ad 13.479 Initiative parlementaire Impôt anticipé ­ Clarification de la pratique de longue date en matière de procédure de déclaration Rapport de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national du 13 avril 2015 Avis du Conseil fédéral du 5 juin 2015

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 112, al. 3, de la loi sur le Parlement, nous vous soumettons notre avis sur le rapport du 13 avril 2015 de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national sur la clarification de la pratique de longue date relative à la procédure de déclaration de l'impôt anticipé.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'expression de notre haute considération.

5 juin 2015

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2015-1439

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Avis 1

Contexte

L'initiative parlementaire 13.479 «Impôt anticipé. Clarification de la procédure de déclaration» a été déposée le 13 décembre 2013 par le conseiller national Urs Gasche. Elle vise à modifier la loi fédérale du 13 octobre 1965 sur l'impôt anticipé (LIA; RS 642.21) de telle sorte qu'une déclaration tardive concernant une prestation imposable n'entraîne plus la perte du droit à cette procédure de déclaration lorsque les conditions matérielles sont réunies (droit de jouissance, pas de tentative d'éluder l'impôt, comptabilisation correcte). Les nouvelles dispositions doivent en outre permettre de punir le non-respect du délai légal d'une amende d'ordre. L'obligation de payer des intérêts moratoires serait annulée. Par ailleurs, les intérêts moratoires déjà exigés par voie de décision exécutoire doivent pouvoir être annulés et remboursés.

Simultanément, une initiative parlementaire de teneur analogue a été déposée au Conseil des Etats (Conseiller aux Etats Niederberger, 13.471 «Procédure de déclaration. Modifier la loi sur l'impôt anticipé afin d'éliminer les entraves administratives»).

Au mois de mai 2014, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national (CER-N) a donné suite, par 15 voix contre 7 et 2 abstentions, à l'initiative du Conseiller national Gasche. Le 1er juillet 2014, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats (CER-E) a approuvé la décision de son homologue du Conseil national par 8 voix contre 3 et 1 abstention. Le même jour, elle a donné suite, par 9 voix contre 3 et 1 abstention, à l'initiative déposée par le Conseiller aux Etats Niederberger. Conformément à l'art. 111, al. 1, de la loi du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale (LParl; RS 171.10), la CER-N a été chargée d'élaborer un projet. A cette fin, elle a demandé à l'administration de préparer un avant-projet comportant plusieurs options de mise en oeuvre et de rédiger le rapport explicatif. Lors de sa séance du 10 novembre 2014, la CER-N a adopté un avantprojet par 17 voix contre 7 et décidé de le soumettre à une consultation.

Le 12 décembre 2014, la consultation sur l'avant-projet, accompagné de son rapport explicatif, a été ouverte. Elle a pris fin le 6 mars 2015. Lors de sa séance du 13 avril 2015, la CER-N a pris connaissance des résultats de la consultation et adopté par 14 voix
contre 6 et 3 abstentions le présent projet, qu'elle a transmis au Conseil national.

La majorité de la commission estime qu'il y a lieu de modifier la LIA dans le domaine de la procédure de déclaration, tandis qu'une minorité propose de ne pas entrer en matière sur le projet de loi. Dans le sens d'une modification, une majorité considère que, à l'avenir, les délais prévus dans le cadre de cette procédure n'aient plus un caractère péremptoire, mais constituent des délais d'ordre. La procédure de déclaration d'une prestation imposable (dividendes et prestations appréciables en argent en faveur de l'actionnaire) sera donc possible pour les sociétés remplissant les conditions matérielles même en cas de non-respect du délai de 30 jours après l'échéance de la prestation imposable. Dans ce cas, les intérêts moratoires prévus en cas de non-respect des délais ne devraient plus s'appliquer que dans le cadre de la procédure ordinaire de perception de l'impôt. Si les formulaires ne sont pas déposés 4914

dans les délais impartis, une amende d'ordre peut être prononcée à l'encontre de la société. Une minorité propose d'augmenter les délais concernant la déclaration de l'impôt anticipé de 30 à 90 jours après la naissance de la créance fiscale en augmentant dès lors le délai pour déposer une demande visant une procédure de déclaration de trente jours à une année.

En cas de modification dans le sens proposé par la majorité, une autre majorité prévoit un effet rétroactif de ces nouvelles dispositions dans tous les cas pour lesquels les créances fiscales ou les créances d'intérêts moratoires ne se sont pas prescrites ni ne sont entrées en force avant le 1er janvier 2011. Une minorité est opposée à toute forme de rétroactivité des éventuelles nouvelles dispositions.

2

Avis du Conseil fédéral

L'impôt anticipé poursuit deux fonctions. Tout d'abord, à l'égard des résidents et contribuables suisses, l'impôt anticipé permet de garantir, dans le cadre des impôts directs perçus en Suisse, la déclaration correcte des revenus et de la fortune (fonction dite de garantie de l'impôt anticipé). À l'égard des résidents à l'étranger, l'impôt anticipé poursuit un but fiscal dans la mesure où le prélèvement est en principe définitif, sous réserve de la possibilité de bénéficier de l'application d'une convention contre les doubles impositions.

L'impôt anticipé est fondé sur le principe dit de la déclaration spontanée (système de l'auto-taxation). C'est au débiteur de la prestation qu'incombe l'obligation fiscale (art. 10 al. 1 LIA). Le contribuable de la prestation imposable soumise à l'impôt anticipé en application des art. 4 s. LIA a ainsi l'obligation de s'annoncer auprès de l'Administration fédérale des contributions (AFC) sans attendre d'y être invité et, à l'échéance de l'impôt, de remettre spontanément à l'AFC le relevé prescrit accompagné des pièces justificatives, et en même temps de payer l'impôt ou de faire la déclaration remplaçant le paiement (cf. art. 38 LIA). En principe, l'obligation fiscale est exécutée par le paiement de l'impôt, la procédure de déclaration demeurant l'exception (art. 1 al. 1, 11, al. 1 et 20 LIA). Le contribuable déduit l'impôt anticipé de 35 % de la prestation imposable versée et s'acquitte de l'impôt auprès de l'AFC dans le délai de 30 jours suivant l'échéance de la prestation (art. 11, 12 et 14 LIA).

Le bénéficiaire de la prestation peut demander le remboursement de l'impôt anticipé retenu à sa charge par le débiteur auprès de la Confédération pour les personnes morales ou par la déclaration correcte des rendements grevés et les valeurs qui ont produit le rendement soumis. L'obligation fiscale peut être exécutée en remplacement du paiement de l'impôt par la déclaration de la prestation imposable dans les cas prévus par la loi (art. 1, al. 1 et art. 20 LIA et art. 24 et suivants et art. 26a OIA en particulier). En d'autres termes, le débiteur peut verser la prestation imposable brute (100 %) et substitue son obligation de paiement par la déclaration de la prestation sur formule officielle dans les 30 jours qui suivent l'échéance de celle-ci.

Dans le cadre de la
procédure de déclaration, l'AFC n'a pas à se déterminer sur l'existence du droit au remboursement de façon définitive, comme elle le ferait dans le cadre d'une demande de remboursement introduite par le bénéficiaire de la prestation imposable. L'AFC ne doit procéder qu'à un examen sommaire du droit au remboursement et n'autoriser la procédure de déclaration que lorsque le droit au remboursement n'apparaît pas d'emblée périmé. Si à l'issue de cet examen sommaire un doute subsiste sur le droit au remboursement du bénéficiaire, la procédure 4915

de déclaration est refusée. L'obligation fiscale doit alors être accomplie selon la procédure ordinaire, soit le paiement de l'impôt et son transfert au bénéficiaire. Ce dernier conserve la possibilité de demander ultérieurement le remboursement du montant retenu. Le refus de la procédure de déclaration ne préjuge pas du droit au remboursement.

La procédure de déclaration est en particulier prévue en matière de versement de dividendes au sein d'un groupe de sociétés (art. 26a OIA). Le Tribunal fédéral a confirmé à maintes reprises qu'en cas de doute sur le droit au remboursement, la procédure ordinaire de paiement de l'impôt anticipé s'applique, le droit au remboursement définitif étant vérifié ultérieurement lors de la procédure de demande de remboursement. Au sein d'un groupe suisse et international de sociétés, il est possible, aux conditions prévues par les accords internationaux et l'ordonnance du 22 décembre 2004 sur le dégrèvement des dividendes suisses payés dans les cas de participations importantes détenues par des sociétés étrangères (RS 672.203), de remplacer le paiement de l'impôt anticipé par la déclaration de la prestation imposable.

Lorsque la prestation imposable n'est pas déclarée et payée dans le délai légal de 30 jours après l'échéance (art. 12 et 16 LIA), un intérêt moratoire est dû sans sommation sur le montant d'impôt (art. 16, al. 2 LIA). En matière de procédure de déclaration, si la prestation n'est pas déclarée dans le délai de 30 jours suivant l'échéance, le contribuable (débiteur de la prestation imposable) doit payer après coup l'impôt anticipé dû majoré des intérêts moratoires.

Le Conseil fédéral considère aussi que le système actuel est équilibré et que les dispositions légales applicables en la matière assurent une égalité de traitement des contribuables. Une modification législative permettant de pouvoir profiter en tout temps de la procédure de déclaration en matière d'impôt anticipé serait inopportune, engendrerait des inégalités trop importantes dans les différentes méthodes à disposition des contribuables pour remplir leurs obligations fiscales et pourrait présenter des risques dans le cadre de la perception équitable et efficace des impôts. Le Conseil fédéral n'est par contre pas opposé à une extension du délai de déclaration de 30 à 90 jours ­ qui resterait
péremptoire ­ pour la remise des formulaires tant dans le cadre de la procédure ordinaire que dans celui de la procédure de déclaration.

Les arguments suivants s'opposent à une modification législative dans le sens soutenu par la majorité de la commission Généralités L'AFC assure la perception équitable et efficace des impôts de sa compétence (art. 12 de l'ordonnance du 17 février 2010 sur l'organisation du Département fédéral des finances [Org DFF]; RS 172.215.1). En pratique l'AFC ne peut pas effectuer un contrôle systématique et général de tous les contribuables potentiels, de sorte que le contrôle de la perception de l'impôt anticipé relève de la procédure de masse.

Comme indiqué auparavant, l'impôt anticipé relève du principe de l'auto-taxation et c'est donc au contribuable de s'acquitter de ses obligations fiscales, sans y être invité par l'administration. Dans ces conditions, l'AFC ne peut procéder qu'à des contrôles par sondage. En ce qui concerne les demandes visant à faire valoir le droit à la procédure de déclaration, l'administration fiscale a toujours opéré dans le cadre des dispositions légales applicables en la matière, dans les limites de ses possibilités de vérification.

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Le Tribunal fédéral a entériné l'action de l'AFC dans son arrêt du 19 janvier 2011 (Arrêt 2C_756/2010) et confirmé que le délai de déclaration de 30 jours à compter de l'échéance d'une prestation imposable constitue un délai légal et que le délai pour la remise d'une formule officielle de déclaration (également fixé à 30 jours) constitue un délai légal de péremption. En règle générale, le délai a un caractère péremptoire si la sécurité du droit ou la technique administrative nécessitent que les rapports de droit soient fixés définitivement à l'échéance d'un certain délai sans que ce dernier puisse être allongé par un acte interruptif. Contrairement au délai de péremption, le délai d'ordre a le caractère d'une pure prescription d'ordre. Cet arrêt a déclenché une vague importante d'annonces de la part de plusieurs contribuables qui n'avaient tout simplement pas déclaré le versement de dividendes ou d'autres prestations imposables dans les délais. Bon nombre de demandes vérifiées par l'AFC portaient sur des déclarations de prestations imposables effectuées à posteriori après le délai légal de 30 jours. Par conséquent, l'AFC a été contrainte de refuser les demandes dont les contribuables étaient déchus du droit d'exécuter leur obligation fiscale par le biais de la procédure de déclaration. Elle a donc procédé à l'application de la procédure ordinaire, à savoir le prélèvement de l'impôt anticipé dû. Cela a conduit à calculer et facturer les intérêts moratoires prévus en cas de non-respect des délais comme la loi le prévoit à l'art. 16, al. 2, LIA. L'intérêt moratoire fait ainsi partie de la créance fiscale. Dans son arrêt A-1878/2014 du 28 janvier 2015 qui portait sur une procédure de déclaration en Suisse, le Tribunal fédéral a établi sans équivoque le caractère péremptoire du délai et le fait que ce dernier non seulement soutient la fonction de garantie de l'impôt anticipé mais garantit aussi l'égalité de traitement avec les contribuables pour lesquels c'est la procédure de paiement qui s'applique dès le début. L'obligation de verser des intérêts moratoires sur une créance de droit public constitue un principe général du droit incontesté. Le seul cas dans lequel un intérêt moratoire ne doit pas être versé, est le cas dans lequel une disposition légale particulière l'exclut (cf. Häfelin/Müller,
Allgemeines Verwaltungsrecht, 6e édition, 2010, N 755). Le Tribunal administratif fédéral a confirmé la légalité de la perception d'intérêts moratoires par l'AFC.

Principe de l'auto-taxation ­ conséquences du passage à un délai d'ordre dans le cadre de la procédure de déclaration pour la Confédération et les cantons Comme indiqué plus haut, l'impôt anticipé se base sur le principe de l'auto-taxation.

Il est vrai que le rapport mentionne que ­ même en cas d'une modification comme proposé par la majorité de la commission ­ la formule officielle de déclaration devrait continuer d'être présentée à l'AFC dans un délai de 30 jours dès la naissance de la créance fiscale et que la demande visant à faire valoir le droit à la procédure de déclaration doit aussi intervenir dans les 30 jours. Néanmoins, force est de constater que les conséquences pratiques pourraient être bien différentes. En effet, la proposition de la majorité qui prévoit que les délais précités ne seraient plus que des délais d'ordre fait en sorte que les contribuables pourraient à l'avenir présenter leur demande visant à faire valoir le droit à la procédure de déclaration sans limite dans le temps. Ceci est clairement contraire à la systématique de l'impôt anticipé dans la mesure où un retard dans la déclaration n'entraîne pas de déchéance du droit d'utiliser la procédure de déclaration. La procédure ainsi envisagée engendrerait de fait un caractère facultatif de la déclaration et, partant, de l'obligation fiscale.

L'absence de cette obligation aurait des conséquences directes sur la déclaration des prestations imposables: les sociétés qui versent un dividende pourraient être incitées 4917

à ne pas remplir leur obligation légale de déclaration dans les délais légaux, sachant qu'elles pourraient toujours bénéficier de la procédure de déclaration après-coup si les conditions du droit au remboursement sont remplies. L'AFC ne pourrait plus remplir correctement son rôle de contrôle prévu par la loi. Si le délai d'ordre proposé par la majorité est accepté et si les conditions pour faire valoir le droit à la procédure de déclaration sont réunies, dans les faits il n'y aura plus de non déclaration, mais seulement des déclarations tardives ou des demandes visant à faire valoir le droit à la procédure de déclaration tardives. Il en résulte cependant une inégalité de traitement manifeste et non justifiable entre les contribuables, car dans cette option de mise en oeuvre, seuls les cas dans lesquels une procédure de déclaration s'applique bénéficieront d'un traitement de faveur, tandis que dans le cas normal, celui du versement de l'impôt anticipé, il faut toujours déclarer et verser l'impôt anticipé dans un délai péremptoire.

Cette situation aurait également des conséquences en matière des informations que l'AFC fournit aux cantons. Les formulaires de déclarations lors de distributions de dividendes de sociétés suisses sont indispensables pour alimenter la plateforme Contrôle Etat des Titres (CET) à l'adresse des cantons. Sans cette source d'information, les données nécessaires à ce contrôle et à l'imposition correcte des sociétés feraient défaut, créant ainsi des difficultés non seulement à l'AFC mais également aux administrations fiscales cantonales. Par conséquent, le Conseil fédéral considère que les effets des changements proposés se feront sentir aussi bien pour la Confédération que pour les cantons.

L'application des dispositions d'exécution de l'art. 20 LIA, dans leur version approuvée par la majorité, pourrait soulever des difficultés dans les cas dans lesquels la procédure de déclaration n'est admise qu'à la suite d'un contrôle officiel.

Déclaration dans le cadre international Au niveau international, la procédure de déclaration des dividendes nationale et internationale a fait ses preuves et a permis de renforcer l'attractivité de la place économique suisse. Actuellement, la procédure de déclaration des dividendes suisses payés dans les cas de participations importantes détenues
par des sociétés étrangères est soumise à une autorisation préalable. La société étrangère qui détient une participation suisse et qui souhaite bénéficier de la procédure de déclaration doit déposer une demande avec la société suisse auprès de l'AFC. L'autorisation accordée après examen est valable durant trois ans. La demande d'autorisation adressée à l'AFC contient le timbre du fisc étranger qui atteste avoir connaissance de la demande et du rapport de participation, ainsi que de la possibilité pour la société étrangère de bénéficier du versement de dividendes bruts par sa filiale suisse.

L'application de la nouvelle réglementation pourrait inciter des sociétés étrangères à obtenir le versement de dividendes bruts dont le fisc étranger n'aurait pas connaissance (ou ultérieurement) en cas de découvertes lors de contrôles fait par l'AFC. La réglementation envisagée pourrait ainsi aller à l'encontre de la politique fiscale internationale poursuivie dans le cadre de l'échange d'informations et pourrait nuire à l'image et aux intérêts de la Suisse.

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Déclaration en application des conventions contre la double imposition Aujourd'hui, la Suisse a conclu des conventions contre les doubles impositions (CDI) avec 89 pays. En principe, la procédure de déclaration est possible en cas de versement de dividendes depuis la Suisse vers tous ces Etats contractants, si les conditions matérielles concernant la participation minimale requise et le droit au remboursement de l'impôt anticipé fondées sur la CDI applicable sont réunies.

Cependant, il convient impérativement d'observer que l'exonération entière de l'impôt anticipé n'est pas toujours prévue dans un contexte international et que, même en cas d'application de la procédure de déclaration, il reste une charge fiscale résiduelle.

Pour l'ensemble des pays de l'UE, ce qu'on appelle le taux zéro s'applique, d'après lequel la procédure de déclaration est en principe applicable à tous les dividendes bruts et prestations appréciables en argent. Sur les 89 CDI mentionnées, 53 ne prévoient pas le taux zéro et par conséquent, indépendamment de la possibilité d'appliquer la procédure de déclaration, l'impôt résiduel (appelé aussi socle) doit toujours être versé dans un délai de 30 jours après l'échéance de la prestation imposable, à défaut de quoi des intérêts moratoires sont prévus. En d'autres termes, précisément dans les procédures de déclaration internationale, une déclaration spontanée dans un délai de 30 jours reste indispensable. Les principaux pays qui ne peuvent pas faire valoir le taux zéro sont les Etats-Unis, le Canada, la Russie, la Chine, Singapour, Israël et un pays d'importance croissante: l'Inde. En 2014, la charge fiscale résiduelle à déclarer ou à verser dans un délai de 30 jours sur les dividendes versés vers les principaux pays s'élevait à 596,4 millions de francs.

Procédure ordinaire et procédure de déclaration ­ inégalité de traitement des contribuables S'agissant de dividendes versés au sein d'un groupe, le contribuable peut être autorisé à exécuter son obligation fiscale par une déclaration de la prestation imposable lorsque le paiement de l'impôt anticipé risquerait d'entraîner des complications inutiles ou des rigueurs manifestes. Si le contribuable remplit les conditions matérielles lui permettant de recourir à cette procédure, il doit, dans les 30 jours qui suivent la naissance de
la créance fiscale, déclarer le rendement imposable et l'annoncer à l'AFC. Passé ce délai, le droit de recourir à la procédure de déclaration pour le dividende concerné devient caduc. La créance fiscale est alors perçue selon la procédure ordinaire, le débiteur de la prestation devant déclarer et s'acquitter après coup de l'impôt anticipé, puis le reporter sur le bénéficiaire de la prestation.

Un intérêt moratoire, fixé actuellement à 5 %, est calculé sur l'impôt dû. Le calcul de cet intérêt moratoire vise à garantir l'égalité de traitement entre les contribuables qui ont correctement déclaré et acquitté l'impôt dû de ceux qui ont conservé l'impôt de manière indue. La perception de l'intérêt moratoire vise ainsi à compenser l'avantage économique dont a bénéficié le contribuable qui ne s'est pas acquitté de son obligation fiscale dans les délais légaux, ceci tant en ce qui concerne la procédure ordinaire que la procédure de déclaration. Il convient de préciser que les intérêts moratoires de toutes les recettes en espèces ne constituent en moyenne que 0,15 %, ce qui montre bien que les contrôles de l'administration portent avant tout sur la substance fiscale, et que les intérêts moratoires ne constituent qu'un aspect secondaire.

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Les dispositions légales actuelles sont conformes au principe de la LIA, en vertu duquel le paiement de l'impôt anticipé constitue la règle en ce qui concerne les rendements des gains en capital mobilier, alors que la procédure de déclaration fait figure d'exception. La procédure de déclaration est offerte à une certaine catégorie de contribuables pour lesquels le législateur a prévu une facilitation quant à l'accomplissement de leurs obligations fiscales à des conditions bien définies. Ces contribuables sont donc dans une position privilégiée par rapport à la grande majorité des sociétés ne remplissant pas les exigences prévues par la procédure de déclaration. La différence pratique par rapport à ces derniers est de devoir remplir, en plus du formulaire déclarant la prestation imposable, un formulaire additionnel pour pouvoir transférer la prestation brute aux bénéficiaires (Form. 106/108/823). On peut dès lors attendre que ces contribuables s'exécutent dans les délais légaux prévus.

Délai péremptoire Le délai de péremption actuel ne correspond pas seulement à la fonction de garantie de l'impôt anticipé, mais permet aussi d'assurer l'égalité de traitement entre les sociétés qui peuvent se prévaloir de la procédure de déclaration par rapport aux sociétés qui doivent utiliser la procédure ordinaire, c'est-à-dire la déclaration et le versement de l'impôt anticipé, pour les prestations imposables qu'elles effectuent.

Le fait que l'impôt anticipé est toujours perçu en cas de non-respect du délai péremptoire et que des intérêts moratoires sont alors dus conduit à la discrimination des contribuables qui payent l'impôt. Jusqu'ici, les mêmes délais péremptoires s'appliquaient à la procédure de déclaration et à l'acquittement de l'impôt anticipé.

Si l'on suit la proposition de la majorité, en raison d'une qualification différente du même délai, une fois en tant que délai péremptoire et l'autre en tant que délai d'ordre, il en résulterait aussi dans ce domaine une inégalité de traitement sans aucune justification valable.

Nombre de cas touchés Bien que tant les montants d'impôt anticipé que ceux des intérêts moratoires soient particulièrement importants, il sied de rappeler que ces créances fiscales ont leur origine dans la déchéance du droit de certaines sociétés d'utiliser valablement la procédure de
déclaration dont elles auraient pu se prévaloir si elles avaient satisfait aux conditions prévues par la loi. Le respect des délais est en effet une condition matérielle pour pouvoir profiter d'une procédure simplifiée et moins onéreuse. Selon les estimations faites par l'AFC, les formulaires de demandes de déclaration déposés en retard représentent pour l'année 2014 moins de 5% des formulaires transmis par les contribuables dans le cadre de cette procédure. Dès lors, une modification législative pour cette part réduite ne se justifie pas.

Amende d'ordre Le projet de loi de la majorité prévoit une amende d'ordre en application de l'art. 64 LIA (limitée au maximum à 5000 fr.) pour punir une violation du respect des délais.

Un tel montant n'aurait en réalité aucun caractère sanctionnateur susceptible d'inquiéter les sociétés qui n'auraient pas procédé correctement à leur obligation fiscale et qui pourraient faire valoir, après coup, un droit à la procédure de déclaration. La fonction préventive et d'incitation à remplir les devoirs fiscaux dans le 4920

domaine de la procédure de déclaration paraît douteuse et l'impact d'une telle mesure sur le comportement des contribuables paraît faible.

Les dispositions pénales de l'art. 61 LIA restent en principe applicables d'après la présente proposition de la majorité. Le non-respect de l'obligation de déclarer une prestation imposable reste donc puni. C'est pourquoi l'AFC devrait ouvrir une procédure pénale pour soustraction d'impôt au sens de l'art. 61, al. 1, LIA pour chaque déclaration tardive, chaque demande tardive visant à faire valoir le droit à la procédure de déclaration, et chaque communication tardive au sens de l'art. 16, al. 2bis, LIA. Dans le même temps, elle devrait vérifier dans le cadre de la procédure administrative si les conditions sont réunies pour faire valoir le droit à la procédure de déclaration, et accorder ce dernier à condition qu'une amende d'ordre d'après l'art. 64 LIA soit versée. Dans ce contexte il n'est pas précisé si la procédure pénale d'après l'art. 61 LIA doit ensuite être ouverte. Les dispositions prévues sont par conséquent non seulement peu claires mais elles rendent aussi deux procédures nécessaires, d'une part la procédure concernant l'amende d'ordre et d'autre part la procédure en soustraction d'impôt, ce qui entraîne une charge de temps et de personnel qui n'a pas encore été prise en compte jusqu'ici. Comme cela ne correspond guère à la volonté des auteurs de la proposition, il serait indispensable de compléter l'art. 20, al. 3, LIA par la précision que les dispositions pénales de l'art. 61 LIA ne s'appliquent pas. Mais cela aurait pour conséquence que la proposition de la majorité privilégie sans raison un petit nombre de contribuables (voir supra inégalité de traitement). Si les dispositions pénales de la quatrième section de la LIA (art. 61 et 62) font encourir, en cas de déclaration tardive, des peines pécuniaires jusqu'au triple du montant d'impôt soustrait (ou non déclaré), en complétant comme mentionné l'art. 20, al. 3, LIA, la non déclaration et la non communication d'une prestation imposable par des contribuables qui peuvent faire valoir le droit à la procédure de déclaration d'après l'art. 20 LIA ne seraient punies que d'une amende d'ordre.

Rétroactivité Les dispositions rétroactives sont rares dans le système juridique suisse. La rétroactivité
soulève des problèmes eu égard aux principes de l'Etat de droit et de la sécurité juridique et ne doit être prévue qu'avec la plus grande circonspection.

L'effet rétroactif réel des lois, que celles-ci avantagent ou désavantagent les justiciables, n'est en principe pas admissible. Cela signifie que le nouveau droit ne doit pas être appliqué à des états de fait préalables à son entrée en vigueur. L'interdiction de la rétroactivité résulte de l'exigence constitutionnelle de la sécurité du droit, laquelle découle du principe de l'Etat de droit (art. 5 Cst.). Le principe de l'égalité de traitement et celui de la protection de la bonne foi sont liés à l'interdiction de la rétroactivité.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la rétroactivité n'est admissible que si les conditions ci-après sont toutes réunies: a.

La rétroactivité doit être expressément ordonnée ou clairement voulue au sens du texte légal en question.

b.

La rétroactivité doit être adaptée dans le temps. Les conditions particulières qui ont prévalu aux dispositions en question sont décisives. La prévisibilité de la modification de la loi joue un rôle particulièrement important.

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c.

La rétroactivité doit être justifiée par des motifs très pertinents. Les motifs fiscaux ne suffisent en principe pas, sauf si les finances publiques sont en péril.

d.

La rétroactivité ne doit pas engendrer des inégalités de traitement choquantes.

e.

La rétroactivité doit être justifiée par des intérêts publics prépondérants.

f.

La rétroactivité ne doit pas porter atteinte aux droits acquis.

En revanche, la rétroactivité improprement dite est admissible si le nouveau droit ne porte pas atteinte aux droits acquis, c'est à dire s'il ne s'oppose pas à la protection de la bonne foi.

La rétroactivité improprement dite peut se définir de la manière suivante. L'interdiction de la rétroactivité fait obstacle à l'application d'une nouvelle disposition légale à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur (rétroactivité proprement dite); il est en revanche admissible d'appliquer la nouvelle norme à des faits ayant pris naissance sous l'empire du droit antérieur, mais qui déploient encore des effets sous le nouveau droit (rétroactivité improprement dite), sous réserve des droits acquis.

La rétroactivité proposée par la majorité peut être qualifiée de rétroactivité proprement dite, elle n'est pas admissible: la rétroactivité ne serait pas adaptée dans le temps ni justifiée par des motifs très pertinents. Une telle disposition ne se justifie pas par des intérêts publics prépondérants. En outre, elle entraînerait des inégalités de traitement choquantes pour des états de fait comparables sous l'angle du droit, car les créances fiscales entrées en force avant le 1er janvier 2011 seraient traitées autrement que celles qui sont contestées. Cela entraînerait des inégalités de traitement objectivement injustifiables. C'est pourquoi le Conseil fédéral se prononce contre l'inscription de la rétroactivité dans la loi sur l'impôt anticipé.

Conséquences financières En ce qui concerne les conséquences financières, le Conseil fédéral retient que les chiffres donnés reflètent une estimation des tendances concernant l'évolution des intérêts moratoires. Il rejette la rétroactivité proposée en se fondant non seulement sur l'argument de son incompatibilité avec le droit constitutionnel développé plus haut mais aussi sur les conséquences financières à hauteur de 600 millions de francs qui en résulteraient, lesquelles dépendent de l'apparition de nouveaux cas qui tomberaient sous le coup de cette décision. Le remboursement des intérêts moratoires déjà perçus devrait être compensé en principe entièrement par des réductions des dépenses dans d'autres domaines pendant l'année de l'entrée en vigueur pour laquelle le budget est réalisé ainsi que pendant l'année suivante en raison de la nécessaire adaptation
des perspectives budgétaires. En fonction de la répartition temporelle à prévoir, notamment, il convient de déterminer si les dépenses devraient alors être traitées comme des dépenses extraordinaires, conformément aux exigences du frein à l'endettement.

En outre, le Conseil fédéral estime que le danger est grand de voir la substance fiscale diminuer en raison des dispositions proposées par la majorité, si la possibilité de procéder à la déclaration au moment qui leur convient est accordée aux contri-

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buables, en raison de l'inscription dans la loi du délai d'ordre. L'AFC n'aura plus la certitude que l'impôt anticipé dû est déclaré spontanément dans un délai de 30 jours.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les impôts résiduels (socles) calculés sur la seule base des dividendes distribués à l'étranger en 2014 se sont élevés à 596,4 millions de francs; la modification proposée par la majorité ne garantirait plus la déclaration spontanée de ces montants.

Extension du délai à 90 jours La proposition d'une minorité de la commission de prolonger le délai de 30 à 90 jours pour déposer la formule officielle de déclaration, constitue une modification qui ne remet pas en cause le mode de fonctionnement de l'impôt anticipé, ni le caractère péremptoire du délai imparti pour la déclaration. Par souci d'égalité de traitement, cette prolongation s'appliquerait aussi bien à la procédure ordinaire qu'à la procédure de déclaration. De plus, ladite proposition prévoit la possibilité d'allonger le délai de péremption pour déposer le formulaire de demande visant à faire valoir le droit à la procédure de déclaration jusqu'à un an (par rapport aux 30 jours actuels). Cette proposition est donc conforme à l'égalité de traitement, à condition que le délai pour la déclaration soit allongé en général, y compris pour la procédure de versement de l'impôt anticipé.

Cette extension donne ainsi aux contribuables plus de temps que dans le cadre de la loi actuelle. Toutes les entreprises concernées disposeraient donc d'une prolongation qui leur permettrait de valablement remplir leurs devoirs fiscaux en réduisant les aléas au niveau organisationnel et en ce qui concerne la communication à l'intérieur du groupe de sociétés.

Le Conseil fédéral estime qu'un allongement des délais sans remise en question le système actuel est une solution envisageable et cohérente avec les problèmes qui ont été soulevés dans le cadre des procédures de déclaration. En outre, cette manière de procéder respecte le principe constitutionnel de l'égalité de traitement.

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Conclusion

En vertu de l'art. 8, Cst., la Confédération est tenue au respect du principe de l'égalité de traitement. Eu égard à la solution proposée par la majorité, il convient de mentionner dans ce contexte que cette solution ne se réfère expressément qu'aux situations dans lesquelles la procédure de déclaration est appliquée et conduit donc à une inégalité de traitement objectivement injustifiable entre les contribuables, parce que les adaptations proposées sont limitées aux cas d'application de la procédure de déclaration. Le Conseil fédéral est en outre opposé à l'inscription de la rétroactivité dans la loi. Il considère en revanche que la proposition de la minorité est plus efficace. Celle-ci ne remet pas en question le système en vigueur de la déclaration spontanée ni la nature du délai de péremption, et tient compte, en allongeant tant le délai de déclaration que le délai pour remettre la demande visant à faire valoir le droit à la procédure de déclaration, du fait que la durée de 30 jours actuellement prévue s'avère particulièrement courte en pratique dans certains cas. La proposition de la minorité qui prévoit l'allongement du délai de déclaration à 90 jours et l'allongement du délai pour remettre la demande visant à faire valoir le droit à la

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procédure de déclaration à un an garantit en outre l'égalité de traitement entre les contribuables.

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Proposition du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral propose d'adopter la proposition de la minorité de la CER-N du 13 avril 2015 relative à l'allongement des délais déterminants.

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