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16.312 Initiative déposée par un canton Exécution de l'obligation de payer les primes.

Modification de l'art. 64a de la loi fédérale sur l'assurance-maladie Rapport explicatif de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États du 27 janvier 2021

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal)1 concernant l'exécution de l'obligation de payer les primes, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

Par la même occasion, nous vous proposons de classer les interventions parlementaires suivantes: 2017

M 17.3323

«Non-paiement des primes d'assurance-maladie. Pour que les parents restent les débiteurs des primes de leurs enfants» (N 5.6.19 Heim, Commission de la sécurité sociale et de la santé publique CE 29.10.19, E 4.12.19)

2018

M 18.4176

«LAMal. Les parents restent débiteurs des primes des enfants à charge» (N 22.3.19 Brand, Commission de la sécurité sociale et de la santé publique CE 29.10.19, E 4.12.19)

27 janvier 2021

Au nom de la commission Le président: Paul Rechsteiner

1

RS 832.10

2021-0778

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Condensé Lorsqu'un assuré ne paie pas ses primes et participations aux coûts dans le cadre de l'assurance obligatoire des soins et qu'un acte de défaut de biens est établi à l'issue d'une procédure de poursuite, le canton prend en charge 85 % des créances arriérées.

De 2012 à 2019, les cantons ont ainsi payé près de deux milliards et demi de francs pour des créances arriérées.

En vigueur depuis le 1er janvier 2012, la nouvelle procédure en cas de non-paiement des primes doit être améliorée à plusieurs égards, sur la base des expériences faites jusqu'ici. Il s'agit de trouver une solution équilibrée qui tienne compte des souhaits des cantons, des assurés, des assureurs et des fournisseurs de prestations: ­

Les mineurs ne doivent plus être eux-mêmes débiteurs de primes ou de participations aux coûts; ce sont leurs parents qui doivent assumer cette responsabilité. Cela permettra d'éviter que des jeunes doivent régler des dettes de primes, une fois majeurs.

­

Les assureurs ne doivent pas pouvoir engager contre le même assuré plus de deux procédures de poursuite par année. Cette mesure permettra d'éviter des charges administratives élevées.

­

Les cantons doivent continuer d'avoir la possibilité de tenir des listes de mauvais payeurs, pour lesquels les assurances ne prennent en charge que les prestations relevant de la médecine d'urgence. Toutefois, la notion de prestation relevant de la médecine d'urgence ayant donné lieu à des difficultés d'interprétation, elle doit être définie. En outre, les mineurs, qui ne seront plus euxmêmes débiteurs de leurs primes, ne doivent pas figurer sur les listes. Une minorité de la commission propose que les cantons n'aient plus la possibilité de tenir une liste des assurés en retard de paiement

­

Les assurés pour lesquels un acte de défaut de biens a été établi en raison du non-paiement de primes ou de participations aux coûts doivent passer à une forme d'assurance avec un choix limité de fournisseurs de prestations (par ex. au modèle du médecin de famille). Les réductions de primes obtenues grâce à ce changement peuvent atteindre 20 % par rapport à une assurance prévoyant le libre choix du médecin et de l'hôpital. Les assurés concernés ne pourront changer d'assureur ou de forme d'assurance que s'ils ont réglé leurs dettes ou si le canton reprend l'acte de défaut de biens (cf. ci-dessous).

­

S'agissant de la gestion des actes de défaut de biens, il existera désormais deux possibilités: 1) comme jusqu'à présent, le canton prend en charge 85 % des créances arriérées. L'assureur conserve l'acte de défaut de biens et rétrocède au canton 50 % des éventuels paiements ultérieurs de l'assuré. 2) Le canton prend en charge 90 % des créances arriérées, reprend l'acte de défaut de biens et devient lui-même créancier. Les cantons ayant une meilleure vue d'ensemble de la situation financière des assurés en retard de paiement, ils sont mieux à même d'évaluer comment ceux-ci peuvent régler leurs dettes.

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Table des matières Condensé

2

1

Genèse du projet 1.1 Droit en vigueur 1.2 Initiative déposée par le canton de Thurgovie et travaux de la CSSS-E

4 4

Contexte 2.1 Évolution des arriérés de paiement 2.2 Listes des assurés en retard de paiement 2.2.1 Avis partagés sur la question de l'effet produit 2.2.2 Que faut-il entendre par «prestations relevant de la médecine d'urgence»?

2.3 Nombre de poursuites 2.4 Conventions de cession entre cantons et assureurs 2.5 Interventions parlementaires dont les exigences sont remplies par le projet 2.6 Procédure de consultation

6 6 9 9

2

5

12 13 14 15 15

3

Grandes lignes du projet législatif 3.1 Proposition de minorité

17 18

4

Commentaire des dispositions

18

5

Conséquences 5.1 Conséquences financières et effets sur l'état du personnel 5.2 Autres conséquences 5.3 Applicabilité

28 28 28 28

6

Relation avec le droit européen

29

7

Aspects juridiques 7.1 Constitutionnalité et légalité 7.2 Délégation de compétences législatives 7.3 Forme de l'acte à adopter

29 29 29 30

Loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal) (Exécution de l'obligation de payer les primes) (Projet)

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Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Droit en vigueur

La dernière modification de la réglementation relative au non-paiement des primes et des participations aux coûts (art. 64a LAMal) remonte au 19 mars 2010. Elle reposait pour l'essentiel sur un accord entre le Département fédéral de l'intérieur, la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) et santésuisse (association faîtière des assureurs-maladie), dont les principaux éléments sont les suivants: ­

la procédure suivie en cas de non-paiement des primes et des participations aux coûts est réglée;

­

le canton prend en charge 85 % des créances ayant donné lieu à un acte de défaut de biens (al. 4);

­

en contrepartie, l'assureur renonce en principe à suspendre la prise en charge des prestations;

­

il conserve l'acte de défaut de biens et rétrocède au canton 50 % des éventuels paiements ultérieurs de l'assuré (al. 5);

­

l'assuré ne peut pas changer d'assureur tant qu'il est en retard de paiement (al. 6).

Lors de ses délibérations, le Parlement a en outre décidé d'autoriser les cantons à tenir une liste des assurés qui ne paient pas leurs primes malgré les poursuites, liste à laquelle n'ont accès que les fournisseurs de prestations, la commune et le canton. L'assureur suspend la prise en charge des prestations fournies à ces assurés, à l'exception de celles relevant de la médecine d'urgence (art. 64a, al. 7, LAMal).

Parallèlement, le Parlement a imposé aux cantons de verser le montant de la réduction de primes directement aux assureurs (art. 65, al. 1, LAMal). La loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (LPC)2 a également été modifiée de telle sorte que le montant forfaitaire annuel pour l'assurance obligatoire des soins prévu par la LPC soit aussi versé directement à l'assureur.

Le Conseil fédéral a réglé l'application (art. 105a à 106e de l'ordonnance sur l'assurance-maladie, OAMal3) et mis en vigueur la modification de la loi au 1 er janvier 2012.

2 3

RS 831.30 RS 832.102

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1.2

Initiative déposée par le canton de Thurgovie et travaux de la CSSS-E

Le 30 mai 2016, le canton de Thurgovie a déposé une initiative demandant à la Confédération de compléter l'art. 64a, al. 4, de la loi fédérale sur l'assurance-maladie pour lui donner la teneur suivante: «Le canton prend en charge 85 % des créances ayant fait l'objet de l'annonce prévue à l'al. 3. Si le canton prend en charge 90 % de ces créances, l'assureur lui transmet la gestion de l'acte de défaut de biens ou du titre équivalent. Cette transmission équivaut à un changement de créancier. Le canton indique à l'assuré le changement de créancier. L'al. 5 ne s'applique pas dans ce cas».

Dans le développement de son initiative, le canton de Thurgovie a fait valoir que l'introduction de l'art. 64a LAMal (cf. ch. 1.1) avait manifestement réduit significativement l'intérêt que les assureurs pouvaient avoir à encaisser efficacement les primesmaladie et a souligné qu'il était extrêmement gênant pour les services compétents du canton de Thurgovie de se trouver dans l'obligation de prendre en charge une dette sans pouvoir influer sur son recouvrement.

Le 13 février 2017, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (CSSS-E) a entendu une délégation du canton de Thurgovie. Le 28 mars 2017, elle a décidé, par 6 voix contre 0 et 5 abstentions, de donner suite à l'initiative du canton. La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) s'est ralliée à cette décision par 16 voix contre 6 et 1 abstention le 25 janvier 2018. Le 2 mars 2018, l'initiative a été réattribuée au Conseil des États, et donc à la CSSS-E, en vue de l'élaboration d'un projet d'acte (art. 117, al. 1, LParl4). À cet effet, la commission a fait appel à des experts de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), conformément à l'art. 112, al. 1, de la loi sur le Parlement.

Le cas, relaté par les médias au printemps 2018, du décès d'un homme séropositif qui figurait sur la liste noire des mauvais payeurs de primes maladie du canton des Grisons ainsi qu'un arrêt du Tribunal des assurances du canton de Saint-Gall portant sur l'interprétation de la notion de «prestations relevant de la médecine d'urgence» 5 ont été à l'origine de nombreuses interventions parlementaires6, notamment d'une motion intitulée «Listes noires. Définition de la médecine d'urgence» (18.3708),
déposée par la CSSS-N le 6 juillet 2018. Cette dernière chargeait le Conseil fédéral de présenter un projet de modification de la LAMal qui prévoie de compléter l'art. 64a, al. 7, par une obligation faite aux cantons de définir les prestations relevant de la médecine d'urgence. Le 19 septembre 2018, le Conseil national a adopté la motion sans opposition.

4 5 6

Loi sur le Parlement (RS 171.10).

Arrêt du Tribunal des assurances du canton de Saint-Gall du 26.4.2018, KSCHG 2017/5; cf. aussi ch. 2.2.2.

18.3400 n Ip. de la Reussille. Mourir en 2018 en Suisse par manque de soins; 18.3643 n Mo. Barrile. Article 64a alinéa 7 LAMal. Abolition des listes noires; 18.5269 Ques. Ruiz Rebecca. Assurance maladie et listes noires. Jusqu'à quand va-t-on laisser mourir des patients?; 18.5278 Ques. Heim. Assurance-maladie et listes noires.

Aucun résultat à part des frais, du travail supplémentaire et des situations humaines problématiques; 18.5296 Ques. Feri Yvonne. Primes d'assurance-maladie. Paiement sous forme de retenue de salaire; 18.5297 Ques. Barrile. Assurance-maladie. Les listes noires peuvent tuer. Cela ne contredit-il pas l'esprit de la Constitution et de la LAMal?

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C'est dans ce contexte que la CSSS-E a décidé, le 16 octobre 2018, d'auditionner des représentants de la CDS ainsi que de santésuisse et de curafutura, les deux associations faîtières des assureurs. Dans le sillage de ces auditions, qui ont eu lieu le 17 janvier 2019, la CSSS-E a chargé l'administration d'élaborer un avant-projet destiné à améliorer l'ensemble de la procédure en cas de non-paiement des primes. La commission a examiné l'avant-projet à sa séance du 29 octobre 2019 et chargé l'administration de le compléter.

Lors de la même séance, la commission a examiné deux motions de même teneur du Conseil national qui portent également sur la question des primes impayées (motions 17.3323 et 18.4176). Ces interventions chargent le Conseil fédéral de présenter les modifications légales nécessaires afin que les parents restent les débiteurs des primes d'assurance-maladie impayées des enfants dont ils ont l'obligation d'assurer l'entretien lorsque leur obligation d'entretien s'éteint. Sur proposition de la commission, le Conseil des États a adopté les deux motions le 4 décembre 2019, sans opposition. Afin d'éviter les doublons dans les travaux législatifs, l'administration a intégré, de concert avec la commission, les dispositions correspondantes dans l'avant-projet.

La CSSS-E a examiné l'avant-projet remanié et complété à sa séance du 25 mai 2020.

Elle l'a approuvé à l'unanimité et a décidé de le mettre en consultation, accompagné du rapport explicatif7.

Le 27 janvier 2021, la CSSS-E a pris acte des résultats de la consultation et adopté le projet. Par rapport au texte mis en consultation, la commission a modifié le projet sur deux points: elle fixe à deux par année, au lieu de quatre, le nombre maximal de procédures de poursuite pouvant être engagées contre le même assuré. La majorité de la commission estime par ailleurs qu'il ne faut pas supprimer les listes des assurés en retard de paiement; dans un esprit fédéraliste, les cantons doivent pouvoir continuer de tenir de telles listes s'ils le souhaitent. Une minorité propose de supprimer la possibilité de tenir une liste des assurés en retard de paiement et celle de suspendre la prise en charge des prestations. La commission a adopté le projet à l'unanimité à l'intention de son conseil; elle le transmet également au Conseil fédéral pour avis.

2

Contexte

2.1

Évolution des arriérés de paiement

La dernière révision de l'art. 64a LAMal (cf. ch. 1.1) a permis de résoudre le problème posé par le fait que les factures impayées s'accumulaient chez les fournisseurs de prestations parce que les assureurs suspendaient par principe la prise en charge des prestations aux assurés en retard de paiement. Ce nouveau régime, en vigueur depuis le 1er janvier 2012, a cependant eu pour effet de faire augmenter constamment la charge financière des cantons.

7

Pour permettre la poursuite des travaux, le Conseil des États a décidé, le 3.6.2020, par 29 voix contre 3 et 1 abstention, de prolonger le délai imparti pour le traitement de l'initiative.

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En 2019, quelque 174 000 assurés avaient un arriéré de paiement pour lequel l'assureur avait obtenu un acte de défaut de biens et le canton avait pris en charge la créance à hauteur de 85 %. Les cantons ont payé à ce titre aux assureurs quelque 392 millions de francs8. De 2012 à 2019, ils leur ont payé quelque 2,376 milliards de francs pour des créances arriérées9.

Dans certains cantons, la prise en charge de 85 % des créances est financée à la charge du crédit pour la réduction des primes10. Aux termes de la LAMal, les cantons sont tenus d'accorder une réduction de primes aux assurés de condition économique modeste (art. 65, al. 1, LAMal). La Confédération leur accorde des subsides annuels destinés à ces réductions de primes (art. 66 LAMal). Les cantons ne sont pas autorisés à les utiliser à d'autres fins. Pour réduire les primes d'assurance-maladie, les cantons mettent toutefois aussi à disposition des fonds provenant de leur propre budget. Ils sont dès lors libres d'affecter une partie de ces moyens à la prise en charge de créances impayées. La Confédération ne dispose pas de chiffres à ce sujet.

L'OFSP ne collecte pas d'informations sur les rétrocessions faites par les assureurs aux cantons. La CDS interroge chaque année les cantons sur leurs charges financières liées à des actes de défaut de biens sur des primes ou des participations aux coûts impayées. Elle ne publie pas les résultats de cette enquête. Il ressort de l'enquête relative à l'année 2019 que les assureurs ont rétrocédé aux cantons 19,1 millions de francs en vertu de l'art. 64a, al. 5, LAMal. Ces rétrocessions concernent principalement des actes de défaut de biens des années précédentes. C'est pourquoi la CDS compare les rétrocessions des trois dernières années avec les dépenses des trois années précédentes. Les rétrocessions faites entre 2017 et 2019 correspondent, pour l'ensemble de la Suisse, à 4,6 % des créances prises en charge entre 2016 et 2018.

Tableau 1 Paiements des cantons pour les créances arriérées dans l'AOS depuis 2014, en millions de francs1 Canton

2014

2015

2016

2017

2018

2019

ZH

37.8

38.5

40.1

45.9

48.3

50.5

BE

25.7

34.6

35.0

36.1

42.1

39.8

LU

0.3

5.8

6.7

6.6

7.7

8.3

UR

­

0.2

0.3

0.3

0.4

0.5

SZ

1.0

2.0

2.3

2.4

2.6

2.9

8 9 10

Statistique de l'assurance-maladie obligatoire, tableau 4.10, 2019, OFSP.

Statistique de l'assurance-maladie obligatoire, tableau 4.11, 2019, OFSP.

Cf., par exemple, la réponse du 27.2.2018 donnée par le Conseil d'État du canton de Soleure au mandat non partisan visant la suppression de la liste noire des assurés en retard de paiement: le gouvernement soleurois y précise que, depuis l'entrée en vigueur de l'art. 64a révisé de la LAMal au 1.1.2012, le canton doit obligatoirement prendre en charge 85 % des primes ou des participations de frais n'ayant pas été payées, lorsqu'elles font l'objet d'un acte de défaut de biens. Pour l'année 2017, il indique que des coûts additionnels de 9,5 millions de francs ont de ce fait dû être imputés au crédit pour la réduction des primes.

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Canton

2014

2015

2016

2017

2018

2019

OW

0.2

0.2

0.3

0.3

0.4

0.4

NW

0.2

0.3

0.4

0.5

0.5

0.6

GL

1.2

1.4

1.2

0.0

1.3

1.4

ZG

­

­

­

­

­

­

FR

9.4

12.2

12.7

13.0

14.6

15.8

SO

­

­

9.3

11.8

13.4

11.2

BS

7.9

13.2

12.7

12.2

14.6

12.9

BL

9.8

12.8

9.1

12.9

12.7

14.8

SH

1.1

2.1

2.1

2.6

2.6

3.1

AR

0.7

1.0

1.0

1.0

1.2

1.4

AI

0.02

0.03

0.0

0.03

0.04

0.1

SG

5.9

10.4

14.9

14.8

16.2

17.9

GR

1.4

2.8

2.9

2.9

3.3

3.4

AG

7.8

15.4

16.0

14.8

16.4

17.6

TG

1.8

2.0

2.0

3.2

3.2

2.4

TI

6.1

12.2

16.7

17.1

19.2

19.5

VD

45.5

44.7

46.6

44.2

51.3

50.8

VS

12.2

15.4

16.1

18.8

20.8

22.8

NE

12.4

13.7

15.0

15.7

18.4

20.1

GE

44.2

40.1

37.4

65.3

69.4

68.8

JU

3.9

3.6

4.3

4.1

5.0

4.8

236.6

284.7

305.4

346.5

385.3

391.6

CH2

1) Primes et participations aux coûts ainsi qu'intérêts moratoires et frais de poursuite (selon art. 64a LAMal et art. 105k OAMal) payés par les cantons aux assureurs. Depuis 2012, les cantons prennent en charge 85 % des créances pour les assurés pour lesquels un acte de défaut de biens a été émis.

2) Données incomplètes dans certains cantons et donc aussi pour CH (italique).

Source: Statistique de l'assurance-maladie obligatoire, tableau 4.11, 2019, OFSP

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2.2

Listes des assurés en retard de paiement

2.2.1

Avis partagés sur la question de l'effet produit

Les cantons peuvent tenir une liste des assurés qui ne paient pas leurs primes. Les assureurs suspendent la prise en charge des prestations fournies à ces assurés, à l'exception de celles relevant de la médecine d'urgence (art. 64a, al. 7, LAMal). L'OFSP a interrogé les assureurs pour déterminer combien d'assurés étaient touchés par une telle mesure de suspension. Il n'a pas obtenu de chiffres complets mais a néanmoins pu estimer, sur la base des données des assureurs ayant fourni des chiffres complets, que le nombre d'assurés concernés en 2019 s'élevait à 33 19511. Un représentant de santésuisse a indiqué à la CSSS-E que le nombre de personnes figurant sur des listes était de 28 254 au 1er janvier 2018 et de 35 734 au 1er janvier 201912.

Le but de ces listes est d'accroître la pression sur les assurés qui peuvent, mais ne veulent pas payer. Toutefois, les avis divergent sur la question de savoir si ce but est atteint.

Dans le cadre des travaux relatifs à l'avant-projet, l'OFSP a cherché à déterminer, sur mandat de la CSSS-E, s'il existait un rapport entre le montant des arriérés de paiement et le fait de tenir une liste des assurés ne payant pas leurs primes. Il a notamment évalué si les cantons qui avaient introduit une telle liste avaient pu réduire leurs paiements aux assureurs. Pour ce faire, il a comparé les paiements des cantons disposant d'une liste avec ceux des cantons n'en ayant pas, tout en tenant compte du fait que les cantons n'avaient pas tous introduit leur liste au même moment. L'OFSP a donc comparé l'augmentation moyenne des arriérés en pour cent sur différentes périodes (2009­ 2017; 2012­2017; 2014­2017; 2015­2017). Il est parvenu à la conclusion que l'augmentation sur toutes ces périodes était plus marquée dans les cantons ayant une liste que dans ceux qui n'en avaient pas, ce qui signifie qu'une corrélation entre l'existence d'une liste et le montant des arriérés n'a pas pu être prouvée.

Le canton de Zurich, qui a renoncé à introduire une liste des personnes en retard dans le paiement de leurs primes, est parvenu à la même conclusion en 2015. Il a en effet pris sa décision définitive sur la base d'une étude13 du cabinet bâlois B, S, S. d'octobre 2015, selon laquelle, aux termes du communiqué de presse de la direction de la santé publique du canton de Zurich14, les différences
dans le comportement de paiement des assurés entre les cantons avec liste et les cantons sans liste n'étaient pas statistiquement significatives. Selon les critères d'analyse ­ par exemple en fonction de l'assureur considéré ­ les cantons sans liste obtenaient même de meilleurs résultats que les cantons avec liste. Les auteurs de l'étude étaient parvenus à la conclusion que l'établissement d'une liste des assurés mauvais payeurs entraînait incontestablement des coûts, alors que son utilité ne pouvait pas être prouvée.

11 12 13

14

Statistique de l'assurance-maladie obligatoire, tableau 7.11, OFSP, 2019.

Source: Sasis AG.

B, S, S. Volkswirtschaftliche Beratung AG, Untersuchung über die Entwicklung der nichtbezahlten Krankenkassenprämien im Kanton Zürich, Schlussbericht, Bâle, 14.10.2015.

Communiqué de presse de la Direction de la santé publique du canton de Zurich du 7.12.2015, «Liste säumiger Prämienzahler: Nutzen kann nicht belegt werden»

9 / 30

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Au 1er janvier 2021, six cantons tenaient une liste des assurés mauvais payeurs: AG, LU, SG, TG, TI et ZG. Les cantons concernés ont introduit leur liste respectivement en: ­

2007: TG;

­

2012: LU, TI et ZG;

­

2014: AG;

­

2015: SG.

Les cantons des Grisons (de 2014 à 2018), de Soleure (de 2012 à 2019) et de Schaffhouse (de 2012 à 2020) avaient eux aussi tenu une telle liste.

Le canton de Thurgovie est convaincu de l'efficacité du système de liste, qu'il combine avec un mécanisme de gestion des dossiers par les communes. Selon le gouvernement cantonal, cela permet de garantir que toutes les personnes mises sur la liste sont contactées sans délai et encadrées de très près en fonction de leurs besoins individuels15. Le gouvernement ajoute que l'établissement d'actes de défaut de biens peut ainsi souvent être empêché, de même que l'endettement de longue durée qui s'ensuit.

Le canton de Thurgovie était le seul à inscrire aussi des mineurs sur la liste16. Au cours de l'été 2020, le gouvernement thurgovien a abandonné cette pratique. Il a indiqué, le 26 juin 2020, que plus aucun enfant ou jeune ne figurerait sur la liste des assurés en retard de paiement à compter du 1er janvier 2021. Il a toutefois relevé que, grâce à cette liste et à une gestion active des dossiers, le nombre de mauvais payeurs était en recul depuis plusieurs années en Thurgovie.

En février 2018, M. Paolo Beltraminelli, alors directeur du Département de la santé et des affaires sociales du canton du Tessin, a lui aussi défendu la solution mise en oeuvre par son canton, estimant qu'elle s'était révélée appropriée tant du point de vue de la prévention, notamment grâce à l'excellente collaboration avec les communes, qu'en ce qui concerne les sanctions qu'elle permettait d'imposer. Il a souligné que ce système était un moyen de distinguer les assurés qui ne voulaient pas payer de ceux qui ne pouvaient pas et de mieux encadrer ces derniers17. La position de M. Beltraminelli se fondait, entre autres, sur une étude18 de la Haute école spécialisée de la Suisse italienne (SUPSI) relative au profil des assurés ayant du retard dans le paiement de leurs primes d'assurance-maladie19.

15 16

17 18

19

Communiqué du gouvernement du 27.9.2019, «Verzicht auf Anpassung der Verordnung zum Krankenversicherungsgesetz».

19.5420 Ques. Graf-Litscher. Des enfants sur les listes des mauvais payeurs des primes d'assurance-maladie. Sanctionner les enfants pour les problèmes de paiement de leurs parents?

Assicurati sospesi dalle prestazioni LAMal: Analisi qualitativa, Conferenza stampa, Bellinzona, 8.2.2018, Dipartimento della sanità e della socialità.

Maurizio Bigotta, Anna Bracci, Spartaco Greppi, Assicurati sospesi dalle prestazioni LAMal: profilo e fattori di rischio, Ricerca fatta su richiesta dell'Istituto delle assicurazioni sociali, Rapporto finale, gennaio 2018.

Lorsque le Grand Conseil tessinois a pris connaissance de cette étude, le 9.3.2020, le conseiller d'État compétent a répété que la liste permettait d'identifier les débiteurs de mauvaise foi et favorisait la collaboration avec les communes (Raffaele De Rosa, procès-verbal de la 31e séance du Grand Conseil tessinois).

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Dans d'autres cantons, l'opportunité de la liste a été discutée, puis reconnue dans le contexte d'interventions parlementaires. En octobre 2018, le Grand Conseil lucernois a ainsi rejeté un postulat demandant la suppression de la liste noire20 et, en novembre 2018, le Grand Conseil saint-gallois a refusé d'entrer en matière sur une motion exigeant là aussi la suppression de la liste noire21.

En août 2018, le Conseil d'État du canton d'Argovie a annoncé une évaluation de la liste des mauvais payeurs; il a estimé qu'il était encore trop tôt pour un bilan coûtutilité définitif, étant donné que l'effet de nouvelles mesures d'accompagnement ne pouvait pas encore être apprécié.22 Quant au directeur de la santé publique du canton de Zoug, qui s'est exprimé à ce sujet au nom du gouvernement devant le Grand Conseil en décembre 2018, il a suggéré d'attendre de voir comment les choses évolueraient au niveau fédéral avant de se repencher sur le sujet, le cas échéant23.

D'autres cantons ont au contraire décidé d'abandonner la liste. Le canton des Grisons l'a ainsi supprimée au 1er août 2018. Pour justifier sa décision, le Conseil d'État a expliqué que la liste des assurés en retard de paiement n'avait pas, tout comme dans d'autres cantons, permis d'obtenir l'effet souhaité. Selon lui, la plupart des assureurs négligeaient d'annoncer les procédures de poursuite à l'Office des assurances sociales du canton, ce qui avait pour conséquence que les assurés en retard de paiement n'étaient pas inscrits sur la liste noire et ne subissaient donc pas la pression souhaitée pour les inciter à payer leurs primes puisqu'ils ne pouvaient pas être sanctionnés. Il a ajouté que les différences de pratique entre les assureurs-maladie provoquaient des inégalités de traitement entre les assurés en retard de paiement24.

Le 11 septembre 2019, le Grand Conseil du canton de Soleure a décidé, d'entente avec le gouvernement, de supprimer la liste à fin 2019, mettant ainsi en oeuvre une décision de 2018. Le Conseil d'État était parvenu à la conclusion que la liste compromettait l'accès de groupes de population économiquement ou socialement faibles aux soins médicaux de base. Selon lui, les chiffres disponibles n'indiquaient en rien que la liste incitait effectivement les assurés à payer leurs primes plus régulièrement, et il ne pouvait pas non plus être établi que le coût de la mesure était au moins compensé par les recettes générées.25 20

21

22

23

24 25

Procès-verbal de la séance du Grand Conseil du 23.10.2018, postulat Zemp Baumgartner Yvonne et cosignataires relatif à la suppression de la liste noire des assurés ne payant pas leurs primes / Département de la santé publique et des affaires sociales (P 573).

Canton de Saint-Gall, Grand Conseil, session de novembre 2018, motion « abschaffen» (42.18.11). Au moment de l'adoption du présent rapport par la CSSS-E, la motion « abschaffen» du 15.9.2020, que le Conseil d'État du canton de Saint-Gall avait proposé d'accepter le 13.10.2020, était pendante au Grand Conseil saint-gallois.

Avis du Conseil d'État du canton d'Argovie du 15.8.2018 concernant la motion du groupe socialiste (porte-parole Gabriela Suter, Aarau) du 15.5.2018 relative à la suppression de la liste noire des personnes ne payant pas leurs primes d'assurance-maladie (18.96; rejet et reprise sous forme de postulat).

Procès-verbal de la séance du Grand Conseil du 13.12.2018, interpellation du groupe socialiste relative au rapport coût/utilité de la «liste noire» des personnes ne payant pas les primes ou les prestations de leur assurance-maladie.

Communiqué du gouvernement du 21.6.2018, cf. aussi: www.gr.ch/DE/Medien/ Mitteilungen/MMStaka/2018/Seiten/2018062101.aspx.

Avis du Conseil d'État du 27.2.2018 au sujet du mandat interpartis visant la suppression des listes noires des mauvais payeurs [Nr. 2018/263; KR.Nr. A 0209/2017 (DDl)].

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Le 14 décembre 2020, le Grand Conseil du canton de Schaffhouse a décidé de supprimer la liste des assurés en retard de paiement à la fin de l'année 202026. La Commission de la santé du Grand Conseil, chargée de l'examen préalable, a fait valoir que la liste avait apporté peu d'avantages en comparaison de la charge de travail supplémentaire qu'elle avait entraînée et que le but poursuivi par le canton de réduire le nombre d'actes de défaut de bien à prendre en charge n'avait pas été atteint 27.

Dans son avis du 24 février 2020, la Commission centrale d'éthique (CCE) de l'Académie suisse des sciences médicales (ASSM) recommande de ne pas tenir de liste des assurés en retard de paiement. Elle estime qu'une suspension de la prise en charge des prestations, notamment pour les mineurs, n'est pas compatible avec les principes de la bienfaisance et de l'équité. En outre, les blocages de prestations représentent un danger non seulement pour la personne concernée, mais également, en cas de maladies infectieuses, pour la santé publique. Par ailleurs, selon la CCE, les divergences des interprétations de la notion de «prestations relevant de la médecine d'urgence» d'un canton à l'autre sont choquantes du point de vue éthique et juridique. Enfin, la CCE estime qu'il y a lieu d'examiner des instruments plus efficaces permettant, d'une part, de sanctionner les débiteurs de mauvaise foi et, d'autre part, d'identifier suffisamment tôt et de soutenir les personnes insolvables28.

Lors de la pandémie de coronavirus et de la «situation extraordinaire» au sens de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme (loi sur les épidémies)29, le Conseil fédéral a décidé d'assouplir les conditions applicables à la prise en charge des coûts des prestations et, provisoirement, aux procédures de rappel et de poursuite. En outre, l'OFSP a prié les cantons concernés de renoncer à appliquer des listes de mauvais payeurs pendant la situation extraordinaire et, partant, de ne pas suspendre la prise en charge des prestations pour ces personnes30.

2.2.2

Que faut-il entendre par «prestations relevant de la médecine d'urgence»?

Dans le cas des assurés figurant sur les listes des cantons, les assureurs ne prennent en charge que les prestations relevant de la médecine d'urgence et suspendent la prise en charge des autres prestations. Le Tribunal des assurances du canton de Saint-Gall a été appelé à trancher la question de l'interprétation de la notion de «prestations relevant de la médecine d'urgence» dans le cas d'un accouchement. Selon la position défendue par l'assureur, la notion de médecine d'urgence mentionnée à l'art. 64a, al. 7, LAMal devait obligatoirement être interprétée de manière restrictive. L'assureur 26 27 28

29 30

Feuille officielle du canton de Schaffhouse no 51/2020, 18.12.2020, pp. 2259­2260.

Rapport et proposition de la Commission de la santé du 30.11.2020 concernant la révision du décret sur l'exécution de la loi sur l'assurance-maladie, ADS 20-152.

Commission centrale d'éthique de l'Académie suisse des sciences médicales, «Listes noires» ­ Blocages de prestations médicales pour absence de paiement des primes et de participation aux coûts, 24.2.2020.

RS 818.101 Lettre d'information «Adaptations pendant ce temps de situation extraordinaire» de l'OFSP du 26.3.2020 à l'intention des gouvernements cantonaux, des assureurs LAMal et des organes de révision.

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estimait que les traitements pouvant être planifiés ou qui sont prévisibles longtemps à l'avance (notamment pour un accouchement) ne relevaient clairement pas de la médecine d'urgence. De l'avis du tribunal, cependant, la notion de médecine d'urgence ne devait pas être interprétée de manière aussi restrictive et il était adéquat de considérer comme prestation relevant de la médecine d'urgence au sens de l'art. 64a, al. 7, LAMal toute intervention relevant du devoir d'assistance médicale. Ce devoir exige en effet du personnel médical qu'il assiste les patients dans les situations «d'urgence».

Le tribunal a considéré qu'une situation pouvait être jugée urgente, même si ce n'était pas une question de vie ou de mort, lorsque le patient a besoin de soins immédiatement et lorsque sa santé risquerait d'être sérieusement compromise en l'absence de soins.

Dans le cas d'espèce, l'accouchement nécessitait une hospitalisation, qui ne pouvait être reportée au moment où la patiente s'est présentée à l'hôpital. Par ailleurs, le Tribunal a souligné qu'il serait contraire au principe de l'égalité de traitement garanti par la Constitution que chaque canton, voire chaque fournisseur de prestations, interprète la notion de «prestations relevant de la médecine d'urgence» de manière différente.

À la suite d'un décès survenu dans le canton des Grisons (cf. aussi ch. 1.2), la Commission fédérale pour la santé sexuelle (CFSS) a relevé dans un avis du 13 août 2018 que les traitements antirétroviraux et les mesures médicales d'accompagnement des personnes atteintes du VIH entraient, de son point de vue, dans les prestations de médecine d'urgence visées à l'art. 64a, al. 7, LAMal et que les assureurs ne devaient donc pas suspendre la prise en charge des coûts de ces prestations31.

2.3

Nombre de poursuites

Le nombre de procédures de poursuite engagées par les assureurs dépasse de loin celui des actes de défaut de biens qui en résultent. En 2019, les assureurs ont mis aux poursuites quelque 412 000 assurés, la créance moyenne étant d'un peu plus de 2100 francs par poursuite.32 Selon cette statistique, il s'écoule en moyenne près de deux ans entre la mise aux poursuites et l'établissement de l'acte de défaut de biens.

Au cours de ces deux ans, environ deux tiers des arriérés de primes sont réglés. Pour le reste, les cantons prennent en charge 85 % des créances faisant l'objet d'un acte de défaut de biens. Les données sont incomplètes, car les chiffres fournis par certains assureurs sont lacunaires.

Depuis plusieurs années, les offices des poursuites de la ville de Zurich suivent de près la question des dettes de primes, étant donné que, à Zurich, un quart environ des procédures de poursuite concernent des créances des caisses-maladie. Ils estiment que le nombre de poursuites engagées par les assureurs-maladie dans toute la Suisse se situe entre 700 000 et 1 million par année. Toutefois, selon eux, les procédures ne portent souvent que sur une, deux ou trois mensualités, ce qui fait augmenter les coûts inutilement. En effet, les assureurs cherchent non seulement à récupérer les primes impayées, mais facturent aussi les frais administratifs occasionnés. Sans compter les 31

32

Commission fédérale pour la santé sexuelle (CFSS), «La thérapie VIH: une prestation de médecine d'urgence au sens de l'art. 64a, al. 7, de la loi fédérale sur l'assurancemaladie», 13.8.2018.

Statistique de l'assurance-maladie obligatoire, OFSP, 2019, tableau 7.11.

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frais de procédure de 150 à 200 francs par poursuite, que les offices des poursuites sont obligés de facturer aux assureurs. Pour toutes ces raisons, les offices des poursuites de la ville de Zurich ont suggéré, lors d'une conférence de presse en mai 201933, de faire en sorte que les assureurs-maladie ne puissent plus engager de poursuites à l'encontre d'un assuré en retard de paiement qu'une à deux fois par an au maximum.

Par ailleurs, ils ont adapté la procédure de saisie de salaire dans le cadre d'un projet pilote. En collaboration avec les débiteurs poursuivis, ils règlent les primes maladie en souffrance au moyen de la partie du salaire qui dépasse le minimum vital, laquelle est versée à l'office des poursuites par l'employeur. Cette mesure vise à éviter que les personnes concernées s'endettent davantage. Une analyse réalisée en 2019 montre que cette adaptation a permis de réduire drastiquement le montant des créances ainsi que le nombre de poursuites et de personnes poursuivies34.

2.4

Conventions de cession entre cantons et assureurs

La solution demandée par le canton de Thurgovie dans son initiative ­ permettre aux assureurs de céder leurs actes de défaut de biens au canton ­ a déjà été testée dans la pratique. santésuisse a en effet conclu avec les cantons de Neuchâtel et de Bâle-Campagne une convention aux termes de laquelle les assureurs qui y adhèrent cèdent au canton leurs actes de défaut de biens pour 92 % de la créance qui y est inscrite.

Début 2016, santésuisse a écrit dans son magazine que cette cession présentait divers avantages: le canton a accès aux données fiscales des personnes et peut ainsi procéder plus efficacement au recouvrement des créances; par ailleurs, les arriérés de paiement auprès de l'assureur sont effacés, si bien que l'assuré peut à nouveau changer d'assureur35.

Le canton de Bâle-Campagne a résilié la convention avec santésuisse au 31 décembre 2017. Dès 2018, il n'a donc plus racheté d'actes de défaut de biens aux assureurs pour les gérer lui-même. Il n'a pas publié de chiffres à ce sujet, mais a indiqué que la procédure de recouvrement par le canton n'avait pas généré de recettes suffisantes.

La convention avec le canton de Neuchâtel est encore en vigueur; 27 assureurs y ont adhéré; ensemble, ils assurent près d'un tiers des assurés du canton. À ce jour, aucun chiffre n'a été communiqué ou publié sur les recouvrements. Les responsables supposent qu'il est trop tôt pour tirer un bilan. Mais l'avantage immédiat d'une cession de ces créances réside pour eux dans le fait que les assurés peuvent à nouveau changer d'assureur. Le canton a aussi conclu une convention de ce type avec un assureur qui n'est pas membre de santésuisse, mais avec d'autres conditions: le niveau de la cession est échelonné selon l'ancienneté de l'acte de défaut de biens.

33

34 35

Conférence des préposés aux offices des poursuites de Zurich, communiqué de presse sur l'exercice 2018, mai 2019, chapitre «Neue Wege zur Senkung der Zahl der Krankenkassen-Betreibungen».

Conférence des préposés aux offices des poursuites de Zurich, communiqué de presse du 8.9.2020 «Weniger Krankenkassen-Betreibungen dank Schuldprävention».

Infosantésuisse 1/2016, p. 12.

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2.5

Interventions parlementaires dont les exigences sont remplies par le projet

Le projet remplit le mandat confié au Conseil fédéral par le Conseil national et le Conseil des États au moyen des motions de teneur identique «Non-paiement des primes d'assurance-maladie. Pour que les parents restent les débiteurs des primes de leurs enfants» (17.3323) et «LAMal. Les parents restent débiteurs des primes des enfants à charge» (18.4176), déposées respectivement par la conseillère nationale Bea Heim et le conseiller national Heinz Brand36. Les deux motions peuvent par conséquent être classées37.

2.6

Procédure de consultation

Par lettre du 15 juin 2020, la CSSS-E a soumis son avant-projet, accompagné d'un rapport explicatif, aux cantons, aux partis politiques, aux associations faîtières nationales des communes, des villes et des régions de montagne ainsi que de l'économie, aux associations de consommateurs, aux fournisseurs de prestations, aux assureurs et à d'autres milieux intéressés, pour consultation. Elle a invité 138 destinataires à prendre position jusqu'au 6 octobre 2020 et a reçu au total 70 avis écrits, qui sont brièvement résumés ci-après38.

36 37

38

­

Mineurs: tous les participants à la consultation approuvent l'idée que les jeunes adultes ne puissent plus être poursuivis pour des dettes impayées datant de leur enfance. Ils proposent toutefois diverses modifications.

­

Poursuites: à quelques exceptions près (notamment Santésuisse et l'Union suisse des arts et métiers), tous les participants approuvent une limitation du nombre de poursuites. Cinq cantons ainsi que le PLR et l'UDC soutiennent la proposition visant à permettre aux assureurs d'engager quatre procédures de poursuite au plus par année. La CDS, 18 cantons ainsi que les Verts et le PSS souhaitent, pour leur part, aller plus loin et autoriser une à deux procédures de poursuite au plus par année.

Cf. aussi ch. 1.2.

À sa séance du 27.1.2021, la commission a en outre décidé de proposer à son conseil d'adopter la motion Mo. Conseil national (Barrile). Garantir les prestations médicales à tous les enfants (19.4290) et de la classer ensuite dans le cadre du projet faisant l'objet du présent rapport. Ce dernier prévoit que les mineurs ne doivent plus être eux-mêmes débiteurs de primes ou de participations aux coûts.

16.312 Initiative cantonale. Modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie concernant l'exécution de l'obligation de payer les primes. Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, Office fédéral de la santé publique, décembre 2020, voir sous www.parlement.ch > Recherche Curia Vista > 16.312 > Consultation.

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39

­

Suspension de la prise en charge des prestations pour les assurés en retard de paiement: une nette majorité des participants (notamment la CDS, 19 cantons39, le PSS et les Verts, les associations d'assureurs Curafutura et Santésuisse ainsi que l'Union syndicale suisse et l'Union suisse des arts et métiers) soutient la proposition de la majorité de la commission de supprimer la possibilité pour les cantons de tenir des listes de mauvais payeurs, pour lesquels les assurances ne prennent en charge que les traitements relevant de la médecine d'urgence. Les participants concernés considèrent que ce système a donné lieu à une inégalité de traitement entre les assurés et que cela pèse plus lourd dans la balance que les éventuelles expériences positives faites par certains cantons avec une telle liste. À l'inverse, sept cantons ainsi que le PDC, le PLR et l'UDC, notamment, se sont dits favorables au maintien de la possibilité de tenir des listes, avant tout pour des raisons liées au fédéralisme. Dans le cas où cette possibilité serait maintenue, la majorité des participants qui se sont exprimés à ce sujet s'oppose à ce que la notion de prestation relevant de la médecine d'urgence soit définie dans la loi, considérant qu'une telle définition n'augmenterait pas la sécurité juridique.

­

Affiliation à une assurance avec choix limité du fournisseur de prestations: la majorité des participants (en particulier la CDS et 16 cantons ainsi que le PLR et l'UDC) approuve la proposition selon laquelle les assurés en retard de paiement doivent à l'avenir être affiliés à une assurance avec choix limité du fournisseur de prestations. La CDS est favorable à ce que le Conseil fédéral puisse prévoir des exceptions, étant donné qu'une forme d'assurance avec un choix limité de fournisseurs de prestations peut s'avérer inadéquate pour les personnes touchées par des maladies chroniques ou en situation de handicap. Les associations d'assureurs Curafutura et Santésuisse, en particulier, s'opposent au changement proposé au motif qu'il entraînerait une charge administrative disproportionnée pour les assureurs. Le PSS, les Verts, l'organisation faîtière du corps médical suisse (FMH) et d'autres participants rejettent ce changement, car ils craignent qu'il entraîne des inconvénients pour les assurés concernés.

­

Actes de défaut de biens: aussi bien la majorité des cantons (CDS et 20 cantons) que les associations d'assureurs proposent de modifier la réglementation relative à la prise en charge des actes de défaut de biens par les cantons. Les cantons souhaitent pouvoir décider au cas par cas (pour chaque procédure de poursuite) quelles créances ils prennent en charge et ne verser en aucun cas plus de 85 % de la créance aux assureurs. S'il devait être décidé que les cantons doivent prendre en charge plus de 85 % pour que les assureurs cèdent l'acte de défaut de biens, les cantons pourraient, selon la prise de position de la CDS, envisager une prise en charge à hauteur de 88 %. Les assureurs, quant à eux, souhaitent une réglementation applicable à l'échelle suisse selon laquelle les cantons prennent en charge l'ensemble des créances et remboursent

Parmi les sept cantons qui tenaient une liste des mauvais payeurs au moment de la consultation, trois (SG, SH, TI) se sont prononcés pour la suppression des listes et quatre (AG, LU, TG, ZG) contre.

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92 % de celles-ci aux assureurs. Curafutura souhaite en outre que les frais de rappel soient désormais aussi pris en charge.

3

Grandes lignes du projet législatif

Le but du projet législatif élaboré par la commission est d'améliorer l'ensemble de la procédure en cas de non-paiement des primes et des participations aux coûts. Soucieuse de trouver une solution équilibrée qui tienne compte des souhaits des cantons, des assurés, des assureurs et des fournisseurs de prestations, la commission propose, pour l'essentiel, les modifications suivantes: ­

Les mineurs ne sont plus eux-mêmes débiteurs de primes ou de participations aux coûts: jusqu'à la fin du mois où un enfant devient majeur, les primes et les participations aux coûts sont dues exclusivement par ses parents. Ces derniers sont débiteurs de manière solidaire, à moins qu'un des deux parents atteste qu'il a payé sa contribution d'entretien et que celle-ci englobe les primes (art. 61a P-LAMal). Ainsi, l'assureur ne peut pas poursuivre un mineur en raison du non-paiement de primes (art. 64, al. 1bis P-LAMal). Par conséquent, les jeunes adultes doivent pouvoir changer d'assureur même si des arriérés de primes datant de la période de leur minorité sont impayés (art. 64, al. 7ter, P-LAMal).

­

poursuites: les assureurs ne doivent pas pouvoir engager contre le même assuré plus de deux procédures de poursuite par année (art. 64a, al. 2, P-LAMal). La limitation du nombre de poursuites à une par semestre, par exemple, permettra de réduire la charge administrative et les coûts y afférents. Selon les informations qu'ils ont fournies, les assureurs engagent aujourd'hui généralement quatre procédures de poursuite par année contre le même assuré;

­

maintien des listes des assurés en retard de paiement, mais définition des prestations relevant de la médecine d'urgence: les cantons doivent pouvoir continuer de tenir une liste des assurés qui ne paient pas leurs primes (art. 64a, al. 7, LAMal). Cette solution permet de tenir compte des spécificités cantonales. Les listes visent à accroître la pression sur les assurés qui peuvent, mais ne veulent pas, payer leurs primes. Les assureurs suspendent la prise en charge des prestations fournies à ces assurés, à l'exception de celles relevant de la médecine d'urgence. La notion de prestation relevant de la médecine d'urgence ayant donné lieu à des difficultés d'interprétation, elle doit être définie.

Selon la définition proposée, est considéré comme prestation relevant de la médecine d'urgence tout traitement devant être entrepris immédiatement, faute de quoi l'assuré risque de souffrir de problèmes de santé, de décéder ou de mettre en danger la santé d'autres personnes.

­

les personnes qui ne paient pas malgré les poursuites seront assurées selon une forme particulière d'assurance: dès que l'assureur aura annoncé au canton qu'un acte de défaut de biens a été établi pour un assuré, il devra faire passer ce dernier à une forme particulière d'assurance avec un choix limité de fournisseurs de prestations (art. 41, al. 4, LAMal). Les réductions de primes

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obtenues grâce à ce changement peuvent atteindre 20 % par rapport à une assurance prévoyant le libre choix du médecin et de l'hôpital. Parmi les formes d'assurance de ce type, les plus courantes sont le modèle du médecin de famille et le modèle HMO40. Comme les prestations obligatoires en vertu de la loi seront en tout cas garanties, cette mesure permettra de réduire les charges pour les assurés en retard de paiement, sans que leur accès aux soins de base soit compromis (art. 64a, al. 7bis, P-LAMal); ­

actes de défaut de biens: les cantons qui souhaitent gérer eux-mêmes les actes de défaut de biens doivent en obtenir la possibilité en vertu de la loi. Ils ne devraient donc plus, pour cela, négocier avec les assureurs ou les associations d'assureurs. Si le canton prend en charge 90 % des créances annoncées, l'assureur les lui cède. Si le canton a déjà payé à l'assureur 85 % sur présentation d'un acte de défaut de biens selon le droit en vigueur, il peut se faire céder ce dernier en prenant en charge trois pour cent supplémentaires des créances (art. 64a, al. 4 et 5, et dispositions transitoires P-LAMal). Si le canton prend en charge à 90 % ou 88 % les créances faisant l'objet de l'acte de défaut de biens, l'assuré est alors de nouveau libre de changer d'assureur et de forme d'assurance.

3.1

Proposition de minorité

Une minorité (Dittli, Carobbio Guscetti, Graf Maya, Rechsteiner Paul, Stöckli) souhaite que les cantons n'aient plus la possibilité de tenir des listes des assurés qui ne paient pas leurs primes. Elle propose ainsi d'abroger l'art. 64a, al. 7, LAMal. Selon elle, il n'a pas pu être établi que ces listes permettaient d'inciter les assurés qui pouvaient, mais ne voulaient pas, payer leurs primes, à changer leur comportement. En revanche, le risque que la fourniture de soins de base aux groupes de population socialement et économiquement faibles, y compris aux enfants, soit compromise s'est, à ses yeux, révélé bien réel.

4

Commentaire des dispositions

Remarque préliminaire La LAMal appelle enfants les assurés qui sont âgés de moins de 19 ans le 31 décembre de l'année concernée (art. 16, al. 5, LAMal). Cette définition a son importance, étant donné que les assurés peuvent changer d'assureur et de forme particulière d'assurance, en règle générale, à la fin de l'année civile. Cependant, la nouvelle réglementation, qui ne vise que les mineurs, ne la reprend pas, puisque le terme d'enfant au sens de la LAMal concerne aussi des assurés majeurs.

40

HMO = Health Maintenance Organization: groupe de médecins qui se partagent un cabinet collectif.

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Art. 5, al. 2 Dans le droit en vigueur, l'assuré qui s'affilie tardivement doit verser un supplément de prime si le retard n'est pas excusable (art. 5, al. 2, LAMal). Pour les enfants, il faut que la responsabilité de payer ce supplément incombe aux parents ou au parent qui est responsable de ce retard. La formulation de cette disposition diffère de celle des art. 61a et 64, car il s'agit ici de la responsabilité de l'affiliation tardive et non de l'obligation d'entretien.

Si en revanche une autre personne que les parents (par exemple un tuteur au sens de l'art. 327a du Code civil suisse41) a la responsabilité d'affilier un mineur et qu'elle néglige de le faire, le projet ne prévoit pas de responsabilité pour le paiement du supplément de prime.

Art. 61a Selon le droit en vigueur, toute personne domiciliée en Suisse doit s'assurer pour les soins en cas de maladie, ou être assurée par son représentant légal, dans les trois mois qui suivent sa prise de domicile ou sa naissance en Suisse (art. 3, al. 1, LAMal). Pour les mineurs, l'affiliation doit donc être conclue par le représentant légal au nom de la personne mineure. C'est cette dernière, par conséquent, qui est partie contractante. Le présent projet ne prévoit pas de dérogation à ce principe, contrairement à l'avant-projet (cf. art. 3, al. 1 et 1bis, AP-LAMal).

Le statut de partie contractante pour l'assuré mineur a également pour conséquence, dans le droit en vigueur, que ce dernier devient automatiquement débiteur des primes et des participations aux coûts. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les parents mariés, débiteurs supplémentaires en vertu de l'obligation d'entretien qui leur incombe de par la loi, sont solidairement responsables du paiement des primes42.

S'écartant de cette situation juridique, le présent projet prévoit expressément que les parents de l'enfant sont exclusivement débiteurs de ses primes jusqu'à la fin du mois où il devient majeur, et cela toujours de manière solidaire. Autrement dit, l'assureur doit faire valoir l'intégralité de sa créance auprès des parents. Si l'un des parents paie les primes, il peut, selon les circonstances et la réglementation interne adoptée, recourir contre l'autre parent pour le paiement de tout ou partie des primes La responsabilité solidaire des parents ne dépend en principe pas du
fait que ceux-ci soient ou non mariés, ou qu'ils fassent ou non ménage commun. Cependant, si un parent peut prouver qu'en vertu d'une convention d'entretien ou d'une décision judiciaire, il est tenu de payer une contribution d'entretien qui couvre aussi les primes et qu'il a effectivement payé cette contribution, il ne peut plus être poursuivi par l'assureur. La preuve en question doit être fournie par la présentation du document concerné à l'assureur.

En revanche, le projet exclut expressément que l'enfant mineur puisse être responsable du paiement des primes (art. 61a, al. 1, 2e phrase, P-LAMal). Cette règle ne con41 42

CC, RS 210 Arrêt du TF 9C_660/2007 du 25 avril 2008, consid. 3.2, confirmé par l'arrêt 9C_835/2018 du 24 janvier 2019, consid. 4.

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naît aucune exception et concerne toutes les primes dues jusqu'à ce que l'enfant atteigne la majorité. Comme les primes sont en principe perçues mensuellement (art. 90 OAMal), la date de référence est le dernier jour du mois au cours duquel l'enfant devient majeur. Même une fois la majorité atteinte, ce dernier ne peut être poursuivi pour les primes dues jusque-là.

Par contre, pour les créances de primes qui naissent après qu'il a atteint la majorité (au sens de l'art. 14 CC), l'enfant, comme dans le droit en vigueur, assume la responsabilité en sa qualité de partie contractante. Il est lui-même responsable de son assurance et il est tenu, dès sa majorité, de payer primes et participation aux coûts. Toutefois, s'il est encore en formation et que, pour cette raison, ses parents doivent encore subvenir à son entretien (art. 277, al. 2, CC), ils sont aussi tenus vis-à-vis de lui d'assumer cette dépense, selon les circonstances. En pareil cas, l'enfant, responsable dans les rapports externes, doit faire valoir lui-même ses droits envers ses parents.

Les personnes majeures qui sont incapables de discernement en raison d'un handicap mental ou de troubles psychiques devront, comme dans le droit en vigueur, être affiliées par leur représentant légal. Mais dans ce cas aussi, comme dans le droit en vigueur, l'assuré reste personnellement responsable des créances de primes.

Art. 64, al. 1bis Aucune franchise n'est perçue en principe pour les enfants. Le montant maximal de la quote-part est la moitié de ce qu'il est pour les adultes, autrement dit, de 350 francs au lieu de 700 (art. 64, al. 4, LAMal et art. 103, al. 2, OAMal). Mais la franchise est aussi une option pour les enfants. Elle est alors de 600 francs par an au maximum (art. 93, al. 1, OAMal). Les enfants ne paient aucune contribution aux frais de séjour hospitalier (art. 104, al. 2, let. a, OAMal).

Dans le droit en vigueur, la responsabilité est la même pour la participation aux coûts que pour les primes. Le présent projet ne touche pas à ce principe: les parents sont solidairement responsables des participations aux coûts, comme ils le sont pour les primes (art. 61a, P-LAMal). Si la responsabilité des primes incombe à un seul des parents, il en va de même pour la participation aux coûts. Pour qu'un débiteur puisse être déterminé de manière
uniforme pour les primes et pour la participation aux coûts, la date de référence est, là aussi, la fin du mois où l'enfant atteint sa majorité. Pour la perception de la franchise et de la quote-part, la date déterminante est celle du traitement (art. 103, al. 3, OAMal).

Art. 64a Al. 1bis Les adaptations apportées par la révision aux art. 5, al. 2, 61a et 64, al. 1bis, doivent être appliquées de la même manière pour l'exécution, réglée par cette disposition, des créances ouvertes en matière de primes et de participations aux coûts, car les conséquences du non-paiement doivent toucher les parents, en leur qualité de débiteurs, et non l'enfant.

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Al. 2 La LAMal prévoit que, lorsque l'assuré n'a pas payé des primes ou des participations aux coûts échues, l'assureur lui envoie une sommation, précédée d'au moins un rappel écrit; il lui impartit un délai de 30 jours et l'informe des conséquences d'un retard de paiement. Si, malgré la sommation, l'assuré ne paie pas dans le délai imparti les primes, les participations aux coûts et les intérêts moratoires dus, l'assureur doit engager des poursuites (art. 64a, al. 1 et 2, LAMal).

Chaque poursuite occasionne des démarches supplémentaires auprès de l'office des poursuites; les frais qui en résultent doivent en principe être assumés par le débiteur poursuivi. Le créancier doit toutefois les avancer, avec pour conséquence que, au cas où ils seraient irrécouvrables, il devra les assumer lui-même. Néanmoins, en vertu de l'art. 64a, al. 3, LAMal, le canton doit prendre en charge 85 % de ces frais de poursuites si un acte de défaut de biens est établi. Par conséquent, limiter le nombre des poursuites est, dans une certaine mesure, dans l'intérêt aussi bien des débiteurs que des cantons, s'ils veulent éviter des charges excessives et non nécessaires.

C'est pour cela que l'avant-projet prévoyait encore qu'une personne ne puisse pas être poursuivie plus de quatre fois au cours d'une année civile (art. 64a, al 2, AP-LAMal).

Mais au vu des différents retours reçus sur ce point lors de la consultation, la commission a réexaminé la question et est parvenue à la conclusion qu'il se justifie d'abaisser encore le nombre maximal de poursuites possibles contre un débiteur, afin de réduire encore le coût total. La commission estime que ce souci, exprimé par de nombreux cantons et par d'autres participants à la consultation43, pèse plus lourd dans la balance que les réserves émises par certains contre un tel abaissement du nombre maximal de poursuites: ni le retard ainsi provoqué dans le recouvrement des créances, ni le risque que le regroupement des créances ne fasse à tel point augmenter le montant de la poursuite qu'un débiteur de condition économique modeste ne serait plus guère en mesure de le payer en une fois, ne sont apparus comme un argument convaincant aux yeux de la commission.

Il a également été objecté, lors de la consultation, que l'application pratique de cette limitation pourrait créer des
difficultés. Il est toutefois probable qu'en raison de la nouvelle réglementation, les assureurs éviteront en principe de poursuivre un assuré plus de deux fois dans l'année. Des difficultés pourraient survenir, le cas échéant, lorsqu'un assuré change d'assureur. Dans ce cas, le nouvel assureur ignore si des poursuites ont déjà été engagées durant l'année en cours. C'est pourquoi, si le nouvel assureur est amené à engager une poursuite, l'assuré doit lui indiquer qu'il a déjà été poursuivi par l'assureur précédent. Si la poursuite est néanmoins engagée, l'office des poursuites n'est pas tenu de vérifier combien de fois l'assuré a fait l'objet d'une poursuite par son assureur. En pareil cas, l'assuré doit former opposition contre la poursuite et faire valoir qu'il a déjà été poursuivi à deux reprises au cours de l'année civile.

Si l'assureur lève néanmoins cette opposition, l'assuré doit interjeter recours.

D'après la formulation de la loi, un assuré peut être poursuivi deux fois par année civile pour ses propres arriérés et deux fois pour les arriérés de son enfant. Étant donné que l'assuré adulte et chacun de ses enfants peuvent être assurés auprès d'un assureur 43

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.3.2.

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différent (dans le cas de demi-frères ou de demi-soeurs, par exemple), la limitation doit concerner chacun des enfants. Ainsi, un assuré ayant trois enfants pourrait être poursuivi huit fois au maximum au cours d'une année.

Le droit en vigueur prévoit déjà que le canton peut exiger que l'assureur le mette au courant des débiteurs qu'il poursuit. Cela permet au canton de reprendre les créances non recouvrées de certains assurés (par exemple, de bénéficiaires de prestations complémentaires ou d'aide sociale). Les cantons exigent cette communication sous diverses formes: la moitié environ d'entre eux exigent que l'assureur leur signale quand il présente une réquisition de poursuite. Quelques cantons exigent que l'assureur leur indique quand il peut présenter une réquisition de continuer la poursuite; d'autres, quand il a présenté cette réquisition.

Dans le droit en vigueur comme avec la nouvelle réglementation prévue, l'assureur peut poursuivre les parents pour les arriérés de leurs enfants mineurs. C'est pourquoi il faut préciser dans la loi que l'assureur annonce au canton non seulement les débiteurs qui font l'objet d'une poursuite, mais aussi les autres personnes concernées par cette poursuite.

Al. 3bis Avec les nouvelles règles prévues par le présent projet, le principe selon lequel le canton prend en charge 85 % des créances lorsqu'un acte de défaut de biens ou un titre équivalent peut être présenté ne peut plus être appliqué dans tous les cas. Si seuls les parents sont responsables et qu'il est impossible d'engager contre eux une poursuite (par exemple parce qu'ils sont décédés ou qu'ils sont partis sans laisser d'adresse), il reste néanmoins exclu de se retourner contre l'enfant, la formulation claire des art. 61a, al. 1, et 64, al. 1bis, P-LAMal ne laissant aucun doute à cet égard.

En pareil cas, en effet, l'assureur ne pourra pas produire d'acte de défaut de biens. Il faut néanmoins qu'il reste alors possible d'exiger du canton qu'il prenne les arriérés en charge.

Al. 4 Aujourd'hui, les cantons doivent prendre en charge 85 % des créances constatées par acte de défaut de biens. Mais l'assureur conserve cet acte. Autrement dit, la prise en charge de la créance par le canton ne libère pas l'assuré de son obligation de payer l'assureur. Il continue de lui devoir l'intégralité de la
créance. Lorsqu'il s'est acquitté de la totalité ou d'une partie de celle-ci, l'assureur en rembourse 50 % au canton.

Le projet regroupe les al. 4 et 5 en un seul alinéa. Le contenu en reste presque inchangé. Aujourd'hui, il est prévu que l'assuré règle sa dette. Mais comme celle-ci peut aussi être réglée par des membres de sa famille ou par d'autres personnes, il ne sera plus précisé qui règle la dette. Cet alinéa ne porte donc plus que sur la prise en charge des créances à hauteur de 85 %.

Al. 5 Cet alinéa règle désormais la prise en charge des créances à hauteur de 90 %.

L'initiative du canton de Thurgovie demande que les cantons puissent se faire transférer les créances contre prise en charge de 90 % de leur montant. Dans ce canton, les 22 / 30

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communes doivent payer les créances constatées par acte de défaut de biens. Si elles prennent ces actes à leur compte, elles peuvent mieux s'occuper de l'assuré. En particulier, elles peuvent conclure avec lui un accord de paiement et prendre en charge les créances non recouvrées. Elles appellent cette manière de faire «gestion des cas» (case management). Comme les cantons disposent des données fiscales des assurés, ils sont mieux à même que les assureurs de juger pour quels assurés et à quel moment, après établissement d'un acte de défaut de biens, il pourrait valoir la peine d'engager une nouvelle poursuite.

D'autres cantons partent au contraire du principe que les frais supplémentaires dépasseraient le montant qui pourrait être recouvré. Ils continueront d'avoir la possibilité de prendre en charge 85 % des créances et de laisser les actes de défaut de biens aux assureurs.

Il ne faut pas que les cantons qui sont prêts à prendre en charge à 90 % les créances que l'assureur leur a communiquées doivent négocier le pourcentage avec lui. C'est pourquoi l'objectif visé par l'initiative cantonale est repris. Mais la teneur de la disposition est simplifiée par rapport à celle de l'initiative: le transfert d'une créance avec changement de créancier est désigné par le terme juridique de «cession» de la créance.

Le canton informe l'assuré qu'il prend en charge la créance. Dès qu'il en est informé, l'assuré ne peut rembourser sa créance qu'au canton. Si le canton prend en charge la créance à 90 %, l'assuré peut à nouveau changer d'assureur et de forme d'assurance, en dérogation aux al. 6 et 7bis. En effet, du fait de la prise en charge de la créance par le canton, l'assureur n'a plus de créance vis-à-vis de l'assuré. Ce dernier est débiteur de l'intégralité de la créance envers le canton.

Comme le canton doit de toute manière rembourser 85 % des créances constatées par acte de défaut de biens, cela constitue pour lui une incitation à payer 5 % de plus de façon à pouvoir recouvrer l'intégralité de la créance et permettre à l'assuré de changer d'assureur pour en choisir un dont les primes sont plus basses. Mais il doit alors prendre en charge toutes les créances que l'assureur lui a communiquées.

Al. 6 Cet alinéa prévoit que l'assuré en retard de paiement ne peut en principe pas changer d'assureur tant
qu'il n'a pas payé intégralement les primes et les participations aux coûts arriérées ainsi que les intérêts moratoires et les frais de poursuite. Si les primes dues par l'assuré sont supérieures à la moyenne, cette interdiction de changement est coûteuse pour lui et, si un acte de défaut de biens est dressé, pour le canton.

La suppression de cette interdiction permettrait aux assurés en retard de paiement de changer d'assureur ­ comme les autres assurés ­ pour la fin d'un semestre ou d'une année civile (art. 7, al. 1 et 2, LAMal). Mais si plusieurs assureurs doivent gérer les créances à recouvrer d'un assuré, cela est plus coûteux que si un seul assureur gère toutes les créances à recouvrer. De plus, l'interdiction de changement constitue, pour les assurés qui souhaitent changer d'assureur, une incitation à payer leurs créances à temps. C'est pourquoi cette interdiction est maintenue. Mais elle ne s'appliquera que jusqu'au moment où les créances seront payées. Celles-ci ne devront plus forcément être payées par l'assuré.

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Pour les mêmes raisons, les enfants ne doivent pas non plus pouvoir changer d'assureur s'il existe des arriérés les concernant. Les parents et les enfants peuvent être assurés auprès d'assureurs différents. Si les parents ne pouvaient pas changer d'assureur en cas de retard dans le paiement des primes ou des participations aux coûts de leurs enfants, l'assureur devrait vérifier, pour beaucoup d'assurés en retard de paiement, s'ils ont des enfants pour lesquels il existe des arriérés. C'est pourquoi les assurés qui n'ont d'arriérés que pour leurs enfants ne sont pas considérés comme étant en retard de paiement, même s'ils ont le même assureur qu'eux, car ils ne doivent pas être défavorisés par rapport aux parents qui assurent leurs enfants auprès d'un autre assureur que le leur.

Al. 7 Cet alinéa permet actuellement aux cantons de tenir une liste des assurés qui ne paient pas leurs primes malgré les poursuites. L'assureur suspend la prise en charge des prestations fournies à ces assurés, à l'exception de celles relevant de la médecine d'urgence.

Les cantons définissent aujourd'hui de diverses manières la notion de médecine d'urgence.

Pour le canton de Lucerne, il y a urgence au sens de l'art. 64a, al. 7, LAMal lorsque, en l'absence d'un traitement immédiat, il y a lieu de craindre une atteinte grave à la santé, voire le décès de l'assuré (§ 7 de l'ordonnance du 22 mai 2012 relative à la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie).

Dans le canton de Schaffhouse, c'est le fournisseur de prestations qui décidait de ce qui relevait de la médecine d'urgence au sens de l'art. 64a, al. 7, LAMal (ancien § 24b de l'ordonnance du 9 juillet 1996 relative à l'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie). Ce canton a abrogé sa liste au 31 décembre 2020.

Pour le canton de Saint-Gall, le tribunal cantonal des assurances a retenu, par jugement du 26 avril 2018, qu'il y a prestation relevant de la médecine d'urgence au sens de l'art. 64a, al. 7, LAMal dans les cas où un devoir d'assistance incombe au personnel médical. En l'espèce, le séjour hospitalier aux fins d'accouchement était nécessaire au moment de l'entrée à l'hôpital et ne pouvait être reporté. La prestation relevait donc de la médecine d'urgence (KSCHG 2017/5).

Le 6 juillet 2018, la CSSS-N a déposé la motion «Listes
noires. Définition de la médecine d'urgence» (18.3708). Celle-ci demande que les cantons qui tiennent une liste des assurés qui ne paient pas leurs primes soient tenus de définir la notion de médecine d'urgence. Le 19 septembre 2018, le Conseil national a adopté cette motion, suivant ainsi les propositions de sa commission et du Conseil fédéral. Pour les assureurs et les fournisseurs de prestations actifs dans plusieurs cantons qui tiennent des listes, il est plus simple que la notion de médecine d'urgence soit définie de manière uniforme dans toute la Suisse. C'est pourquoi la CSSS-E s'est déclarée favorable, le 17 janvier 2019, à ce que cette notion soit définie au niveau du droit fédéral44. La définition doit être inscrite dans la loi. Elle s'inspire de la définition adoptée par le canton de Lucerne.

44

Le 3.6.2020, le Conseil des États a rejeté, sans opposition, la motion de la CSSS-N relative à la définition cantonale de la notion de médecine d'urgence (18.3708).

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Mais il n'est plus posé comme condition que l'atteinte à la santé risque d'être grave.

En outre, il y a aussi urgence lorsque, en l'absence d'un traitement immédiat, l'assuré peut mettre en danger la santé d'autres personnes. Tel est par exemple le cas lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il transmette une maladie contagieuse.

Par ailleurs, comme le projet prévoit que les enfants n'auront plus d'obligation de payer les primes, ceux-ci ne pourront plus figurer sur les listes.

Al. 7: proposition de minorité Une minorité de la commission propose de supprimer la possibilité pour les cantons de tenir des listes d'assurés en retard de paiement. En raison du report des prestations, les listes peuvent compromettre les soins médicaux de base des groupes de population économiquement et socialement faibles. Elles instaurent également une inégalité de traitement entre les assurés quant à l'accès aux soins.

De plus, les listes placent les fournisseurs de prestations dans une situation inconfortable. Soit ils refusent de prendre en charge les assurés en retard de paiement qui ne nécessitent pas un traitement d'urgence, soit ils les soignent provisoirement à titre gratuit. Si les créances à recouvrer ne sont pas payées, les fournisseurs de prestations se retrouvent avec des créances non couvertes.

Pour ces raisons, les cantons ne doivent plus être habilités à tenir de telles listes et la règle en vigueur doit être abrogée.

Al. 7bis Le projet prévoit que l'assureur affilie à une assurance avec choix limité du fournisseur de prestations les assurés qu'il a annoncés à l'autorité cantonale compétente conformément à l'al. 3. Pour ce type d'assurance, les assureurs réduisent en règle générale les primes (art. 62, al. 1, LAMal).

Les assureurs règlent l'organisation de ces assurances dans leurs conditions d'assurance. Dans son calculateur de primes, l'OFSP établit une distinction entre modèle du médecin de famille, modèle HMO et autres modèles (en particulier avec consultation téléphonique préalable). La notion de modèle n'est toutefois pas définie et il n'existe aucun critère strict pour l'attribution aux catégories de modèle mentionnées. Les assureurs décident dans quelle catégorie leur assurance figurera dans le calculateur de primes et comment elle sera désignée.

Le Conseil fédéral peut prévoir des exceptions
à l'obligation d'affilier les assurés faisant l'objet d'un acte de défaut de biens à une assurance avec choix limité du fournisseur de prestations, et édicter d'autres dispositions. Il peut en particulier délier de cette obligation les assureurs qui, de manière générale ou au lieu de domicile ou de travail de l'assuré, ne proposent pas de telles assurances45. Il peut aussi exclure de cette obligation les assurés qui résident dans un État membre de l'Union européenne, en Islande ou en Norvège. En effet, ces assurés ne peuvent pas adhérer aux formes particulières d'assurance (art. 101a OAMal).

45

En 2021, seuls trois assureurs n'en proposent pas. En 2019, ils comptaient ensemble 12 500 assurés, soit 0,15 % du nombre total d'assurés.

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Il peut également déterminer si un assureur qui propose différentes assurances de ce type peut affilier ses assurés faisant l'objet d'un acte de défaut de biens à différentes assurances. Il peut aussi préciser si l'assureur peut autoriser ses assurés à choisir parmi ces formes d'assurance et à en changer. Enfin, il peut réglementer le changement d'assurance.

Par ailleurs, le Conseil fédéral peut obliger l'assureur à informer les assurés de l'attribution au modèle en question et aux prescriptions qui y sont liées. Aujourd'hui, l'assureur peut transférer dans l'assurance ordinaire l'assuré qui ne se conforme pas aux conditions d'assurance du modèle choisi. Il ne pourra pas le faire pour les assurés faisant l'objet d'un acte de défaut de biens. Mais il peut refuser de prendre en charge une partie ou l'intégralité des prestations; il doit toutefois l'avoir prévu dans ses conditions d'assurance.

Aujourd'hui, 70 % environ des assurés sont affiliés à une assurance avec choix limité du fournisseur de prestations. Mais l'OFSP ignore quelle proportion d'assurés faisant l'objet d'un acte de défaut de biens sont affiliés à une assurance de ce type.

Si l'assuré transfère sa résidence en un endroit où son assureur n'est pas actif, ou si ce dernier ne pratique plus l'assurance-maladie sociale (art. 7, al. 3 et 4, LAMal), il peut choisir un nouvel assureur. Le nouvel assureur doit l'affilier s'il propose une telle assurance à son lieu de résidence. L'ancien assureur doit donc communiquer au nouveau qu'il s'agit d'un assuré faisant l'objet d'un acte de défaut de biens.

Si toutes les primes et participations aux coûts, et tous les intérêts moratoires et frais de poursuite sont payés, l'assuré peut, au prochain délai légal, changer de modèle d'assurance et passer à l'assurance ordinaire ou changer d'assureur.

Al. 7ter Les assurés en retard de paiement ne peuvent en principe pas changer d'assureur. De plus, le projet prévoit que les assurés faisant l'objet d'un acte de défaut de biens ne pourront être affiliés qu'à des assurances avec choix limité du fournisseur de prestations. Ces restrictions doivent aussi s'appliquer aux enfants dont les parents n'ont pas payé les primes, participations aux coûts, intérêts moratoires et frais de poursuite. En seront exclus les enfants qui ont atteint l'âge de 18 ans: ils
doivent pouvoir changer d'assureur et de forme d'assurance même si des créances les concernant, mais datant d'avant leur majorité, restent à recouvrer.

L'art. 4a LAMal prévoit que les personnes tenues de s'assurer qui résident dans un État membre de l'Union européenne, en Islande ou en Norvège doivent être assurées par le même assureur que les membres de leur famille tenus de s'assurer parce qu'ils exercent une activité lucrative en Suisse, qu'ils touchent une rente suisse ou qu'ils perçoivent une prestation de l'assurance-chômage suisse. Cette disposition a été édictée notamment pour simplifier l'encaissement des primes et la prise en charge des coûts des prestations pour cette catégorie de personnes (assurés UE) 46. Comme ces

46

Message du 31 mai 2000 concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurancemaladie; FF 2000 3751, ici 3574.

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arguments restent valables quand des primes, participations aux coûts, intérêts moratoires et frais de poursuite sont impayés, il faut que les assurés UE qui atteignent leur 18e année ne puissent pas changer d'assureur à la fin de l'année.

Al. 7quater Les cantons et les assureurs sont tenus d'échanger leurs données relatives à la réduction des primes selon une procédure uniforme (art. 65, al. 2, LAMal). Le Conseil fédéral a réglé de façon détaillée, sur la base de cette disposition, l'exécution de la réduction des primes (art. 106b à 106e OAMal). Le Département fédéral de l'intérieur s'est fondé à son tour sur ces dispositions pour fixer des prescriptions d'ordre technique et organisationnel dans son ordonnance sur l'échange de données relatif à la réduction des primes (OEDRP-DFI) 47.

À la demande de la CDS, le projet prévoit que les cantons et les assureurs sont également tenus d'échanger selon une procédure uniforme leurs données relatives aux primes et participations aux coûts impayées. Il prévoit aussi, comme pour la réduction des primes, que le Conseil fédéral règle les modalités après avoir entendu les cantons et les assureurs. Celui-ci a réglé le non-paiement des primes et des participations aux coûts aux art. 105a à 105m OAMal.

Al. 8 Comme la communication de données des assureurs aux cantons sera désormais réglée à l'al. 7quater, elle n'est plus mentionnée dans cet alinéa.

Dispositions transitoires Al. 1 Actuellement, l'assureur conserve les actes de défaut de biens jusqu'au paiement intégral des créances arriérées (art. 64a, al. 5, LAMal). Le canton doit aussi pouvoir prendre en charge les actes de défaut de biens existants sans devoir en négocier le prix avec l'assureur. Il doit pouvoir les prendre en charge à un prix légèrement inférieur.

Sur les créances qu'il a prises en charge à 85 % avant l'entrée en vigueur de la présente modification de loi, il doit pouvoir prendre en charge 3 % supplémentaires, soit 88 % au total. Dans ce cas aussi, le canton doit informer l'assuré de la cession. Si le canton prend la créance en charge à 88 %, l'assureur n'a plus de créance vis-à-vis de l'assuré.

Ce dernier peut donc à nouveau changer d'assureur.

Al. 2 Il faut que la nouvelle réglementation relative aux primes et aux participations aux coûts puisse être applicable aux assurés qui sont
mineurs au moment de son entrée en vigueur. Elle doit s'appliquer à leurs arriérés même si ceux-ci sont apparus avant l'entrée en vigueur. Autrement dit, dès l'entrée en vigueur, l'assureur ne pourra plus poursuivre les assurés mineurs.

Les poursuites en cours contre des assurés devenus majeurs pour des dettes datant d'avant leur majorité ne sont pas concernées par la révision.

47

RS 831.102.2

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5

Conséquences

5.1

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

Le présent projet n'a pas de conséquences financières pour la Confédération, ni d'effet sur l'état de son personnel.

Il n'a pas non plus d'impact sur l'état du personnel des cantons. Mais sous l'angle financier, il peut avoir pour effet d'alléger leurs charges: ­

Si l'assureur ne peut pas poursuivre un assuré plus de deux fois par an, il y aura moins de frais de poursuites en tout.

­

Les assureurs accordent des rabais sur les primes de leurs assurances avec choix limité du fournisseur de prestations. Le canton devra donc moins prendre en charge de créances de primes pour les assurés affiliés à des assurances de ce type que si ceux-ci étaient affiliés à l'assurance ordinaire. On ignore toutefois quelle proportion d'assurés faisant l'objet d'actes de défaut de biens sont affiliés aujourd'hui à l'assurance ordinaire.

­

Si le canton obtient la cession de créances constatées par acte de défaut de biens, il peut engager de façon ciblée des mesures d'encaissement auprès des assurés. Il connaît en particulier leur situation financière par les données fiscales.

Une limitation est imposée aux assureurs, puisqu'ils ne peuvent plus engager qu'un nombre donné de poursuites. Leurs coûts administratifs pourront augmenter s'ils doivent affilier des assurés, contre leur volonté, à des assurances avec choix limité du fournisseur de prestations et que ces derniers ne respectent pas les conditions d'assurance. Mais il est possible que la plupart des assurés concernés soient déjà affiliés à une assurance de ce type.

5.2

Autres conséquences

Aucune autre conséquence n'est discernable.

5.3

Applicabilité

Les cantons pourront prendre en charge à 90 % les créances constatées par acte de défaut de biens, mais ils n'y seront pas tenus.

L'assureur affiliera les assurés qu'il a annoncés à l'autorité cantonale compétente en vertu de l'art. 64a, al. 3, à une assurance avec choix limité du fournisseur de prestations. Le Conseil fédéral peut prévoir que les assureurs, comme aujourd'hui, peuvent proposer et organiser leurs assurances de ce type de différentes manières.

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Relation avec le droit européen

La modification de loi doit être compatible, en particulier, avec l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP) 48 et avec la Convention du 4 janvier 1960 instituant l'Association européenne de libre-échange (Convention AELE)49. L'annexe II de l'ALCP et l'appendice 2 de l'annexe K de la Convention AELE précisent qu'en Suisse, dans les relations avec les États de l'UE ou de l'AELE, le droit européen en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale est applicable; il s'agit notamment des règlements (CE) no 883/200450 et 987/200951. Ce droit ne prévoit pas une harmonisation des systèmes nationaux de sécurité sociale en vue de garantir la libre circulation des personnes. Les États membres peuvent, dans une large mesure, déterminer librement la structure, le champ d'application personnel, les modalités de financement et l'organisation de leurs systèmes de sécurité sociale. Ils doivent cependant observer les principes de coordination définis dans les règlements (CE) no 883/2004 et 987/2009, tels que l'interdiction de la discrimination, la prise en compte des périodes d'assurance et la fourniture des prestations au-delà des frontières. La réglementation proposée, qui améliore la procédure en cas de non-paiement des primes et des participations aux coûts, n'enfreint pas le droit européen de coordination des assurances sociales, lequel ne contient pas de dispositions à ce sujet. Le projet est donc compatible avec le droit européen.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité et légalité

Le projet se fonde sur l'art. 117 de la Consitution (Cst.), qui confère à la Confédération une large compétence en matière d'organisation de l'assurance-maladie.

7.2

Délégation de compétences législatives

Le Conseil fédéral peut édicter des dispositions d'exécution de la LAMal (art. 96 LAMal). Le projet l'habilite: ­

48 49 50

51

à prévoir des exceptions et à édicter des dispositions plus détaillées sur l'obligation de l'assureur d'affilier à une assurance avec choix limité du fournisseur de prestations les assurés qu'il a annoncés au canton; RS 0.142.112.681 RS 0.632.31 Règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, JO L 166 du 30.4.2004, p. 1.

Une version consolidée (non contraignante) de ce règlement est publiée au RS 0.831.109.268.1.

Règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n o 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, JO L 284 du 30.10.2009, p. 1. Une version consolidée (non contraignante) de ce règlement est publiée au RS 0.831.109.268.11.

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­

7.3

à régler, après avoir entendu les cantons et les assureurs, les modalités de l'échange de données entre eux concernant les primes et participations aux coûts non payées.

Forme de l'acte à adopter

Conformément à l'art. 164, al. 1, Cst., toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Le présent avant-projet répond à cette exigence. Les lois fédérales sont sujettes au référendum (art. 141, al. 1, let. a, Cst.). Le projet prévoit le référendum facultatif.

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