09.503 Initiative parlementaire Supprimer les droits de timbre par étapes et créer des emplois Rapport de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national du 12 novembre 2012

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi fédérale sur les droits de timbre visant à supprimer le droit de timbre sur l'émission des titres suisses suivants: les actions, les parts sociales de sociétés à responsabilité limitée et de sociétés coopératives, les bons de participation ainsi que les bons de jouissance. Le projet est transmis simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

12 novembre 2012

Pour la commission: Le président, Christophe Darbellay

2012-3006

1005

Condensé Après que les Chambres fédérales ont décidé, dans le cadre du projet «too big to fail», de supprimer le droit de timbre d'émission sur le capital étranger, le présent projet doit permettre d'abolir ce droit sur le capital propre.

Le droit de timbre d'émission sur le capital propre a pour objet l'émission et l'augmentation, à titre onéreux ou gratuit, de la valeur nominale de droits de participation suisses. Ces derniers peuvent prendre la forme d'actions, de parts sociales de sociétés à responsabilité limitée, de parts sociales de sociétés coopératives, ainsi que de bons de jouissance et de bons de participation de sociétés ou de sociétés coopératives suisses. Le droit de timbre d'émission est donc dû notamment en cas de fondation ou d'augmentation du capital d'une société.

Le droit d'émission sur les droits de participation s'élève à 1 % et se calcule sur le montant reçu par la société en contrepartie des droits de participation, mais au moins sur la valeur nominale.

Le droit de timbre d'émission sur le capital propre nuit à l'attrait et à l'efficience de la place économique suisse. L'abolition de ce droit de timbre aurait par conséquent des effets plutôt positifs sur la croissance.

La suppression du droit de timbre d'émission sur le capital propre entraînerait pour la Confédération des pertes fiscales de l'ordre de 240 millions de francs. Les cantons et les communes ne seraient par contre pas affectés par cette mesure. L'effet de croissance généré par l'abolition du droit d'émission sur le capital propre devrait permettre de compenser, sur le long terme, une partie des pertes.

1006

Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Initiative parlementaire «Supprimer les droits de timbre par étapes et créer des emplois» (09.503)

1.1.1

Objectif de l'initiative

L'initiative visée en titre, déposée le 10 décembre 2009, charge le Conseil fédéral de supprimer graduellement les droits de timbre. L'abrogation des dispositions concernées devrait se faire en trois étapes. Concrètement, la loi fédérale du 27 juin 1973 sur les droits de timbre (LT) devrait être complétée par les dispositions transitoires suivantes: 1.

Les dispositions relatives au droit de timbre d'émission selon les art. 5 et 5a ss. sont abrogées le 1er janvier 2011.

2.

Les dispositions relatives au droit de timbre sur les primes d'assurance selon les art. 21 ss. sont abrogées le 1er janvier 2011.

3.

Les dispositions relatives au droit de timbre de négociation selon les art. 13 ss. sont abrogées le 1er janvier 2016. Toute la loi fédérale sur les droits de timbre sera abrogée à cette date.

Dans son développement, l'auteur de l'initiative estime que les droits de timbre constituent un handicap concurrentiel pesant pour la place financière suisse ainsi que pour l'ensemble de l'économie suisse: les supprimer améliorerait l'attractivité de la place financière suisse et renforcerait la compétitivité de la Suisse sur le plan international. Cela permettrait de donner un nouvel élan à la croissance, de ramener en Suisse les affaires ayant émigré sous d'autres cieux et de créer et maintenir des emplois.

1.1.2

Examen préalable de l'initiative parlementaire

La Commission de l'économie et des redevances du Conseil national (CER-N) a entamé l'examen préalable de l'initiative le 23 novembre 2010. Par 12 voix contre 11 et 1 abstention, elle a décidé d'y donner suite. La Commission de l'économie et des redevances du Conseil des États (CER-E) s'est ralliée à cette décision le 4 avril 2011 par 5 voix contre 4 et 3 abstentions. La CER-N a donc le mandat de préparer un projet (art. 111 al. 1 LParl).

1.1.3

Deuxième phase d'examen de l'initiative parlementaire

À ses séances des 30 août et 8 novembre 2011, la CER-N a examiné l'initiative et débattu de la suite à donner à l'initiative. Elle a notamment approuvé, par 12 voix contre 6, une proposition comprenant les points suivants:

1007

1.

Le point 1 de l'initiative, qui concerne la suppression du droit de timbre d'émission, doit faire l'objet d'un examen par la commission. La suppression du droit d'émission sur le capital étranger ayant déjà été adoptée par le Parlement à la session d'automne 2011 dans le cadre du projet «too big to fail», seule l'abolition du droit d'émission sur le capital propre doit encore être examinée.

2.

La commission n'étant pas encore en mesure de prendre une décision, le traitement des points 2 (suppression du droit de timbre sur les primes d'assurance) et 3 (suppression du droit de timbre de négociation) de l'initiative est confié à une sous-commission. Pour ce qui est de la mise en oeuvre des points 2 et 3, un projet ainsi qu'un rapport complémentaire devraient être soumis ultérieurement au conseil (dans un délai de 2 ans, conformément à l'art. 111, al. 1, LParl).

À sa séance du 10 janvier 2012, la CER-N est entrée en matière, par 14 voix contre 7 et 2 abstentions, sur l'avant-projet relatif au point 1, avant-projet qu'elle a ensuite adopté par 14 voix contre 6 et 2 abstentions. Par ailleurs, la commission a décidé d'organiser une procédure de consultation parmi les milieux concernés.

La procédure de consultation a eu lieu du 7 février 2012 au 10 mai 2012. Au total, 43 avis ont été exprimés (cf. chap. 2.3). Après s'être penchée sur les résultats de cette consultation, la commission a décidé, par 17 voix contre 7, de soumettre au conseil le projet qui avait été mis en consultation. Une minorité rejette l'ensemble du projet et propose de ne pas entrer en matière.

1.2

Évolution du cadre juridique dans le domaine du droit de timbre d'émission

1.2.1

Droits de timbre jusqu'en 1972

Le droit de timbre avait pris place aux 17e et 18e siècles dans les pays commercialement forts (Hollande, Angleterre, France) avec le développement du trafic commercial et monétaire.

En 1916, sous la pression financière due à la première guerre mondiale, le Conseil fédéral a soumis au Parlement un message sur l'introduction d'un article constitutionnel (art. 41bis aCst [correspond à l'art. 132, al. 1, Cst]) concernant l'introduction d'un droit de timbre au niveau fédéral (FF 1916 540). Après la votation populaire du 13 mai 1917, le Parlement a édicté la loi fédérale sur les droits de timbre le 4 octobre 1917. Ce nouvel article constitutionnel a privé les cantons du droit d'imposer les titres imposés ou exonérés par la Confédération. Pour la perte de leur droit, les cantons ont reçu une part de 20 % au produit total des droits de timbre.

1.2.2

Droits de timbre depuis 1973

Révision partielle 1978: cette révision a servi surtout à augmenter les taux des droits de timbre. Le droit d'émission a été porté de 2 à 3 % et le droit de négociation de 1 à 1,5 sur les papiers-valeurs suisses et de 2 à 3 sur les papiers-valeurs étrangers.

Le droit d'émission sur les parts à des fonds de placement suisses a été porté de 0,6 à 0,9 %.

1008

Révision partielle 1985: la disposition selon laquelle un cinquième du produit des droits de timbre revenait aux cantons a été abrogée à la suite de la votation populaire du 9 juin 1985 (arrêté fédéral portant suppression de la quote-part des cantons au produit net des droits de timbre).

Révision partielle 1993: le droit d'émission sur les parts à des fonds de placement suisses a été supprimé le 1er avril 1993 et les restructurations (fusions, scissions et transformations) ont été exonérées du droit d'émission. À titre de compensation, le droit d'émission a été réintroduit sur les obligations d'emprunt et les obligations de caisse suisses. Pour les obligations, le taux était de 1,2 par année de leur durée et, pour les obligations de caisse, de 0,6 par année de leur durée. En outre, un droit d'émission de 0,6 calculé au pro rata temporis a été introduit sur les papiers monétaires suisses.

Révision partielle 1996: le droit d'émission sur les droits de participation a été abaissé de 3 à 2 % le 1er janvier 1996. En outre, une franchise de 250 000 francs sur le droit d'émission dû à la fondation d'une société de capitaux a été introduite.

Révision partielle 1997: dans le cadre de la réforme de l'imposition des sociétés en 1997, le droit d'émission sur les droits de participation a été abaissé de 2 à 1 %. La franchise de 250 000 francs a été étendue aux augmentations de capital.

Révision partielle 2004: la loi fédérale sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine a introduit les exonérations suivantes en matière de droit d'émission avec effet à partir du 1er juillet 2004: le droit d'émission n'est perçu que sur la valeur nominale des nouveaux droits de participation émis ou augmentés dans le cadre de l'exécution d'une décision de fusion, de scission ou de transformation d'entreprises individuelles, de sociétés commerciales sans personnalité juridique, d'associations, de fondations ou d'établissements de droit public, pour autant que ces sujets de droit existaient depuis cinq ans au moins.

Révision partielle 2005: dans son message du 18 août 2004, le Conseil fédéral a proposé au Parlement de confirmer sans changement la part du train de mesures fiscales 2001, rejeté en votation populaire le 16 mai 2004, concernant les droits de timbre afin de remplacer le droit urgent
concernant le droit de négociation limité jusqu'à fin 2005. Ces mesures concernant le droit de négociation comprennent une disposition étrangère à cette matière, à savoir l'augmentation de la franchise de 250 000 francs à un million de francs pour calculer le droit d'émission en cas de fondation d'une société de capitaux ou d'augmentation ultérieure du capital. Le Parlement a approuvé ce projet (droit de négociation et droit d'émission) au cours de sa session de printemps 2005. Pour ce qui est du droit d'émission, la diminution des recettes était de l'ordre de 30 millions de francs par an. Le référendum lancé contre ce projet a avorté prématurément, si bien que la révision est entrée en vigueur le 1er janvier 2006.

1.2.3

Droits de timbre de la Principauté du Liechtenstein

En vertu de l'arrêté fédéral concernant l'approbation du traité du 29 mars 1923 entre la Confédération suisse et la Principauté de Liechtenstein sur l'intégration de la Principauté de Liechtenstein au territoire douanier suisse, la loi fédérale sur les droits de timbre s'applique également dans la Principauté de Liechtenstein. D'après ce traité, l'Administration fédérale des contributions tient un compte particulier et 1009

décompte ces recettes tous les ans avec le gouvernement de la Principauté. La part de la Confédération pour la couverture des frais d'administration a été modifiée plusieurs fois au cours des années. La réglementation actuelle stipule que la Confédération a droit à un pour cent des recettes et à un montant forfaitaire de 30 000 francs. Dans les comptes 2010 de la Confédération, la rémunération encaissée à ce titre se monte à 591 200 francs. Environ 13 000 francs proviennent du droit de timbre d'émission sur le capital propre.

1.3

Produit du droit de timbre sur le capital propre

1.3.1

Produit en faveur de la Confédération

Le schéma ci-dessous montre que les recettes issues du droit de timbre d'émission sur le capital propre varient fortement: sur les dix dernières années, un plancher de 120 millions de francs a été atteint en 2005 alors qu'un pic de 375 millions de francs a été réalisé en 2001. En moyenne, il faut compter sur des recettes annuelles de quelque 240 millions de francs. Pour plus des deux tiers, le droit de timbre d'émission sur les droits de participation provient de grandes sociétés dont les droits de participation sont supérieurs à 50 millions de francs. En raison de la franchise de 1 million de francs, les sociétés de capitaux moins importantes ne paient déjà aucun droit de timbre.

Recettes issues du droit de timbre d'émission sur le capital propre entre 2001 et 2010 (en millions de francs)

1010

1.3.2

Produit en faveur de la Principauté du Liechtenstein

Dans la Principauté du Liechtenstein, les recettes du droit de timbre d'émission sur le capital propre de ces quatre dernières années étaient les suivantes: Produit du droit de timbre sur le capital propre en faveur de la Principauté du Liechtenstein, 2007 à 2010 en millions de francs 2007

2008

2009

2010

Moyenne 2007 à 2010

1.534

2.556

1.172

1.368

1.657

2

Grandes lignes du projet

2.1

Aperçu

Le présent projet concerne uniquement le droit de timbre d'émission sur le capital propre. Déposée le 16 décembre 2004, la motion 04.3736 du conseiller national Gerold Bührer visait déjà à supprimer ce droit; elle avait alors été adoptée par le Parlement ­ le 12 mars 2007 par le Conseil national et le 28 mai 2008 par le Conseil des États ­ et transmise au Conseil fédéral. Contrairement à l'intention du Conseil fédéral, qui souhaitait mettre en oeuvre la motion Bührer dans le cadre du troisième volet de la réforme de l'imposition des entreprises, la commission propose au Parlement de supprimer ce droit au moyen de la présente initiative parlementaire. En outre, elle souhaite charger une sous-commission d'examiner les autres points de l'initiative (droit de timbre de négociation et droit de timbre sur les primes d'assurance). Seule la loi fédérale du 27 juin 1973 sur les droits de timbre est concernée par la suppression. Quant à la suppression du droit de timbre d'émission sur les fonds de tiers (emprunts) visée au point 1 de l'initiative, le Parlement l'a adoptée le 30 septembre 2011 dans le cadre du projet «Too big to fail». Ce dernier est entré en vigueur le 1er mars 2012.

2.2

Bien-fondé de la mesure: considérations de la commission

2.2.1

Arguments de la majorité

La majorité de la commission est favorable à l'abolition du droit de timbre d'émission sur le capital propre. Elle trouve absurde que des personnes souhaitant utiliser des capitaux propres pour fonder leur entreprise ou pour développer leurs activités ­ et, partant, créer des places de travail ­ soient parallèlement pénalisées par un impôt ex ante. Elle estime que cet impôt est nuisible à l'attrait et à la santé de la place économique suisse, et que son abolition aurait un effet bénéfique sur la croissance. De plus, les affaires délocalisées à l'étranger pourraient être ramenées en Suisse, ce qui se traduirait par des créations d'emplois ­ ou, à tout le moins, par le maintien d'emplois existants ­; enfin, les moins-values fiscales qui en résulteraient seraient plus que compensées à moyen et à long terme.

1011

2.2.2

Arguments de la minorité

Une minorité (Leutenegger Oberholzer, Birrer-Heimo, Fässler Hildegard, Levrat, Marra, Pardini, Schelbert) propose de ne pas entrer en matière sur l'avant-projet, car elle pense qu'il ne faut pas abolir le droit d'émission avant d'avoir trouvé une solution à même de compenser le manque à gagner que cette mesure entraînerait pour la Confédération (voir notamment à ce sujet le paragraphe consacré à l'art. 53a [nouveau] au pt 6 ci-dessous). Elle considère en outre que le droit d'émission ne joue qu'un rôle marginal lors de la création d'une entreprise et que son abolition n'aurait ainsi pas d'effets positifs sur la place économique suisse. La minorité estime aussi que ce serait une erreur de se lancer dans une révision partielle sans avoir une vue d'ensemble de la question. Enfin, elle rappelle que certaines prestations des assurances et des banques sont exonérées de la TVA.

2.3

Consultation

Le 18 janvier 2012, la CER-N a chargé le Département fédéral des finances de lancer une consultation auprès des cantons, des partis politiques et des associations faîtières de l'économie, des communes, des villes et des régions de montagne.

La consultation a duré du 7 février au 10 mai 2012 et 43 avis ont été exprimés.

Vingt cantons, la CDF, le PLR. Les Libéraux-Radicaux, le PDC et dix organisations (economiesuisse, Union suisse des arts et métiers [USAM], FER, CP, Swiss Banking, SwissHoldings, Chambre fiduciaire, SIX Swiss Exchange AG, SVIG) se sont prononcés en faveur de la suppression du droit de timbre d'émission sur le capital propre.

Leur argument principal est que la suppression de ce droit renforcerait l'attrait de la place financière suisse et favoriserait la croissance économique. Quinze cantons et la CDF ont insisté sur le fait que cette suppression ne devrait pas entraîner de charges supplémentaires pour les cantons, que ce soit directement ou indirectement.

Trois cantons (BE, GE, VD) ont émis des réserves quant à la diminution des recettes et ont posé des conditions supplémentaires.

Le PS, le parti écologiste, l'USS et Travail.Suisse se sont opposés à la suppression du droit de timbre d'émission sur le capital propre.

Ils estiment en particulier que la suppression de ce droit entraînerait d'importantes pertes fiscales pour la Confédération et qu'elle ne contribuerait pas ­ contrairement à ce qui est affirmé dans le rapport explicatif ­ à favoriser la croissance et à créer des emplois. Prendre des mesures entraînant des pertes fiscales d'un côté et prévoir des mesures d'économie de l'autre est, à leurs yeux, inacceptable. De plus, il s'agit de ne pas réduire la marge de manoeuvre en matière de politique financière de la Confédération, car d'importants investissements devront être réalisés dans un avenir proche pour financer notamment les transports publics, l'éducation, la formation et la recherche et la politique énergétique. Enfin, rien ne prouve que les allégements fiscaux accordés aux entreprises contribueront à relever la croissance de façon à compenser les diminutions de recettes.

1012

3

Droit en vigueur

Le droit de timbre d'émission sur le capital propre porte sur l'émission et l'augmentation, à titre onéreux ou gratuit, de la valeur nominale de droits de participation suisses. Ces derniers peuvent prendre la forme d'actions, de parts sociales de sociétés à responsabilité limitée, de parts sociales de sociétés coopératives et de bons de jouissance et de participation de sociétés, de sociétés coopératives ou d'entreprises commerciales.

Le droit de timbre d'émission est donc dû notamment lorsqu'une nouvelle société ou société coopérative de capitaux est fondée en Suisse ou que son capital est porté à plus de un million de francs.

En outre, un droit de timbre d'émission est prélevé sur les versements supplémentaires et lors du commerce de cadres juridiques. Par versements supplémentaires, on entend les prestations que les actionnaires ou les associés fournissent à la société sans contre-prestation correspondante; il s'agit d'apports dissimulés de capital, car le capital de la société inscrit dans le registre du commerce ou la part sociale versée de la société coopérative restent inchangés. Par commerce de cadres juridiques, on entend le transfert de la majorité des actions ou des parts sociales d'une société qui est économiquement liquidée ou dont les actifs ont été rendus liquides.

Le taux du droit d'émission s'élève à 1 % et se calcule sur le montant reçu par la société en contrepartie des droits de participation, mais au moins sur la valeur nominale.

Une franchise de 1 million de francs s'applique aux droits de participation émis à titre onéreux lors de la fondation ou de l'augmentation du capital d'une société anonyme, d'une société en commandite par actions, d'une société à responsabilité limitée ou d'une société coopérative.

4

Droit comparé

La directive 69/335/CEE du Conseil du 17 juillet 1969 concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux traite notamment de l'harmonisation du droit d'émission, qualifié de «droit d'apport». Cette directive a subi des changements matériels en 1973, en 1974 et en 1985. Pour ce qui est des opérations imposables, décrites très en détail dans la directive, on applique un taux maximal de 1 % sur le capital propre.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne, les services de la Commission ont élaboré une proposition de refonte de la directive qui a pour but de simplifier et de moderniser les prescriptions, et qui prévoit de supprimer le droit d'apport afin de promouvoir le développement des entreprises dans l'UE. La directive proposée a été transmise au Parlement le 4 décembre 2006.

Le Comité économique et social européen a présenté son avis le 14 mars 2007. Il constate que 7 États parmi les 27 que compte l'UE prélèvent encore un tel droit (Pologne et Portugal: 05, %, Chypre: 0,6 %, Grèce, Espagne, Luxembourg et Autriche: 1 %) et prône sa suppression. Le Luxembourg a supprimé le droit de timbre d'émission en 2010. À l'échelle européenne, ce droit devrait avoir disparu à compter du 1er janvier 2012. Toutefois, la suppression n'est pas parvenue à faire l'unanimité, certains États membres ne souhaitant pas renoncer aux recettes générées par ce droit.

1013

Le 1er janvier 2009, la directive 2008/7/CE du Conseil concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux a remplacé la directive 69/335/CEE.

Aux termes de cette nouvelle directive, les États membres qui percevaient déjà un droit sur les apports à des sociétés de capitaux au 1er janvier 2006 ont la possibilité de continuer à percevoir ce droit; par contre, ceux qui ont cessé de percevoir le droit d'apport ne peuvent plus le rétablir.

5

Effets du droit d'émission sur le capital propre

5.1

Effets économiques

Le droit d'émission sur le capital propre nuit à l'attrait et à l'efficience de la place économique suisse. Son abolition aurait par conséquent des effets plutôt positifs sur la croissance.

Le droit d'émission sur le capital propre ne présente aucun avantage sur d'autres impôts qui visent à grever le revenu du capital. Par contre, il présente une série d'inconvénients du point de vue de l'attrait et de l'efficience.

5.1.1

Attrait de la place économique suisse

Attrait de la Suisse pour les entreprises: Du point de vue qui est compris ici comme la capacité d'attirer des capitaux mobiles en Suisse et de retenir ce genre de capitaux en Suisse, l'effet du droit d'émission sur le capital propre varie en fonction du genre d'entreprise. Alors qu'il ne pose pas de problème grave pour les PME, la situation n'est pas la même pour les grandes entreprises qui disposent d'une plus grande liberté pour choisir leur lieu d'implantation. Le droit d'émission sur les droits de participation exerce en l'occurrence un effet défavorable dans la compétition pour attirer les sociétés à capital très important ou les centrales de groupes, car il élève la charge fiscale moyenne effective.

Le fait que les États étrangers qui appliquent la méthode de l'imputation déduisent de leur créance fiscale l'impôt sur le bénéfice acquitté en Suisse mais pas le droit d'émission sur les droits de participation payé en Suisse constitue un inconvénient de plus.

5.1.2

Efficience de la place économique suisse

Augmentation de la charge fiscale marginale effective sur les investissements marginaux financés par de nouveaux fronds propres: le droit d'émission sur les droits de participation renchérit la levée de nouveaux fonds propres. Si un investissement marginal est financé en tout ou en partie au moyen de nouveaux fonds propres, le droit d'émission élève la charge fiscale marginale effective sur cet investissement.

Base de calcul insuffisante: le droit d'émission sur les droits de participation grève le revenu escompté dans le cadre d'une imposition ex ante et non pas le revenu effectivement obtenu comme dans le cadre d'une imposition ex post. Par rapport à la capacité économique, il entraîne de ce fait une surimposition des investissements financés par des fonds propres, investissements qui ne sont plus en mesure d'attein1014

dre ultérieurement la rentabilité escomptée initialement. Par ailleurs, des investissements très rentables sont sous-imposés car des rentes économiques constituant des éléments du revenu demeurent non imposées1. Cela n'est pas judicieux du point de vue de l'efficacité de l'allocation des capitaux, car l'imposition des rentes économiques ne provoque pratiquement pas d'effets de distorsion. Étant donné qu'il ne tient pas compte de la rentabilité de l'investissement, le droit d'émission est également inférieur à l'imposition ex post du revenu effectivement réalisé du point de vue de l'équité fiscale horizontale.

Perte de l'effet d'assurance de l'imposition: L'imposition ex ante du revenu escompté annule en outre l'effet d'assurance de l'imposition du revenu effectivement réalisé. En effet, contrairement à l'imposition ex ante, le fisc participe au risque, c'est-à-dire à la réussite ou à l'échec des investisseurs, en cas d'imposition ex post.

En raison de cet effet d'assurance (effet Domar-Musgrave), les investisseurs se contentent d'une prime de risque moins élevée. Dans un cas concret, l'effet d'assurance est important en particulier lorsque la fortune du détenteur de parts est constituée principalement de parts d'une seule et même entreprise. Cette situation n'est pas rare pour l'entrepreneur propriétaire. La répartition des risques au moyen de la diversification du portefeuille usuellement conseillée lui est interdite en raison du grand risque encouru.

Problème de liquidités: L'imposition anticipée dans le cadre du droit d'émission pose un problème de liquidités, car le produit de l'investissement n'est pas encore réalisé au moment de l'imposition. Pour surmonter ce problème de liquidités, le montant du droit à payer doit être ajouté au montant de l'émission, ce qui en augmente le coût, puisque le marché des capitaux exige une prime de risque également sur la totalité du montant de l'émission, y compris sur celle affectée au paiement du droit d'émission. Ce problème ne se pose pas lorsque l'impôt frappe les fruits de l'investissement uniquement lorsqu'ils sont récoltés.

Non-respect de la neutralité de l'investissement: Le droit d'émission est une forme d'imposition anticipée. Ce genre d'imposition n'est neutre que s'il existe simultanément d'autres projets d'investissement présentant le même
profil de répartition des versements nets. En réalité, cette condition n'est pratiquement jamais réalisée, c'est pourquoi une inversion d'ordre contraire à la neutralité de l'investissement peut se produire. Dans un tel cas, un projet d'investissement qui présente une valeur actuelle plus élevée avant impôt, mais une valeur moindre après impôt qu'un autre projet n'est pas réalisé au profit de cet autre projet. Si, au contraire, l'impôt était perçu ultérieurement en respectant la période sur les revenus issus de l'investissement, la neutralité de l'investissement pourrait être garantie par l'adoption de règles d'amortissement idoines.

1

Une rente économique représente l'excédent des revenus sur la totalité des coûts d'opportunité affectés à leur obtention. En cas d'investissement, ces coûts d'opportunité sont constitués par tous les postes de charges y relatifs (coût des matières premières et des produits intermédiaires, machines, services, salaires, impôts, intérêts sur les fonds étrangers, etc.) plus les intérêts usuels du marché sur le capital propre engagé. Si les revenus escomptés couvrent juste les coûts d'opportunité, la valeur actuelle est nulle et l'investissement est encore rentable. Si les revenus sont supérieurs aux coûts d'opportunité, la valeur actuelle est supérieure et donne lieu à une rente économique. Étant donné qu'une valeur actuelle nulle suffit pour que l'investissement soit rentable, la rente économique ne joue aucun rôle dans la décision d'investir.

1015

Non-respect de la neutralité de l'utilisation du bénéfice: Le droit d'émission sur les participations vise le revenu des investissements qui sont financés par de nouveaux fonds propres. Il ne respecte donc pas la neutralité de l'utilisation du bénéfice car il renchérit le financement par émission de participations, alors qu'il ne grève pas l'autofinancement. Il incite par conséquent à thésauriser les bénéfices au lieu de les distribuer et à autofinancer les investissements plutôt qu'à les financer par l'emprunt de nouveaux fonds propres. Cette favorisation unilatérale de l'autofinancement a des effets négatifs du point de vue de l'efficacité. Elle annule partiellement la fonction du marché des capitaux de favoriser la croissance en affectant les fonds disponibles pour l'investissement aux entreprises les plus rentables et, par conséquent, aux projets d'investissement les plus rentables. On objecte parfois que le droit d'émission sur les participations serait un succédané pour l'absence d'impôt sur les gains en capital sur les participations de la fortune privée. Cet argument n'est toutefois pas valable. Étant donné que les gains en capital proviennent notamment des bénéfices thésaurisés qui sont capitalisés dans la valeur des actions de l'entreprise, l'imposition des gains en capital devrait porter sur les bénéfices thésaurisés au moyen d'un instrument agissant indirectement et renchérir l'autofinancement par rapport au financement par émission de participations. Toutefois, le droit d'émission sur les participations emprunte exactement le chemin inverse: il renchérit le financement par émission de participations (d'après le principe «distribuer et reprendre») par rapport à l'autofinancement. Il augmente l'attrait de la thésaurisation des bénéfices et encourage par conséquent la réalisation (exonérée d'impôt) de bénéfices en capital.

Économie administrative: Pour ce qui est de la perception et de l'acquittement du droit, le bilan du droit d'émission est favorable en raison de sa conception simple, du petit nombre des contribuables et de son produit relativement élevé en moyenne par cas. La franchise relativement élevée pour le droit d'émission sur les participations contribue à ce bon résultat. Elle pose cependant des problèmes du point de vue de la neutralité de la concurrence. La faiblesse des
frais de perception et d'exécution doit être relativisée dans la mesure où le droit d'émission n'est pas perçu à la place d'autres impôts mais en plus de ces impôts. Les contribuables doivent donc assimiler un régime fiscal supplémentaire avec sa propre logique et un certain nombre d'exceptions et de substitutions.

Par ailleurs, le droit d'émission sur le capital propre constitue un facteur stabilisateur en relation avec l'impôt sur le bénéfice et l'impôt anticipé. Étant donné que le droit d'émission sur le capital propre est perçu en principe sur la valeur des capitaux versés, les contribuables cherchent à réduire autant que possible l'assiette de l'impôt.

Du point de vue de l'impôt sur le bénéfice et de l'impôt anticipé, les contribuables ont intérêt à comptabiliser dans leur bilan des valeurs aussi élevées que possible. En pratique, ces intérêts contradictoires se traduisent par des estimations équilibrées.

Globalement, la suppression du droit d'émission sur le capital propre ne diminuerait pas le travail de conseil et de contrôle de l'AFC, puisqu'elle entraînerait la disparition d'une sorte de stabilisateur automatique.

En particulier en cas de transformation d'une entreprise de personnes en une société de capitaux, mais aussi pour beaucoup d'autres restructurations, l'AFC est souvent la première autorité fiscale qui est contactée en raison du droit d'émission. Cela lui permet régulièrement d'assurer une collaboration efficace à la fois pour le contribuable et pour le fisc avec les autorités fiscales cantonales et une appréciation fiscale sans contradiction entre les diverses administrations fiscales. Cela permet également 1016

de mieux mettre en oeuvre la législation sur l'harmonisation des impôts. Cet effet stabilisateur du droit d'émission sur le capital propre en relation avec l'impôt sur le bénéfice et l'impôt anticipé ne suffit cependant pas à compenser les nombreux inconvénients économiques du droit d'émission.

6

Commentaires des articles de la LT

La modification légale à entreprendre tient compte de la modification de la législation sur les droits de timbre décidée par le Parlement le 30 septembre 2010 dans le cadre du projet 11.028é (Renforcement de la stabilité du secteur financier; too big to fail).

Art. 1, al. 1, let. a, 5 à 12 Ces dispositions se réfèrent toutes au droit d'émission sur les actions, les parts sociales de sociétés à responsabilité limitée et les bons de participation de sociétés coopératives concernant l'objet du droit, la naissance de la créance fiscale, le taux et la base de calcul du droit, l'obligation fiscale, l'échéance de la créance fiscale, le sursis à la perception et la remise du droit. Elles peuvent être abrogées.

Art. 28, al. 1, 29, 30, al. 1 et 34, al. 2 Ces modifications concernent uniquement la mention des art. 7 et 11 qui sont abrogés.

Art. 36 Pour le droit d'émission. l'art. 36 institue l'obligation de renseigner des tiers qui coopèrent à la fondation ou à l'augmentation de capital d'une société. Avec la suppression de ce droit, cet article devient obsolète et peut être abrogé.

Art. 53a (nouveau) En vertu de cette disposition, proposée par une minorité de la commission (Leutenegger Oberholzer, de Buman, Fässler Hildegard, Levrat, Marra, Meier-Schatz, Pardini, Schelbert), le Conseil fédéral est chargé de compenser, dans un délai de cinq ans, la diminution des recettes provoquée par la révision de la loi. La minorité souligne que la suppression par étapes des droits de timbre conduirait à une baisse structurelle des rentrées fiscales; or, le régime du frein à l'endettement exige que cette baisse soit compensée, que ce soit par des coupes dans les dépenses ou par des hausses d'impôt. Cet article supplémentaire charge explicitement le Conseil fédéral de prendre les mesures qui s'imposent.

Entrée en vigueur Il faut laisser au Conseil fédéral le soin de fixer la date de l'entrée en vigueur de ces modifications.

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Conséquences financières et conséquences sur le personnel

7.1

Conséquences financières

Le ch. 1.3.1 indique les recettes de la Confédération au cours de ces dernières années. La diminution des recettes de la Confédération consécutive à la suppression du droit de timbre sur le capital propre est évaluée à 240 millions de francs. Les cantons et les communes ne sont pas affectés par cette diminution car leur part au produit des droits de timbre a été supprimée au début des années huitante. Sur le long terme, l'effet de croissance généré par la suppression du droit d'émission sur le capital propre devrait permettre de compenser une partie de cette diminution.

7.2

Conséquences sur le personnel

Du point de vue de la perception, le droit d'émission peut être qualifié d'efficace. Le produit total du droit d'émission sur les fonds propres provient d'environ 2600 versements par an (2010). Grâce aux compétences élevées des partenaires chargés d'établir les déclarations fiscales (fiduciaires, études d'avocats et notaires, banques, etc.), l'administration n'a que très peu de travaux administratifs à effectuer dans ce cadre-là. Ce travail contribue également à garantir la perception des impôts sur le bénéfice par la Confédération et les cantons et de l'impôt anticipé. En cas de suppression du droit d'émission, le travail de contrôle augmenterait pour ces impôts si bien que, dans l'ensemble, la suppression du droit d'émission ne réduirait pas la charge de travail.

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Constitutionnalité

La base constitutionnelle permettant la perception des droits de timbre a été remaniée dans le cadre de la nouvelle Constitution fédérale. Elle se trouve à l'art. 132, al. 1 et a la teneur suivante: «La Confédération peut percevoir des droits de timbre sur les papiers-valeurs, sur les quittances de primes d'assurance et sur d'autres titres concernant des opérations commerciales; les titres concernant des opérations immobilières et hypothécaires sont exonérés du droit de timbre.» La suppression partielle ou totale des droits de timbre ne nécessite pas de modification de la Constitution (l'art. 132, al. 1, Cst, est une disposition potestative), mais soulève la question de savoir si les cantons revendiqueraient les droits qu'ils n'ont plus actuellement. Cela nécessiterait cependant une modification de l'art. 134 Cst.

interdisant aux cantons de prélever des impôts sur les objets que la législation fédérale soumet aux droits de timbre ou déclare exonérés.

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Relations avec le droit européen

Comme relevé au chapitre 4, l'UE a examiné la suppression générale du droit de timbre d'émission. L'opposition de certains pays a toutefois empêché une décision unanime. Du point de vue du droit international, la Suisse n'a ni l'obligation de percevoir un droit de timbre d'émission ni de renoncer à la perception d'un tel droit.

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