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Message concernant l'initiative populaire «contre la publicité pour des produits qui engendrent la dépendance» du 22 mars 1978

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons, sans contre-projet, l'initiative «contre la publicité pour des produits qui engendrent la dépendance», et de les inviter à la rejeter.

Un projet d'arrêté fédéral y relatif est annexé.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

22 mars 1978

1978 -- 161

Au nom du Conseil fédéral suisse; Le président de la Confédération, Ritschard Le chancelier de la Confédération, Huber

77 Feuille fédérale. 130° année. Vol. I

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Vue d'ensemble L'initiative populaire «contre la publicité pour des produits qui engendrent la dépendance», déposée en avril 1976, demande que soit interdite toute réclame en faveur des produits pour fumeurs et des boissons alcooliques. Seules les publications étrangères ayant une diffusion insignifiante en Suisse pourraient bénéficier d'une autorisation exceptionnelle les soustrayant à cette interdiction.

Il ressort clairement des arguments avancespar les auteurs de l'initiative que l'un de ses objectifs principaux est de protéger les adolescents et les jeunes adultes des dangers que présentent les habitudes de fumer et de boire.

Certaines mesures visant le même objectif que l'initiative ont déjà été prises en vertu de diverses lois; d'autres le seront encore dans un proche avenir. Nous sommes d'avis que l'inscription dans la constitution d'une interdiction totale de la réclame pour des produits qui engendrent la dépendance est une mesure unilatérale, disproportionnée et qui, de surcroît, ne saurait faire baisser notablement la consommation d'alcool et de tabac. L'application de cette interdiction exigerait d'ailleurs un important effectif de personnel de contrôle. Nous recommandons le rejet de l'initiative sans lui opposer de contre-projet.

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Message 1 11

L'initiative Questions formelles

Les Jeunes Bons-Templiers Suisses ont présenté, le 10 avril 1976, une initiative populaire fédérale «contre la publicité pour des produits qui engendrent la dépendance». Par décision du 7 mai 1976, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative, appuyée par 77 515 signatures valables, avait abouti (FF 1976II691), qu'elle était assortie d'une clause de retrait et que le texte allemand faisait foi.

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Texte de l'initiative

L'initiative a la teneur suivante: Art. J2««'B««(" (nouveau) Toute publicité pour le tabac, ses succédanés et les boissons alcooliques est interdite. Une autorité fédérale peut accorder une exception pour des publications étrangères n'ayant en Suisse qu'une diffusion insignifiante.

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Concordance des textes français et allemand

Le texte français doit être modifié aux fins d'assurer sa concordance avec la version allemande. Il y a lieu en outre de remplacer la locution «tabac et ses succédanés» par «produits pour fumeurs», traduction exacte de «Raucherwaren».

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Situation initiale

On estime à 2 pour cent de la population totale, soit à 130 000 environ, le nombre des alcooliques en Suisse. L'alcoolisme provoque de graves dommages physiques et psychiques qui ont à leur tour des répercussions désastreuses sur le plan économique et social. Selon une estimation des deux économistes bâlois, Lutz et Leu, les dommages économiques dus à la consommation d'alcool se sont élevés, en 1975, à 1,5 milliard de francs au moins.

L'abus du tabac nuit principalement aux voies respiratoires (cancer du pournon et bronchite chronique) et aux artères coronaires du coeur. L'espérance de vie des grands fumeurs s'amenuise.

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Prescriptions en vigueur et mesures prises Régime de l'alcool

L'article 32Ms de la constitution (est.) donne à la Confédération le droit de légiférer sur le commerce et l'imposition des boissons distillées. Cette législation doit viser à réduire la consommation de l'eau-de-vie. Ainsi, par le monopole de 78 Feuille fédérale. 130' année. Vol. I

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l'alcool, le commerce des boissons distillées est soustrait à la liberté du commerce et de l'industrie. Les lois fédérales (LF du 21 juin 1932 sur l'alcool, RS 680; LF du 23 juin 1944 sur la concession des distilleries domestiques, RS 680.1) édictées en vertu de l'article 32bla est. répondent, comme l'interdiction de l'absinthe instituée par l'article 32ter est., aux besoins de la santé publique.

L'imposition des eaux-de-vie (impôt sur les spécialités, taxe sur l'eau-de-vie de fruits à pépins livrée par les bouilleurs de cru, droit de monopole sur l'importation des spiritueux, imposition des alcools destinés à la consommation et de l'eau-de-vie de fruits à pépins vendus par la Régie des alcools) est, en sus de l'utilisation des pommes de terre et des fruits sans distillation, la mesure la plus importante que prévoit la loi sur l'alcool pour faire baisser la consommation.

La moitié des recettes nettes que l'imposition des boissons distillées procure à la Confédération (recettes nettes de la Régie fédérale des alcools) est distribuée aux cantons. Chaque canton est tenu de consacrer 10 pour cent au moins de sa part à la lutte contre les causes et les effets de l'alcoolisme (dîme de l'alcool).

L'autre moitié de ces recettes fait partie intégrante de la contribution de la Confédération au financement de l'AVS/AI. Le budget 1978 de la Régie fédérale des alcools prévoit des recettes nettes de 250 millions de francs.

Le vin et le cidre sont .actuellement assujettis à l'impôt sur le chiffre d'affaires au taux de 5,6 ou 8,4 pour cent, tandis que la bière l'est à un impôt spécial; des droits de douane supplémentaires sont en outre prélevés sur les matières premières pour la brasserie, la bière et le vin importés.

Dans notre message du 15 mars 1978 concernant la réforme des finances fédérales de 1978 (FF 1978 I 840), nous avons proposé de maintenir les impôts sur les boissons fixés par la loi sur l'alcool mais de renoncer à celui sur la bière.

Celle-ci devrait être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, au taux normal de 8 pour cent dans le commerce et au taux spécial de 5 pour cent dans l'hôtellerie et la restauration. Etant donné que les droits de douane supplémentaires sur les matières premières pour la brasserie et sur la bière seraient maintenus, les recettes provenant de l'imposition globale
de la bière subsisteraient.

L'article 32iuater est. donne aux cantons le droit de soumettre, par voie législative, aux restrictions exigées par le bien public, l'exercice de la profession d'aubergiste et le commerce de détail des boissons spiritueuses, c'est-à-dire de toutes les boissons alcooliques et non pas seulement des boissons distillées. Les cantons ont donc la compétence d'instituer, aux fins de lutter contre l'alcoolisme, la clause du besoin pour les établissements qui débitent des boissons alcooliques et le commerce de détail. Toutefois, en ce qui concerne le commerce en gros, les cantons ne peuvent arrêter que des restrictions compatibles avec la liberté du commerce et de l'industrie, c'est-à-dire en prenant uniquement des mesures relevant de la police du commerce et .de la police sanitaire.

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Impôt sur le tabac

En 1925, un nouvel article a été inséré dans la constitution, qui donne le droit à la Confédération de percevoir un impôt sur le tabac brut et le tabac manufac-

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ture. En même temps était introduit l'article 34iuater qu j dispose notamment que les recettes provenant de l'impôt sur le tabac doivent servir à financer l'assurance-vieillesse et survivants. Le régime fiscal actuel - loi fédérale du 21 mars 1969 sur l'imposition du tabac (RS 641.31) - institué en 1970 se fonde sur l'article 41, lettre c, de la constitution. L'impôt frappe aussi bien les produits fabriqués dans le pays que ceux qui sont importés. Les produits du tabac importés, hormis ceux qui le sont de pays membres de l'AELE, sont encore soumis à un droit de douane fixé d'après le poids. L'impôt sur le tabac a été relevé en 1966, 1973 et 1974, Une nouvelle augmentation de l'impôt sur les cigarettes de 20 pour cent, applicable dès le 1er octobre 1978, a été décidée1). Le budget de la Confédération pour 1978 prévoit que les recettes brutes provenant de l'impôt sur le tabac s'élèveront à 550 millions de francs.

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Législation sur les denrées alimentaires

L'article 69biB est. institue une compétence législative particulière dans le domaine des denrées alimentaires. Selon cet article, la Confédération a le droit de réglementer le commerce des denrées alimentaires.

L'article 54 de la loi sur le commerce des denrées alimentaires (LDA; RS 817.0) donne mandat au Conseil fédéral d'édicter les prescriptions propres à sauvegarder la santé publique et à prévenir toute fraude dans le commerce des marchandises et objets soumis au contrôle institué par cette loi. Enoncé en termes généraux, cet article permet de conclure que le Conseil fédéral peut ordonner toute mesure qui lui paraîtra nécessaire pour sauvegarder la santé et prévenir la fraude. Le Conseil fédéral n'a donc pas seulement le pouvoir d'édicter des prescriptions en matière de contrôle; il peut, le cas échéant, interdire le commerce d'une denrée alimentaire.

L'article 19 de l'ordonnance sur le commerce des denrées alimentaires (ODA; RS 817.02) interdit d'une manière générale d'employer, pour les denrées alimentaires, toute indication leur attribuant une quelconque action thérapeutique, préventive ou curative. En ce qui concerne les spiritueux, il interdit spécialement toute allusion à des effets sur la santé ou thérapeutiques. Enfin, il interdit la réclame pour des boissons alcooliques, qui s'adresse manifestement aux mineurs.

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Mesures diverses

La publicité pour les boissons alcooliques et les produits pour fumeurs est interdite à la .radio et à la télévision.

Il y a lieu de mentionner également les campagnes de prévention qu'organisé la Régie fédérale des alcools (utilisation des fruits et des pommes de terre sans distillation, campagne «pommes dans les écoles», publicité en faveur d'une alimentation saine et de boissons sans alcool, campagnes publicitaires, bro*> Cf. notre message du 24 août 1977 à l'appui des premières mesures transitoires destinées à réduire l'impasse budgétaire de la Confédération (FF 1977 n 1419 s:) et la modification du 7 octobre 1977 de la loi sur l'imposition du tabac (RO 1978 268).

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chures d'information). De plus, l'article 43 a de la loi sur l'alcool (RS 680) prévoit l'octroi de subventions aux organisations privées qui exercent une activité sur le plan de l'information et de la recherche. La Commission fédérale contre l'alcoolisme et la Commission fédérale de l'alimentation encouragent également la recherche dans le domaine de l'alcoolisme et de l'abus du tabac.

Enfin, plusieurs cantons et communes, ainsi que les PTT ont interdit la publicité par affiches en faveur des boissons alcooliques et des produits pour fumeurs sur leur territoire et dans leurs entreprises de transport. En effet, le principe de la liberté du commerce et de l'industrie n'implique pas le droit de faire de la publicité sur le domaine public.

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Appréciation critique du droit en vigueur Du point de vue de la protection de la jeunesse

Substituée à l'article 19 ODA, l'interdiction de la réclame pour des boissons alcooliques s'adressant clairement à des mineurs ne tient que partiellement compte de la protection des jeunes gens. Les spécialistes de la publicité sont trop subtils pour s'adresser formellement à la jeunesse dans leur réclame. L'un des motifs importants qui pousse les mineurs à commencer de fumer ou de boire, c'est qu'ils voient là un symbole de rage adulte. C'est d'ailleurs pour cette raison que les personnes présentées dans la publicité sont toujours des adultes, mais assez jeunes pour que les mineurs, le groupe visé, puissent s'identifier à elles. L'article 19 ODA ne permet pas de combattre pareille publicité.

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A la lumière de la recommandation 716 du Conseil de l'Europe du 27 septembre 1973

L'Assemblée consultative recommande au Conseil des ministres d'inviter les gouvernements à prendre notamment les mesures suivantes : - Réglementer strictement ou interdire la publicité pour le tabac et l'alcool à la télévision, et limiter la publicité pour ces produits en général, notamment dans la presse, les salles de spectacle, les rues, les endroits publics ainsi que les stades sportifs.

- Interdire l'usage du tabac dans tous les modes de transport publics et les salles d'attente, à moins que des compartiments spéciaux ne soient prévus pour les fumeurs.

- Rendre obligatoire l'apposition sur les paquets de cigarettes d'un avertissement et de renseignements sur leur teneur en substances nocives.

Quelques-unes de ces recommandations sont déjà réalisées en Suisse; d'autres devraient l'être, par la voie législative, dans un proche avenir.

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Mesures législatives envisagées par la Confédération Revision du chapitre 5 de la loi sur l'alcool

Nous envisageons de modifier, au cours de la législature 1979-1983, le chapitre 5 de la loi sur l'alcool (commerce de boissons distillées). Nous proposerons

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dans la mesure du possible des restrictions en matière de réclame, notamment une interdiction de la réclame non objective. Nous préconiserons en outre une interdiction de la réclame dans tous les cas où elle s'adresse aux jeunes gens.

D convient toutefois de rappeler que la loi sur l'alcool ne s'applique qu'aux eaux-de-vie.

Pour l'heure, une augmentation de l'imposition de l'alcool n'est pas envisagée, car le dernier relèvement, qui a eu lieu récemment, n'a pas eu le succès escompté.

Il ne paraît donc pas opportun de renouveler cette mesure.

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Revision de l'article 420 (article sur le tabac) de l'ordonnance sur le commerce des denrées alimentaires

II y a plusieurs années, la Commission fédérale de l'alimentation, l'Institut suisse de prophylaxie de l'alcoolisme et les organisations de consommateurs avaient suggéré de restreindre la publicité en faveur du tabac. Des propositions analogues ont été soumises au Conseil fédéral par des parlementaires, des citoyens et des associations.

Le projet de revision de l'article 420 ODA sur le tabac, soumis l'année dernière à l'appréciation des milieux intéressés, est actuellement mis au point ; on l'examine de manière approfondie quant à sa légalité et à sa constitutionnalité. La mesure la plus importante envisagée dans le projet est d'interdire toute réclame visant à inciter les mineurs à consommer du tabac. Outre l'obligation d'apposer un avertissement sur tous les emballages, le projet prévoit de soumettre les fabricants à l'obligation de déclarer les teneurs en substances nocives que sont le goudron, la nicotine, l'azote et le monoxyde de carbone.

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Augmentation de l'impôt sur le tabac

Nous fondant sur la modification de la loi sur l'imposition du tabac, adoptée par arrêté fédéral du 7 octobre 1977, nous avons décidé d'augmenter de 20 pour cent, à partir du 1er octobre 1978, l'impôt sur les cigarettes. Par rapport au tarif de 1969, l'imposition fiscale des cigarettes est actuellement de 150 pour cent.

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Travaux préparatoires portant sur l'élaboration d'une loi sur la prévention des toxicomanies

A la suite de diverses interventions parlementaires, le Département fédéral de l'intérieur a entrepris les travaux préparatoires portant sur l'élaboration d'une loi sur la prévention des toxicomanies. Cette loi aura comme premier objectif la prévention par l'éducation sanitaire et d'autres mesures analogues. L'éducation sanitaire devrait contribuer à développer l'esprit critique des jeunes gens face à un comportement nuisible à la santé et, partant, face à la publicité en faveur des produits qui engendrent la dépendance. D'une première enquête auprès des cantons se sont dégagés des avis divergents, certes, mais une majorité d'entre eux sont favorables en principe à une loi sur la prévention des toxico-

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manies. On examine actuellement les possibilités qu'offre la base constitutionnelle existante (art. 69 est.). Un projet devrait vous être soumis au cours de la législature 1979-1983.

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Appréciation de l'initiative populaire

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Motifs dont s'inspire l'initiative

II ressort clairement des arguments avancés par les auteurs de l'initiative que l'un de leurs objectifs principaux est de protéger les adolescents et les jeunes adultes des dangers que présentent les habitudes de fumer et de boire. Les auteurs de l'initiative espèrent obtenir indirectement, par une interdiction totale de la publicité, une diminution de la consommation, dans l'intérêt de la santé publique.

Les boissons alcooliques et le tabac sont des denrées d'agrément qui peuvent causer à la santé des dommages temporaires ou définitifs, dont les conséquences économiques sont supportées en grande partie par la collectivité, en particulier par le biais des diverses assurances et des impôts.

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Appréciation générale des motifs

II est incontestable que l'abus des substances qui engendrent la dépendance est nuisible à la santé et que les articles 32Ws, 32«uater et 69Ms est. obligent les autorités fédérales à prendre des mesures pour améliorer la santé publique. Quant au but visé, les objectifs des auteurs de l'initiative et les intentions des autorités fédérales concordent. Celles-ci ont d'ailleurs déjà pris (cf. ch. 21) une série de mesures allant dans le sens de l'initiative (la première loi fédérale sur l'alcool remonte à 1885/86), et d'autres mesures sont en préparation (cf. ch. 23).

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Le principe de la proportionnalité des actes de l'Etat

Le principe de la proportionnalité est issu du droit régissant la police du commerce. Le Tribunal fédéral a défini ce principe comme il suit dans une abondante jurisprudence: les mesures de police ne doivent pas aller au-delà dé ce qui est nécessaire pour atteindre le but recherché, et elles sont illégales lorsqu'une intervention moins sévère permet aussi d'atteindre ce but1'. Cela signifie deux choses : d'une part, la mesure de police doit être propre à atteindre la fin d'intérêt public recherchée et ménager le plus possible la liberté individuelle; d'autre part, il doit exister un rapport raisonnable entre le résultat escompté et les restrictions de la liberté qu'il nécessite.

Dans l'intervalle, le principe de la proportionnalité s'est étendu à l'ensemble de l'activité de l'Etat et il a pris une importance telle que la Commission d'experts pour la préparation d'une revision totale de la constitution fédérale a jugé indispensable de le définir dans une nouvelle constitution (art. 5).

La question de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure la réclame influence la consommation elle-même, est controversée. Certes, on peut tenir pour » Voir ATF 101 la 176, 219, 511 ; 100 la 347, 450; 97 I 508; 96 I 242, 375, 384, 422.

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vraisemblable que toute réclame entraîne une augmentation de la consommation, et on peut admettre qu'une augmentation générale de la consommation a pour corollaire un abus croissant de substances qui engendrent la dépendance.

On objecte toutefois que la réclame porte surtout sur les produits eux-mêmes et qu'elle ne provoque que des déplacements de la demande d'une marque à l'autre.

Une interdiction de la réclame pour les produits qui engendrent la dépendance ne saurait garantir que la consommation d'alcool et de tabac va effectivement baisser dans une mesure importante et durable. Les excès d'alcool et l'abus du tabac existent aussi dans les pays qui, en raison de leur régime économique (économie d'Etat), ne connaissent pas la publicité. Les expériences que la prohibition a permis de faire dans divers Etats montrent que l'interdiction n'est pas le seul moyen d'atteindre le but visé.

L'interdiction générale de la réclame en faveur de produits pour fumeurs et de boissons alcooliques, préconisée par les auteurs de l'initiative - aussi louables que soient leurs intentions - est une mesure unilatérale et disproportionnée. On peut même douter qu'elle soit propre à améliorer la santé publique, qui est l'objectif d'intérêt public visé. En revanche, la conception des autorités fédérales en matière de lutte contre l'abus de substances engendrant la dépendance comporte plusieurs genres d'interventions: - restrictions dans le domaine de la police du commerce (loi sur l'alcool, ordonnance sur les denrées alimentaires); - mesures fiscales (imposition de l'alcool et du tabac); - mesures préventives (loi sur la prévention des toxicomanies).

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Conséquences financières

II est difficile d'évaluer les conséquences financières que subirait la Confédération si l'initiative était acceptée. On ne peut en effet prévoir les répercussions qu'aurait sur la consommation une interdiction de la réclame pour les produits pour fumeurs et les boissons alcooliques. Mais une chose est certaine: l'effectif des douaniers devrait être renforcé pour contrôler les publications importées.

Si une baisse considérable de la consommation devait effectivement se produire à long terme, il en résulterait une diminution des recettes provenant des impôts sur les boissons alcooliques et le tabac, ce qui réduirait d'autant les recettes affectées au financement de l'AVS/AI. H n'est pas exclu non plus que des dépenses supplémentaires seraient nécessaires pour aider l'agriculture. En revanche, les prestations de l'assurance-invalidité et des assurances-maladie et accidents subiraient probablement une sensible diminution.

Les cantons auraient vraisemblablement à supporter d'importantes charges supplémentaires, car leurs organes de police auraient à surveiller l'application de l'interdiction de la réclame.

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Conséquences économiques

A court terme, une interdiction générale de la publicité frapperait la branche publicitaire, les arts graphiques et une partie de la presse. A long terme, une

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telle interdiction provoquerait peut-être une baisse de la consommation, avec les conséquences que cela impliquerait pour les producteurs et les commerçants.

Si une interdiction de la réclame devait se révéler efficace - par une amélioration de la santé publique - il faudrait s'accommoder de ces inconvénients d'ordre économique. Mais, comme nous l'avons exposé plus haut, une telle efficacité étant peu vraisemblable, l'ampleur de l'intervention de l'Etat doit être déterminée compte tenu des conséquences économiques défavorables qu'auraient à subir la branche publicitaire, les arts graphiques et une partie de la presse, De plus, la Confédération pourrait être obligée d'agir à rencontre des tâches qui lui incombent en matière de politique agricole. En effet, la Confédération, par le statut du vin (ordonnance du 23 décembre 1971 sur la viticulture et le placement des produits viticoles: RS 916.140), fondé sur la loi sur l'agriculture, encourage le placement des produits viticoles et l'exportation du vin. La loi sur l'imposition du tabac (RS 641.31), déjà mentionnée, prévoit, d'autre part, des réductions d'impôts et des subventions aux fins de maintenir et de développer la production indigène de tabac.

D'aucuns craignent également que, si elle était acceptée, l'initiative pourrait menacer la diversité de la presse. On objecte à cela ce ne sont pas les quotidiens politiques à faible tirage qui bénéficient au premier chef des annonces publicitaires que fait paraître l'industrie de l'alcool et du tabac, mais bien les illustrés à forte capacité financière, les journaux d'annonces gratuits et les imprimés dont l'existence ne dépend pas de ces annonces.

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Difficultés d'exécution

La surveillance d'une interdiction générale de la publicité, interdiction qui n'engloberait pas seulement la publicité destinée au public, mais aussi celle qui est faite dans les débits de vente et la presse spécialisée, serait très difficile à assurer. De toute manière, la publicité pour l'alcool et plus particulièrement pour le tabac ne se limite pas à la presse, aux affiches et aux cinémas. En sus de ces supports de publicité traditionnels, il en existe bien d'autres, non spécifiques et en partie difficiles à déceler (vêtements, articles de consommation, etc.). A cela s'ajoute qu'une situation apparemment identique peut, selon l'intention que l'on nourrit, être ou non un élément de publicité (p. ex. apposer des marques de fabrique sur des vêtements, des automobiles, etc.).

De même, le nombre important de débits de vente (il y a plus de 200 000 producteurs et entreprises commerciales dans le seul secteur des boissons distillées) rend illusoire l'application d'une interdiction absolue.

La réglementation d'exception proposée en faveur des publications étrangères dont la diffusion en Suisse est insignifiante ne serait pas la seule à poser des problèmes ardus aux organes douaniers. C'est surtout l'importation régulière de ces imprimés qui en poserait, quand on sait que plus de deux millions de journaux illustrés étrangers sont vendus, en moyenne par semaine, dans notre pays. De plus, il est fréquent que l'éditeur étranger envoie ses publications directement à l'abonné suisse par la poste. Dans ces cas, un contrôle douanier serait pratiquement impossible.

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Il y a tout lieu de craindre, au cas où l'initiative serait acceptée, que la publicité se déplace vers des secteurs où elle serait difficile à déceler et à contrôler. La répression de la publicité indirecte (publicité clandestine) dans les films, les représentations théâtrales, les livres, sur les vêtements, les stylos à bille, les cendriers, les carrosseries d'automobiles etc. exigerait un dispositif policier très important dans les cantons.

Dans la mesure où elle est autorisée dans les pays voisins, la publicité pour les boissons alcooliques et les produits pour fumeurs à la radio et à la télévision échapperait à tout contrôle.

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Appréciation générale et proposition

Nous reconnaissons qu'il y a concordance quant au but visé, à savoir l'amélioration de la santé publique, entre les objectifs des auteurs de l'initiative et les intentions des autorités fédérales. Mais il y a divergence quant aux moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir.

Toute une série de mesures propres à améliorer la santé publique ont déjà été prises en vertu de la constitution (institution du monopole de l'alcool, introduction de la clause du besoin pour l'exploitation de cafés et de restaurants et le commerce de détail des boissons distillées, forte imposition fiscale des boissons alcooliques et du tabac, restrictions fondées sur la législation en matière de denrées alimentaires, interdiction de la réclame à la radio et à la télévision pour les substances qui engendrent la dépendance, campagnes de prévention dans le'domaine de l'information et de la recherche).

D'autres mesures sont en préparation (revision de la loi sur l'alcool et de l'ordonnance sur les denrées alimentaires, augmentation de l'impôt sur le tabac, élaboration d'une loi sur la prévention des toxicomanies).

Les objectifs essentiels visés par l'initiative peuvent donc être atteints par la voie législative, sans revision de la constitution. Par conséquent, il n'est pas nécessaire d'insérer dans la constitution une interdiction de la réclame pour les produits qui engendrent la dépendance, interdiction qui, de surcroît, ne garantirait aucunement que la consommation d'alcool et de tabac diminuerait dans une mesure importante et durable. U'interdiction générale de la réclame pour des produits qui engendrent la dépendance, telle que la proposent les auteurs de l'initiative, doit donc être rejetée; elle constitue du reste une mesure unilatérale, disproportionnée et inadéquate.

Nous avons également examiné de manière approfondie s'il fallait présenter un contre-projet. Etant donné que les mesures visant à améliorer la santé publique, mentionnées sous chiffre 22, peuvent être réalisées dans les limites du droit constitutionnel en vigueur, un contre-projet n'est pas nécessaire. On peut considérer ces mesures comme des «contre-projets indirects» sur le plan législatif.

Même si nous rejetons l'initiative et renonçons à un contre-projet, nous ne méconnaissons pas pour autant l'importance considérable que présente la lutte contre les toxicomanies. Les mesures que nous avons déjà prises et celles que nous envisageons de prendre dans ce domaine en témoignent.

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Arrêté fédéral concernant l'initiative populaire «contre la publicité pour des produits qui engendrent la dépendance»

Projet

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'initiative «contre la publicité pour des produits qui engendrent la dépendance» soumise le 10 avril 19761*; vu le message du Conseil fédéral du 22 mars 19782>, arrête: Article premier 1 L'initiative populaire du 10 avril 1976 «contre la publicité pour des produits qui engendrent la dépendance» est soumise au vote du peuple et des cantons.

2 L'initiative populaire, qui demande l'insertion d'un nouvel article 32quinquies dans la constitution, a la teneur suivante: Art. 32 quinquies (nouveau) Toute publicité en faveur de produits pour fumeurs et de boissons alcooliques est interdite. Une autorité que la Confédération désignera peut exceptionnellement admettre une dérogation à cette interdiction lorsqu'il s'agit d'imprimés étrangers dont la diffusion en Suisse est insignifiante.

Art. 2 Le peuple et les cantons sont invités à rejeter l'initiative populaire.

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»2 FF 1976 II 691 > FF 1978 I I 105

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Message concernant l'initiative populaire «contre la publicité pour des produits qui engendrent la dépendance» du 22 mars 1978

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25.04.1978

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