11.494 Initiative parlementaire Participation aux coûts en cas de maternité Egalité de traitement Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats du 11 février 2013

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie1, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

11 février 2013

Pour la commission: La présidente, Christine Egerszegi-Obrist

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Rapport 1

Genèse du projet

L'objectif de voir les femmes exemptées de la participation aux coûts non seulement lorsque leur grossesse se passent normalement, mais également lorsqu'elles rencontrent des complications, a été présenté pour la première fois le 6 octobre 2005 au Conseil national. Les conseillères nationales Chantal Galladé, Brigitte HäberliKoller et Franziska Teuscher et le conseiller national Felix Gutzwiller ont déposé, le même jour, quatre motions de teneur identique (05.3589 n, 05.3590 n, 05.3591 n et 05.3592 n). Ils demandaient au Conseil fédéral de proposer une modification de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal)2 pour exempter de la participation aux coûts également les traitement fournis aux femmes qui connaissent une grossesse à risque, chez lesquelles une intervention (prophylactique) est indiquée, ou dont la grossesse présente des complications nécessitant un traitement. Dans ses avis du 9 décembre 2005, le Conseil fédéral a proposé d'accepter les motions. La motion Gutzwiller a été adoptée sans opposition, par le Conseil national le 24 mars 2006 et par le Conseil des Etats le 20 septembre 2006. Quant aux motions Galladé, Häberli-Koller et Teuscher, elles ont également été adoptées sans opposition, par le Conseil national le 19 mars 2007 et par le Conseil des Etats le 2 octobre 2007.

Dans son rapport du 11 août 2008 adressé à la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N), l'administration a proposé d'apporter une précision à l'art. 64, al. 7, LAMal en vue de mettre en oeuvre les motions. Elle a alors présenté deux scénarios possibles à cette fin. Selon le scénario 1, l'exemption de la participation aux coûts ne devait concerner que les prestations qui étaient liées à la maternité. Selon le scénario 2, elle s'étendrait aux prestations qui étaient fournies pendant la durée de la grossesse, 1'accouchement et une période définie après celui-ci. La CSSS-N s'est penchée sur ces propositions dans le cadre de la discussion par article du projet 04.062 é «Loi sur l'assurance-maladie.

Révision partielle. Managed-Care. Projet 1». Le 26 mars 2010, elle a décidé à l'unanimité d'opter pour le scénario 2. La commission a en effet estimé que la distinction entre les prestations qui sont liées à la maternité et celles qui ne le sont pas serait
problématique, voire impossible à faire. Elle a donc proposé que les prestations générales qui sont fournies en cas de maladie à partir de la 13e semaine de grossesse et jusqu'à huit semaines après l'accouchement soient exemptées de la participation aux coûts. Le 16 juin 2010, le Conseil national a décidé, sans contreproposition, d'approuver la proposition de sa commission. Le 15 décembre 2010, le Conseil des Etats a adopté sans débat la modification de l'art. 64, al. 7, LAMal proposée par le Conseil national. Le 30 septembre 2011, la loi a été adoptée au vote final par 28 voix contre 6 et 10 abstentions au Conseil des Etats et par 133 voix contre 46 et 17 abstentions au Conseil national. Le référendum demandé contre le projet en question a toutefois abouti et une forte majorité du peuple a rejeté ce dernier le 17 juin 2012.

Or, l'exemption de la participation aux coûts pour les prestations liées à la maternité constitue un volet du projet «Managed-Care» qui n'a pas été contesté. C'est la raison pour laquelle ce volet a été repris dans trois initiatives parlementaires visant un 2

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objectif similaire: l'initiative 11.494 é, déposée le 21 décembre 2011 par la conseillère aux Etats Liliane Maury Pasquier, l'initiative 12.448 n, déposée le 14 juin 2012 par la conseillère nationale Chantal Galladé, et l'initiative 12.449 é, déposée le 14 juin 2012 également par le conseiller aux Etats Felix Gutzwiller. Le 23 août 2012, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats (CSSS-E) a décidé à l'unanimité de donner suite à l'initiative de Liliane Maury Pasquier. Le 2 novembre 2012, la CSSS-N s'est ralliée à cette décision par 19 voix contre 4. L'administration et le secrétariat de la commission ont alors élaboré un projet pour le présent rapport et le projet d'acte correspondant. La CSSS-E a adopté le rapport et le projet d'acte le 11 février 2013. L'objectif de l'initiative n'ayant fait l'objet d'aucune contestation, la commission a décidé de ne pas organiser de consultation. Les initiatives parlementaires Galladé et Gutzwiller ont été ajournées par les commissions compétentes respectives jusqu'à l'achèvement de l'examen de l'initiative Maury Pasquier.

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Grandes lignes du projet

Le projet d'acte prévoit la même réglementation que celle qui était proposée dans le cadre du projet 04.062 é «Loi sur l'assurance-maladie. Révision partielle. ManagedCare. Projet 1».

Selon le droit en vigueur, aucune participation aux coûts ne peut être prélevée sur les prestations fournies en cas de maternité (art. 64, al. 7, LAMal). Conformément à la définition qu'en donne l'art. 5 de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA)3, la maternité comprend la grossesse et l'accouchement ainsi que la convalescence qui suit ce dernier. A l'art. 29 LAMal, le législateur fixe les prestations qui sont prises en charge par l'assurance obligatoire des soins en cas de maternité. Selon l'al. 1, en font partie, «en plus des coûts des mêmes prestations que pour la maladie, ceux des prestations spécifiques de maternité». Quant à l'al. 2, il décrit plus précisément, en relation avec les art. 13 à 16 de l'ordonnance du DFI du 29 septembre 1995 sur les prestations dans l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie (OPAS)4, quelles sont ces prestations spécifiques de maternité.

D'après sa jurisprudence5, le Tribunal fédéral des assurances (TFA) a plusieurs fois interprété l'art. 64, al. 7, LAMal en ce sens que les assurées ne sont exemptées de la participation aux coûts que pour les prestations spécifiques de maternité énoncées à l'art. 29, al. 2, LAMal. Il est ainsi arrivé à la conclusion que les coûts du traitement de complications survenues en cours de grossesse constituent des frais de maladie, ce qui entraîne l'obligation pour les assurées de participer aux coûts des prestations dont elles bénéficient à ce titre. Aux termes du droit en vigueur, les femmes qui connaissent une grossesse à risque et chez lesquelles une intervention (prophylactique) est indiquée, ou qui présentent des complications nécessitant un traitement, doivent ainsi participer aux coûts pour les prestations concernées. D'après le TFA, si une autre solution devait être envisagée, elle devrait émaner du législateur, et non de la jurisprudence développée par les tribunaux.

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RS 830.1 RS 832.112.31 Cf. arrêt du 5 septembre 2001, publié dans ATF 127 V 268, et arrêt du 16 juin 2004, publié dans RAMA 2004, p. 383.

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L'interprétation donnée par le TFA de l'art. 64, al. 7, LAMal défavorise les femmes dont la grossesse présente des complications par rapport à celles chez qui ce n'est pas le cas. Si le législateur a exempté de la participation aux coûts les prestations fournies en cas de maternité, c'est pour des raisons de politique sociétale et familiale. Le fait que la grossesse se déroule avec ou sans complications ne devrait donc pas être déterminant pour la suppression de la participation aux coûts. La précision proposée pour l'art. 64, al. 7, LAMal établira explicitement que l'exemption de la participation aux coûts s'applique aussi aux traitements de complications liées à la grossesse.

Avec la modification de la loi, les prestations spécifiques de maternité (notamment les examens de contrôle énumérés à l'art. 13 OPAS) continuent d'être exemptées de la participation aux coûts. Quant aux prestations générales, elles en sont exemptées pour une certaine durée.

L'exemption débute à la 13e semaine de grossesse, puisque l'OPAS prescrit, lors d'une grossesse normale, un contrôle ultrasonographique entre la 11e et la 14e semaine de grossesse (art. 13, let. b, ch. 1). Comme les grossesses ne sont souvent constatées qu'après quelques semaines, cette réglementation empêche que des prestations sur lesquelles l'assureur a déjà prélevé la participation aux coûts ne soient exemptées après coup. Elle s'appuie en outre sur le schéma médical de la grossesse en trois trimestres (de la 1re à la 13e semaine, de la 14e à la 26e semaine et de la 27e à la 39e semaine). Avec cette réglementation, les traitements de complications telles que des avortements spontanés ou des grossesses extra-utérines dans les douze premières semaines ne sont toutefois pas exemptés de la participation aux coûts. Ainsi, les femmes qui ont besoin de traitements durant les douze premières semaines de leur grossesse continuent d'être défavorisées par rapport à celles dont la grossesse se déroule sans problème. Cela se justifie par le fait que le début de la grossesse ne peut être constaté qu'ultérieurement et que l'assureur a peut-être déjà prélevé une participation aux coûts pour des traitements lorsqu'il apprend que l'assurée est enceinte. Une exemption a posteriori de la participation aux coûts pour des traitements effectués pendant les douze premières
semaines de la grossesse entraînerait une charge administrative disproportionnée.

L'exemption de la participation aux coûts a été limitée jusqu'à huit semaines après l'accouchement. Ce choix provient du fait que la période post-partum s'étend généralement de six à huit semaines après l'accouchement. De plus, ces huit semaines correspondent à la période minimale du versement des indemnités journalières facultatives après l'accouchement (art. 74, al. 2, LAMal) et à la disposition de la loi fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce (loi sur le travail, LTr)6 selon laquelle les accouchées ne peuvent être occupées durant les huit semaines qui suivent l'accouchement (art. 35a, al. 3).

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Commentaire des dispositions

Art. 64, al. 7, let. a Cette disposition précise que l'assureur ne peut prélever aucune participation aux coûts pour les prestations figurant à l'art. 29, al. 2, LAMal. Le DFI a énuméré les prestations spécifiques fournies en cas de maternité aux art. 13 à 16 OPAS.

Art. 64, al. 7, let. b Cette disposition se réfère aux prestations générales qui sont fournies en cas de maladie et dont les coûts sont pris en charge par l'assurance obligatoire des soins en vertu de l'art. 25 LAMal. Afin d'éviter toute ambiguïté, le texte mentionne également l'art. 25a LAMal, qui porte sur les soins dispensés en cas de maladie ­ lesquels étaient l'objet de l'art. 25 avant l'entrée en vigueur de l'art. 25a, le 1er janvier 2011 (RO 2009 3517 6847). L'objectif est d'éviter que les femmes ne doivent participer aux coûts pour des prestations fournies dans le cadre d'une intervention (prophylactique) résultant d'une grossesse à risque ou dans le cadre d'un traitement lié à des complications survenues pendant la grossesse. L'exemption commence la 13e semaine de grossesse et prend fin au terme de la 8e semaine après l'accouchement.

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Conséquences

4.1

Conséquences financières et effet sur l'état du personnel

Il est difficile d'estimer les retombées financières de la modification de loi demandée, car les données correspondantes font défaut. Néanmoins, le nombre de naissances en Suisse est connu: en 2011, il s'élevait à 80 000. Les prestations fournies pour les cas de maternité se chiffraient, cette même année, à quelque 610 millions de francs, autrement dit environ 2,4 % des prestations brutes de l'assurance obligatoire des soins, lesquelles s'élevaient à 25 milliards de francs au total, soit des coûts moyens de 7600 francs par naissance.

L'estimation des conséquences financières du présent projet se heurte surtout à deux difficultés: La première réside dans le fait que les assureurs n'enregistrent généralement sous l'appellation de prestations en cas de maternité que les «prestations spécifiques de maternité» au sens de l'art. 29, al. 2, LAMal. Les complications survenant pendant la grossesse ne sont pas définies en tant que telles et sont enregistrées comme des maladies. On ne distingue donc pas les grossesses qui présentent des complications de celles qui n'en présentent pas. On ne dispose non plus d'aucune indication de la proportion des «grossesses à complications» par rapport aux «grossesses se déroulant normalement». De plus, il faut tenir compte du fait que les complications entraînent des prestations très diverses et que celles-ci peuvent aussi concerner des maladies indépendantes de la grossesse. Un séjour hospitalier en cours de grossesse peut, par exemple, être dû aussi bien à des complications qu'à une maladie sans lien avec la grossesse.

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La seconde difficulté concerne l'évaluation des coûts auxquels les femmes participent actuellement pendant leur grossesse, participation qui ne serait plus prélevée dans le cas d'une modification de la loi allant dans le sens de l'initiative.

Les femmes enceintes peuvent avoir opté pour la franchise annuelle ordinaire de 300 francs ou pour une franchise à option allant jusqu'à 2500 francs. Il n'existe pas de données sur la répartition des différentes franchises annuelles parmi les femmes enceintes. De plus, la participation aux coûts est prélevée chronologiquement durant l'année. Par exemple, des femmes qui sont malades au début de l'année peuvent avoir déjà atteint le montant de leur franchise annuelle lorsqu'elles tombent enceintes à la fin de l'année.

Les coûts supplémentaires à assumer par les assureurs sont limités dans la mesure où un montant maximal est fixé pour la participation aux coûts (art. 93 et 103 de l'ordonnance sur l'assurance-maladie, OAMal7). Celui-ci s'élève à 1000 francs pour la franchise annuelle de base de 300 francs (300 francs pour la franchise et 700 francs pour la quote-part). Il est atteint lorsque l'assuré recourt à des prestations atteignant un montant de 7300 francs ou plus.

En relation avec la mise en oeuvre des motions 05.3589 n, 05.3590 n, 05.3591 n et 05.3592 n, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) avait demandé à deux grands assureurs actifs sur le plan suisse d'évaluer les conséquences financières d'une exemption de la participation aux coûts en cas de maternité. Les assureurs en question ont calculé le nombre d'assurées qui avaient bénéficié de prestations en cas de maternité et, à partir de la première allocation de prestations, ont défini la durée supposée d'une grossesse. Sur la base des calculs de l'OFSP, eux-mêmes fondés sur les données des assureurs, chaque assurée a, en 2011, participé aux coûts à raison de 350 francs en moyenne pour les prestations fournies à partir de la 13e semaine de grossesse, pendant l'accouchement et jusqu'à huit semaines après celui-ci. Si ce montant est reporté sur les quelque 80 000 naissances, la participation aux coûts totale est de l'ordre de 33,6 millions de francs par an. Cette charge supplémentaire pour les assureurs équivaudrait à une augmentation de leurs prestations nettes (21,5 milliards de francs en 2011)
de 0,16 %.

Il n'y a pas lieu de penser que, en raison de l'exemption de la participation aux coûts, les femmes enceintes sollicitent beaucoup plus fréquemment des soins «étrangers à la grossesse», attendu que les traitements médicaux dispensés pendant la grossesse s'accompagnent souvent de risques pour la santé de la mère et de l'enfant.

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Relation avec le droit européen

Le droit européen (droit de la Communauté européenne et droit du Conseil de l'Europe) ne fixe aucune norme dans le domaine que traite le présent projet. Les Etats sont donc libres de légiférer comme ils l'entendent.

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Bases légales

6.1

Constitutionnalité et légalité

Le projet de loi se fonde sur l'art. 117 de la Constitution fédérale8, qui laisse à la Confédération de larges compétences pour aménager l'assurance-maladie.

6.2

Forme de l'acte

Conformément à l'art. 164 de la Constitution fédérale, l'acte à adopter doit être édicté sous la forme d'une loi fédérale.

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