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14.470 Initiative parlementaire Renforcer l'attractivité de la Suisse pour les fondations Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États du 22 février 2021

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification du code civil, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

22 février 2021

Au nom de la commission: Le président, Beat Rieder

2021-0545

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Condensé Ce projet de loi met en oeuvre certaines mesures proposées par l'initiative parlementaire 14.470 «Renforcer l'attractivité de la Suisse pour les fondations».

Contexte A l'heure actuelle, les fondations disposent déjà d'un environnement favorable grâce à un droit des fondations libéral. L'attractivité de la Suisse pour les fondations doit être renforcée davantage.

Contenu du projet Au vu des résultats de la consultation, la Commission a décidé de soutenir deux mesures proposées dans l'initiative parlementaire et d'élaborer un projet de loi à cette fin: ­

optimisation des droits du fondateur par l'extension de son droit de modification aux modifications portant sur l'organisation; et

­

simplification des modifications de l'acte de fondation.

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Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Initiative parlementaire

Le 9 décembre 2014, le conseiller aux États Werner Luginbühl a déposé une initiative parlementaire formulée en ces termes: «Le Parlement est chargé de procéder aux modifications législatives qui s'imposent pour améliorer les conditions-cadres applicables en Suisse au secteur des institutions d'utilité publique et des fondations et assurer ainsi un fonctionnement libéral et efficace de ce secteur, notamment par les mesures suivantes: 1.

publication régulière par l'Office fédéral de la statistique (OFS) de données concernant les organisations exonérées d'impôts en raison de leur utilité publique;

2.

réglementation plus claire de la légitimation pour déposer une plainte auprès de l'autorité de surveillance des fondations, prévoyant de donner qualité à agir aux personnes ayant un intérêt légitime à contrôler l'activité des organes d'une fondation;

3.

optimisation des droits du fondateur par l'extension du droit de modification aux modifications portant sur l'organisation, lorsque l'acte de fondation prévoit cette possibilité;

4.

simplification des modifications de l'acte de fondation par des procédures non bureaucratiques, sans acte notarial et par une réglementation ouverte applicable aux modifications mineures de l'acte de fondation;

5.

limitation de la responsabilité des membres bénévoles d'organes de fondation par l'exclusion de la responsabilité en cas de négligence légère (sous réserve d'une réglementation statutaire contraire);

6.

institution d'un régime de faveur pour les libéralités consenties par des héritiers au débit de la succession, en accordant à ceux-ci une augmentation unique de la déduction fiscale pour les dons l'année du décès ou l'année suivante, ou encore l'année du partage successoral;

7.

possibilité de reporter un don sur des périodes fiscales ultérieures si la limite maximale de la déduction pour les dons est dépassée;

8.

ni refus ni retrait de l'exonération fiscale pour les organisations d'utilité publique qui versent des honoraires appropriés aux membres de leurs organes de direction stratégique; cette pratique est conforme au Code civil et doit donc également être possible au regard du droit fiscal.»

Cette initiative parlementaire était développée comme suit: «Comme site d'établissement de fondations, avec un secteur philanthropique très développé et de nombreux sièges d'organisations internationales d'utilité publique, la Suisse revêt une importance mondiale. Pour consolider durablement cette position, 3 / 10

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il faut créer des conditions-cadres institutionnelles et juridiques qui tiennent compte des besoins actuels du secteur des institutions d'utilité publique et des institutions non lucratives. En comparaison internationale, la Suisse occupe à cet égard une position de pointe dans le domaine de l'autorégulation des organisations d'utilité publique.

Le label de qualité Zewo, la norme comptable Swiss GAAP FER 21, de même que les deux codes de gouvernance Swiss NPO-Code et Swiss Foundation Code, ont posé des jalons internationaux et contribuent de manière substantielle à 'l'efficience du secteur des organisations à but non lucratif, créant ainsi une base importante pour que ce secteur socialement essentiel puisse oeuvrer efficacement à atteindre les buts qu'il se donne.

La présente initiative vise à renforcer davantage les bonnes conditions-cadres applicables à ce domaine important, en demandant que les lois correspondantes ­ notamment le CC et la LIFD ­ soient modifiées et complétées. L'accent est mis principalement sur une plus grande transparence dans la branche, une meilleure efficacité de l'activité des fondations et l'optimisation des dispositions du droit des fondations et du droit fiscal.

Parallèlement aux améliorations à l'échelon fédéral, le dialogue sera également engagé avec les cantons au sujet d'autres mesures relevant de leurs compétences.» Dans le cadre de l'examen préalable, la Commission des affaires juridiques du Conseil des États (CAJ-E) a décidé le 3 novembre 2015, par 7 voix contre 1 et 3 abstentions, de donner suite à l'initiative, conformément à l'art. 109, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)1. La Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N) s'est penchée sur l'initiative lors de ses réunions du 12 mai 2016 et du 19 août 2016 et a par ailleurs mené des auditions à ce sujet. Le 3 novembre 2016, elle a décidé, par 13 voix contre 6, de ne pas suivre la décision de son homologue du Conseil des États. Le 15 août 2017, la CAJ-E s'est par conséquent à nouveau penchée sur l'initiative dans le cadre de l'examen préalable et a décidé, par 10 voix contre 2 et 1 abstention, de proposer à son conseil de donner suite à l'initiative. Dans son rapport du 15 août 2017, elle soulignait la nécessité d'agir pour améliorer les conditionscadres institutionnelles
et juridiques des fondations établies en Suisse. Le 12 septembre 2017, le Conseil des États a décidé de donner suite à l'initiative, se ralliant sans opposition à la proposition de sa commission. À la suite de cette décision sans équivoque du Conseil des États, la CAJ-N a finalement approuvé elle aussi l'initiative, par 9 voix contre 5 et 8 abstentions, lors de sa séance du 20 octobre 2017. La CAJ-E a ainsi pu entamer ses travaux d'élaboration d'un projet.

1.2

Travaux de la commission

La commission s'est penchée sur la mise en oeuvre de l'initiative parlementaire le 14 mai 2019. Ayant pris acte d'un document de travail de l'administration et de l'avis d'un groupe d'experts, elle a décidé de charger l'administration d'élaborer un avantprojet sur la base de ces travaux préliminaires.

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RS 171.10

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La commission a pris acte de l'avant-projet le 28 octobre 2019, l'a examiné et adopté.

Lors de sa séance du 21 novembre, elle a examiné et adopté le rapport explicatif.

Conformément à la loi du 18 mars 2005 sur la consultation (LCo)2, une consultation a été menée sur cet avant-projet.

Lors de sa séance du 3 septembre 2020, la Commission a pris connaissance des résultats de la procédure de consultation et a décidé de renoncer à mettre en oeuvre les points suivants: ­

la publication régulière de données concernant les organisations exonérées d'impôts en raison de leur utilité publique (ch. 1 de l'Iv.Pa.);

­

la réglementation plus claire de la légitimation pour déposer une plainte auprès de l'autorité de surveillance des fondation (ch. 2 de l'Iv.Pa.);

­

la limitation de la responsabilité des membres bénévoles d'organes de la fondation (ch. 5 de l'Iv. Pa.);

­

l'institution d'un régime de faveur pour les libéralités consenties au débit d'une succession et la possibilité de reporter un don sur des périodes fiscales ultérieures (ch. 6 et 7 de l'Iv.Pa.); et

­

le non refus et non retrait de l'exonération fiscale pour les organisations d'utilité publique qui versent des honoraires appropriés aux membres de leurs organes de direction stratégique (ch. 8 de l'Iv.Pa.).

La Commission est d'avis que le projet ne serait plus en mesure d'obtenir un soutien majoritaire. Lors de sa séance du 22 février 2021, la commission a procédé à la discussion par article du projet et l'a accepté au vote sur l'ensemble par 12 voix contre 0 et 1 abstention.

Par conséquent, le présent projet ne contient que les propositions de dispositions légales relatives à l'optimisation des droits du fondateur par l'extension de son droit de modification aux modifications portant sur l'organisation (ch. 3 de l'Iv.Pa.) et à la simplification des modifications de l'acte de fondation (ch. 4 de l'Iv.Pa.), car ces dispositions ont été accueillies positivement lors de la consultation et peuvent ainsi, de l'avis de la Commission, obtenir un soutien majoritaire.

Comme l'art. 112, al. 1, LParl le lui permet, la Commission s'est fait assister dans son travail par le Département fédéral de justice et police, le Département fédéral des finances et les experts suivants (par ordre alphabétique): Dr. Christoph Degen, proFonds, l'association faîtière des fondations d'utilité publique de Suisse; Prof. Dr. Dominique Jakob, professeur ordinaire à l'Université de Zurich; Prof. Tit. Dr. Hans Lichtsteiner, professeur titulaire à l'Université de Fribourg; Prof. Dr. Georg von Schnurbein, professeur associé à l'Université de Bâle.

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RS 172.061

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Grandes lignes du projet

Les fondations disposent aujourd'hui déjà d'un environnement favorable grâce à un droit des fondations libéral. La commission tient cependant à renforcer davantage l'attractivité de la Suisse pour les fondations, et c'est dans cet esprit qu'elle a décidé de soutenir les mesures suivantes proposées dans l'initiative parlementaire: ­

optimisation des droits du fondateur par l'extension de son droit de modification aux modifications portant sur l'organisation (ch. 3 de l'Iv.Pa.); et

­

simplification des modifications de l'acte de fondation (ch. 4 de l'Iv.Pa.).

La commission estime que, sur la base des résultats de la consultation publique, ces mesures répondent à des besoins réels et qu'elles sont modérées et praticables. En outre, leur mise en oeuvre ne nécessite pas une révision totale du droit des fondations, garantissant ainsi le maintien de bases légales qui ont fait leur preuve.

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Commentaire des dispositions

3.1

Optimisation des droits du fondateur par l'extension de son droit de modification aux modifications portant sur l'organisation (ch. 3 de l'Iv.Pa.)

Art. 86a, al. 1, CC La commission entend donner plus de flexibilité aux fondations et renforcer les droits du fondateur en rendant la modification de leur organisation plus simple qu'elle ne l'est aujourd'hui selon l'art. 85 CC. L'idée est d'étendre le droit de modification accordé au fondateur concernant le but de la fondation (art. 86a CC) pour inclure les modifications portant sur l'organisation, par exemple la création ou la suppression d'un organe consultatif, d'un conseil familial ou d'une réglementation des élections.

Une modification de l'organisation doit être possible lorsque le fondateur a prévu une réserve de modification dans l'acte de fondation, lorsqu'il en fait la requête auprès de l'autorité fédérale ou cantonale compétente et lorsqu'au moins dix ans se sont écoulés depuis la constitution de la fondation ou depuis la dernière modification requise par le fondateur. Cette extension du droit de modification qu'il est proposé d'inscrire à l'art. 86a, al. 1, CC est aussi judicieuse parce que bien souvent, une modification du but d'une fondation implique aussi une modification de son organisation. L'extension du droit de modification ne devrait pas entraîner une multiplication des interventions du fondateur dans les affaires de la fondation, car le droit en vigueur lui permet déjà d'exercer une influence concernant le but de la fondation. Les délais de dix ans pour les modifications du but et de l'organisation doivent courir indépendamment les uns des autres, ce qui signifie qu'une modification du but d'une fondation qui ne s'accompagne pas d'une modification de son organisation n'exclut pas le droit du fondateur de modifier l'organisation de la fondation.

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3.2

Simplification des modifications de l'acte de fondation (ch. 4 de l'Iv.Pa.)

Art. 86b et art. 86c CC L'actuel art. 86b CC traite des modifications «accessoires» de l'acte de fondation auxquelles l'autorité de surveillance peut procéder, après avoir entendu l'organe suprême de la fondation, lorsque ces modifications sont commandées par des motifs objectivement justifiés et qu'elles ne lèsent pas les droits de tiers. Sont considérées comme accessoires des modifications minimes du but ou de l'organisation de la fondation, des modifications mineures et parfois purement rédactionnelles et des modifications de nom3. L'art. 86b CC ne dit pas si de telles modifications de l'acte de fondation, que l'autorité de surveillance approuve en rendant une décision de modification, doivent faire l'objet d'un acte notarié. La manière de procéder diffère ainsi selon les cantons et les autorités de surveillance. Certains cantons exigent un acte authentique pour la modification de l'acte de fondation, d'autres non4.

La commission considère, d'une part, que la disposition actuelle est formulée de manière trop restrictive. La nouvelle formulation proposée de l'art. 86b CC n'exige donc plus que les modifications de l'acte de fondation soient «commandées par des motifs objectivement justifiés», mais simplement qu'elles soient «justifiées par des motifs objectifs». Cette révision de la loi renforce la flexibilité et la capacité d'adaptation des fondations, conçues pour durer, dans un environnement qui évolue toujours plus rapidement. La précision apportée à cette disposition permet par ailleurs de tenir compte de la pratique devenue plus libérale des autorités de surveillance des fondations.

D'autre part, la modification proposée de l'art. 86c CC permettra de poser clairement que dans toute la Suisse, une modification d'un acte de fondation approuvée par une autorité étatique par une décision de modification ne nécessite désormais pas d'acte notarié. Afin que tant la fondation que l'autorité de surveillance disposent d'un acte de fondation complet, une version consolidée de l'acte de fondation doit être établie qui, outre les modifications les plus récentes, contient également les autres dispositions. L'acte de fondation complet est, entre autres, aussi une pièce justificative déposée auprès du registre du commerce (cf. art. 22, al. 3, ORC5). Etant donné que la modification de l'acte de fondation
se fonde sur la décision de modification de l'autorité de surveillance, une instrumentation de l'acte de fondation par un officier public n'est pas requise sur la base de l'art. 22, al. 4, ORC. Cela se justifie notamment par le fait 3

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5

Cf. VEZ Parisima, Commentaire Romand, Code civil I, art. 1-359 CC, Bâle 2010, art. 86b n 7. C'est aussi le point de vue des autorités de surveillance des fondations, cf. entre autres: Merkblatt BVS Zürich, BVG- und Stiftungsaufsicht, Urkundenänderung von Stiftungen unter Aufsicht des Bezirks- oder Gemeinderates (www.bvs-zh.ch/assets/dokumente/vorsorge_formulare_und_merkblaetter/merkblatt_zur_urkundenaenderung_falls_bvs_nur_aenderungsbehoerde_1.pdf).

RIEMER Hans Michael, Berner Kommentar, Schweizerisches Zivilgesetzbuch, Das Personenrecht, 3. Abteilung: Die juristischen Personen, Dritter Teilband: Die Stiftungen, Systematischer Teil und Kommentar zu Art. 80-89bis ZGB, Bern 2020, Vorb.

zu Art. 85-86b N 9, cf. entre autres: Merkblatt zu den beiden möglichen Verfahren bei Urkundenänderungen nach Art. 86b ZGB (resp. nach Art. 62 Abs. 2 BVG in Verbindung mit Art. 86b ZGB) gemäss §10 der Ordnung über die Stiftungsaufsicht vom 23. Januar 2012 resp. § 7 der Ordnung über die berufliche Vorsorge vom 23. Januar 2012.

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que la décision de modification doit également être déposée auprès de l'office du registre du commerce comme pièce justificative avec l'acte de fondation modifié.

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Conséquences

4.1

Conséquences financières et conséquences pour le personnel

Pour les autorités fédérales et cantonales de surveillance des fondations, la nouvelle réglementation ne devrait pas entraîner un surcroît de travail notable. Les plaintes qu'elles traitent ne devraient pas sensiblement augmenter. Par ailleurs, sous l'empire du droit actuel, les autorités de surveillance des fondations procèdent déjà dans la pratique aux modifications justifiées de l'organisation d'une fondation et à des modifications accessoires de l'acte d'une fondation.

4.2

Mise en oeuvre

La nouvelle réglementation proposée peut être mise en oeuvre sans problème.

5

Compatibilité avec le droit européen

Le droit européen ne contient pas de dispositions de droit civil sur la fondation.

6

Bases légales

6.1

Conformité constitutionnelle et légale

La révision proposée se fonde en partie sur l'art. 122, al. 1, de la Constitution, qui donne à la Confédération la compétence de légiférer en matière de droit civil.

6.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

La Suisse n'est liée par aucune obligation internationale qui limiterait sa marge de manoeuvre concernant son droit interne sur les fondations.

6.3

Délégation de compétences législatives

Le présent projet ne délègue aucune nouvelle compétence législative au Conseil fédéral.

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6.4

Forme de l'acte

La modification du code civil doit se faire sous la forme d'une loi fédérale.

6.5

Frein aux dépenses

Le projet n'est pas soumis au frein aux dépenses selon l'art. 159, al. 3, let. b, Cst.

puisqu'il ne contient pas de dispositions relatives à des subventions et ne prévoit pas la création d'un crédit d'engagement ou d'un plafond de dépenses.

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