06.106 Message concernant l'initiative populaire «pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse» du 15 décembre 2006

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire «pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse» en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

15 décembre 2006

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2006-0743

241

Condensé Le 13 janvier 2006, le comité d'initiative «Protéger la jeunesse contre la narcocriminalité» a remis à la Chancellerie fédérale, dans les délais, les signatures nécessaires à l'initiative populaire fédérale «pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse» (ci-après initiative sur le chanvre). Par décision du 3 février 2006, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait abouti, avec 105 994 signatures valables.

L'initiative sur le chanvre prévoit, d'une part, que consommer des substances psychoactives du chanvre, en posséder, en cultiver ou en acquérir pour son propre usage ne soit plus punissable et, d'autre part, que la Confédération réglemente la culture, la production, l'importation, l'exportation et le commerce des substances psychoactives du chanvre.

Il incomberait également à la Confédération de prendre des mesures appropriées afin qu'il soit tenu compte de la protection de la jeunesse et que la publicité pour les substances psychoactives du chanvre ou pour l'emploi de telles substances soit interdite.

Le Conseil fédéral recommande de rejeter l'initiative sur le chanvre, même si à bien des égards les exigences qui y sont formulées reflètent sa position actuelle. Cette recommandation ne correspond pas à un changement de position. Simplement, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national a décidé de soumettre sa proposition sur la question au Parlement. Le Conseil fédéral ne souhaite donc pas anticiper sur cette proposition. En outre, la problématique du cannabis ne devrait pas être réglementée séparément du reste de la politique des dépendances.

242

Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte de l'initiative

L'initiative populaire «pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse» a la teneur suivante: La Constitution fédérale est modifiée comme suit: Art. 105a (nouveau)

Chanvre

Consommer des substances psychoactives du chanvre, en posséder ou en acquérir pour son propre usage n'est pas punissable.

1

2

Cultiver du chanvre psychoactif pour son propre usage n'est pas punissable.

La Confédération édicte des prescriptions concernant la culture, la production, l'importation, l'exportation et le commerce des substances psychoactives du chanvre.

3

Elle prend des mesures appropriées afin qu'il soit tenu compte de la protection de la jeunesse. La publicité pour les substances psychoactives du chanvre ou pour l'emploi de telles substances est interdite.

4

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire «pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 6 juillet 20041 et a été déposée le 13 janvier 2006, munie des signatures nécessaires.

Par décision du 3 février 2006, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait abouti, avec 105 994 signatures valables2.

L'initiative sur le chanvre est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne souhaite pas lui opposer de contre-projet. Conformément à l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)3, le Conseil fédéral a jusqu'au 13 janvier 2007 pour soumettre au Parlement un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message. Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale a jusqu'au 13 juillet 2008 pour décider d'accepter ou de rejeter l'initiative.

1 2 3

FF 2004 3995 FF 2006 1857 Loi du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale; RS 171.10

243

1.3

Validité

L'initiative sur le chanvre est conforme aux conditions de validité figurant à l'art. 139, al. 2, Cst.: a.

elle revêt la forme d'un projet rédigé de manière exhaustive et respecte par conséquent le principe de l'unité de la forme;

b.

il existe un lien objectif entre les différentes parties de l'initiative. Le principe de l'unité de la matière est donc également respecté;

c.

l'initiative ne viole aucune disposition contraignante du droit international public (ius cogens).

Il reste à examiner si l'initiative sur le chanvre est compatible avec les conventions internationales que la Suisse a ratifiées dans le domaine de la drogue. Concrètement, cet examen concerne la Convention unique sur les stupéfiants de 19614 et la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (Convention de 1988)5.

La première partie de l'initiative sur le chanvre exige la dépénalisation de la consommation de cannabis. Cette demande n'est guère problématique, aucune convention ne prescrivant de punir la consommation de stupéfiants. Par contre, il existe une controverse quant à la compatibilité entre la non-punissabilité des actes préparatoires à la consommation personnelle (soit la possession, la culture et l'acquisition) et les conventions internationales. Aussi la Suisse a-t-elle émis une réserve en 2005, lorsqu'elle a ratifié la Convention de 1988.

La réglementation de la culture, de la production et du commerce ­ deuxième partie de l'initiative (art. 105a, al. 3) ­ serait du ressort de la Confédération. Il appartiendrait à cette dernière de préciser les conditions de la culture et du commerce du cannabis dépassant le cadre des besoins propres. Le texte de l'initiative permet aussi bien de décriminaliser totalement le commerce et la culture du chanvre-drogue (cannabis) et de ses produits que d'en rester à la proposition du Conseil fédéral dans son message de 20016, selon laquelle la culture et le commerce devaient demeurer interdits dans la loi sur les stupéfiants (LStup)7, tandis que les obligations en matière de poursuite pénale auraient été limitées. Mais comme la décriminalisation complète du commerce et de la culture du cannabis violerait les conventions internationales sur les stupéfiants que la Suisse a ratifiées, la mise en oeuvre de l'initiative dans le respect du droit international public ne pourrait guère s'éloigner de la réglementation proposée par le Conseil fédéral lors de la dernière révision de la LStup, dans son message du 9 mars 2001 concernant la révision de la loi sur les stupéfiants.

La protection de la jeunesse mentionnée dans la troisième partie de l'initiative (art. 105a, al. 4) et l'interdiction de la publicité sont compatibles avec les conventions internationales.

4 5 6 7

244

Convention unique sur les stupéfiants de 1961; RS 0.812.121.0 RS 0.812.121.03 Message du 9 mars 2001 concernant la révision de la loi sur les stupéfiants; FF 2001 3537 Loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes; RS 812.121

En s'associant à Schengen, la Suisse s'est engagée à en adopter l'acquis8. Dans le domaine des stupéfiants, cet acquis se fonde essentiellement sur les conventions susmentionnées de l'ONU, prévoyant notamment la création de mécanismes de contrôle du trafic des stupéfiants. L'initiative chanvre n'est pas en contradiction à l'association de la Suisse à Schengen.

L'initiative doit être déclarée valable.

2

Contexte

2.1

Présentation de l'initiative

Sur le plan matériel, l'initiative sur le chanvre exige, d'une part, que consommer des substances psychoactives du chanvre, en posséder, en cultiver ou en acquérir pour son propre usage ne soit pas punissable et, d'autre part, que la Confédération édicte des prescriptions concernant la culture, la production, l'importation, l'exportation et le commerce desdites substances. En outre, la Confédération doit prendre des mesures appropriées afin qu'il soit tenu compte de la protection de la jeunesse. Enfin, la publicité pour les substances psychoactives du chanvre ou pour l'emploi de telles substances est interdite.

L'initiative sur le chanvre va ainsi dans le sens de la proposition faite par le Conseil fédéral à l'occasion de la révision de la LStup de 2001.

2.2

Evolution dans le domaine des stupéfiants depuis le message du Conseil fédéral du 9 mars 2001

2.2.1

Evolution sur le plan politique

La révision longuement préparée de la LStup a échoué le 14 juin 2004 quand, pour la seconde fois, le Conseil national a refusé d'entrer en matière sur le projet, essentiellement à cause de la controverse liée au cannabis.

Suite à l'échec du projet du Conseil fédéral, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national a accepté le 3 février 2005 ­ suivie par sa commission homologue du Conseil des Etats le 3 mai 2005 ­ une initiative de commission ayant la teneur suivante: Les éléments du texte rejeté de la LStup qui sont susceptibles de rallier une majorité de voix favorables doivent être rapidement inscrits dans la loi; dans une seconde étape, il s'agira de reprendre la question du cannabis, en tenant compte des initiatives parlementaires en suspens, et de formuler des propositions de solutions.

La révision partielle de la LStup portant sur les éléments susceptibles de rallier une majorité, issus de la révision définitivement rejetée en juin 2004 par le Conseil national, est en suspens au Parlement.

8

Voir le message relatif à l'approbation des accords bilatéraux entre la Suisse et l'Union européenne, y compris les actes législatifs relatifs à la transposition des accords; FF 2004 5698, notamment 5726 ss.

245

2.2.2

Statistique et situation sociale actuelle

A l'heure actuelle, le cannabis est de loin la substance illégale la plus répandue en Suisse. Lors de la dernière enquête sur la santé (2002), 4,6 % des personnes âgées de 15 à 64 ans ont signalé qu'elles consommaient présentement des produits à base de cannabis. En 2005, la police a enregistré en Suisse 27 574 infractions liées à la consommation de marijuana et 7588 dues à celle de haschisch.

Ces chiffres montrent qu'une action s'impose en matière de politique de santé publique. En effet, les dispositions légales en vigueur et leur mise en application n'ont pas conduit au but visé, à savoir dissuader les consommateurs potentiels. Il est justifié d'exiger une meilleure protection de la jeunesse, au vu du nombre élevé de jeunes consommateurs. Un régime de contrôle du commerce et de la culture de cannabis permettrait de circonscrire le marché noir et de mieux vérifier la qualité des produits à base de cannabis, de même que leur teneur en tétrahydrocannabinol (THC). Or, faute de solution fédérale uniforme, les pratiques cantonales divergent quant aux poursuites engagées contre les consommateurs et à la tolérance vis-à-vis des magasins de chanvre. Plusieurs cantons (dont AG, BE, BL, GR, LU et TI) ont légiféré dans le domaine du cannabis. Quant à la LStup actuelle, elle reste appliquée de manière très hétérogène. D'une part, les cantons répriment plus ou moins durement la consommation de cannabis et, d'autre part, la lutte contre la culture et le commerce du chanvre-drogue coûte cher aux autorités de poursuite pénale, étant donné que la LStup exige de prouver l'intention de se procurer des stupéfiants.

En raison de la situation qui vient d'être exposée et du nombre relativement élevé de consommateurs, l'Office fédéral de la santé publique a déjà lancé divers projets ou études scientifiques ­ sur la base de la LStup actuelle ­, qui font l'objet d'évaluations constantes: ­

le projet de recherche «Monitoring cannabis», qui accompagne la révision de la LStup, a débuté fin 2003 sur mandat de l'OFSP. Diverses études analysent la situation en permanence. L'évolution du problème du cannabis en Suisse sera ainsi suivie scientifiquement jusqu'à fin 2008;

­

l'OFSP a lancé ou soutenu des projets en milieu scolaire, dans les communes, les cantons et les fédérations professionnelles, dans le domaine de la prévention en matière de cannabis. Au-delà des mesures juridiques, la détection et l'intervention précoces aident à améliorer la protection de la jeunesse;

­

l'OFSP soutient deux projets multinationaux d'intervention précoce (INCANT et Realize-it). Il s'agit de recherches ayant pour objet les méthodes de traitement des personnes dépendantes du cannabis, dont l'offre s'est étoffée ces dernières années.

2.2.3

Situation dans d'autres pays

Cette section propose un aperçu des réglementations en vigueur à l'étranger. Dans bien des cas, il a fallu s'en tenir à des remarques sur l'approche par rapport aux stupéfiants en général, les Etats concernés ne faisant pas de différence entre le cannabis et les autres stupéfiants. Trois catégories de pays peuvent être distinguées:

246

­

Législation plutôt restrictive: en France, la possession et la consommation de tous les stupéfiants illégaux sont punissables, tout comme leur commerce.

Néanmoins, une remise de peine est possible pour les consommateurs qui se rendent dans une institution de traitement de la dépendance. Ils peuvent ainsi échapper à une condamnation s'ils font appel à une aide médicale, psychologique et sociale et si'ils respectent certains engagements. Des réglementations similaires existent en Grèce, en Finlande, en Suède et en Suisse.

­

Consommation de drogue en partie interdite ou non punissable: en Belgique, en Irlande, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, au Luxembourg et au Portugal, la consommation de drogue n'est qu'en partie interdite ou autorisée. La Belgique et le Royaume-Uni ont adapté leurs dispositions légales pour diverses infractions. En 2004, les peines ont été allégées pour la détention non problématique de cannabis. Depuis février 2005, la Belgique précise par voie de directive les exceptions à cette diminution des sanctions.

Ainsi, une poursuite pénale est ouverte en cas de «troubles à l'ordre public» (détention de cannabis dans les lieux fréquentés par des écoliers ou dans leurs environs, détention «ostentatoire» dans un bâtiment ou un lieu public).

En Espagne et au Luxembourg, la consommation de drogue peut donner lieu à des mesures administratives.

­

Consommation de drogue ne donnant pas lieu à des poursuites pénales: l'Allemagne, l'Italie, le Danemark et l'Autriche n'interdisent pas formellement la consommation des stupéfiants illégaux. Depuis mai 2004, suite à une modification de la loi danoise sur les stupéfiants et à une circulaire du procureur général, la possession de drogues pour la consommation personnelle est passible d'amende et non plus d'avertissement. En Italie, la loi sur les stupéfiants a été révisée en février 2006, dans le but de poursuivre de façon systématique les trafiquants et d'encadrer les personnes toxicodépendantes dans des programmes thérapeutiques et par le biais de mesures de réintégration sociale. Mais à la fin de juin 2006, le nouveau gouvernement a décidé d'abandonner la «politique de tolérance zéro», de réintroduire une distinction entre les drogues «dures» et «douces» et d'augmenter la quantité de cannabis qu'il est permis de détenir sans se faire arrêter pour suspicion de trafic de drogue.

Sur la question de la culture et du commerce du cannabis, seuls les Pays-Bas possèdent un régime comparable au texte de l'initiative sur le chanvre. Le législateur a beau y interdire la vente de cannabis, elle est tolérée à certaines conditions. Quant à la culture du cannabis, qui ne bénéficie pas encore d'une réglementation analogue, une nette majorité du Parlement néerlandais a récemment présenté une intervention demandant qu'elle soit tolérée. De cette manière, la criminalité liée à la production de cannabis diminuerait. En outre, l'Etat pourrait envisager l'instauration de taxes.

Cette intervention prévoit également de tolérer la culture du chanvre à proximité de la ville de Maastricht, dans le cadre d'un programme pilote mené sous le contrôle des autorités. Les coffee shops autorisés seraient tenus d'informer leur clientèle sur la provenance et la composition chimique du cannabis, ainsi que sur les risques liés à sa consommation.

Pour limiter les manifestations négatives associées à la consommation de cannabis, le gouvernement néerlandais a publié un «White paper on cannabis policy» qui fixe comme priorités un plan national d'action pour la lutte contre la consommation de cannabis, une application plus rigoureuse des lois et des dispositions correspondan247

tes, davantage de fermeté face au tourisme de la drogue et des mesures pratiques destinées à limiter la production illicite de cannabis, pour l'exportation notamment.

3

Buts et teneur de l'initiative

L'initiative sur le chanvre a été lancée afin de débloquer le débat parlementaire.

3.1

Buts de l'initiative

Les auteurs de l'initiative visent essentiellement trois buts: Impunité de la consommation de cannabis Aux yeux des auteurs de l'initiative, la répression de la consommation de cannabis est disproportionnée en comparaison de l'alcool ou du tabac, dont la consommation n'est pas punissable; elle incriminerait beaucoup trop de personnes en Suisse.

Contrôle de l'offre La mise en place de règles et de contrôles portant sur l'offre ­ en parallèle à la levée de l'interdiction de consommation ­ doit permettre de réduire l'accessibilité du cannabis et donc de lutter contre le marché noir; l'optique visée ici est surtout de mieux protéger la jeunesse.

Renforcement de la prévention et meilleure protection de la jeunesse Une interdiction absolue de vente de cannabis aux moins de 18 ans et l'interdiction de la publicité pour les substances psychoactives du chanvre sont les deux piliers d'une prévention à la fois meilleure et plus crédible.

3.2

Teneur de la réglementation proposée

Le texte de l'initiative sur le chanvre, formulé de manière succincte, s'articule en trois parties: ­

248

la première partie (art. 105a, al. 1 et 2) exige la dépénalisation de la consommation de cannabis et des actes préparatoires à la consommation personnelle (culture, possession, acquisition). Selon la LStup en vigueur, la consommation de stupéfiants ­ donc aussi de cannabis ­ est interdite. Dans les cas bénins, l'autorité compétente pourra suspendre la procédure ou renoncer à infliger une peine (art. 19a, ch. 2). En outre, selon l'art. 19b LStup, celui qui se borne à préparer pour lui-même la consommation de stupéfiants ou à permettre à des tiers d'en consommer simultanément en commun après leur en avoir fourni gratuitement, n'est pas punissable s'il s'agit de quantités minimes;

­

la Confédération est chargée dans la deuxième partie de l'initiative (art. 105a, al. 3) d'édicter des prescriptions concernant la culture, la production, le commerce, l'importation et l'exportation des substances psychoactives du chanvre. Le texte de l'initiative permettrait aussi bien de décriminaliser totalement ces activités que d'en rester à la proposition du Conseil fédéral de 20019, selon laquelle ces mêmes activités demeurent interdites dans la LStup, mais l'obligation de poursuivre est limitée. Un régime d'interdiction est en place aujourd'hui;

­

la troisième partie de l'initiative (art. 105a, al. 4) exige qu'il soit tenu compte de la protection de la jeunesse et que la publicité pour les substances psychoactives du chanvre ou pour l'emploi de telles substances soit interdite.

La LStup actuelle ne contient aucune disposition spécifique sur la protection de la jeunesse. Le droit en vigueur interdit néanmoins la publicité pour le cannabis et les produits à base de cannabis dès lors qu'il s'agit de stupéfiants (art. 19, al. 1, LStup, art. 56, al. 1, OStup).

3.3

Commentaire du texte de l'initiative

3.3.1

Impunité de la consommation de cannabis et de ses actes préparatoires

Dans sa première partie, l'initiative sur le chanvre exige la dépénalisation de la consommation des substances psychoactives du chanvre. L'expression «substances psychoactives du chanvre» figurant dans cette disposition appelle un éclaircissement. Les auteurs de l'initiative visent explicitement ici le «chanvre-drogue», dont la consommation a un effet psychoactif sur la personne qui en prend. En effet, ni le chanvre à fibres ni le chanvre industriel ne sont consommés en tant que stupéfiants.

Comme cette disposition est directement applicable10, la consommation de cannabis cesserait immédiatement d'être punissable en cas d'acceptation de l'initiative.

En ce qui concerne les actes préparatoires à la consommation personnelle, l'initiative précise qu'elle entend par là le fait de posséder, d'acquérir et de cultiver du chanvre pour son propre usage. De tels actes excluent donc clairement toute remise à des tiers. L'initiative n'indique pas comment se ferait la démarcation par rapport au commerce. De tels critères peuvent être mis en place de deux façons: par le biais de prescriptions juridiques (au niveau de la loi ou de l'ordonnance), ou en laissant aux tribunaux le soin de définir les critères à remplir pour que la possession, la culture et l'acquisition du cannabis ne soient pas punissables (par exemple quantité maximale de cannabis qu'une personne est autorisée à porter sur elle pour qu'on considère encore qu'elle la possède pour son propre usage). Dans le premier cas, la disposition ne pourrait pas être mise en vigueur sur-le-champ, et il faudrait attendre sa concrétisation dans une ordonnance ou dans la loi. Dans le second cas, l'étape législative

9 10

Message du 9 mars 2001 concernant la révision de la loi sur les stupéfiants; FF 2001 3537 Sur le problème de l'applicabilité directe d'une nouvelle disposition constitutionnelle par rapport à la législation antérieure, voir FF 1987 II 1442 et 1997 II 598; Jean-François Aubert, Traité de droit constitutionnel suisse, vol. I et II (1967) et complément (1982); Yvo Hangartner, St. Galler Kommentar, Zurich etc. 2002, art. 191, no 11 et renvois.

249

ou réglementaire serait superflue, et la disposition sur les actes préparatoires entrerait en vigueur dès l'acceptation de l'initiative.11

3.3.2

Réglementation concernant la culture, la production, l'importation, l'exportation et le commerce des substances psychoactives du chanvre

L'al. 3 du texte de l'initiative stipule que la Confédération se charge des prescriptions en matière de culture, de production, de commerce, d'importation et d'exportation. Cette disposition aurait certainement besoin d'être concrétisée dans la loi et, probablement aussi, dans l'ordonnance. Comme indiqué au ch. 1.3, il existe en principe deux possibilités de mettre en oeuvre une telle disposition12: ­

Légalisation du cannabis: la culture et le commerce du cannabis seraient juridiquement autorisés, et ne seraient donc plus punissables dans la LStup.

Une réglementation et des mesures d'accompagnement claires garantiraient le respect des objectifs en matière de santé publique, de même que la protection de la jeunesse. Cette option avait été examinée dans le cadre de la révision de la LStup de 2001 et jugée incompatible avec la Convention unique de 1961, sur la base des expertises menées. La dénonciation de cette convention sur le plan politique n'étant pas à l'ordre du jour, l'option de la légalisation du cannabis doit être abandonnée.

­

Restriction de l'obligation de poursuite pénale: la LStup continuerait d'interdire le commerce, la production, la culture, l'importation et l'exportation de cannabis. Une base légale serait toutefois créée, fixant les principales conditions auxquelles on peut renoncer à une poursuite pénale (par exemple obligation de déclarer la culture de cannabis, pas de vente aux moins de 18 ou 16 ans, quantité de vente maximale admise par mois et par personne). Le Conseil fédéral fixerait dans une ordonnance d'exécution les modalités de cette limitation de l'obligation de poursuivre les infractions.

Cette possibilité de mise en oeuvre de l'art. 105a, al. 3, Cst. de l'initiative correspond au modèle proposé par le Conseil fédéral dans le message de 2001. Plusieurs experts avaient examiné la proposition du Conseil fédéral et conclu à sa compatibilité avec le droit international public.13

11

12

13

250

A supposer que l'initiative sur le chanvre soit acceptée, le volet de mise en oeuvre dépendra de la décision du Parlement d'accorder ou non au Conseil fédéral, dans la LStup, la compétence de réglementer les actes préparatoires par voie d'ordonnance.

La Commission fédérale pour les questions liées aux drogues avait examiné ces deux mêmes possibilités dans son rapport sur le cannabis de mai 1999, et était parvenue à des conclusions identiques.

Voir ch. 5 du message du 9 mars 2001 concernant la révision de la loi sur les stupéfiants; FF 2001 3715

L'un des points essentiels à régler à l'al. 3 est certainement la définition du chanvredrogue par rapport au chanvre à fibres, qui est légal. La teneur en THC de la plante du cannabis constituerait un critère de distinction objectif. Comme proposé dans le message du Conseil fédéral de 2001, il faudrait alors fixer une valeur limite en THC au-delà de laquelle le cannabis serait assimilé à un stupéfiant14.

3.3.3

Protection de la jeunesse et interdiction de la publicité

L'initiative prévoit (art. 105a, al. 4, Cst.) que la Confédération prenne des mesures garantissant la protection de la jeunesse et qu'elle interdise la publicité pour les substances psychoactives du chanvre ou pour l'emploi de telles substances.

Le but de telles mesures est d'éviter que les jeunes ne consomment ces substances et n'en deviennent dépendants. D'où la nécessité d'instaurer des mesures de protection de la jeunesse et un volet de prévention. Un système de signalement précoce des jeunes exposés en fait partie. En outre, l'interdiction de vente aux mineurs rendra plus difficile l'accès au cannabis et contribuera ainsi à la protection de la jeunesse.

D'autres dispositions relatives à la protection de la jeunesse ont déjà été intégrées dans le projet de révision partielle de la LStup en cours au Parlement.

La dépénalisation de la consommation des substances psychoactives doit s'accompagner d'un message clair, à savoir qu'une telle pratique n'est jamais sans risque, qu'elle peut être nocive et qu'elle n'est pas souhaitable.

Le maintien de l'interdiction de la publicité va de soi et fait partie intégrante des mesures de protection de la jeunesse. Sa suppression ou son assouplissement n'entrent pas en ligne de compte.

14

ATF 126 IV 198 ss: dans un arrêt du 13 mars 2000, le Tribunal fédéral a décidé que les valeurs limites inscrites dans la législation sur les produits alimentaires et dans la législation agricole peuvent être utilisées pour déterminer à partir de quelle teneur en THC un produit à base de chanvre doit être assimilé à un stupéfiant et ne peut être mis dans le commerce en vertu de l'art. 8, al. 1, let. d, LStup. Cette décision rendue par la plus haute instance judiciaire a certes dissipé en grande partie l'insécurité du droit. Les arguments plaidant en faveur d'une teneur en THC de 0,3 % sont que cette valeur est familière au public et correspond dans une large mesure au cadre réglementaire européen. Toutefois, le groupe de chimie forensique de la Société suisse de médecine légale était parvenu à la conclusion qu'une valeur limite de 1 % de THC serait plus appropriée, la variabilité génétique faisant que si les conditions de développement s'y prêtent, le chanvre à fibres (chanvre industriel) affiche parfois des valeurs supérieures à 0,3 %. Or plus la teneur en THC est fixée à un faible niveau, plus l'exécution ou les analyses forensiques sont compliquées et coûteuses. En outre, une situation d'abus est peu probable avec des valeurs limites aussi basses.

251

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Objet de l'initiative

L'initiative sur le chanvre vise, d'une part, à ce que le fait de consommer des substances psychoactives du chanvre, d'en posséder, d'en cultiver ou d'en acquérir pour son propre usage ne soit plus punissable et, d'autre part, à ce que la Confédération réglemente la culture, la production, l'importation, l'exportation et le commerce des substances psychoactives du chanvre. La Confédération doit également prendre des mesures appropriées afin qu'il soit tenu compte de la protection de la jeunesse et que la publicité pour les substances psychoactives du chanvre ou pour l'emploi de telles substances soit interdite.

4.1.1

Appréciation politique

L'initiative sur le chanvre va dans le même sens que le message du 9 mars 2001 concernant la révision de la LStup, et n'est donc pas en contradiction avec la politique en matière de drogue du Conseil fédéral. Le Conseil fédéral n'en recommande pas moins de la rejeter sans contre-projet. Non pas qu'il ait changé d'avis depuis 2001; mais, en raison d'une intervention parlementaire déposée par la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national, le Parlement a décidé d'élaborer une proposition sur la question du chanvre après la révision de la LStup (voir ch. 2.2.1). En recommandant de rejeter l'initiative, l'exécutif fédéral respecte la volonté du Parlement d'élaborer, dans une phase ultérieure de la révision de la LStup, des propositions susceptibles de trouver un consensus sur le cannabis.

Par ailleurs, le Conseil fédéral ne s'estime pas en mesure d'élaborer une contreproposition susceptible de rallier une majorité de voix favorables, faute de tendance nette dans les interventions parlementaires déposées à ce jour.

4.1.2

Appréciation formelle

Des considérations d'ordre formel amènent également le Conseil fédéral à ne pas recommander l'approbation de l'initiative. A ses yeux, la question du cannabis ne doit pas être réglée au niveau constitutionnel, le droit des stupéfiants ayant sa place aux niveaux législatif et réglementaire. L'inscription de certains aspects du droit des stupéfiants dans la Constitution fédérale irait à l'encontre du principe qui sous-tend la systématique du droit, à savoir que les objectifs figurant dans la Constitution soient autant que possible de rang équivalent ­ du moins dans chacune des matières réglées. On ne peut néanmoins adresser aucun reproche aux auteurs de l'initiative, étant donné que l'initiative législative n'existe pas au niveau fédéral.

4.1.3

Appréciation du contenu

La création d'un régime spécial pour une substance particulière, qui est l'objet même de l'initiative, va à l'encontre des exigences d'une politique moderne et efficace. La tendance observée ces dernières années à la consommation mixte, c'està-dire à la consommation simultanée de plusieurs substances (légales ou illégales) 252

engendrant la dépendance, exige d'adopter des mesures sans se concentrer sur des substances précises, dans le cadre d'une politique cohérente en matière de drogue.

La même recommandation figure dans plusieurs études, à commencer par le rapport «psychoaktiv.ch» de la Commission fédérale pour les questions liées aux drogues15.

Cette étude, qui a pour pivot l'établissement de lignes directrices d'une politique des dépendances sur lesquelles s'appuierait la législation future, recommande d'abandonner une politique axée exclusivement sur les drogues illégales. Le rapport «Une nouvelle politique en matière de dépendances pour la Suisse?»16 va dans le même sens et préconise notamment l'élaboration d'un modèle national applicable à la politique des dépendances.

4.2

Conséquences en cas d'acceptation

4.2.1

Contexte historique et social et conséquences sociales possibles en cas d'adoption de l'initiative

Le chanvre est cultivé depuis plus de 5000 ans pour ses fibres. Les premières mentions de l'usage de ses composants à des fins médicales ou rituelles remontent à 400 av. J.-C. La littérature médicale de l'époque décrit le cannabis comme un médicament agissant notamment contre l'épilepsie et les douleurs.

Jusqu'au premier tiers du XXe siècle, le cannabis, habituellement sous la forme d'extraits alcooliques, était un médicament facilement disponible; au XIXe siècle, l'un des médicaments les plus prescrits. A la conférence internationale sur l'opium tenue à Genève en 1925, une interdiction du cannabis a également été discutée à la demande de l'Egypte. Contrairement au «pavot à opium», le cannabis peut être cultivé sans problème sur la quasi-totalité de la planète, à tel point qu'un contrôle national serait tout à fait suffisant; la demande égyptienne d'autrefois, à savoir interdire le cannabis au niveau international, a été déterminante dans l'inscription du cannabis sur la liste des substances contrôlées au niveau international.

Plus tard, la Convention unique de 1961 a conduit à interdire quasiment dans le monde entier la production, la possession et le commerce du cannabis, sans en déclarer toutefois la consommation punissable. Lors de la ratification de cette Convention, la Suisse a également inscrit dans sa législation en 1975 l'interdiction de consommer des stupéfiants, y compris du cannabis.

L'expérience internationale montre que la prévalence de la consommation de cannabis n'est pas directement liée à sa répression ou à sa non-punissabilité. Il n'est pas possible de prouver que la consommation est moindre dans les Etats ayant une politique restrictive en matière de cannabis que dans les Etats ayant une politique moins restrictive.17

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Commission fédérale pour les questions liées aux drogues (CFLD), D'une politique des drogues illégales à une politique des substances psychoactives, Berne.

Dr Markus Spinatsch, mai 2004, Rapport à l'attention de l'OFSP.

Voir le message du 9 mars 2001 concernant la révision de la LStup, ch. 1.2.1.2.4 à 1.2.1.2.6; FF 2001 3537.

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Une exemple pour une politique moins restrictive sont les Pays Bas. Ils possèdent, avec le modèle des coffee shops, depuis la fin de 1976, une réglementation proche de celle que préconisent les auteurs de l'initiative. Le but déclaré de la politique des coffee shops est de séparer les marchés de la drogue, afin de réduire le risque de passage du cannabis à des drogues plus dures. Les données disponibles concernant les Pays-Bas montrent qu'après une augmentation assez forte de la consommation de cannabis à la fin du siècle passé (de 15 % en 1992 à 19 % en 200318), les chiffres se sont stabilisés, voir ont reculé. La France, qui a une politique en matière de drogues plus restrictive, a aussi enregistré une forte augmentation de la consommation de cannabis entre 1992 et 2002 (de 11,3 % à 26,2 %19). Aux environs de 2002, les chiffres de la consommation de cannabis en Europe se sont stabilisés, voire ont même régressé.

Ces deux exemples permettent de conclure qu'il n'existe pas de relation linéaire entre la fréquence de la consommation et la facilité d'accès aux produits du cannabis. Ce constat correspond d'ailleurs aux résultats de diverses études montrant l'absence de lien entre la législation d'un pays, d'une part, et le comportement des consommateurs, d'autre part.

En Suisse, malgré l'interdiction, la consommation de cannabis est devenue une habitude répandue chez les jeunes et parmi une fraction non négligeable de la population adulte. Différentes études signalent que son acceptation sociale a augmenté, au point que le sentiment de commettre une infraction fait souvent défaut20. La dépénalisation de la consommation de cannabis et la tolérance limitée pour la culture et la vente de produits dérivés du cannabis pourraient entraîner ­ basé sur l'expérience des Pays Bas ­ une augmentation de la consommation à titre d'essai chez les adolescents et les jeunes adultes. Mais il est permis de supposer que dans la grande majorité des cas, cette consommation resterait temporaire. En cas d'acceptation de l'initiative, il serait crucial de contrôler le respect de l'interdiction de vente aux jeunes et aux enfants, et parallèlement de renforcer les mesures d'accompagnement, par exemple sous formes de campagnes nationales de prévention et d'extension de l'offre de signalement précoce.

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20

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EMCDDA, Reitox, Annual report Netherland, 2004.

EMCCDA, Statistical Bulletin 2005, table GPS-1 part (i). Lifetime prevalence of drug use among all adults (15 to 64 years old), in nationwide surveys among the general population.

Voir le rapport sur le cannabis de la Commission fédérale pour les questions liées aux drogues, de mai 1999, et le rapport Cannabis, état des lieux en Suisse , de l'Institut suisse de prévention de l'alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA) de 2004, lequel conclut que l'image du chanvre a évolué dans l'esprit des gens. Ainsi, beaucoup de personnes, en particulier les jeunes, jugent le cannabis inoffensif et la considère comme une «drogue récréative». Selon une enquête de l'ISPA, près de la moitié de la population serait prête à dépénaliser l'usage du cannabis.

4.2.2

Conséquences économiques

Afin d'être à même de juger des conséquences économiques qu'aurait l'acceptation de l'initiative sur le chanvre, l'OFSP a procédé à une analyse d'impact de la réglementation (AIR)21. Le but d'une telle analyse22 est d'examiner par avance, de façon systématique, les coûts et les bénéfices d'un projet pour les groupes sociaux concernés et pour l'économie nationale. Il importe de préciser que les conclusions de cette étude se fondent sur des estimations et des hypothèses, étant donné que la consommation et le marché du cannabis sont illégaux, et donc que trop de paramètres sont inconnus (taille du marché du cannabis, coûts de sa culture illégale par rapport à une culture légale, etc.) pour permettre d'aller au-delà d'une estimation sommaire.

L'étude passe en revue, avec leurs conséquences, divers modèles dont seul celui correspondant à l'initiative (décriminalisation de la consommation de cannabis et de ses actes préparatoires, en parallèle à l'introduction d'un marché toléré pour la vente et la culture du cannabis, y compris la perception d'un impôt/d'une taxe d'incitation = marché régulé) est brièvement résumé ici. Les auteurs se sont principalement basés, pour leurs estimations économiques, sur des travaux australiens et américains.

L'étude aboutit à la conclusion qu'avec un marché ainsi régulé, le prix du cannabis chuterait d'environ 60 % pour le consommateur final. D'où une augmentation de la consommation, chiffrée à 20 %. Les coûts supplémentaires à prévoir dans le secteur de la thérapie seraient compris entre 9,5 et 16,9 millions de francs. Ces coûts seraient essentiellement à la charge des cantons (extension le cas échéant de l'offre de thérapie) et des caisses-maladie (frais de traitement).

La décriminalisation de la consommation, de la production et du commerce du cannabis dans le cadre d'un marché toléré fait baisser les coûts de la répression. En 2003, les coûts dus aux mesures de répression se situaient dans une fourchette de 74,8 à 106,5 millions de francs. Un marché toléré permettrait des économies de 30 à 45 millions de francs sur les coûts de répression. Les coûts en question sont essentiellement liés au contrôle des producteurs de chanvre et des points de vente; on pourrait d'ailleurs penser à un système où les établissements qui vendent du cannabis participeraient aux coûts,
pour que l'Etat n'ait aucun frais supplémentaire à supporter.

A supposer qu'un impôt soit perçu sur la vente des produits tirés du cannabis, les coûts de la répression ne diminueraient que de 20 à 35 millions de francs. En effet, le contrôle de l'imposition implique certaines charges financières.

En résumé, on peut dire que, d'un côté, l'abandon des poursuites pour consommation de cannabis pourrait générer des économies. Mais, d'un autre côté, la possible augmentation des besoins thérapeutiques ainsi que les contrôles du respect des prescriptions par les producteurs et les vendeurs (contrôle des impôts, contrôles policiers visant à empêcher le marché noir, etc.) entraîneraient un surcroît de dépen-

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Claude Jeanrenaud, Johanne Widmer, août 2006, Initiative populaire fédérale «pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse»: analyse de l'impact économique, Institut de recherches économiques de l'Université de Neuchâtel. L'étude est disponible auprès de l'OFSP, Programmes nationaux de prévention, 3003 Berne.

L'analyse d'impact de la réglementation se fonde sur les directives du Conseil fédéral sur l'exposé des conséquences économiques des projets d'actes législatifs fédéraux du 15 septembre 1999.

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ses. En cas d'acceptation de l'initiative chanvre, les économies réalisées ne seraient donc pas si importantes par rapport à la situation actuelle.

4.2.3

Effets sur le droit international et européen

La présente initiative est compatible avec les engagements internationaux pris par la Suisse, à condition que le législateur en précise certaines modalités (voir ch. 1.3).

Dans ce sens, son acceptation ne devrait entraîner aucune difficulté avec d'autres Etats, comme le montre l'exemple néerlandais. Encore faut-il que la Suisse empêche l'exportation du cannabis à l'étranger.

L'initiative ouvre des options contraires au droit international. L'initiative est formulée de manière vague de sorte qu'elle laisse entrevoir aussi bien l'interdiction de la culture et du commerce du cannabis qu'une possible légalisation partielle ou totale de cette substance. Or, légaliser le cannabis reviendrait à enfreindre différentes conventions que la Suisse a conclues avec l'ONU et donc à les annuler, ce que le Conseil fédéral ne veut en aucun cas. Ces conventions conditionnent en effet l'accord d'association de la Suisse à Schengen.

4.3

Mérites et lacunes de l'initiative

La dépénalisation de la consommation du cannabis et de ses actes préparatoires visée par les auteurs de l'initiative, ainsi que les contrôles souhaités de l'offre, présentent de nombreux avantages. D'abord, il n'y aurait plus de fossé entre la législation et la réalité ­ l'hypothèse attribuant à l'interdiction un effet de prévention générale ne s'étant pas vérifiée. Ensuite, les différences actuelles entre cantons au niveau de la répression de la consommation de cannabis, d'une part, et de la fermeture ou de la tolérance des magasins de chanvre, d'autre part, disparaîtraient. Un contrôle de l'offre (culture, production, vente) aboutirait à une séparation des marchés des drogues douces et dures, et donc permettrait une protection de la jeunesse.

Cependant, la mise en oeuvre de la réglementation proposée est une opération très complexe, impliquant de lourdes charges au titre des contrôles et de la création du système de contrôle. Au début surtout, il faudrait s'attendre à des charges dans ce sens. L'introduction d'une taxe d'incitation serait probablement nécessaire pour compenser la baisse du prix du cannabis signalée au ch. 4.2.2 sur les conséquences économiques. D'où le risque que le trafic de chanvre se poursuive, malgré l'existence d'un régime de tolérance. L'interdiction de vente aux jeunes risque également de favoriser l'apparition d'un marché noir.

En outre, l'aspect de la protection de la jeunesse est formulé de manière très évasive.

On ne voit pas très bien, à la lecture de l'initiative, quelles mesures concrètes devraient être prises.

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Conclusions

Compte tenu des arguments politiques exposés plus haut (le Parlement étant l'autorité législative, il a signalé qu'il s'occuperait de la question), pour des raisons relevant du droit constitutionnel (la réglementation du cannabis a sa place au niveau législatif et non constitutionnel) aussi bien que pour des considérations de contenu (le problème du cannabis ne peut être envisagé séparément de la politique des dépendances), le Conseil fédéral recommande de rejeter l'initiative populaire «pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse».

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