07.064 Message sur la mise en oeuvre des recommandations révisées du Groupe d'action financière (GAFI) du 15 juin 2007

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, un projet de la loi fédérale sur la mise en oeuvre des recommandations révisées du Groupe d'action financière (GAFI).

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

15 juin 2007

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2007-0841

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Condensé Les efforts entrepris dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d'argent s'inscrivent dans un contexte normatif qui évolue au gré du développement de la criminalité économique et financière internationale. La loi sur le blanchiment d'argent (LBA) de 1998 a déjà partiellement prévu cette évolution en s'étendant au secteur non bancaire. Par ailleurs, les 40 + 8 recommandations du Groupe d'action financière (GAFI) ont subi une révision en 2003, qui visait notamment à étendre leur application au financement du terrorisme et à des activités non financières.

Cette révision a été suivie de l'adoption, en 2004, d'une neuvième recommandation en matière de lutte contre le financement du terrorisme.

La force du secteur financier suisse réside en grande partie dans le bon fonctionnement de son système et dans la réputation d'intégrité de la place financière helvétique: reconnue dans le monde entier, elle attire des capitaux internationaux, contribuant ainsi à lui donner sa place prépondérante. Lors de l'évaluation mutuelle de la Suisse par le GAFI en 2005, ce dernier a qualifié le système suisse de lutte contre le blanchiment de robuste et complet et dans une large mesure en conformité avec ses recommandations révisées. Il a néanmoins identifié des lacunes plus ou moins importantes dans seize des 49 recommandations du dispositif de défense suisse. Pour assurer le maintien de sa bonne réputation, la Suisse doit dès lors adapter son système de lutte contre le blanchiment d'argent et mettre en oeuvre les points essentiels des recommandations révisées.

Les mesures proposées par le présent projet de loi ont fait l'objet de nombreuses consultations depuis le début 2004 avec les représentants des branches économiques, les autorités de poursuite pénale ainsi que les milieux universitaires. Le projet a donc mûri et se concentre aujourd'hui sur l'essentiel. Il intègre aussi les résultats d'une étude effectuée en 2005 sur le rapport coûts-bénéfices des réformes proposées. Il présente ainsi des mesures législatives et des procédures visant à rendre le système globalement plus efficace et à accroître la sécurité juridique. Enfin, il s'aligne sur les solutions retenues chez nos voisins et dans les places financières les plus importantes hors d'Europe, qui ont également été amenés à réviser leurs
législations nationales.

Les propositions de modifications législatives se concentrent sur douze mesures que l'on peut décomposer en plusieurs thèmes. Le premier concerne les devoirs de diligence: les mesures proposées permettent de les systématiser, reflétant la pratique actuelle, et de les inscrire dans la loi. Le deuxième concerne l'extension de la loi sur le blanchiment d'argent au financement du terrorisme de manière, là aussi, à renforcer la pratique existante. Le troisième vise à améliorer l'efficacité du système de communication des opérations suspectes par l'intégration d'une série de dispositions. Le quatrième comprend l'inclusion de nouvelles infractions préalables au blanchiment d'argent en droit suisse, qui permettra de modifier le droit actuel de manière à préparer le terrain des travaux de transposition de la Convention révisée du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme. Enfin, il est

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prévu de mettre en oeuvre la recommandation spéciale IX sur le contrôle transfrontière d'espèces par le biais d'un système de renseignement sur demande à la frontière. Il faut également relever que le présent projet de loi prévoit une délégation de compétences législatives en faveur du Conseil fédéral en ce qui concerne la mise en oeuvre de la LBA.

La mise en oeuvre de certaines recommandations révisées du GAFI entraîne par ailleurs une adaptation des ordonnances applicables aux intermédiaires financiers, c'est-à-dire des ordonnances des autorités de surveillance instituées par des lois spéciales (Commission fédérale des banques, CFB, Commission fédérale des maisons de jeux, CFMJ, et Office fédéral des assurances privées, OFAP) ainsi qu'une révision de la Convention de diligence de l'Association suisse des banquiers (CDB 03). Ces modifications complèteront le présent projet de loi de manière à augmenter la conformité du dispositif suisse de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme avec les standards du GAFI.

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Table des matières 1 Présentation de l'objet 1.1 Contexte 1.2 Intérêt de la Suisse 1.3 Les changements proposés 1.3.1 Nouvelles infractions préalables au blanchiment d'argent 1.3.1.1 Contrebande organisée (art. 14, al. 4, et 17, ch. 1, DPA, art. 3, al. 3, EIMP) 1.3.1.2 Falsification et piratage de marchandises 1.3.1.2.1 Falsification de marchandises (art. 155, ch. 2, CP) 1.3.1.2.2 Piratage de produits (art. 67, al. 2, LDA) 1.3.1.3 Opérations d'initiés et manipulation de cours 1.3.1.4 Trafic illicite de migrants 1.3.2 Extension à la lutte contre le financement du terrorisme 1.3.3 Identification des représentants des personnes morales (art. 3, al. 1, LBA) 1.3.4 Informations sur l'objet et le but de la relation d'affaires (art. 6, al. 1, LBA) 1.3.5 Valeurs patrimoniales de faible valeur (art. 7a LBA) 1.3.6 Obligation de communiquer en cas de rupture des négociations visant à établir une relation d'affaires (art. 9, al. 1, let. b, LBA) 1.3.7 Blocage des avoirs et assouplissement de l'interdiction d'informer (art. 10 et 10a LBA) 1.3.8 Exclusion de la responsabilité pénale et civile et protection des intermédiaires financiers (art. 11 LBA) 1.3.9 Délégation de compétences législatives (art. 41 LBA) 1.3.10 Echange d'informations (art. 29 et 29a LBA) 1.3.11 Contrôle des transports transfrontières d'espèces (Recommandation spéciale IX; art. 95, al. 1bis, LD) 1.3.12 Communication selon l'art. 305ter CP au seul bureau de communication 1.4 Droit comparé et rapports avec le droit européen 1.5 Application

5924 5924 5925 5926 5926

2 Commentaire 2.1 Nouvelles infractions préalables au blanchiment d'argent 2.1.1 Contrebande organisée (art. 14, al. 4, et 17, ch. 1, DPA, art. 3, al. 3, EIMP) 2.2 Extension à la lutte contre le financement du terrorisme 2.2.1 Modification du titre et adaptation de l'article sur le but de la LBA (art. 1) ­ extension du champ d'application à la lutte contre le financement du terrorisme 2.2.2 Extension des dispositions légales pour inclure la lutte contre le financement du terrorisme (art. 3, 6, 8, 9, 21, 23, 27 et 32 LBA)

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2.3 Identification des représentants des personnes morales (art. 3, al. 1, LBA) 2.4 Informations sur l'objet et le but de la relation d'affaires (art. 6, al. 1, LBA) 2.5 Valeurs patrimoniales de faible valeur (art. 7a LBA) 2.6 Obligation de communiquer en cas de rupture des négociations visant à établir une relation d'affaires (art. 9, al. 1, let. b, LBA) 2.7 Assouplissement de l'interdiction d'informer (art. 10a LBA) 2.7.1 Intermédiaire financier ne pouvant procéder au blocage (art. 10a, al. 2, LBA) 2.7.2 Services communs à un client en relation avec la gestion des avoirs de ce client sur la base d'une collaboration convenue contractuellement (art. 10a, al. 3, let. a, LBA) 2.7.3 Intermédiaires financiers appartenant au même groupe de sociétés (art. 10a, al. 3, let. b, LBA) 2.7.4 Autres conditions d'application de l'assouplissement de l'interdiction d'informer 2.8 Exclusion de la responsabilité pénale et civile et protection des intermédiaires financiers (art. 11 LBA) 2.9 Délégation de compétences législatives (art. 41 LBA) 2.10 Echange d'informations (art. 29 et 29a LBA) 2.10.1 Echange d'informations entre les autorités (art. 29 LBA) 2.10.2 Autorités pénales (art. 29a LBA) 2.11 Contrôle des transports transfrontières d'espèces (Recommandation spéciale IX; art. 95, al. 1bis, LD) 2.12 Communication selon l'art. 305ter CP au seul bureau de communication

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3 Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.2 Conséquences pour les cantons et les communes 3.3 Conséquences économiques

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4 Liens avec le programme de la législature et le plan financier

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5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité et conformité aux lois 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 5.3 Forme de l'acte à adopter 5.4 Frein aux dépenses 5.5 Conformité à la loi sur les subventions 5.6 Délégation de compétences législatives

5960 5960 5960 5960 5960 5960 5961

Loi fédérale sur la mise en oeuvre des recommandations révisées du Groupe d'action financière (Projet)

5963

5923

Message 1

Présentation de l'objet

1.1

Contexte

La Suisse accorde une grande importance au maintien d'une place financière intègre et saine. Elle met tout en oeuvre pour se prémunir contre une utilisation criminelle de sa place financière, notamment contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La mondialisation des flux financiers donne une forte dimension transfrontalière à cette problématique. Par conséquent, la Suisse participe activement, depuis sa création, aux travaux du GAFI, le Groupe d'action financière. Ce dernier a notamment pour but d'élaborer des normes internationales de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Créé en 1989, le GAFI se compose actuellement de 33 membres, soit 31 pays et territoires et deux organisations régionales. Il a élaboré 40 recommandations pour lutter contre le blanchiment de capitaux et huit recommandations spéciales, formulées en octobre 2001 après les attentats du 11 septembre 2001. Une neuvième recommandation spéciale sur les transports transfrontières d'espèces et d'instruments au porteur a été adoptée en octobre 2004. Les 40 recommandations ont été entièrement révisées en 2003 afin notamment d'étendre leur portée au financement du terrorisme et à des domaines autres que le secteur financier. Cette évolution reflète les développements du phénomène de blanchiment d'argent ainsi que des nouvelles menaces pesant sur le secteur financier. Les 40 + 9 recommandations révisées constituent les nouveaux standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

La Suisse a approuvé les 40 recommandations révisées lors de la réunion plénière du GAFI qui s'est tenue en juin 2003. La réglementation suisse est déjà dans une large mesure compatible avec ces nouveaux standards, comme l'a relevé le rapport d'évaluation mutuelle de la Suisse. Certaines adaptations sont toutefois nécessaires pour assurer une conformité avec les points essentiels des recommandations révisées.

Le 22 octobre 2003, le Conseil fédéral confiait au Département fédéral des finances (DFF) la mise sur pied d'un groupe de travail interdépartemental (IDA GAFI) chargé de proposer les mesures nécessaires à la mise en oeuvre des recommandations révisées du GAFI. En début d'année 2004, ce groupe de travail a mené des entretiens informels (hearings)
avec les milieux concernés ou intéressés, soit les représentants des branches économiques, des autorités de poursuite pénale ainsi que des milieux universitaires. Il a élaboré ensuite un avant-projet que le Conseil fédéral a mis en consultation par décision du 12 janvier 2005. Le 30 septembre 2005, le Conseil fédéral rendait public le rapport sur les résultats de la procédure de consultation1. A cette occasion, il a décidé que le projet mis en consultation serait remanié dans le cadre de l'élaboration du message afin de tenir compte de certaines critiques issues des milieux économiques. Sur le plan international, le GAFI publiait en octobre 2005 le rapport d'évaluation mutuelle de la Suisse relative à son système de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Ce rapport 1

Ce rapport est disponible sur le site internet du DFF à l'adresse suivante: http://www.efd.admin.ch/dokumentation/gesetzgebung/00571/00755/index.html?lang=fr

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conclut que la Suisse dispose, en comparaison internationale, d'un système global et efficace de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, tout en mettant en évidence un certain nombre de lacunes plus ou moins importantes du dispositif dans la mise en oeuvre de seize des 49 recommandations.

Après une période d'approfondissement durant laquelle le DFF a effectué une pondération de l'ensemble des résultats, tant internes qu'externes (avant-projet, consultation de l'avant-projet, rapport répondant aux postulats Stähelin2 et rapport d'évaluation mutuelle de la Suisse), le Conseil fédéral a défini le 29 septembre 2006 les grandes lignes du remaniement du projet et a chargé le DFF de rédiger le présent message. Le projet intègre ainsi, d'une part, les résultats de la consultation et, d'autre part, certaines mesures retenues provenant des résultats de l'examen de la Suisse au GAFI. Ces dernières n'ayant pas fait l'objet de la consultation, elles ont été soumises à une audition de janvier à février 2007. Les modifications légales découlant du présent projet concernent le code pénal3 (CP), la loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent4 (LBA), la loi du 18 mars 2005 sur les douanes5 (LD), la loi du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur6 (LDA), la loi du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif7 (DPA) ainsi que la loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale8 (EIMP). Certaines des mesures identifiées dans le rapport d'évaluation mutuelle de la Suisse ne nécessitent pas de modifications législatives et seront ­ ou ont déjà été ­ transposées ponctuellement par les autorités de surveillance respectives dans leurs ordonnances. Ainsi, des dispositions ont été intégrées ou modifiées dans le cadre de la révision de l'ordonnance de la CFB du 18 décembre 2002 sur le blanchiment d'argent9 (OBA-CFB), qui devrait être finalisée en automne 2007. L'ordonnance révisée de l'OFAP (OBA OFAP)10 est quant à elle déjà en vigueur. La CFMJ est elle aussi en train d'élaborer une révision de son ordonnance (OCFMJ-LBA)11, qui devrait entrer en vigueur au second semestre 2007. Enfin, la révision de la Convention relative à l'obligation de diligence des banques12 (CDB 03) est prévue en 2009.

1.2

Intérêt de la Suisse

La Suisse dispose d'un système robuste et complet de lutte contre le blanchiment, jugé positivement par le GAFI dans son rapport d'évaluation mutuelle. Elle s'est ainsi dotée d'un arsenal de règles efficace pour lutter contre le blanchiment d'argent.

Les instruments mis en oeuvre sont dans une large mesure conformes aux normes internationales en vigueur et vont dans le sens des recommandations révisées du GAFI. Les propositions avancées dans le présent projet ont pour but de combler 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

Postulats 05.3175 du 17 mars 2005 et 05.3456 du 17 juin 2005.

RS 311.0 RS 955.0 RS 631 RS 231.1 RS 313.0 RS 351.1 RS 955.022 Ordonnance de l'OFAP du 24 octobre 2006 sur la lutte contre le blanchiment d'argent, RS 955.032.

Ordonnance de la CFMJ du 28 février 2000 concernant la lutte contre le blanchiment d'argent, RS 955.021.

Circulaire no 7224 du 20.12.2002.

5925

certaines lacunes et d'étendre formellement les différentes normes au financement du terrorisme.

Une part importante de la plus-value économique créée en Suisse provient du secteur des services financiers, dont la force réside essentiellement dans le bon fonctionnement du système et dans la réputation d'intégrité de la place financière helvétique. De ce fait, la Suisse doit suivre les développements internationaux dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Une législation efficace permet en effet de prévenir les abus et l'utilisation criminelle du système et donc de réduire les risques pour les intermédiaires financiers et le système tout entier. Au vu de l'importance du secteur financier pour l'économie ­ part d'emploi de plus de 5 % et contribution de près de 14 % à la valeur totale de la production ­, la question est même fondamentale. Le présent projet contient donc un ensemble de mesures visant à améliorer l'efficacité du système de lutte contre le blanchiment d'argent. Par ailleurs, certaines d'entre elles permettent un allégement des charges administratives, par exemple dans le domaine des valeurs patrimoniales de faible valeur; d'autres contribuent à instaurer une plus grande sécurité juridique, par exemple les mesures relatives à l'identification du client ou celle sur l'exclusion de la responsabilité pénale et civile et la protection de l'intermédiaire financier. Le dispositif législatif protège ainsi la place financière suisse et, d'une manière générale, l'économie, tout en consolidant les bases de son succès.

La criminalité se développe à l'échelle internationale et déplace ses activités du secteur financier vers d'autres secteurs de l'économie, comme le reflètent notamment les tendances observées à travers les analyses effectuées au GAFI. Les standards internationaux doivent s'adapter en conséquence afin de répondre efficacement à des menaces fluctuantes. Il est aussi important pour la Suisse de se conformer aux nouvelles règles internationales proposées par le GAFI et de mettre en oeuvre ses recommandations révisées. Le fait de disposer d'une réglementation et d'une surveillance fondées sur des standards internationalement reconnus permet en outre de bénéficier de conditions concurrentielles similaires au niveau international et
d'éviter toute discrimination. La Suisse a dès lors tout intérêt à continuer à mettre en oeuvre les standards internationaux. La mise en oeuvre des nouveaux standards a été préparée en tenant compte des critères de compatibilité économique, en veillant notamment à contenir la charge administrative et à ne pas étendre excessivement le cadre réglementaire.

1.3

Les changements proposés

1.3.1

Nouvelles infractions préalables au blanchiment d'argent

Selon la recommandation 1 du GAFI, les pays doivent appliquer l'infraction de blanchiment de capitaux à toutes les infractions graves, afin de couvrir la gamme la plus large possible d'infractions préalables ou sous-jacentes. En ce qui concerne la définition des infractions préalables, cette recommandation permet différentes approches: ­

5926

considérer l'ensemble des infractions comme des infractions préalables (approche dite «all crimes»);

­

définir la notion d'infraction préalable par rapport à un seuil lié, soit à une catégorie d'infractions graves, soit à la peine privative de liberté dont est passible l'infraction préalable (méthode du seuil);

­

adopter une liste d'infractions préalables (approche dite «liste»).

Il est également possible de combiner ces approches. C'est ce que fait, par exemple, la 3e directive européenne13. Cette dernière combine, en effet, une liste de certaines infractions graves prédéfinies avec la méthode du seuil, en vertu de laquelle doit être considérée comme grave toute infraction punie d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté d'une durée maximale supérieure à un an, ou, dans les Etats dont le système juridique prévoit un seuil minimal pour les infractions, toute infraction punie d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté d'une durée minimale supérieure à six mois (art. 3, ch. 5, de la directive).

Quelle que soit l'approche choisie, la recommandation 1 du GAFI dispose que chaque pays doit au minimum inclure une gamme d'infractions graves au sein de chacune des catégories désignées d'infractions, telles que définies dans le glossaire qui est annexé aux 40 recommandations et en constitue une partie intégrante. Cette liste minimale a été étendue et comprend désormais également les infractions suivantes: le trafic illicite de migrants, la contrefaçon et le piratage de produits, la contrebande, les opérations d'initiés et la manipulation de cours14.

Ces infractions ne sont pas encore considérées comme des crimes en droit suisse, mais uniquement comme des délits. Or, aux termes de l'art. 305bis, ch. 1, CP, seuls les crimes constituent des infractions préalables au blanchiment d'argent. Cette disposition, qui contrairement à la 3e directive européenne, met en oeuvre en droit suisse la méthode du seuil lié à une catégorie d'infractions graves, en l'occurrence les crimes, a fait ses preuves et doit par conséquent être conservée. Ainsi, toutes les infractions généralement qualifiées de crime doivent continuer d'être considérées comme des infractions préalables au blanchiment d'argent. Il n'est donc pas nécessaire de modifier l'art. 305bis CP ni, en particulier, de mentionner une liste expresse de crimes pouvant constituer des infractions préalables au blanchiment d'argent.

Puisque les crimes sont ­ par opposition aux délits ­ des infractions qualifiées de graves en droit suisse, l'art. 305bis CP est parfaitement conforme à la recommandation 1 du GAFI.

L'intégration des infractions précitées dans le catalogue de mesures existant est indispensable en vue
d'une ratification par la Suisse de la Convention révisée du Conseil de l'Europe du 16 mai 2005 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme15. Cette convention constitue à la fois une révision et un élargissement de la Convention du

13

14

15

Directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, JO L 309 du 25 novembre 2005, p. 15.

Recommandation 1 et glossaire en annexe des 40 recommandations (version originale anglaise: «migrant smuggling, counterfeiting and piracy of products, smuggling, insider trading and market manipulation»).

Voir ch. 1.4. Cette convention est désignée dans le message par «Convention révisée du Conseil de l'Europe».

5927

Conseil de l'Europe de 199016, l'un des instruments en vigueur les plus importants de l'organisation, ratifié par la plupart des 46 membres du Conseil de l'Europe, dont la Suisse. La convention révisée, qui apporte une modernisation et un développement mesuré des standards internationaux de lutte contre le blanchiment d'argent, érige partiellement les recommandations du GAFI en droit international contraignant et compte notamment les opérations d'initiés et les manipulations de marchés boursiers, la contrebande, la contrefaçon et le piratage de produits au nombre des infractions préalables au blanchiment d'argent. La Suisse devra dès lors procéder à la révision proposée avant de pouvoir signer, puis ratifier la Convention.

Selon les recommandations du GAFI, chaque pays peut décider comment il définira les infractions préalables. Plus exactement, le glossaire du GAFI indique que chaque pays est libre de prévoir des éléments d'infraction supplémentaires, tels que les critères de qualification, qui en font une infraction grave pouvant constituer une infraction préalable au blanchiment.

La mise en oeuvre de cette partie des recommandations révisées du GAFI aura lieu en trois étapes. Comme mentionné au ch. 1.3.1.4, le trafic illicite de migrants sera qualifié de crime dès l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers17 (LEtr). La contrefaçon et le piratage de produits ainsi que la contrebande font l'objet du présent projet. Il suffit pour leur mise en oeuvre de procéder à des modifications ponctuelles du CP, de la LDA, du DPA ainsi que de l'EIMP. A l'exception de la contrebande douanière, ces modifications ne sont pas matérielles, c'est-à-dire que les éléments constitutifs de ces infractions demeurent inchangés; par contre, la peine applicable est augmentée afin que ces infractions soient considérées comme des crimes. Ainsi, les différentes infractions ou leurs formes qualifiées seront désormais passibles non plus d'une peine privative de liberté jusqu'à trois ans, mais d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Enfin, les opérations d'initiés et la manipulation de cours seront traitées dans le cadre d'une réforme plus large des infractions boursières (voir ch. 1.3.1.3).

1.3.1.1

Contrebande organisée (art. 14, al. 4, et 17, ch. 1, DPA, art. 3, al. 3, EIMP)

Les recommandations révisées du GAFI comptent désormais la contrebande douanière grave au nombre des infractions préalables au blanchiment de capitaux18. En Suisse, les cas de contrebande ne constituent pas un crime. Ainsi, ceux-ci ne sont pas considérés comme des infractions préalables au blanchiment d'argent. Les recommandations du GAFI ne définissent pas la contrebande, mais laissent chaque pays en donner sa propre définition.

Dans le droit douanier actuel, aucune infraction ne constitue un crime. En effet, la nouvelle LD, entrée en vigueur le 1er mai 2007, prévoit, outre l'inobservation de prescriptions d'ordre (art. 127 LD), cinq types d'infractions douanières, à savoir la 16

17 18

Convention du Conseil de l'Europe du 8 novembre 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime. Cette Convention a été signée par la Suisse le 23 août 1991, ratifiée le 11 mai 1993 et est entrée en vigueur le 1er septembre 1993.

FF 2005 6885 «Contrebande», voir recommandation 1 et infractions sous-jacentes dans la liste des «catégories désignées d'infraction» du glossaire en annexe des 40 recommandations.

5928

soustraction douanière, la mise en péril douanière, le trafic prohibé, le recel douanier et le détournement du gage douanier. Celles-ci sont passibles d'amende et, en cas de circonstances aggravantes, d'une peine d'emprisonnement d'un an au plus (art. 118 à 122 LD). Vu les peines prévues, ces infractions douanières ne constituent pas des crimes ni, de ce fait, des infractions préalables au blanchiment d'argent. L'infraction la plus grave dans le domaine douanier est l'escroquerie en matière de prestations et de contributions, visée à l'art. 14 DPA et expressément réservée à l'art. 118 LD. Elle ne constitue cependant pas un crime, la sanction prévue étant une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire. Elle n'est donc pas non plus une infraction préalable au blanchiment d'argent.

Pour mettre en oeuvre l'infraction préalable de contrebande douanière, il est nécessaire de créer une nouvelle infraction qualifiée de crime pour la contrebande dite organisée. Comme la contrebande douanière s'inscrit dans l'escroquerie en matière de prestations et de contributions au sens de l'art. 14 DPA, il suffit d'y introduire les éléments constitutifs de la contrebande organisée pour qu'elle soit «qualifiée», c'està-dire grave. Tel est le but de la proposition d'art. 14, al. 4, DPA, qui définit les éléments constitutifs de la contrebande organisée en crime en prévoyant comme sanction une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire (la peine privative de liberté étant cumulée avec une peine pécuniaire).

Cette disposition répond aux objectifs de l'initiative parlementaire Pedrina (00.447) «Propositions de modifications législatives destinées à lutter plus efficacement contre la contrebande et la criminalité économique organisée»19.

La mise en oeuvre de la nouvelle infraction préalable concernant la contrebande organisée entraîne également une modification de l'article sur l'entraide internationale en matière pénale (art. 3, al. 3, EIMP) et de celui relatif à l'entrave à l'action pénale dans une procédure administrative (art. 17, ch. 1, DPA).

Entraide internationale en matière pénale Dans les recommandations révisées, le GAFI demande notamment la mise en place d'une entraide pour les cas de contrebande et de blanchiment d'argent découlant de produits de la
contrebande20. Il recommande en outre aux pays d'autoriser l'extradition pour le blanchiment d'argent découlant de la contrebande ou, à défaut, de prévoir la possibilité de déléguer la poursuite pénale21. L'art. 3, al. 3, EIMP, doit être modifié pour satisfaire à ces nouvelles exigences.

Entrave à l'action pénale (art. 17, ch. 1, DPA) Selon la législation en vigueur, toute personne faisant entrave à une procédure pénale administrative encourt la peine applicable à l'auteur de l'infraction (art. 17, ch. 1, DPA). Par contre, selon l'art. 305, al. 1, CP, une personne entravant une action pénale risque une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire.

19 20 21

Cette initiative a été classée par le Conseil national le 8 mars 2006; BO 2006 N 90.

Voir recommandation 38 en relation avec les infractions sous-jacentes dans la liste des «catégories désignées d'infraction» du glossaire en annexe des 40 recommandations.

Voir recommandation 39.

5929

Dès lors, pour éviter qu'une personne faisant entrave à une action pénale concernant l'auteur d'une infraction encourant les peines précisées au nouvel art. 14, al. 4, DPA (c'est-à-dire une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire, voir ch. 2.1.1) soit punie plus sévèrement que la personne entravant l'action pénale dans le cas d'un meurtre, par exemple, il faut modifier l'art. 17, ch. 1, DPA.

Ce dernier prévoit donc, dans sa nouvelle teneur, que l'entrave à l'action pénale dans une procédure administrative entraîne une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire. Par ailleurs, pour garantir que la peine infligée à la personne entravant l'action pénale ne soit pas plus lourde que celle encourue par l'auteur de l'infraction, il précise que la peine maximale applicable à la personne coupable d'entrave à l'action pénale ne doit pas être supérieure à celle de l'auteur de l'infraction.

1.3.1.2

Falsification et piratage de marchandises

Les recommandations révisées du GAFI retiennent désormais la falsification de marchandises et le piratage22 parmi les infractions préalables au blanchiment d'argent.

1.3.1.2.1

Falsification de marchandises (art. 155, ch. 2, CP)

La falsification de marchandises consiste à imiter, de quelque manière que ce soit, des produits en vue de tromper autrui. Le droit pénal en vigueur punit d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire celui qui aura falsifié des marchandises en vue de tromper autrui dans les relations d'affaires, pour autant que l'infraction ne tombe pas sous le coup d'une disposition prévoyant une peine plus sévère (art. 155, ch. 1, CP). La même peine et la même réserve sont applicables si l'auteur fait métier de tels actes (art. 155, ch. 2, CP). Le but de l'art. 155 CP est de garantir que l'acquéreur n'obtienne pas une marchandise qu'il n'achèterait qu'à moindre prix, voire pas du tout, s'il savait qu'elle ne correspond pas à ce qu'elle prétend être. Est réputé marchandise tout bien mobilier pouvant faire l'objet de commerce, ce qui équivaut à la notion de produit des recommandations du GAFI. La falsification de marchandises est actuellement définie en droit suisse comme un délit.

La mise en oeuvre des recommandations révisées du GAFI nécessite la création d'un fait qualifié pour la falsification de marchandises, de manière à ce qu'elle soit considérée comme un crime. Le présent projet prévoit donc de retenir le fait d'agir par métier comme circonstance aggravante et de porter la sanction concernée à une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou à une peine pécuniaire. La falsification qualifiée de marchandises, c'est-à-dire la falsification par métier au sens de l'art. 155, ch. 2, CP, est donc bien définie comme un crime et constitue une infraction préalable au blanchiment d'argent.

22

«Contrefaçon et piratage de produits», voir la recommandation 1 et infractions sousjacentes dans la liste des «catégories désignées d'infraction» du glossaire en annexe des 40 recommandations.

5930

Diverses dispositions du droit pénal accessoire, notamment dans la loi du 28 août 1992 sur la protection des marques (LPM), la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD), la loi du 5 octobre 2001 sur les designs (LDes) ou la loi du 9 octobre 1992 sur les denrées alimentaires (LDAl), fixent chacune dans leur domaine la punissabilité des mesures de falsification ou de tromperie23. Il s'agit à chaque fois de délits ou de contraventions au sens du code pénal, à l'exception des cas relevant de l'art. 62, al. 2, LPM. En prévoyant comme sanction une peine privative de liberté de cinq au plus ou une peine pécuniaire (la peine privative de liberté pouvant être liée à une peine pécuniaire), l'art. 62, al. 2, LPM considère déjà les cas d'usage frauduleux d'une marque par métier comme un crime et donc comme une infraction préalable au blanchiment d'argent.

Au vu de leurs objectifs de protection différents, ces dispositions de droit pénal accessoire sont en concours parfait avec l'art. 155 CP. On peut en effet être coupable de deux infractions et le champ d'application de l'art. 155 CP n'est pas limité.

1.3.1.2.2

Piratage de produits (art. 67, al. 2, LDA)

Le piratage de produits consiste à reproduire illégalement une oeuvre, dans sa totalité ou en partie, en violation du droit d'auteur ou d'un droit voisin. Il est punissable même si l'imitation n'a pas trompé de tiers. Au contraire, les acheteurs sont généralement conscients d'acquérir une copie illégale. En vertu de la législation suisse en matière de droit d'auteur, sera puni, sur plainte, d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque aura, sans droit, confectionné ou aliéné des copies d'une oeuvre, les aura mises en circulation ou fait voir ou entendre (art. 67, al. 1, let. d, e, f et g, LDA).

Si l'auteur agit par métier, il sera poursuivi d'office et puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 67, al. 2, LDA). Sont réputées oeuvres, au sens large, les créations de l'esprit, littéraires ou artistiques, en particulier également les programmes d'ordinateurs, les oeuvres acoustiques et visuelles, les livres, plans, etc. (art. 2 LDA). Le piratage de produits est actuellement défini en droit suisse comme un délit.

Comme dans le cas de la falsification de marchandises, la mise en oeuvre des recommandations révisées du GAFI nécessite la création d'un fait qualifié pour le piratage de produits, de manière à ce qu'il soit considéré comme un crime. La circonstance aggravante est également le fait d'agir par métier et la sanction est portée à une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou à une peine pécuniaire. Le piratage qualifié de produits, c'est-à-dire le piratage par métier au sens de l'art. 67, al. 2, LDA, est donc bien défini comme un crime et constitue une infraction préalable au blanchiment d'argent.

23

Art. 61 et 62 LPM (RS 232.11), art. 3, let. b et d, en relation avec l'art. 23 LCD (RS 241), art. 41 LDes (RS 232.12), art. 48, let. h, LDAl (RS 817.0).

5931

1.3.1.3

Opérations d'initiés et manipulation de cours

Les recommandations révisées du GAFI ont complété le catalogue des infractions préalables au blanchiment de capitaux en l'étendant aux opérations d'initiés et à la manipulation de cours24.

Un des aspects de la norme relative aux opérations d'initiés a déjà fait l'objet d'une motion Jossen25. Celle-ci chargeait le Conseil fédéral de soumettre au Parlement une modification de l'art. 161 CP afin que la norme pénale sur les opérations d'initiés s'applique également aux ventes de titres opérées avant l'annonce d'une chute des bénéfices. La même demande émanait des autorités de poursuite pénale et de surveillance compétentes ainsi que du secteur bancaire. Ces derniers proposaient ainsi de simplement supprimer la définition restrictive des faits constitutifs d'une opération d'initié, visée à l'art. 161, ch. 3, CP. Le 29 septembre 2006, le Conseil fédéral a décidé de traiter la question en urgence. Il a transmis à cet effet le 8 décembre 2006 un message au Parlement concernant une modification du code pénal (suppression de l'art. 161, ch. 3, CP)26.

De nombreuses autres questions se posent encore dans le domaine des infractions boursières et de la lutte contre les abus de marché, notamment le rapprochement du droit suisse et du droit étranger et la centralisation des compétences en matière de poursuite de ces infractions. Ces questions ne concernent pas seulement le droit pénal, mais également la législation boursière et dépassent largement le cadre du présent projet. Le 29 septembre 2006, le Conseil fédéral a chargé le DFF d'évaluer, en collaboration avec le DFJP, la nécessité d'une révision approfondie de la réglementation actuelle relative aux infractions boursières et aux abus de marché, y compris les compétences en matière de poursuite. C'est dans le cadre de cette réforme plus ambitieuse que la recommandation 1 sera mise en oeuvre en ce qui concerne les infractions boursières. Il convient à cet égard de souligner que la qualification des infractions boursières en infraction préalable au blanchiment d'argent, soit leur qualification en tant que crime, est une condition préalable à la ratification de la Convention révisée du Conseil de l'Europe.

1.3.1.4

Trafic illicite de migrants

Les recommandations révisées du GAFI retiennent désormais le trafic illicite de migrants27 dans le catalogue des infractions préalables au blanchiment d'argent.

Selon l'art. 23, al. 2, de la loi du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE)28, le trafic illicite de migrants entraîne une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire. Il ne constitue donc pas un 24

25

26 27

28

«Délits d'initié et manipulation de marchés», voir recommandation 1 et infractions sousjacentes dans la liste des «catégories désignées d'infraction» du glossaire en annexe des 40 recommandations.

La motion Jossen no 02.3246, intitulée «Délit d'initié», a été déposée le 12 juin 2002, adoptée par le Conseil national le 4 octobre 2002 et par le Conseil des Etats le 2 octobre 2003.

FF 2007 413 «Trafic illicite de migrants», voir la recommandation 1 et infractions sous-jacentes dans la liste des «catégories désignées d'infraction» du glossaire en annexe des 40 recommandations.

RS 142.20

5932

crime au sens du CP et n'est, de ce fait, pas une infraction préalable au blanchiment d'argent.

La LSEE sera toutefois abrogée avec l'entrée en vigueur de la LEtr, acceptée en votation populaire le 24 septembre 2006. Dans le cadre des travaux relatifs à cette loi, la sanction applicable au trafic illicite de migrants a été portée à une peine privative de liberté de cinq ans au plus et à une peine pécuniaire (art. 116, al. 3, LEtr).

Ainsi, dès l'entrée en vigueur de la LEtr, le trafic illicite de migrants deviendra un crime et constituera une infraction préalable au blanchiment d'argent.

1.3.2

Extension à la lutte contre le financement du terrorisme

Du fait de la recrudescence du terrorisme sur le plan mondial au cours des dernières années, évolution qui remonte aux événements du 11 septembre 2001, la lutte contre le financement du terrorisme est devenue une priorité. En réaction le GAFI a élaboré neuf recommandations spéciales sur le financement du terrorisme. Depuis, les 40 recommandations conçues à l'origine pour lutter contre le blanchiment d'argent ont été étendues, lors de leur révision, à la lutte contre le financement du terrorisme.

L'utilisation du système financier à des fins terroristes représente une menace sérieuse pour l'intégrité de la place financière, pour son bon fonctionnement et sa réputation, voire dans certains cas pour la stabilité du système financier. Alors que le blanchiment d'argent consiste à réinjecter dans le circuit économique légal des capitaux illégalement acquis, en matière de financement du terrorisme, ce sont des fonds légaux qui sont souvent utilisés à des fins criminelles. Une combinaison d'argent légal et illégal est également possible. Ainsi, des pratiques criminelles peuvent être préalables au blanchiment d'argent comme au financement du terrorisme. Il est plus difficile d'identifier et de combattre préventivement le financement du terrorisme que le blanchiment d'argent. En effet, si des capitaux propres sont injectés dans le système financier et utilisés à des fins criminelles, les intermédiaires financiers auront des difficultés, le cas échéant, même en respectant leurs devoirs de diligence, à reconnaître sur le moment le but de financement du terrorisme. Les devoirs de diligence doivent donc s'appliquer dès que l'intermédiaire financier soupçonne que l'argent pourrait être utilisé à des fins terroristes. L'inclusion de mesures de diligences en vue de détecter le financement du terrorisme trouve cependant actuellement un ancrage dans la pratique internationale et se développe au gré des études. Elle permet notamment d'agir de manière systématique au niveau préventif, ainsi que de fournir une trace écrite aux autorités pénales lorsque des cas de financement de terrorisme sont transmis aux autorités de poursuite pénale. La détection des flux financiers liés au terrorisme implique en outre une collaboration étroite, notée également dans d'autres pays, entre les intermédiaires financiers, les autorités
pénales et de surveillance. Ce phénomène suggère l'existence d'un système de lutte contre le financement du terrorisme renforcé, car il implique la coordination de plusieurs acteurs. La pratique suisse se fonde déjà, pour ce qui est des intermédiaires financiers assujettis à la CFB, sur des dispositions de lutte contre le financement du terrorisme, telles que celles du chapitre 7 ainsi que de l'art. 5 de l'OBA-CFB. C'est pourquoi, le présent projet propose d'intégrer la lutte contre le financement du terrorisme de manière expresse dans la LBA. L'extension de la LBA au financement du terrorisme renforce la pratique actuelle, qui correspond, à défaut d'être le moyen le plus efficace, à un moyen d'action systématique et concerté.

5933

1.3.3

Identification des représentants des personnes morales (art. 3, al. 1, LBA)

L'identification du client, qu'il soit une personne physique ou morale, constitue dans le système suisse de prévention du blanchiment d'argent un élément fondamental des devoirs requis de la part des intermédiaires financiers. C'est sur lui que repose en grande partie l'efficacité globale du système. Lors de l'établissement de relations d'affaires avec des personnes morales, une pratique s'est développée selon laquelle les intermédiaires financiers s'assurent des pouvoirs de représenter les personnes morales et de l'identification de leurs représentants lorsque celles-ci agissent comme cocontractant. Pour les intermédiaires financiers assujettis à la surveillance de la Commission fédérale des Banques, la CDB 03 préconise que l'identité des personnes établissant la relation d'affaires soit vérifiée, soit par un extrait du registre du commerce, soit pour les personnes morales non inscrites au registre du commerce par une vérification de l'identité au moyen d'une pièce de légitimation, dont une photocopie est gardée. Cette pratique n'est toutefois pas uniforme dans l'ensemble du secteur financier et n'est pas inscrite dans la loi.

Le rapport d'évaluation mutuelle de la Suisse relève que ces obligations ne figurent pas explicitement dans une base légale formelle en matière bancaire et non bancaire, mais le cas échéant dans d'autres textes applicables aux banques ou à d'autres types d'intermédiaires financiers; des lacunes ne sont donc pas exclues. Dans le secteur des intermédiaires financiers non bancaires soumis au contrôle de l'Autorité de contrôle en matière de lutte contre le blanchiment d'argent (ci-après «autorité de contrôle») ou d'un organisme d'autorégulation, l'identification des personnes morales et constructions juridiques n'inclut pas explicitement l'identification des personnes agissant en leur nom. L'évaluation indique aussi qu'aucune disposition n'impose explicitement aux intermédiaires financiers de prendre connaissance des dispositions régissant le pouvoir d'engager le client, bien que cela puisse résulter de la pratique, notamment de la prise en compte du code des obligations. En outre, le rapport relève que dans le secteur des assurances, l'OBA OFAP ne requiert l'identification des représentants des personnes morales que lorsque celles-ci n'ont pas leur siège en Suisse. Pour combler
ces lacunes, le GAFI recommande, d'une part, qu'une disposition spécifique prévoie explicitement que les intermédiaires financiers prennent connaissance des dispositions régissant le pouvoir d'engager le client; d'autre part, que dans le secteur bancaire et dans celui des intermédiaires financiers non bancaires soumis au contrôle de l'autorité de contrôle ou d'un organisme d'autorégulation, l'identification des personnes morales et constructions juridiques inclue explicitement l'identification des personnes agissant au nom de la personne morale ou de la construction juridique. Le présent projet propose donc d'ajouter une phrase à l'art. 3, al. 1, LBA disposant que l'intermédiaire financier doit, lorsque le cocontractant est une personne morale, d'une part, prendre connaissance des dispositions régissant le pouvoir d'engager le cocontractant et d'autre part, vérifier l'identité des personnes qui établissent la relation d'affaires au nom de la personne morale. Cette norme permet de consacrer la pratique actuelle ­ issue de la responsabilité civile ­ selon laquelle les intermédiaires financiers contrôlent les pouvoirs d'engager une personne morale. Par ailleurs, par rapport aux dispositions contenues dans la CDB 03, cette norme élargit le devoir d'identification à la personne établissant la relation d'affaires

5934

au nom de la société lorsque celle-ci est inscrite au registre du commerce29. Ainsi, la loi se limite à la vérification de l'identité de la personne établissant la relation d'affaires et non de toute personne autorisée à signer au nom de la personne morale.

En intégrant l'obligation d'identifier les représentants des personnes morales dans la loi et en étendant ainsi son champ d'application à l'ensemble des intermédiaires financiers, la Suisse se conforme aux recommandations du GAFI en la matière. En même temps, la disposition s'appuie en grande partie sur la pratique actuelle et ne devrait donc pas imposer de charges administratives supplémentaires pour les intermédiaires financiers.

1.3.4

Informations sur l'objet et le but de la relation d'affaires (art. 6, al. 1, LBA)

Les informations relatives à l'objet et au but envisagés de la relation d'affaires souhaitée par le client sont largement collectées dans la pratique à l'ouverture de la relation, ne serait-ce qu'aux fins de la détermination du profil du client, de ses besoins ou encore dans le cadre de la gestion des risques. Ces informations sont par ailleurs nécessaires pour permettre l'exercice effectif des devoirs de vigilance continue, à savoir la surveillance des transactions et les clarifications complémentaires, dans le cadre d'une relation d'affaires. L'étendue de la collecte d'information à laquelle procède l'intermédiaire financier dépend en pratique du risque que comporte la relation d'affaires.

L'évaluation de la Suisse par le GAFI a mis en évidence l'absence de disposition légale formelle expresse en vertu de laquelle les intermédiaires financiers seraient systématiquement tenus de collecter des informations sur l'objet et la nature de la relation d'affaires souhaitée par le client. La loi prévoit certes cette obligation de collecte d'informations sous un angle très spécifique (art. 6, let. a, LBA). Ainsi, les banques récoltent déjà cette information dans le cas d'une obligation particulière de clarification lorsque la transaction ou la relation d'affaire paraissent inhabituelles.

Une disposition générale, intégrant une composante de risque, étendrait ce principe en formalisant une pratique générale.

1.3.5

Valeurs patrimoniales de faible valeur (art. 7a LBA)

Une disposition de minimis inscrite à un nouvel art. 7a complète la LBA. Fondée sur une approche tenant compte du risque pour la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, elle porte non pas sur l'assujettissement des intermédiaires financiers, mais sur les obligations de diligence. Une règle de minimis, telle qu'elle existe déjà à l'art. 3, al. 2, LBA pour les opérations de caisse, est ainsi également introduite pour certaines relations suivies. L'intermédiaire financier doit en effet pouvoir se délier du respect des obligations de diligence selon les art. 3 à 7 LBA dans le cas de relations suivies, lorsque les montants sont de faible valeur et que la légalité de la relation d'affaires est manifeste.

29

Jusqu'à présent, ce devoir incombait seulement aux intermédiaires financiers dans les cas où la société n'était pas inscrite au registre du commerce.

5935

Cette disposition bagatelle contribuera à l'introduction et au développement en Suisse de nouveaux marchés ou produits financiers comportant un danger très faible de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme, comme par exemple la monnaie électronique (compte électronique pour le paiement de prestations sur Internet).

1.3.6

Obligation de communiquer en cas de rupture des négociations visant à établir une relation d'affaires (art. 9, al. 1, let. b, LBA)

Lorsqu'un intermédiaire financier impliqué dans une relation d'affaires a de bonnes raisons de soupçonner que les valeurs patrimoniales impliquées dans cette relation ont un rapport avec une infraction au sens de l'art. 305bis CP, qu'elles proviennent d'un crime, qu'une organisation criminelle exerce un pouvoir de disposition sur ces dernières (art. 260ter, ch. 1, CP) ou encore qu'elles servent au financement du terrorisme (art. 260quinquies, al. 1, CP), il a l'obligation d'en informer sans délai le bureau de communication (art. 9, al. 1, let. a, LBA).

Le soupçon de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme peut cependant déjà naître avant la conclusion effective du contrat, c'est-à-dire avant l'ouverture d'une relation d'affaires. Il peut conduire un intermédiaire financier à renoncer à établir la relation d'affaires. En pareil cas, l'argent risque d'être placé auprès d'un autre intermédiaire financier, suisse ou étranger, sans que les autorités aient connaissance d'un éventuel soupçon de blanchiment d'argent. C'est pourquoi les recommandations 5 et 13 du GAFI prévoient l'obligation de communiquer aux autorités les soupçons naissant pendant la phase de préparation, avant l'ouverture effective de la relation d'affaires. Cette obligation n'est pas inconnue en pratique. Elle existe, en effet, déjà pour les banques à l'art. 24 OBA-CFB. Le but d'une telle réglementation est que le bureau de communication et, le cas échéant, les autorités pénales, soient informés et que les mesures appropriées puissent être prises. L'obligation de communiquer est par conséquent élargie, à l'art. 9, al. 1, let. b, LBA, pour tous les intermédiaires financiers, aux situations dans lesquelles les négociations sont interrompues avant l'ouverture proprement dite de la relation d'affaires. Cette mesure vise à empêcher que l'obligation de communiquer les soupçons puisse être contournée par une interruption des négociations visant à établir une relation d'affaires.

La période considérée englobe les phases de négociation, qui peuvent durer des semaines ou même des mois avant la conclusion du contrat. Les premiers entretiens pendant la période où l'intermédiaire financier ne possède pas encore suffisamment d'informations ne sont toutefois pas concernés. Celui-ci a cependant la possibilité de faire usage du droit de communication prévu à l'art. 305ter, al. 2, CP.

1.3.7

Blocage des avoirs et assouplissement de l'interdiction d'informer (art. 10 et 10a LBA)

Le présent projet prévoit d'inscrire l'interdiction d'informer dans un article spécifique (art. 10a LBA), afin de la séparer du blocage des avoirs (art. 10 LBA).

Lors de la consultation, une proposition visait à inscrire dans la loi la pratique en vigueur, par ailleurs mentionnée à l'art. 46 de l'ordonnance de l'autorité de contrôle 5936

du 10 octobre 2003 sur le blanchiment d'argent30 (OBA AdC), selon laquelle l'intermédiaire financier qui n'est pas en mesure de bloquer les avoirs concernés peut informer celui qui est en mesure de le faire. Cette proposition, qui a reçu un accueil favorable des milieux consultés, vise essentiellement les gérants de fortune.

Ces derniers n'ont d'ordinaire qu'un pouvoir de disposition limité sur les avoirs de leurs clients et ne peuvent pas empêcher ceux-ci d'en disposer, contrairement à la banque qui gère le compte ou le dépôt. De ce fait, il ne leur est pas possible de bloquer les avoirs en cas de communication. Or, l'actuelle interdiction d'informer ne leur permet pas non plus d'aviser la banque concernée. La situation légale est insatisfaisante, d'autant que le blocage des avoirs représente un principe de base de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme en Suisse. Il permet en effet aux autorités pénales d'accéder aux valeurs patrimoniales incriminées et de déterminer leur origine. Jusqu'à présent, la loi a été interprétée de manière à autoriser les intermédiaires financiers ne pouvant pas bloquer les avoirs concernés d'informer, après avoir fait une communication aux autorités, l'intermédiaire à même de le faire. Pour des questions de sécurité juridique et de responsabilité, cette possibilité accordée par l'interprétation de la loi doit être inscrite dans une base légale formelle. Tel est le but de l'art. 10a, al. 2, LBA, repris de la consultation.

Certains participants à la consultation ont toutefois estimé que l'extension de la possibilité d'informer au seul cas où l'intermédiaire financier qui fait la communication n'est pas en mesure de bloquer les avoirs n'était pas suffisante. L'efficacité du système de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme nécessite d'assouplir l'interdiction d'informer entre tiers dans d'autres situations qui se rencontrent fréquemment en pratique. Ils ont par conséquent proposé d'étendre les possibilités d'information à des tiers, au-delà du cas spécifique des gérants de fortune, comme par exemple aux entreprises de cartes de crédit ou aux assurancesvie qui collaborent ensemble. Il a en outre été relevé que les sociétés appartenant à un même groupe ne devraient pas être considérées comme des tiers au sens
de l'art. 10a LBA.

Le 29 septembre 2006, le Conseil fédéral a décidé d'envisager des possibilités d'étendre l'assouplissement de l'interdiction d'informer. Des discussions ont été menées avec les principaux milieux intéressés et ont abouti à une nouvelle proposition d'art. 10a, al. 3, LBA, qui vient compléter l'al. 2 mis en consultation.

Ainsi, selon le nouvel art. 10a, al. 3, LBA, il est également possible d'informer du fait qu'une communication a été effectuée lorsque les intermédiaires financiers fournissent à un client des services communs en relation avec la gestion des avoirs de ce dernier sur la base d'une collaboration convenue contractuellement ou lorsque les intermédiaires financiers font partie du même groupe de sociétés.

30

RS 955.16

5937

1.3.8

Exclusion de la responsabilité pénale et civile et protection des intermédiaires financiers (art. 11 LBA)

Le rapport d'évaluation mutuelle de la Suisse a relevé que, dans son ensemble, le système de communication des opérations suspectes en Suisse présente des aspects dissuasifs, ce qui réduit son efficacité. L'un de ces aspects est la protection insuffisante de l'intermédiaire financier sur les plans civil et pénal pour violation des règles de confidentialité, qui découle de l'art. 11 LBA en relation avec l'art. 305ter CP, lorsqu'il effectue une communication. Pour y remédier, le nouvel art. 11, al. 1, LBA modifie la condition permettant d'exclure la responsabilité pénale et civile, en remplaçant la notion de «diligence requise par les circonstances» par celle de «bonne foi» moins restrictive et recommandée par le GAFI. Cette notion garantira une plus grande protection de l'intermédiaire financier procédant à une communication, ce qui devrait augmenter le nombre de communications enregistrées et l'efficacité globale du système de communication.

En outre, l'art. 11 LBA a été modifié de manière à apporter une clarification formelle. La teneur actuelle peut en effet laisser entendre que la communication selon l'art. 305ter, al. 2, CP entraîne aussi un blocage des avoirs. Ce n'est pas le cas aujourd'hui et il n'est pas prévu de l'introduire. Au contraire, l'obligation de bloquer des avoirs n'est déclenchée que par les communications visées à l'art. 9 LBA. C'est pourquoi la formulation de cette disposition est légèrement modifiée de manière à distinguer les deux cas de figure: l'al. 1 prévoit ainsi l'application de l'exclusion de la responsabilité pénale et civile aux communications faites au sens de l'art. 9 LBA ou aux blocages découlant de l'art. 10 LBA, tandis que l'al. 2 l'applique aux cas de communications effectuées en vertu de l'art. 305ter CP.

1.3.9

Délégation de compétences législatives (art. 41 LBA)

Par la modification de l'art. 41 LBA, le Conseil fédéral propose d'harmoniser les compétences législatives dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d'argent avec la loi fédérale sur la surveillance des marchés financiers31 (LAUFIN) (l'art. 55, al. 1, prévoit que le Conseil fédéral édicte les dispositions d'exécution). Contrairement aux autres lois dans le domaine des marchés financiers32, l'art. 41 LBA donne aux autorités de surveillances instituées par des lois spéciales (c'est-à-dire la CFB, l'OFAP et la CFMJ) et à l'autorité de contrôle (ci-après les «autorités de surveillance») la compétence d'édicter elles-mêmes les dispositions nécessaires à l'application de la LBA.

Les dispositions d'exécution de la LBA, qui est conçue comme une loi cadre nécessitant une concrétisation au niveau des ordonnances, requièrent une grande légitimité politique. Elles doivent par conséquent être édictées par le Conseil fédéral et non par les autorités de surveillance, dans la mesure où elles concernent des questions de 31 32

FF 2006 2829 Loi du 25 juin 1930 sur l'émission de lettres de gage (LLG), RS 211.423.4; loi du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (LCA), RS 221.229.1; loi du 23 juin 2006 sur les placements collectifs (LPCC), RS 951.31; loi du 8 novembre 1934 sur les banques (LB), RS 952.0; loi du 24 mars 1995 sur les bourses (LBVM), RS 954.1 et loi du 17 décembre 2004 sur la surveillance des assurances (LSA), RS 961.01.

5938

principe et entraînent des incidences financières considérables pour les intermédiaires financiers soumis à la LBA. Cela correspond également à la hiérarchie habituelle des normes. Le fait que l'autorité de contrôle puisse déterminer elle-même quels sont les intermédiaires financiers soumis à son contrôle s'est notamment révélé problématique (voir l'ordonnance de l'autorité de contrôle en matière de lutte contre le blanchiment d'argent du 20 août 2002 concernant l'activité d'intermédiaire financier dans le secteur non bancaire exercée à titre professionnel33). La réglementation des questions de cette importance ressortit désormais au Conseil fédéral, dans la mesure où la loi laisse une certaine marge de manoeuvre.

En ce qui concerne la définition des obligations de diligence visées au chap. 2 de la LBA, l'actuelle délégation des compétences d'exécution en faveur des autorités de surveillance est toutefois maintenue, car elle a fait ses preuves dans l'ensemble.

Ainsi, l'art. 16, al. 1, LBA prévoit, comme auparavant, que les autorités de surveillance instituées par des lois spéciales précisent à l'intention des intermédiaires financiers qui leur sont soumis les obligations de diligence définies au chap. 2 et en règlent les modalités d'application, pour autant qu'aucun autre organisme d'autorégulation ne le fasse lui-même34. De son côté, l'art. 18, al. 1, let. e, LBA dispose que l'autorité de contrôle précise à l'intention des intermédiaires financiers qui lui sont directement soumis les obligations de diligence visées au chap. 2 et en règle les modalités d'application.

En vertu de l'art. 41, al. 2, LBA, le Conseil fédéral peut autoriser les autorités de surveillance instituées par des lois spéciales et l'autorité de contrôle à édicter les dispositions d'exécution dans les domaines de portée restreinte, notamment de nature technique. Cette possibilité est également prévue à l'art. 55, al. 2, LAUFIN.

La formulation de ce dernier alinéa devra être encore formellement coordonnée avec la LAUFIN. Avec l'entrée en vigueur de la LAUFIN, la CFB, l'OFAP et l'autorité de contrôle seront réunies au sein d'une autorité unique, à savoir l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (AUFIN). Ainsi, la LAUFIN a pour conséquence que seules l'AUFIN et la CFMJ auront encore des tâches de surveillance
dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d'argent. Après l'entrée en vigueur de la LAUFIN, l'al. 2 devrait donc avoir la formulation suivante: «Il peut autoriser l'AUFIN et la Commission fédérale des maisons de jeu à édicter des dispositions d'exécution dans les domaines de portée restreinte, notamment de nature technique».

1.3.10

Echange d'informations (art. 29 et 29a LBA)

En date du 21 novembre 2003, la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a élaboré un rapport qu'elle a soumis au chef du DFF. Ce rapport fait état de lacunes constatées dans le cadre des contrôles effectués par la CdG-N en automne 2003 en complément à l'inspection effectuée auprès de l'autorité de contrôle ayant pris fin en 2001. Dans son rapport, la commission a émis plusieurs recommandations, notamment en relation avec l'échange d'informations. Ces recommandations sont mises en oeuvre par la modification de l'art. 29 LBA (voir ch. 2.10.1) et par l'introduction de l'art. 29a LBA (voir ch. 2.10.2). L'échange d'informations entre les autorités sera ainsi amélioré.

33 34

OAP-LBA; RS 955.20 Voir le message relatif à la LBA; FF 1996 III 1057 1123.

5939

1.3.11

Contrôle des transports transfrontières d'espèces (Recommandation spéciale IX; art. 95, al. 1bis, LD)

En octobre 2004, le GAFI a adopté une nouvelle recommandation spéciale (IX) concernant le transport transfrontière d'espèces (cash couriers). Celle-ci vise à lutter contre le flux transfrontière d'espèces, de devises et d'autres moyens de paiement servant au blanchiment de fonds illégaux ou au financement d'activités terroristes.

Pour contrôler le transport d'espèces, le GAFI envisage deux systèmes possibles, à savoir la déclaration ou le renseignement sur demande35. La première solution consiste en une obligation systématique de déclaration faite à toute personne franchissant la frontière avec une somme dépassant 15 000 euros ou dollars; la seconde solution prévoit uniquement une obligation de renseignement si la demande en est faite. Dans les deux cas, les fonds doivent pouvoir être bloqués et confisqués. De plus, des sanctions doivent pouvoir être prononcées en cas de refus de renseigner ou si les renseignements fournis sont faux. En cas de soupçon d'acte illicite, les autorités compétentes doivent être informées, même si le seuil de 15 000 euros ou dollars n'est pas atteint.

A l'automne 2005, l'Union européenne (UE) a édicté un règlement36 prévoyant l'obligation de déclarer tout transport au-delà des frontières de l'UE de montants en espèces dépassant les 10 000 euros. Ce règlement est applicable depuis le 15 juin 2007. La Suisse envisage pour sa part de mettre en oeuvre la recommandation spéciale IX en introduisant un système de renseignement sur demande à l'importation et à l'exportation. Un tel système est moins lourd sur le plan administratif, il ne gêne pas le trafic transfrontière quotidien et permet aux autorités douanières de contrôler non seulement la circulation des personnes et des marchandises, mais aussi le transport d'argent liquide, par le biais de demandes de renseignements par sondages ou en cas de soupçon, contribuant ainsi activement à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Etant donné que plus de 600 000 personnes entrent en Suisse chaque jour, un système de déclaration ne serait guère envisageable pour des raisons pratiques.

Dans le cadre du contrôle des marchandises, les autorités douanières suisses annoncent déjà aux autorités de police compétentes toute personne transportant des sommes considérables en espèces et soupçonnée de
blanchiment d'argent. A l'heure actuelle, il n'existe toutefois aucune base juridique sur laquelle le système de renseignement envisagé puisse se fonder.

Avec la mise en place d'un système de renseignement sur demande en matière de contrôle des transports transfrontières d'espèces, l'Administration fédérale des douanes (AFD) assumera une nouvelle mission dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Une modification de l'art. 95 LD habilitera en effet les autorités douanières à apporter un soutien actif à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Le système de renseignement sur demande envisagé devra être concrétisé au niveau de l'ordon-

35 36

Le GAFI utilise la terminologie «système de communication».

Règlement (CE) no 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant ou sortant de la Communauté, JO L 309 du 25.11.2005 p. 9.

5940

nance sur les douanes du 1er novembre 200637. Celle-ci prévoira que les autorités douanières interrogent les voyageurs par sondage; en cas de soupçon, des demandes de renseignements seront toutefois toujours effectuées. Les données qui seront demandées aux personnes interrogées porteront sur leur identité, le montant des espèces et, le cas échéant, les motifs de l'importation ou de l'exportation.

La notion d'espèce comprend les pièces38 négociables, les billets ainsi que les chèques39, mais n'inclut pas les métaux ou pierres précieuses. Le soupçon de blanchiment d'argent dépend essentiellement des circonstances. Il naît par exemple lorsqu'un individu dissimule un montant en espèce important et qu'il ne peut pas expliquer de manière plausible ce qu'il entend en faire.

1.3.12

Communication selon l'art. 305ter CP au seul bureau de communication

Entré en vigueur le 1er août 1994, le droit de communication prévu à l'art. 305ter, al. 2, CP40 fournit aux intermédiaires financiers un fait justificatif spécial au sens de l'art. 14 CP. Ainsi, l'intermédiaire financier qui fait usage de ce droit ne peut se voir reproché d'avoir violé le secret bancaire, le secret postal ou le secret d'affaires.

Selon le code pénal, les destinataires des communications sont les autorités suisses de poursuite pénale et les autorités fédérales désignées par la loi. En 1994, la LBA et le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (bureau de communication) n'existaient pas encore; lors de l'entrée en vigueur du droit de communication, les destinataires des communications étaient donc essentiellement les autorités cantonales de poursuite pénale. Avec l'entrée en vigueur de la LBA le 1er avril 1998, le bureau de communication est venu s'ajouter aux autres destinataires. Le Ministère public de la Confédération est lui aussi devenu un destinataire de communications au sens de l'art. 305ter, al. 2, CP après la création de nouvelles compétences fédérales de procédure dans les domaines du crime organisé et de la criminalité économique41. En vertu du droit en vigueur, c'est aux intermédiaires financiers qu'il revient de décider à quel organe (autorité de poursuite pénale ou bureau de communication) ils entendent rendre compte conformément à l'art. 305ter, al. 2, CP.

Ainsi, contrairement à l'art. 9 LBA (obligation de communiquer), non seulement l'art. 305ter, al. 2, CP ne prévoit pas de destinataire unique pour les communications, mais il permet également d'adresser de simples soupçons de blanchiment aux autorités cantonales de poursuite pénale. Cette situation soulève une question de fond sur l'ensemble du système. Dans le cadre de l'examen de la Suisse42, le GAFI s'est 37

38

39 40 41 42

RS 631.01. Cette ordonnance est entrée en vigueur le 1er mai 2007. Etant donné qu'il existe plusieurs ordonnances sur les douanes relevant de la compétence, soit du Conseil fédéral, soit du DFF, soit de l'AFD, l'ordonnance du 1er novembre 2006, dont il est question ici, sera dénommée par la suite «ordonnance sur les douanes du Conseil fédéral».

Dans le système douanier suisse, qui s'aligne sur le système harmonisé de l'Organisation mondiale des douanes, les pièces portent les numéros de tarif douanier 7118.9010 (pièces d'or), 7118.9020 (pièces d'argent) et 7118.9030 (autres).

Le numéro de tarif douanier des billets et chèques est le 4907.000.

RO 1994 1614 1618; FF 1993 III 277 RO 2003 3043 3047; FF 2002 5390 www.fatf-gafi.org/dataoecd/29/11/35670903.pdf. Troisième rapport d'évaluation mutuelle de la Suisse, p. 139, ch. 652.

5941

d'ailleurs interrogé sur la cohérence de ce dispositif où co-existent une obligation et un droit de communication, dans lequel les autorités pénales sont saisies de cas pour lesquels les soupçons sont moins fondés (art. 305ter, al. 2, CP) que ceux qui sont soumis au «filtrage» du bureau de communication (art. 9 LBA). Outre son manque de cohérence, ce dispositif est contraire à la recommandation 13 du GAFI, en vertu de laquelle un intermédiaire financier qui soupçonne que des fonds proviennent d'une activité criminelle ou sont liés au financement du terrorisme est tenu d'annoncer les opérations suspectes auprès de la cellule de renseignements financiers, en l'occurrence le bureau de communication, pour analyse préalable (fonction de filtre).

La situation actuelle n'est guère appropriée, d'autant que le bureau de communication est en mesure de fournir en peu de temps (cinq jours au maximum) une analyse préalable établie sur la base non seulement de renseignements judiciaires suisses, mais aussi d'informations spécifiques provenant de la banque de données du bureau de communication (GEWA) ainsi que de données fournies par des bureaux de communication internationaux. Cette analyse préalable décharge, d'une part, les autorités de poursuite pénale qui, n'ayant plus besoin de procéder à une telle analyse, peuvent directement traiter les cas de soupçons fondés et, d'autre part, constitue une prestation de service pour les intermédiaires financiers, qui savent ainsi plus rapidement si leurs soupçons sont fondés ou non.

Le rapport d'évaluation mutuelle de la Suisse émet en outre des réserves quant au nombre relativement faible de communications adressées au bureau de communication, compte tenu de l'importance de la place financière suisse43. Le fait que le bureau de communication intègre, dans ses statistiques annuelles, les cas de soupçons au sens des art. 9 LBA et 305ter CP qui lui sont directement communiqués, mais ne recense pas les communications au sens de l'art. 305ter CP qui sont directement adressées aux autorités de poursuite pénale, entraîne une distorsion des données statistiques, qui a un impact sur la réputation de la place financière suisse.

Afin de rendre le dispositif suisse de communication plus cohérent et d'augmenter son efficacité, il importe que les communications faites sur la base
du droit et de l'obligation de communiquer soient à l'avenir adressées à une seule et même entité nationale centralisée. Le bureau de communication est l'organe approprié à cet effet.

L'art. 305ter, al. 2, CP doit par conséquent être modifié dans ce sens.

1.4

Droit comparé et rapports avec le droit européen

Le 29 septembre 2006, le Conseil fédéral a répondu aux postulats Stähelin44. Ces postulats soulevaient notamment la question de savoir de quelle manière chaque Etat européen ainsi que les places financières les plus importantes en dehors de l'Europe ont mis en oeuvre les recommandations du GAFI. Le rapport du Conseil fédéral a conclu qu'un grand nombre des Etats passés en revue mettent déjà en oeuvre ou sont sur le point de mettre en oeuvre les 40 + 9 recommandations révisées du GAFI de 2003. Ainsi, dans l'UE, ces recommandations révisées ont été en grande partie reprises dans la 2e directive européenne sur le blanchiment des capitaux45 ou le 43 44 45

3e rapport d'évaluation mutuelle sur la Suisse, p. 138, ch. 648.

Postulats 05.3175 du 17 mars 2005 et 05.3456 du 17 juin 2005.

Directive 91/308/CEE du Conseil du 10 juin 1991 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, JO L 166 du 28 juin 1991, p. 77.

5942

seront dans le cadre de la mise en oeuvre de la 3e directive européenne, qui va dans le même sens que le présent projet.

Le rapport a relevé l'état de la mise en oeuvre de plusieurs recommandations au sein de ces Etats. Il a montré que la majorité des pays sondés, dont l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont déjà adopté une extension explicite des obligations de diligence au financement du terrorisme. En ce qui concerne la recommandation spéciale IX sur le transport d'espèces transfrontière, l'Italie, la France, les Etats-Unis et le Japon prévoient déjà une obligation de déclaration des montants en espèces d'une certaine importance. L'Allemagne, quant à elle, met actuellement en oeuvre un système d'obligation d'information sur demande. Tous les Etats membres de l'UE ont par ailleurs jusqu'au 15 juin 2007 pour mettre en oeuvre le règlement relatif au contrôle d'argent liquide46.

Contrairement à la plupart des pays examinés, les infractions boursières, le trafic de migrants et la contrebande ne constituent pas encore des infractions préalables en Suisse. Les opérations d'initiés ont, pour leur part, déjà été incluses dans la liste des infractions préalables dans de nombreux pays, dont le Royaume-Uni. La transposition doit se faire pour l'ensemble des Etats de l'UE, pour autant que ce ne soit pas déjà le cas, d'ici à fin 2007, dans le cadre de la 3e directive européenne. Il conviendra donc d'observer l'évolution des projets législatifs dans les mois à venir pour pouvoir présenter avec précision l'état de la transposition de ces normes dans les législations nationales des Etats de l'UE.

L'inclusion des opérations d'initiés et des manipulations de marchés boursiers, de la contrefaçon et du piratage de produits ainsi que de la contrebande, en tant qu'infractions préalables au blanchiment d'argent, s'avère primordiale dans le contexte de la signature prochaine (et de la ratification) de la Convention révisée du Conseil de l'Europe, qui érige partiellement les recommandations révisées du GAFI en droit international et qualifie ces activités délictueuses d'infractions préalables. La Suisse doit dès lors modifier sa législation dans le chapitre des infractions préalables afin de permettre la ratification de cette convention. Comme mentionné sous le ch. 1.3.1, c'est dans le cadre d'une révision
plus large des infractions boursières qu'il est prévu de les définir comme des infractions préalables. Grâce au présent projet et à cette révision des infractions boursières, la législation suisse devrait être en conformité, d'une part, avec cette convention et, d'autre part, avec la recommandation 1 du GAFI.

1.5

Application

Seul le contrôle des transports transfrontières d'espèces (Recommandation spéciale IX, voir ch. 1.3.11) nécessite une mise en oeuvre ultérieure. En effet, l'art. 95, al. 1bis, LD ne fait que créer une base légale expresse habilitant l'AFD à contribuer à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme dans le cadre de ses activités. Le système de renseignement sur demande devra encore être concrétisé au niveau de l'ordonnance sur les douanes du 1er novembre 2006. Cette dernière relève de la compétence du Conseil fédéral, en vertu de l'art. 130 LD.

46

Règlement précité sous ch. 1.3.11.

5943

2

Commentaire

2.1

Nouvelles infractions préalables au blanchiment d'argent

Comme mentionné sous le ch. 1.3.1, le glossaire annexé aux 40 recommandations du GAFI, qui énumère les infractions préalables au blanchiment d'argent, a été complété lors de la révision des recommandations. Ainsi, le trafic illicite de migrants, la contrefaçon et le piratage de produits, la contrebande, les opérations d'initiés et la manipulation de cours ­ qui ne constituent actuellement que des délits en droit suisse ­ sont désormais qualifiés d'infractions graves et donc d'infractions préalables au blanchiment d'argent.

Afin que ces activités délictueuses constituent également des infractions préalables au blanchiment d'argent selon le droit suisse, il est nécessaire de les définir comme des crimes. Tel sera le cas du trafic illicite de migrants dès l'entrée en vigueur de la LEtr. En ce qui concerne la contrefaçon et le piratage de produits, il suffit de modifier ponctuellement les peines prévues dans le CP et la LDA. Le traitement des opérations d'initiés et de la manipulation de cours se fera dans le cadre d'une réforme plus large des infractions boursières. Sur ces points, il est renvoyé aux explications données sous les ch. 1.3.1.2 à 1.3.1.4.

La mise en oeuvre de la nouvelle infraction préalable de contrebande nécessite quant à elle la création d'une nouvelle base légale qui est commentée ci-dessous (ch. 2.1.1).

2.1.1

Contrebande organisée (art. 14, al. 4, et 17, ch. 1, DPA, art. 3, al. 3, EIMP)

Une nouvelle disposition sur l'escroquerie qualifiée en matière de prestations et de contributions (escroquerie fiscale qualifiée) a été introduite à l'art. 14, al. 4, DPA pour inscrire dans la loi les éléments constitutifs de la contrebande organisée. Cette disposition qualifie lesdits éléments de crime. Ainsi, la contrebande organisée constitue désormais potentiellement un acte préalable au blanchiment d'argent. Les éléments de qualification sont la formation d'une bande, le but de tirer un gain important, ainsi que le délit continu.

La contrebande douanière se rapporte exclusivement au trafic de marchandises.

Dans ce secteur, la contrebande organisée, qui vise à tirer des gains importants et qui est exercée de manière continue, sera punie d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire (la peine privative de liberté sera en outre cumulée avec une peine pécuniaire).

Les éléments constitutifs de la contrebande organisée s'inscrivent dans l'escroquerie en matière de prestations et de contributions traitée à l'art. 14 DPA, d'où la nécessité d'en remplir les conditions. Autrement dit, c'est l'attitude astucieuse de l'auteur qui doit conduire au remboursement d'impôts ou à l'obtention frauduleuse d'une prestation. Et ce n'est que si les autres éléments de qualification, à savoir la formation d'une bande, le but de tirer un gain important ainsi que le délit continu sont également réunies, que l'état de fait qualifié de la contrebande organisée est réalisé. Il s'ensuit que ce ne sont pas des délits isolés relevant de la législation douanière qui sont visés par l'incrimination de la contrebande organisée, mais bien des cas relevant 5944

en général de formes graves de criminalité. On a donc renoncé à dresser une liste détaillée de dispositions ou de lois à l'art. 14, al. 4, DPA, d'autant qu'elle aurait dû être modifiée à chaque création ou modification de loi dans le secteur douanier.

L'élément de qualification «vise à tirer des gains importants» est employé à dessein.

En effet, si l'on prévoyait qu'un gain doive avoir été obtenu, le crime ne serait réalisé que dans de rares cas et serait donc au mieux punissable comme tentative. Il serait du reste difficile de prouver qu'un gain important a été obtenu, a fortiori si la marchandise passée en contrebande est confisquée avant sa vente et la réalisation d'un gain. Les auteurs doivent agir en bande, chacun contribuant à l'élément constitutif du crime. La norme pénale spécifie qu'ils visent à tirer des gains importants, afin d'exclure les délits mineurs. Ce concept se retrouve ailleurs (p. ex. à l'art. 19, ch. 2, de la loi du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants47). Le soin de préciser sa portée est volontairement laissé à la jurisprudence, compte tenu des spécificités de l'activité déployée et du marché.

On peut considérer que le «blanchiment» en Suisse de valeurs patrimoniales est également punissable si celles-ci proviennent d'agissements commis à l'étranger et dont les caractéristiques correspondent au nouvel élément constitutif de l'art. 14, al. 4, DPA (voir art. 305bis, ch. 3, CP). Etant donné que les normes de droit pénal administratif ne protègent généralement que l'Etat dont elles émanent, il suffit, au regard de l'infraction préalable, que la double incrimination soit établie de manière abstraite.

La contrebande organisée au sens de l'art. 14, al. 4, DPA est qualifiée de crime.

L'art. 21, al. 1, DPA part du principe que le tribunal pénal doit être compétent dans les cas où l'intéressé encourt une peine privative de liberté. Cette disposition délègue la responsabilité d'introduire la procédure adéquate au département auquel l'administration concernée est rattachée, en l'occurrence, au DFF.

Le nouvel élément constitutif de la contrebande organisée visé à l'art. 14, al. 4, DPA, conçu comme escroquerie qualifiée en matière de prestations et de contributions, est qualifié de crime au vu de la peine prévue et constitue ainsi une infraction préalable potentielle au blanchiment
d'argent.

La nouvelle infraction préalable de contrebande organisée entraîne, en outre, des modifications de l'EIMP et du DPA (concernant le DPA, voir ch. 1.3.1.1).

Entraide internationale en matière pénale Dans les recommandations révisées, le GAFI demande la mise en place d'une entraide pour les cas de contrebande et de blanchiment d'argent découlant de produits de la contrebande48. Il recommande en outre aux pays d'autoriser l'extradition pour le blanchiment d'argent découlant de la contrebande ou, s'ils ne peuvent l'autoriser, de prévoir la possibilité de déléguer la poursuite pénale49. En cas d'escroquerie en matière fiscale, la collaboration internationale en matière pénale est déjà possible en Suisse en vertu de l'art. 3, al. 3, EIMP, mais seule l'entraide judiciaire accessoire au sens de la troisième partie de l'EIMP peut être accordée. Le droit actuel ne permet pas l'extradition. Afin que les cas de contrebande organisée au sens du nouvel 47 48 49

RS 812.121.

Voir recommandation 38 en relation avec les infractions sous-jacentes dans la liste des «catégories désignées d'infraction» du glossaire en annexe des 40 recommandations.

Voir recommandation 39.

5945

art. 14, al. 4, DPA permettent une collaboration allant au-delà du droit en vigueur, il est nécessaire d'adapter l'art. 3, al. 3, EIMP.

La reformulation de l'art. 3, al. 3, EIMP vise à permettre une large collaboration dans le domaine de la justice pénale, portant sur toutes les parties de l'EIMP, dans les cas d'escroquerie fiscale qualifiée, soit dans les cas de contrebande organisée.

Ainsi, de tels cas pourront désormais donner lieu non seulement à l'entraide judiciaire accessoire, mais aussi à l'extradition. Cela vaut naturellement aussi pour le blanchiment de valeurs patrimoniales provenant de l'escroquerie fiscale qualifiée, étant donné qu'une collaboration portant sur toutes les parties de l'EIMP est déjà possible sur le plan de l'infraction préalable.

2.2

Extension à la lutte contre le financement du terrorisme

Afin d'inscrire dans la loi la pratique actuelle relative à la lutte contre le financement du terrorisme, telle qu'elle est menée au sein des intermédiaires financiers, et pour tenir compte des efforts déployés à l'échelle internationale dans ce domaine, le présent projet propose d'inclure formellement la lutte contre le financement du terrorisme dans la LBA. Il y a ainsi lieu de modifier le titre de la LBA, d'adapter l'article sur le but (art. 1) et d'ajouter la mention de la lutte contre le financement du terrorisme dans d'autres dispositions.

2.2.1

Modification du titre et adaptation de l'article sur le but de la LBA (art. 1) ­ extension du champ d'application à la lutte contre le financement du terrorisme

La lutte contre le blanchiment d'argent et celle contre le financement du terrorisme forment deux objectifs distincts. Par souci de transparence, la lutte contre le financement du terrorisme n'est pas incluse dans la lutte contre le blanchiment d'argent mais figure séparément, aussi bien dans le titre que dans l'article sur le but. Le titre et l'article sur le but de la loi sont donc modifiés en conséquence. Dans sa nouvelle formulation, l'art. 1 LBA dispose que la loi régit aussi la lutte contre le financement du terrorisme au sens de l'art. 260quinquies CP. La LBA contient, pour concrétiser ces deux objectifs, une série d'obligations de diligence. Par conséquent, les mêmes dispositions sur les obligations de diligence valent pour la lutte anti-blanchiment et pour celle contre le financement du terrorisme.

2.2.2

Extension des dispositions légales pour inclure la lutte contre le financement du terrorisme (art. 3, 6, 8, 9, 21, 23, 27 et 32 LBA)

Dans son état actuel, la LBA ne fait aucune mention du financement du terrorisme.

Afin de combler cette lacune, la teneur de l'art. 260quinquies CP est explicitement reprise dans l'art. 1 (But), notamment. Le financement du terrorisme constitue en

5946

effet une infraction en soi, pouvant être perpétrée indépendamment du blanchiment d'argent, et fait l'objet à ce titre d'une disposition particulière (art. 260quinquies CP).

Ainsi, plusieurs dispositions de la LBA sont complétées par l'expression «ou qu'elles servent au financement du terrorisme (art. 260quinquies, al. 1, CP)» ou par une formulation analogue, ou font d'une autre manière référence à la lutte contre le financement du terrorisme. Il s'agit des articles suivants: vérification de l'identité du cocontractant (art. 3, al. 4), obligations de clarification (art. 6, al. 2, let. b), mesures organisationnelles (art. 8), obligation de communiquer (art. 9, al. 1, let. a), obligation de dénoncer (art. 21), devoirs du bureau de communication (art. 23, al. 4), obligation d'informer et de dénoncer (art. 27, al. 4) et assistance administrative internationale du bureau de communication (art. 32, al. 2, let. a).

Du fait de l'inclusion de la lutte contre le financement du terrorisme, les raisons exigeant une communication des soupçons, qui sont énoncées dans différents articles, sont désormais énumérées, par souci de clarté, dans une liste numérotée (art. 9, al. 1, let. a, art. 21, art. 23, al. 4, art. 27, al. 4).

La recommandation spéciale IV du GAFI sur la lutte contre le financement du terrorisme prévoit expressément une obligation de déclaration pour les intermédiaires financiers qui ont des motifs raisonnables de suspecter que des fonds sont liés à des actes terroristes ou à des organisations terroristes. Selon la pratique en vigueur pour l'art. 9, al. 1, LBA, les valeurs patrimoniales sur lesquelles une «organisation terroriste» exerce un pouvoir de disposition doivent être signalées au bureau de communication. Cette obligation de communiquer découle de l'assimilation des organisations terroristes aux organisations criminelles au sens de l'art. 9, al. 1, LBA.

Mais il se peut que le financement du terrorisme soit effectué non pas seulement en faveur d'organisations terroristes mais aussi d'individus, d'où l'importance de mentionner explicitement, à l'art. 9, al. 1, LBA, la disposition sur le financement du terrorisme (art. 260quinquies CP). Cette modification a un impact sur l'obligation de communiquer, qui devient explicite en cas de soupçon fondé de financement du terrorisme. Une telle pratique
est tout à fait courante à l'étranger.

L'art. 32, al. 2, let. a, LBA, règle l'échange d'information entre le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (Money Laundering Reporting Office; MROS) et les autorités étrangères homologues (Service de renseignements financiers; SRF). A l'heure actuelle, les échanges entre le bureau de communication et les SRF portent déjà sur les données personnelles utiles à la lutte contre le blanchiment d'argent et à la lutte contre le financement du terrorisme. Dès lors, même si l'art. 32, al. 2, let. a, LBA n'évoque que le blanchiment d'argent, une interprétation téléologique de cette disposition autorise également les échanges d'information dans le domaine du financement du terrorisme. Ce point sera réglé désormais dans une base légale explicite, avec le complément susmentionné.

Dans le contexte de l'extension des dispositions de la LBA au financement du terrorisme, il convient encore de mentionner le projet de LAUFIN (voir ch. 1.3.9). Etant donné que les travaux sur cette loi sont antérieurs au présent projet, cette dernière ne tient pas encore compte de l'extension de la LBA à la lutte contre le financement du terrorisme et devra, par conséquent, être adaptée.

5947

2.3

Identification des représentants des personnes morales (art. 3, al. 1, LBA)

Pour répondre à la nécessité de créer une base juridique formelle relative au devoir d'identification des représentants des personnes morales, le présent projet propose d'ajouter une nouvelle phrase à l'art. 3, al. 1, LBA, disposant que l'intermédiaire financier doit, lorsque le cocontractant est une personne morale, d'une part, prendre connaissance des dispositions régissant le pouvoir d'engager le cocontractant et, d'autre part, vérifier l'identité des personnes qui établissent la relation au nom de la personne morale. La pratique actuelle ­ issue de la responsabilité civile ­ selon laquelle les intermédiaires financiers contrôlent les pouvoirs d'engager une personne morale sera donc inscrite dans une loi. Par ailleurs, par rapport aux dispositions contenues dans la Convention de diligence, cette norme élargit le devoir d'identification à la personne établissant la relation d'affaire au nom de la société lorsque celle-ci est inscrite au registre du commerce50. Ainsi, la vérification se limitera à l'identité de la personne établissant la relation d'affaires et non à toutes personnes autorisées à signer au nom de la personne morale.

2.4

Informations sur l'objet et le but de la relation d'affaires (art. 6, al. 1, LBA)

Afin d'inscrire dans une base légale formelle la pratique en vigueur selon laquelle l'intermédiaire financier récolte des informations sur l'objet et le but de la relation d'affaires, il est proposé de créer une nouvelle disposition qui prévoit que l'intermédiaire financier est tenu d'identifier l'objet et le but de la relation d'affaires souhaitée par le cocontractant. Cette norme complétera l'obligation particulière de clarification prévue à l'art. 6 LBA dans les cas où la transaction ou la relation d'affaires paraissent inhabituelles ou que des indices laissent supposer que des valeurs patrimoniales proviennent d'un crime ou qu'une organisation criminelle exerce un pouvoir de disposition sur ces dernières. La nouvelle obligation générale deviendra l'al. 1 de l'art. 6 et l'actuel art. 6 deviendra l'al. 2. Le terme «particulière» est en outre supprimé du titre de l'article, puisque l'al. 1 introduit une obligation générale de clarification. Par ailleurs, il convient d'indiquer qu'au sens de la recommandation 5 du GAFI, les institutions financières peuvent, pour la mise en oeuvre de ces mesures, déterminer l'étendue des informations à recueillir en fonction du niveau de risque associé au type de relation d'affaires ou de transaction. Cette précision est inscrite dans la seconde phrase de l'al. 1 du nouvel art. 6. Les intermédiaires financiers ne seront ainsi jamais entièrement déliés de leur obligation de collecter des données sur l'objet et le but de la relation d'affaires, mais pourront l'adapter en fonction du risque.

50

Jusqu'à présent, ce devoir s'appliquait uniquement aux cas où la société n'était pas inscrite au registre du commerce.

5948

2.5

Valeurs patrimoniales de faible valeur (art. 7a LBA)

La nouvelle disposition de minimis introduite à l'art. 7a LBA assouplit quelque peu les obligations de diligence des intermédiaires financiers dans le cas de relations suivies. Pour pouvoir exclure le danger de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, deux conditions cumulatives doivent toutefois être remplies: la faible valeur des valeurs patrimoniales et la légalité manifeste de la relation d'affaires.

Conformément aux art. 16, al. 1, et 18, al. 1, let. e, LBA, il incombera aux autorités de surveillance, voire aux organismes d'autorégulation, de préciser ces conditions.

Le seuil de la «faible valeur» sera avant tout déterminé en fonction des risques de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme dans le domaine en question.

Compte tenu de la variété et de la spécificité des différents domaines concernés (banques, assurances, fiduciaires, études d'avocats, etc.), il n'appartient ni au législateur ni au Conseil fédéral de le fixer. Ce seuil devra en outre pouvoir être facilement et rapidement adapté en cas de nécessité, ce qui ne serait pas possible s'il était fixé directement dans la LBA.

Lors de la mise en oeuvre de cette disposition, les autorités de surveillance et les organismes d'autorégulation s'assureront que l'esprit de la LBA est respecté. Ils veilleront en particulier à éviter un cumul des montants définis comme faibles. Il devrait ainsi être techniquement impossible de payer en une fois davantage que le montant défini. De même, il s'agira d'empêcher que les limites fixées puissent être cumulées d'une manière ou d'une autre (interdiction du «smurfing»).

2.6

Obligation de communiquer en cas de rupture des négociations visant à établir une relation d'affaires (art. 9, al. 1, let. b, LBA)

L'art. 9, al. 1, let. b, LBA étend l'obligation de communiquer aux situations dans lesquelles les négociations visant à établir une relation d'affaires sont interrompues avant l'ouverture proprement dite de cette relation. Comme dans les cas relevant de l'art. 9, al. 1, let. a, LBA, et contrairement à l'art. 305ter CP, une communication ne doit être faite qu'en cas de soupçons fondés. L'intermédiaire financier doit donc disposer des informations et indications requises, en particulier quant à l'identité du client. Pour garantir l'efficacité de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, les intermédiaires financiers devraient prendre les mesures raisonnables en fonction des circonstances afin de chercher à connaître, et de pouvoir communiquer au bureau de communication, l'identité ­ au moins probable et même non vérifiée ­ de l'auteur de la tentative de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme. En pratique, il peut toutefois être difficile d'identifier un cocontractant éventuel contre sa volonté. Ainsi, un intermédiaire financier n'obtiendra vraisemblablement aucune information supplémentaire d'un «client» s'il lui a déjà signalé, d'une manière ou d'une autre, qu'il n'entend pas conclure la relation d'affaires souhaitée par ce dernier. En outre, le fait de demander des informations supplémentaires pourrait éveiller des soupçons chez le client. C'est pourquoi, en cas de rupture des négociations visant à établir une relation d'affaires, l'intermédiaire financier n'est tenu de faire une communication que sur la base des informations dont il dispose au moment de la rupture. L'extension de l'obligation de communiquer n'entraîne pour l'intermédiaire financier aucune obligation supplémentaire de clarification. Ainsi, il n'a aucune obligation de demander des informations addition5949

nelles au «client» ou de prendre des mesures particulières d'enquête, dans le but d'étayer ses soupçons.

2.7

Assouplissement de l'interdiction d'informer (art. 10a LBA)

Les al. 2 et 3 du nouvel art. 10a LBA permettent, sous certaines conditions (ch. 2.7.4), à un intermédiaire financier d'informer d'autres intermédiaires financiers soumis à la LBA du fait qu'il a effectué une communication en vertu de l'art. 9 LBA, dans les trois cas suivants: ­

lorsque l'intermédiaire financier qui a effectué la communication n'est pas en mesure de procéder au blocage des avoirs concernés (ch. 2.7.1);

­

lorsque les intermédiaires financiers fournissent à un client des services communs en relation avec la gestion des avoirs de ce client sur la base d'une collaboration convenue contractuellement (ch. 2.7.2), et

­

lorsque les intermédiaires financiers font partie du même groupe de société (ch. 2.7.3).

2.7.1

Intermédiaire financier ne pouvant procéder au blocage (art. 10a, al. 2, LBA)

L'art. 10a, al. 2, introduit dans la LBA la pratique actuelle selon laquelle l'intermédiaire financier qui n'est pas en mesure de bloquer les avoirs peut informer celui qui est en mesure de le faire. Comme mentionné sous le ch. 1.3.7, cet alinéa concerne avant tout les gérants de fortune externe et leur permet d'informer la banque qui gère le compte ou le dépôt du client en question du fait qu'il a effectué une communication en vertu de l'art. 9 LBA.

Il est important de relever que l'intermédiaire financier informé du fait qu'une communication a été effectuée est tenu de procéder à des examens particuliers. Il lui incombe de décider si l'information est suffisante pour avoir un soupçon fondé. Si tel est le cas, il est tenu de faire à son tour une communication et de bloquer les avoirs. Les renseignements qu'il transmet au bureau de communication doivent comprendre les coordonnées de la personne lui ayant fait part de la communication.

S'il n'a pas lui-même de soupçon fondé, la seule information sur la communication ne l'oblige pas de bloquer les avoirs. Le système en vigueur, selon lequel l'obligation de bloquer les avoirs ne naît que par une communication au sens de l'art. 9 LBA, demeure inchangé.

5950

2.7.2

Services communs à un client en relation avec la gestion des avoirs de ce client sur la base d'une collaboration convenue contractuellement (art. 10a, al. 3, let. a, LBA)

Comme le mentionne le projet de loi, un intermédiaire financier ne peut informer un autre intermédiaire financier que dans la mesure où ces deux intermédiaires sont liés par un contrat prévoyant la fourniture de services communs à un client en relation avec la gestion des avoirs de ce dernier.

Dans le cas d'une gestion de fortune pour laquelle existe un contrat entre la banque et le gérant de fortune, cet alinéa permet, par exemple, une information de la banque au gérant de fortune (c'est-à-dire, dans le sens inverse de ce que permet l'art. 10a, al. 2, LBA). Il n'est pas rare qu'une banque doive bloquer le compte d'un client administré par un gérant de fortune externe. Or il est difficile de cacher ce blocage au gérant de fortune, d'autant que ce dernier doit avoir en tout temps une vue d'ensemble sur la relation contractuelle avec le client. La situation se complique davantage dans les cas où l'agent de fortune externe a conclu avec la banque un contrat «d'ordre direct» qui lui permet d'effectuer des achats et ventes directs de titres en utilisant l'infrastructure de la banque, c'est-à-dire sans devoir donner d'ordres à la banque. Sans la possibilité d'informer le gérant de fortune, la banque se verrait dans l'obligation de résilier le contrat d'ordre direct en cas de blocage. Elle devrait toutefois donner des explications au gérant de fortune, mais ne pourrait le faire en raison de l'interdiction d'informer les tiers.

Un autre exemple démontrant l'intérêt de ce nouvel alinéa en pratique concerne le cas des sociétés émettrices de carte de crédit. Lorsqu'une banque bloque le compte lié à une carte de crédit émise par une société externe en raison d'une communication au sens de l'art. 9 LBA, l'utilisation de la carte reste possible, du moins jusqu'à la limite de crédit convenue contractuellement avec la société émettrice. Seule cette dernière peut bloquer la carte. Aussi longtemps que la carte n'est pas bloquée, le client peut continuer de l'utiliser, par exemple pour blanchir de l'argent ou financer des activités terroristes. Pour que le système suisse de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme soit plus efficace, il est donc nécessaire que la banque puisse informer la société émettrice de la carte du fait qu'elle a effectué une communication de soupçons au sens de l'art. 9 LBA. Ainsi, cette dernière pourra bloquer la carte en temps voulu.

2.7.3

Intermédiaires financiers appartenant au même groupe de sociétés (art. 10a, al. 3, let. b, LBA)

La possibilité pour les intermédiaires financiers appartenant au même groupe de s'informer d'une communication de soupçons est également justifiée. Nombre d'intermédiaires financiers ont, en effet, mis en place un système de gestion des risques global dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Lorsqu'un client détient un compte auprès de différentes sociétés d'un même groupe, ces dernières doivent donc avoir la possibilité de s'informer mutuellement qu'une communication de soupçons a été faite et que des valeurs patrimoniales sont bloquées. A défaut, il leur est difficile, voire impossible, de mettre en oeuvre une gestion des risques globale.

5951

2.7.4

Autres conditions d'application de l'assouplissement de l'interdiction d'informer

S'agissant d'exceptions à l'interdiction d'informer, les al. 2 et 3 de l'art. 10a LBA doivent être interprétés de manière restrictive. Ainsi, il n'est possible, tant en vertu de l'al. 2 que de l'al. 3, d'informer un autre intermédiaire financier que si ce dernier est également soumis à la LBA. Dès lors, dans le cas d'intermédiaires financiers appartenant au même groupe, il n'est pas possible d'informer un membre du groupe à l'étranger. L'information interne se limite donc aux intermédiaires financiers établis en Suisse.

L'assouplissement de l'interdiction d'informer ne s'applique évidemment pas lorsqu'un intermédiaire financier a des raisons de penser que l'autre intermédiaire financier pourrait être impliqué dans une opération de blanchiment d'argent.

En ce qui concerne l'al. 3, il ressort du texte même du projet de loi qu'un intermédiaire financier ne peut informer un autre intermédiaire financier du fait qu'il a effectué une communication que dans la mesure où cette information est nécessaire au respect des obligations posées par la LBA, et donc de manière générale à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Il va de soi que l'autorisation d'informer un tiers au sens des al. 2 et 3 n'est octroyée qu'après la transmission d'une communication. Par ailleurs, l'autorisation porte uniquement sur le fait qu'une communication a été effectuée au bureau de communication. L'intermédiaire financier doit donc limiter les informations transmises au strict nécessaire, notamment, pour identifier le client ou, le cas échéant, le compte dont il s'agit. L'autorisation ne porte pas sur d'autres éléments, dans la mesure où leur communication serait incompatible avec le secret d'affaires ou bancaire. Ainsi, l'intermédiaire financier ne doit pas communiquer à un tiers le contenu de la communication qu'il a faite au bureau, notamment les éléments qui l'amènent à conclure à l'existence de soupçons fondés.

Enfin, il reste interdit, dans ce cas également, d'informer toute autre personne, notamment le client, qu'une communication a été faite. Cette interdiction d'informer le client et des tiers vaut également pour l'intermédiaire financier qui a été informé sur la base de l'al. 2 ou de l'al. 3. Elle est d'ailleurs expressément mentionnée à l'al. 4 du nouvel art. 10a LBA.

2.8

Exclusion de la responsabilité pénale et civile et protection des intermédiaires financiers (art. 11 LBA)

Sur ce point, voir les explications données sous le ch. 1.3.8.

2.9

Délégation de compétences législatives (art. 41 LBA)

Sur ce point, voir les explications données sous le ch. 1.3.9.

5952

2.10

Echange d'informations (art. 29 et 29a LBA)

2.10.1

Echange d'informations entre les autorités (art. 29 LBA)

L'art. 29 LBA est désormais accompagné d'un titre «Echange d'informations entre les autorités». Cette précision est nécessaire en raison de l'ajout d'un nouvel article dans le chap. 4 «Entraide administrative» (art. 29a LBA) concernant les autorités pénales (voir ci-dessous sous ch. 2.10.2).

L'al. 2 de l'actuel art. 29 LBA traite de l'échange d'informations entre les autorités cantonales de poursuite pénale et le bureau de communication. Etant donné que l'échange d'informations entre les autorités pénales, aussi bien cantonales que fédérales, et le bureau de communication est réglé dans le nouvel art. 29a LBA, l'al. 2 de l'art. 29 fait double emploi avec ce nouvel article, en particulier avec son al. 1. Il n'a plus de raison d'être et est par conséquent abrogé.

2.10.2

Autorités pénales (art. 29a LBA)

Selon le «projet d'efficacité», les autorités de poursuite pénale de la Confédération (Ministère public et Office des juges d'instruction fédéraux) ont également l'obligation de communiquer. C'est la raison pour laquelle le terme «cantonales», qui figure actuellement à l'art. 29, al. 2 et 3, est absent du nouvel art. 29a, al. 1, LBA.

Les autorités pénales au sens de la LBA sont toutes celles qui sont engagées ou spécialisées dans la lutte contre le blanchiment d'argent (art. 305bis CP), contre la criminalité organisée (art. 260ter CP) et contre le financement du terrorisme (art. 260quinquies CP). En font partie les autorités de poursuite pénale cantonales et fédérales, ainsi que les diverses instances des tribunaux appelés à juger. Cela a, entre autres, pour conséquence que leurs jugements ou ordonnances de non-lieu doivent être communiqués au bureau de communication, accompagnés de leur motivation.

Tous ces jugements ou décisions de non-lieu procurent au bureau de communication un état des lieux des développements afférents au blanchiment d'argent, à la criminalité organisée et au financement du terrorisme, ainsi que de la manière de procéder des organisations criminelles. Ce savoir est répercuté dans la formation dispensée aux intermédiaires financiers, soit directement par le bureau de communication, soit par le truchement des autorités de surveillance, d'où la nécessité que les jugements ou ordonnances de non-lieu parviennent au bureau de communication avec leur motivation.

Le texte de loi n'inclut cependant pas les autorités de poursuite pénale, telles que les autorités fiscales, qui ne sont pas en raison de leur domaine d'activité chargées de ou spécialisées dans la lutte contre le blanchiment, le crime organisé ou le financement du terrorisme.

L'art. 29a, al. 2, LBA consacre le devoir incombant aux autorités de poursuite pénale d'annoncer immédiatement au bureau de communication les décisions prises par rapport aux dénonciations qu'il leur a adressées. L'expression «annoncer immédiatement les décisions» sous-entend la remise simultanée au bureau de communication d'une copie de la décision de l'autorité pénale. De cette manière, le bureau de communication est informé du cours de la procédure le plus rapidement possible.

Cette disposition contient désormais le principe de l'échange d'informations entre 5953

autorités. Elle implique que le Ministère public de la Confédération, l'Office des juges d'instruction fédéraux et les autorités cantonales de poursuite pénale sont tenus d'informer systématiquement et spontanément le bureau de communication en matière de blanchiment d'argent sur l'évolution des procédures ouvertes en raison d'une communication. Cette mesure va dans le sens de la recommandation 32 du GAFI, qui vise la mise en place d'un système d'autocontrôle fondé sur des relevés statistiques. Le bureau de communication a besoin de ces informations pour effectuer son propre travail et pour établir des statistiques. En vue de simplifier les démarches administratives, il est donc préférable que la transmission des informations au bureau de communication ait un caractère systématique au lieu de se faire sur demande.

L'art. 29a, al. 3, LBA introduit, au profit des autorités de surveillance instituées par des lois spéciales ainsi que de l'autorité de contrôle, le droit d'être renseigné par les autorités pénales. Dans l'intérêt de la poursuite pénale, ces dernières demeurent libres quant à l'étendue et au moment de leur communication, mais il importe aussi de prendre dûment en compte les intérêts des autorités de surveillance instituées par des lois spéciales et ceux de l'autorité de contrôle en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Il est important pour les autorités de surveillance instituées par des lois spéciales et pour l'autorité de contrôle de savoir si une enquête pénale ou une procédure est en cours contre une entreprise soumise à leur surveillance. En effet, les documents en question contiennent parfois des éléments de preuve qui renseignent sur des activités ou des opérations antérieures. Cela peut avoir des conséquences par rapport aux garanties, exigées par le législateur, de respect des obligations découlant de la LBA.

Concrètement, la consultation des dossiers des autorités pénales donne à l'autorité de surveillance concernée les informations requises pour refuser des autorisations, ordonner les mesures qui s'imposent et retirer des autorisations. De cette manière, et même souvent uniquement par ce biais, les autorités de surveillance peuvent s'acquitter de leur mission préventive et adopter des mesures de droit de la surveillance
visant à préserver la réputation et l'intégrité de la place financière, ainsi qu'à protéger les créanciers et le bon fonctionnement du marché.

Or faute de base légale, les autorités pénales cantonales et le Ministère public de la Confédération n'étaient pas en mesure jusqu'ici de soutenir le travail des autorités de surveillance en leur fournissant des informations et des documents tirés de leurs procédures pénales respectives. La collaboration efficace qui s'impose n'était donc pas assurée sur le plan juridique. L'absence d'une telle base légale s'est avérée être une lacune de la LBA. L'échange d'informations est d'ailleurs aussi indispensable à la coordination des procédures pénales et de surveillance, procédures qui risquent sinon de faire double emploi ou même de s'entraver.

Les autorités de surveillance instituées par des lois spéciales ou l'autorité de contrôle sont en outre tenues de coordonner avec les autorités de poursuite pénale compétentes leurs interventions éventuelles auprès d'un intermédiaire financier, avant une transmission éventuelle des renseignements et des documents reçus (art. 29a, al. 4, LBA). Cette disposition vise à garantir que les interventions des autorités de surveillance instituées par des lois spéciales ou de l'autorité de contrôle n'entravent pas une procédure en cours à l'encontre d'un intermédiaire financier. Il serait souhaitable que dès la réception de renseignements ou documents, lesdites autorités conviennent avec l'autorité de poursuite pénale compétente de l'étendue et du mode d'utilisation de ces renseignements ou documents, ainsi que de leur transmission à 5954

des participants à la procédure ou à des tiers. Si le besoin s'en fait sentir par la suite, elles s'entretiendront au préalable avec les autorités de poursuite pénale. De telles ententes et prises de contact sont importantes notamment dans les cas présentant un risque de collusion.

Pour ne pas mettre en péril la procédure pénale, l'art. 29a, al. 3 in fine, LBA, dispose que l'échange d'informations ne doit pas entraver une procédure pénale en cours.

2.11

Contrôle des transports transfrontières d'espèces (Recommandation spéciale IX; art. 95, al. 1bis, LD)

Selon l'explication fournie au ch. 1.3.11, la loi sur les douanes doit être modifiée de manière à ce que l'AFD soit habilitée à contribuer à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme dans le cadre de ses contrôles de la circulation transfrontière des personnes et des marchandises. La modification prévue concerne l'art. 95, al. 1, LD, qui est complété par un al. 1bis. Bien que les missions de l'AFD soient fixées dans des lois spécifiques, l'introduction d'une norme sur le contrôle des transports transfrontières d'espèces dans une loi spéciale aurait été trop complexe, d'où la nécessité de modifier la loi sur les douanes.

Un certain nombre de dispositions existant dans la loi sur les douanes complètent son art. 95 de manière à en expliciter la portée. Lorsqu'il existe un soupçon de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme, ou si les renseignements fournis sont erronés, les montants en espèces, les devises et autres valeurs dont la confiscation est probable seront provisoirement séquestrés, en vertu de l'art. 104, al. 2, LD. La personne concernée peut former un recours administratif au sens de l'art. 116 LD contre une confiscation formelle. De plus, une amende pouvant atteindre 5000 francs peut être prononcée, conformément à l'art. 127 LD, lorsque le voyageur communique une fausse information ou lorsqu'il refuse de répondre aux questions. D'autres dispositions d'exécution devront par contre être créées. Ainsi, l'ordonnance sur les douanes du Conseil fédéral devra être modifiée afin de prévoir expressément le devoir des voyageurs de répondre aux questions liées au transport d'argent, de devises ou d'autres valeurs patrimoniales. En vertu de l'art. 110, al. 1 et 2, let. g et h, LD, les personnes soupçonnées de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme feront l'objet d'une inscription dans une banque de données de l'AFD, indépendamment du montant. Cette banque de données sera mise sur pied par une modification de l'ordonnance du 4 avril 2007 sur le traitement des données AFD51.

Selon la recommandation spéciale IX, le bureau de communication doit avoir pleinement accès aux données de l'AFD concernant les transports transfrontières d'espèces. Pour des raisons de protection des données, le bureau de communication en matière de blanchiment d'argent ne
bénéficie pas d'un accès direct aux données de cette dernière. L'échange d'informations entre l'AFD et le bureau de communication en relation avec la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme a lieu dans le cadre de l'assistance administrative et doit être examiné cas par cas. Les bases légales en la matière sont les art. 112 et 114 LD, respectivement l'art. 23, al. 2, LBA en relation avec l'art. 4 de la loi fédérale du 7 octobre 1994 sur

51

RS 631.061; RO 2007 1715

5955

les Offices centraux de police criminelle de la Confédération52 et l'art. 7 de l'ordonnance du 25 août 2004 sur le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent53.

2.12

Communication selon l'art. 305ter CP au seul bureau de communication

La proposition de modification de l'art. 305ter, al. 2, CP vise à faire du bureau de communication le destinataire unique des communications de soupçons de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme adressées sur la base du droit de communication.

Les avantages de cette solution sont évidents. D'une part, les autorités de poursuite pénale ne seront plus surchargées inutilement avec des communications dont le contenu est insuffisamment fondé. D'autre part, en sa qualité de service spécialisé, le bureau de communication est en mesure de distinguer, du point de vue du blanchiment d'argent ou du financement du terrorisme, les faits suspects de ceux qui le sont moins et de procéder ainsi à un premier examen efficace à l'intention des autorités cantonales de poursuite pénale. A titre d'autorité spécialisée, le bureau de communication peut également déceler des liens entre diverses informations. Enfin, il est en mesure d'acquérir une vue d'ensemble des méthodes de blanchiment et de financement du terrorisme et de l'évolution de la situation dans ces domaines, d'analyser la menace en fonction des circonstances et de donner des informations de qualité aux intermédiaires financiers, aux organes de surveillance ainsi qu'aux autorités cantonales de poursuite pénale.

Grâce à cette modification, les statistiques du bureau de communication recenseront désormais aussi bien les cas de soupçons au sens de l'art. 9 LBA que ceux au sens de l'art. 305ter CP. La signification de ces statistiques ne doit pas être sous estimée.

Selon la recommandation 32 du GAFI, tous les pays doivent tenir des statistiques complètes donnant des informations sur l'efficacité et le bon fonctionnement des systèmes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Ces statistiques doivent notamment porter sur les déclarations d'opérations suspectes reçues et diffusées (communication de soupçons). L'évaluation de ces statistiques a par la suite un effet direct sur la réputation d'une place financière. Par ailleurs, la recommandation 26 du GAFI vise à mettre en place une seule et unique autorité nationale centralisée ­ cellule de renseignements financiers ­ appelée à recevoir les communications de soupçons. La centralisation des communications auprès du bureau de communication, qui joue le rôle de la
cellule suisse de renseignements financiers, sert donc également à la mise en oeuvre de la recommandation 26.

La proposition de modification de l'art. 305ter CP ne vise par contre pas à mettre fin à la co-existence de l'obligation et du droit de communication prévue dans le dispositif suisse en vigueur. Cette co-existence a en effet fait ses preuves jusqu'à ce jour et n'a aucune raison d'être abandonnée. L'existence d'une obligation de communication ne rend en aucune manière superflu le droit de communication54. Comme le

52 53 54

RS 360 RS 955.23 Voir à cet égard le message relatif à l'art. 305ter, al. 2, CP, FF 1993 III 269 316.

5956

relève le message relatif à la LBA55, le droit de communication au sens de l'art. 305ter, al. 2, CP et l'obligation de communiquer au sens de l'art. 9 LBA doivent être compris comme des degrés différents d'un même concept. L'art. 9 LBA présuppose l'existence de soupçons fondés alors que l'art. 305ter, al. 2, CP crée un motif justificatif permettant de transmettre des indices à propos de l'origine éventuellement criminelle de valeurs patrimoniales. Les différents degrés de soupçons de l'intermédiaire financier vont du sentiment reposant sur de vagues indices à la certitude. Ils recouvrent la situation dans laquelle, en raison de l'absence de faits clairement établis, une communication aux autorités compétentes se justifie sans être indispensable, mais aussi celle où l'intermédiaire financier est obligé de communiquer ses soupçons parce qu'ils s'avèrent fondés. De ce point de vue, les deux notions ne s'opposent pas mais se complètent. Outre le fait de reposer sur des degrés de soupçons différents, le droit et l'obligation de communiquer entraînent par ailleurs des conséquences différentes. Ainsi, l'obligation de communication s'accompagne d'une obligation de blocage des valeurs patrimoniales, ce qui n'est pas le cas du droit de communication. Il en va de même de l'interdiction d'informer prévue à l'art. 10a LBA, qui ne vaut qu'en cas de communication effectuée sur la base de l'obligation de communiquer de l'art. 9 LBA.

La co-existence du droit et de l'obligation de communication ne doit bien entendu pas être interprétée comme permettant aux intermédiaires financiers soumis à la LBA de choisir de faire usage du droit de communication ­ sans blocage des valeurs patrimoniales ­ dans les cas où ils savent ou présument, sur la base de soupçons fondés, que des valeurs patrimoniales proviennent, par exemple, d'un crime. Dans un tel cas, l'intermédiaire financier tombe, comme auparavant, sous le coup de l'obligation de communiquer de l'art. 9 LBA et l'enfreindrait en ayant recours au droit de communication au sens du code pénal.

Le manque de cohérence du dispositif suisse soulevé par le GAFI sera toutefois corrigé, puisqu'à l'avenir toutes les communications, fondées aussi bien sur la LBA que le CP, seront adressées à une seule et même entité nationale centralisée, à savoir le bureau de communication.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

Le projet ne devrait avoir aucun effet sur les finances de la Confédération. Les autorités de surveillance disposent déjà des ressources en personnel nécessaires à l'application de la législation suisse dans leur sphère de compétences.

Malgré l'ajout explicite du financement du terrorisme (art. 260quinquies, al. 1, CP) à l'art. 9, al. 1, LBA comme motif devant donner lieu à une communication, la liste des motifs en question n'est pas plus longue qu'auparavant. En effet, en vertu de l'art. 9 LBA, les intermédiaires financiers ont aujourd'hui déjà l'obligation d'informer le bureau de communication lorsqu'ils ont de bonnes raisons de penser «qu'une organisation criminelle exerce un pouvoir de disposition» sur des valeurs patrimoniales. Toutefois, comme les faits commis par des auteurs isolés devront également être annoncés en raison de cet ajout, il faut s'attendre à une augmentation du nombre 55

FF 1996 III 1057 1087

5957

d'annonces de soupçons au bureau de communication en rapport avec le financement du terrorisme. Il en va de même avec la modification de l'art. 305ter CP prévoyant que les communications sur la base du droit de communiquer seront désormais également adressées au bureau de communication. Ce dernier s'efforcera de couvrir les besoins supplémentaires avec ses ressources actuelles, mais ce n'est qu'après l'entrée en vigueur de loi sur la mise en oeuvre des recommandations révisées du GAFI que l'on pourra évaluer définitivement les éventuels besoins en ressources supplémentaires.

La mise en oeuvre de la recommandation spéciale IX, qui entraîne une nouvelle tâche pour l'AFD dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, s'inscrit dans le cadre normal des contrôles des marchandises et des personnes déjà effectués aujourd'hui par l'AFD. Il n'est par conséquent pas nécessaire d'engager du personnel supplémentaire à cette fin.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Le présent projet ne devrait avoir aucun effet sur les finances des cantons et des communes. Au contraire, avec la modification de l'art. 305ter, al. 2, CP, les autorités cantonales de poursuite pénale devraient être déchargées de certaines communications effectuées sur la base du droit de communication, puisque ces communications seront désormais adressées au bureau de communication. Ce dernier effectuera l'analyse préalable des communications à l'intention des autorités cantonales de poursuite pénale, lesquelles pourront se concentrer sur les cas de soupçons fondés qui leur seront ensuite transmis par le bureau de communication.

Conséquences économiques

3.3

Le présent projet de mise en oeuvre des recommandations révisées du GAFI est le fruit d'une collaboration conjointe et étroite entre le DFF, la CFB et les milieux concernés. Les conséquences économiques ont donc été globalement prises en considération au fur et à mesure de l'avancée du projet, au travers notamment d'une procédure de consultation56, d'une audition57 et des consultations internes ainsi que divers autres entretiens informels (hearings).

Le rapport du Conseil fédéral répondant aux postulats Stähelin a relevé un certain nombre de points relatifs aux conséquences économiques de la mise en oeuvre des recommandations révisées du GAFI. Tout d'abord, l'analyse des coûts impose une distinction entre les aspects quantitatifs et qualitatifs. Sur le plan quantitatif, on distingue entre coûts directs (par ex. coûts des organes de surveillance), coûts indirects (notamment les dépenses assumées par les participants au marché pour garantir la conformité aux règles) et les coûts d'opportunité (notamment les gains non réalisés).

Il existe un certain nombre d'éléments permettant une évaluation quantitative. Dans l'ensemble, les coûts directs pour les autorités de surveillance constituent une charge de moindre importance évaluée entre 15 et 20 millions de francs par an pour toutes les autorités de surveillance et organismes d'autorégulation. Etant donné que ces 56 57

Consultation tenue de janvier à avril 2005.

Audition tenue de janvier à février 2007.

5958

coûts directs sont dans une large mesure répercutés sur les assujettis sous la forme de taxes de surveillance, ils constituent une charge pour le secteur financier et l'économie en général.

Les coûts indirects liés à la mise en oeuvre en vue de la conformité avec les règles étatiques de lutte contre le blanchiment d'argent, assumés par les intermédiaires financiers soumis à surveillance, devraient être plus importants. Il est toutefois impossible à l'heure actuelle de tirer des conclusions fiables à cet égard de même que pour les coûts d'opportunité. Il convient toutefois de rappeler que les coûts indirects pour les intermédiaires financiers diffèrent selon les mesures décidées.

Certaines nouvelles mesures impliquent une inscription de la pratique actuelle dans la loi et laissent supposer que, dans l'ensemble, l'impact en termes de coûts sera neutre (voir par ex. ch. 1.3.3 et 1.3.4). D'autres, s'apparentant à l'intégration d'une composante de risque, vont dans le sens d'un allégement des charges administratives (voir par ex. ch. 1.3.4 et 1.3.5).

En outre, lorsque des coûts supplémentaires sont engendrés, ils doivent être évalués par rapport aux bénéfices résultant des mesures apportées. En premier lieu, une plus grande sécurité juridique résultera de l'intégration des nouvelles mesures. On peut citer à ce titre une meilleure protection de celui qui annonce (voir ch. 1.3.8) ou la systématisation de la connaissance du client (voir ch. 1.3.3). Il convient également de rappeler la réduction des facteurs de risque pour les diverses institutions, tels que les risques d'entreprise, les pertes sur placement ou les atteintes à l'intégrité ou à la réputation des intermédiaires financiers. Cette réduction des risques résulte de l'effet préventif du système et d'une sanction conséquente des cas d'abus et d'infractions aux mesures de surveillance. Le fait de disposer d'une réglementation et d'une surveillance fondées sur des standards internationalement reconnus permet en outre de bénéficier de conditions concurrentielles similaires au niveau international et d'éviter ainsi toute discrimination (utilité individuelle). D'autre part, la réglementation en matière d'abus vise à améliorer le fonctionnement et à renforcer l'intégrité du marché, ce qui devrait en améliorer l'efficacité. Elle contribue également
dans une large mesure à la stabilité du système (utilité collective). De façon générale, un dispositif efficace contre les abus permet de réduire les risques pour les intermédiaires financiers et le système financier. Au vu de l'importance du secteur financier pour l'économie ­ part d'emploi de plus de 5 % et contribution de près de 14 % à la valeur totale de la production ­, la question revêt même une importance économique certaine.

4

Liens avec le programme de la législature et le plan financier

Le présent message a été annoncé dans le rapport du 25 février 2004 sur le programme de la législature 2003 à 2007 (FF 2004 1081).

5959

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et conformité aux lois

Les modifications proposées des différentes lois reposent sur les mêmes articles de la Constitution que ceux sur lesquels se fondent déjà les lois en question.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

La Suisse participe activement aux efforts déployés par la communauté internationale pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Elle est notamment membre fondateur du GAFI, dont les recommandations révisées constituent les nouveaux standards internationaux en la matière. Bien que les recommandations du GAFI n'aient pas la même valeur juridique contraignante qu'une convention internationale ratifiée par un Etat, tout Etat qui les approuve prend l'engagement politique de les mettre en oeuvre dans son ordre juridique. A cet égard, le GAFI reconnaît que les Etats sont dotés de systèmes juridiques et financiers divers, et qu'en conséquence, tous ne peuvent pas prendre de mesures identiques afin de réaliser l'objectif commun. Les recommandations établissent par conséquent des normes minimales qui requièrent l'adoption par les pays de mesures de mise en oeuvre précises, en fonction de leurs circonstances particulières et de leurs cadres constitutionnels. Les recommandations du GAFI ont également été mises en oeuvre par des Etats non membres et ont été reconnues par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale comme les normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

La Suisse a, comme les autres Etats membres du GAFI, approuvé les recommandations révisées en juin 2003. Elle est par conséquent tenue de les mettre en oeuvre en droit interne afin de respecter ses obligations internationales.

5.3

Forme de l'acte à adopter

Le projet est de nature purement législative. En effet, l'art. 164, al. 1, let. a, Cst., précise que toutes les dispositions qui fixent des règles de droit sont obligatoirement édictées sous la forme d'une loi fédérale.

5.4

Frein aux dépenses

Le projet n'implique pas de dépenses assujetties au frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst.).

5.5

Conformité à la loi sur les subventions

Le projet ne prévoit ni d'aides financières ni de subventions.

5960

5.6

Délégation de compétences législatives

Le projet comprend une nouvelle délégation de compétences législatives en faveur du Conseil fédéral. En vertu de l'art. 41, al. 1, LBA, il appartiendra désormais au Conseil fédéral, et non plus aux autorités de surveillance, d'édicter les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de cette loi, sous réserve de la précision des obligations de diligence qui est laissée, comme auparavant, aux autorités de surveillance en vertu des art. 16, al. 1, et 18, al. 1, let. e, LBA. Cette délégation de compétence en faveur du Conseil fédéral est d'autant plus justifiée que la LBA est conçue comme une loi cadre dont certaines dispositions de mise en oeuvre peuvent comprendre des questions de principe ou d'une haute portée politique ou encore entraîner des incidences financières considérables.

L'art. 41, al. 2, LBA habilite toutefois le Conseil fédéral à autoriser les autorités de surveillance à édicter des dispositions d'exécution de la LBA dans les domaines de portée restreinte, notamment de nature technique. Cette exception permet, par exemple, de tenir compte des spécificités techniques des différents domaines auxquels s'applique la LBA58.

58

Voir ch. 1.3.9 pour des explications complémentaires.

5961

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