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15.479 Initiative parlementaire Stop au bradage ruineux du sucre!

Pour la sauvegarde de l'économie sucrière indigène Rapport de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national du 2 février 2021

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons le projet d'une modification de la loi sur l'agriculture que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet de l'acte ci-joint.

2 février 2021

Pour la commission: Le président, Christian Lüscher

2021-0473

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Condensé Ces dernières années, l'UE a fortement développé sa production de sucre. L'augmentation de l'offre, combinée à l'évolution des taux de change, a entraîné un effondrement du prix du sucre en provenance de l'UE, ce qui a généré une pression sur le prix du sucre suisse. Forte de ce constat, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national craint pour la pérennité de la production de sucre en Suisse. C'est pourquoi elle souhaite une protection douanière minimale et renforcer l'aide pour une production plus écologique des betteraves sucrières.

Depuis que l'UE a libéré les volumes de production et supprimé la restriction à l'exportation à fin septembre 2017, les prix du sucre ont considérablement chuté dans l'Union, qui, d'importatrice nette de sucre, est devenue exportatrice nette. Cette évolution a également eu des répercussions sur le prix du sucre en Suisse, où le coût des importations de sucre a encore baissé en raison de la force du franc. À la fin 2018, au vu des défis économiques auxquels doit faire face l'économie sucrière, le Conseil fédéral a relevé temporairement de 300 francs par hectare et par an le montant de la contribution à des cultures particulières pour les betteraves sucrières destinées à la fabrication de sucre, la faisant ainsi passer à 2100 francs par hectare et par an. Dans le même temps, il a fixé, pour une durée limitée, une protection douanière de 70 francs au moins par tonne de sucre. Ces mesures expirent en 2021. La commission estime que, en l'absence de soutien supplémentaire, l'industrie sucrière suisse n'aurait guère de chance de subsister. Selon elle, non seulement la production de betteraves sucrières diminuerait, mais les deux fabriques de sucre, à Aarberg et à Frauenfeld, ne seraient plus exploitées au maximum de leur capacité et la production de sucre suisse ne suffirait finalement plus à répondre à la demande.

La commission prévoit par conséquent d'inscrire dans la loi sur l'agriculture le montant de la protection douanière minimale de 70 francs par tonne de sucre, qui est actuellement fixée au niveau de l'ordonnance. Par ailleurs, elle souhaite soutenir davantage la culture écologique de betteraves sucrières: une courte majorité propose de réduire à 1500 francs par hectare et par an la contribution à des cultures particulières pour les
betteraves sucrières cultivées selon les exigences des prestations écologiques requises (PER) et d'octroyer par contre un supplément de 700 francs par hectare et par an pour les betteraves bio et de 500 francs pour les betteraves cultivées sans recours à des fongicides ou à des insecticides. La majorité de la commission est convaincue que, pour régler les problèmes liés aux résidus de produits phytosanitaires dans les eaux, il faut accélérer le passage à une agriculture écologique. Or, à ses yeux, les cultures de betteraves ne sont pas sans poser des problèmes environnementaux du fait de l'utilisation de produits phytosanitaires. La minorité considère, elle aussi, qu'il est important de soutenir la culture de betteraves bio. Elle souhaite toutefois que la contribution de 2100 francs par hectare et par an soit maintenue et qu'un supplément de 200 francs soit octroyé pour les betteraves cultivées selon les exigences de l'agriculture biologique ou de la production intégrée.

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La commission estime que son projet permettra de renforcer et de protéger de manière adéquate la production de sucre en Suisse. En proposant de fixer le montant de la contribution à des cultures particulières en fonction de la méthode de culture, elle entend encourager une approche écologique et prend ainsi en considération l'objectif général de réduction de l'utilisation de produits phytosanitaires.

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Rapport 1

Genèse du projet

Le 8 septembre 2015, le conseiller national Jacques Bourgeois a déposé l'initiative parlementaire 15.479 Stop au bradage ruineux du sucre! Pour la sauvegarde de l'économie sucrière indigène. Cette initiative vise à adapter le mécanisme de fixation des droits de douane pour le sucre importé afin qu'un prix minimum du sucre soit respecté, et de garantir la rentabilité de la production indigène de sucre et de betteraves.

Lors de sa séance du 14 novembre 2016, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national (CER-N) a décidé, par 14 voix contre 7 et 3 abstentions, de donner suite à cette initiative parlementaire. Le 20 mars et le 17 août 2017, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des États (CER-E) a procédé à l'examen préalable de l'initiative et refusé de se rallier au point de vue de son homologue du Conseil national, par 10 voix contre 2 et 1 abstention. Le 9 janvier 2018, la CER-N s'est penchée une nouvelle fois sur cet objet et a maintenu sa décision, par 15 voix contre 9 et 1 abstention. Le 28 février 2018, suivant l'avis de sa commission, le Conseil national a donné suite à l'initiative, par 94 voix contre 69 et 17 abstentions.

Finalement, le 3 mai 2018, la CER-E s'est ralliée à la décision du Conseil national et a donné suite à l'initiative par 6 voix contre 6 et avec la voix prépondérante de son président.

Le 14 août 2018, la CER-N a chargé une sous-commission d'élaborer un avant-projet.

Cette dernière a commencé ses travaux le 20 septembre 2018. Le Conseil fédéral ayant entre-temps pris des mesures temporaires visant à soutenir la production de sucre, la sous-commission a commencé par suivre l'évolution de la situation. Le 19 juin 2020, le Conseil national a prolongé le délai de traitement de l'initiative jusqu'à la session d'été 2022, puis, le 24 juin 2020, la sous-commission a chargé l'administration d'élaborer, en collaboration avec le secrétariat, un avant-projet assorti d'explications.

Le 12 août 2020, la sous-commission a examiné cet avant-projet et l'a adopté à l'intention de la CER-N. Celle-ci s'est penchée sur l'avant-projet le 18 août 2020. Elle a décidé sans discussion d'entrer en matière sur le texte, a modifié l'un des deux articles et finalement approuvé l'avant-projet au vote sur l'ensemble par 22 voix contre 0 et 3 abstentions. Elle
a également décidé de l'envoyer en consultation. Cette dernière s'est déroulée du 11 septembre au 11 décembre 2020.

La CER-N a pris acte du rapport de consultation le 2 février 2021, à la suite de quoi elle a adopté le projet définitif, sans le modifier, par 14 voix contre 4 et 7 abstentions lors du vote sur l'ensemble. Une proposition de minorité a été déposée au sujet de la disposition sur les contributions à des cultures particulières.

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Contexte

2.1

Évolution des conditions-cadres

Dans le cadre des négociations sur les accords bilatéraux II (2002-2004), la Suisse et l'UE ont décidé de poursuivre l'ouverture du commerce des produits agricoles transformés. Le Protocole no 2 du 22 juillet 1972 concernant certains produits agricoles transformés1 interdit aux deux parties depuis 2005 aussi bien toute mesure de compensation de prix que tout prélèvement de droits de douane pour le sucre contenu dans les produits transformés (solution dite du «double zéro». Afin que les fabricants suisses de produits alimentaires utilisant du sucre ne soient pas désavantagés par rapport à leurs concurrents de l'UE, que ce soit sur les marchés suisses ou européens, cette solution dite du «double zéro» implique que les prix du sucre en Suisse et dans l'UE évoluent à un niveau comparable. Par conséquent, en vertu de l'art. 5 de l'ordonnance du 26 octobre 2011 sur les importations agricoles2, la protection douanière est fixée depuis 2006 de telle manière que le prix du sucre importé corresponde au prix du marché européen. Le droit de douane pour le sucre est déterminé par la différence entre les prix européens et les prix mondiaux; l'Office fédéral de l'agriculture vérifie tous les mois si le droit de douane est adéquat et apporte les corrections nécessaires le cas échéant. En vertu de la loi du 17 juin 2016 sur l'approvisionnement du pays3, l'importation de sucre est soumise à une taxe para-douanière, à savoir une contribution au fonds de garantie d'un montant maximum de 16 francs par 100 kg. Si la protection douanière due dépasse ce montant, des droits de douane complémentaires sont perçus. Cette manière de procéder vise à assurer que des produits agricoles transformés fabriqués avec du sucre suisse ne soient pas commercialisés sur le marché de l'UE en dessous du prix de ce marché; le prix du sucre suisse est ainsi soutenu par rapport aux prix prévalant sur le marché mondial.

Après une première réforme du marché du sucre dans les années 2006 à 2009, une deuxième étape a conduit l'UE à décider de la suppression des quotas sucriers au 1er octobre 2017. Anticipant de meilleures opportunités commerciales, les producteurs européens ont augmenté leur production dès avant l'abolition du régime des quotas et le prix du sucre a baissé en conséquence. Cette baisse conjuguée à la détérioration des taux de change par rapport à l'euro a entraîné un effondrement du prix du sucre suisse qui, de 100 francs par 100 kg en 2006, avait pratiquement diminué de moitié en 2019.

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RS 0.632.401.2 RS 916.01 RS 531

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Sources: Thomson-Reuters, Commission UE, BNS, AFD/réservesuisse, Compte d'État, USP

Le recul du chiffre d'affaires sur le marché sucrier a entraîné une baisse du prix des betteraves à sucre. Par ailleurs, en 2009, les contributions fédérales de soutien du prix des betteraves sucrières auparavant versées à Sucre Suisse SA ont été transformées en contributions à la surface versées directement aux producteurs par l'intermédiaire des cantons. Jusqu'en 2013, la rentabilité élevée de la culture de betteraves sucrières a freiné l'évolution structurelle du secteur de la culture des betteraves à sucre par rapport à d'autres branches de production. Sucre Suisse SA avait dressé des listes d'attente recensant des exploitations qui souhaitaient augmenter leurs surfaces et d'autres qui souhaitaient s'engager dans cette culture. Depuis le recul des prix du sucre en 2014, des économies d'échelles ont été réalisées dans la culture betteravière, la surface de culture de betteraves sucrières moyenne par exploitation passant de 3 à 4 hectares et le nombre d'exploitants régressant dans le même temps de 6000 à 4200. Sucre Suisse SA emploie environ 250 personnes dans ses usines d'Aarberg et de Frauenfeld.

Au vu des défis économiques, le Conseil fédéral a décidé à la fin 2018 d'augmenter temporairement le soutien apporté au secteur sucrier. Par une modification de l'ordonnance du 23 octobre 2013 sur les contributions à des cultures particulières4 il a octroyé pour les années 2019 à 2021 une augmentation de 300 francs de la contribution pour les betteraves sucrières destinées à la fabrication de sucre, la faisant ainsi passer à 2100 francs par hectare. Dans le même temps, une protection douanière minimale de 7 francs par 100 kg de sucre a été introduite dans l'ordonnance sur les importations agricoles, applicable du 1er janvier 2019 jusqu'à la fin de l'année sucrière 2020/21, soit la fin septembre 2021. Avec ces mesures temporaires, le Conseil fédéral entendait donner à l'économie sucrière suisse trois ans pour renforcer sa compétitivité.

De plus, l'économie sucrière suisse apporte une contribution; elle libère les réserves 4

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constituées à cet effet afin de soutenir les prix de la betterave sucrière et a commandé une étude économique sucre suisse5.

Les exploitations ayant droit aux paiements directs sises dans la région de plaine perçoivent une contribution à la sécurité de l'approvisionnement d'un montant de 1300 francs par hectare pour l'exploitation de terres arables. À cela s'ajoute la contribution à des cultures particulières pour les betteraves sucrières destinées à la fabrication de sucre, qui est fixée à 2100 francs par hectare jusqu'en 2021, mais qui, selon le droit en vigueur, doit être ramenée à 1800 francs par hectare à partir de 2022. Partant d'une contribution aux cultures particulières de 2100 francs par hectare et par an, des montants totaux allant jusqu'à 5250 francs par hectare et par an en fonction du travail du sol retenu et de l'emploi d'herbicides.

Contributions actuelles pour les betteraves sucrières destinées à la fabrication de sucre (en francs par hectare et par an)

Sécurité de l'approvisionnement Contribution de base Contribution pour les terre ouvertes et cultures pérennes Contribution à des cultures particulières

Mode de production et système cultural PER

PER + mesures complémentaires

Bio

900

900

900

400 2 100

400 2 100

400 2 100

250 200 150

250 200 150

Travail du sol réduit Semis direct ou semis en bandes fraisées ou semis sous litière Contribution supplémentaire pour non-recours aux herbicides

200

Recours réduit aux herbizides Seulement sarclage mécanique pour lutter contre les mauvaises herbes entre les rangs à partir du stade 4 feuilles ou à partir du semis ou non-recours absolu aux herbizides

200 400 800

Non-recours aux fongicides et aux insecticides Contribution pour l'agriculture biologique terres ouvertes, cultures spéciales exceptées Total

400

400

1 200 3 400

3 550 à 5 050

5 000 à 5 250

Sources: Ordonnance sur les paiements directs et ordonnance sur les contributions aux cultures particulières

En Suisse, la production de betteraves sucrières est une culture contractuelle réglée entre la seule entreprise de transformation existant dans le pays ­ Sucre Suisse SA ­ 5

www.svz-fsb.ch/fr/publications/communication-aux-medias.html.

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et les 4200 planteurs de betteraves. En 2019, Sucre Suisse SA a produit dans ses usines d'Aarberg et de Frauenfeld 240 000 tonnes de sucre issu de 1,65 million de tonnes de betteraves sucrières. Pour 2020, Sucre Suisse SA prévoit une superficie de betteraves à sucre pratiquement inchangée par rapport à l'année précédente, soit 17 900 hectares.

Sur ce total, environ 1100 hectares sont cultivés selon les directives donnant droit au label IP-Suisse et 150 hectares selon les règles de la culture biologique. Les directives d'IP-Suisse pour la culture de betteraves sucrières interdisent l'utilisation de fongicides et d'insecticides et recommandent de recourir autant que possible au désherbage mécanique. En culture biologique, le recours à des substances qui ne sont pas d'origine végétale, animale ou microbiologique ou à des substances minérales non identiques à leur forme naturelle n'est autorisé que si les conditions qui régissent leur utilisation excluent tout contact avec les parties comestibles des plantes. L'utilisation d'herbicides est quant à elle interdite dans la culture biologique.

Lorsque l'offre indigène de betteraves sucrières de culture biologique ou de culture traditionnelle est insuffisante pour exploiter les usines au maximum de leur capacité et pour satisfaire la demande des clients, Sucre Suisse SA a recours à des importations de betteraves sucrières à l'état frais, mais aussi de sirop de sucre ou de sucre. L'importation de betteraves sucrières est exempte de droits et aussi bien le sucre que les sous-produits de la fabrication du sucre destinés à l'alimentation animale peuvent être commercialisés sur les marchés protégés par des droits de douane. 85 % du sucre est transformé par l'industrie alimentaire en aval. Les principaux clients de Sucre Suisse SA sont notamment les fabricants de produits de confiserie, de chocolat et de boissons énergisantes. Dans ces trois secteurs, les exportations dépassent les importations tant sur le plan de la quantité que de la valeur. En 2019, la valeur des importations dans ces trois groupes de produits transformés s'élevait à près de 0,5 milliard de francs, tandis que la valeur des exportations représentait 2,8 milliards de francs.

Source: AFD

Après conversion en équivalents plein temps (EPT), le secteur de la transformation alimentaire emploie au total environ 82 000 personnes. Les désavantages en termes de coûts liés à la localisation, tels que les prix plus élevés du sucre par rapport aux concurrents des pays voisins, pourraient avoir un impact sur le nombre d'emplois dans les entreprises de transformation du sucre en Suisse en raison de la perte de parts de marché que cela entraînerait.

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Branches économiques

Nombre d'employés en EPT (2017)

Pourcentage par rapport à l'emploi total dans le secteur

Fabrication de produits de boulangerie Abattage et transformation de la viande Fabrication d'autres produits alimentaires Autre transformation du lait

26 694 14 763 8 236 6 779

32,7 % 18,1 % 10,1 % 8,3 %

Fabrication de cacao et de chocolat et de produits de confiserie à base de chocolat Production d'autres boissons Fabrication de fromage Transformation du thé et du café

5 063 3 966 3 856 3 519

6,2 % 4,9 % 4,7 % 4,3 %

1 760

2,2 %

1 722 1 388 4 009

2,1 % 1,7 % 4,9 %

Production d'autres boissons rafraichissantes Transformation de pommes de terre, de fruits et de légumes Fabrication de confiseries Autres productions (toutes moins de 1,5 %) Source: OFS Statistique de l'emploi

Conformément à la législation douanière, les marchandises importées temporairement pour le perfectionnement sont soumises au régime du perfectionnement actif, qui s'applique selon les modalités du système de la suspension ou de la procédure de remboursement. Dans le premier cas, les droits de douane sont suspendus jusqu'à la réexportation des marchandises, tandis que dans le second cas, les droits de douane sont perçus à l'importation et remboursés lors de l'exportation. Le même mécanisme s'applique à la contribution au fonds de garantie perçue à fin de financement des réserves obligatoires constituées par l'organisation qui en a la charge. Le sucre est une denrée se prêtant aisément au stockage; environ 55 000 tonnes de sucre sont stockées dans les réserves obligatoires pour couvrir les besoins de trois mois. L'entreprise qui demande le remboursement de la contribution au fonds de garantie doit présenter les attestations d'importation correspondantes à l'organisation responsable des réserves obligatoires afin de garantir que la réexportation ne donne pas droit à un remboursement supérieur aux droits de douane perçus à l'entrée.

Les transformateurs suisses de produits agricoles peuvent choisir de remplir ou non les conditions exigées pour l'utilisation de l'indication de provenance suisse selon la loi du 28 août 1992 sur la protection des marques6. S'ils renoncent à cette indication, ils peuvent fabriquer leurs produits avec du sucre importé, ou utiliser du sucre issu de betteraves sucrières suisses ou importées ou avec du sirop de sucre importé. Les entreprises qui utilisent du sucre indigène et du sucre importé doivent garantir la séparation des flux de marchandises, ce qui peut s'avérer difficile en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Leur position dans les négociations de prix avec Sucre Suisse SA est dès lors certainement plus faible que celle des grandes entreprises qui peuvent se rabattre sur le sucre importé sans devoir réaliser des investissements supplémentaires.

6

RS 232.11

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2.2

Nécessité de légiférer et objectifs: considérations de la commission

La solution dite du double zéro a été introduite en 2005 dans le cadre des accords bilatéraux. Celle-ci prévoit que l'on ne perçoive pas de taxes douanières et que l'on n'octroie pas de remboursements pour le sucre entrant dans la composition de produits alimentaires transformés échangés entre la Suisse et l'UE. Toutefois, les règles valables au moment de l'introduction de ce système ont complètement changé depuis lors: à fin septembre 2017, l'UE a abandonné les quotas et libéré les volumes de production. La restriction à l'exportation a, elle aussi, été supprimée. En conséquence, les prix ont considérablement chuté dans l'UE, qui, d'importatrice nette, est ainsi devenue exportatrice nette. Cette évolution a également eu des répercussions sur le prix du sucre en Suisse, où le coût des importations de sucre a baissé en raison de la force du franc.

Dans ce contexte, la commission craint pour la production de betteraves sucrières et de sucre en Suisse. Elle estime en effet que l'UE peut produire du sucre à un tarif plus avantageux que la Suisse et que l'évolution des conditions en vigueur dans l'UE s'est également répercutée sur le prix du marché mondial. Elle considère que la pression sur les prix qui en résulte a atteint un niveau tel que la production suisse de sucre est en péril. La commission part du principe que si rien n'est entrepris, les sucreries seront en fin de compte contraintes de fermer, faute de rentabilité. Elle estime que la sécurité de l'approvisionnement, qui repose sur la production de sucre en Suisse, s'en trouve donc menacée. C'est pourquoi son projet vise à sauvegarder la chaîne de création de valeur ­ de la culture de betteraves sucrières à la transformation dans les sucreries ­ ainsi que les places de travail du secteur. La production de sucre étant une activité globale dont les coûts fixes sont élevés, il y a lieu, pour optimiser les coûts, d'exploiter au maximum les capacités de transformation, afin de réaliser des économies d'échelle.

Compte tenu des défis incontestables auxquels l'industrie sucrière doit faire face, le Conseil fédéral avait décidé, d'une part, de relever la contribution à des cultures particulières pour les betteraves sucrières destinées à la fabrication de sucre, la faisant passer de 1800 à 2100 francs par hectare et par an, pour la période allant du
1er janvier 2019 au 31 décembre 2021, et, d'autre part, d'introduire une protection douanière minimum de 70 francs par tonne pour la période allant du 1er janvier 2019 au 30 septembre 2021. Ces mesures devaient permettre au secteur de se restructurer. Aux yeux de la commission, ces mesures temporaires prises par le Conseil fédéral ont fait leurs preuves et permis d'assurer la survie de l'ensemble de l'économie sucrière, des producteurs de betteraves aux sucreries. Elle souhaite par conséquent maintenir ces mesures ­ de manière différenciée ­, car elle estime que, sans ce soutien renforcé, l'industrie sucrière suisse n'aurait guère de chance de subsister. La commission souhaite prévoir dans la loi une rémunération suffisante des producteurs. Dans le même temps, elle entend renforcer le soutien en faveur d'une culture écologique des betteraves sucrières et échelonner ainsi les contributions en fonction de la méthode de culture. Par ailleurs, elle considère qu'une protection douanière modérée est essentielle pour l'industrie sucrière suisse, faute de quoi la production indigène ne pourrait être maintenue.

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La commission prévoit par conséquent d'inscrire dans la loi sur l'agriculture le montant de la protection douanière minimale de 70 francs par tonne de sucre, qui est actuellement fixé au niveau de l'ordonnance.

S'agissant des contributions à des cultures particulières, la commission souhaite désormais soutenir davantage les betteraves sucrières bio et les cultures utilisant moins de produits phytosanitaires que les betteraves cultivées conformément aux exigences des PER. Toutefois, les avis divergent s'agissant du montant de la contribution à des cultures particulières: la majorité de la commission considère que, pour régler notamment les problèmes liés aux résidus de produits phytosanitaires dans les eaux, il faut accélérer le passage à une agriculture écologique. À ses yeux, en effet, les cultures de betteraves sucrières ne sont pas sans poser des problèmes écologiques et le coût pour le contribuable est trop élevé eu égard aux dégâts environnementaux qui en résultent.

Par conséquent, elle souhaite réduire la contribution à des cultures particulières pour les betteraves sucrières à 1500 francs par hectare et par an, contre 2100 francs actuellement. En contrepartie, elle prévoit une augmentation de la contribution de 700 francs par hectare et par an pour les betteraves bio et de 500 francs pour les betteraves cultivées sans recours à des fongicides ou à des insecticides. Ces mesures s'inscrivent à ses yeux dans la lignée de la politique agricole des dernières années, qui subordonne davantage l'octroi de subventions à des prestations concrètes des agriculteurs. La minorité propose, pour sa part, de continuer à soutenir la culture de betteraves sucrières respectant les exigences des PER à hauteur de 2100 francs par hectare et par an et d'octroyer une contribution de 2300 francs par hectare et par an pour les betteraves cultivées conformément aux directives de l'agriculture biologique ou de la production intégrée. Elle considère qu'une réduction des contributions à des cultures particulières conduirait à une diminution de la surface de culture et que la quantité de betteraves sucrières produite ne suffirait plus à exploiter les deux fabriques de sucre au maximum de leur capacité.

La commission estime que son projet permettra de renforcer la production de sucre en Suisse. Grâce à une contribution
plus élevée et différenciée selon la méthode de culture pour les betteraves bio et celles cultivées sans recours à des fongicides ou à des insecticides, elle entend également encourager une approche écologique pour cette culture délicate et prend ainsi en considération l'objectif général de réduction de l'utilisation de produits phytosanitaires.

2.3

Procédure de consultation

La commission a mis l'avant-projet en consultation du 11 septembre au 11 décembre 2020. Au total, 104 destinataires ont été invités à s'exprimer. Ont donné leur avis tous les cantons sauf Fribourg, les Grisons et Schwytz, six partis politiques (PDC, PLR, PES, PVL, UDC et PS), l'Association des communes suisses et l'Union des villes suisses. En outre, les associations faîtières nationales suivantes, qui représentent les milieux économiques, ont participé à la consultation: economiesuisse, l'Union suisse des paysans (USP) et l'Union syndicale suisse. Enfin, 42 avis ont été envoyés par des

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organisations de défense de l'environnement, des organisations sectorielles, des associations et des entreprises7.

Une majorité des cantons soutiennent dans les grandes lignes les objectifs de l'initiative parlementaire 15.479. Ils notent avec satisfaction que des mesures de soutien sont proposées dans le but de pérenniser les surfaces de culture betteravière et la fabrication du sucre et, ce faisant, de garantir la sécurité de l'approvisionnement et de sauvegarder des places de travail. Certains cantons demandent que le tarif douanier et les taux de contribution soient fixés à l'échelon approprié, à savoir celui de l'ordonnance; d'autres proposent que la question du soutien futur à apporter à l'économie sucrière soit traitée dans le cadre de la Politique agricole 22+ (PA22+) et que d'ici là les mesures en vigueur soient, si nécessaire, prolongées.

Les avis des partis politiques sont partagés. Si le PVL estime que la culture de betteraves sucrières selon les méthodes intensives traditionnelles n'est ni rentable ni écologique, le PES considère quant à lui que le projet ne s'inscrit pas à l'échelon législatif approprié et ne répond pas suffisamment aux problèmes structurels de l'économie sucrière. D'ici à l'entrée en vigueur des contributions aux systèmes de production souples et différenciées prévues par la PA22+, la situation doit être réglée par le moyen de modifications d'ordonnances. Le PLR rejette le projet; à son avis, celui-ci ne montre en rien comment les usines peuvent parvenir à une meilleure utilisation de leurs capacités de production et se consolider. Une discussion sur la vision d'ensemble de l'agriculture est nécessaire. L'UDC, le PS et le PDC soutiennent le projet en faisant référence au mandat d'approvisionnement de base, au maintien des places de travail ­ en particulier dans les sucreries ­ ou à l'économie circulaire avec des trajets courts.

Le PDC souhaiterait que le Conseil fédéral élabore une stratégie avec des mesures de moins grande portée.

Certains milieux agricoles et des organisations du premier échelon de transformation se félicitent du projet de la commission. Cependant, ils estiment que l'échelonnement de la contribution à des cultures particulières en fonction du mode de production introduirait un élément étranger dans le système. Ils soulignent qu'il existe d'autres
instruments (contributions au système de production, p. ex.) pour encourager la culture écologique, et en prônent un renforcement dans le cadre de la PA22+. Différentes organisations sont d'avis qu'une réglementation rigide dans la LAgr ne répond pas aux enjeux et estiment que, d'ici à la mise en oeuvre de la PA22+, la situation doit être réglée au moyen de modifications d'ordonnances.

Les associations représentant l'économie en général, le deuxième échelon de transformation et le secteur tertiaire, notamment, mettent en avant le handicap de prix des matières premières résultant de la politique agricole et qui affaiblit d'ores et déjà la compétitivité du site de production suisse. Certaines d'entre elles estiment que des réformes sont nécessaires au niveau des aspects suivants: stratégie de création de valeur, baisse des coûts, recherche, marketing et conditions-cadres politiques. Ellessont également d'avis que la solution consistant à fixer les droits de douane et les taux de contribution à l'échelon des ordonnances est suffisante et plus souple.

7

Le rapport de consultation et les avis reçus peuvent être consultés sous le lien suivant: www.fedlex.admin.ch/fr/consultation-procedures/ended/2020#CP.

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Enfin, plusieurs associations de défense de l'environnement exigent une stratégie globale pour la culture de betteraves sucrières et la politique en matière de sucre. La stratégie visant au maintien de deux usines exerce une pression sur la production et crée des contraintes, estiment-elles. En outre, selon elles, la culture de betteraves sucrières intensive traditionnelle engendre des problèmes environnementaux par l'usage de pesticides ainsi qu'en raison de l'érosion et du compactage des sols.

3

Présentation du projet

Le prix des betteraves sucrières continuera d'être soutenu, mais il est proposé que les augmentations temporaires du soutien à l'économie sucrière indigène décidées par le Conseil fédéral pour les années 2019 à 2021 soient réorientées en faveur d'une culture de betteraves sucrières plus écologique. La protection douanière minimale sera reconduite sans limite dans le temps à partir du 1er octobre 2021 et le montant de la contribution à des cultures particulières sera, à partir de 2022, ramené à 1500 francs par hectare et par an. Parallèlement, il est proposé de verser des suppléments pour la culture des betteraves sucrières conforme aux exigences de l'agriculture biologique (700 francs par hectare et par an) et pour le non-recours aux fongicides et aux insecticides dans la culture des betteraves sucrières (500 francs par hectare et par an). Une minorité souhaiterait reconduire pour une durée indéterminée les mesures que le Conseil fédéral avait limitées dans le temps ainsi que verser un supplément à la contribution à des cultures particulières de 200 francs par hectare et par an pour la culture de betteraves sucrières conforme aux exigences de l'agriculture biologique ou aux directives sur la production intégrée. Il est prévu que deux articles de la loi du 29 avril 1998 sur l'agriculture (LAgr)8 soient complétés en ce sens.

4

Commentaire des articles

Art. 19, al. 1 et 2 LAgr L'art. 19 est complété par le nouvel al. 2 qui règle la protection douanière minimale, constituée du droit de douane et de la contribution au fonds de garantie.

Les autres dispositions de l'art. 5 de l'ordonnance sur les importations agricoles et la pratique d'exécution en matière de protection douanière minimale valable jusqu'à fin septembre 2021 restent en vigueur. Par conséquent, l'Office fédéral de l'agriculture examine chaque mois les droits de douane pour le sucre des numéros tarifaires 1701 et 1702 et les fixe en considérant la protection douanière minimale dans l'annexe 1, ch. 18, de l'ordonnance sur les importations agricoles de manière que les prix du sucre importé plus la protection aux frontières soient conformes aux prix du marché dans l'UE. Les contributions au fonds de garantie demeurent fixées conformément aux dispositions de la loi sur l'approvisionnement du pays.

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Art. 54, al. 2bis LAgr À partir de 2022, le montant de la contribution à des cultures particulières pour les betteraves sucrières destinées à la fabrication de sucre passera de 1800 à 1500 francs par hectare et par an. Une contribution supplémentaire de 700 francs par hectare et par an sera versée pour la culture de betteraves sucrières destinées à la fabrication de sucre selon les exigences de l'agriculture biologique; en cas de non-recours aux fongicides et aux insecticides, le montant de la contribution sera de 500 francs par hectare et par an. Les conditions relatives aux contributions supplémentaires, aux procédures, aux contrôles et aux sanctions administratives seront définies dans les dispositions d'exécution.

La minorité de la commission souhaite également que la contribution à des cultures particulières versée pour les betteraves sucrières destinées à la fabrication de sucre soit différenciée en fonction des modes de production. Elle propose cependant que la contribution à des cultures particulières soit fixée à 2100 francs pour le mode de production respectant les PER et que l'augmentation de 300 francs en vigueur pour les années 2019 à 2021 en vertu de l'art. 2 de l'ordonnance sur les contributions à des cultures particulières, qui a fait passer le montant de cette contribution de 1800 à 2100 francs par hectare et par an, soit maintenue. Elle propose en outre que les cultures de betteraves sucrières destinées à la fabrication de sucre qui, en plus des exigences PER, respectent les directives IP-Suisse ou les exigences de la production biologique donnent droit à une contribution de 2300 francs par hectare et par an. Les conditions d'octroi, les procédures, les contrôles et les sanctions administratives sont réglés dans les dispositions d'exécution. Par analogie avec l'annexe 1, ch. 8.1 et 8.2 de l'ordonnance du 23 octobre 2013 sur les paiements directs versés dans l'agriculture9, les organisations qui peuvent élaborer des directives donnant droit à des contributions supplémentaires, ainsi que la procédure d'approbation figureront dans l'ordonnance.

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Conséquences

5.1

Conséquences pour la Confédération

La protection douanière minimale proposée pour une durée indéterminée se traduira par une hausse des prélèvements douaniers durant les phases où les droits de douane, calculés comme la différence entre les prix du sucre sur le marché européen et sur le marché mondial, seront inférieurs à 7 francs par 100 kg. Ces prélèvements plus élevés bénéficieront en particulier à l'organisation chargée des réserves obligatoires. Les recettes supplémentaires qui seront générées par la nouvelle protection douanière minimale ne peuvent pas être évaluées, car dans un régime sans protection douanière minimale, il n'est pas possible de prévoir quel sera le taux de douane appliqué. À cela s'ajoute que plus de 50 % des taxes douanières encaissées à l'importation sont remboursées lors de l'exportation du sucre.

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En conséquence de la réduction du montant de la contribution à des cultures particulières pour les betteraves sucrières destinées à la fabrication de sucre de 1800 à 1500 francs par hectare et par an par rapport au message du 12 février 2020 relatif à l'évolution future de la Politique agricole à partir de 2022 (PA22+) 10, les surfaces cultivées selon les exigences des PER devraient diminuer. En même temps, les surfaces de betteraves sucrières cultivées sans fongicides ni insecticides devraient augmenter, car une contribution à l'utilisation efficiente des ressources de 400 francs par hectare et par an sera versée en sus du supplément à la contribution à des cultures particulières de 500 francs. De même, les surfaces de betteraves sucrières cultivées selon les exigences de la production biologique devraient augmenter, puisque le supplément à la contribution à des cultures particulières accroît légèrement l'effet incitatif par rapport à aujourd'hui. Au total, les besoins financiers liés aux contributions à des cultures particulières pour les betteraves sucrières destinées à la fabrication de sucre devraient toutefois être inférieurs à ce que prévoit le message sur la PA22+.

En fonction de l'augmentation des surfaces de betteraves sucrières cultivées selon les exigences de l'agriculture biologique ou sans recours aux fongicides et insecticides, les besoins financiers augmenteront dans le plafond de dépenses des paiements directs.

La proposition de la minorité représente, par rapport au message sur la PA22+, une augmentation pour une durée indéterminée d'un montant de 300 francs de la contribution pour les cultures de betteraves sucrières destinées à la fabrication de sucre au titre des contributions à des cultures particulières, la faisant passer à 2100 francs par hectare et par an. Avec une superficie cible de 20 000 hectares de betteraves sucrières, telle que souhaitée par l'économie sucrière, le besoin de financement supplémentaire se monterait à partir de 2022 à 6 millions de francs par année.

Les surfaces de betteraves sucrières cultivées conformément aux directives IPSUISSE représentent près de 2000 hectares, celles qui respectent les exigences de la culture biologique environ 200 hectares. L'augmentation de 200 francs par hectare de la contribution à des cultures particulières prévue pour
ces deux modes de production se traduirait donc par un besoin de financement supplémentaire de 0,44 million de francs par année.

Les besoins financiers qui en résultent dans le plafond des dépenses Production et ventes peuvent être couverts par un transfert au sein du budget agricole ou par un relèvement du plafond.

Dans la phase initiale, la mise en oeuvre des mesures proposées engendrera un surcroît de travail qui pourra être absorbé par l'effectif actuel en adaptant les priorités en matière de tâches d'exécution.

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5.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Actuellement, cinq systèmes informatiques différents sont utilisés selon les cantons pour collecter les données structurelles et verser les contributions aux exploitants. Différencier les contributions à des cultures particulières selon le mode de production implique l'adaptation de ces systèmes, ce qui nécessite du temps et des moyens financiers. Les frais engendrés seront d'autant plus élevés si ces adaptations ne peuvent pas être réalisées dans le cadre de travaux de mises à jour ordinaires.

Les communes, les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne ne sont pas touchés par les modifications proposées.

5.3

Conséquences économiques

Une protection douanière minimale de durée indéterminée pour le sucre via des prix plus élevés favorise le premier échelon de transformation et les betteraviers au détriment des échelons en aval, c.-à-d. les fabricants de produits alimentaires et les consommateurs finaux en Suisse. En outre, un secteur protégé par des mesures de protection douanières a tendance à perdre de sa force concurrentielle. Les fabricants de produits contenant du sucre qui souhaitent utiliser l'indication de provenance suisse «Swissness» doivent remplir les conditions de la loi sur la protection des marques. Le fait que celle-ci exige dans la plupart des cas l'utilisation de sucre suisse confère à Sucre Suisse SA une position de monopole. En revanche, si les fabricants renoncent à utiliser l'indication de provenance suisse des matières premières utilisées, le sucre suisse est en concurrence avec le sucre importé.

Cette situation se manifeste sur les marchés tant indigène qu'étranger. Dans le contexte du Protocole no 2 entre la Suisse et l'UE, la protection douanière minimale désavantage les fabricants suisses de produits agricoles transformés par rapport aux fabricants européens. Comme jusqu'à présent, les consommateurs finaux continueront d'avoir le choix entre des produits fabriqués en Suisse et des produits étrangers, que ce soit lors de leurs achats dans le pays ou dans la région frontalière. Il existe ainsi un risque de perte de marchés pour les fabricants suisses de denrées alimentaires. À l'exportation, la protection douanière minimale de durée indéterminée a pour effet d'entraîner une hausse tendancielle des prix du sucre et des produits transformés contenant du sucre issu de la production suisse. Les entreprises concernées peuvent soit reporter les coûts supplémentaires sur les consommateurs finaux, soit diminuer leur marge ou encore négocier le prix d'achat du sucre qu'ils utilisent.

Les fabricants possédant des marques bien établies sur les marchés ­ de chocolat ou de boissons énergisantes, par exemple ­ et qui renoncent à l'indication de provenance suisse pour les produits exportés peuvent par ailleurs se rabattre sur le sucre importé et demander le remboursement des redevances d'entrée lors de l'exportation. Cette liberté de choix pourrait conduire à une diminution de la demande de sucre indigène, qui se répercuterait sur la rentabilité de Sucre Suisse SA si ses usines n'étaient plus exploitées à plein rendement.

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Pour les entreprises de transformation du sucre, l'obligation de séparer les flux de marchandises selon la provenance est souvent synonyme d'investissements supplémentaires. La protection douanière minimale de durée indéterminée les conduira probablement à revoir leur stratégie d'investissement. Elles remettront en question l'utilité de la désignation «Swissness», de l'emploi du sucre suisse ou du maintien à long terme des sites de production dans le pays.

Par rapport à la culture de betteraves sucrières respectant les PER, les rendements baissent en cas de non-recours aux fongicides et insecticides ou en cas d'application des exigences de la production biologique. De plus, il y a lieu de partir du principe que les surfaces totales de betteraves sucrières diminueront. Si le recul de la production n'est pas compensé au moyen de betteraves importées, il en résultera une campagne de transformation encore plus courte qui impactera les deux sucreries et, partant, entraînera des coûts fixes plus élevés par volume de sucre produit. Aux termes de l'étude relative à l'économie d'entreprise commandée par l'économie sucrière, la quantité de transformation ne doit pas se situer entre 0,9 et 1,4 million de tonnes de betteraves sucrières, qualifiée de «No-Go zone», car cette quantité présente un double inconvénient: elle dépasse la capacité de traitement d'une sucrerie, mais ne suffit pas à assurer l'occupation rentable de deux sucreries. La réduction substantielle de la production indigène de betteraves sucrières pourrait avoir pour effet que les taux d'autoapprovisionnement Swissness en betteraves sucrières et en saccharose (sucre) fixés dans l'ordonnance du 2 septembre 2015 sur l'utilisation des indications de provenance suisse pour les denrées alimentaires11 passent en dessous de 50 %. Cela signifierait que la proportion de sucre d'origine suisse requise pour pouvoir étiqueter le produit transformé qui le contient avec la mention «Swissness» serait réduite de moitié. Cela fragiliserait la position de monopole de Sucre Suisse SA pour le sucre suisse, puisqu'il serait possible qu'une part plus élevée de sucre importé soit utilisée dans les produits contenant du sucre dont l'origine suisse est alléguée.

La proposition de la minorité vise à augmenter à nouveau la production indigène de betteraves sucrières. Cela
permettrait de maintenir les taux d'auto-approvisionnement Swissness en betteraves sucrières et en saccharose au-dessus du seuil de 50 % et de renforcer le monopole de Sucre Suisse SA pour le sucre suisse.

Du point de vue de la sécurité de l'approvisionnement, il importe peu qu'une ou deux sucreries soient exploitées en Suisse parallèlement aux stocks obligatoires.

5.4

Conséquences sociales

La consommation de sucre en Suisse est de 40 kg par habitant et par an. La protection douanière minimale proposée entraîne certes une légère hausse du prix des denrées de fabrication suisse contenant du sucre. Il n'y a toutefois pas lieu de s'attendre à une diminution de la consommation totale de sucre, car les produits transformés importés contenant du sucre ne sont pas concernés par le renforcement de la protection douanière.

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5.5

Conséquences sur l'environnement

La betterave sucrière est une culture exigeante qui nécessite un usage important de produits phytosanitaires. La contribution à des cultures particulières, qui est plus conséquente pour les betteraves sucrières cultivées conformément aux directives de l'agriculture biologique ou de la production intégrée sert à créer des incitations pour réduire l'emploi de produits phytosanitaires.

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Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

Les modifications se fondent sur les art. 104 et 104a de la Constitution fédérale12, aux termes desquels la Confédération se voit attribuer des compétences et des tâches élargies dans le domaine de la politique agricole.

6.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Le projet est compatible avec les règles de l'OMC fixant les obligations de la Suisse en matière de plafonds tarifaires et de limitation des mesures de soutien liées aux produits. La contribution à des cultures particulières est en soi une subvention autorisée au sens de l'accord sur l'agriculture de l'OMC. Il n'est toutefois pas exclu que les partenaires commerciaux voient dans cette mesure un subventionnement (indirect) de produits transformés, ce qui pourrait être considéré comme une subvention à l'exportation ou une subvention à la substitution d'importations. Celles-ci étant illégales, elles pourraient conduire à des actions en justice. De plus, des partenaires commerciaux pourraient envisager des mesures de compensation si le subventionnement entraînait des dommages pour leurs producteurs. La plupart des accords de libre-échange conclus par la Suisse, y compris l'accord de 1972 entre la Suisse et l'UE, contiennent des clauses sur le subventionnement visant à interdire les mesures qui faussent la concurrence. En cas de litige et selon l'accord conclu, ces clauses prévoient des mesures correctives allant de la discussion au sujet de diverses prescriptions jusqu'à l'application de droits de douane supplémentaires.

6.3

Forme de l'acte à adopter

La Constitution prévoit à son art. 163, al. 1 que l'Assemblée fédérale édicte les dispositions fixant des règles de droit sous la forme d'une loi fédérale ou d'une ordonnance.

En vertu de l'art. 164, al. 1, Cst. et de l'art. 22, al. 1, de la loi du 13 décembre 2002

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sur le Parlement13 les dispositions importantes fixant des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale.

Le présent projet contient des dispositions importantes fixant des règles de droit.

6.4

Frein aux dépenses

En vertu de l'art. 159, al. 3, let. b, Cst., les dispositions relatives aux subventions, les crédits d'engagement et les plafonds de dépenses doivent être adoptés à la majorité des membres de chaque conseil si elles entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus de 20 millions de francs ou de nouvelles dépenses périodiques de plus de deux millions de francs.

L'art. 54, LAgr constitue la base légale pour les aides financières en lien avec la production de betteraves sucrières. Les taux de subvention par hectare doivent maintenant être inscrits dans la loi. Dans le cas des contributions à des cultures particulières, cela entraînera de nouvelles dépenses liées de plus de 2 millions de francs par an; l'art. 54 LAgr doit donc être soumis au frein aux dépenses.

6.5

Conformité aux principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale

Le projet ne touche pas à la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons ni à leur accomplissement.

6.6

Conformité à la loi sur les subventions

Aux termes de l'art. 4 de la loi du 5 octobre 1990 sur les subventions14, le Conseil fédéral et l'administration se conforment, dans l'élaboration, la promulgation et la révision des actes normatifs régissant les aides et les indemnités, aux principes définis au chap. 2 de la loi sur les subventions.

Les bases légales concernant les aides financières contenues dans le présent projet ont été promulguées conformément aux principes du chapitre précité de la loi sur les subventions.

En dépit de sa dépendance par rapport aux importations de semences de betteraves à sucre, d'engrais et de produits phytosanitaires, la production de sucre suisse apporte une contribution à la sécurité de l'approvisionnement du pays. Les aides financières fixées pour une durée indéterminée visent à empêcher une nouvelle diminution de la production de betteraves sucrières destinées à la fabrication de sucre et, en conséquence, la détérioration du taux d'utilisation des capacités de production des deux

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RS 171.10 RS 616.1

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fabriques de la société Sucre Suisse SA. Le financement est géré par l'enveloppe financière destinée à la promotion de la production et des ventes. L'efficience des moyens financiers mis en oeuvre est assurée par le fait que les montants octroyés sont versés par les cantons directement aux producteurs.

6.7

Délégation de compétences législatives

Le présent projet ne contient pas de nouvelles normes de délégation de compétences législatives au Conseil fédéral.

6.8

Protection des données

Conformément à l'art. 17, al. 1, de la loi du 19 juin 1992 sur la protection des données15, les organes fédéraux ne sont en droit de traiter des données personnelles que s'il existe une base légale. Des données sensibles ne peuvent être traitées que si une loi au sens formel le prévoit expressément (art. 17, al. 2, de la loi sur la protection des données.

Le projet ne prévoit pas de traitement de données personnelles. Seules les données nécessaires à la perception des aides financières sont et seront également à l'avenir traitées dans les systèmes d'information de la Confédération. Étant donné que ceuxci contiennent des données personnelles, les droits d'accès et de traitement sont réglés de manière concrète à l'échelon réglementaire (ordonnance du 23 octobre 2013 sur les systèmes d'information dans le domaine de l'agriculture16. La base légale est constituée en l'occurrence par les art. 165c, 165d et 165e LAgr). L'ordonnance précitée précise quels services ont le droit de traiter ou de consulter des données, et dans quel but.

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RS 235.1 RS 919.117.71

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