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Répartition des affaires au sein des tribunaux fédéraux Rapport du Contrôle parlementaire de l'administration à l'intention des Commissions de gestion du Conseil national et du Conseil des États du 5 novembre 2020

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Mots clés

Tribunaux fédéraux La Confédération compte quatre tribunaux fédéraux: le Tribunal fédéral (Lausanne, Lucerne), le Tribunal administratif fédéral (Saint-Gall), le Tribunal pénal fédéral (Bellinzone), et le Tribunal fédéral des brevets (Saint-Gall). Ils sont tous inclus dans cette évaluation.

Garanties constitutionnelles L'article 30 de la Constitution fédérale stipule que tout tribunal doit être établi par la loi, indépendant et impartial. Le droit international formule des exigences similaires.

Répartition des affaires La répartition des affaires désigne le fait d'attribuer une affaire aux juges qui seront chargés de se prononcer sur le cas concret.

Collège de juges Toute affaire soumise à un tribunal est jugée par un collège de juges, composé de 1 à 7 juges. Leur nombre dépend notamment du type de procédure et de la question juridique soulevée.

Programmes informatiques Le Tribunal fédéral et le Tribunal administratif fédéral utilisent des programmes informatiques pour désigner tout ou partie du collège de juges. Dans les autres tribunaux fédéraux, le collège de juges est défini manuellement.

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L'essentiel en bref Les processus de répartition des affaires au sein des tribunaux fédéraux sont globalement adéquats. Les affaires sont attribuées aux juges selon des critères objectifs, mais ceux-ci ne sont pas tous compris dans les règlements, ni pris en compte dans les instruments utilisés. La répartition des affaires n'est pas assez documentée, ce qui nuit à la transparence et aux possibilités de suivi.

En janvier 2019, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) de procéder à une évaluation sur la répartition des affaires au sein des tribunaux fédéraux. Il s'agit du Tribunal fédéral (TF), du Tribunal administratif fédéral (TAF), du Tribunal pénal fédéral (TPF) et du Tribunal fédéral des brevets (TFB).

En septembre 2019, les sous-commissions Tribunaux/MPC des CdG, compétentes en la matière, ont décidé que l'évaluation devait se concentrer sur les processus de répartition des affaires et questionner leur conformité vis-à-vis du cadre normatif supérieur ainsi que leur adéquation pour garantir l'indépendance et l'impartialité du collège de juges. Les sous-commissions ont, par contre, décidé de renoncer à une analyse de la composition des collèges de juges dans des cas concrets.

Le CPA a procédé à une analyse juridique pour vérifier la conformité des dispositions au sein des quatre tribunaux vis-à-vis du droit supérieur et des recommandations d'organismes internationaux en la matière. Il a bénéficié pour cela d'un accompagnement juridique externe. Le CPA a analysé les processus de répartition des affaires et les instruments utilisés en se basant sur des documents. Il s'est également entretenu avec une trentaine de personnes, en particulier les personnes responsables de la répartition des affaires au sein des tribunaux.

Les bases légales et réglementaires correspondent globalement au cadre normatif supérieur, mais certaines lacunes sont constatées (chap. 3) Les exigences principales posées par la Constitution et le droit international en ce qui concerne la répartition des affaires au sein des tribunaux sont globalement respectées par les tribunaux fédéraux, dont les dispositions légales et réglementaires posent les bases des processus permettant de garantir la légalité, l'indépendance et l'impartialité des tribunaux
(ch. 3.1). En revanche, celles-ci manquent d'exhaustivité et omettent notamment de citer certains critères pris en compte lors de la composition du collège de juges, comme la langue qu'ils maîtrisent au TFB, l'absence des juges, leur genre ou leurs connaissances spécifiques au TAF (ch. 3.2). Les modalités de modification du collège de juges ne sont mentionnées dans les bases légales ou réglementaires d'aucun des tribunaux, contrairement à ce que préconisent les recommandations internationales (ch. 3.3).

Les processus de répartition des affaires ne sont pas suffisamment transparents (chap. 4) Les tâches relatives à la répartition des affaires (ch. 4.1) et le fonctionnement des processus sont très peu documentés (ch. 4.2), ce qui nuit à la transparence, tant à

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l'interne des tribunaux que vis-à-vis de l'externe. Par ailleurs, les modalités de suivi de la répartition des affaires sont rares; seul le TF établit un rapport à ce sujet, mais ce n'est pas le cas du TAF, bien que certaines données puissent être extraites de son système. De telles données ne sont actuellement pas disponibles au TPF ou au TFB (ch. 4.3). Les bases légales et réglementaires des tribunaux fédéraux étant formulées de manière ouverte, il est d'autant plus important que la répartition des affaires dans les cas individuels soit bien documentée afin d'exclure tout soupçon de manipulation de la composition du collège de juges qui permettrait d'influencer la décision dans un sens ou dans l'autre.

Les instruments ne garantissent pas entièrement une composition objective du collège de juges (chap. 5) L'existence de programmes informatiques pour composer automatiquement le collège de juges au TF et au TAF est considérée comme pertinente pour objectiver la répartition des affaires. Leur potentiel n'est cependant pas totalement exploité, ce qui nuance cette appréciation (ch. 5.1). Les autres instruments utilisés, notamment au TPF et au TFB, sont des listes Excel. Bien qu'étant appliqués de manière pragmatique, ils sont rudimentaires et ne prennent pas en compte tous les critères de répartition des affaires. Ils ne sont alors que partiellement adéquats pour garantir une composition objective du collège de juges (ch. 5.2).

Les critères de répartition des affaires sont pertinents, mais appliqués différemment (chap. 6) Les critères de répartition des affaires tels que les connaissances spécifiques des juges ou leurs absences sont appliqués de manière très différente par les tribunaux et les différentes cours d'un même tribunal, et les répercussions que cela a sur la composition du collège de juges ne sont pas totalement transparentes (ch. 6.1), tout comme la manière dont ils sont priorisés (ch. 6.2). Ce flou peut soulever des questions sur l'objectivité de l'application des critères, puisque cela ne peut pas être retracé.

La marge de manoeuvre existante contribue à une justice efficiente et efficace (chap. 6) Sans s'être penché sur les cas concrets, le CPA constate que la marge de manoeuvre qui existe au sein des tribunaux reflète de manière générale la recherche d'un équilibre entre un automatisme
strict et la flexibilité nécessaire pour garantir l'efficience et l'efficacité de la justice. Cependant, certaines divergences concernant les bases légales, les processus, les instruments et la mise en oeuvre de la répartition des affaires ne sont pas justifiées par les spécificités des tribunaux (ch. 6.3).

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Table des matières Mots clés

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L'essentiel en bref

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1

Introduction 1.1 Contexte et questions d'évaluation 1.2 Méthodologie 1.3 Limites de l'évaluation 1.3.1 Portée de la haute surveillance sur les tribunaux 1.3.2 Délimitation de l'objet d'évaluation 1.4 Structure du rapport

7 7 8 9 9 10 11

2

Répartition des affaires au sein des tribunaux fédéraux 2.1 Les quatre tribunaux fédéraux 2.1.1 Le Tribunal fédéral (TF) 2.1.2 Le Tribunal administratif fédéral (TAF) 2.1.3 Le Tribunal pénal fédéral (TPF) 2.1.4 Le Tribunal fédéral des brevets (TFB) 2.2 La répartition des affaires 2.2.1 Cadre juridique 2.2.2 Processus de répartition des affaires 2.2.3 Instruments de répartition des affaires 2.2.4 Mise en oeuvre des processus de répartition des affaires

11 11 11 12 12 12 13 14 15 17 17

3

Conformité vis-à-vis du cadre normatif supérieur 3.1 Les dispositions des tribunaux respectent globalement le cadre normatif supérieur 3.2 Les bases légales et réglementaires ne sont pas exhaustives 3.3 Les possibilités de modifier le collège de juges ne sont pas strictement encadrées

17

Opportunité des processus de répartition des affaires 4.1 Les responsabilités sont parfois déléguées 4.2 Les processus de répartition des affaires sont peu documentés, ce qui nuit à la transparence 4.3 Le suivi de la répartition des affaires est rare

21 21

Opportunité des instruments de répartition des affaires 5.1 Le recours à des programmes informatiques est pertinent, mais pas totalement exploité 5.1.1 Le programme «Bandlimat» au TAF: un système pionnier qui arrive au bout de ses capacités 5.1.2 Le programme «CompCour» au TF: des possibilités non exploitées pour objectiver la répartition des affaires

23

4

5

18 19 20

22 22

24 24 26

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5.2 6

7

Les instruments de répartition des affaires au TPF et au TFB sont rudimentaires

Opportunité de la mise en oeuvre des processus de répartition des affaires 6.1 Les critères ne sont pas appliqués de manière uniforme 6.2 La priorisation des critères ne peut être retracée qu'avec les programmes informatiques 6.3 Les spécificités des différentes cours et tribunaux justifient uniquement en partie les différences de mise en oeuvre Conclusions 7.1 Les bases légales et réglementaires correspondent globalement au cadre normatif supérieur, mais certaines lacunes sont constatées (chap. 3) 7.2 Les processus de répartition des affaires ne sont pas suffisamment transparents (chap. 4) 7.3 Les instruments ne garantissent pas entièrement une composition objective du collège de juges (chap. 5) 7.4 Les critères de répartition des affaires sont pertinents, mais appliqués différemment (chap. 6) 7.5 La marge de manoeuvre existante contribue à une justice efficiente et efficace (chap. 6)

29 30 30 33 34 36

36 37 37 38 39

Abréviations

40

Bibliographie et liste des documents

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Liste des personnes interrogées

46

Impressum

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Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte et questions d'évaluation

La légalité, l'indépendance et l'impartialité des tribunaux sont des droits fondamentaux, garantis par la Constitution fédérale et le droit international aux personnes impliquées dans une procédure judiciaire1 (art. 30 Cst.2, art. 6, al. 1, Convention européenne des droits de l'homme [CEDH]3, art. 14, al. 1, Pacte international relatif aux droits civils et politiques [Pacte II]4). Cela comprend le droit de toute personne à ce que la composition de l'organe appelé à statuer sur une affaire ne soit, dans le cas concret, soumis à aucune manipulation qui permettrait d'influencer la décision dans un sens ou dans l'autre. Ces garanties sont concrétisées au sein des tribunaux par la définition de processus pour répartir les affaires entre les juges selon des critères objectifs. Cependant, le fonctionnement de ces processus, qui doivent garantir un jugement indépendant, a été questionné, au vu de l'influence que pourrait avoir l'appartenance politique des juges sur les décisions5, et de la marge de manoeuvre laissée à la personne responsable de composer le collège de juges6.

Dans ce contexte, les Commissions de gestion du Conseil national et du Conseil des États (CdG) ont, le 28 janvier 2019, chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) de procéder à une évaluation de la répartition des affaires au sein des quatre tribunaux fédéraux de la Confédération, à savoir le Tribunal fédéral (TF), le Tribunal administratif fédéral (TAF), le Tribunal pénal fédéral (TPF) et le Tribunal fédéral des brevets (TFB). En se fondant sur une esquisse de projet du CPA, les sous-commissions Tribunaux/MPC des CdG des deux chambres, compétentes en la matière, ont décidé le 9 septembre 2019 de centrer l'évaluation sur les questions suivantes, qui font chacune l'objet d'une réponse dans un chapitre spécifique:

1 2 3 4 5 6

­

Les dispositions sur la répartition des affaires au sein des tribunaux fédéraux sont-elles conformes aux exigences définies par la Constitution et par le droit international en la matière? (chap. 3)

­

Les processus de répartition des affaires sont-ils définis de manière opportune? (chap. 4)

Kiener, Regina (2001): Richterliche Unabhängigkeit: verfassungsrechtliche Anforderungen an Richter und Gerichte. Berne: Stämpfli Verlag AG, 75.

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18.4.1999 (Cst.; RS 101) Convention du 4.11.1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l'homme [CEDH]; RS 0.101) Pacte international du 16.12.1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte II; RS 0.103.2) Das Parteibuch der Richter beeinflusst die Asylentscheide. In: TagesAnzeiger, 10.10.2016.

Wer entscheidet, wer Recht spricht? In: Republik, 9.5.2018. Plus récemment, la répartition des affaires a également fait l'objet de critiques dans: «Das sind gravierende Verfahrensmängel». In: Neue Zürcher Zeitung, 17.6.2020.

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Les instruments de répartition des affaires utilisés par les tribunaux sont-ils opportuns? (chap. 5)

­

Les processus de répartition des affaires sont-ils mis en oeuvre de manière opportune? (chap. 6)

Conformément à la décision des sous-commissions Tribunaux/MPC lors de leur séance du 22 avril 2020, le CPA n'a pas analysé la composition du collège de juges dans des cas concrets.

1.2

Méthodologie

Afin de répondre aux questions d'évaluation, le CPA a examiné la répartition des affaires à travers plusieurs méthodes de collecte et d'analyse des données, présentées dans le tableau 1. L'annexe 1 en fin de rapport schématise l'approche de l'évaluation, tandis que l'annexe 2 détaille les critères d'appréciation sur lesquels s'est basé le CPA.

Tableau 1

Conformité vis-à-vis du cadre normatif supérieur Opportunité des processus Opportunité des instruments Opportunité de la mise en oeuvre des processus



Entretiens

1 2 3 4

Analyse documentaire

Question Problématique

Analyse juridique (y.c. conseil externe)

Aperçu méthodologique

()




()




Légende: : contribution principale, (): contribution secondaire

Pour l'analyse juridique, le CPA a procédé à une synthèse des exigences constitutionnelles et des recommandations internationales en ce qui concerne la procédure de répartition des affaires au sein des tribunaux. Cette grille d'analyse a par la suite été appliquée aux bases légales et réglementaires du TF, du TAF, du TPF et du TFB afin d'apprécier la conformité de ces textes avec le cadre normatif supérieur. Dans le cadre d'un mandat externe d'accompagnement juridique, Me Daniel Kettiger (avocat, Mag.

rer. publ.) a relu et commenté la grille d'analyse ainsi que les conclusions du CPA et il a répondu à des questions juridiques ponctuelles.

L'analyse documentaire avait pour but de mettre en évidence le déroulement des processus de répartition des affaires au sein des quatre tribunaux fédéraux, les responsabilités des différents acteurs, ainsi que les instruments utilisés. Pour cela, le CPA a collecté et analysé les documents internes relatifs aux processus et au développement des programmes informatiques utilisés au TF et au TAF, ainsi que les instruments (par 8 / 50

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exemple tableaux Excel) utilisés par les différentes cours des tribunaux. Les documents contenant des informations sur les juges ont été préalablement anonymisés par les tribunaux.

Des entretiens ont également été menés par le CPA avec différents acteurs. D'une part, six spécialistes du domaine juridique ont été rencontrés entre novembre 2019 et janvier 2020 afin de recueillir des avis externes sur la répartition des affaires au sein des tribunaux fédéraux. Des entretiens ont également été menés avec plus de 20 acteurs internes aux tribunaux dès janvier 2020, notamment les secrétaires générales ou secrétaires généraux, ainsi qu'avec tous les juges présidant les différentes cours des tribunaux, qui sont les personnes responsables de la répartition des affaires au sein de celles-ci. La liste des personnes rencontrées se trouve en fin de rapport. En raison de la propagation du coronavirus, les entretiens prévus en mars 2020 avec les présidentes et présidents de cour au TF et au TAF ont été repoussés. Ils se sont déroulés entre mai et juin 2020.

Au terme de l'évaluation, le CPA a discuté des principaux aspects critiques de celleci avec les présidentes et présidents des tribunaux fédéraux qui le souhaitaient. Les quatre tribunaux ont par ailleurs été invités à se prononcer sur le projet de rapport entre août et septembre 2020.

1.3

Limites de l'évaluation

Les paragraphes suivants présentent brièvement les limites de l'évaluation. La portée de la haute surveillance exercée par les CdG sur les tribunaux (ch. 1.3.1) ainsi que la délimitation de l'objet d'évaluation (ch. 1.3.2) sont définies.

1.3.1

Portée de la haute surveillance sur les tribunaux

La haute surveillance exercée par les CdG s'applique aussi aux tribunaux fédéraux.

Ceux-ci sont explicitement cités à l'art. 169, al. 1, Cst.7. Cependant, elle peut entrer à première vue en tension avec d'autres principes qui régissent le fonctionnement de la Confédération et de la justice: celui de la séparation des pouvoirs, celui de l'indépendance des juges (art. 30, al. 1, et art. 191c Cst.), et celui de l'auto-administration des tribunaux8. Des craintes en ce sens ont été soulevées par le TF dès l'annonce de cette évaluation.

7

8

Art. 169, al. 1, Cst.: «L'Assemblée fédérale exerce la haute surveillance sur le Conseil fédéral et l'administration fédérale, les tribunaux fédéraux et les autres organes ou personnes auxquels sont confiées des tâches de la Confédération.» Lienhard, Andreas (2018): Oberaufsicht über die Gerichte ­ Eigenheiten, Verbindungslinien und Abgrenzungen. In: Justice - Justiz - Giustizia 2018/1.

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De manière générale, trois courants concernant la portée de la haute surveillance sur les tribunaux peuvent être identifiés9, allant d'une conception stricte (haute surveillance limitée à la régularité formelle) à une conception plus étendue de celle-ci (applicable aux jugements matériels dans certains cas). Les CdG, comme la majorité des auteurs qui se sont penchés sur le sujet, adoptent la position médiane, qui accorde la priorité au contrôle de la gestion administrative des affaires, en reconnaissant toutefois que les organes de la haute surveillance peuvent également avoir connaissance du contenu des procédures judiciaires lorsqu'il s'agit de procéder à un contrôle des effets et de l'efficacité de l'activité légiférante10. Ainsi, les CdG sont d'avis que «la haute surveillance sur les tribunaux ne se différencie pas fondamentalement de celle exercée sur le Conseil fédéral et l'administration»11. La haute surveillance parlementaire est certes soumise à certaines limitations, comme le fait de ne pas pouvoir donner d'instructions à un tribunal et lui indiquer comment juger un cas particulier, ne pas pouvoir modifier ou annuler une décision judiciaire12, ni discipliner ou démettre une ou un juge pour certaines de ses décisions13, mais des limites similaires s'appliquent également aux autres acteurs. Le principe de subsidiarité implique par exemple que la haute surveillance du Parlement sur les tribunaux est complémentaire à la surveillance exercée par le TF sur les tribunaux inférieurs14.

1.3.2

Délimitation de l'objet d'évaluation

La présente évaluation, mandatée par les CdG, respecte la définition de la haute surveillance sur les tribunaux présentée ci-dessus15. Diverses garanties du respect du cadre institutionnel ont été apportées par le CPA aux tribunaux (par exemple anonymisation des données relatives aux juges dans les documents transmis). Après des échanges répétés de correspondance entre le CPA et les CdG, d'une part, et notamment le TF et le TAF, d'autre part, le CPA a pu avoir accès aux documents et aux personnes indispensables à la réalisation de cette évaluation.

Par ailleurs, les sous-commissions compétentes ont renoncé à ce que le CPA analyse les cas concrets de composition du collège de juges. La mise en oeuvre des processus de répartition des affaires est donc étudiée uniquement de manière indirecte, en se basant sur les entretiens réalisés et les documents présentant ces processus.

9

10 11 12 13 14 15

La portée de la haute surveillance parlementaire sur les tribunaux ­ les avis de la doctrine juridique. Rapport de l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration du 11.3.2002 à l'attention des membres de la sous-commission DFJP/tribunaux de la Commission de gestion du Conseil des États élargie à quelques députés au Conseil national (FF 2002 7141).

Kiener 2001 Haute surveillance parlementaire sur les tribunaux fédéraux, rapport de la CdG-E du 28.6.2002 (FF 2002 7077 7085).

Cela est également ancré à l'art. 26, al. 4, deuxième phrase, de la loi du 13.12.2002 sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement [LParl]; RS 171.10).

Secrétariat des Commissions de gestion (2019), Aide-mémoire des Commissions de gestion des chambres fédérales.

Lienhard 2018: 9 Voir également le Constat en matière de haute surveillance des Commissions de gestion du 24.6.2020, chiffre 16.

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Enfin, l'efficience des juges et l'influence que différentes compositions pourraient avoir sur les décisions matérielles rendues par les tribunaux n'ont pas fait l'objet d'une analyse.

1.4

Structure du rapport

Avant qu'une réponse ne soit apportée aux questions d'évaluation, le chapitre 2 présente brièvement les quatre tribunaux fédéraux ainsi que les bases légales et les différents éléments de la répartition des affaires. Le chapitre 3 est consacré à l'analyse de la conformité de la répartition des affaires au sein des tribunaux fédéraux vis-à-vis du cadre normatif supérieur. L'opportunité des processus de répartition des affaires fait l'objet du chapitre 4, tandis que le chapitre 5 se penche sur les différents instruments utilisés par les tribunaux. Le chapitre 6 analyse la mise en oeuvre telle que décrite par les documents analysés et les personnes rencontrées. Enfin, les conclusions sont présentées au chapitre 7.

2

Répartition des affaires au sein des tribunaux fédéraux

Ce chapitre présente dans un premier temps les quatre tribunaux fédéraux et leurs compétences. Dans un deuxième temps, les bases légales, les processus, les instruments et la mise en oeuvre des processus de répartition des affaires sont abordés.

2.1

Les quatre tribunaux fédéraux

2.1.1

Le Tribunal fédéral (TF)

Le TF est l'autorité judiciaire suprême de la Confédération (art. 1, al. 1, Loi sur le Tribunal fédéral [LTF]16). Sa compétence principale consiste à veiller sur l'application uniforme du droit fédéral en tant qu'organe de dernière instance. Il peut s'agir de décisions venant des tribunaux fédéraux, mais également cantonaux, selon les voies de recours admises. Sa compétence s'étend à tous les domaines juridiques. Il exerce également la surveillance sur la gestion des autres tribunaux fédéraux (art. 1, al. 2, LTF). Il est constitué de sept cours: deux de droit civil, deux de droit public, une de droit pénal et deux de droit social, dont les compétences sont détaillées aux art. 29 à 35 du Règlement du Tribunal fédéral (RTF)17. Chaque cour est composée de 5 à 6 juges. En 2019, le TF a liquidé 7937 affaires18.

16 17 18

Loi du 17.6.2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110).

Règlement du 20.11.2006 du Tribunal fédéral (RTF; RS 173.110.131).

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2.1.2

Le Tribunal administratif fédéral (TAF)

Le TAF est le tribunal administratif ordinaire de la Confédération (art. 1, al. 1, Loi sur le Tribunal administratif fédéral [LTAF]19). Sa compétence principale est de statuer sur la légalité des décisions de l'administration fédérale (art. 31 LTAF). Il est divisé en six cours, qui se répartissent les affaires selon les domaines juridiques concernés, par exemple droit de l'environnement, droit des cartels, droit du travail ou droit d'asile (art. 23 et 24 Règlement du Tribunal administratif fédéral [RTAF], annexe du RTAF20). Chaque cour est composée actuellement de 9 à 15 juges. Certaines cours sont elles-mêmes divisées en chambres, dont les compétences sont spécifiées dans les règlements spécifiques des cours. En 2019, 7157 affaires ont été liquidées par le TAF21.

2.1.3

Le Tribunal pénal fédéral (TPF)

Le TPF agit en tant qu'autorité pénale de première instance sur certaines affaires, ou peut être saisi sur recours dans d'autres domaines. Il est dans ce but divisé en trois cours, dont les compétences varient sensiblement. La Cour des affaires pénales, composée de 11 juges22, traite en première instance les affaires dont la compétence ressort expressément à la justice fédérale, telles que le crime organisé (art. 35 Loi sur l'organisation des autorités pénales [LOAP]23, art. 23 et 24 du Code de procédure pénale [CPP]24). La Cour des plaintes, composée de 6 juges, statue notamment sur les recours contre les décisions et les actes de procédure de la police et du Ministère public de la Confédération (MPC) ainsi que contre les décisions des tribunaux des mesures de contrainte, et est l'autorité de recours de l'entraide judiciaire internationale en matière pénale (art. 37 LOAP). La Cour d'appel, qui a débuté ses activités le 1er janvier 2019, est composée de 3 juges ordinaires, soutenus actuellement par 10 juges suppléants.

Elle est l'autorité judiciaire fédérale de deuxième instance en matière pénale. Elle statue sur les appels formés contre les jugements rendus par la Cour des affaires pénales (art. 38a LOAP). En 2019, 809 affaires ont été liquidées par le TPF25.

2.1.4

Le Tribunal fédéral des brevets (TFB)

En tant que tribunal de première instance de la Confédération, le TFB juge les litiges civils en matière de brevets, soit les questions de validité, de contrefaçon et celles ayant un lien de connexité avec les brevets notamment les questions de titularité et de cession de brevets (art. 1, al. 1 et art. 26, al. 1 et 2, Loi sur le Tribunal fédéral des 19 20 21 22 23 24 25

Loi du 15.6.2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF; RS 173.32).

Règlement du 17.4.2008 du Tribunal administratif fédéral (RTAF; RS 173.320.1).

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L'un de ces juges est en congé sabbatique depuis le 1.8.2018.

Loi fédérale du 19.3.2010 sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (Loi sur l'organisation des autorités pénales [LOAP]; RS 173.71).

Code de procédure pénale suisse du 5.10.2007 (Code de procédure pénale [CPP]; RS 312.0).

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brevets [LTFB]26). Le TFB a la particularité d'être composé uniquement de 2 juges ordinaires, soutenus par 41 juges suppléants de formation juridique ou technique, ces derniers étant spécialisés dans des domaines tels que la chimie ou l'ingénierie mécanique. Leurs activités professionnelles parallèles étant souvent liées aux affaires soumises au TFB, cela peut entraîner des motifs de récusation dont la composition du collège de juges doit tenir compte. En 2019, le tribunal a liquidé 40 affaires27.

2.2

La répartition des affaires

La notion de répartition des affaires au sein des tribunaux regroupe deux éléments complémentaires28: premièrement, cela concerne l'attribution de l'affaire portée devant le tribunal à l'une des cours qui le composent. Deuxièmement, cela fait référence à la composition du collège de juges, c'est-à-dire à la sélection des juges qui seront appelés à se prononcer sur le cas d'espèce. L'évaluation du CPA se focalise sur cette deuxième partie de la répartition des affaires. Sauf mention spécifique, le terme de «répartition des affaires» fait référence uniquement à la composition du collège de juges. Le schéma d'analyse de la répartition des affaires est représenté dans la figure 1, dont les différents éléments sont décrits de manière synthétique dans ce chapitre et seront approfondis dans les chapitres suivants, qui présentent les résultats.

Figure 1 Répartition des affaires Cadre juridique ·Cadre normatif supérieur (Constitution, textes internationaux) ·Bases légales et réglementaires des tribunaux

Processus de répartition des affaires ·Responsabilités ·Documentation et suivi

Instruments de répartition des affaires ·Définition des instruments ·Utilisation des instruments

Mise en oeuvre de la répartition des affaires ·Priorisation des critères ·Concrétisation des critères

Légende: La mise en oeuvre des processus de répartition des affaires est uniquement traitée de manière indirecte, sans analyser la composition du collège de juges dans des cas concrets.

26 27 28

Loi du 20.3.2009 sur le Tribunal fédéral des brevets (LTFB; RS 173.41).

Rapport de gestion 2019 des tribunaux fédéraux, tableau comparatif.

Müller, Andreas (2016): Rechtlicher Rahmen für die Geschäftslastbewirtschaftung in der schweizerischen Justiz, Stand ­ Vergleich ­ Folgerungen. Berne: Stämpfli Verlag AG.

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2.2.1

Cadre juridique

Le système judiciaire suisse est basé sur plusieurs garanties de procédures, indispensables à l'exercice de la jurisprudence, et qui assurent la qualité et la légitimité des décisions des autorités29. Parmi celles-ci figurent notamment la garantie d'un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial (art. 30, al. 1, Cst.), qui vise à interdire les tribunaux ad hoc ou ad personam et donc les tribunaux nommés arbitrairement30. Ces garanties sont également ancrées dans la CEDH (art. 6)31, ratifiée par la Suisse en 1974, ou dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques32 (Pacte II; art. 14), ratifié en 1992. Une violation de la CEDH peut être dénoncée par la personne concernée devant la Cour européenne des droits de l'homme (CoEDH), dont les jugements sont ensuite contraignants. Il n'existe pas de mécanisme similaire pour le Pacte II en Suisse33. Les implications de ces garanties sur la répartition des affaires ont été thématisées par plusieurs organes internationaux, et de nombreuses recommandations et bonnes pratiques en la matière ont été publiées. Bien que non contraignantes pour la Suisse, elles permettent de mettre en lumière ce qui est attendu des processus de répartition des affaires, et servent de lignes directrices à l'interprétation des dispositions contraignantes issues du droit suisse ou international34. On peut notamment citer les recommandations des organes suivants35: le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe; le Conseil consultatif de juges européens (CCJE), organe consultatif du Conseil de l'Europe sur les questions concernant l'indépendance, l'impartialité et la compétence des juges; la Commission de Venise, également un organe consultatif du Conseil de l'Europe sur les questions constitutionnelles; le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (Office for Democratic Institutions and Human Rights [ODIHR]), faisant partie de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE); ou encore le Réseau européen des Conseils de la Justice (European Network of Councils for the Judiciary [ENCJ]). De manière générale, selon les recommandations de ces organes internationaux, la répartition des affaires doit être déterminée par des règles générales et abstraites, évitant ainsi tout

29

30

31 32 33

34 35

Mahon, Pascal (2003): Art. 29­32. In: Aubert, Jean-François / Mahon, Pascal: Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999. Zurich: Schulthess, 262­298.

Kiener, Regina / Henseler, David (2019): Anforderungen des Europarats und der OSZE an die Spruchkörperbildung in Gerichten. In: Tanquerel, Thierry / Hottelier, Michel / Hertig, Maya / Flückiger, Alexandre (éd.): Études en l'honneur du Professeur Thierry Tanquerel: entre droit constitutionnel et droit administratif: questions autour du droit de l'action publique. Genève: Schulthess éditions romandes, 193­200, ici 193.

Convention du 4.11.1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l'homme [CEDH]; RS 0.101).

Pacte international du 16.12.1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte II; RS 0.103.2) La Suisse n'a pas adopté la procédure correspondante de «requête individuelle» telle qu'elle est prévue dans le deuxième Protocole facultatif du 15.12.1989 se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort (RS 0.103.22).

Lienhard, Andreas / Kettiger, Daniel (2013): Die Selbstverwaltung der Gerichte. In: Justice ­ Justiz ­ Giustizia 2013/3, p.8­9.

Les textes cités dans ce paragraphe sont listés dans la bibliographie.

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soupçon de manipulation de la composition de l'organe appelé à statuer qui permettrait d'influencer la décision dans un sens ou dans l'autre, et les critères de répartition des affaires doivent être objectifs, transparents et déterminés à l'avance36.

Les bases légales des différents tribunaux fédéraux stipulent uniquement que les modalités de la répartition des affaires entre les cours et la composition des cours appelées à statuer sont réglées dans un règlement (art. 22 LTF, art. 24 LTAF, art. 58 LOAP). Au sein du TFB, la disposition légale sur la composition des cours appelées à statuer (art. 21 LTFB) fixe déjà certains principes, notamment en ce qui concerne la formation (juridique ou technique) des juges de la cour appelée à statuer. Dans les autres cas, les dispositions pertinentes se retrouvent en grande partie dans les règlements des différents tribunaux, qui précisent les responsabilités et les critères de répartition des affaires (art. 40 RTF, art. 26 et 31 RTAF, art. 15 Règlement sur l'organisation du TPF [ROTPF]37, art. 7 Règlement du Tribunal fédéral des brevets [RTFB]38). À noter que les différentes cours du TAF ont également édicté des règlements qui leur sont propres et qui contiennent des dispositions relatives à la répartition des affaires39.

2.2.2

Processus de répartition des affaires

La répartition des affaires au sens large commence par l'attribution des affaires soumises à un tribunal à l'une ou l'autre des cours qui le composent, selon le domaine juridique concerné ou le type de l'affaire (notamment au TPF). Les compétences des différentes cours sont réglées de manière détaillée dans les bases légales et réglementaires des tribunaux. Dans certains cas, plusieurs cours partagent un domaine de compétence, comme les deux cours d'asile au TAF (cours IV et V), ou les questions relatives à l'assurance-invalidité entre les deux cours de droit social au TF. Les affaires concernées sont alors réparties de manière aléatoire, selon leur ordre d'arrivée, à l'une ou l'autre des cours. Au sein des cours du TAF composées de plusieurs chambres, la répartition des affaires entre les chambres est définie dans les règlements de cours. Le TFB ne possédant pas de cours, cette première étape de la répartition des affaires n'a pas lieu.

36

37 38 39

Voir également Poltier, Etienne (2011): L'organisation et le fonctionnement interne de l'ordre judiciaire et des tribunaux. In: Aktuelle Juristische Praxis / Pratique Juridique Actuelle 2011/8, 1018­1036; Fonjallaz, Jean, (2011): Garantie pour le justiciable d'un tribunal indépendant et impartial et contrôle de l'activité des tribunaux par la haute surveillance exercée par le pouvoir législatif, une coexistence difficile. In: Aktuelle Juristische Praxis / Pratique Juridique Actuelle 2011/1, 49­58; Müller 2016; Kneubühler, Lorenz (2018): Art. 22 BGG. In: Niggli, Marcel Alexander / Uebersax, Peter / Wiprächtiger, Hans / Kneubühler, Lorenz (éd.): Basler Kommentar Bundesgerichtsgesetz. Bâle: Helbing Lichtenhahn Verlag; Kettiger, Daniel (2018): Die aktuelle Bundesgerichtspraxis zur Spruchkörperbildung, eine Urteilsbesprechung. In: Justice ­ Justiz ­ Giustizia 2018/4.

Règlement du 31.8.2010 sur l'organisation du Tribunal pénal fédéral (Règlement sur l'organisation du TPF [ROTPF]; RS 173.713.161).

Règlement du 28.9.2011 du Tribunal fédéral des brevets (RTFB; RS 173.413.1).

Art. 16 Abteilungsreglement I vom 5.3.2019, art. 3 Abteilungsreglement II vom 13.2.2014, art. 10 Abteilungsreglement III vom 25.1.2014, art. 8 Abteilungsreglement IV vom du 14.6.2016 (tous ces règlements sont disponibles en allemand uniquement).

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Vient ensuite la répartition des affaires au sens strict telle qu'elle est comprise dans cette évaluation, c'est-à-dire la composition du collège de juges. La responsabilité de former le collège de juges est attribuée à la présidente ou au président de l'instance concernée: présidente ou président de la cour au TF (art. 40, al. 1, RTF) et au TPF (art. 15, al. 1, ROTPF), présidente ou président de la cour ou de la chambre au TAF si la cour est divisée en deux chambres (art. 25, al. 5, RTAF), présidente ou président du tribunal au TFB (art. 7, al. 1, RTFB).

Le nombre de juges qui se prononcent sur une affaire varie. Le collège de juges peut être composé de 1 à 5 juges (jusqu'à 7 au TFB40); cela dépend de la question juridique soulevée. À titre d'exemple, l'art. 20, al. 2, LTF précise que les cours statuent en règle générale à 3 juges, et à 5 juges lorsque la cause soulève une question juridique de principe ou si une ou un juge en fait la demande. Une cour à 3 juges sera composée d'une ou un juge rapporteur, chargé de rédiger une proposition de jugement, et de deux autres juges qui participent à la procédure. Une affaire peut également être traitée par une ou un juge unique notamment lorsqu'elle est manifestement irrecevable, que la motivation du recours est manifestement insuffisante ou que celui-ci est manifestement abusif. Le tableau 2 illustre le nombre de juges composant l'organe appelé à statuer pour les affaires liquidées par les tribunaux fédéraux en 2019.

Tableau 2 Mode de liquidation des affaires en 2019

Juge unique 2 juges1 3 juges 5 juges 7 juges Total des affaires liquidées

TF

TAF

TPF

TFB

2733 (34,4 %) ­2

2205 (30,8 %) 1646 (23,0 %)

61 (7,5 %) ­2

22 (55,0 %) ­2

4659 (58,7%) 545 (6,9 %) ­2

3287 (45,9 %) 19 (0,3 %) ­2

748 (92,5 %) ­2

7937 (100,0 %)

7157 (100,0 %)

809 (100,0 %)

14 (35,0 %) 4 (10,0 %) 0 (0,0 %) 40 (100,0 %)

­2

1

Au sein des cours IV et V du TAF, compétentes en matière d'asile, lorsqu'une ou un juge unique décide sur un recours manifestement fondé ou infondé, une ou un second juge doit donner son accord, selon l'art. 111, let. e de la loi sur l'asile41. Bien que comptabilisées en tant que décisions d'une ou un juge unique dans le rapport de gestion du TAF, ces décisions impliquent dans les faits deux juges.

2 Cette composition n'est pas prévue par les bases légales du tribunal concerné.

Source: Rapport de gestion 2019 des tribunaux fédéraux

40 41

Une composition à 7 juges est possible, mais n'a jamais eu lieu jusqu'à présent.

Loi du 26.6.1998 sur l'asile (LAsi; RS 142.31).

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2.2.3

Instruments de répartition des affaires

Afin de mettre en oeuvre ces processus, les différents tribunaux ont mis en place des instruments qui doivent permettre aux personnes responsables d'attribuer les affaires aux juges. Ces instruments sont de deux sortes. Le TF et le TAF font chacun appel à un programme informatique chargé de définir le collège de juges de manière automatique ou semi-automatique. Depuis sa prise de fonction en 2007, le TAF se base sur un programme appelé «Bandlimat» pour générer de manière aléatoire tous les membres du collège de juges. Au TF, la première ou le premier juge (juge rapporteur) est toujours désigné par la présidente ou le président de la cour, qui fait en règle générale également partie du collège. Ensuite, un programme dénommé «CompCour», introduit progressivement dans les différentes cours depuis 2012, désigne les troisièmes, et éventuellement quatrièmes et cinquièmes juges. Le TPF et le TFB ne se basent pas sur un programme informatique au sens strict, mais utilisent des listes Excel qui doivent leur permettre de prendre en considération les critères retenus pour la répartition des affaires.

2.2.4

Mise en oeuvre des processus de répartition des affaires

La mise en oeuvre des processus de répartition des affaires est l'étape qui permet de définir concrètement les juges qui seront chargés d'une affaire. Comme cela a été mentionné au chiffre 1.3.2, cette étape est analysée par le CPA de manière indirecte, à travers les documents et les entretiens menés avec les personnes responsables de cette répartition. La composition effective du collège de juges dans des cas concrets n'a pas été évaluée.

Lors de cette mise en oeuvre, la personne responsable de la répartition des affaires doit prendre en compte plusieurs critères et les prioriser afin de composer le collège de juges. Parmi les critères cités dans les règlements des tribunaux, on trouve par exemple la langue de l'affaire, la charge de travail des juges, leurs connaissances spécifiques, la participation des juges à des décisions antérieures dans le même domaine, la connexité avec d'autres affaires, ou encore l'absence des juges (art. 40, al. 2, RTF, art. 31, al. 3, et art. 32 RTAF, art. 15, al. 2, ROTPF, art. 7 RTFB).

3

Conformité vis-à-vis du cadre normatif supérieur

Les garanties constitutionnelles et internationales en lien avec l'indépendance des tribunaux et la garantie d'un juge établi par la loi ont des implications sur la répartition des affaires. Les différentes recommandations des organes cités au chiffre 2.2.1 ont constitué la base de jugement pour l'analyse de la conformité des dispositions des tribunaux vis-à-vis du cadre normatif supérieur42. L'analyse du CPA pour ce chapitre

42

Les textes concernés sont listés dans la bibliographie en fin de document.

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a fait l'objet d'une relecture par un juriste dans le cadre d'un mandat d'accompagnement juridique pour s'assurer de sa qualité. Les critères d'évaluation, tels que la qualité normative des bases légales ou l'objectivité des critères de répartition des affaires, sont listés à l'annexe 2. Le CPA estime que la majorité des exigences posées par le cadre normatif supérieur sont reprises dans les dispositions relatives à la répartition des affaires au sein des tribunaux fédéraux (ch. 3.1). Cependant, certains aspects ne sont pas totalement conformes aux recommandations internationales et méritent d'être relevés. Cela concerne notamment l'exhaustivité des bases légales et réglementaires (ch. 3.2) et les possibilités de modifications du collège de juges (ch. 3.3).

3.1

Les dispositions des tribunaux respectent globalement le cadre normatif supérieur

L'indépendance des tribunaux va de pair avec la garantie du juge constitutionnel, c'est-à-dire établi par la loi43. Chacun des quatre tribunaux fédéraux peut s'appuyer sur des bases légales et réglementaires concernant la répartition des affaires, comme le montre le tableau 3. Cela constitue la base de la garantie d'un tribunal établi par la loi. Il y aurait en effet une violation de l'art. 6 CEDH si la composition du collège de juges n'était pas du tout réglée de manière générale et abstraite44. Ceci avait déjà été reconnu par le Conseil fédéral lors de la réforme de la justice, qui soulignait alors dans son message: «le droit d'être jugé par un tribunal établi par la loi (art. 30, al. 1, Cst.)

exige l'élaboration de prescriptions générales et abstraites qui énoncent au moins les critères selon lesquels la répartition des affaires aura lieu. C'est pourquoi l'art. 20 [LTF] énonce clairement [...] que la composition des cours appelées à juger et la désignation de juges suppléants devront être réglées dans le règlement du Tribunal fédéral»45.

Tableau 3 Dispositions concernant la répartition des affaires au sein des tribunaux fédéraux Tribunal concerné

Loi

Règlement

TF

Art. 22 LTF

Art. 40 RTF

TAF

Art. 24 LTAF

Art. 26, 31, 32 RTAF

TPF

Art. 58 LOAP

Art. 15 ROTPF

TFB

Art. 21 LTFB

Art. 7 RTFB

43 44 45

Bandli, Christoph (2007): Zur Spruchkörperbildung an Gerichten: Vorausbestimmung als Fairnessgarantin. In: Justice ­ Justiz ­ Giustizia, 2007/2.

Kiener / Henseler 2019: 196 Message du Conseil fédéral du 28.2.2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale (01.023), FF 2001 4000 4085.

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Ces dispositions énoncent non seulement les responsabilités dans la composition du collège de juges (par exemple art. 40, al. 1, RTF: «La cour appelée à statuer est constituée par le président de la cour compétente.»), mais également les critères qui doivent être pris en considération pour ce faire. Afin de garantir un tribunal indépendant, ces critères doivent être objectifs. Les recommandations internationales ne sont pas très spécifiques quant aux critères à prendre en considération, mais l'on peut citer à titre d'exemple la charge de travail, la disponibilité et la spécialisation des juges ou le degré de complexité d'une affaire46. Selon la jurisprudence du TF, un critère est objectif s'il sert à régler les affaires de manière correcte et rapide47. Les critères retenus dans les bases légales et réglementaires des tribunaux fédéraux ne sont pas en contradiction avec les exemples des recommandations internationales. Ils se réfèrent à des impératifs d'efficience ou de qualité. La manière dont ces critères sont ensuite pris en considération par les personnes responsables de la répartition des affaires est discutée au chiffre 6.1.

3.2

Les bases légales et réglementaires ne sont pas exhaustives

Bien que les processus de répartition des affaires se retrouvent dans les bases légales et réglementaires des tribunaux, les aspects concernant ces processus ne sont pas présents de manière exhaustive. Or, les recommandations internationales plébiscitent des dispositions aussi explicites que possible48. Ainsi, les critères pris en compte par les tribunaux ne sont pas tous listés dans leurs dispositions respectives, ou ne sont pas tous traités de la même manière. Les absences des juges ne sont pas mentionnées dans l'art. 31, al. 3, RTAF, alors qu'elles entrent en considération49, de même que la langue au sein du TFB. Un autre exemple est celui du critère du genre, qui n'apparaît pas dans les dispositions du TPF alors qu'il est pris en considération dans certains cas sur la base d'autres dispositions légales50. Les motifs de récusation font en règle générale l'objet de dispositions spécifiques (par exemple art. 34 LTF, art. 3 et 4 des Directives concernant l'indépendance au TFB), qui règlent de manière exhaustive les cas qui constituent un motif de récusation. Cependant, ces critères ne sont pas repris dans les dispositions réglementaires sur la répartition des affaires, lesquelles listent les éléments objectifs qui peuvent être pris en compte pour constituer le collège de juges 51.

Le moment de la composition du collège de juges est également un élément du processus de répartition des affaires qui n'est pas toujours thématisé dans les bases légales et réglementaires des tribunaux. Selon les recommandations internationales, il est important que ce moment soit défini de manière transparente au sein d'un tribunal52.

46 47 48 49 50 51 52

Commission de Venise 2010: chiffre 80; ENCJ 2014 ATF 144 I 37 Kiener / Henseler 2019: 194 Le règlement interne de l'une des cours du TAF mentionne les absences.

Notamment art. 153, al. 1 ou art. 335, al. 4, CPP (RS 312.0) Les règlements internes de deux cours du TAF mentionnent explicitement les motifs de récusation comme critère de répartition des affaires.

Brunner, Arthur (à paraître): Verfassungsrechtliche Vorgaben an die Besetzung gerichtlicher Spruchkörper. Version de l'auteur du 29.9.2020.

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Cela est le cas dans les bases réglementaires du TAF, qui précisent que l'ensemble de la cour est désigné lorsqu'il apparaît que l'affaire ne relève pas du juge unique (art. 32, al. 1, RTAF), et celles du TFB, dans lesquelles il est écrit que la cour est complétée après les échanges d'écritures (art. 7, al. 3, RTFB). Le TF a abrogé un alinéa qui stipulait que «le président désigne en même temps que le juge rapporteur les autres juges appelés à statuer», ce qui laisse le moment de désigner la cour à la libre appréciation de la présidente ou du président53. Les dispositions relatives au TPF n'abordent pas du tout cet aspect.

Enfin, les bases légales et réglementaires ne sont pas explicites quant aux modalités de communication de la composition du collège de juges aux parties impliquées dans la procédure. Au niveau international, il est recommandé que celles-ci soient informées de la composition du collège de juges avant le début de l'examen de l'affaire dans un délai raisonnable compte tenu notamment des possibilités de contester l'attribution de l'affaire à une ou un juge spécifique54. La jurisprudence du TF souligne que cela ne signifie pas que les parties doivent être expressément informées de la composition du collège de juges, mais qu'il est suffisant que la liste des juges potentiels soit accessible par exemple sur Internet55. Les cours du TF et du TAF suivent cette interprétation et ne communiquent pas activement la composition56. Par contre, bien que ses bases légales restent muettes à ce niveau, le TFB communique de manière systématique la composition du collège de juges aux parties. Les dispositions du TPF ne mentionnent pas non plus cet aspect: selon les personnes rencontrées, la Cour des affaires pénales et la Cour d'appel du TPF communiquent systématiquement la composition du collège de juges aux parties, mais pas la Cour des plaintes.

3.3

Les possibilités de modifier le collège de juges ne sont pas strictement encadrées

Les recommandations internationales préconisent qu'en cas de modification du collège de juges, les critères doivent être plus stricts que lors de la composition initiale, afin de garantir qu'aucun changement n'ait lieu pour influencer la décision dans un sens ou dans l'autre57. Cela implique également que les critères pris en compte lors de la composition initiale ne suffisent pas pour justifier une nouvelle attribution; celleci doit être inévitable ou imposée par des raisons objectives58. Dans la pratique de tous les tribunaux fédéraux, il peut arriver qu'une affaire initialement attribuée à une ou un juge lui soit retirée et que cette personne soit remplacée au sein du collège. Or, les bases légales et réglementaires des tribunaux fédéraux n'abordent pas cet aspect; elles ne précisent pas que ces changements doivent rester des exceptions ou être soumis à 53

54 55 56 57 58

Dans la pratique, la composition du collège de juges a lieu en deux temps: la ou le juge rapporteur est défini en premier, puis lorsque le projet de rapport est prêt, le reste du collège de juges est désigné par un programme informatique (voir ch. 5.1.2).

ENJC 2014: 10 (recommandation 11) Voir l'arrêt du TF 1B_491/2018 du 11.1.2019, consid. 2.2 Au sein du TAF, l'une des cours communiquait jusqu'à récemment la composition du collège de juges aux parties impliquées, mais elle a depuis renoncé à cette pratique.

CCJE 2016, Kiener / Henseler 2019, Brunner à paraître Brunner à paraître

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des exigences plus strictes. À ce niveau, les règlements intérieurs de certaines cours du TAF vont plus loin que les bases juridiques valables pour l'ensemble du tribunal, en stipulant notamment que des changements sont possibles pour des raisons importantes59. Ce que sont exactement ces «raisons importantes» est cependant laissé à l'appréciation des juges.

4

Opportunité des processus de répartition des affaires

L'analyse des processus de répartition des affaires au sein des tribunaux fédéraux s'est basée sur les critères listés à l'annexe 2, tels que la clarté et la transparence des processus, la perception d'indépendance qu'ils renvoient à l'extérieur ou encore les modalités de suivi prévues. Le CPA arrive à la conclusion que les processus de répartition des affaires sont globalement adéquats, mais manquent de transparence. Ainsi, les tâches liées à ces processus ne sont pas toujours exécutées au même niveau (ch. 4.1), et ceux-ci ne sont que peu documentés (ch. 4.2). Le manque de modalités de suivi de la répartition des affaires nuit également à la transparence des processus (ch. 4.3).

4.1

Les responsabilités sont parfois déléguées

La responsabilité de former le collège de juges est explicitement du ressort de la présidente ou du président de la cour ou du tribunal dans le cas du TFB (art. 40, al. 1, RTF, art. 25, al. 5, RTAF, art. 15, al. 1, ROTPF, art. 7, al. 1, RTFB). La jurisprudence du TF a ainsi souligné à plusieurs reprises que cette tâche était du ressort des juges et ne pouvait pas être déléguée à une personne de la chancellerie ou à une greffière ou un greffier60. La portée de cette responsabilité est interprétée à des degrés divers par les présidentes et présidents de cour rencontrés. Certains estiment qu'il s'agit d'une tâche exclusivement présidentielle et effectuent alors eux-mêmes toutes les étapes de cette répartition des affaires, depuis la première lecture du cas et l'appréciation de la charge de travail des juges jusqu'à la désignation effective des juges au moyen des instruments utilisés (voir chap. 5). Cependant, d'autres cours, plus spécifiquement au sein du TF et du TAF, délèguent tout ou partie de cette responsabilité à la greffière présidentielle ou au greffier présidentiel ou à la chancellerie.

La possibilité de déléguer la répartition des affaires n'est pas contestée lorsqu'il s'agit uniquement d'appliquer des règles strictes et qu'il n'existe aucune marge de manoeuvre61. Ce n'est pourtant pas le cas de toutes les cours, dans lesquelles certaines appréciations ayant une influence sur la composition du collège de juges sont effectuées à un niveau inférieur à la présidence de la cour. Ainsi, la greffière ou le greffier présidentiel peut être chargé de désigner la ou le juge rapporteur en appréciant luimême la charge de travail des juges, la connexité des affaires peut être évaluée par la

59 60 61

Voir p.ex. art. 16, al. 2, Abteilungsreglement I, art. 10, al. 5, Abteilungsreglement III, art. 8 al. 4 Abteilungsreglement VI Kettiger 2018: 20 Kettiger 2018: 20

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chancellerie, ou celle-ci peut être chargée de reconnaître des cas spéciaux qui demandent des connaissances particulières. Les décisions concernées et donc la composition du collège de juges sont cependant encadrées et validées par la présidente ou le président de la cour.

4.2

Les processus de répartition des affaires sont peu documentés, ce qui nuit à la transparence

La répartition des affaires au sein des tribunaux se base avant tout sur les dispositions juridiques correspondantes dans les lois et règlements sur le fonctionnement de ceuxci. Ces textes permettent de dessiner les grandes lignes des processus, mais les détails de ceux-ci sont laissés à l'appréciation de la présidente ou du président de la cour, ou dans le cas du TFB, de la présidente ou du président du tribunal. Il existe peu de documents sur ces processus. Le TF et le TAF ont la particularité de faire appel à des programmes informatiques pour la répartition des affaires. Dans ce cadre, des explications ont été rédigées sur le fonctionnement de ces systèmes (voir ch. 5.1), mais celles-ci ne concernent pas les processus au sens large.

Les entretiens menés avec les acteurs externes aux tribunaux reflètent le peu d'informations disponibles sur les processus de répartition des affaires. En effet, bien que ces personnes soient familières du fonctionnement d'un ou plusieurs tribunaux fédéraux, leurs connaissances de la répartition des affaires sont très générales. Elles s'accordent à dire que ce thème est étroitement lié à la transparence des institutions judiciaires, et donc à la confiance que la population peut avoir envers les tribunaux62. La transparence des processus de répartition des affaires est également jugée centrale par un grand nombre de personnes rencontrées au sein même des tribunaux fédéraux, ainsi que par la Cour européenne des droits de l'homme 63. Actuellement, elle n'est cependant que partiellement garantie.

4.3

Le suivi de la répartition des affaires est rare

L'objectif d'un suivi de la répartition des affaires est de s'assurer du respect des processus et des critères utilisés, et d'éviter ainsi toute apparence d'arbitraire64. Seul le TF établit à l'intention de la cour plénière un rapport annuel sur le respect des critères de composition des cours appelées à statuer (art. 42 RTF). Ce rapport succinct, également transmis aux CdG, se concentre principalement sur les motifs de modifications du collège de juges, mais les données ne sont pas complètes, car les totaux ne correspondent pas à la somme des différents motifs de modifications listés. Cette pratique

62 63 64

Voir aussi Schneuwly, Anne Mirjam (2020): Das Vertrauen der Schweizer Bevölkerung in die Gerichtsbarkeit. In: Justice ­ Justiz ­ Giustizia 2020/1, 1­22.

CoEDH, Miracle Europe Kft v. Hungary, No 57774/13, ch. 57 Message du Conseil fédéral du 28.2.2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale (01.023), FF 2001 4000; Commission de Venise 2010.

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n'a pas d'équivalent dans les autres tribunaux, qui n'ont pas prévu de suivi institutionnel de la répartition des affaires65. Ces informations seraient pourtant disponibles au TAF, puisqu'une fiche d'information décrivant les étapes de la composition de la cour peut être exportée du système informatique pour chaque cas (voir ch. 5.1.1), mais ces données ne sont pas systématiquement collectées et analysées. En revanche, les processus du TPF et du TFB ne prévoient pas que les motifs d'attribution des affaires soient documentés (voir ch. 5.2). Le TFB a souligné à cet égard qu'en raison du secret professionnel, il n'est pas possible de documenter en détail les raisons qui ont poussé une ou un juge à se récuser. Toutefois, il serait souhaitable, pour la transparence de la répartition des affaires, de documenter au moins le nombre de récusations.

Les entretiens réalisés par le CPA montrent également que la répartition des affaires est peu thématisée au sein même des tribunaux, les «bonnes pratiques» en termes de répartition des affaires ayant rarement été abordées au sein des organes réunissant les présidentes et présidents de cour, ou de manière informelle entre les juges. Plusieurs personnes rencontrées soulignent qu'un contrôle indirect peut avoir lieu au sein des cours, car les membres de celles-ci peuvent s'adresser à la présidente ou au président en cas de doute sur les raisons de l'attribution d'une affaire à une ou un juge particulier. Aucune des personnes interrogées n'a cependant fait part de conflits internes liés à la composition du collège de juges.

En tant qu'autorité de surveillance sur les tribunaux de première instance, le TF exerce une surveillance administrative sur la gestion du TAF (art. 3 LTAF), du TPF (art. 34 LOAP) et du TFB (art. 3 LTFB). Les processus de répartition des affaires ne font pas l'objet de discussions systématiques. Le TF s'est penché récemment sur cette thématique dans le cadre d'une dénonciation en matière de surveillance concernant le TAF66, mais n'a pas constaté de manquement organisationnel. Au-delà de ce contexte de surveillance, la répartition des affaires ne fait pas l'objet d'échanges réguliers entre les tribunaux, qui certes font face à des conditions-cadres différentes, mais qui partagent également des préoccupations similaires (voir ch. 6.3). Les quelques
fois où cela a été thématisé, il s'est agi de discussions sur les programmes informatiques utilisés (voir ch. 5.1), mais qui n'ont pas été poursuivies puisque chaque tribunal utilise des instruments différents.

5

Opportunité des instruments de répartition des affaires

Les instruments de répartition des affaires ont notamment été analysés sous l'angle de leur utilisation par les tribunaux fédéraux ou de leur conformité vis-à-vis des processus définis (voir la liste des critères d'évaluation à l'annexe 2). Le CPA arrive à la conclusion que les programmes informatiques fonctionnant sur la base d'un algorithme sont globalement adéquats, même si leur potentiel n'est pas totalement exploité

65 66

Les attributions des affaires qui sont effectuées par les programmes informatiques du TF et du TAF sont cependant enregistrées dans le système, voir ch. 5.1.

Affaire 12T_3/2018

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(ch. 5.1). La pertinence des autres instruments ­ notamment des listes Excel ­ est remise en question, car ils ne servent la répartition des affaires que de manière secondaire (ch. 5.2).

5.1

Le recours à des programmes informatiques est pertinent, mais pas totalement exploité

Le TAF et le TF se basent tous deux sur des programmes informatiques qui permettent de générer tout ou partie du collège de juges de manière automatique. Le fonctionnement de ces systèmes est relativement différent67. De manière générale, de tels systèmes permettent d'objectiver la composition du collège de juges68 et sont perçus positivement par les présidentes et présidents de cour, responsables de la répartition des affaires. Ils sont également perçus de manière très positive par les acteurs externes aux tribunaux rencontrés par le CPA qui, bien que n'ayant pas de connaissances approfondies de leur fonctionnement, leur attribuent un grand potentiel d'objectivation dans la sélection des juges appelés à statuer. Au sein même du TF et du TAF, les juges ont également une grande confiance en ces programmes, sans forcément en comprendre le fonctionnement exact.

5.1.1

Le programme «Bandlimat» au TAF: un système pionnier qui arrive au bout de ses capacités

Suite à la réforme de la justice, le TAF a été créé pour prendre le relais des nombreuses commissions fédérales et services de recours rattachés aux différents départements fédéraux. Parmi ceux-ci se trouvait la Commission de recours en matière d'infrastructures et d'environnement, qui disposait déjà d'un système automatique de composition du collège de juges. Ce système, développé par une entreprise privée en 2002, a été adapté par cette même entreprise pour répondre aux besoins du TAF69. L'algorithme qui sous-tend la répartition des affaires effectuée par ce programme, appelé «Bandlimat», se base sur plusieurs données, qui concernent d'une part les juges, et d'autre part les affaires qui doivent être traitées. L'application permet ainsi de définir les langues de travail des juges en tant que juge instructeur (premier juge, qui implique une maîtrise parfaite de la langue) ou comme autre juge (des connaissances passives suffisent), ainsi que leur disponibilité et leurs domaines de spécialisation éventuels.

L'algorithme du «Bandlimat» met ces données en relation avec les caractéristiques de l'affaire concernée (langue de l'affaire, domaine juridique, pondération éventuelle), et définit dans un premier temps le juge instructeur en choisissant, parmi les juges qui remplissent les conditions de langue et de spécialisation, celle ou celui qui a la charge

67

68 69

Voir notamment Meyer, Lorenz / Tschümperlin, Paul (2012): Zusammensetzung des Spruchkörpers ­ Auswahl oder Automatisierung? In: Justice ­ Justiz ­ Giustizia 2012/1; Schuppisser, Alexander (2007): Vorausbestimmte Spruchkörperbesetzung am Bundesverwaltungsgericht. In: Justice ­ Justiz ­ Giustizia, 2007/2.

Kettiger 2018: 19­20 Schuppisser 2007

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de travail la plus basse au moment de l'attribution70. Les autres juges sont définis par le système également sur la base de leur charge de travail. Toute intervention dans la composition automatique du collège de juges doit être justifiée par un commentaire.

À titre d'exemple, le «Bandlimat» permet de désactiver certains juges, pour une affaire spécifique ou sur une plus longue durée, afin que ceux-ci soient exclus de la liste des juges potentiels. L'algorithme tient également compte du principe de la plus grande mixité possible, qui veut que les juges travaillent avec chaque juge instructeur aussi souvent que possible. Dans la pratique, cependant, il a été démontré que l'algorithme assemble certaines personnes plus souvent que d'autres.

Figure 2 Interface du TAF pour la composition du collège de juges («Bandlimat»)

Légende: 1) numéro de dossier; 2) langue de l'affaire (certaines cours peuvent aussi définir des domaines spécifiques); 3) possibilité de choisir manuellement les juges; 4) champ de commentaire; 5) lancement de la composition automatique de la cour. La figure a été anonymisée par le CPA.

Source: Handbuch Fallzuteilungssoftware «Bandlimat», p.8 (en allemand uniquement)

70

L'algorithme ne reflète pas tout à fait la charge de travail à proprement parler, car il ne tient pas compte des affaires liquidées. Chaque attribution de dossier est comptabilisée dans le système et influence le solde de dossiers de chaque juge: lorsque l'affaire lui est attribuée, son solde augmente, et celui des autres juges diminue. Une nouvelle affaire est attribuée au ou à la juge remplissant les critères nécessaires (langue, spécialisation, etc.)

qui a le solde de dossiers le plus bas au moment de la répartition.

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Le CPA estime que le système actuel permet dans une large mesure d'objectiver la composition du collège de juges, puisque celui-ci est entièrement défini par l'algorithme. Cependant, l'apparition de nouveaux besoins a entraîné de nombreuses modifications et l'intégration progressive de plusieurs fonctionnalités qui n'avaient pas été prévues dès le début: désactivation des juges, pondération des dossiers, définition de domaines juridiques, élargissement du collège à 5 juges. Chaque modification a fait l'objet d'une procédure d'offre de la part de l'entreprise privée, dont certaines ont été implémentées uniquement pour les besoins d'une cour. Par ailleurs, certains besoins ne peuvent actuellement pas être pris en compte par le programme, et les cours sont alors obligées de modifier la composition du collège de juges pour prendre en compte ces critères. Ainsi, les cours d'asile doivent faire face à des délais parfois très serrés, et lorsque les juges désignés par le «Bandlimat» ne sont pas disponibles par exemple pour cause de vacances, elles font appel à un système de remplacement manuel selon des listes alphabétiques. Par ailleurs, ces cours ont également comme règle d'avoir deux juges de langue maternelle au sein du collège, ce qui implique de devoir modifier la composition telle que définie par le «Bandlimat» lorsque ce critère n'est pas réalisé, car il n'est pas prévu par l'algorithme. D'autres exemples peuvent être cités, comme la difficulté pour le programme de prendre en compte correctement les petits taux d'occupation ou le rôle de juge instructeur dans plusieurs langues. Le TAF est conscient de ces lacunes, mais elles ne peuvent être que partiellement comblées par le système actuel qui ne correspond plus à ce qui est attendu de lui par le tribunal. La question pour le TAF est donc de savoir si un programme entièrement nouveau doit être développé pour exploiter le potentiel d'une répartition automatique des affaires 71.

5.1.2

Le programme «CompCour» au TF: des possibilités non exploitées pour objectiver la répartition des affaires

Selon les documents analysés, l'application «Bandlimat» utilisée au TAF n'était pas compatible avec les standards informatiques du TF. Celui-ci a alors développé son propre système, appelé «CompCour». Le mandat assigné au service informatique du tribunal en 2008 précise que l'objectif premier était de «faciliter la tâche des présidents dans l'application des critères» de répartition des affaires et de répondre ainsi à l'exigence introduite à l'art. 42 RTF d'établir un rapport sur le respect de ces critères.

L'impulsion pour le développement de ce programme est venue des CdG, qui demandaient plus de transparence. Un certain scepticisme s'est fait ressentir au sein du TF; selon les documents internes du tribunal, la première étape du projet était de «convaincre les présidents de cour de renoncer à la gestion des attributions de dossier et de la désignation des cours à l'aide de listes le plus souvent manuscrites».

Actuellement, le programme informatique ne s'applique qu'aux troisièmes, éventuellement quatrièmes et cinquièmes juges du collège. Le ou la juge rapporteur (premier juge) est désigné manuellement par la présidente ou le président de la cour, qui fait

71

Une étude, menée par les Prof. Kiener et Lienhard, est actuellement en cours sur le système utilisé par le TAF.

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lui-même partie du collège de juges (deuxième juge), sauf motif de récusation72. En fonction des caractéristiques du cas, saisies dans «CompCour» (représentation des deux genres nécessaire, urgence du cas, spécialisation au sein du collège de juges nécessaire) et du nombre de juges nécessaires, l'algorithme désigne les juges en tenant compte de leurs spécialisations éventuelles et surtout de leur charge de travail, définie comme le nombre de dossiers qui leur ont déjà été attribués (voir Figure 3). Toute modification du collège de juges tel que désigné par «CompCour», ou toute désignation manuelle des troisièmes, quatrièmes ou cinquièmes juges doivent être justifiées par un commentaire.

Figure 3 Interface du TF pour la composition du collège de juges («CompCour»)

Légende: 1) numéro de dossier; 2) statut du dossier; 3) juge rapporteur, défini manuellement; 4) greffier; 5) caractéristiques de l'affaire; 6) lancement de la composition automatique de la cour. La figure a été anonymisée par le CPA.

Source: Benutzerhandbuch «CompCour», p.1 (en allemand uniquement)

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C'est alors la vice-présidente ou le vice-président qui le remplace.

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Du point de vue du CPA, l'utilisation du programme «CompCour», bien que jugée de manière très positive par les présidentes et présidents des cours du TF, n'atteint pas son potentiel en ce qui concerne l'objectivation de la composition du collège de juges.

«CompCour» contribue peu à la composition du collège de juges, puisque la ou le juge rapporteur est désigné manuellement par la présidente ou le président de la cour, qui fait lui-même partie du collège. Étant donné le nombre de cas ayant été jugés par 1, 3 ou 5 juges au TF (voir tableau 2, ch. 2.2.2), le programme informatique a été mis à contribution, selon les processus, pour déterminer uniquement un tiers des juges qui se sont prononcés sur une affaire en 2019 (les troisièmes, éventuellement quatrièmes et cinquièmes juges). Ce chiffre doit par ailleurs être encore relativisé, car il ne tient pas compte du fait que quatre cours sur sept sont actuellement composées de 5 juges.

Si cela exclut toute intervention externe pour désigner les juges qui se prononceront sur une question de principe (le collège doit être composé de 5 juges selon l'art. 20, al. 2, LTF), cela réduit aussi la pertinence de l'utilisation du programme «CompCour».

Lors du développement du programme, une désignation de la ou du juge rapporteur de manière automatique, plutôt que manuelle par la présidente ou le président de cour, a été discutée par la Conférence des présidents, organe qui rassemble les présidentes et présidents des différentes cours. La Conférence a cependant rejeté cette option, avec l'argument que les réflexions qui sous-tendent cette «désignation intellectuelle», et notamment la prise en compte des connaissances spécifiques des juges, sont «non programmables»73. Pourtant, de telles spécialisations peuvent être paramétrées dans «CompCour» et entrer en considération pour désigner les autres juges du collège. La nécessité de faire intervenir un facteur humain ne convainc donc pas totalement, ce d'autant plus que le choix est restreint: chaque cour étant composée de 5 ou 6 juges, la ou le juge rapporteur doit souvent être choisi parmi seulement deux ou trois juges entrant en ligne de compte, puisque la ou le juge désigné doit être de langue maternelle.

Par ailleurs, le TF est d'avis que l'art. 32, al. 1, LTF, qui stipule que «le président de la cour ou un juge
désigné par lui dirige la procédure au titre de juge instructeur jusqu'au prononcé de l'arrêt», justifie le fait que la désignation de la ou du juge instructeur (ou juge rapporteur) ait lieu manuellement. Le CPA cependant est d'avis que la manière de désigner ce juge reste ouverte et qu'un programme informatique peut également être utilisé pour désigner la ou le juge instructeur, comme cela est le cas au TAF (voir ch. 5.1.1). Preuve en est que les troisièmes, quatrièmes et cinquièmes juges sont désignés par «CompCour», alors que l'art. 40, al. 1, RTF stipule que «la cour appelée à statuer est constituée par le président de la cour compétente».

Par ailleurs, la prise en compte des absences des juges par le programme «CompCour» est lacunaire. Les données statistiques livrées par le TF pour l'année 2018 indiquent que 25 % des modifications (79 cas sur 313) sont justifiées par des absences. Ce critère devrait pourtant être pris en compte par «CompCour»: une personne absente peut être désactivée de la liste des juges potentiels pour une certaine période. Même si le nombre de modifications pour cause d'absence reste très faible comparé au nombre

73

Voir également Meyer / Tschümperlin 2012

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d'affaires traitées par le TF, cela montre que le système n'est pas exploité au maximum de son potentiel pour objectiver la composition du collège de juges et ainsi augmenter la confiance des justiciables envers le TF.

5.2

Les instruments de répartition des affaires au TPF et au TFB sont rudimentaires

Le TPF et le TFB n'utilisent pas de programme informatique pour générer de manière automatique le collège de juges, mais se basent sur des listes Excel. Bien que ces instruments soient considérés comme étant adaptés aux besoins par leurs utilisateurs respectifs, l'analyse de ces listes met en évidence qu'elles n'ont pas été développées spécifiquement pour la répartition des affaires mais plutôt pour la gestion des affaires, notamment au TPF. De nombreux champs sont donc insignifiants pour la répartition des affaires, tandis que d'autres informations essentielles à cette tâche sont manquantes. Les trois cours du TPF utilisent des listes similaires recensant les différentes affaires de la cour et les juges auxquels elles ont été attribuées. La charge de travail des juges peut être extraite de ce document, en regardant combien de dossiers leur ont été attribués, mais les autres critères de répartition des affaires tels que la langue, les absences des juges ou les domaines de compétence spécifiques ne peuvent actuellement pas être pris en compte au moyen des instruments utilisés. Cela s'effectue donc de manière informelle, basé uniquement sur les connaissances qu'a la présidente ou le président vis-à-vis des membres de sa cour. La question se pose également de savoir s'il serait pertinent pour le TPF d'adopter un programme informatique pour effectuer cette répartition des affaires de manière automatisée. Ainsi, un rapport du Groupe d'États contre la corruption (GRECO), paru en 2016, encourageait le tribunal à poursuivre les réflexions en ce sens74. Il est en effet difficile de garder une vue d'ensemble sur les affaires attribuées et les juges potentiels lorsque de nombreuses affaires doivent être réparties. Or, plus de 800 affaires ont été introduites en 2019 au sein de la Cour des plaintes.

Au sein du TFB, le président du tribunal se base sur deux documents complémentaires pour composer le collège de juges. D'une part, une liste contient des informations sur les juges comme leur formation (juridique ou technique), leur langue de travail et, pour les juges de formation technique, leurs domaines d'expertise. Une deuxième liste comptabilise le nombre d'affaires qui ont été attribuées aux juges. Ces deux listes sont relativement rudimentaires, mais elles permettent de restreindre le choix de manière
pertinente. Le CPA estime donc justifié pour un tribunal comme le TFB, qui doit répartir moins de 50 affaires par année, d'utiliser ce genre d'instruments plutôt que des programmes informatiques. Cependant, les instruments ne sont pas conçus de manière à ce que la répartition des affaires puisse être retracée de manière systématique. À titre d'exemple, seuls les cas de récusation des juges ayant été invités par le président du TFB à faire partie du collège de juges sont recensés dans le système de gestion des affaires. Le secret professionnel ne permet pourtant pas de documenter les motifs concrets de la récusation. Les cas de récusation anticipés par le président suite à des récusations de certains juges dans d'autres cas ne sont cependant pas documentés, même 74

GRECO 2016: 35

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si cela survient régulièrement vu l'importance des juges suppléants (voir ch. 2.1.4).

Au lieu d'anticiper les récusations, il est également possible de consulter des registres publics afin de déterminer si une ou un juge, son employeur ou son cabinet a des liens avec des personnes parties au procès susceptibles d'affecter son indépendance. Bien que le site Internet du TFB renvoie à ces registres, ils ne sont pas utilisés par le président lors de la composition des cours.

Le programme informatique du TAF est certes l'instrument le plus important pour la répartition des affaires, mais ce n'est pas le seul. Les deux cours d'asile utilisent également des listes alphabétiques pour déterminer la ou le juge qui remplacera un membre du collège de juges désigné par le «Bandlimat» si celui-ci est absent au moment de la mise en circulation du projet d'arrêt (voir ch. 5.1.1). Au TF, la désignation de la ou du juge rapporteur n'est pas effectuée par le logiciel «CompCour», mais manuellement par les présidentes et présidents de cour. Cependant, aucun instrument spécifique n'est mentionné par ceux-ci, si ce n'est les statistiques sur les dossiers traités par les différents juges, tirées du programme interne de gestion des affaires du TF.

6

Opportunité de la mise en oeuvre des processus de répartition des affaires

La mise en oeuvre des processus de répartition des affaires a été abordée de manière indirecte par le CPA, sans qu'il ne se penche sur la composition des cours dans des cas concrets. Il s'est basé sur les informations relatives à la mise en oeuvre des processus contenues dans les documents et les entretiens menés. L'analyse repose sur les critères listés à l'annexe 2, tels que la concrétisation adéquate des critères de répartition des affaires, ou l'application justifiée de la marge de manoeuvre. Le CPA constate un manque d'uniformité dans la manière de prendre en compte les critères pour composer le collège de juges (ch. 6.1) et dans la priorisation de ceux-ci (ch. 6.2). Si les spécificités des tribunaux justifient certaines différences, d'autres soulèvent quand même des questions (ch. 6.3).

6.1

Les critères ne sont pas appliqués de manière uniforme

Les critères qui interviennent dans la répartition des affaires sont multiples. D'un point de vue juridique, leur objectivité n'est pas remise en question, car ils se réfèrent à des impératifs d'efficience ou de qualité (ch. 3.1). Cependant, la manière dont ces critères sont appliqués varie considérablement d'un tribunal à l'autre, et même d'une cour à l'autre. Le tableau 4 liste les critères qui sont utilisés par les différents tribunaux et indique s'ils sont explicitement mentionnés dans les bases légales et réglementaires au niveau du tribunal. L'interprétation qui en est faite par les différentes cours est ensuite discutée brièvement.

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Tableau 4 Critères de répartition des affaires au sein des tribunaux fédéraux Critère

TF

TAF

TPF

TFB

Langue des juges Charge de travail des juges Connaissances spécifiques des juges Genre Participation des juges à des décisions antérieures Connexité des affaires Absences des juges Appartenance politique







()





()






()


()


()



()

() ()




()

Légende: = critère appliqué dans une ou plusieurs cours du tribunal et mentionné dans les bases légales ou réglementaires du tribunal concerné; () = critère utilisé dans la pratique par une ou plusieurs cours du tribunal, mais pas mentionné dans les bases légales ou réglementaires du tribunal concerné.

Source: bases légales et réglementaires des tribunaux, entretiens avec les présidentes et présidents de cour

La langue des juges est un critère qui est appliqué par tous les tribunaux pour désigner la ou le juge rapporteur, c'est-à-dire la personne qui sera chargée de rédiger l'arrêt. Il est en effet raisonnable d'exiger que la langue maternelle de celle-ci soit la même que la langue de l'affaire concernée, afin d'assurer un jugement de qualité75. Les cours IV et V du TAF exigent qu'une ou un deuxième juge doit également être de langue maternelle, en plus du juge instructeur, sans que cette interprétation ne soit basée sur des spécificités de ces cours76. Il est aussi intéressant de noter que ce critère est appliqué au TFB alors qu'il n'est pas ancré dans ses bases légales et réglementaires (voir ch. 3.2).

Tous les tribunaux fédéraux prennent également en compte la charge de travail des juges pour composer la cour appelée à statuer. Certaines cours estiment que les affaires se valent, et se basent alors sur le nombre de dossiers, alors que d'autres pondèrent les affaires de manière informelle ou selon des échelles prédéfinies. À titre d'exemple, au sein de la Cour d'appel du TPF, les révisions sont en règle générale classifiées «small» tandis que les appels sont classifiés entre «small» et «extra large» 75 76

Les autres juges doivent avoir des connaissances passives des autres langues officielles.

Le TAF a souligné lors de la consultation de ce rapport qu'une telle règle se justifiait pour les cours d'asile par leur charge de travail élevée, qui requiert une efficience dans le traitement des cas, et car l'examen des faits, en particulier de la crédibilité, nécessite souvent une analyse très précise des déclarations, et donc une connaissance appropriée des langues. Le CPA ne partage pas cet avis: les déclarations mentionnées par le TAF sont de toute façon normalement traduites d'autres langues étrangères, et un traitement efficace des cas est nécessaire dans toutes les cours.

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selon une liste de critères plus ou moins stricts établie par les juges de la Cour, tel par exemple le nombre de parties. Dans tous les cas, la présidente ou le président de cour bénéficie d'une certaine marge de manoeuvre pour apprécier le poids d'une affaire entrante.

Certaines cours intègrent les connaissances spécifiques des juges comme critère supplémentaire dans la répartition des affaires, en plus de la spécialisation inhérente aux domaines de compétences des différentes cours. Cela est certes pertinent au TFB, qui doit se prononcer sur des affaires techniques, ou dans les cours qui doivent gérer un large spectre de matières comme la Cour II du TAF, qui a plus de 50 lois fédérales à appliquer. Cependant, l'avis dominant parmi les personnes rencontrées est qu'une trop grande spécialisation n'est pas souhaitable, au risque de freiner la confrontation d'idées et le développement de la jurisprudence.

La prise en compte d'une représentation équilibrée au niveau du genre n'est pas un critère pertinent pour toutes les cours. À titre d'exemple, il n'entre pas en considération lorsqu'il s'agit pour le TFB d'apprécier des questions de droit des brevets. En revanche, c'est un critère qui s'avère pertinent lorsque la question juridique soulevée concerne elle-même l'aspect du genre. Mis à part certaines dispositions contraignantes77, la présidente ou le président de cour est libre de décider dans quelle mesure ce critère est pris en compte lors de la répartition des affaires.

Les quatre tribunaux fédéraux prévoient que la participation des juges à des décisions antérieures dans la même matière soit prise en compte pour répartir les affaires entre les juges, pour des raisons d'efficacité, les juges connaissant déjà le dossier. Pour les mêmes raisons, et notamment pour garantir l'uniformité de la jurisprudence, les liens de connexité entre plusieurs affaires peuvent justifier qu'elles soient toutes attribuées au même collège de juges. Cependant, la manière de définir si certains cas sont connexes ou pas varie et n'est pas une règle absolue, ce qui laisse une marge de manoeuvre au moment de la répartition des affaires.

Dans certains cas, l'absence des juges pour cause de vacances ou de maladie peut être prise en compte dans la composition de la cour appelée à statuer. La raison invoquée est celle de
l'efficience et de la célérité de la justice. La durée à partir de laquelle une ou un juge ne rentrera pas en considération et sera retiré de la liste des juges potentiels varie de 2 à 20 jours ouvrables selon les cours au sein même d'un tribunal, ce qui représente une grande différence. La définition de cette durée, lorsqu'elle ne dépend pas de délais légaux, revient à la présidente ou au président de la cour, parfois en discussion avec les juges de la cour concernée.

Enfin, même si l'appartenance politique des juges n'est pas citée dans les bases légales et réglementaires des tribunaux, c'est le critère qui cristallise les critiques venant des acteurs externes rencontrés. Le mode d'élection des juges par le Parlement prévoit une représentation équilibrée des forces politiques au sein des tribunaux, sauf pour le TFB, pour lequel l'appartenance politique n'est pas un critère d'élection78. Le fait que 77 78

Une représentation équilibrée est obligatoire dans les cas cités notamment à l'art. 153, al. 1 ou art. 335, al. 4, CPP (RS 312.0).

Groupe d'États contre la corruption (GRECO) (2016): Prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs, Rapport d'évaluation, Suisse. Strasbourg: Conseil de l'Europe.

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l'appartenance politique soit par ailleurs un critère électoral sous-entend que ce critère a une certaine influence sur la manière dont les juges interprètent le droit. Or, il n'est plus pris en considération lors de la répartition des affaires. Cette option a été récemment discutée par les présidentes et présidents de cour au TF, mais volontairement laissée de côté: les questions de principe sont traitées en composition à 5 juges, ce qui assure qu'il n'y aura pas de majorité d'un parti, étant donné qu'une cour comporte entre 5 et 6 juges et que, selon une règle interne au TF mais non écrite, les juges d'une cour ne peuvent pas appartenir majoritairement à un parti. L'appartenance politique peut toutefois être prise en considération au TF lorsqu'un parti politique est partie au procès. La grande majorité des personnes rencontrées dans les différents tribunaux estime que la prise en compte de l'appartenance politique dans l'attribution des affaires engendrerait un message contre-productif vis-à-vis de l'indépendance des juges, qui veut que ceux-ci ne soient pas des «soldats de leur parti». Si l'appartenance politique des différents juges est affichée sur les sites Internet du TAF et du TPF, ce n'est pas le cas du TF.

Enfin, de manière générale, le tableau 4 met en évidence que les critères appliqués par le TFB sont peu nombreux, et que beaucoup de critères utilisés dans la pratique par le TAF ne sont pas recensés dans ses bases légales et réglementaires. Ils le sont cependant parfois dans les règlements internes des cours, qui ne sont pas publiés.

6.2

La priorisation des critères ne peut être retracée qu'avec les programmes informatiques

Aucune priorisation des critères de répartition des affaires n'est entreprise dans les bases légales ou réglementaires des tribunaux, ni dans les documents internes à ceuxci. Cela favorise également une mise en oeuvre différenciée des processus et soulève des questions quant au respect de l'objectivité dans l'application de ces critères. Dans la pratique, la grande majorité des cours donne la préséance à la langue pour définir la ou le juge rapporteur, étant donné qu'il sera de sa responsabilité de rédiger l'arrêt.

Quelques présidentes ou présidents au sein des différents tribunaux soulignent cependant que le critère de la langue peut être relégué au deuxième plan afin de prendre en considération les connaissances particulières d'une ou un juge. Toutefois, il n'existe aucune ligne directrice au sein des tribunaux fédéraux pour définir quels sont les cas qui justifient que les compétences priment sur la langue du juge.

La priorisation des autres critères est encore moins claire, et dépend du tribunal, voire de la cour, ainsi que des caractéristiques de l'affaire considérée. De manière générale, la charge de travail et les connaissances spécifiques sont déterminantes, sans que l'un des deux critères n'aient la priorité absolue sur l'autre, comme le relèvent notamment les présidents des cours au TPF. L'une des exigences spécifiques du TFB est que la cour comprenne au minimum une ou un juge de formation technique et une ou un juge de formation juridique (art. 21 LTFB). Le domaine de compétence revêt alors une importance particulière, ce d'autant plus que la langue ­ bien que considérée en premier ­ est rarement discriminante; plus de 90 % des affaires soumises au TFB en 2019

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sont en allemand79, et la documentation est de toute façon souvent rédigée en anglais.

Au vu des nombreux cas de récusation liés aux activités professionnelles parallèles des juges suppléants, qui sont parfois anticipés lors de la répartition des affaires, le choix des juges pour composer le collège est généralement très restreint, voire inexistant, une fois que la langue et le domaine de compétences ont été pris en compte. Par ailleurs, les modalités du choix des juges de formation juridiques ne sont pas précisées, ni la définition du nombre de juges techniques respectivement juridiques qui siégeront dans la cour appelée à statuer.

Les critères programmés dans les logiciels informatiques du TF et du TAF sont automatiquement pris en considération lors de l'utilisation de ces programmes. Certains font office de filtres, comme la langue, les absences éventuelles ou les connaissances spécifiques des juges. La sélection finale se fait dans les deux programmes en fonction de la charge de travail des juges potentiels80. Les compositions du collège de juges peuvent certes être modifiées, mais toute intervention manuelle dans ces systèmes doit être accompagnée d'un commentaire. Il est donc quand même possible au cas par cas d'en déduire les priorités accordées aux différents critères.

Dans les cas où la décision d'attribution d'une affaire est prise par une présidente ou un président en exerçant sa marge d'appréciation, les recommandations internationales précisent que cette décision devrait être susceptible de contrôle81, ce qui implique qu'elle puisse être retracée. Cela n'est pas possible si la priorisation des critères n'est pas explicite.

6.3

Les spécificités des différentes cours et tribunaux justifient uniquement en partie les différences de mise en oeuvre

Il est important de souligner que les quatre tribunaux étudiés dans cette évaluation sont des entités distinctes les unes des autres, qui font face à des réalités très différentes, qu'il s'agisse du nombre d'affaires traitées, du nombre de juges dont ils disposent, de la durée moyenne d'une affaire, ou encore de l'ampleur du domaine juridique concerné82. À titre d'exemple, le TF, en tant qu'autorité judiciaire suprême de la Confédération, ne revoit en règle générale pas l'état de fait, mais limite son examen aux questions de droit83. De telles différences se retrouvent entre les différentes cours au sein d'un même tribunal, car elles font face à un volume d'affaires pouvant aller du simple au quintuple entre deux cours du TAF par exemple 84. Certains domaines juridiques sont également liés à des délais particulièrement stricts, comme c'est le cas de

79 80 81 82 83 84

Rapport de gestion 2019 des tribunaux fédéraux, p. 89 Le programme «Bandlimat» au TAF ne calcule pas la charge de travail actuelle des juges, mais le nombre de dossiers qui leur ont été attribués. Voir ch. 5.1.1.

Commission de Venise 2010: 18.

Rapport de gestion 2019 des tribunaux fédéraux, tableau comparatif.

Meyer, Ulrich (2020): Gedanken zu einer zeitgemässen Justiz. Ansprache des Bundesgerichtspräsidenten am Schweizerischen Juristentag 2019. In: SJZ-RSJ 1/2020, 27­31.

Rapport de gestion 2019 des tribunaux fédéraux, p.72.

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certains recours en matière d'asile (art. 109, al. 3, LAsi85), et le nombre de juges dont dispose une cour au sein d'un même tribunal peut également varier 86.

Ces différences ont une influence notamment sur la prise en compte de la charge de travail (une affaire conséquente demandera plus de travail et donc un traitement plus long), des connaissances spécifiques (s'il y a beaucoup de domaines différents au sein d'une cour, il est raisonnable de tenir compte de ce critère), ou encore des absences (une affaire devant être jugée en 5 jours ne peut pas être attribuée à une ou un juge absent pendant une semaine). Sans s'être penché sur des cas concrets, le CPA estime que les raisons invoquées par les personnes rencontrées sont de manière générale pertinentes pour justifier les différences dans la mise en oeuvre de la répartition des affaires.

Cependant, certains écarts de pratique ne se justifient pas entièrement par les spécificités mentionnées. Ainsi, les présidentes et présidents de cour traitent les modifications du collège de juges de manière très différente, certains s'efforçant d'intervenir le moins possible dans les compositions initiales, d'autres affirmant y recourir régulièrement sans s'efforcer que cela reste des exceptions87. Bien que les motifs avancés de manière générale pour entreprendre de telles modifications soient raisonnables (par exemple récusation des juges, absences prolongées, surcharge de travail), le manque de clarté du cadre juridique (ch. 3.3) entraîne une marge de manoeuvre que les présidentes et présidents utilisent différemment pour composer le collège de juges. Cela s'applique aussi à la durée de l'absence prise en compte pour écarter une ou un juge de la cour potentielle, qui varie de 2 à 20 jours sans que le type d'affaires concerné ne le justifie.

Par ailleurs, les différences concernant l'exhaustivité des bases légales et réglementaires ne sont pas non plus expliquées par le cadre institutionnel des tribunaux (ch. 3.2), ni l'hétérogénéité des pratiques concernant la délégation des tâches liées à la répartition des affaires au sein même du TF ou du TAF (ch. 4.1) ou l'élaboration de rapports de suivi, qui a lieu uniquement au TF (ch. 4.3). Le fait que la ou le juge instructeur soit désigné par le programme informatique au TAF (ch. 5.1.1) mais pas au TF (ch. 5.1.2)
peine également à convaincre, car les connaissances spécifiques d'une ou un juge peuvent être prises en considération par les deux systèmes. Par ailleurs, le CPA arrive à la conclusion que la désignation automatique de la ou du juge rapporteur au TF n'est pas incompatible avec ses bases légales (ch. 5.1.2). Enfin, le CPA constate que malgré ces conditions-cadres différentes, les personnes rencontrées au sein des tribunaux évoquent des préoccupations similaires, notamment en ce qui concerne la prise en compte de la langue, au vu du plurilinguisme suisse, et la recherche d'équilibre entre la prévisibilité de la composition du collège de juges, tel que souhaité par les garanties internationales et constitutionnelles, et une marge de manoeuvre nécessaire pour garder une flexibilité et ainsi garantir l'efficience et l'efficacité de la justice88.

85 86 87 88

Loi fédérale du 26.6.1998 sur l'asile (LAsi, RS 142.31).

Rapport de gestion 2019 des tribunaux fédéraux, p.6­7; 36­37; 60­62.

Cela s'observe également dans les statistiques fournies par le TF.

Lienhard / Kettiger 2013: 11.

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7

Conclusions

Dans l'ensemble, le CPA parvient à la conclusion que les processus de répartition des affaires au sein des tribunaux fédéraux ne remettent pas en cause les garanties de légalité, d'indépendance et d'impartialité de l'organe appelé à statuer. Le CPA n'a pas constaté d'indices laissant croire qu'une influence sur les jugements des tribunaux est exercée de manière délibérée à travers la répartition des affaires, mais l'analyse souligne également que cette répartition ne peut pas toujours être retracée. Le cadre normatif supérieur est de manière générale respecté, mais ce n'est pas toujours le cas des recommandations internationales (ch. 7.1). Les processus manquent de transparence (ch. 7.2), et les instruments ne sont pas toujours complètement adaptés pour composer le collège de juges de manière objective (ch. 7.3). Enfin, de manière générale, les critères sont pertinents, mais leur mise en oeuvre reste floue (ch. 7.4). La marge de manoeuvre existante dans la répartition des affaires contribue cependant à une justice efficiente et efficace (ch. 7.5).

7.1

Les bases légales et réglementaires correspondent globalement au cadre normatif supérieur, mais certaines lacunes sont constatées (chap. 3)

Le cadre normatif supérieur pose un certain nombre d'exigences en ce qui concerne la manière dont se déroule la répartition des affaires au sein des tribunaux. Ces exigences ancrées dans la Constitution et le droit international ont pour objectif final de garantir que la cour appelée à statuer soit indépendante et ne soit pas constituée de manière arbitraire en fonction du cas spécifique afin d'influencer la décision dans un sens ou dans l'autre. De manière générale, les dispositions légales et réglementaires des tribunaux fédéraux respectent ces exigences, en posant les bases des processus de répartition des affaires, en énonçant les responsabilités et en spécifiant les critères qui doivent être pris en compte (ch. 3.1).

Cependant, ces processus ne correspondent pas totalement aux bonnes pratiques en la matière, sans pour autant être incompatibles avec les recommandations internationales. Ainsi, certaines lacunes sont constatées quant à l'exhaustivité des bases légales et réglementaires des différents tribunaux (ch. 3.2). Celles-ci omettent de citer certains critères spécifiques pourtant pris en compte dans la composition du collège de juges, comme la langue qu'ils maîtrisent au TFB, l'absence des juges, leur genre ou leurs connaissances spécifiques au TAF. Certains règlements internes des cours du TAF sont davantage exhaustifs, mais ils ne sont pas publiés. Par ailleurs, les dispositions des tribunaux ne précisent pas toujours le moment de la composition du collège de juges, notamment au TF et au TPF, ni les modalités de communication de celui-ci aux parties. Enfin, les modifications de la composition du collège de juges ne font pas l'objet de dispositions spécifiques au niveau des tribunaux, alors que les recommandations internationales insistent sur la nécessité de prévoir des règles plus strictes dans ces situations, afin de s'assurer que les changements ne sont pas arbitraires (ch. 3.3).

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7.2

Les processus de répartition des affaires ne sont pas suffisamment transparents (chap. 4)

La répartition des affaires n'est actuellement pas effectuée de manière suffisamment transparente, aussi bien à l'interne des tribunaux que vis-à-vis de l'externe. En effet, le fonctionnement des processus et leur mise en oeuvre sont trop peu documentés (ch. 4.2), ce qui entraine des interprétations différentes quant aux responsabilités de l'exécution de ces tâches (ch. 4.1). Par ailleurs, la composition du collège de juges n'est que rarement contrôlée (ch. 4.3). Un tel suivi existe en partie au sein du TF, qui établit chaque année un rapport contenant des données statistiques à ce sujet et le transmet aux CdG, mais n'existe pas au sein des autres tribunaux. La disponibilité de ces données entre également en ligne de compte; si les instruments du TAF permettent de retracer les étapes de la composition du collège de juges (ch. 5.1.1), ce n'est pas le cas des listes Excel utilisées par le TPF et le TFB (ch. 5.2). Au sein de ce dernier, les modalités du choix des juges de formation juridique ne sont pas transparentes, ni la définition du nombre de juges techniques respectivement juridiques qui siégeront dans la cour appelée à statuer. Enfin, plusieurs personnes au sein des différents tribunaux indiquent anticiper les motifs de récusation des juges au moment de composer le collège, ce qui a pour conséquence que certaines ou certains juges sont exclus dès le début, sans que cela ne soit documenté. Cette pratique est alors problématique vis-àvis de la transparence de la répartition des affaires. Cela s'applique particulièrement au TFB, qui doit souvent faire face à des motifs de récusation au vu du nombre élevé de juges suppléants auquel il fait appel. Sur la base des critères documentés, une autre personne aurait peut-être été choisie. La composition du collège de juges ne peut donc pas entièrement être retracée.

Les bases légales et réglementaires des quatre tribunaux fédéraux étant formulées de manière ouverte et laissant une certaine marge d'interprétation, il est d'autant plus important que les cas individuels soient bien documentés afin d'exclure tout soupçon de manipulation de la composition du collège de juge qui permettrait d'influencer la décision dans un sens ou dans l'autre. Actuellement, les lacunes constatées à ces deux niveaux (degré de concrétisation des bases légales et réglementaires, et documentation des cas individuels) se cumulent et nuisent à la transparence des processus.

7.3

Les instruments ne garantissent pas entièrement une composition objective du collège de juges (chap. 5)

Les instruments utilisés par les tribunaux fédéraux sont globalement appréciés par leurs utilisateurs, qu'il s'agisse de programmes informatiques fonctionnant sur la base d'un algorithme ou de listes Excel. Les premiers jouissent d'une très bonne réputation, et les acteurs externes et internes leur accordent un grand rôle dans l'objectivation de la composition du collège de juges, même sans en connaître ou en comprendre le fonctionnement exact (ch. 5.1). Certains besoins ne sont cependant plus couverts actuellement par le programme utilisé au TAF, nécessitant alors des modifications manuelles de la part des présidentes et présidents de cour (ch. 5.1.1). Par ailleurs, le programme informatique du TF a désigné moins d'un tiers des juges qui se sont 37 / 50

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prononcés sur une affaire en 2019, ce qui pose des questions sur sa contribution à objectiver la composition du collège de juges (ch. 5.1.2).

Les autres instruments utilisés sont plus rudimentaires, et ne prennent pas en considération tous les critères nécessaires à la répartition des affaires. Ils ne sont alors que partiellement adéquats pour garantir une composition objective du collège de juges.

Cela s'applique en particulier aux listes Excel utilisées par le TPF, qui se rapprochent plutôt d'instruments de gestion des affaires, car elles ne contiennent par exemple aucune information sur les connaissances spécifiques des juges: cela est pris en compte de manière informelle. Le TPF a d'ailleurs été encouragé à poursuivre ses réflexions concernant l'adoption d'un programme informatique89. Les instruments du TFB sont plus précis, cependant ils ne sont pas tous utilisés de manière systématique, notamment les registres publics des liens d'intérêts. Les listes Excel utilisées ne permettent pas non plus de retracer la composition du collège de juges dans un cas concret (ch. 5.2).

7.4

Les critères de répartition des affaires sont pertinents, mais appliqués différemment (chap. 6)

Les différents critères pris en compte par les tribunaux fédéraux pour former le collège de juges tels que la langue, la charge de travail, le genre ou encore les connaissances spécifiques des juges se situent au centre de la mise en oeuvre de ces processus. De manière générale, ils sont pertinents et se rapportent à des éléments objectifs, mais certains d'entre eux ne sont pas repris dans les dispositions légales ou réglementaires correspondantes des tribunaux. Par ailleurs, les répercussions de ces critères sur la composition du collège de juges ne sont pas totalement claires, et ils ne sont pas appliqués de manière uniforme d'une cour à l'autre (ch. 6.1). À titre d'exemple, la manière dont la charge de travail est prise en considération n'est pas explicite, le rôle de la langue sur la définition du collège de juges (juge rapporteur ou autres juges) varie, et les absences des juges peuvent entraîner leur suppression de la liste des choix potentiels lorsque leur absence est de 2 jours ou de 20 jours ouvrables suivant les cours.

Ce flou peut conduire à se poser des questions sur la garantie d'objectivité des critères lorsque les juges définissent leur propre pratique, par exemple en priorisant un critère plutôt qu'un autre, sans que ceci ne soit toujours spécifié ou documenté (ch. 6.2).

Bien que l'appartenance politique soit pertinente pour l'élection des juges au TF, au TAF et au TPF, le CPA constate qu'elle ne fait partie des critères explicites de répartition des affaires dans aucun tribunal, ce qui est motivé par l'indépendance des juges (ch. 6.1). L'influence que des compositions différentes d'un point de vue politique pourraient avoir sur les décisions matérielles rendues par les tribunaux n'a pas été analysé par le CPA, car il s'est limité à l'analyse des processus de répartition des affaires (ch. 1.3.2).

89

GRECO 2016: 35

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7.5

La marge de manoeuvre existante contribue à une justice efficiente et efficace (chap. 6)

La jurisprudence du TF relève que «le droit à une composition correcte du tribunal n'exclut pas un certain pouvoir d'appréciation dans la composition de l'organe appelé à statuer, aussi longtemps que celle-ci est prévue par la loi et repose sur des critères déterminés d'avance pour chaque cas d'espèce à prendre en considération, et objectifs qui permettent un traitement approprié du cas dans un délai convenable»90. Cette marge de manoeuvre reflète la recherche d'un équilibre entre un automatisme complet de la composition du collège de juges et la flexibilité nécessaire selon les personnes rencontrées pour garantir la qualité ainsi que l'efficience de la justice («traitement approprié» et «délai convenable»). Sans s'être penché sur la pesée des intérêts effectuée dans les cas individuels, le CPA constate que la marge de manoeuvre revendiquée par les tribunaux répond à cette recherche d'équilibre, et qu'elle permet donc une justice efficiente et efficace.

Cependant, certaines divergences concernant la répartition des affaires peuvent être questionnées (ch. 6.3). Ainsi, les bases légales et réglementaires de certains tribunaux listent les critères utilisés de manière plus exhaustive que d'autres, alors que tous prennent en considération les mêmes critères dans la pratique. Par ailleurs, seul le TF élabore actuellement un rapport de suivi de la composition des collèges de juges, bien que de telles données seraient disponibles au moins au TAF. La désignation de la ou du juge instructeur de manière automatique par un programme informatique au TAF, ou manuellement par la présidente ou le président de la cour au TF, est également une différence qui n'est que difficilement justifiable. En effet, les connaissances spécifiques des juges peuvent être prises en considération par un programme informatique, comme cela est le cas actuellement aussi bien au TAF qu'au TF. Par ailleurs, la désignation automatique des juges n'est pas exclue par les bases légales des tribunaux concernés. Enfin, la mise en oeuvre des processus se distingue par des différences en ce qui concerne la priorisation des critères et leur concrétisation, sans que cela ne soit justifié par le type d'affaire concerné.

90

ATF 144 I 37

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Abréviations al.

art.

ATF CdG CdG-E CdG-N CEDH ch.

chap.

CoEDH CPA CPP Cst.

FF GRECO LOAP LParl LTAF LTF LTFB MPC OLPA ROTPF RS RTAF RTF RTFB TAF TF TFB TPF 40 / 50

Alinéa Article Arrêt du Tribunal fédéral Commissions de gestion des Chambres fédérales Commission de gestion du Conseil des États Commission de gestion du Conseil national Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4.11.1950 (RS 0.101) Chiffre Chapitre Cour européenne des droits de l'homme Contrôle parlementaire de l'administration Code de procédure pénale suisse du 5.10.2007 (Code de procédure pénale; RS 312.0) Constitution fédérale (RS 101) Feuille fédérale Groupe d'États contre la corruption Loi fédérale du 19.3.2010 sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (Loi sur l'organisation des autorités pénales; RS 173.71) Loi du 13.12.2002 sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement; RS 171.10) Loi du 15.6.2005 sur le Tribunal administratif fédéral (RS 173.32) Loi du 17.6.2005 sur le Tribunal fédéral (RS 173.110) Loi du 20.3.2009 sur le Tribunal fédéral des brevets (RS 173.41) Ministère public de la Confédération Ordonnance de l'Assemblée fédérale du 3.10.2003 portant application de la loi sur le Parlement et relative à l'administration du Parlement (Ordonnance sur l'administration du Parlement; RS 171.115) Règlement du 31.8.2010 sur l'organisation du Tribunal pénal fédéral (Règlement sur l'organisation du TPF; RS 173.713.161) Recueil systématique du droit fédéral Règlement du 17.4.2008 du Tribunal administratif fédéral; RS 173.320.1) Règlement du 20.11.2006 du Tribunal fédéral (RS 173.110.131) Règlement du 28.9.2011 du Tribunal fédéral des brevets (RS 173.413.1) Tribunal administratif fédéral Tribunal fédéral Tribunal fédéral des brevets Tribunal pénal fédéral

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Zahl der Urteilsredaktionen, ohne Referate, Gerichtsschreiber, version du 4.6.2019 Zuteilungs- und Erledigungsstatistik der Fälle (Gerichtsschreiber nach Abteilung und Sprache), version du 4.6.2019 Tribunal administratif fédéral Ablauf Fallzuteilung GeKo, 11.1.2010 (en allemand uniquement) Abteilungsreglement I vom 5.3.2019 (en allemand uniquement) Abteilungsreglement II vom 13.2.2014 (en allemand uniquement) Abteilungsreglement III vom 25.1.2017 (en allemand uniquement) Abteilungsreglement IV vom 18.4.2007 (en allemand uniquement) Abteilungsreglement V vom 5.4.2007 (en allemand uniquement) Abteilungsreglement VI vom 14.6.2016 (en allemand uniquement) Entwurf Schnittstelle Bandlimat-Juris, 14.1.2010 (en allemand uniquement) Optor AG, Handbuch Fallzuteilungssoftware «Bandlimat», version du 1.9.2017 (en allemand uniquement) Optor AG, Offerte Fallzuteilungssoftware, Release 2.0 zuhanden des Bundesverwaltungsgerichts (BVGer), version du 14.2.2017 (en allemand uniquement) Substring GmbH, Algorithmus zum Bestimmen von Spruchkörpern am Bundesverwaltungsgerichts, version du 13.10.2006 (en allemand uniquement) Substring GmbH, Beschrieb Bedürfnis Abteilung II mit 2. Richter aus Abteilung III, courriel du 18.1.2011 (en allemand uniquement) Substring GmbH, Kurzofferte «Bandlimat: zusätzliche Kammer in der Abteilung I», courriel du 27.8.2009 (en allemand uniquement) Substring GmbH, Nachfrage Gewichtung Bandlimat, courriel du 8.11.2016 (en allemand uniquement) Substring GmbH, Offerte, Release 1.1 der Software «Fallzuteilung» des Bundesverwaltungsgerichts, version du 25.1.2007 (en allemand uniquement) Substring GmbH, Offerte, Release 1.2 der Software «Fallzuteilung» des Bundesverwaltungsgerichts, version du 23.5.2007 (en allemand uniquement) Substring GmbH, Offerte, Release 1.3 der Software «Fallzuteilung» des Bundesverwaltungsgerichts, version du 8.11.2007 (en allemand uniquement) Substring GmbH, Offerte, Release 1.4 der Software «Fallzuteilung» des Bundesverwaltungsgerichts, version du 22.10.2008 (en allemand uniquement) Substring GmbH, Offerte, Release 1.6 der Software «Fallzuteilung» des Bundesverwaltungsgerichts, version du 23.5.2011 (en allemand uniquement) Substring GmbH, Offerte, Software zum Bestimmen von Spruchkörpern am Bundesverwaltungsgericht, version du 8.12.2006 (en allemand uniquement) Substring
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Substring GmbH, Spezifikation: Schnittstelle zwischen Bandlimat und GeKo, version du 4.5.2010 (en allemand uniquement) Substring GmbH, Spezifikation: Schnittstelle zwischen Bandlimat und GeKo, version du 18.2.2016 (en allemand uniquement) Vorschlag Erweiterung Bandlimat Abt. II, 20.1.2010 (en allemand uniquement) Tribunal pénal fédéral Fallstatistik Strafkammer, tableau Excel utilisé pour l'attribution des affaires à la Cour des affaires pénales, version du 11.10.2019 (sans les détails) Geschäftskontrolle CAR, tableau Excel utilisé pour l'attribution des affaires à la Cour d'appel, version du 8.10.2019 (sans les détails) Zuteilungen 2019, tableau Excel utilisé pour l'attribution des affaires à la Cour des plaintes, version du 7.10.2019 (sans les détails) Tribunal fédéral des brevets Nebenamtliche Richter / Honorarempfänger des BPatGer, version du 17.6.2019 (tableau Excel) Remarques concernant l'indépendance des juges, version du 24.2.2015 Reporting Anzahl Verfahren pro Richter/Richterin, version du 17.6.2019

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Liste des personnes interrogées La liste ci-dessous indique la fonction de la personne concernée au moment de l'entretien avec le CPA.

Antonioni Luftensteiner, Emilia Blättler, Stephan Bomholt, Ursula Chaix, François de Coulon Scuntaro, Jenny Denys, Christian Fasel, Bernhard Felber, Markus Gonin, Olivier Gregori Al-Barafi, Mascia Kasser, Amédée Kiss, Christina Kuster, Patrick Mahon, Pascal Maillard, Marcel Mansour, Fati Meyer, Ulrich Parrino, Francesco Rall, René Richard, Pascal Rielle La Bella, Stephanie Rochat Pauchard, Annie Roy, Garré Ryter, Marianne Schweizer, Mark Seiler, Hans Georg Spälti Giannakitsas, Nina Stupf, Martin Thormann, Olivier Tschümperlin, Paul von Werdt, Niklaus Weiss, David

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Présidente de la Cour V, TAF Président, TPF Cheffe de la Chancellerie, TFB Président de la Première Cour de droit public, TF Présidente de la Cour VI, TAF Président de la Cour de droit pénal, TF Secrétaire général adjoint, TAF Journaliste juridique, Santschi & Felber JustizKommunikation GmbH Collaborateur scientifique, Office fédéral de la justice Secrétaire générale, TPF Avocat, Membre du Conseil de la Fédération suisse des avocats (FSA) Présidente de la Première Cour de droit civil, TF Spécialiste en sécurité informatique, TAF Professeur, Université de Neuchâtel Président de la Première Cour de droit social, TF Journaliste juridique, Le Temps Président, TF Président de la Deuxième Cour de droit social, TF Secrétaire général, Fédération suisse des avocats (FSA) Président de la Cour II, TAF Secrétaire générale, TAF Présidente de la Cour I, TAF Président de la Cour des plaintes, TPF Présidente, TAF Président, TFB Président de la Deuxième Cour de droit public, TF Présidente de la Cour IV, TAF Président de la Cour des affaires pénales, TPF Président de la Cour d'appel, TPF Secrétaire général, TF Juge au sein de la Deuxième Cour de droit civil, TF Président de la Cour III, TAF

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Annexe 1

Approche de l'évaluation

Objectifs de la politique:

La légalité, l'indépendance et l'impartialité des tribunaux sont des principes centraux de la justice suisse, garantis aux personnes impliquées dans une procédure judiciaire par l'art. 30 Cst.


Moyen pour les atteindre:

Afin de concrétiser ces garanties, les tribunaux fédéraux (Tribunal fédéral, Tribunal administratif fédéral, Tribunal pénal fédéral et Tribunal fédéral des brevets) ont mis en place des processus de répartition des affaires entre les juges, qui doit être basée sur des critères transparents et objectifs.


Objet de l'évaluation:

Questions d'évaluation:

Analyses effectuées:

L'évaluation se concentre sur l'opportunité des processus de répartition des affaires et des critères et instruments utilisés, ainsi que sur la conformité de ces processus vis-à-vis du cadre normatif supérieur.









Les dispositions sur la répartition des affaires au sein des tribunaux fédéraux sont-elles conformes aux exigences définies par la Constitution et par le droit international en la matière?

Les processus de répartition des affaires sont-ils définis de manière opportune?

Les instruments de répartition des affaires utilisés par les tribunaux sontils opportuns?

Les processus de répartition des affaires sont-ils mis en oeuvre de manière opportune?









Synthèse des exigences constitutionnelles et recommandations internationales Analyse des bases légales et réglementaires des tribunaux fédéraux Accompagnement juridique dans le cadre d'un mandat externe

Analyse des documents internes aux tribunaux Entretiens avec les personnes responsables de la répartition des affaires Aperçu des différences entre les cours ou les tribunaux.

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Annexe 2

Critères d'évaluation Critères spécifiques

Éléments d'appréciation

Conformité des dispositions vis-à-vis du cadre normatif supérieur (question 1) Qualité normative des bases légales et réglementaires

La composition du collège de juges est définie dans des normes générales et abstraites. Elle est définie de manière explicite. Les compétences des cours sont définies de manière claire et précise dans les bases juridiques.

Objectivité et transparence des critères de répartition des affaires

La composition du collège de juges est définie selon des critères prédéterminés. Elle est définie selon des critères transparents. Elle est définie selon des critères objectifs. Le tribunal ne peut pas décider de la composition du collège de juges de manière discrétionnaire.

Encadrement adéquat de la marge de manoeuvre éventuelle

Il existe des critères transparents et prévisibles pour les modifications du collège de juges. Les exigences d'objectivité des critères lors de modifications sont plus élevées que pour la composition initiale du collège de juges. Toute modification exige d'être documentée et motivée.

Suivi et transparence de l'application des processus

La composition du collège de juges peut être contrôlée. La composition du collège de juges est communiquée aux parties. La responsabilité décisionnelle est du ressort d'un juge.

Le moment de la composition du collège de juges est clair.

Les informations sur la répartition des affaires sont accessibles au public. La méthode de répartition des affaires est uniforme.

Opportunité des processus de répartition des affaires (question 2) Clarté et transparence des processus

Les processus sont documentés et explicités, ils sont univoques, les étapes et les responsabilités des différents acteurs sont spécifiées.

Perception de l'indépendance du collège de juges par les acteurs externes

Les processus de répartition des affaires sont connus, les critères sont jugés comme étant objectifs, l'indépendance du collège de juges n'est pas remise en question.

Suivi des processus et de leur application (y.c. surveillance du TF)

Le respect des processus de répartition des affaires fait l'objet d'un contrôle. Le TF exerce la surveillance sur les processus de répartition des affaires des tribunaux.

Echanges de bonnes pratique

Les tribunaux thématisent la répartition des affaires et les bonnes pratiques en la matière, un échange régulier a lieu entre les tribunaux.

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Critères spécifiques

Éléments d'appréciation

Respect du cadre légal Les processus respectent le cadre légal.

Opportunité des instruments de répartition des affaires (question 3) Utilisation systématique des instruments de répartition des affaires

Des instruments existent pour répartir les affaires. Les nouvelles affaires sont systématiquement réparties avec ces instruments. Toutes les informations nécessaires à la répartition des affaires doivent être saisies dans ces instruments.

Conformité des instruments vis-à-vis des processus définis

Les instruments (programmes informatiques ou autre) permettent de mettre en oeuvre les processus définis.

L'opérationnalisation des critères est documentée et compréhensible. Les besoins des utilisateurs sont pris en compte.

Encadrement des modifications manuelles

Les modifications manuelles du collège de juges sont justifiées et constituent une exception. Les possibilités prévues répondent à des impératifs d'efficience ou de qualité. Les modifications manuelles font l'objet d'un contrôle.

Respect du cadre légal Les instruments respectent le cadre légal.

Opportunité de la mise en oeuvre des processus de répartition des affaires (question 4) Concrétisation adéquate des critères

Les critères utilisés se réfèrent à des éléments objectifs, liés à des impératifs d'efficience ou de qualité, ils sont définis de manière explicite et univoque, leur priorisation est explicite et justifiée.

Marge de manoeuvre utilisée à bon escient

Les différences quant aux processus, aux critères et aux instruments sont expliquées par les spécificités du tribunal ou de la cour (nombre d'affaires, type d'affaire, nombre de juges, spécialisation thématique, etc.).

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Impressum

Réalisation de l'évaluation Marion Baud-Lavigne, CPA (direction de projet) Dr. Simone Ledermann, CPA (supervision du projet) Dr. Raoul Kaenzig, CPA (collaboration scientifique) Andreas Tobler, CPA (collaboration scientifique) Armin Hanselmann, CPA (collaboration scientifique)

Conseil juridique Mag. rer. publ. Daniel Kettiger, kettiger.ch

Remerciements Le CPA remercie tous les acteurs impliqués dans cette évaluation, notamment les secrétariats généraux des différents tribunaux fédéraux, pour la mise à disposition des documents et des données, ainsi que pour les renseignements et les explications. Il remercie aussi Me Daniel Kettiger pour l'accompagnement juridique de ce projet. Ses sincères remerciements vont également à toutes les personnes qui ont participé aux entretiens et qui lui ont fourni des informations, notamment les juges des quatre tribunaux.

Contact Contrôle parlementaire de l'administration Services du Parlement CH-3003 Berne Tél. +41 58 322 97 99 Courriel: pvk.cpa@parl.admin.ch www.parlement.ch > Organes > Commissions > CPA Langue originale du rapport: français

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