.4, commentaire de l'art. 41a, al. 3 et 4).

Bien que la proposition ait été faite, durant la consultation, de prendre comme critère un service universel aussi étendu que possible («möglichst umfassende Grundversorgung»), on parlera de service universel «suffisant», en s'inspirant de l'art. 92, al. 2, Cst. Le service universel consiste en effet à offrir un ensemble fondamental de biens et services (comme l'exprime le terme allemand de Grundversorgung).

L'option A ne contient pas de modification matérielle de l'art. 43a, al. 4, Cst., contrairement à l'option C, qui reprend et développe, dans le nouvel art. 41a Cst., le principe consacré par cette disposition. Une adaptation purement rédactionnelle est cependant opérée dans les versions française et italienne: il s'agit d'unifier la terminologie (voir ch. 1.1.3) en y employant le terme de «service universel» («servizio universale»).

L'adaptation de la version italienne de l'art. 92 a le même but.

21 22

Art. 75b, 89, al. 5, 100, al. 4, 128, al. 2, 129, al. 1, et 134 Cst.

Arrêté fédéral concernant la médecine de base (contreprojet à l'initiative populaire «Oui à la médecine de famille»), 11.062, message: FF 2011 6953 7337; projet d'art. 117a, al. 1, Cst.

3004

2.3

Option B: mandat aux collectivités et définition avec énumération des domaines

L'option B reproduit à l'art. 41a, al. 1, le contenu de l'option A. On se reportera au commentaire de cette dernière.

S'y ajoute, à l'al. 2, une définition de la notion de service universel utilisée à l'al. 1.

Elle correspond aux explications que nous avons données au ch. 1.1.3 (biens et services répondant aux besoins usuels de la population). La disposition cite en outre quelques secteurs typiques dans lesquels les collectivités doivent s'engager à promouvoir le service universel.

Ce complément ne change rien au caractère programmatoire de la disposition. Elle ne fonde pas des droits directement invocables, ne contient pas d'obligation de résultat pour les collectivités, n'exonère pas les particuliers de leur responsabilité et ne change rien au partage des compétences.

La liste des secteurs visés, comme le demande la motion, n'est pas exhaustive. Bien que, selon la définition, la notion de service universel ne soit pas uniquement valable dans les domaines dans lesquels les collectivités apportent une contribution active, c'est le cas de la plupart des exemples énumérés. La formulation («les biens et prestations de services répondant aux besoins usuels, notamment dans les domaines ...») met en relief le fait que tous les biens et services des secteurs mentionnés ne répondent pas aux besoins usuels. Le service universel ne concerne qu'une partie de chaque secteur. Et cette partie est sans cesse redéfinie par le débat politique sur l'opportunité des interventions de l'Etat et sur les mesures à prendre.

Comme on l'a vu au ch. 1.1.4, les exigences du service universel sont remplies, dans chaque domaine, par les moyens les plus divers, selon des configurations différentes de répartition entre le privé et le public. A l'un des bouts du spectre, on trouve l'approvisionnement en eau, en règle générale assuré directement par l'Etat selon une administration de prestation classique. A l'autre bout, les services financiers, par exemple, fournis par le secteur privé (à l'exception du trafic des paiements, que pratique aussi la Poste) et pour lesquels la surveillance de l'Etat se limite à la lutte contre les abus. Le projet ne change en rien cet état de fait.

De nombreux domaines que l'on peut tout à fait considérer comme relevant du service universel ne sont pas cités. Tel est le cas des services financiers.
Une bonne partie des secteurs nommés sont évoqués et réglés parfois en détail dans la Constitution (exemples: la santé23, le logement24, les postes et télécommunications25, la formation26, les médias27, la sécurité28). Mais les omettre dans la définition donnerait une image très lacunaire du service universel en Suisse: on ne pourrait nommer que les secteurs qui ne font pas l'objet d'une compétence fédérale et ne sont concernés par aucune autre disposition constitutionnelle. La mention de secteurs 23 24 25 26 27 28

Art. 10, al. 2, 117 et 118 Cst.

Art. 108 et 109 Cst.

Art. 13, al. 1, et 92 Cst.

Art. 19, 20 et 61a à 67a Cst.

Art. 17 et 93 Cst.

Art. 10, al. 1 et 2, Cst.; art. 57 à 61 Cst.; diverses dispositions en relation avec la sécurité technique dans les sections consacrées à l'environnement et à l'aménagement du territoire, les travaux publics et les transports ou l'énergie et les communications, art. 73 à 93 Cst.

3005

dans le nouvel article ne signifie pas que les dispositions actuelles sont mises au second plan. Si elles s'écartent du nouvel article, elles auront la primauté en tant que normes spéciales.

L'article sur les buts sociaux mentionne des secteurs dans lesquels la notion de service universel est pertinente: la santé, le logement et la formation29. Il couvre des aspects essentiels du service universel dans ces domaines, aussi par le biais d'un mandat de caractère général. Il a cependant paru utile de les citer de nouveau dans la disposition proposée pour éviter que l'énumération ne paraisse lacunaire.

La couverture des besoins vitaux30 peut difficilement être comprise dans les biens et prestations de services; de plus, elle est couverte par l'article sur les buts sociaux (art. 41, al. 1, let. d). L'exigence d'un service universel abordable pour tous soulève des questions similaires, mais nous traiterons ce point à part (art. 41a, al. 3 et 4, de l'option C).

Le maintien des bases de l'existence ne sera pas inclus dans les critères cités.

L'art. 73 Cst. (Développement durable) contient déjà une disposition d'application générale équivalente.

Pour ce qui est du transport des personnes et des marchandises, de l'approvisionnement en eau et en énergie, de l'élimination des déchets et du traitement des eaux usées, il faut noter que le principe actuel, qui veut que les collectivités publiques ne sont pas tenues d'équiper les terrains hors des zones à bâtir31, restera applicable.

Même si l'approvisionnement en eau et le traitement des eaux usées (épuration) sont des domaines proches, souvent gérés par les mêmes entreprises, il s'agit de tâches aux buts différents, qu'on nomme donc séparément dans l'article.

La norme proposée parle de transport des personnes et des marchandises, au lieu de l'expression «transports publics et privés» qu'employait l'avant-projet. Ainsi, il est clair que le transport national de marchandises par rail est inclus, en plus des transports publics et du réseau routier; comme dans tous les secteurs, le constituant et le législateur pourront promouvoir différemment, ou pas du tout, certains modes de transport.

La poste et les télécommunications, mais aussi les médias (radio, télévision, presse et nouveaux médias) pourraient être regroupés sous le terme de «communication», mais
ils sont énumérés pour plus de clarté.

La notion de sécurité pourrait elle aussi être détaillée (protection de la vie, de l'intégrité physique, de la propriété, de la paix publique et de l'ordre, par exemple).

Le terme de sécurité assure cependant un meilleur lien avec l'art. 57 Cst. et avec le titre de section qui le précède.

Le domaine de la culture peut comprendre tant les biens de consommation culturels (les livres) et les représentations (le théâtre ou le cinéma) que des activités culturelles (école du cirque, théâtre amateur, association musicale). Cela ne veut cependant pas dire que l'Etat devra forcément agir dans tous ces domaines sur la base de la nouvelle norme.

29 30 31

Art. 41, al. 1, let. b, e et f, Cst.

Sur les propositions de modification émises durant la consultation, voir la synthèse des résultats de la consultation, en particulier les ch. 5.3 et 5.4 (note 4).

Pour la restriction de l'obligation d'équiper les terrains, voir l'art. 19 de la loi du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire, RS 700.

3006

L'option B, pour la même raison que l'option A, ne contient pas de modification matérielle de l'art. 43a, al. 4, mais uniquement une adaptation terminologique dans les versions française et italienne.

De même, la terminologie est harmonisée en italien à l'art. 92.

2.4

Option C: mandat aux collectivités, définition avec énumération de domaines, principes applicables

Art. 41: modifications formelles (éléments déplacés) Outre les modifications formelles exposées au ch. 2.1, trois éléments de l'art. 41 sur les buts sociaux sont déplacés pour former un nouvel art. 41b, de manière à ce qu'il soit clair qu'ils s'appliquent aussi au nouvel art. 41a sur le service universel. Ce sont: l'expression «en complément de la responsabilité individuelle et de l'initiative privée» (tirée de l'al. 1), et les al. 3 et 4 de l'art. 41. On se reportera au commentaire de l'art. 41b ci-dessous.

Art. 41a, al. 1 et 2: principe et définition avec énumération de domaines Les deux premiers alinéas correspondent à l'option B, à une petite variation près: l'expression «accessible à tous» a été supprimée. Elle ferait en effet double emploi avec les principes détaillés des al. 3 et 4.

Pour le reste, on peut se reporter au commentaire de l'option B.

Art. 41a, al. 3: critères d'appréciation des prestations du service universel L'al. 3 développe les principes énoncés dans l'option B en fixant quelques critères à l'aune desquels il convient de mesurer les efforts visant à optimiser le service universel. Comme le champ d'application de la norme est très vaste et ouvert, il faut choisir un jeu de principes qui s'applique à tous les domaines visés. Ce sont donc des objectifs partiels, qui ne sauraient être compris comme des injonctions absolues mais devront toujours pouvoir être restreints en pratique. Par exemple, si l'on développait l'offre sans limites, les produits ne seraient plus abordables, ou bien les principes de causalité et de la couverture des coûts (al. 4) ne pourraient pas être pris en considération. A chaque échelon de l'Etat fédéral, le législateur devra rechercher constamment un compromis, dans son domaine de compétence, pour trouver des solutions concrètes et financièrement supportables. Du fait de cette relativisation, la différence avec l'option B est bien moins grande, matériellement, que ne pourrait le laisser croire la taille de la disposition. Ni l'une ni l'autre ne permet de se fonder directement sur la Constitution pour prendre des décisions concrètes dans un secteur particulier.

Cette disposition ne fonde pas elle non plus de droits directement invocables, elle ne contient pas d'obligation de résultat pour les collectivités, elle n'exonère pas les particuliers de leur
responsabilité et ne change rien au partage des compétences. Il faut bien noter qu'elle ne va pas plus loin que l'al. 1, elle en explicite seulement certains aspects. De fait, elle s'adresse également aux seules collectivités et ne crée pas d'obligation pour les particuliers.

3007

Les principes cités sont les suivants: a.

Accessibilité à toute la population: le service universel a un aspect social.

Chacun, indépendamment des circonstances de son existence, de son âge, de son état de santé, de son degré de formation, etc., doit avoir le meilleur accès possible aux biens et services couverts par le service universel.

b.

Accessibilité dans toutes les régions du pays: en parallèle à l'aspect social, ce principe reflète la dimension géographique du service universel, en ce sens qu'il s'agit de prendre en compte les régions les plus faibles économiquement et d'inciter les régions mieux placées à faire preuve d'une certaine solidarité. Par exemple, la couverture des régions périphériques peu peuplées par les services postaux revient plus cher par personne que celle des agglomérations. Cependant la législation sur la poste garantit que toutes les régions du pays sont desservies. Comme le service universel est destiné prioritairement à la population résidente et non aux touristes, il ne s'applique guère aux zones touristiques fréquentées de manière principalement saisonnière. Cependant, il est pensable que certains secteurs bien définis, dans la mesure du raisonnable, relèvent du service universel même dans des régions qui ne sont pas habitées toute l'année; ce pourrait être le cas de la connexion de régions reculées aux réseaux de télécommunications32.

c.

Biens et prestations abordables pour tous: l'accès aux biens et aux prestations relevant du service universel ne doit pas être empêché par des obstacles financiers. Diverses mesures peuvent mener à ce but. Par exemple, il est possible de faire baisser les prix, par différents moyens. Dans certains secteurs, l'Etat verse des subventions aux personnes qui ne pourraient pas payer les prix du marché. L'objectif est ici formulé avec retenue afin de tenir compte de la diversité des domaines. La disposition constitutionnelle relative à la poste et aux télécommunications va plutôt plus loin en parlant de «prix raisonnables» (art. 92, al. 2). Celle sur l'approvisionnement énergétique suit une autre approche («économiquement optimal», art. 89, al. 1), ainsi que celle sur l'encouragement de la construction de logements et de l'accession à la propriété (art. 108, al. 2, où l'on parle de rationalisation et d'abaissement du coût). Etant donné le caractère général de la nouvelle disposition sur le service universel, les règles spéciales priment.

Bien entendu, toutes les interventions de l'Etat touchant des droits ou des mécanismes du marché (par ex. des prescriptions sur les prix) doivent reposer sur des dispositions au niveau constitutionnel et législatif. La nouvelle norme n'offre pas de telle base juridique. Les possibilités des collectivités concernant la détermination des prix sont donc en particulier très limitées dans les domaines dans lesquels il n'existe que les bases juridiques de mesures de police.

d.

32

Continuité: les biens et services sont disponibles de manière continue lorsque l'offre n'est pas sporadique, saisonnière ou proposée selon un horaire qui ne correspond pas aux besoins des bénéficiaires. Le rapport 2004 sur le service public postule, au chapitre de la continuité, que les prestations doi-

Voir l'art. 18 de l'ordonnance du 9 mars 2007 sur les services de télécommunication (RS 784.101.1) et l'ordonnance du DETEC du 15 décembre 1997 sur les raccordements de télécommunication situés hors des zones habitées (RS 784.101.12).

3008

vent être fournies «sans interruption». La disponibilité continue prévue par le projet couvre un certain nombre de critères temporels, qui varient en fonction du domaine. Le service universel devra être assuré toute l'année, par exemple, et non uniquement pendant la saison touristique; l'offre devra être relativement stable d'une année à l'autre, et être accessible à des heures qui correspondent aux besoins des bénéficiaires. Cela ne veut pas dire que les régions touristiques doivent profiter des mêmes prestations hors saison que pendant la saison touristique (en alimentation, en prestations médicales, etc.). Le sens est plutôt que la population résidente puisse aussi bénéficier hors saison des prestations répondant aux besoins usuels (voir ch. 1.1.3, définition du service universel). Cela peut impliquer des trajets plus longs que pendant la saison touristique.

L'élément «dans une mesure comparable» qui se trouve à l'art. 43a, al. 4, Cst. n'est pas repris ici. Il découle tout naturellement du principe général de l'égalité de traitement (art. 8, al. 1, Cst.). Pour l'essentiel, il ressort de la disponibilité dans toutes les régions du pays et pour toute la population (voir points a et b ci-dessus).

Le projet ne cite plus la qualité33, contrairement à l'avant-projet. Difficile à cerner, cette notion va de soi.

La norme générale sur le développement durable (art. 73 Cst.) rend inutile de citer ici la durabilité de la fourniture des biens et des prestations du service universel.

Idem pour la suggestion de préciser qu'ils doivent être fournis dans des conditions de travail acceptables sur le plan social; cet aspect est inclus dans les buts sociaux (art. 41 Cst.).

Il va de soi que le service universel sera adapté à l'évolution économique, sociétale et technologique. Les critères cités sont ouverts et doivent toujours être lus à la lumière du contexte actuel.

L'avant-projet nommait dans les critères des prix établis selon des principes uniformes. Ce point est remplacé par l'al. 4.

Art. 41a, al. 4: financement du service universel L'al. 3 aborde la dimension financière du service universel du point de vue des bénéficiaires (biens et prestations abordables pour tous). Les principes cités à l'al. 4 (principes de causalité et de la couverture des coûts) en sont le pendant.

Comme l'al. 3, l'al. 4 ne
fait que préciser les principes énoncés à l'al. 1 et s'adresse uniquement aux collectivités.

Le principe de causalité détermine qui doit participer au financement des coûts. Le principe de la couverture des coûts le complète en fixant une valeur idéale concernant le montant des coûts ainsi répercutés. Ces principes ne peuvent pas être considérés de manière indépendante, ils doivent être pris en considération de manière appropriée dans l'ensemble des critères à respecter (voir la remarque introductive du commentaire de l'al. 3).

33

Pour les propositions émises durant la consultation, voir la synthèse des résultats de la consultation, en particulier ch. 5.5 (note 4).

3009

Notons encore que les solutions trouvées pour assurer le financement des mesures sont très différentes d'un secteur à l'autre. Dans certains domaines, l'offre est entièrement financée par les prix payés par les utilisateurs (approvisionnement électrique par ex.), tandis que dans d'autres, le service universel est financé de manière globale par les contribuables. C'est le cas de l'enseignement primaire (voir art. 19 et 62, al. 2, Cst.). Il arrive aussi que, dans les domaines qui sont financés par les prix, l'on recoure à des financements croisés pour couvrir l'approvisionnement des régions périphériques. Le choix de couvrir les coûts par d'autres moyens que le prix payé par les bénéficiaires ou par d'autres mécanismes est toujours une décision politique.

Cela signifie que les mécanismes de financement actuels, très divers, ne seraient pas incompatibles avec la nouvelle norme.

Art. 41b: réalisation des buts sociaux et du service universel Cet article fixe quelques principes à respecter dans la réalisation tant des buts sociaux que du service universel. La formulation souligne le caractère programmatoire, non justiciable, de la norme. Le titre de l'article s'inspire de celui de l'art. 35 Cst. (réalisation des droits fondamentaux). Les dispositions sont reprises sans changement matériel de l'art. 41 Cst.

Cette systématique souligne le fait que les principes s'appliquent au service universel, ce qui est utile dans l'option C vu que celle-ci précise, bien plus que les autres options, les critères à l'aune desquels le service universel doit être mesuré. Il ne peut ainsi pas y avoir de malentendu quant au caractère programmatoire de l'art. 41a.

L'al. 1 regroupe le principe de subsidiarité tiré de l'art. 41, al. 1, Cst. («en complément de la responsabilité individuelle et de l'initiative privée») et le contenu de l'art. 41, al. 3, Cst., qui précise que la disposition ne modifie pas le partage fédéral des compétences et que les activités de l'Etat ne dépassent pas le cadre des moyens financiers disponibles.

L'al. 2 correspond à l'art. 41, al. 4, Cst., selon lequel aucun droit subjectif à des prestations de l'Etat ne peut être déduit directement des buts sociaux.

Art. 43a, al. 4: remplacement de la disposition actuelle par une référence Il convient de remplacer l'art. 43a, al. 4, Cst. (adopté il y a
quelques années à peine34) par une référence au nouvel article sur le service universel, pour éviter la coexistence de deux dispositions générales sur le même sujet. Sa suppression pure et simple n'est pas indiquée car elle éveillerait l'impression que l'on supprime un des principes applicables lors de l'attribution et de l'accomplissement des tâches étatiques. Or tel n'est pas le cas puisqu'au contraire ce principe est détaillé et complété.

La terminologie est unifiée dans les versions française et italienne («service universel», «servizio universale»).

Art. 92, al. 2, 1re phrase Ici aussi, la terminologie est harmonisée en italien.

34

Dans le cadre de la RPT, RO 2007 5765.

3010

2.5

Dispositions sectorielles: aucune modification

Il n'est pas nécessaire d'adapter ou d'abroger les dispositions sectorielles: la systématique de la Constitution montre clairement que le nouvel article est de portée générale. Il traduit le consensus de base sur l'idée de service universel. Les dispositions sectorielles peuvent aller plus loin ou y déroger. Illustrons la relation entre l'article général et les dispositions sectorielles par quelques exemples.

L'art. 57 Cst. enjoint à la Confédération et aux cantons de pourvoir à la sécurité du pays et à la protection de la population dans les limites de leurs compétences respectives. Quant à l'ordre et à la sécurité publics, la compétence appartient fondamentalement aux cantons, bien que la Confédération ait plusieurs compétences dans le domaine de la sécurité technique. L'obligation postulée dans cet article va plus loin que la nouvelle norme proposée, car il ne s'agit pas seulement d'une obligation d'agir («s'engagent à ...») mais d'une obligation de pourvoir à la réalisation de l'objectif formulé (sécurité du pays et protection de la population). Cette situation ne doit pas être modifiée.

Aux art. 61a à 66 Cst. se trouvent diverses dispositions enjoignant à la Confédération et aux cantons d'agir dans divers domaines de la formation, par différents moyens. Ceci peut être considéré comme un aspect du service universel. Ces règles sont cependant bien plus spécifiques que le nouvel article général et vont bien plus loin sous divers angles. Elles peuvent donc être maintenues. Notons que le nouvel article ne peut pas restreindre le droit (fondamental) à un enseignement de base suffisant et gratuit (art. 19 Cst.): les principes de causalité et de la couverture des coûts (option C, art. 41a, al. 4) ne peuvent pas être appliqués à l'enseignement de base.

L'art. 89 Cst. (et en particulier son al. 1) va en partie dans la même direction que le projet, dans le domaine de l'approvisionnement énergétique. Il ne se limite cependant pas à l'aspect du service universel mais formule un certain nombre d'autres objectifs comme la diversité et la sécurité de l'approvisionnement, ou encore le respect de l'environnement. Il peut donc être conservé tel quel.

Il ne faut pas non plus modifier ni abroger l'art. 92, al. 2, Cst., qui ordonne à la Confédération de veiller à ce qu'un service universel suffisant en matière
de services postaux et de télécommunications soit assuré, car il va plus loin que le projet sur deux points: il s'adresse non pas à toutes les collectivités mais, concrètement, à la seule Confédération; celle-ci n'est pas simplement tenue d'agir mais aussi d'obtenir un résultat («veille à ...»).

L'art. 102 Cst. (approvisionnement du pays) ne doit pas être modifié. Les principes prévus par le projet s'appliquent en temps d'approvisionnement normal, tandis que l'art. 102 Cst. vise des temps de nécessité ou de pénurie (voir le ch. 4.2 sur la protection des infrastructures critiques), dans lesquels la Confédération doit assurer la disponibilité des biens et services de première nécessité. En cas de problème d'approvisionnement, elle doit intervenir temporairement sur le marché, par des mesures ciblées, pour combler les lacunes de l'offre. A cette fin, elle peut au besoin déroger au principe de la liberté économique (art. 102, al. 2, et 94, al. 1 et 4, Cst.).

L'article général sur le service universel s'adresse au contraire à toutes les collectivités et ne porte pas sur une obligation de résultat mais sur une obligation d'agir; de plus, il ne permet pas de déroger au principe de la liberté économique.

3011

2.6

Coordination avec d'autres révisions de la Constitution

Le délai imparti pour la récolte des signatures concernant l'initiative populaire «En faveur du service public» expire le 28 août 201335. L'initiative prévoit un nouvel art. 43b Cst. Elle s'articule autour de l'idée que la Confédération ne vise pas de but lucratif «dans le domaine des prestations de base» (il est bien question de Grundversorgung en allemand) et ne procède à aucun subventionnement croisé au profit d'autres secteurs de l'administration (al. 1). Par ailleurs, elle statue que les salaires et les honoraires versés aux collaborateurs des entreprises actives dans le domaine des prestations de base ne soient pas supérieurs à ceux versés aux collaborateurs de l'administration fédérale (al. 2, 2e phrase). Ces règles sont destinées à s'appliquer non seulement aux entreprises que la Confédération contrôle par une participation majoritaire, mais aussi à celles qui accomplissent des tâches légales pour son compte dans le domaine des prestations de base (al. 2, 1re phrase). Enfin, la loi doit régler les modalités et notamment assurer la transparence des coûts et de l'emploi des recettes dans le domaine considéré (al. 3). On constate que les auteurs de l'initiative poursuivent une autre approche que les projets présentés ici. Il ne s'agit pas de définir dans la Constitution un consensus sur le service universel en général. La démarche consiste plutôt à choisir certains aspects financiers de ce dernier et à les régler de manière relativement concrète. Quant au champ d'application, seul le domaine relevant de la Confédération est abordé; les mesures prises par les cantons en faveur du service universel sont laissées de côté. Les entreprises privées ne sont concernées que si elles ont reçu de la Confédération le mandat de fournir des prestations de base. Les projets présentés ici ne sont pas incompatibles, juridiquement, avec l'adoption d'une telle disposition spéciale, au domaine d'application relativement étroit, et dont les règles vont plus loin que l'énoncé à caractère général desdits projets. Si l'initiative populaire aboutit, l'Assemblée fédérale pourra décider si elle veut faire d'un de ces derniers un contreprojet direct. Il est incontestable qu'il existe un lien matériel entre les deux.

La motion 12.3013 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national
charge le Conseil fédéral d'élaborer une loi-cadre sur l'aide sociale comparable à la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales36. Cela implique que la Constitution attribue au législateur fédéral une nouvelle compétence. L'aide sociale sert à couvrir les besoins vitaux et correspond à un standard moins élevé que le service universel. Un éventuel article constitutionnel habilitant la Confédération à édicter des principes dans le domaine de l'aide sociale ne devrait donc pas se recouper avec les dispositions proposées ici.

L'arrêté fédéral portant règlement du financement et de l'aménagement de l'infrastructure ferroviaire (FAIF) est en cours de délibérations au Parlement37. Le projet du Conseil fédéral contient une nouvelle disposition constitutionnelle statuant que la Confédération et les cantons veillent à ce qu'une offre de prestations suffisante de transports publics soit proposée (art. 81a, al. 1). Il va plus loin que la disposition à caractère général présentée ici. Il oblige les collectivités à veiller à une offre suffi35 36 37

Décision de la Chancellerie fédérale du 14 février 2012 faisant suite à l'examen préliminaire de l'initiative populaire «En faveur du service public», FF 2012 1343.

Loi fédérale du 6 octobre 2002 sur la partie générale du droit des assurances sociales, RS 830.1.

12.016; message: FF 2012 1371.

3012

sante, c'est-à-dire qu'elles sont tenues à un résultat. De plus, il contient des règles de financement plus précises. Par ailleurs, le projet FAIF a un champ d'application plus restreint: il se limite aux transports publics, sans couvrir tout le domaine des transports. La relation entre la disposition générale et les dispositions spéciales est la même que ce que nous avons exposé concernant le service universel: la règle générale s'applique en plus de la règle sectorielle, à moins que celle-ci ne s'en écarte (voir ch. 2.5).

La relation entre disposition générale et dispositions spéciales s'applique également dans le cas du contre-projet à l'initiative populaire «Oui à la médecine de famille»38, aussi en cours d'examen par le Parlement. La norme énonce un mandat général en faveur de la médecine de base, suivant des idées similaires à celles qui animent le présent projet. Mais elle contient aussi des dispositions ayant des conséquences juridiques concrètes, en particulier une attribution de compétence à la Confédération39. Tel n'est pas le cas de l'article sur le service universel.

3

Conséquences

Quelle que soit l'option choisie, un article constitutionnel général sur le service universel n'aurait pas de conséquences directes de nature économique ou sociale.

Comme c'est le cas des buts sociaux (art. 41 Cst.), il ne fonderait pas de droits directement invocables à des prestations de l'Etat. La première phrase de la disposition (la seule, dans l'option A) obligerait certes les collectivités à s'engager en faveur du service universel. Mais elles ne seraient pas tenues d'adapter aussitôt la législation. Comme aujourd'hui, seules les dispositions sectorielles de la Constitution contiendraient des indications concrètes sur la réalisation des buts visés.

La portée de la nouvelle norme serait principalement symbolique et politique.

Sur le plan stylistique, cela se traduit par l'expression «la Confédération et les cantons s'engagent à promouvoir ...», présente dans les trois projets présentés. La place de la norme, parallèle aux buts sociaux, le confirme. Dans l'option C, le déplacement d'éléments de l'art. 41 vers le nouvel art. 41b souligne encore ce fait. Mais si c'est dans cette dernière version que le caractère programmatoire est le plus patent, tant la formulation que la systématique des autres options ne laissent aucun doute.

Le caractère abordable pour tous, le principe de causalité et celui de la couverture des coûts n'auront pas non plus en soi d'incidences financières. Dans de nombreux cas, il existe une certaine antinomie entre la première de ces exigences et les deux dernières, et un équilibre doit être trouvé dans chaque secteur. La nouvelle norme exprime cet état de fait en obligeant les collectivités (seulement) à s'engager à promouvoir le service universel et en leur demandant de prendre en considération les principes de causalité et de la couverture des coûts.

Il faut souligner qu'une accumulation de dispositions vagues, à caractère programmatoire, pourrait finir par affaiblir la portée de la Constitution fédérale en tant qu'instrument fondamental régissant les mécanismes de notre Etat.

38 39

11.062; message: FF 2011 6953 7337.

Art. 117a, al. 2 et 3, du contre-projet.

3013

Lors de la consultation, certains ont de plus exprimé le souci que la nouvelle norme ne suscite des attentes inappropriées envers l'Etat.

4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

4.1

Relation avec le programme de la législature

Ce projet n'est annoncé ni dans le message du 25 janvier 2012 sur le programme de la législature 2011 à 201540 ni dans l'arrêté fédéral du 15 juin 2012 du même nom41.

Il est nécessaire pour réaliser la motion de la CTT-E 05.3232.

4.2

Relation avec la stratégie nationale pour la protection des infrastructures critiques

Le Conseil fédéral a adopté une stratégie nationale pour la protection des infrastructures critiques en été 201242. Les infrastructures critiques sont des infrastructures qui garantissent la disponibilité de biens et de services d'importance capitale, comme l'énergie, la communication ou les transports. Leurs défaillances de grande ampleur géographique ont des conséquences graves sur la population et l'économie. La protection des infrastructures critiques couvre une partie non négligeable des domaines concernés par le service universel. Toutefois, le service universel a pour objet un fonctionnement normal, tandis que la protection des infrastructures critiques s'applique en cas de dysfonctionnement ou d'agression et vise à éviter des pannes graves de grande ampleur géographique. La fourniture de biens et de services sur tout le territoire, jusque dans les régions périphériques, n'est pas un objectif de la protection des infrastructures critiques. A l'inverse, le service universel dépend d'un fonctionnement sans défaillance.

5

Aspects juridiques

5.1

Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse

Il y a lieu de tenir compte, dans la législation concernant les instruments concrets du service universel, des engagements internationaux de la Suisse, notamment le droit international de la concurrence et du commerce (élimination des barrières commerciales, interdiction des aides étatiques, etc.) ou les principes de non-discrimination en faveur des étrangers, contenus par exemple dans les traités bilatéraux avec l'UE.

Le Pacte I de l'ONU43 contient en outre une série de dispositions qui vont dans la même direction que le projet; il n'existe aucun conflit entre ces deux textes.

40 41 42 43

FF 2012 349.

FF 2012 6667.

FF 2012 7173.

Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, RS 0.103.1.

3014

5.2

Forme de l'acte à adopter

La motion prescrit la forme d'une révision de la Constitution. Il est possible d'intégrer dans celle-ci des principes de nature programmatoire; il n'est cependant pas nécessaire de le faire sur le plan juridique.

Toute révision de la Constitution est soumise au vote du peuple et des cantons sous la forme d'un arrêté fédéral (art. 23 de la loi du 13 décembre 2002 sur le parlement44).

5.3

Frein aux dépenses et conformité à la loi sur les subventions

L'article constitutionnel proposé, purement programmatoire, n'a pas de conséquences financières directes, dans aucune option. Ni le frein aux dépenses, ni la loi sur les subventions ne sont concernés.

5.4

Délégation de compétences législatives

Le projet ne prévoit pas de modification du partage des compétences actuel. En particulier, il ne prévoit pas de nouvelle compétence législative pour la Confédération ni de compétence d'édicter des ordonnances pour le Conseil fédéral.

44

RS 171.10.

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