14.094 Message concernant la modification du code civil (Droit de l'adoption) du 28 novembre 2014

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet de modification du code civil (Droit de l'adoption), en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer les interventions parlementaires suivantes: 2011

M 09.3026

Droit à l'adoption à partir de 30 ans révolus (N 12.6.09, Prelicz-Huber; E 10.3.11; N 15.12.11)

2011

M 09.4107

Secret de l'adoption (N 19.3.10, Fehr Jacqueline; E 10.3.11)

2013

M 11.4046

Droit de l'adoption. Mêmes chances pour toutes les familles (E 14.3.12, Commission des affaires juridiques CE; N 13.12.12; E 4.3.13)

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

28 novembre 2014

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Didier Burkhalter La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2014-1874

835

Condensé Le droit suisse de l'adoption a subi une refonte totale dans les années 70. La société a depuis connu diverses évolutions, que le projet ci-joint prend en compte.

Contexte Les couples homosexuels peuvent faire enregistrer leur partenariat depuis 2007. Ils s'engagent de la sorte dans une forme de vie commune où chacun a les mêmes droits et devoirs et qui ressemble à certains égards au mariage. Par ailleurs, le nombre de personnes menant de fait une vie de couple ne cesse d'augmenter. Il est à noter enfin que la Cour européenne des droits de l'homme a pris au cours des dernières années plusieurs arrêts qui donnent de nouvelles orientations au droit de l'adoption.

L'ensemble de ces évolutions montrent que le droit suisse de l'adoption, fondé sur le principe selon lequel seules des personnes mariées peuvent adopter un enfant, ne correspond plus aux exigences de notre temps.

Contenu du projet La révision du droit de l'adoption consacre la volonté de mettre le bien de l'enfant au centre de la décision d'adoption. Elle donne une plus grande marge de manoeuvre aux autorités en leur permettant de s'écarter de certaines conditions d'adoption si cela semble s'imposer dans l'intérêt du bien de l'enfant. Alors que le droit en vigueur ne le permet pas, il sera possible de déroger à la condition de l'âge minimal, qui sera d'ailleurs porté de 35 à 28 ans. Le mécanisme sera le même pour la condition de la différence d'âge maximale et minimale entre l'enfant et les parents adoptifs. L'évaluation de l'aptitude des adoptants prendra dès lors encore mieux en compte les circonstances du cas concret.

La possibilité d'adopter l'enfant du partenaire, que le projet institue, revêt aussi une importance centrale pour le bien de l'enfant. Alors qu'actuellement, seules les personnes mariées peuvent adopter l'enfant de leur conjoint, le Conseil fédéral propose de permettre aux personnes vivant en partenariat enregistré et à celles qui mènent de fait une vie de couple avec une personne du même sexe ou du sexe opposé, d'accéder à ce type d'adoption. Une telle démarche permettra d'éliminer les inégalités de traitement et de faire reconnaître juridiquement les relations déjà établies entre un enfant et le ou la partenaire de son père ou de sa mère. Dans tous les cas, le projet impose une durée de vie en ménage commun
d'au moins trois ans au moment du dépôt de la demande d'adoption. Aucune dérogation à cette condition ne sera permise.

Pour renforcer encore la position de l'enfant en cas d'adoption, le Conseil fédéral propose d'inscrire expressément dans la loi l'obligation d'entendre celui-ci avant l'adoption, qu'il soit ou non capable de discernement.

Enfin, le Conseil fédéral veut rendre le secret de l'adoption plus concret et l'assouplir. Les parents qui ont donné leur enfant à l'adoption et leurs descendants directs pourront obtenir des informations sur l'identité d'adoption de l'enfant une

836

fois celui-ci devenu majeur et s'il y a consenti. Qui plus est, les parents adoptifs et les parents biologiques pourront convenir que ces derniers ont le droit d'entretenir des relations personnelles avec l'enfant adopté.

837

Table des matières Condensé

836

1

Contexte 1.1 L'adoption avant l'entrée en vigueur du code civil (CC) 1.2 L'adoption dans le CC de 1907 1.3 La grande révision de 1972 1.4 Révisions du droit de l'adoption depuis 1972 1.5 Le droit actuel de l'adoption 1.5.1 Dispositions déterminantes du droit suisse 1.5.2 Droit international 1.5.2.1 Convention européenne en matière d'adoption des enfants 1.5.2.2 Convention de La Haye sur l'adoption 1.5.2.3 Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant 1.5.2.4 Convention européenne des droits de l'homme 1.5.3 Formes d'adoption et conditions de l'adoption dans le CC 1.5.4 Personnes qui n'ont pas accès à l'adoption 1.5.4.1 Personnes liées par un partenariat enregistré 1.5.4.2 Personnes menant de fait une vie de couple 1.6 Statistiques concernant l'adoption 1.7 Critique du droit en vigueur 1.7.1 Interventions parlementaires 1.7.1.1 Conditions d'adoption 1.7.1.2 Secret de l'adoption 1.7.2 Cour européenne des droits de l'homme 1.7.2.1 Conditions d'adoption 1.7.2.2 Secret de l'adoption 1.8 Résultats de la consultation

841 841 841 842 842 843 843 844

Les changements proposés 2.1 Objectifs de la révision 2.1.1 Généralités 2.1.2 Rendre certaines conditions d'adoption plus flexibles 2.2 Conditions d'adoption 2.2.1 Durée de la relation de couple 2.2.2 Abaissement de l'âge minimal 2.2.3 Différence d'âge minimale 2.2.4 Différence d'âge maximale 2.3 Les formes d'adoption dans la logique du projet 2.3.1 Adoption conjointe: uniquement pour les couples mariés 2.3.2 Adoption par une personne seule: également pour les personnes liées par un partenariat enregistré 2.3.3 Adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire 2.3.3.1 Problématique

856 856 856 857 857 857 859 860 861 862 862

2

838

844 845 845 846 846 847 847 848 848 849 849 849 851 851 851 854 855

862 863 863

Examen au cas par cas et abrogation de l'art. 265c, ch. 2, CC 2.3.3.3 Abaissement de la durée de la relation de cinq à trois ans 2.3.3.4 Personnes liées par un partenariat enregistré 2.3.3.5 Personnes menant de fait une vie de couple Participation de l'enfant Facilitation de l'adoption des adultes Assouplissement du secret de l'adoption 2.6.1 Principe 2.6.2 Droit des parents biologiques et de leurs éventuels descendants directs d'obtenir des informations 2.6.3 Droit de l'enfant adopté d'obtenir des informations 2.6.4 Service cantonal d'information 2.6.5 Adoption ouverte Propositions non prises en compte 2.7.1 Pas d'adoption conjointe pour les personnes liées par un partenariat enregistré 2.7.2 Pas d'adoption conjointe pour les personnes menant de fait une vie de couple 2.7.3 Pas d'adoption par une personne seule indépendamment de son état civil Droit comparé 2.8.1 Conditions d'adoption 2.8.1.1 Age minimal et maximal, différence d'âge avec l'enfant 2.8.1.2 Adoption par les couples homosexuels 2.8.1.3 Adoption de l'enfant du partenaire par les personnes menant de fait une vie de couple 2.8.2 Secret de l'adoption 2.8.2.1 Droit de connaître ses origines 2.8.2.2 Droit des parents biologiques d'obtenir des informations en cas d'adoption anonyme 2.8.2.3 Adoption ouverte et semi-ouverte Classement d'interventions parlementaires 2.3.3.2

2.4 2.5 2.6

2.7

2.8

2.9 3

4

863 864 865 866 867 867 868 868 868 869 870 870 871 871 872 872 873 873 873 873 874 874 874 875 876 877

Commentaire 3.1 Code civil (CC) 3.2 Loi du 18 juin 2004 sur le partenariat 3.3 Code de procédure civile 3.4 Loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité 3.5 Loi du 24 mars 2006 sur les allocations familiales (LAFam)

878 878 888 889

Conséquences 4.1 Conséquences pour la Confédération 4.2 Conséquences pour les cantons et les communes

890 890 891

890 890

839

4.3

Conséquences pour la société

891

5

Liens avec le programme de la législature

891

6

Aspects juridiques 6.1 Constitutionnalité et conformité aux lois 6.1.1 Bases légales 6.1.2 Constitutionnalité des conditions d'adoption 6.1.2.1 Relation avec les art. 10, al. 2, 13, al. 1 et 14 Cst.

6.1.2.2 Relation avec l'art. 8, al. 2, Cst.

6.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 6.2.1 Droit conventionnel en général 6.2.2 Convention européenne des droits de l'homme en particulier 6.3 Dénonciation de la Convention européenne du 24 avril 1967 6.4 Forme de l'acte à adopter 6.5 Frein aux dépenses 6.6 Délégation de compétences législatives 6.7 Protection des données

892 892 892 892 892 893 894 894 894 895 895 895 895 895

Annexe: Bibliographie

896

Code civil (Droit de l'adoption) (Projet)

899

840

Message 1

Contexte

1.1

L'adoption avant l'entrée en vigueur du code civil (CC)

L'idée qu'une relation filiale puisse s'établir non pas par la naissance, mais artificiellement, par le biais d'un acte juridique, figurait déjà dans le droit romain1. Le but de l'adoption a pourtant fondamentalement changé au cours des siècles. Alors qu'elle permettait à l'origine aux personnes sans enfants de poursuivre le culte des ancêtres et d'empêcher leur nom de famille de s'éteindre, elle est plus tard devenue principalement un moyen de conserver un héritier.

Le développement de l'adoptio minus quam piena (adoption simple) puis de l'adoptio piena (adoption plénière) dans le droit romain tardif est particulièrement déterminant pour le droit en vigueur. Ces formes d'adoption sont emblématiques des deux phases d'évolution de l'adoption jusqu'à nos jours, alors que cette institution juridique était quasiment oubliée au Moyen-âge. L'adoptio minus quam piena, qui préserve un lien entre l'enfant et sa famille biologique et ne le lie qu'en partie à sa famille adoptive, a été codifiée au cours du Siècle des Lumières, dans le droit allemand (Allgemeines Preussisches Landrecht) en 1794, dans le Code civil français en 1804, dans le droit autrichien (Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch) en 1811, puis dans les codes civils adoptés tardivement, tels que le Codice civile italien en 1865 et le Bürgerliches Gesetzbuch allemand en 18962. L'adoption a mis du temps à s'établir en Suisse. Jusqu'à l'entrée en vigueur du code civil (CC)3 le 1er janvier 1912, seule une poignée de cantons l'avait inscrite dans la loi4.

1.2

L'adoption dans le CC de 1907

Le CC de 1907 soumettait l'adoption à des conditions strictes. Les parents adoptifs devaient être âgés d'au moins 40 ans, être dépourvus de descendants légitimes et avoir au moins 18 ans de plus que l'enfant. Seul un couple marié pouvait procéder à une adoption conjointe. Le CC laissait également transparaître une certaine retenue quant aux effets de l'adoption, en ne permettant que l'adoption simple. Cela signifiait entre autres que l'enfant était légitimé à hériter de ses parents adoptifs, mais pas de leurs proches parents, sans perdre la capacité d'hériter de ses parents biologiques et de leurs proches parents. Les liens de filiation avec les parents biologiques demeuraient malgré l'adoption, si bien que ceux-ci conservaient un droit de visite et que l'enfant avait une obligation d'entretien à leur égard. Les parents biologiques et adoptifs pouvaient dissoudre l'adoption d'un commun accord.

1 2 3 4

Cf. Schwenzer/Bachofner, 77 ss.

Cf. Schwenzer/Bachofner, 81 ss.

RS 210 Message du 12 mai 1971 sur le droit de l'adoption, FF 1971 I 1222, ici 1229; cf. également Pfaffinger, Formen der Adoption, ch. marg. 19 s.

841

L'adoption s'est établie dans le droit suisse, mais au fil du temps, il est apparu que les règles définies méritaient d'être révisées. Les conditions de l'adoption paraissaient trop strictes et il semblait insatisfaisant de voir l'enfant imparfaitement intégré dans la famille adoptive en raison, d'une part, de la persistance de liens avec la famille biologique et, d'autre part, de la limitation des effets de l'adoption. Enfin, la procédure d'adoption semblait laisser à désirer du fait de son manque de clarté et de sa complexité5.

Mais l'impulsion décisive résulte du changement de rôle que cette institution juridique a subi au fil du temps. Alors qu'on voulait à l'origine essentiellement satisfaire les intérêts de l'adoptant, il est apparu rapidement que les parents adoptifs prenant en charge des enfants mineurs sans familles ou issus de familles incomplètes pouvaient aussi leur fournir «un foyer sûr»6. Les intérêts de la personne adoptée ont ainsi occupé progressivement un rôle central et le législateur contemporain n'a eu de cesse de vouloir favoriser le bien de l'enfant.

1.3

La grande révision de 1972

Le législateur suisse a réagi relativement tardivement à ces évolutions. Ce n'est que vers la fin des années 50 que le projet d'une révision échelonnée du droit de la famille a vu le jour7. La révision du droit de l'adoption (1957­19738) en a constitué la première étape, suivie de la révision du droit de l'enfant (1957­1978), du droit matrimonial (1968­1988), du droit du divorce (1976­2000) et du droit de la tutelle (1993­2013).

Une commission d'étude instituée en 1957 a fourni en 1962 et en 1965 deux rapports concernant la révision du droit de la famille, qui ont donné lieu en 1971 à un message sur la révision du droit de l'adoption. Le nouveau droit de l'adoption est entré en vigueur le 1er avril 19739. La réforme majeure a constitué à institutionnaliser l'adoption plénière, de sorte que la personne adoptée n'ait plus de lien avec sa famille d'origine et soit intégrée dans sa famille adoptive comme si elle était un enfant biologique. Par ailleurs, on a accordé davantage de considération aux intérêts de la personne adoptée, en l'occurrence au bien de l'enfant. Comme corollaire à l'adoption plénière, on a instauré le secret de l'adoption, qui consacre la dissolution des liens de filiation et l'intégration dans la nouvelle famille.

1.4

Révisions du droit de l'adoption depuis 1972

Le droit en vigueur a vu le jour en grande partie lors de la révision de 1972. Outre quelques adaptations rédactionnelles lors de la révision du droit de l'enfant en 197610 et du droit de la protection de l'enfant et de l'adulte en 200811, le législateur a assoupli les conditions d'adoption de l'enfant du conjoint en 1998 dans le cadre de 5 6 7 8 9 10 11

842

Cf. message sur le droit de l'adoption, 1234 ss.

Cf. message sur le droit de l'adoption, 1235.

Cf. message sur le droit de l'adoption, 1226.

Les années citées se réfèrent au début des travaux de révision et à l'entrée en vigueur.

RO 1972 2819 RO 1977 237 RO 2011 725

la révision du droit du divorce, tout en portant la durée du mariage de deux à cinq ans pour l'adoption de l'enfant du conjoint12. En 2001, le législateur a en outre mis en oeuvre les dispositions de la Convention de La Haye13 et fait passer de deux à un an la durée minimale pendant laquelle les adoptants doivent avoir prodigué des soins à un mineur avant de pouvoir l'adopter (art. 264 CC). Il a adopté dans le même temps un nouvel art. 268c CC, qui institue le droit de connaître l'identité de ses parents biologiques.

1.5

Le droit actuel de l'adoption

1.5.1

Dispositions déterminantes du droit suisse

L'art. 122 de la Constitution (Cst.)14 est la base constitutionnelle qui autorise la Confédération à édicter les dispositions régissant l'adoption. Le droit matériel de l'adoption est réglé aux art. 264 à 269c CC, dans la deuxième partie du droit de la famille (Des parents), au chapitre IV du titre septième (De l'établissement de la filiation). Les art. 75 à 78 de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP)15, la Convention du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale (citée ci-après comme Convention de La Haye sur l'adoption; CLaH)16 et la loi fédérale du 22 juin 2001 relative à la Convention de La Haye sur l'adoption et aux mesures de protection de l'enfant en cas d'adoption internationale (LF-CLaH)17 sont en outre applicables aux adoptions internationales. La Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant18 et la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (citée ci-après comme Convention européenne des droits de l'homme; CEDH)19 revêtent également de l'importance en la matière; la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg (CrEDH) a publié au cours des dernières années différents arrêts dans lesquels l'interprétation de la CEDH influence le droit de l'adoption20. Le droit matériel de l'adoption est réglé surtout à l'échelon des lois et des traités internationaux. A l'échelon réglementaire, les textes principaux sont, d'une part, l'ordonnance du 29 juin 2011 sur l'adoption (OAdo)21, entrée en vigueur le 1er janvier 2012, qui comporte des dispositions d'exécution sur la procédure de placement d'enfants en vue de l'adoption, sur l'autorisation de l'activité d'intermédiaire en vue de l'adoption et la surveillance de cette activité et sur les émoluments perçus par la Confédération en cas d'adoption internationale et, d'autre part, l'ordonnance du 28 avril 2004 sur l'état civil (OEC)22.

12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22

RO 1999 1118 RO 2002 3988; cf. ch. 1.5.2.

RS 101 RS 291 RS 0.211.221.311 RS 211.221.31 RS 0.107; cf. ch. 1.5.2.

RS 0.101 Cf. ch. 1.7.2.

RS 211.221.36 RS 211.112.2

843

1.5.2

Droit international

Différents traités internationaux auxquels la Suisse est partie s'ajoutent aux dispositions déterminantes du droit national. Ils comprennent des dispositions qui influencent directement le droit de l'adoption23. On peut citer notamment les traités ci-après.

1.5.2.1

Convention européenne en matière d'adoption des enfants

En 1971, le Conseil fédéral a approuvé, en même temps que le message sur la révision du droit de l'adoption, le message relatif à l'approbation de la Convention européenne du 24 avril 1967 en matière d'adoption des enfants24. Une fois la révision achevée en 1972, le droit suisse correspondait aux prescriptions de la convention, si bien que la Suisse a pu la ratifier le 29 décembre 1972 et la faire entrer en vigueur le 1er avril 1973 en même temps que le droit révisé de l'adoption. La convention n'a été ratifiée que par 18 Etats25.

La convention contient avant tout une série de principes de droit matériel, que les Etats parties s'engagent à respecter dans leur législation nationale. Le bien de l'enfant adopté constitue le dénominateur commun de ces principes et de la convention en général.

Le 27 novembre 2008, les Etats membres du Conseil de l'Europe ont adopté une convention révisée26 tenant compte des évolutions sociales et juridiques intervenues depuis l'élaboration de la convention d'origine et de la jurisprudence fixée depuis par la CrEDH. Cette convention contient en particulier les principes suivants: ­

consentement de la mère et du père à l'adoption (valable également pour le père d'un enfant naturel (art. 5, par. 1, let. a);

­

consentement de l'enfant, s'il est capable d'en reconnaître la portée, et consultation de celui-ci même si son consentement ne constitue pas une condition formelle de l'adoption (art. 5, par. 1, let. b);

­

possibilité pour les Etats parties d'étendre la convention aux couples homosexuels mariés ou liés par un partenariat enregistré (si ce dernier est reconnu par l'Etat en question) et aux couples hétérosexuels et homosexuels liés par un partenariat de fait (art. 7, par. 2);

­

âge minimum des parents adoptifs compris entre 18 et 30 ans et de préférence différence d'âge d'au moins seize ans entre eux et l'enfant (art. 9, par. 1).

23 24 25 26

844

Pour une liste complète des traités relatifs à l'adoption, cf. Vité/Boéchat, 7 ss; Pfaffinger, Formen der Adoption, ch. marg. 45 ss.

RS 0.211.221.310; cf. message FF 1971 I 1208 Etat le 4 septembre 2013.

Cf. www.conventions.coe.int > FR > Recherches > Traités > STCE no 202.

La convention révisée est ouverte à la signature. 17 Etats membres du Conseil de l'Europe27 l'ont jusqu'ici signée, sept (le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la Norvège, les Pays-Bas, la Roumanie et l'Ukraine) l'ont ratifiée. La nouvelle convention, qui n'a pas été ratifiée par la Suisse, est entrée en vigueur le 1er septembre 2011 après réalisation des conditions de droit international requises.

1.5.2.2

Convention de La Haye sur l'adoption

La CLaH, entrée en vigueur pour la Suisse le 1er janvier 2003, est avant tout un accord d'entraide judiciaire qui permet d'éliminer certains des problèmes apparaissant lors d'adoptions internationales. Elle compte actuellement 93 Etats parties (état le 18 mars 2014). Elle régit la coopération entre les autorités compétentes dans l'Etat d'origine et dans l'Etat d'accueil des enfants et comporte des dispositions visant à assurer le bien de ces derniers. Elle contient en particulier des prescriptions relatives à la procédure d'accueil d'enfants étrangers (art. 5, 15 et 18 ss CLaH) et aux tâches à accomplir par les autorités compétentes de l'Etat d'origine lorsque des requérants étrangers veulent adopter des enfants du pays (art. 4 et 16 et 17 CLaH). Conformément à l'art. 23, par. 1, CLaH, toute adoption prononcée dans un Etat partie à la convention est obligatoirement reconnue dans tous les autres Etats parties.

1.5.2.3

Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant

L'Assemblée générale des Nations Unies a adopté le 20 novembre 1989 la Convention relative aux droits de l'enfant, qui consacre les droits et les obligations relatifs à tous les domaines de la vie des enfants et repose sur le principe selon lequel l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent les enfants (art. 3 de la convention). Depuis, tous les Etats à l'exception des Etats-Unis, de la Somalie et du Soudan du Sud (état juillet 2014) l'ont ratifiée. La convention est entrée en vigueur en Suisse le 26 mars 1997.

Elle fixe pour la première fois des conditions d'adoption. En vertu de son art. 21, en particulier, les Etats parties s'engagent à faire de l'intérêt supérieur de l'enfant la «considération primordiale».

A son art. 7, par. 1, la convention mentionne que, dans la mesure du possible, l'enfant a le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux. Dans un arrêt de 2002, le Tribunal fédéral a reconnu le caractère justiciable de cette garantie28.

27

28

Allemagne, Arménie, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, Hongrie, Islande, Macédoine, Monténégro, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Serbie, Ukraine et Royaume-Uni (état le 9 juillet 2014).

ATF 128 I 63 71

845

1.5.2.4

Convention européenne des droits de l'homme

La CEDH, en particulier son art. 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et, en relation avec lui, son art. 14 (interdiction de discrimination), qui ont donné lieu dernièrement à plusieurs arrêts de la CrEDH visant directement le droit de l'adoption29, revêtent un caractère déterminant. Ces arrêts donnent des orientations au droit de l'adoption30. La CrEDH a formulé le principe selon lequel «l'adoption consiste à donner une famille à un enfant et non un enfant à une famille»31. Elle a en outre souligné à plusieurs reprises que la CEDH ne consacrait aucun droit à l'adoption. Mais un Etat qui autorise l'adoption doit se tenir au principe de nondiscrimination32.

1.5.3

Formes d'adoption et conditions de l'adoption dans le CC

Le droit en vigueur distingue trois formes d'adoption, qui datent de la grande révision de 1972: ­

l'adoption conjointe (art. 264a, al. 1 et 2, CC): elle est réservée aux époux, qui doivent être mariés depuis cinq ans ou être âgés de 35 ans révolus;

­

l'adoption de l'enfant du conjoint (art. 264a, al. 3, CC): une personne peut adopter l'enfant de son conjoint si elle est mariée à ce dernier depuis cinq ans;

­

l'adoption par une personne seule (art. 264b CC): une personne non mariée ou une personne mariée lorsqu'une adoption conjointe se révèle impossible (p. ex. parce que le conjoint est devenu incapable de discernement de manière durable) peut adopter seule si elle a 35 ans révolus.

Pour adopter un mineur, les adoptants doivent lui avoir fourni des soins et avoir pourvu à son éducation pendant au moins un an (art. 264 CC). L'enfant doit en outre être d'au moins seize ans plus jeune que les parents adoptifs et avoir donné son consentement à l'adoption s'il est capable de discernement (art. 265 CC). De plus, l'adoption requiert le consentement du père et de la mère de l'enfant (art. 265a CC).

Indépendamment de cette condition, il importe de vérifier au cas par cas si les circonstances permettent de prévoir que l'adoption servira le bien de l'enfant sans porter une atteinte inéquitable à la situation d'autres enfants des parents adoptifs (art. 264 CC; cf. également l'art. 3 OAdo, l'art. 4 CLaH et l'art. 21 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant)33. Le Tribunal fédéral a noté à propos du bien de l'enfant qu'il n'était pas facile de vérifier si cette condition primordiale de l'adoption était remplie. L'autorité doit se demander si l'adoption envisagée est véritablement propre à assurer le meilleur développement possible de 29 30 31 32 33

846

Cf. pour plus de détails Meier, 255 ss concernant la jurisprudence de la CrEDH en rapport avec le droit de la filiation.

Pour plus de détails, cf. ch. 1.7.2.

Pini et autres contre Roumanie (requête no 78028/01 et 78030/01), § 156.

Emonet et autres contre Suisse (requête no 39051/03), § 66; E.B. contre France (requête no 43546/02), § 42; concernant toute la problématique, Meier, 274 ss.

Pour plus de détails concernant la notion de «bien de l'enfant» dans le contexte de l'adoption, cf. Pfaffinger, Formen der Adoption, ch. marg. 75 ss.

la personnalité de l'enfant et à améliorer sa situation, et ce sur tous les plans (affectif, intellectuel et physique)34. Conformément à l'ordonnance sur l'adoption, les parents adoptifs doivent en outre pouvoir offrir toute garantie «par leurs qualités personnelles, leur état de santé, le temps dont ils disposent, leur situation financière, leurs aptitudes éducatives et leurs conditions de logement, que l'enfant bénéficiera de soins, d'une éducation et d'une formation adéquats» (art. 5, al. 2, let. d, ch. 1, OAdo).

Pour adopter une personne majeure, les adoptants doivent être dépourvus de descendants (art. 266, al. 1, CC). Il faut de plus que l'une des trois conditions citées à cet alinéa soit remplie, c'est-à-dire: ­

qu'elle souffre d'une infirmité physique ou mentale nécessitant une aide permanente et que les parents adoptifs lui aient fourni des soins pendant au moins cinq ans,

­

que, durant sa minorité, les parents adoptifs lui aient fourni des soins et aient pourvu à son éducation pendant au moins cinq ans, ou

­

qu'il y ait d'autres justes motifs et qu'elle ait vécu pendant au moins cinq ans en communauté domestique avec les parents adoptifs.

Au surplus, les dispositions sur l'adoption de mineurs s'appliquent par analogie (art. 266, al. 3, CC).

1.5.4

Personnes qui n'ont pas accès à l'adoption

1.5.4.1

Personnes liées par un partenariat enregistré

L'art. 28 de loi du 18 juin 2004 sur le partenariat (LPart)35, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, interdit l'adoption aux personnes liées par un partenariat enregistré (art. 28). Cette interdiction porte sur les trois formes de l'adoption, soit l'adoption conjointe, l'adoption par une personne seule et l'adoption de l'enfant du partenaire, alors qu'il n'y a de restrictions pour aucune d'entre elles lorsque les candidats à l'adoption sont mariés. Une personne homosexuelle qui n'a pas conclu de partenariat enregistré peut par contre adopter un enfant seule en application de l'art. 264b CC. Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral s'est abstenu de statuer sur la compatibilité de cette interdiction avec la Constitution et le droit international36.

Historiquement parlant, le droit d'adopter n'a pas été inscrit dans la LPart notamment pour accroître l'acceptation générale de la loi et pour limiter le risque de référendum. Les opposants ont effectivement demandé le référendum et le thème de l'adoption a été brandi durant la campagne. En l'absence de preuve, on ne peut que supposer que c'est parce que le droit d'adopter ne figure pas dans la loi qu'elle a été acceptée par le peuple le 5 juin 2005. Par contre, les sondages montrent que les partenariats homosexuels ont été de mieux en mieux acceptés au cours des dernières années. On constate par ailleurs une augmentation des relations homosexuelles vécues au grand jour, avec des couples qui élèvent des enfants en commun, ce qui donne un éclairage positif supplémentaire sur ces partenariats.

34 35 36

ATF 125 III 161 163 RS 211.231 ATF 137 III 241 242 s.

847

Un sondage récent auprès de la population suisse témoigne lui aussi d'une attitude positive vis-à-vis des partenariats homosexuels. Il montre qu'une majorité des personnes interrogées est en faveur de l'adoption par les couples homosexuels. Plus précisément, ce sondage, réalisé par l'institut GALLUP TELEOmnibus en juin 2010 indique que 86,3 % des personnes interrogées estiment que les enfants qui vivent dans des familles ayant à leur tête des partenaires homosexuels devraient bénéficier des mêmes conditions juridiques que les enfants d'autres familles. A la question de la possibilité pour les homosexuels vivant en couple d'adopter l'enfant de leur partenaire, les personnes interrogées ont été 65,8 % à répondre oui et 30 % à répondre non. L'approbation est la plus faible lorsqu'il est question d'adoption conjointe (pour: 53 %, contre: 44,3 %). En d'autres termes, les enfants qui grandissent avec des personnes de référence homosexuelles doivent bénéficier des mêmes conditions juridiques que les autres enfants, mais lorsqu'il s'agit de la conception concrète de ces conditions, l'approbation des personnes interrogées a tendance à diminuer, même nettement sur certains points. Par contre, la tendance enregistrée dans les pays qui ont instauré le partenariat légal, voire le mariage, pour les couples homosexuels, va nettement dans le sens d'une ouverture au moins partielle de l'adoption à ces couples37.

Vu l'évolution rapide de la perception des partenariats homosexuels par l'opinion publique suisse, il est justifié de se demander comment le législateur doit en tenir compte.

1.5.4.2

Personnes menant de fait une vie de couple

Alors que les personnes menant de fait une vie de couple peuvent adopter seules, elles ne peuvent adopter conjointement avec leur partenaire, ni adopter l'enfant de celui-ci. On partait traditionnellement du principe que le mariage est le seul garant de la stabilité d'une relation. Ce point de vue a évolué fondamentalement au cours des dernières années. On le voit également dans la jurisprudence de la CrEDH, qui précise qu'«[...] aux yeux de la Cour, l'argument du Gouvernement [suisse] selon lequel l'institution du mariage garantit à la personne adoptée une stabilité accrue par rapport à l'adoption par un couple de concubins n'est plus forcément pertinent de nos jours»38. Au lieu du critère formel du mariage, on pourrait donc se concentrer sur le bien de l'enfant au cas par cas. Si la situation générale indique qu'un couple est apte à adopter, l'adoption devrait être possible.

1.6

Statistiques concernant l'adoption

Le nombre d'adoptions est en recul en Suisse depuis plusieurs années. Alors qu'il était de 1583 en 1980, il n'était plus que de 808 en 2000 et de 425 en 2013, dont 192 adoptions d'enfants du conjoint (45 %), 217 adoptions conjointes par des couples mariés (51 %) et 16 adoptions par une personne seule (4 %). Il est intéressant de constater que l'origine géographique des personnes adoptées a changé: 67 % d'entre elles étaient originaires de Suisse en 1980, tandis qu'en 2013, c'était le cas pour 37 38

848

Communiqué de l'Organisation suisse des lesbiennes LOS et de PINK CROSS du 14 juin 2010.

Emonet et autres contre Suisse (requête no 39051/03), § 81.

39,8 % d'entre elles. La proportion de personnes adoptées originaires d'Afrique (1 % en 1980 et 25,2 % en 2013), d'Amérique (6,4 % et 8,2 %) et d'Asie (11 % et 13,4 %) a quant à elle augmenté.

1.7

Critique du droit en vigueur

1.7.1

Interventions parlementaires

Au cours des dernières années, plusieurs parlementaires ont déposé des interventions relatives au droit de l'adoption. Elles visaient pour la plupart les conditions d'adoption. Deux d'entre elles portaient sur le secret de l'adoption et les effets de l'adoption.

1.7.1.1

Conditions d'adoption

­

La motion Hubmann (05.3135) «Conditions régissant l'adoption conjointe.

Abaisser l'âge minimum des époux et la durée du mariage», déposée en 2005, demandait l'abaissement de l'âge auquel des parents peuvent adopter et la fixation d'un âge limite jusqu'auquel ils peuvent le faire; elle demandait également la réduction de la durée du mariage exigée au moment de l'adoption. Enfin, elle chargeait le Conseil fédéral d'examiner la possibilité de prendre en compte la durée de vie commune d'un couple ayant vécu en union libre (concubinage). Cette motion, que le Conseil fédéral proposait de rejeter, a été classée en vertu de l'art. 119, al. 5, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)39 faute d'avoir été traitée par le Parlement dans les deux ans suivant son dépôt.

­

L'initiative parlementaire Roth-Bernasconi (09.427) «Adoptions internationales. Pour une meilleure prise en charge», déposée en 2009, visait une meilleure prise en compte du bien de l'enfant dans les cas d'adoptions internationales. Son auteur l'a retirée après que ses demandes ont été prises en compte dans l'OAdo, entrée en vigueur le 1er janvier 2012.

­

Le Conseil fédéral avait proposé d'accepter la motion Prelicz-Huber (09.3026) «Droit à l'adoption à partir de 30 ans révolus» du 3 mars 2009, qui le chargeait de soumettre au Parlement une modification de l'art. 264a, al. 2, CC, de telle façon que l'adoption d'un enfant soit déjà possible à partir de 30 ans révolus. Le développement de la motion indiquait que l'âge minimal prévu en Suisse, particulièrement élevé par rapport aux autres pays, empêchait nombre de personnes parfaitement aptes à adopter de le faire.

Une fois adoptée par le Conseil national40, la motion a été adoptée aussi par le Conseil des Etats avec la modification proposée par sa commission des affaires juridiques. Selon le nouveau texte, le Conseil fédéral était chargé d'abaisser l'âge minimum des parents adoptifs, d'accorder la possibilité d'adopter aux couples qui vivent en concubinage avéré, en particulier en ce qui concerne l'adoption de l'enfant du concubin et de limiter la condition

39 40

RS 171.10 BO 2009 N 1281

849

relative à la durée du mariage ou du concubinage avéré avant l'adoption à trois ans maximum (critère pour l'appréciation de la stabilité d'une relation)41. Le Conseil national a adhéré à cette nouvelle version42.

­

L'initiative parlementaire John-Calame (09.520) «Adoption. Assouplir les conditions», qui demandait que les conditions d'adoption en Suisse ne soient pas plus restrictives que celles de la France a été retirée par son auteur une fois ses demandes prises en compte dans la version modifiée de la motion Prelicz-Huber.

­

Le 15 novembre 2011, la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats (CAJ-CE) a déposé la motion (11.4046) «Droit de l'adoption. Mêmes chances pour toutes les familles», dans laquelle elle exigeait que «toute personne adulte, quel que soit son état civil ou son mode de vie, puisse adopter un enfant, en particulier celui de son ou sa partenaire, si l'adoption constitue la meilleure solution pour le bien-être de l'enfant». Dans le développement, la commission indiquait qu'il importait de mettre les couples qui ont conclu un partenariat enregistré et les couples mariés sur un pied d'égalité s'agissant des droits de parentalité et d'adoption. Le Conseil fédéral, ne jugeant pas opportun d'ouvrir l'adoption sans restriction aux partenaires enregistrés, a proposé le rejet de la motion. Pour justifier son avis, il s'est référé à l'acceptation à 58 % de la loi sur le partenariat par le peuple lors du référendum du 5 juin 2005, rattachant ce plébiscite au fait que la loi supprimait la discrimination des personnes homosexuelles sans pour autant ouvrir la voie de l'adoption et de la reproduction médicalement assistée aux partenaires enregistrés. Il considérait en revanche qu'il était indiqué, dans l'intérêt de l'enfant, de permettre aux personnes formant un couple homosexuel d'adopter l'enfant de leur partenaire afin de mettre sur le même plan les enfants qui grandissent au sein de partenariats enregistrés et ceux qui sont élevés par des couples mariés. Après l'adoption de la motion par le Conseil des Etats à 21 voix contre 19, le Conseil national en a modifié le texte pour réduire son objet à l'adoption de l'enfant du partenaire. Suite à cette modification, l'enfant ne pourra plus être adopté que par la personne menant de fait une vie de couple avec sa mère ou son père, qu'il s'agisse d'un couple hétérosexuel ou homosexuel. Le Conseil des Etats a adopté la motion modifiée le 4 mars 2013.

­

Les motions Prelicz-Huber (10.3444) «Lever l'interdiction d'adopter un enfant pour les personnes qui vivent en partenariat enregistré» et Fehr (10.3436) «Possibilité pour les couples homosexuels d'adopter l'enfant de son partenaire», déposées plus tôt et réclamant toutes deux la suppression de l'interdiction d'adopter inscrite à l'art. 28 LPart (demande semblable à celle exprimée dans la motion de la CAJ-CE), ont été classées en vertu de l'art. 199, al. 5, let. a, LParl après que le Conseil fédéral avait proposé de les rejeter. La motion Amherd (11.3372) «Révision totale du droit de l'adoption» a été retirée par son auteur durant la session d'hiver 2012.

41 42

850

BO 2011 E 196 BO 2011 N 2092

1.7.1.2

Secret de l'adoption

En dehors des conditions d'adoption, deux interventions parlementaires portaient sur le secret de l'adoption et en particulier sur la prise en compte du souhait des parents biologiques d'obtenir des informations sur l'enfant donné à l'adoption.

Le Conseil fédéral, qui avait encore proposé de rejeter la motion Zapfl (06.3268) «Secret de l'adoption», classée le 20 mars 2009 en vertu de l'art. 119, al. 5, let. a, LParl, a proposé le 24 février 2010 d'accepter la motion Fehr (09.4107) «Secret de l'adoption», déposée le 9 décembre 2009. Les Chambres fédérales se sont ralliées à sa proposition, sans aucune proposition contraire43. Les auteurs des motions demandaient qu'on donne le droit aux parents biologiques d'un enfant donné à l'adoption d'apprendre son identité lorsqu'il atteint la majorité, pour autant qu'il y consente. Le développement de la motion Fehr indiquait que jusqu'en 1982, de nombreuses femmes tombées enceintes hors mariage ont été placées dans des établissements par décision administrative et ont dû de ce fait donner leurs enfants à l'adoption.

L'auteur de la motion estimait qu'il fallait donner à ces femmes la possibilité de connaître l'identité de leurs enfants et le lieu où ils se trouvent.

1.7.2

Cour européenne des droits de l'homme

Outre le Parlement, la CrEDH a également donné des impulsions en faveur de la révision des dispositions du droit de l'adoption. La Cour a prononcé au cours des dernières années une série d'arrêts qui influencent le droit de l'adoption.

1.7.2.1 ­

Conditions d'adoption Le 13 décembre 2007, la CrEDH, dans le cas Emonet et autres contre Suisse44, a examiné un recours contre un arrêt du Tribunal fédéral. En l'espèce, il s'agissait d'une femme qui avait une fille d'un premier mariage qui s'était soldé par un divorce. Elle vivait en ménage avec sa fille et M. Emonet. Suite à une maladie grave, la fille, devenue paraplégique, était soignée par sa mère et M. Emonet. En mars 2001, le tribunal cantonal genevois a approuvé la demande faite par M. Emonet d'adopter la fille de sa partenaire. Une fois l'adoption approuvée, la mère a été informée que les liens de filiation entre elle et sa fille étaient rompus en conséquence de l'adoption (art. 267 CC). Les recours contre cette décision ont été rejetés.

La CrEDH a indiqué que la rupture des liens de filiation antérieurs avec les parents en conséquence de l'adoption était inadaptée en l'espèce, c'est-à-dire dans le cas de l'adoption d'une personne mineure désireuse de former une famille commune avec les deux autres personnes. La CrEDH a notamment rejeté l'argument mis en avant par le gouvernement suisse selon lequel l'adoption de l'enfant du conjoint n'entrait pas en ligne de compte puisque le couple n'était pas marié et qu'un couple marié serait plus à même de fournir à la personne adoptée des relations stables qu'un couple non marié vivant

43 44

BO 2010 N 551; BO 2011 E 197 Requête no 39051/03.

851

sous un même toit. La CrEDH a vu dans la rupture des liens de filiation avec la mère biologique une atteinte injustifiable à la vie de famille, et partant une violation de l'art. 8 CEDH.

­

En 2010, dans l'arrêt Schwizgebel contre Suisse45, la CrEDH a rejeté une requête contre la Suisse. Il s'agissait en l'espèce d'une femme célibataire née en 1957, devenue mère par adoption en 2002. A l'âge de 47 ans, elle a demandé à adopter un deuxième enfant, demande qui a été rejetée en raison de son âge. Elle a interjeté recours contre cette décision, se sentant discriminée par rapport aux femmes plus jeunes. La CrEDH a indiqué qu'en l'absence d'un consensus à l'échelon européen, les Etats jouissaient d'une marge importante dans la fixation des conditions à remplir par une personne seule. La Cour a noté que les autorités n'avaient pas appliqué le droit national de manière mécanique, mais avaient en l'espèce tenu compte des circonstances, de l'intérêt supérieur de l'enfant à adopter et de celui de l'enfant déjà adopté. Elle a considéré que l'argument de la différence d'âge entre l'adoptante et l'enfant adoptif, de même que les autres arguments avancés contre l'adoption, étaient motivés de manière nuancée et non arbitraire. Selon elle, la différence de traitement entre la requérante et des femmes plus jeunes n'était pas discriminatoire et ne représentait pas une violation de la convention.

­

Jusqu'ici, la CrEDH ne s'est prononcée que ponctuellement sur la question de l'adoption par les couples de même sexe. En 2002, dans l'affaire Fretté contre France46, un homme célibataire s'est vu refuser l'adoption du fait de son orientation sexuelle, bien que les autorités compétentes aient confirmé son aptitude à l'adoption. Même si elle a constaté une inégalité de traitement fondée sur l'orientation sexuelle, la CrEDH n'y a pas vu de violation de la CEDH. Arguant que les répercussions sur un enfant d'une éducation par un ou deux parents homosexuels étaient encore controversées sur le plan scientifique, la Cour avait préféré laisser une marge d'interprétation conséquente aux Etats et ne pas infirmer la décision des tribunaux français.

­

La Grande Chambre de la CrEDH est parvenue à un autre résultat le 22 janvier 2008 dans son arrêt E.B. contre France47. La requérante, alors qu'elle vivait avec sa partenaire, s'est vu refuser l'adoption en raison de l'absence de figure paternelle dans le couple. Le tribunal français avait en outre estimé que la place qu'occuperait sa partenaire dans la vie de l'enfant adoptif n'était pas claire. La CrEDH a quant à elle indiqué que les mêmes arguments s'appliqueraient dans le cas d'une adoption par une personne hétérosexuelle seule. Le fait que l'instance précédente n'ait pris ces circonstances en compte que pour des couples homosexuels entraînait selon elle une différenciation illicite fondée sur l'orientation sexuelle, qualifiée de discriminatoire en vertu de l'art. 14 en relation avec l'art. 8 CEDH.

­

Le 15 mars 2012, la CrEDH a tranché l'affaire Gas et Dubois contre France48. Cette affaire concernait deux femmes vivant en couple depuis 1989. En l'an 2000, l'une d'entre elles a mis un enfant au monde après s'être

45 46 47 48

852

Requête no 25762/07.

Requête no 36515/97.

Requête no 43546/02.

Requête no 25951/07.

fait inséminer en Belgique grâce à un don de sperme anonyme. En 2002, les deux femmes ont conclu un partenariat enregistré à la française (pacte civil de solidarité, PACS). Deux ans plus tard, la partenaire de la mère a demandé à pouvoir adopter l'enfant (adoption simple), pour fonder une relation parents-enfant et une autorité parentale conjointe. Les tribunaux français compétents ont rejeté la demande en 2006 au motif que, bien que les conditions formelles requises soient réunies, l'adoption n'était pas dans l'intérêt de l'enfant, puisqu'elle romprait les liens de filiation avec la mère biologique.

La CrEDH a confirmé cette décision, indiquant que toute analogie avec les couples mariés était exclue, puisqu'il ne s'agissait pas d'une situation comparable au mariage, ce d'autant plus que la jurisprudence de la CrEDH n'oblige pas les Etats membres à donner accès à l'institution du mariage aux couples homosexuels. Lorsqu'un Etat prévoit une institution juridique particulière pour les couples homosexuels, il a par ailleurs une certaine marge de manoeuvre pour ce qui est des droits associés. Le fait que l'Etat français ne garantisse une autorité parentale conjointe qu'aux couples mariés était par conséquent licite. La Cour a conclu qu'il n'y avait pas de violation de la CEDH en l'espèce.

­

L'arrêt le plus récent, X contre Autriche49, daté du 19 février 2013, porte sur un couple de lesbiennes autrichiennes vivant depuis longtemps une relation stable. L'une d'entre elles voulait adopter le fils biologique de sa partenaire.

Les autorités autrichiennes ont rejeté cette adoption bien que les deux femmes aient élevé l'enfant conjointement. Dans son arrêt, la Grande Chambre de la CrEDH a indiqué que le législateur national n'était pas tenu de donner accès à l'institution du mariage aux couples homosexuels. S'il donne aux couples homosexuels la possibilité de conclure un partenariat enregistré, il dispose d'une grande latitude dans la définition des droits et des devoirs liés à ce partenariat. Selon la Cour, il n'y a pas de discrimination par rapport aux couples mariés lorsqu'on n'autorise pas une personne homosexuelle vivant en partenariat enregistré à adopter l'enfant de son partenaire50.

La Cour a par contre constaté une discrimination par rapport aux couples hétérosexuels non mariés. Si un Etat, dans son ordre juridique, autorise un membre d'un couple hétérosexuel non marié à adopter l'enfant de son partenaire (ce qui est le cas en Autriche), il doit également donner accès à une telle adoption aux couples homosexuels afin d'éviter toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. La Cour a donc estimé qu'il était inadmissible d'interdire l'adoption de l'enfant du partenaire à une personne homosexuelle menant de fait une vie de couple. L'Autriche a adapté son droit de l'adoption suite à cet arrêt. Les nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1er août 201351.

49 50 51

Requête no 19010/07.

X contre Autriche (requête no 19010/07), § 106.

BGBl. I Nr. 179/2013.

853

1.7.2.2

Secret de l'adoption

La CrEDH a déduit de l'art. 8 CEDH un droit de principe de connaître ses origines.

­

Dans l'affaire Jäggi contre Suisse52, la Cour a approuvé le 13 juillet 2006 un recours contre un arrêt du Tribunal fédéral53. Dans cet arrêt, la plus haute cour de Suisse refusait à un homme de 60 ans la possibilité de faire vérifier par un test ADN si un homme décédé était son père. Ce dernier avait réussi à se dérober pendant des décennies à toute action en paternité. Après avoir confirmé sa jurisprudence, selon laquelle le droit de connaître ses origines faisait partie du droit au respect de la vie privée protégé par l'art. 8 CEDH, la Cour a précisé dans son arrêt qu'on ne saurait déduire de cet article un droit absolu. Elle a rappelé qu'il importait de tenir compte en permanence des intérêts des autres personnes concernées. Elle a cependant mis en avant l'importance primordiale pour une personne de connaître ses origines génétiques pour se construire une identité. Elle a affirmé le principe selon lequel l'âge avancé d'une personne n'altérait en rien son intérêt à connaître ses origines.

­

Dans un arrêt du 25 septembre 2012 prononcé dans l'affaire Godelli contre Italie54, la CrEDH a tranché le cas d'une femme abandonnée par sa mère à la naissance, placée dans un orphelinat, puis adoptée par adoption simple. Cette dernière a appris à l'âge de dix ans que ses parents n'étaient pas ses parents biologiques. Malgré ses questions insistantes, elle n'a obtenu aucune information sur ses origines. Elle a retenté sa chance à l'âge de 63 ans, mais sa mère biologique avait fait inscrire expressément dans l'acte de naissance qu'elle refusait que son identité soit révélée. Le droit à l'anonymat de la mère étant protégé par le droit italien, tous les efforts de la requérante étaient voués à l'échec. La Cour, se référant à l'art. 8 CEDH, a constaté un déséquilibre entre les intérêts en présence, la législation italienne déniant à ceux qui en font la demande tout accès aux informations relatives aux parents biologiques si ces derniers en ont voulu ainsi. Elle y a vu une violation de l'art. 8 CEDH.

­

Dans une affaire un peu différente, Odièvre contre France55, jugée le 13 février 2003, la Cour a dû se prononcer sur la compatibilité de l'accouchement sous X avec l'art. 8 CEDH. Elle a écarté toute violation de cet article, un équilibre ayant été trouvé entre les intérêts en présence. La requérante avait obtenu certaines informations sur sa naissance et sur ses parents biologiques et ceux-ci avaient pu conserver l'anonymat.

­

Dans l'affaire I.S. contre Allemagne56, jugée le 5 juin 2014, la Cour devait examiner si le fait de refuser à une mère le contact avec ses enfants donnés en toute connaissance de cause à l'adoption deux semaines seulement après leur naissance et de ne porter aucune information les concernant à sa connaissance constituait ou non une violation de l'art. 8 CEDH. Considérant que la mère avait pris cette décision en pleine conscience des conséquences pra-

52 53 54 55 56

854

Requête no 58757/00; extraits publiés dans la JAAC 2006, no 116.

Pour la jurisprudence plus ancienne, cf. Reusser/Schweizer, 614 s.

Requête no 33783/09.

Requête no 42326/98.

Requête no 31021/08.

tiques et juridiques de l'adoption, elle a jugé que l'intérêt de la famille adoptive à construire une vie de famille sans que celle-ci soit perturbée primait sur les intérêts que faisait valoir la mère, étant donné que les enfants avaient été adoptés nourrissons et étaient encore très jeunes à l'époque où les procédures ont été menées en Allemagne. Elle a donc conclu à l'absence de violation de l'art. 8 CEDH.

1.8

Résultats de la consultation

La procédure de consultation sur l'avant-projet de révision du droit de l'adoption s'est ouverte fin 2013. L'administration a recueilli 91 avis. Quatre partis et quatre organisations ont manifesté leur opposition à l'avant-projet, motivée essentiellement par leur refus de donner aux personnes liées par un partenariat enregistré la possibilité d'adopter l'enfant de leur partenaire. La grande majorité des participants à la consultation a approuvé la direction donnée à l'avant-projet, évoquant en particulier les changements de valeurs qui se sont opérés au sein de la société, l'évolution du sens du mot famille et l'établissement de nouvelles formes familiales. La modification du code civil conférera selon eux une sécurité juridique à ces développements et permettra de cesser d'exclure certaines personnes ou certains groupes de personnes de l'adoption. Elle permettra aux évolutions majeures de la société de se refléter dans le CC. De plus, le droit de l'adoption correspondra à la conception moderne et tiendra mieux compte de la pluralité des modes de vie.

Les participants ont souligné en particulier la volonté de mettre le bien de l'enfant au centre de la décision d'adoption et accueilli favorablement la latitude donnée aux responsables grâce à la flexibilité nouvelle qui caractérise certaines conditions d'adoption. Ils ont également constaté avec satisfaction que l'avant-projet tenait compte de la jurisprudence de la CrEDH et des exigences qui en découlent en termes de respect des droits fondamentaux. Divers participants se sont montrés positifs à l'égard d'une meilleure implication de l'enfant dans le processus d'adoption.

S'agissant des diverses formes d'adoption, une grande majorité des participants se sont dits favorables à ce que l'on permette aux personnes liées par un partenariat enregistré d'adopter l'enfant de leur partenaire. Les avis étaient par contre partagés pour ce qui est de faire profiter les personnes menant de fait une vie de couple d'une telle mesure. La proposition visant à permettre l'adoption par une personne seule indépendamment de son état civil a suscité une forte opposition. Les adaptations préconisées en rapport avec l'adoption de personnes adultes ont remporté l'assentiment général. De nombreux participants se sont prononcés sur la possibilité pour les personnes liées
par un partenariat enregistré et celles menant de fait une vie de couple d'adopter conjointement, ce bien qu'elle n'ait nullement été esquissée dans l'avant-projet, faute de mandat du Parlement en ce sens. Les avis à ce sujet vont dans le même sens que pour l'adoption de l'enfant du partenaire: de nombreux participants souhaitent donner cette possibilité aux couples liés par un partenariat enregistré; par contre, pas un seul canton n'a appuyé cette éventualité pour les personnes menant de fait une vie de couple.

Au plan des critiques, divers participants ont regretté que l'avant-projet ne tienne pas compte en tous points des intérêts de l'enfant à adopter et qu'il soit plutôt de nature à servir ceux des candidats à l'adoption. Ces remarques s'appuyaient en particulier sur la formulation négative utilisée pour évoquer le bien de l'enfant. Se référant à la 855

problématique intrinsèque de l'adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire, de nombreux participants se sont montrés réservés à l'égard de cette forme d'adoption, quelles que soient les caractéristiques du couple qui souhaite y procéder. Aucun consensus ne s'est dégagé non plus quant à la proposition visant à assouplir le secret de l'adoption en faveur des parents biologiques. Seule la possibilité de fournir des informations permettant d'identifier l'enfant si celui-ci y a préalablement consenti a recueilli une majorité. De nombreux participants se sont en revanche opposés à un droit illimité d'obtenir des informations ne permettant pas d'identifier l'enfant et ses parents adoptifs, d'une part parce qu'il est impossible de le faire appliquer dans la vraie vie et d'autre part parce qu'il n'y a pas de raison que l'enfant accepte que l'on transmette des informations à son sujet sans qu'il y ait consenti. Une majorité de participants a également rejeté la réglementation proposée pour l'imputation des coûts de la recherche de parents biologiques ou d'enfants donnés à l'adoption. Ils ont souligné qu'il était préférable de trouver dans le cadre de la Table ronde pour les victimes de mesures de coercition à des fins d'assistance une solution relative aux coûts engendrés par la recherche des enfants jadis donnés à l'adoption par des femmes enfermées sur décision administrative. Certains ont critiqué sévèrement la possibilité pour de futurs parents adoptifs et des parents biologiques donnant leur enfant à l'adoption de convenir d'une forme ouverte d'adoption a parfois fait l'objet de critiques sévères.

2

Les changements proposés

2.1

Objectifs de la révision

2.1.1

Généralités

Le droit en vigueur se caractérise par son manque de flexibilité; il ne prévoit pas en tous points une marge de manoeuvre permettant de s'adapter aux exigences du cas et de trouver une solution prenant en compte le bien de l'enfant57. Le projet de révision, fidèle aux exigences des interventions parlementaires adoptées et aux résultats de la consultation, soutient la volonté de mettre le bien de l'enfant au centre de la décision d'adoption en permettant de déroger à certaines conditions si cela semble s'imposer dans l'intérêt du bien de l'enfant. La vérification au cas par cas de l'adéquation de l'adoption au bien de la personne à adopter doit plus que jamais devenir la règle. Il faut en particulier éviter une application schématique des conditions d'adoption. Le projet tient en cela pleinement compte des prescriptions de l'art.

21 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Comme l'a montré la condamnation de la Suisse dans l'affaire Emonet, les règles strictes en vigueur ­ en l'occurrence le principe de la rupture des liens de filiation entre l'enfant et les parents biologiques lorsque l'adoption ne remplit pas les conditions de l'adoption de l'enfant du conjoint ­ ne permettent pas au cas par cas de satisfaire les droits fondamentaux des personnes concernées. La flexibilité doit être de mise également pour toutes les autres conditions d'adoption. La Suisse risque, si elle maintient des principes rigides, d'être condamnée une nouvelle fois58.

57 58

856

Cf. Pfaffinger, Formen der Adoption, ch. marg. 71.

Egalement dans ce sens Schürmann, 265.

Le projet de révision permettra par ailleurs de mettre fin à l'interdiction systématique faite à certaines personnes ou groupes de personnes d'adopter.

2.1.2

Rendre certaines conditions d'adoption plus flexibles

Des réflexions qui précèdent, on pourrait conclure que la solution serait de permettre à toutes les personnes majeures d'adopter, indépendamment de leur âge et de la différence d'âge avec l'enfant. L'autorité compétente devrait vérifier au cas par cas l'aptitude des candidats à l'adoption. La loi pourrait définir les critères de l'examen d'aptitude (âge du candidat à l'adoption, différence d'âge entre celui-ci et la personne à adopter, situation personnelle et style de vie des personnes concernées, etc.).

Sur le plan législatif, il serait relativement facile de réaliser cette solution, mais les autorités compétentes devraient assumer toute la responsabilité de l'acceptation ou du refus de la demande d'adoption. On ne pourrait d'ailleurs exclure que les convictions personnelles des personnes chargées de prendre les décisions d'adoption influencent sensiblement leur pratique. Il en résulterait des différences d'application des critères et des inégalités de traitement. Pour éviter une telle évolution, il semble approprié de recourir à un autre concept normatif. Il doit subsister dans la loi des conditions formelles telles que l'âge minimal et la différence d'âge maximale, qui permettent de supposer qu'une adoption ne sert pas le bien de l'enfant si elles ne sont pas remplies. Mais il doit dans certains cas être possible, après examen des circonstances du cas et pour préserver le bien de l'enfant, d'y déroger et de permettre l'adoption malgré tout. Les candidats à l'adoption qui demanderont à déroger à une condition d'adoption devront exposer les raisons pour lesquelles cette dérogation servira le bien de l'enfant. Cette manière de procéder libérera les autorités compétentes d'une partie des vérifications à effectuer. Elle garantira dans une certaine mesure l'uniformité de l'application et se rattachera à la conception existante du droit de l'adoption.

2.2

Conditions d'adoption

2.2.1

Durée de la relation de couple

Selon le texte de la motion Prelicz-Huber (09.3026) transmis au Conseil fédéral après adoption par les deux conseils, il faut «limiter la condition relative à la durée du mariage ou du concubinage avéré avant l'adoption à trois ans maximum».

Jusqu'ici, la durée du mariage était considérée comme un indicateur de la stabilité d'une relation et à la fois un pronostic sur la durabilité du mariage, qui peut garantir avec une certaine sécurité le bien de l'enfant à adopter59. En fixant une durée minimale pour le mariage, le législateur a fourni aux autorités d'adoption un critère objectif permettant de constater la stabilité et la durabilité du couple. La durée de la relation restera dans le nouveau droit un critère important pour autoriser l'adoption: elle est un indicateur de stabilité et permet d'estimer si la relation sera durable, une question qui revêt une certaine importance pour l'enfant adoptif et évite qu'on le fasse entrer par un acte juridique dans une famille qui est sur le point de se briser. Le pronostic de durabilité sera établi sur la base de l'ensemble des circonstances et en 59

Message du 12 mai 1971 sur le droit de l'adoption, FF 1971 I 1222, ici 1243.

857

particulier de la durée de la relation entre les adoptants et de la stabilité qu'on peut en déduire. Lors de l'examen d'une demande d'adoption, on tiendrait compte de cet aspect même si la durée minimale de la relation n'était pas fixée dans la loi. En vue de l'examen d'aptitude, l'exigence selon laquelle la relation doit avoir duré un certain temps et s'être établie demeure néanmoins un indicateur important de la stabilité du couple.

Il y aura quelques questions à résoudre si on autorise l'adoption de l'enfant du partenaire pour les personnes vivant en partenariat enregistré60 ou menant de fait une vie de couple61.

­

Le législateur devra déterminer combien de temps une vie de couple doit avoir duré pour qu'elle puisse être mise à égalité avec le mariage sur le plan de la stabilité. Le Parlement a déjà pris une décision de principe à ce sujet.

Selon la motion 09.3026 Prelicz-Huber adoptée par le Parlement, il faut «limiter la condition relative à la durée [...] du concubinage avéré avant l'adoption à trois ans maximum».

­

Il conviendra de définir par ailleurs, et c'est là la tâche la plus difficile, quelles conditions matérielles une vie de couple de fait doit remplir pour être considérée comme égale au mariage ou au partenariat enregistré sur le plan de la stabilité. Un couple qui conclut un mariage ou un partenariat enregistré témoigne vis-à-vis des autres de sa volonté de passer sa vie ensemble. On peut déduire de ce changement objectif de statut que les candidats à l'adoption ont une relation relativement stable. Pour les personnes menant de fait une vie de couple, il n'y a pas d'acte formel. On pourrait néanmoins se reporter au critère de la durée pour déterminer la stabilité de la relation. Il se trouve que ce critère est très imprécis et qu'il dépend de l'estimation subjective du couple qui demande à adopter. Il paraît impossible en pratique de demander à l'autorité d'adoption de constater rétrospectivement dans le cadre de l'examen de la demande d'adoption combien de temps a duré la relation entre deux personnes, car il est difficile de vérifier au moyen de critères objectifs les déclarations des personnes en question. Plutôt que de s'appuyer sur la durée de la relation, il est préférable de tenir compte de la durée de vie commune, qui peut être mesurée objectivement. Les contrats de location, déclarations d'impôts et attestations de domicile en sont autant de preuves. Etant donné que les futurs parents adoptifs vivent souvent ensemble dans un ménage commun avec l'enfant, la durée de vie commune est en outre un meilleur indicateur de stabilité que la durée de la relation. Conformément aux instructions du Parlement, le projet fixe une durée de vie en ménage commun d'au moins trois ans.

Si l'on prend comme critère d'appréciation de la stabilité de la relation entre des personnes menant de fait une vie de couple la durée du ménage commun, on peut se demander s'il ne faudrait pas également prendre pour critère la durée de vie commune pour les couples mariés et les couples en partenariat enregistré, plutôt que de se reporter à la durée du mariage ou du partenariat enregistré. Cette question revêt une grande importance du fait notamment que de nombreux couples vivent ensemble pendant un long moment avant le mariage ou la conclusion du partenariat enregistré.

Si l'on continuait de se référer à la durée du mariage pour les couples mariés et 60 61

858

Cf. ch. 2.3.3.

Cf. ch. 2.3.3.

qu'on se référait à la durée du ménage commun pour les personnes menant de fait une vie de couple, non seulement il arriverait qu'on désavantage les couples mariés, mais il y aurait de gros problèmes de définition des durées imputables, par exemple si un couple se marie après deux ans de vie commune et que deux ans plus tard, l'un des conjoints veut adopter l'enfant de l'autre conjoint. Dans un tel cas, il serait matériellement infondé de refuser l'adoption au couple alors qu'elle aurait été possible s'il ne s'était pas marié. Il paraît donc logique de ne pas tenir compte de l'état civil et de se reporter uniquement à la durée du ménage commun en exigeant la même pour tous les couples.

Cette solution permettra d'éviter les problèmes liés à la définition des durées imputables et fournira à la fois une base commune pour l'adoption de l'enfant du conjoint, tous les types d'adoption de l'enfant du partenaire et l'adoption conjointe par les couples mariés62. Il serait difficilement compréhensible que, dans ce dernier cas, on maintienne le critère de la durée du mariage. Faire ménage commun est bien plus que vivre en communauté domestique. La première notion fait référence à un couple qui vit sous le même toit et forme une communauté semblable au mariage, tandis que la deuxième peut s'appliquer à des frères et soeurs ou des amis qui partagent un même logement.

Le Conseil fédéral propose que le couple, quel qu'il soit (couple marié, couple lié par un partenariat enregistré ou couple de fait), ait fait ménage commun pendant au moins trois ans63 avant d'introduire une procédure d'adoption en déposant une demande d'examen de l'aptitude à adopter. Il suit l'opinion d'un grand nombre de participants à la consultation, pour lesquels la stabilité de la relation ne dépend pas tant de la durée d'une union institutionnalisée comme le mariage ou le partenariat enregistré que de celle de la vie en ménage commun.

2.2.2

Abaissement de l'âge minimal

Selon le droit en vigueur, les époux ne peuvent adopter conjointement que s'ils sont mariés depuis cinq ans ou s'ils sont âgés de 35 ans révolus (art. 264a, al. 2, CC). Les deux parents doivent satisfaire à la condition de l'âge minimal, qui est un indicateur de stabilité64. De même, une personne doit avoir 35 ans révolus pour adopter seule ou adopter une personne majeure (art. 264b, al. 1 et 2, et 266, al. 3, CC65).

La motion Prelicz-Huber (09.3026), en exécution de laquelle le projet a été élaboré, demandait dans une première version qu'on abaisse l'âge minimal à 30 ans. La version modifiée par le Parlement et transmise au Conseil fédéral ne comporte plus aucune limite d'âge, mais demande l'abaissement de l'âge minimal requis pour adopter. Elle se rapproche notamment de l'initiative parlementaire John-Calame (09.520), finalement retirée, dont l'auteur demandait qu'on puisse adopter à partir de 28 ans. Les deux interventions indiquaient expressément que la réglementation en vigueur en Suisse était particulièrement stricte par rapport à l'étranger et qu'elle excluait de nombreux candidats à l'adoption. L'étude de droit comparé montre que 62 63 64 65

Cf. ch. 2.3.1.

Concernant la durée de la relation pour l'adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire, cf. ch. 2.3.3.

Basler Kommentar-Breitschmid, art. 264a no 5.

Basler Kommentar-Breitschmid, art. 266 no 14.

859

la limite de 35 ans est effectivement exceptionnellement élevée et n'est plus conforme aux règles qui prévalent à travers le monde66.

On s'est interrogé au cours des travaux de révision du droit de l'adoption sur le bienfondé du maintien d'un âge minimal. De même que pour la procréation médicalement assistée, on pourrait permettre à toute personne majeure d'adopter et fonder les exceptions au cas par cas sur la garantie insuffisante du bien de l'enfant.

Le Conseil fédéral estime qu'il est matériellement fondé de continuer de lier l'adoption à la condition d'âge minimal. La prise en charge d'un enfant requiert un style de vie relativement stable, qu'il est plus fréquent de trouver chez les personnes ayant déjà atteint un certain âge. Même s'il est vrai qu'on peut devenir parent biologique à un jeune âge, le droit de l'adoption doit assurer que les liens de filiation créés artificiellement se fondent sur des conditions optimales pour l'enfant. De plus, l'adoption d'un enfant place les parents adoptifs face à un défi de taille que des personnes ayant une plus grande expérience de la vie pourront vraisemblablement relever plus facilement que de très jeunes parents. L'adoption est en cela très différente de la procréation médicalement assistée qui, on le suppose, crée des liens de filiation identiques à ceux qui s'établissent en cas de procréation naturelle67. En considération de tous ces motifs, le Conseil fédéral propose de fixer un âge minimal de 28 ans pour les candidats à l'adoption, âge auquel ils devraient avoir acquis une certaine maturité. Pour éviter les cas extrêmes, il suggère qu'on puisse déroger à cet âge minimal au cas par cas si le bien de l'enfant l'exige.

On renoncera comme précédemment à fixer un âge minimal pour l'adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire. Dans ces cas, l'enfant vit en effet déjà avec son beau-père ou sa belle-mère; il ne vient pas «de l'extérieur» comme c'est le cas lors d'une adoption conjointe ou par une personne seule.

2.2.3

Différence d'âge minimale

L'art. 265, al. 1, CC prescrit que l'enfant doit être d'au moins seize ans plus jeune que les parents adoptifs. Il s'agit d'une règle stricte, qui ne souffre pas d'exceptions.

Il est prévu de conserver cette différence d'âge minimale. Des exceptions seront toutefois possibles s'il existe de justes motifs, pour trouver une solution appropriée au cas par cas dans le cadre d'un examen global et en particulier pour le bien de l'enfant. On peut penser à la situation dans laquelle une personne souhaiterait adopter simultanément plusieurs enfants de son conjoint ou partenaire. Il se pourrait que l'adoption échoue pour un membre de la fratrie car la différence d'âge entre lui et l'adoptant n'est pas suffisante. Il en résulterait une inégalité de traitement entre les enfants au sein de la famille et cela pourrait être contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant, considération primordiale selon l'art. 3 de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant. Celle-ci condamne ce genre de situations, puisqu'elle consacre à son al. 2 le principe de l'égalité de traitement entre les membres d'une fratrie.

66 67

860

Basler Kommentar-Breitschmid, art. 264a no 5; KuKo-Pfaffinger, art. 264a no 5.

Cf. message du 26 juin 1996 relatif à la loi fédérale sur la procréation assistée (LPMA), FF 1996 III 197, ici 229 et les références citées.

2.2.4

Différence d'âge maximale

Le droit suisse ne fixe pas d'âge maximal pour les parents adoptifs. Par contre, l'art. 5, al. 4, OAdo (ordonnance entrée en vigueur le 1er janvier 2012) prévoit une différence d'âge maximale de 45 ans entre l'enfant et les parents adoptifs, des exceptions étant expressément permises. L'âge maximal des parents adoptifs dépend donc de l'âge de la personne à adopter, soit environ 45 ans s'il s'agit d'un bébé et environ 55 ans s'il s'agit d'un enfant de dix ans.

Le projet ne fixe toujours pas d'âge maximal pour les parents adoptifs. En prévoyant une différence d'âge maximale entre les parents adoptifs et l'enfant, il met l'accent sur les besoins de ce dernier (son âge détermine l'âge maximal des parents) et non sur les besoins des parents adoptifs comme ce serait le cas si l'on fixait un âge maximal pour l'adoption. Cette manière de procéder est matériellement fondée, car il est beaucoup moins problématique que les parents adoptifs aient un âge déjà avancé si l'enfant est déjà grand ou adulte que s'il s'agit d'un enfant en bas âge.

Dans son message de 1971 déjà, le Conseil fédéral soulignait que «la raison d'être de l'adoption aux fins d'éducation exige (...) que l'enfant reçoive des parents adoptifs dont l'âge corresponde à peu près à celui des parents naturels»68. Le Tribunal fédéral considère lui aussi cette solution comme appropriée: les futurs parents adoptifs doivent avoir les capacités nécessaires non seulement au moment où ils présentent leur requête, mais aussi, pour autant qu'on puisse le prévoir, durant toute la période où l'enfant est mineur69. Ce principe figure aujourd'hui à l'art. 3, al. 2, let. b, de la loi fédérale du 18 décembre 1998 sur la procréation médicalement assistée (LPMA)70. Il est prévu dans le projet de l'inscrire dans le code civil (cf. art. 264, al. 2, P-CC).

Les dispositions en vigueur du code civil ne prévoient pas de différence d'âge maximale entre les parents adoptifs et l'enfant. Une telle différence d'âge ne figure qu'à l'art. 5, al. 4, OAdo. Le texte de l'ordonnance ne précise pas si les deux futurs parents adoptifs ou l'un d'entre eux seulement doit avoir dépassé la limite d'âge maximale pour qu'ils soient déclarés inaptes. Cette réglementation accorde aux autorités chargées d'autoriser l'adoption une marge de manoeuvre suffisante pour s'adapter aux circonstances
du cas concret. Mais elle fixe également des limites claires: si les deux conjoints dépassent la différence d'âge maximale de 45 ans avec l'enfant, les autorités doivent en principe émettre un avis négatif. Si seuls l'épouse ou l'époux la dépasse, on fixera des exigences plus strictes concernant l'aptitude.

L'idée que l'enfant qui a déjà connu une rupture de ses relations proches doit pouvoir bénéficier d'un lien familial aussi durable que possible domine71. En cas d'adoption conjointe, l'enfant construit une relation avec les deux parents; il semble donc préférable qu'ils puissent tous deux suivre l'enfant activement le plus longtemps possible, c'est-à-dire jusqu'à l'âge adulte et au-delà.

Il paraît fondé d'inscrire la différence d'âge maximale dans le CC et pas seulement dans l'ordonnance, du fait que cette condition restreint matériellement l'accès à l'adoption. Il convient de préciser que, pour le bien de l'enfant, il est possible dans des circonstances particulières de déroger au cas par cas à la condition de la différence d'âge maximale pour l'un voire les deux parents. Il en est ainsi lorsque les 68 69 70 71

Message du 12 mai 1971 sur le droit de l'adoption, FF 1971 I 1222, ici 1242.

ATF 125 III 161 167 s.; du même avis, CHK-Biderbost, art. 264 no 16.

RS 810.11 Urwyler, 2011, 361 ss.

861

futurs parents adoptifs ont déjà établi des liens étroits avec l'enfant en lui prodiguant des soins (cf. art. 5, al. 4, OAdo).

2.3

Les formes d'adoption dans la logique du projet

2.3.1

Adoption conjointe: uniquement pour les couples mariés

Comme exposé plus haut72, les couples désirant adopter conjointement un enfant devront avoir fait ménage commun pendant au moins trois ans; il ne sera plus nécessaire qu'ils aient été mariés pendant toute cette durée. L'âge minimal des candidats à l'adoption conjointe sera par ailleurs abaissé à 28 ans. Le mariage demeurera néanmoins une condition formelle de l'adoption conjointe. Ce faisant, le Conseil fédéral se tient aux instructions du Parlement, qui a demandé que l'adoption conjointe demeure réservée aux couples mariés73.

2.3.2

Adoption par une personne seule: également pour les personnes liées par un partenariat enregistré

Le droit en vigueur autorise l'adoption par une personne seule homosexuelle, pour autant qu'elle ne soit pas liée à une autre personne par un partenariat enregistré. Si elle souscrit un tel partenariat, l'art. 28 LPart lui interdit l'adoption. Par contre, une personne mariée peut adopter seule si certaines conditions sont remplies. Cette conception n'est plus soutenable aujourd'hui, car elle implique une discrimination des personnes liées par un partenariat enregistré par rapport aux personnes mariées, fondée uniquement sur l'orientation sexuelle. La CrEDH, dans son arrêt E.B. contre France74, a relevé que les personnes homosexuelles ne pouvaient être exclues de l'adoption individuelle du seul fait de leur orientation sexuelle75. Cette position correspond à la recommandation du Comité des ministres du Conseil de l'Europe76.

Le Conseil fédéral propose par conséquent de permettre aux personnes liées par un partenariat enregistré d'adopter seules. Un examen s'impose au cas par cas dans le cadre de la procédure d'autorisation pour savoir si l'adoption est réellement compatible avec le bien de l'enfant, que la personne qui souhaite adopter soit mariée, liée à une autre par un partenariat enregistré ou célibataire.

72 73 74 75 76

862

Cf. ch. 2.2.1 et 2.2.2.

Motion de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats 11.4046 «Droit de l'adoption. Mêmes chances pour toutes les familles», cf. ch. 1.7.1.

Cf. ch. 1.7.1.

Explicitement Sandoz, Adoption et couples de même sexe, ch. marg. 19.

Recommandation CM/Rec(2010)5 du Comité des ministres aux Etats membres sur des mesures visant à combattre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, adoptée le 31 mars 2010, art. 27.

2.3.3

Adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire

2.3.3.1

Problématique

Durant une longue période, l'adoption de l'enfant du conjoint a eu un statut juridique particulier. Jusqu'en 2000, elle a été privilégiée en vue de favoriser une intégration rapide de l'enfant dans sa nouvelle famille. Il suffisait alors que le couple concerné ait été marié pendant deux ans (au lieu de cinq ans dans les autres cas) pour que, par exemple, le mari puisse adopter l'enfant de sa femme. Suite à plusieurs réserves exprimées au sujet de l'adoption de l'enfant du conjoint, la durée minimale du mariage dans ce cas précis est passée de deux à cinq ans au 1er janvier 2000.

L'un des problèmes de l'adoption de l'enfant du conjoint est qu'il s'agit dans la plupart des cas d'enfants de parents divorcés. Il en résulte la rupture des liens de filiation avec l'un des parents biologiques. L'enfant doit donc en quelque sorte subir un second «divorce»: au divorce de ses parents fait suite une rupture définitive avec l'un d'entre eux. Pour l'enfant, l'adoption par le nouveau conjoint d'un des parents a des conséquences psycho-sociales plus graves que l'adoption par des personnes sans lien du sang, cas dans lequel il n'existe généralement pas de lien étroit avec les parents biologiques. L'enfant perd des grands-parents, des tantes, des oncles et d'autres proches du côté du parent avec lequel les liens de filiation sont rompus. Il existe même un risque latent que l'un des parents utilise l'adoption par son nouveau conjoint pour chasser l'autre parent de la vie de son enfant77.

Par ailleurs, l'enfant est dans ce cas moins tributaire d'une adoption qu'un enfant extérieur, car il jouit d'une meilleure situation sous l'angle du droit de la famille. Il est l'enfant biologique de l'un des membres du couple et l'allié du nouveau conjoint de celui-ci (art. 21 CC). Le nouveau conjoint est tenu d'assister le père ou la mère de l'enfant de façon appropriée dans l'accomplissement de son obligation d'entretien (art. 278, al. 2, CC), mais aussi dans l'exercice de l'autorité parentale (art. 299 CC).

Dans un autre cas d'adoption, l'enfant a, avant que l'adoption soit prononcée, uniquement le statut bien moins favorable d'enfant placé en vue de l'adoption (art. 300 CC).

2.3.3.2

Examen au cas par cas et abrogation de l'art. 265c, ch. 2, CC

Le projet prend en compte les réserves exprimées à propos de l'adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire. Il n'accorde pas de statut privilégié à cette forme d'adoption; les autorités compétentes devront examiner au cas par cas si l'adoption sert effectivement le bien de l'enfant, comme elles le feraient pour une adoption conjointe ou une adoption par une personne seule. Dans les circonstances particulières de cette forme d'adoption, les autorités devront toujours vérifier s'il faut nommer un représentant à l'enfant78. On supprimera par ailleurs la condition fixée à l'art. 265c, ch. 2, CC, selon laquelle il peut être fait abstraction du consentement

77

78

Concernant toute la problématique, cf. message du 15 novembre 1995 sur le droit du divorce, FF 1996 I 1, ici 159; Frank, 1695; Schwenzer, avis de droit, 39 et les références citées.

Cf. ch. 2.4.

863

d'un des parents à l'adoption lorsqu'il ne s'est pas soucié sérieusement de l'enfant79.

L'abrogation de cette disposition découle notamment des nouvelles dispositions sur l'autorité parentale conjointe, entrées en vigueur le 1er juillet 2014, dont un des buts est d'éviter qu'un parent soit écarté de la vie de ses enfants et que la relation entre eux prenne fin.

2.3.3.3

Abaissement de la durée de la relation de cinq à trois ans

Dans son message de 1995 sur la révision du droit du divorce, le Conseil fédéral a fait part dans le détail de ses inquiétudes concernant l'adoption de l'enfant du conjoint, tout en se prononçant en faveur de son maintien. Il a toutefois précisé que le traitement privilégié de l'adoption de l'enfant du conjoint par rapport à l'adoption d'un enfant avec lequel il n'existe aucun lien du sang ne se justifiait plus. Il a donc proposé une durée minimale du mariage de cinq ans également pour l'adoption de l'enfant du conjoint, pour autant que la personne à adopter n'ait pas encore atteint l'âge de 35 ans80. Le Conseil fédéral voulait éviter que la situation juridique du parent biologique dépourvu de l'exercice de l'autorité parentale ne puisse être modifiée trop rapidement. Il a estimé que lorsqu'un mariage a duré cinq ans, «on peut en apprécier la solidité»81. Le Parlement a suivi cette proposition et la nouvelle réglementation est entrée en vigueur le 1er janvier 2000.

Il ne s'agit pas, dans le cadre de la présente révision, de remettre en question cette réglementation relativement récente et plus stricte de l'adoption de l'enfant du conjoint. Mais il convient de veiller à ce qu'elle n'ait pas un statut juridique plus défavorable que l'adoption conjointe d'un enfant avec lequel il n'y a pas de lien du sang. Cette évolution est aussi requise par le Parlement qui, en adoptant la motion «Droit de l'adoption. Mêmes chances pour toutes les familles» (11.4046), a chargé le Conseil fédéral d'étendre le champ d'application de ce type d'adoption82. Les inquiétudes évoquées plus haut n'ont pas lieu d'être si l'enfant n'avait qu'un seul parent avant l'adoption par le conjoint, parce que son autre parent est mort ou inconnu ou parce que l'enfant avait au préalable été adopté dans le cadre d'une adoption par une personne seule. On peut penser également aux cas de procréation médicalement assistée dans lesquels le père est un donneur de sperme anonyme. Bien que le droit suisse ne donne pas accès à la procréation médicalement assistée aux couples homosexuels, il est aisé de contourner cette interdiction en recourant à de telles prestations à l'étranger83. Pour l'enfant, les conséquences d'une adoption par le conjoint sont en règle générale positives. Par contre, dans un partenariat, si le partenaire a assumé la
responsabilité de l'enfant et qu'il décède ou que le partenariat est rompu, l'enfant n'aura pas une situation sûre. L'adoption par le partenaire permettrait d'établir une situation juridique plus stable. De plus, par l'adoption, l'enfant 79 80

81 82 83

864

Selon Frank, 1695, cette condition doit de toute manière être appliquée avec la plus grande réserve, en particulier s'agissant de l'adoption de l'enfant du conjoint.

Message du 15 novembre 1995 sur le droit du divorce, FF 1996 I 1, ici 160; ces craintes ont conduit à l'abandon de l'adoption de l'enfant du conjoint dans le Model Family Code, cf. Schwenzer, Model Family Code, 115 et 123.

Message du 15 novembre 1995 sur le droit du divorce, FF 1996 I 1, ici 158 ss; Schwenzer/Bachofner, 89 s. et les références citées.

Cf. ch. 2.3.3.

Concernant toute la problématique, cf. Dethloff, 197.

acquerrait un droit à l'entretien, un droit de succession, un droit à une rente pour enfant et à une rente d'orphelin vis à vis du ou de la partenaire de son père ou de sa mère, ce qui est aussi dans son intérêt.

Comme cela a été évoqué au ch. 2.2.1, la stabilité de la relation sera jugée à l'aune de l'existence d'un ménage commun depuis au moins trois ans.

2.3.3.4

Personnes liées par un partenariat enregistré

En transmettant la motion 11.4046 au Conseil fédéral, le Parlement a chargé ce dernier de permettre aux personnes vivant en partenariat enregistré d'adopter l'enfant de leur partenaire. Dans son avis du 22 février 2012, le Conseil fédéral avait déjà relevé qu'on tiendrait compte de la sorte du fait que beaucoup d'enfants grandissent déjà au sein de partenariats de ce type, sans bénéficier pour autant de la même protection juridique que les enfants nés de couples mariés. Il n'est guère soutenable qu'un enfant subisse des inconvénients juridiques ou de fait parce que sa mère, au lieu de vivre avec un autre homme, vit désormais avec une femme ou que son père a choisi de vivre avec un homme (art. 2 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant). L'adoption de l'enfant du partenaire doit donc être autorisée principalement pour permettre une égalité de traitement entre les enfants et éviter qu'ils subissent des préjudices.

Pour les adoptions d'enfants du partenaire comme pour toutes les autres adoptions, il faudra vérifier si le bien de l'enfant est assuré (art. 264, al. 1, P-CC). Comme cela a été mentionné plus haut, l'adoption de l'enfant du conjoint est très controversée dans certains cas84 et parfois problématique. Néanmoins, elle s'avère dans de nombreux cas être dans l'intérêt de l'enfant. Pour que le nouveau conjoint puisse adopter l'enfant, il faut comme dans toute autre adoption que les parents biologiques (art. 265a, al. 1, CC) et l'enfant, s'il est capable de discernement (art. 265, al. 2, CC) donnent leur consentement. Il est exclu que le nouveau conjoint d'une femme divorcée adopte l'enfant de cette dernière contre la volonté du père biologique, à moins que les conditions de l'art. 265c CC (disposition du consentement) soient remplies.

Les inquiétudes exprimées quant au développement d'un enfant n'ayant de liens de filiation avec aucun des deux partenaires en cas d'adoption conjointe par un couple homosexuel n'ont pas réellement lieu d'être en cas d'adoption de l'enfant du partenaire, puisque celui-ci vit déjà dans le giron du couple et continuerait de le faire même s'il n'était pas adopté. Il ne s'agit en l'occurrence que de consolider la situation juridique de l'enfant vis-à-vis du partenaire de son parent biologique85. Le bien d'un enfant qui grandit auprès d'un
couple homosexuel n'est guère menacé, puisqu'il obtient un père ou une mère supplémentaire pour sa propre sécurité au regard du droit.

En autorisant l'adoption de l'enfant du partenaire pour les couples vivant en partenariat enregistré, on supprime en outre une autre inégalité de traitement. Nombreux sont en effet les Etats qui autorisent déjà ce type d'adoption. Or un couple homosexuel qui a adopté un enfant à l'étranger peut, si toutes les conditions sont réunies, demander que leur parentalité commune soit reconnue en Suisse. L'opinion domi84 85

Cf. ch. 2.3.3.

Dethloff, 197.

865

nante n'y voit aucune atteinte à l'ordre public suisse86. De ce fait, il existe déjà des cas où un ou plusieurs enfants grandissent avec des couples homosexuels et où les partenaires sont considérés comme leurs parents.

2.3.3.5

Personnes menant de fait une vie de couple

Dans la version transmise au Conseil fédéral, la motion Prelicz-Huber (09.3026) adoptée par le Parlement exige «d'accorder la possibilité d'adopter aussi aux couples qui vivent en concubinage avéré, en particulier en ce qui concerne l'adoption de l'enfant du concubin». De même, la motion (11.4046) «Droit de l'adoption. Mêmes chances pour toutes les familles», telle qu'adoptée par les deux conseils, charge le Conseil fédéral de permettre «que toute personne adulte, quel que soit son état civil ou son mode de vie, puisse adopter l'enfant de son ou sa partenaire».

Si l'on veut maintenir le principe de l'adoption par le conjoint, il paraît logique de rendre l'adoption de l'enfant du partenaire accessible non seulement aux couples mariés et aux couples en partenariat enregistré, mais aussi aux autres couples ayant une certaine stabilité. Si l'enfant du partenaire s'est intégré dans la nouvelle famille, il en est résulté une relation familiale de fait que le droit ne devrait pas empêcher, mais soutenir de la meilleure manière possible en permettant qu'elle soit légalement reconnue. On supprimerait ainsi l'inégalité de traitement qu'induit le droit en vigueur en ne permettant l'adoption de l'enfant du partenaire que si le couple est marié. L'enfant ne doit pas subir d'inconvénients du fait que ses nouveaux parents ne souhaitent pas (ou plus) se marier. L'accession des couples non mariés à l'adoption de l'enfant du partenaire sert essentiellement le bien de l'enfant87.

Le Parlement demande qu'on autorise l'adoption, et en particulier l'adoption de l'enfant du partenaire, à toute personne adulte, quel que soit son état civil ou son mode de vie. Les hétérosexuels et homosexuels menant de fait une vie de couple doivent obtenir la possibilité d'adopter l'enfant de leur partenaire. La nécessité de permettre à tous les couples d'accéder à cette forme d'adoption ressort également de la jurisprudence de la CrEDH. Dans l'affaire X contre l'Autriche, la Cour a noté que si on permet aux hétérosexuels menant de fait une vie de couple d'adopter l'enfant de leur partenaire, il faut impérativement pour des questions d'égalité en faire de même pour les couples homosexuels. En agissant différemment, on produirait une discrimination illicite88.

La possibilité d'adopter l'enfant du partenaire ne sera pas accordée à toutes
les personnes faisant vie commune ou domicile commun; elle sera donnée uniquement à des personnes de même sexe ou de sexes différents entretenant des relations stables et étroites, semblables à celles entretenues dans les liens du mariage (relations de couple). L'adoption de l'enfant du partenaire vise à fonder une famille dans laquelle la personne qui adopte prend le rôle du second parent. Cette définition exclut qu'une femme vivant avec sa soeur dans un même ménage adopte son neveu.

86

87 88

866

Circulaire du 20 décembre 2006 de l'Office fédéral de l'état civil aux autorités cantonales de surveillance («Couples de personnes de même sexe, reconnaissance d'adoptions étrangères»), www.dfjp.admin.ch > Société > Etat civil; Basler Kommentar-Urwyler/Hauser, art. 78 LDIP no 17.

Schwenzer/Bachofner, 95; Copur, 190 ss; Dethloff, 197 s.

Cf. ch. 1.5.2.

2.4

Participation de l'enfant

Le droit en vigueur prescrit l'obtention du consentement de l'enfant s'il est capable de discernement (art. 265, al. 2, CC)89. Selon la jurisprudence, tel est le cas dans les circonstances habituelles lorsque l'enfant atteint quatorze ans90, certains enfants étant capables de discernement plus tôt91. La doctrine est unanime sur le fait qu'il faut associer les enfants plus jeunes à la procédure de manière appropriée, même si leur consentement ne constitue pas aux yeux de la loi une condition de validité de l'adoption92. Ce principe, qui correspond à la possibilité d'être entendu consacrée à l'art. 12 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, sera à l'avenir inscrit dans la loi.

Cet article de la convention exige qu'on décerne un représentant à l'enfant pour défendre ses intérêts93. Il ne semble pas nécessaire de le faire automatiquement, surtout si l'enfant, adopté à l'étranger, est encore très jeune. Par contre, lorsqu'il s'agit de l'adoption de l'enfant du partenaire, il y a souvent des situations de conflit et de pression intenses entre les parents biologiques et entre eux et l'enfant. Dans ces cas-là, il semble juste de décerner un représentant ou au moins de vérifier si un représentant est nécessaire pour garantir le bien de l'enfant.

2.5

Facilitation de l'adoption des adultes

L'adoption de personnes adultes est aujourd'hui considérée comme une exception.

Le droit en vigueur ne l'autorise qu'à des conditions très strictes. Notamment, elle ne peut avoir lieu que si les parents adoptifs n'ont pas de descendants (art. 266, al. 1, CC). L'adoption d'adultes peut revêtir une certaine importance lorsque les parents biologiques ont refusé l'adoption alors que l'enfant était mineur et que les conditions permettant de renoncer au consentement de l'enfant n'étaient pas remplies (art. 265c CC). En tel cas, l'adoption ne peut avoir lieu qu'une fois la personne majeure, puisque selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un tel consentement n'est pas nécessaire pour l'adoption d'un adulte94. Il n'y a pas de contre-indication à ce que les futurs parents adoptifs adoptent une personne mineure tant que l'adoption ne porte pas une atteinte inéquitable à la situation d'autres enfants des parents adoptifs (art. 264 CC); ce principe devrait également s'appliquer à l'adoption de personnes adultes. Il faudra de ce fait renoncer à la condition de l'absence de descendance. En contrepartie, on prendra en considération l'opinion des personnes concernées, en particulier des autres enfants des futurs parents adoptifs. De plus, la durée pendant laquelle les futurs parents adoptifs devront avoir fourni des soins et pourvu à l'éducation de l'enfant devenu adulte passera de cinq à un an, par analogie aux

89 90 91

92 93 94

Concernant toute la problématique Pfaffinger, Formen der Adoption, ch. marg. 252.

ATF 119 II 4; 107 II 22; cf. également l'art. 5, al. 1, let. b, de la Convention européenne du 27 septembre 2008 en matière d'adoption des enfants (révisée).

Dans son arrêt Pini et autres contre Roumanie (requêtes no 78028/01 et 78030/01), § 145, la CrEDH a déclaré qu'un seuil de dix ans à partir duquel un enfant doit donner son consentement à l'adoption n'était pas déraisonnable.

CHK-Biderbost, art. 265 no 3; Basler Kommentar-Breitschmid, art. 265 no 8.

Cf. Comité des droits de l'enfant, observation générale no 12 (2009), Le droit de l'enfant d'être entendu, 20 juillet 2009.

ATF 137 III 1 ss

867

conditions fixées pour l'adoption de mineurs. Il n'y a aucune raison que cette durée soit plus longue pour l'adoption d'un adulte que pour l'adoption d'un mineur.

2.6

Assouplissement du secret de l'adoption

2.6.1

Principe

Lors d'une adoption se pose toujours la question de la manière dont on peut et dont on doit tenir compte des besoins individuels des personnes concernées, que ce soit la personne adoptée, les parents biologiques ou les parents adoptifs. Les intérêts de ces protagonistes s'opposent et il faut décider si l'intérêt d'une partie au maintien du secret prime l'intérêt d'une autre partie à obtenir des informations.

Pendant de longues années, le droit de l'adoption n'a pas réglé cette question explicitement. Il appartenait aux autorités de clarifier la situation, ce qu'elles ont fait avec un succès mitigé pendant un temps certain95. La création de l'art. 268b en 1972 et de l'art. 268c en 2001 a permis d'inscrire dans le CC les principes déterminants du secret de l'adoption, mais n'a pas permis d'éliminer toutes les lacunes, d'autant qu'une partie de ces principes de la loi sont aujourd'hui remis en question.

La solution proposée par le Conseil fédéral en vue d'assouplir le secret de l'adoption correspond à celle retenue par de nombreux pays européens96.

2.6.2

Droit des parents biologiques et de leurs éventuels descendants directs d'obtenir des informations

L'art. 268b CC proscrit la révélation de l'identité des parents adoptifs aux parents biologiques tant que les premiers n'ont pas donné leur consentement. La règlementation du secret de l'adoption à l'art. 268b CC est lacunaire97, puisqu'elle ne vise que les parents biologiques. On peut néanmoins déduire du but de la disposition que le secret de l'adoption s'applique non seulement vis-à-vis des parents biologiques, mais aussi vis-à-vis de tiers98. Le législateur a intégré ce principe dans la loi sous le titre «Secret de l'adoption» à l'occasion de la grande révision de 1972, cela pour parvenir à imposer l'adoption plénière, qui se caractérise par l'intégration pleine et entière de l'enfant dans sa famille d'adoption par le biais de la rupture de tous les liens qu'il entretient avec ses parents biologiques, et pour empêcher que ces derniers ne s'immiscent dans les relations entre les parents adoptifs et l'enfant. On craignait à l'époque que les contacts entre les parents biologiques et les enfants et ses parents adoptifs «compromettent ou entravent la réussite sociale de l'adoption»99. Cette réglementation correspond également aux prescriptions de l'art. 20, ch. 1, de la Convention européenne du 24 avril 1967 en matière d'adoption des enfants. Plus récemment, des discussions ont eu lieu dans de nombreux Etats concernant la sup95 96 97 98 99

868

A ce sujet Werro, 359 ss.

Cf. Lowe, 24 ss.

KuKo-Pfaffinger, art. 268b no 3.

Cottier, 33; Werro, 359; BK-Hegnauer, art. 268b no 4.

Message du 12 mai 1971 sur le droit de l'adoption, FF 1971 I 1222, ici 1260; concernant le principe, Pfaffinger, Formen der Adoption, ch. marg. 102 ss et les critiques dument motivées de l'argumentation du Conseil fédéral aux ch. marg. 118 ss.

pression ou du moins l'assouplissement du caractère absolu de l'adoption plénière.

Les discussions ont porté également sur le secret de l'adoption, un des points de vue défendus étant qu'il était préférable pour le bien de l'enfant qu'il garde des contacts avec ses parents biologiques ou d'autres proches (p. ex. les grands-parents biologiques) malgré l'adoption.

Le projet prévoit, en exécution du postulat Fehr (09.4107) «Secret de l'adoption», qu'on autorise les parents biologiques à accéder à des informations relatives à l'identité de l'enfant à partir de sa majorité et avec son consentement. Les éventuels descendants directs des parents biologiques auront eux aussi accès à ces informations si l'enfant y a consenti. Il s'est avéré en pratique que ces personnes pouvaient s'intéresser elles aussi à leurs frères et soeurs donnés à l'adoption et souhaitaient savoir ce qu'il était advenu d'eux. Une fois les parents biologiques décédés, ils n'ont plus aucune chance de les retrouver ou d'obtenir des informations les concernant par l'intermédiaire de leurs parents communs. Souvent, il est d'ailleurs plus facile pour les enfants donnés à l'adoption d'entrer en contact avec leurs frères et soeurs, car leurs relations ne sont pas entravées par la question du «pourquoi» qui les obsède.

On maintiendra pour autant ­ bien qu'il y ait un certain conflit de valeurs entre cette disposition et la mesure qu'on vient de mentionner100 ­ la réglementation existant à l'art. 268c CC, selon laquelle l'enfant majeur a un droit inconditionnel de connaître ses origines101, tandis que les parents biologiques, n'ont qu'un droit restreint (bien que renforcé par le projet) de connaître l'identité de l'enfant adopté. La suprématie du bien de l'enfant justifie d'une part cette inégalité de traitement; celle-ci s'explique d'autre part par le fait que la Constitution ne confère aux parents biologiques, au contraire de l'enfant adopté, aucun droit d'obtenir les données qui leur permettraient une prise de contact. Il ne peut donc être tenu compte dans le projet de la critique exprimée dans la doctrine quant au droit absolu de l'enfant adopté devenu majeur et en particulier l'objection selon laquelle l'art. 268c CC est une entrave disproportionnée aux intérêts des parents biologiques102. L'art. 21 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, qui prône l'intérêt supérieur de l'enfant, est également propice à la solution proposée.

2.6.3

Droit de l'enfant adopté d'obtenir des informations

Le droit en vigueur statue un droit de l'enfant adopté d'obtenir des informations.

L'art. 268c CC, adopté lors de la révision de 2001, lui attribue le droit d'obtenir les données relatives à l'identité de ses parents biologiques103. Ce droit se fonde sur un autre droit, celui de connaître ses origines, déduit de l'art. 10, al. 2, Cst.104. Aux termes de l'art. 268c CC, l'enfant adopté, une fois devenu majeur, jouit d'un droit inconditionnel d'obtenir les données relatives à ses parents biologiques, que ces derniers s'opposent ou non à tout contact personnel105. Le CC exige uniquement 100 101 102 103 104

Cottier, 49.

Cf. ch. 2.6.3 Leukart, 595.

Cf. Premand, 21.

ATF 128 I 69 ss; les enfants nés d'une procréation médicalement assistée ont un droit analogue, cf. les art. 119, al. 2, let. g, Cst. et 27 LPMA; concernant toute la problématique, cf. Reusser/Schweizer, 619 s.; Cottier, 43 s.

105 Concernant toute la problématique, cf. Büchler, 11; Premand, 33; Meier/Stettler, ch. marg. 373, 397.

869

qu'on informe les parents biologiques avant de communiquer les données demandées à l'enfant et qu'on informe l'enfant si ses parents biologiques refusent de le rencontrer (art. 268c, al. 2, CC)106. En faisant primer les intérêts de l'enfant sur ceux des parents biologiques et de la famille adoptive en cas de conflits, la loi évite toute pesée d'intérêts au cas par cas107. L'enfant doit par contre faire valoir un intérêt légitime s'il souhaite obtenir des informations sur ses parents biologiques avant d'avoir atteint la majorité.

On peut déduire de la formulation de l'art. 268c CC, qui n'attribue un droit absolu d'obtenir des informations qu'à l'enfant adopté, qu'a contrario, ses parents biologiques, ses éventuels frères et soeurs (également biologiques), ses parents adoptifs et ses descendants ne jouissent pas d'un tel droit108.

2.6.4

Service cantonal d'information

Il est nécessaire de prévoir des règles qui permettront de mettre en oeuvre les nouveaux droits à l'obtention d'informations instaurés aux art. 268b et 268c P-CC. Le projet comporte d'une part un article sur le service cantonal d'information et sur le droit d'être conseillé.

2.6.5

Adoption ouverte

Certains auteurs de doctrine exigent que le système actuel de l'adoption plénière soit remplacé par un système d'adoption semi-ouverte voire ouverte109. Il importe de préciser à cet égard que le droit en vigueur autorise les adoptions ouvertes si les personnes concernées y consentent110. Le projet propose que les parents adoptifs conviennent avec les parents biologiques que ces derniers puissent entretenir des relations personnelles indiquées par les circonstances avec l'enfant adopté, cette convention ne pouvant pas être modifiée unilatéralement et requérant le consentement de l'autorité de protection de l'enfant; il reviendra également à l'autorité de protection de l'enfant de statuer en cas de problèmes d'application de la convention.

Même s'il existe une telle convention, l'enfant mineur n'est pas obligé de tolérer le contact personnel avec ses parents biologiques contre son gré.

106 107 108 109 110

870

Concernant le détail de la procédure, cf. la circulaire du 21 mars 2003 de l'Office fédéral de l'état civil aux autorités cantonales de surveillance de l'état civil.

Concernant les raisons de ce choix, cf. Reusser, 139 s.

CHK-Biderbost, art. 268c no 4.

Pfaffinger, Formen der Adoption, ch. marg. 230; Pfaffinger, Geheime und (halb-)offene Adoptionen, 20 s. et les références citées.

Pour plus de détails, Pfaffinger, Formen der Adoption, ch. marg. 181 ss.

2.7

Propositions non prises en compte

2.7.1

Pas d'adoption conjointe pour les personnes liées par un partenariat enregistré

Plusieurs Etats ont au cours des dernières années rendu possible l'adoption conjointe par des personnes vivant en partenariat enregistré, mettant les couples en question à quasi-égalité avec les couples mariés.

Une partie de la population reste néanmoins opposée à cette ouverture. Ces personnes déplorent que l'enfant adopté n'ait pas de figure de l'autre sexe alors qu'elles estiment qu'il est important pour l'éducation de l'enfant que les deux sexes soient représentés dans sa famille proche. Il est à noter à ce sujet que le droit en vigueur permet l'adoption par une personne seule, qui symbolise l'acceptation de l'absence de l'autre sexe dans l'environnement proche de l'enfant111. Rien ne prouve d'ailleurs que les enfants qui ne grandissent pas auprès de leur père et de leur mère subissent des influences négatives ou sont différents. Une étude menée en 2007 et en 2008 en Allemagne sur la situation des enfants élevés par des partenaires enregistrés visait à vérifier si le bien de l'enfant y était assuré de la même manière dans les familles arcen-ciel que dans les familles hétérosexuelles. L'étude concluait sur le constat qu'il y avait peu de différences dans le développement des enfants et des adolescents et qu'en cas de différences, celles-ci étaient plutôt positives. Plus que la situation familiale, c'est la qualité des relations au sein de la famille qui est apparue comme déterminante112. On peut en déduire que l'adoption conjointe par un couple homosexuel peut elle aussi servir le bien de l'enfant. Même si les préjugés ont la vie dure, ils ne reposent sur aucun fondement scientifique113.

De nombreux Etats qui autorisent l'adoption par des ressortissants suisses ne connaissent pas le partenariat enregistré et sont généralement hostiles aux communautés de vie homosexuelles. L'adoption d'un enfant étranger par un couple homosexuel s'avère fréquemment impossible parce que les instances compétentes dans l'Etat d'origine de l'enfant refusent l'adoption114. Mais là non plus, le législateur ne doit pas tomber dans le piège du maintien de la discrimination du fait que sa suppression entraînerait des difficultés dans les faits.

Bien qu'il existe de bonnes raisons de permettre l'adoption à tout le monde, quelle que soit le mode de vie, le Conseil fédéral estime qu'il n'est pas opportun, dans le projet,
de proposer l'adoption conjointe par des couples vivant en partenariat enregistré. Son appréciation repose sur les réserves émises par la population, sur les arguments avancés lors de la votation relative à la LPart (la LPart, qui exclut l'adoption et la procréation médicalement assistée, n'est pas une institution dont le but est de fonder une famille) et du mandat que lui a attribué le Parlement pour la présente révision115.

111 112 113 114

Cf. également E.B. contre France (requête no 4354/02), § 49 et 94.

Rupp, 306.

Dethloff, 199 et les références citées et Nay, 1 ss.

Message du 29 novembre 2002 relatif à la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe, FF 2003 1192, ici 1222.

115 Cf. ch. 1.7.1 concernant la motion 11.4046.

871

2.7.2

Pas d'adoption conjointe pour les personnes menant de fait une vie de couple

La motion (11.4046) «Droit de l'adoption. Mêmes chances pour toutes les familles», dans sa version d'origine, posait déjà la question de l'extension de l'adoption conjointe aux personnes menant de fait une vie de couple. Selon le droit en vigueur, l'adoption conjointe est réservée aux couples mariés (art. 264a, al. 2, CC). La question de l'extension se pose également en relation avec la jurisprudence de la CrEDH, selon laquelle le mariage n'offre plus aujourd'hui davantage de sécurité qu'une vie de couple de fait116. On pourrait en tirer la conclusion que les couples non mariés caractérisés par une certaine stabilité devraient pouvoir adopter conjointement.

Pourtant, il n'y a pas de mandat direct du Parlement en faveur d'une telle évolution du droit de l'adoption puisque le Conseil national a modifié la motion et l'a adoptée sans charger le Conseil fédéral d'y inclure l'adoption conjointe. De plus, si l'on autorisait l'adoption conjointe pour les hétérosexuels menant de fait une vie de couple, il faudrait en faire de même pour les couples homosexuels. La CrEDH a indiqué dans son arrêt X contre Autriche qu'il était licite de donner des droits particuliers aux couples mariés. Si les couples non mariés sont privés de ces droits, on ne peut en déduire une inégalité de traitement discriminatoire au vu de la position particulière du mariage dans l'ordre juridique117. De l'avis de la Cour, il est par contre illicite de traiter différemment les communautés de vie de fait hétérosexuelles et homosexuelles si cette inégalité de traitement n'est motivée que par l'orientation sexuelle du couple118.

Le Conseil fédéral a conscience que l'accession des couples homosexuels à l'adoption conjointe serait hautement controversée. Il estime qu'elle ne serait pas opportune à l'heure actuelle, comme il l'a fait savoir dans son avis du 22 février 2012 concernant ladite motion. Le projet ne comporte donc aucune proposition en ce sens.

2.7.3

Pas d'adoption par une personne seule indépendamment de son état civil

Le Conseil fédéral ne donnera pas suite à la proposition qu'il avait faite dans l'avant-projet visant à permettre l'adoption par une personne seule indépendamment de son état civil. Un nombre important de participants à la consultation s'y sont en effet opposés, arguant que la position de l'époux ou du partenaire enregistré non impliqué dans l'adoption vis-à-vis de l'enfant est trop peu claire et que cette possibilité, qui aurait en tous les cas revêtu un caractère exceptionnel, n'est pas en général dans l'intérêt de l'enfant.

En conséquence, une personne mariée ou liée à une autre par un partenariat enregistré ne pourra adopter seule que si les conditions de l'art. 264b P-CC sont réunies119.

116 117 118 119

872

Cf. ch. 1.5.4.

X contre Autriche (requête n° 19010/07), § 106.

X contre Autriche (requête n° 19010/07), § 130.

Cf. ch. 2.3.2.

2.8

Droit comparé

2.8.1

Conditions d'adoption

2.8.1.1

Age minimal et maximal, différence d'âge avec l'enfant

Dans certains Etats, il n'existe pas d'âge minimal pour adopter un enfant. Au Royaume-Uni, l'âge minimal est de 21 ans120. En Allemagne, l'âge minimal est fixé à 25 ans; au sein des couples mariés, l'un des deux époux peut avoir un âge inférieur, mais doit être âgé d'au moins 21 ans121. En Autriche, le père adoptif doit avoir au moins 30 ans, la mère adoptive au moins 28. Il est possible de déroger à ces âges minimaux en cas d'adoption conjointe par un couple marié ou en cas d'adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire s'il existe déjà entre l'enfant et les adoptants une relation semblable au lien existant entre des parents biologiques et leurs enfants122. En France, l'adoption est permise à partir de 28 ans123. Plusieurs Etats ont fixé un âge maximal pour adopter, en règle générale 40 ou 45 ans; c'est le cas en Allemagne, en Autriche, en Suède et en Norvège124. D'autres Etats prévoient également une différence d'âge minimale (qui varie entre quatorze et 18 ans selon les ordres juridiques), parfois aussi maximale (entre 40 et 45 ans) entre les parents adoptifs et l'enfant125.

2.8.1.2

Adoption par les couples homosexuels

En 2011, le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a publié une étude exhaustive sur la situation des homosexuels en Europe, dans laquelle il évoquait l'adoption126. La Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Islande, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède et le Royaume Uni autorisent l'adoption de l'enfant du partenaire et l'adoption conjointe au sein des couples homosexuels; la Finlande et l'Allemagne n'autorisent que l'adoption de l'enfant du partenaire. Le Parlement allemand a étendu le droit de l'adoption fin mai 2014 en permettant aux personnes liées par un partenariat enregistré d'adopter l'enfant précédemment adopté par leur partenaire (adoption successive). Début mai 2014, la Belgique a introduit la coparentalité pour les couples homosexuels: les membres du couple deviennent parents de par la loi des enfants nés au sein de la relation et les partenaires lesbiennes des mères d'enfants conçus hors mariage deviennent parents de ceux-ci après les avoir reconnus. Dans ces cas, l'adoption n'est plus nécessaire, mais elle est subordonnée à la condition que le père biologique n'ait pas reconnu l'enfant. Suite à sa condamnation par la CrEDH, l'Autriche a permis l'adoption de l'enfant du partenaire dans les couples homosexuels, tout en continuant de leur refuser l'adoption conjointe. En 2013, le Parlement français a adopté une loi qui autorise les couples homosexuels à se

120 121 122 123 124 125 126

Art. 50 et 51 de l'Adoption and Children Act 2002.

§ 1743 BGB § 180 AGBG Art. 343 et 343-1 du Code Civil Cf. le rapport du Conseil fédéral sur les adoptions en Suisse, 8.

Cf. le tableau synoptique dans le rapport du Conseil fédéral sur les adoptions en Suisse, 8.

La discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre en Europe, Strasbourg 2011.

873

marier; cette loi leur confère les mêmes droits qu'aux autres couples mariés en matière d'adoption.

2.8.1.3

Adoption de l'enfant du partenaire par les personnes menant de fait une vie de couple

La majorité des Etats européens réservent l'adoption de l'enfant du partenaire aux couples mariés. Dix Etats au moins permettent aux concubins d'adopter l'enfant de leur partenaire. C'est le cas de la Belgique, de l'Espagne, de l'Islande, des Pays-Bas, du Portugal, de la Roumanie, du Royaume-Uni, de la Russie, de la Slovénie et de l'Ukraine127.

2.8.2

Secret de l'adoption

Le secret de l'adoption produit des effets tant à l'égard de l'enfant adopté que des parents biologiques. Alors que la plupart des ordres juridiques reconnaissent à l'enfant le droit d'obtenir des informations sur ses origines, avec des mises en oeuvre variées, il y a une grande réticence à reconnaître aux parents biologiques le droit d'obtenir des informations sur l'enfant qu'ils ont donné à l'adoption.

2.8.2.1

Droit de connaître ses origines

Le droit d'un enfant de connaître ses origines est réglé de manières différentes selon les ordres juridiques128. Il y a d'une part les Etats comme la Serbie, qui accordent ce droit aux enfants indépendamment de leur âge, ou la Suède, qui l'octroient aux enfants suffisamment mûrs. Aux Pays-Bas, les enfants ont un droit similaire, qui prime le droit des parents biologiques au secret de l'adoption. En Allemagne, le droit de l'enfant de connaître ses origines est mis en balance avec le droit de la personnalité des parents. A l'autre extrémité, il y a la Russie, où il n'existe aucun droit de connaître l'identité de ses parents. En France, il existe toujours la possibilité d'accoucher sous X; les enfants nés dans l'anonymat n'ont pas le droit de connaître l'identité de leurs parents129. En cas d'adoption, de nombreux Etats européens donnent à l'enfant le droit d'obtenir des informations sur ses parents biologiques lorsqu'il atteint la majorité. C'est le cas en Angleterre et au Pays de Galles, en Belgique, en Bulgarie, au Danemark, en Espagne, en Finlande, en Grèce, à Malte, aux Pays-Bas et en Slovaquie130.

127

Ces indications proviennent d'une présentation synoptique demandée par la CrEDH en rapport avec l'arrêt X contre Autriche (requête no 19010/07), § 56 s.

128 Cf. pour plus de détails Lowe, 24 ss.

129 La Grande Chambre de la CrEDH a protégé expressément l'anonymat de la mère dans un arrêt publié en 2003, Odièvre contre France (requête no 42326/98).

130 Lowe, 25.

874

2.8.2.2

Droit des parents biologiques d'obtenir des informations en cas d'adoption anonyme

Les difficultés que rencontrent les parents biologiques désireux d'obtenir des informations sur les enfants qu'ils ont donnés à l'adoption découlent essentiellement de la prédominance en Europe de l'adoption anonyme. L'adoption semi-ouverte ou ouverte131 leur donne à l'inverse de quoi satisfaire d'emblée au moins une partie de leur besoin d'informations132.

Un sondage informel mené au début de l'année 2014 par l'Office fédéral de la justice auprès des autorités centrales en matière d'adoption des pays européens a montré qu'aucun d'entre eux n'accordait un droit véritable aux parents biologiques d'obtenir des informations sur un enfant donné à l'adoption, ni générales (développement de l'enfant), ni précises (nouvelle identité de l'enfant, identité de ses parents adoptifs). Dans la plupart de ces pays, les dispositions concernant le secret de l'adoption indiquent clairement qu'il est interdit de divulguer ou de rechercher des informations sans le consentement des parents adoptifs et/ou de l'enfant (p. ex. en Allemagne133). En Autriche, en cas d'adoption anonyme, les parents biologiques ne peuvent faire valoir un droit d'être informés de manière générale sur les conditions de vie personnelles et économiques des parents adoptifs qu'au moment de l'adoption134. Néanmoins, nombre de ces pays (à l'exception de la Belgique, de l'Italie, des Pays-Bas et de la Norvège) font en sorte de satisfaire aux demandes des parents biologiques et se procurent les informations disponibles, soit en consultant les dossiers, soit en demandant les autorisations nécessaires aux parents adoptifs ou aux enfants adoptés. En particulier, ils ne transmettent des informations permettant d'identifier les enfants que si les parents adoptifs y ont consenti. Si l'enfant est capable de discernement, les autorités de certains pays recueillent son consentement en sus (p. ex. le Luxembourg). Le consentement de l'enfant suffit dans tous les pays s'il est déjà majeur. Dans pareil cas, le Danemark prévoit que l'autorité compétente informe les parents adoptifs de la demande des parents biologiques avant d'informer l'enfant devenu majeur; cette manière de procéder donne la possibilité aux parents adoptifs de préparer l'enfant à l'idée que l'autorité compétente va prendre contact avec lui. Le droit lituanien accorde à l'enfant adopté le droit
d'obtenir des informations sur ses origines à partir de quatorze ans, mais les parents biologiques ou leurs proches immédiats ne peuvent en recevoir que si le tribunal compétent donne son autorisation; le consentement de l'enfant adopté ou des parents adoptifs ne suffit pas.

L'Italie débat actuellement du droit des parents biologiques d'accéder aux informations. Les dispositions irlandaises donnent aux parents adoptifs et aux enfants adoptés la possibilité de faire prononcer par le juge une interdiction de contact avec les parents biologiques.

Au Canada, chaque province peut régler à sa manière l'accès aux informations sur l'enfant adopté. Certaines provinces135 donnent à l'enfant adopté et à ses parents biologiques un libre accès au dossier d'adoption une fois que l'enfant est majeur.

Les autorités des autres provinces136 ne donnent pas ce libre accès, mais traitent les 131 132 133 134 135 136

Cf. ch. 2.8.2.

Concernant l'ensemble de la problématique Schwenzer, avis de droit, 38.

§ 1758 BGB (Offenbarungs- und Ausforschungsverbot).

§ 88 (2) Ausserstreitgesetz.

Dont l'Alberta, la Colombie britannique, Terre-Neuve-et-Labrador, l'Ontario et le Yukon.

Dont le Manitoba, les Territoires du Nord-Ouest, le Nouvelle-Ecosse, le Nunavut et l'Ile du Prince Edouard.

875

demandes de recherche. Dans les provinces où l'accès au dossier d'adoption est libre, les enfants adoptés selon l'ancien droit et leurs parents biologiques peuvent opposer leur véto par écrit à la transmission d'informations permettant de les identifier. Indépendamment de la date de l'adoption, ces deux groupes de personnes peuvent remettre aux autorités une «déclaration de non-contact». Dans ce cas, l'auteur de la demande obtient des informations, mais doit s'engager à ne pas entrer en contact avec la personne recherchée, au risque d'être emprisonnée ou de se voir infliger une amende137. Les parents biologiques peuvent opposer leur véto et remettre leur «déclaration de non-contact» en tout temps, l'enfant adopté uniquement une fois majeur.

Les dispositions ne sont pas aussi homogènes aux Etats-Unis138. Pratiquement tous les Etats autorisent la transmission d'informations permettant d'identifier la personne recherchée si celle-ci y a consenti. Si le dossier ne fait pas mention d'un tel consentement, la transmission n'a lieu que sur décision judiciaire et en présence de justes motifs. 37 Etats permettent la transmission de données d'identité aux enfants adoptés, aux parents biologiques, mais aussi aux autres enfants des parents biologiques si l'enfant adopté une fois majeur ou les parents biologiques y ont consenti.

31 Etats ont mis sur pied des registres qui indiquent ce que souhaitent les personnes concernées par l'adoption en rapport avec la transmission d'informations et les contacts éventuels. Les Etats qui ne possèdent pas de tels registres ont prévu d'autres voies pour accéder aux informations sur l'identité des enfants adoptés ou des parents biologiques; elles passent généralement par des institutions publiques ou privées qui ont déjà recueilli le consentement des personnes recherchées ou qui entreprennent de le recueillir. Dans certains Etats, quelques organisations reconnues ont un accès exclusif aux dossiers d'adoption.

2.8.2.3

Adoption ouverte et semi-ouverte

Contrairement à l'adoption anonyme, les parents biologiques ont accès d'emblée à certaines informations concernant l'enfant qu'ils donnent à l'adoption si celle-ci est ouverte ou semi-ouverte. L'adoption ouverte en particulier permet dans certains cas aux parents biologiques d'entretenir des contacts directs avec les parents adoptifs et, à travers eux, avec l'enfant adopté, si bien que la question du droit à l'information ne se pose pas de la même manière qu'en cas d'adoption anonyme.

L'adoption anonyme est la règle dans les pays européens, mais en pratique, on observe de plus en plus de formes d'adoption caractérisées par une plus grande ouverture, qui ne sont généralement pas réglées dans la loi. En conséquence, il est souvent impossible d'imposer juridiquement les autorisations de contact même convenues contractuellement entre les parents adoptifs et les parents biologiques139.

L'Autriche fait figure d'exception: les parents biologiques peuvent y choisir la 137

En Colombie britannique, la peine privative de liberté est de six mois au plus, l'amende de 10 000 dollars canadiens au plus (https://www.vs.gov.bc.ca > Adoptions > Release of Adoption Records in British Columbia); en Ontario, l'amende peut atteindre 50 000 dollars canadiens (www.ontario.ca/fr/gouvernement > Accès aux dossiers d'adoption > Comment demander des renseignements sur une adoption qui vous concerne).

138 Cf. Child Welfare Information Gateway (2012). Access to adoption records. Washington, DC: U.S. Department of Health and Human Services, Children's Bureau.

139 Cf. Pfaffinger, Geheime und (halb-)offene Adoptionen, no 199.

876

forme d'adoption qu'ils souhaitent, même lorsque c'est une autorité qui sert d'intermédiaire pour l'adoption. On choisit souvent l'adoption ouverte ou semiouverte lorsque les enfants qu'on retire à leur famille par mesure de protection sont déjà plus âgés. En Angleterre, c'est le cas lorsqu'il s'agit d'enfants ayant des «besoins spéciaux». En Finlande, les adoptions purement nationales peuvent prendre une forme ouverte: lorsque les parents biologiques et les parents adoptifs ont convenu de contacts réciproques, le tribunal qui prononce l'adoption approuve cette convention (pendant la procédure d'adoption ou ultérieurement), pour autant que le bien de l'enfant ne s'en trouve pas menacé. Les parents biologiques ont alors le droit d'accéder à toutes les informations qui figurent dans le dossier concernant l'enfant adopté. Si la convention le prévoit, les parents biologiques peuvent même entretenir des contacts avec l'enfant.

Le nombre d'adoptions (semi-)ouvertes augmente en Europe, sans y être la règle et généralement sans qu'elles soient encadrées légalement, car la levée de l'anonymat dépend de la volonté des parents adoptifs. Aux Etats-Unis par contre, en cas d'adoption privée qui ne relève pas de motifs de protection de l'enfant ou de retrait de l'autorité parentale, et sur la foi d'une convention avec les parents adoptifs, les parents biologiques ont accès aux informations relatives à l'enfant donné à l'adoption, voire la possibilité d'entretenir des contacts réguliers avec lui. Il est possible d'imposer juridiquement de telles conventions dans les Etats où elles sont prévues (c'est-à-dire 26 Etats et le district de Colombia), pour autant qu'elles remplissent les exigences de forme (généralement la reconnaissance par un tribunal ou une autorité)140. 95 % des adoptions privées nationales faites aux Etats-Unis sont des adoptions ouvertes. On constate de manière générale aux Etats-Unis une tendance à favoriser l'adoption ouverte, si bien que la question du droit à l'information des parents biologiques s'y pose moins141.

2.9

Classement d'interventions parlementaires

Les nouvelles règles proposées permettront de procéder au classement des interventions parlementaires142 tel que proposé en début de message.

140

Child Welfare Information Gateway (2011). Postadoption contract agreements between birth and adoptive families. Washington, DC: U.S. Department of Health and Human Services, Children's Bureau.

141 Child Welfare Information Gateway (2013). Openness in adoption: Building relationships between birth and adoptive families. Washington, DC: U.S. Department of Health and Human Services, Children's Bureau.

142 Motion 09.3026 Prelicz-Huber «Droit à l'adoption à partir de 30 ans révolus»; motion 09.4107 Fehr Jacqueline «Secret de l'adoption»; 11.4046 motion Commission des affaires juridiques CE «Droit de l'adoption. Mêmes chances pour toutes les familles».

877

3

Commentaire

3.1

Code civil (CC)

Remarque liminaire: La notion de «parents adoptifs» mérite une clarification. Elle n'est utilisable qu'une fois que l'adoption a été prononcée. De plus, elle désigne un couple, ce qui n'est pas compatible avec l'adoption par une personne seule ni avec l'adoption de l'enfant du conjoint. C'est pourquoi elle est remplacée dans le projet par «le ou les adoptants» à chaque fois qu'on décrit la situation avant que l'adoption ait été prononcée; cette expression convient aussi bien pour une personne seule que pour un couple. Pour l'adoption de majeurs, on a recours, pour décrire la situation avant que l'adoption ait été prononcée, à la notion de «personne faisant l'objet de la demande d'adoption».

Art. 264

Adoption de mineurs. Conditions générales

Al. 1: Pour plus de clarté, on indique à l'al. 1 qu'il s'agit de l'adoption d'une personne mineure.

Al. 2: S'agissant de l'âge maximal des adoptants et de la différence d'âge maximale entre ceux-ci et l'enfant143, il semble approprié d'inscrire expressément dans la loi la condition énoncée à l'art. 3, al. 2, let. b, LPMA, selon laquelle les parents doivent paraître être à même d'élever l'enfant jusqu'à sa majorité. Même si la loi ne fixe pas de limite d'âge absolue, l'âge des adoptants revêt une grande importance dans la décision de l'autorité.

Art. 264a

Adoption conjointe

Al. 1: Le projet maintient l'exclusivité des époux pour l'adoption conjointe. Il pose deux conditions, un âge minimal, d'une part, et une certaine stabilité relationnelle d'autre part. Contrairement à la réglementation en vigueur, qui demande soit que les époux aient atteint un âge minimal, soit que le mariage ait duré au moins cinq ans (art. 264a, al. 2, CC), les conditions de l'adoption ­ âge minimal et durée minimale de la relation ­ devront être remplies cumulativement. Pour le bien de l'enfant, la maturité des parents adoptifs, indiquée par l'âge minimal, et la stabilité de la relation, caractérisée par l'existence d'un ménage commun depuis au moins trois ans, constituent deux conditions différentes, qui doivent chacune être remplies. Il est à noter que la condition des trois ans de vie commune ne sera en principe considérée comme remplie que si le couple a vécu en ménage commun sans interruption pendant tout ce temps. Cela n'exclut pas de manière générale les courtes interruptions de quelques semaines par exemple en raison de séjours professionnels ou linguistiques à l'étranger. La validation de la condition sera par contre sujette à caution si la relation a été rompue de manière plus ou moins longue, car c'est là la stabilité du couple qui est en jeu.

Al. 2: On pourra déroger à la condition de l'âge minimal si cela semble s'imposer dans l'intérêt du bien de l'enfant. Cela ne signifie pas que ladite dérogation permettra de préserver le bien de l'enfant en toutes circonstances ou empêchera qu'il soit menacé, mais plutôt qu'elle est nécessaire au vu de certains motifs comme l'existence d'une relation étroite à l'enfant. Les adoptants devront montrer en quoi 143

878

Cf. ch. 2.2.4.

cette dérogation est nécessaire et semble s'imposer dans le cas concret dans l'intérêt du bien de l'enfant.

Alors qu'il est possible de déroger à la condition de l'âge minimal selon les cas pour le bien de l'enfant, celle de la durée de la relation ne souffrira pas d'exception. Il n'est pas possible de jauger d'une autre manière la stabilité de la relation; l'adoption restera donc exclue tant que cette condition n'est pas remplie. Elle ne sera pas exclue de manière générale, mais reportée à plus tard si le mariage n'a pas duré trois ans au moins.

Enfin, l'adoption de l'enfant du conjoint, aujourd'hui réglée à l'art. 264a, al. 3, CC, sera déplacée dans un nouvel art. 264c, car il ne s'agit pas matériellement d'une adoption conjointe144. Les motifs qui avaient présidé à l'inscription de ce type d'adoption dans l'article sur l'adoption conjointe ­ qui consistaient à dire que l'adoption de l'enfant du conjoint crée un lien de filiation conjoint marital145 ­ ne sont plus convaincants aujourd'hui.

Art. 264b

Adoption par une personne seule

Al. 1: Selon le droit en vigueur, une personne peut adopter seule si elle n'est ni mariée ni liée à une autre par un partenariat enregistré (cf. art. 28 LPart). Il en restera ainsi: l'al. 1 confirme le caractère exceptionnel de l'adoption par une personne seule, qui ne donne qu'un seul parent à l'enfant. L'âge minimal sera abaissé à 28 ans, comme c'est le cas pour l'adoption conjointe (art. 264a P-CC).

Al. 2: Des exceptions seront admissibles lorsqu'une adoption conjointe se révèle impossible. Les conditions demeureront les mêmes que dans le droit en vigueur (art. 264b, al. 2, CC).

Al. 3: Le projet rend l'adoption accessible aux personnes seules liées par un partenariat enregistré si elles remplissent les conditions requises. Celles-ci seront les mêmes que pour les personnes mariées, à l'exception de la séparation de corps au sens de l'art. 117 CC, qui n'a pas d'équivalent pour le partenariat enregistré.

Al. 4: Il sera possible de déroger à la condition de l'âge minimal également en cas d'adoption par une personne seule, si cela semble s'imposer dans l'intérêt du bien de l'enfant. Il n'y a aucune raison de concevoir cette forme d'adoption de manière moins flexible et différemment sur ce point que pour l'adoption conjointe. Pour plus de détails, on se reportera au commentaire de l'art. 264a, al. 2, P-CC.

Art. 264c

Adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire

L'adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire, en tant que cas particulier de l'adoption, est réglée dans un article séparé. La maturité de l'adoptant est là aussi une condition importante, dont la réalisation sera contrôlée comme aujourd'hui en vertu de l'art. 268a. A l'art. 264c, on renoncera à toute limite d'âge car l'adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire ne consiste pas à créer juridiquement des liens de filiation entre des personnes totalement étrangères l'une à l'autre, mais à garantir une certaine sécurité juridique à la relation telle qu'elle est vécue en réalité dans les familles recomposées.

144 145

CHK-Biderbost, art. 264a no 4; Pfaffinger, Adoption durch eine Einzelperson, 152.

BK-Hegnauer, art. 264a no 9.

879

Il faudra vérifier tout aussi consciencieusement pour ce type d'adoption que pour les autres que l'adoption sert le bien de l'enfant. L'art. 264 s'appliquera par analogie à l'adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire.

Al. 1: En lui transmettant la motion 11.4046, le Parlement a chargé le Conseil fédéral de permettre l'adoption de l'enfant du partenaire pour toutes les communautés de vie semblables au mariage. Les personnes liées par un partenariat enregistré, mais aussi les personnes hétérosexuelles ou homosexuelles menant de fait une vie de couple auraient ainsi la possibilité d'adopter l'enfant de leur partenaire. Pour les personnes menant de fait une vie de couple se pose en rapport avec l'adoption la question de la stabilité. Alors que les documents de l'état civil sont déterminants pour évaluer la stabilité d'un mariage ou d'un partenariat enregistré, il faut se reporter pour ces personnes à la durée du ménage commun. En conséquence, comme indiqué au ch. 2.2.1, on prendra pour critères pour toutes les formes de couples l'existence d'un ménage commun depuis au moins trois ans. Concernant la notion de ménage commun, on se reportera aux explications données plus haut146. Un couple marié pourra donc par exemple entamer une procédure d'adoption alors que le mariage ne remonte qu'à un an s'il a fait ménage commun pendant quelques années auparavant.

Au demeurant, on conservera la pratique relative à l'art. 264a, al. 3, CC.

Al. 2: Le couple devra prouver la stabilité de sa relation. Formellement, il devra être en mesure de montrer qu'il fait ménage commun depuis au moins trois ans. Il n'y aura pas d'âge minimal requis. Comme pour l'adoption conjointe, on exigera une vie commune ininterrompue au sein d'un ménage commun (cf. le commentaire de l'art.

264a, al. 1, P-CC).

Al. 3: Pour qu'une adoption de l'enfant du partenaire au sein d'un couple de fait puisse avoir lieu, il faudra que ni la personne qui adopte ni le parent biologique ne soient liés à un tiers par le mariage ou par le partenariat enregistré. L'adoption de l'enfant du partenaire n'établit pas un lien de filiation naturel avec un parent biologique. Elle consiste pour une personne à prendre volontairement le rôle de parent d'un enfant auquel il n'est pas lié par le sang. Il serait insensé de s'engager dans une telle relation alors
qu'on est encore pris dans une autre relation de couple (mariage ou partenariat enregistré). Cela serait d'ailleurs certainement défavorable à l'enfant.

Art. 264d

Différence d'âge

Cet alinéa réunit les règles sur la différence d'âge de l'art. 265 CC et de l'art. 5, al. 4, OAdo. Les règles relatives au consentement de l'enfant seront traitées à part.

L'art. 264d P-CC précise en outre qu'il est possible de déroger à la différence d'âge minimale et maximale, si cette dérogation semble s'imposer dans l'intérêt du bien de l'enfant. Ce peut être le cas si une personne veut adopter plusieurs enfants de son conjoint ou de son partenaire et que la différence d'âge entre lui et un des enfants est soit supérieure à 45 ans, soit inférieure à 16 ans. Pour que cet enfant puisse lui aussi être intégré dans la nouvelle famille et être adopté en même temps que ses frères et soeurs, il doit être possible de s'écarter de la condition de l'âge minimal ou maximal au cas par cas. On se référera au commentaire de l'art. 264a, al. 2, P-CC pour plus de détails. La différence d'âge minimale et maximale a pour but d'instaurer entre le ou les parents adoptifs et l'enfant une situation semblable à une filiation naturelle.

146

880

Cf. ch. 2.2.1.

En règle générale, seize ans au moins séparent le ou les parents de leur enfant, avec souvent une différence d'âge bien plus importante. La différence d'âge maximale de 45 ans, équivalente à la limite actuelle, correspond à la majorité des filiations, même s'il existe des cas où cette différence d'âge est supérieure. D'ailleurs, le nouvel art. 264d n'exclut pas ce cas de figure. L'idée sous-jacente est que l'enfant puisse dans la mesure du possible compter sur ses parents adoptifs jusqu'à sa majorité. Si la différence d'âge est plus grande, non seulement on se rapproche de la différence d'âge entre un enfant et ses grands-parents, mais en plus, on augmente le risque de décès d'un ou des parents adoptifs avant que l'enfant soit adulte.

Art. 265

Consentement de l'enfant et de l'autorité de protection de l'enfant

Al. 1: La règle selon laquelle l'enfant doit donner son consentement à l'adoption s'il est capable de discernement figurera à l'al. 1 au lieu de l'al. 2 dans le droit en vigueur.

Al. 2: La nécessité de requérir le consentement de l'autorité de protection de l'enfant figurera à l'al. 2 au lieu de l'al. 3 dans le droit en vigueur. On remplacera le pronom «il» par «l'enfant». De plus, le consentement de l'autorité de l'enfant sera requis si l'enfant est placé sous tutelle, mais aussi s'il est placé sous curatelle.

Art. 265a, titre marginal et al. 3 La numérotation du titre marginal est adaptée à la nouvelle structure.

L'expression «les futurs parents adoptifs» sera remplacée par «le ou les adoptants» à l'al. 3 (cf. la remarque liminaire au commentaire des dispositions).

Art. 265c

Disposition du consentement. Conditions

On supprimera le ch. 2, selon lequel il peut être fait abstraction du consentement d'un des parents lorsqu'il ne s'est pas soucié sérieusement de l'enfant. Souvent, une telle évolution ne s'explique pas par la relation à l'enfant, mais par la relation entre les parents. En ce qui concerne l'adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire, cette raison de renoncer au consentement d'un parent est particulièrement problématique. Par ailleurs, la nouvelle réglementation relative à l'autorité parentale (principe de l'autorité parentale conjointe), contribuera à ce que l'un des parents ne risque pas de devenir un étranger pour l'enfant après une séparation ou un divorce. L'art. 265c, ch. 2, CC ne se justifie plus de nos jours.

Art. 265d, al. 1 et 3 Al. 1: L'expression «des parents adoptifs» sera remplacée par «du ou des adoptants» (cf. la remarque liminaire au commentaire des dispositions). Par ailleurs, le tuteur ou le curateur pourra demander qu'on fasse abstraction du consentement de l'un des parents. Enfin, la formulation changera quelque peu: le texte de loi n'évoquera plus le fait de «placer» l'enfant en vue d'une future adoption, mais celui de l'«accueillir» à cette fin. Le placement est une notion du CC utilisée dans d'autres circonstances, notamment le placement à des fins d'assistance. Il convient moins bien à une situation où l'enfant est pris en charge par les adoptants, puis adopté.

Al. 3: Si l'on abroge l'art. 265c, ch. 2, il faudra également abroger l'art. 265d, al. 3.

881

Art. 266

Adoption de majeurs

Al. 1: Il demeurera possible d'adopter des personnes majeures. Selon cette nouvelle disposition, même les parents adoptifs qui ont déjà des enfants pourront le faire si toutes les autres conditions de l'art. 266 CC sont remplies. Pour homogénéiser l'adoption de personnes majeures avec celle des personnes mineures, la durée pendant laquelle les adoptants devront avoir fourni des soins, pourvu à l'éducation de la personne ou fait ménage commun avec elle avant l'adoption passera de cinq à un an.

Par ailleurs, les formulations quelque peu désuètes utilisées aux ch. 1 à 3 seront modernisées.

Al. 2: L'actuel al. 3, qui précise que les dispositions sur l'adoption de mineurs s'appliquent par analogie sera déplacé à l'al. 2. Celui-ci sera précisé par une exception relative au consentement des parents.

La règle figurant à l'actuel al. 2 sera abrogée. Le consentement de l'époux de la personne majeure adoptée ne sera plus nécessaire, car il représente une atteinte aux droits de la personnalité de cette dernière. Par contre, il faudra prendre en considération l'opinion des personnes proches des adoptants et de la personne qui fait l'objet de la demande d'adoption (cf. art. 268aquater P-CC).

Art. 267

Effets. En général

Al. 1: L'expression «de ses parents adoptifs» sera remplacée par «du ou des parents adoptifs».

Al. 2: Puisqu'il est prévu de permettre aux personnes vivant en partenariat enregistré ou menant de fait une vie de couple d'adopter l'enfant de leur partenaire, il faudra adapter l'art. 267, al. 2, CC en conséquence147. Le principe selon lequel les liens de filiation antérieurs sont rompus et l'exception faite en cas d'adoption de l'enfant du conjoint seront réglés dans deux alinéas distincts. L'al. 2 fera état du principe.

Al. 3: Cet alinéa comportera l'exception: les liens de filiation ne seront pas rompus à l'égard de la personne avec laquelle le parent adoptif est marié, est lié par un partenariat enregistré ou mène de fait une vie de couple.

Une version modifiée de la règle figurant à l'actuel al. 3 concernant le prénom de l'enfant adopté sera inscrite à l'art. 267a, al. 1, P-CC.

Art. 267a

Nom

Un article sera entièrement consacré à la question du changement de prénom et de nom.

Al. 1: Cet alinéa permet de clarifier la question du prénom: la possibilité de donner un nouveau prénom à l'enfant (réglée aujourd'hui à l'art. 267, al. 3, CC) ne sera accordée qu'en cas d'adoption conjointe ou d'adoption par une personne seule et uniquement s'il existe des motifs légitimes, mais pas en cas d'adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire ni en cas d'adoption d'une personne adulte. Les règles de changement de nom en cas d'adoption seront donc en adéquation avec la nouvelle teneur de l'art. 30 CC. Dans la même ligne que l'art. 270b CC, qui indique qu'il n'est plus possible de changer le nom de famille de l'enfant sans son consentement s'il a douze ans révolus, il faudra recueillir son consentement au changement de 147

882

Cf. la proposition en ce sens de Sandoz, Adoption d'un majeur, 1489.

prénom dès cet âge. Si l'enfant n'est pas encore capable de discernement, il faudra au moins l'entendre personnellement.

Al. 2: S'agissant du nom de l'enfant, cet alinéa renvoie expressément aux dispositions relatives aux effets de la filiation: les art. 270 à 270b CC seront applicables par analogie au choix du nom de famille de l'enfant du partenaire adopté dans le cadre d'un partenariat enregistré ou d'une vie de couple de fait (cas couvert par l'art. 270a CC).

Al. 3: La personne majeure qui fait l'objet de la demande d'adoption pourra dire si elle souhaite conserver son nom ou prendre celui de ses parents adoptifs. Cette règle est compatible avec la jurisprudence du Tribunal fédéral sur l'adoption de majeurs148, selon laquelle la volonté de conserver son nom de famille antérieur après l'adoption témoigne du lien étroit entre le nom et la personnalité et suffit en tant que motif légitime au sens de l'art. 30, al. 1, CC. La procédure prévue à cet article, qui relève de la compétence d'une autre autorité, ne semble pas justifiée dans le cas de l'adoption d'une personne majeure.

Art. 267b

Droit de cité

Cette disposition correspond à l'art. 267a du droit en vigueur.

Art. 268

Procédure. En général

Al. 1: Cet alinéa se réfère à l'art. 316, al. 1bis, CC, selon lequel une autorité cantonale unique est compétente lorsqu'un enfant est placé en vue de son adoption. La procédure d'adoption sera par conséquent du ressort de l'autorité compétente au domicile «du ou des adoptants», expression qui remplace «des parents adoptifs» (cf.

la remarque liminaire au commentaire des dispositions).

Al. 2: Il arrive souvent dans la pratique que les adoptants, du fait de la longueur de la procédure, essaient de déposer une demande avant même de remplir toutes les conditions d'adoption. L'al. 2 indique expressément qu'ils doivent remplir les conditions dès l'instant où ils déposent leur demande d'adoption. Cette demande n'est pas celle qu'ils font après avoir prodigué des soins à l'enfant pendant un an; elle désigne l'étape de la procédure qui consiste à examiner leur aptitude et qui mène à l'octroi de l'agrément, lui-même constitutif de la décision de confier un enfant aux adoptants en vue de son adoption.

Al. 3: Cet alinéa correspond à l'art. 268, al. 2, du droit en vigueur.

Al. 4: Cet alinéa correspond à l'art. 268, al. 3, du droit en vigueur.

Al. 5: Cet alinéa précise que toutes les indications nécessaires à l'inscription au registre de l'état civil devront figurer dans la décision d'adoption, en particulier les effets de l'adoption sur le prénom, le nom de famille et le droit de cité de l'enfant adopté. A l'heure actuelle, il est rare que de telles informations figurent dans les décisions d'adoption, d'où les incertitudes voire les conflits qui apparaissent lors de l'inscription à l'état civil. La décision d'adoption devra donc contenir les indications suivantes nécessaires au traitement de l'adoption sous l'angle du droit de l'état civil: nom de famille et prénom(s) de l'enfant avant et après l'adoption et droit de cité obtenu par adoption; nom de famille et droit de cité du parent adoptif dont l'enfant 148

ATF 137 III 97

883

va porter le nom. On pourra ainsi tenir compte de la réserve en faveur du maintien des liens de filiation antérieurs avec un parent en cas d'adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire.

Art. 268a, al. 2 et 3 A l'al. 2, l'expression «des parents adoptifs» sera remplacée par «du ou des adoptants», à l'al. 3, «les parents adoptifs» par «le ou les adoptants» (cf. la remarque liminaire au commentaire des dispositions).

L'al. 3 est formellement abrogé. La systématique impose que son contenu soit intégré à l'art. 268quater, al. 1.

Art. 268abis

Droit de l'enfant d'être entendu

Al. 1: Cet alinéa indique expressément que l'enfant doit être entendu avant l'adoption, même s'il n'est pas encore capable de discernement et n'est pas encore tenu de consentir formellement à l'adoption (cf. ch. 2.4). La formulation correspond à l'art. 298, al. 1, du code de procédure civile (CPC)149, qui retient le même principe pour les procédures de droit matrimonial.

Al. 2: L'audition sera consignée au procès-verbal.

Al. 3: L'enfant pourra faire recours si on ne lui accorde pas d'audition.

Art. 268ater

Représentation de l'enfant

Al. 1: L'art. 12 de la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant exige qu'on désigne un représentant à l'enfant à chaque fois que cela s'avère nécessaire.

Ce peut être le cas notamment lors de l'adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire s'il devient évident que les parents ne préservent pas suffisamment les intérêts de l'enfant.

Al. 2: L'enfant capable de discernement pourra exiger de lui-même qu'on lui désigne un représentant Al. 3: Il pourra faire recours s'il n'est pas tenu compte de son exigence.

Art. 268aquater

Prise en considération de l'opinion de membres de la parenté

Un nouvel article indiquera quelles sont les personnes dont il faut prendre l'opinion en considération avant l'adoption.

Al. 1: Cet alinéa correspond à l'art. 268a, al. 3, CC. Quel que soit le type d'adoption et l'âge des adoptants, il faudra demander l'opinion de leurs descendants et la prendre en considération.

Al. 2: Cet alinéa se rapporte à l'adoption de majeurs et fournit une liste des membres de la parenté dont il faut prendre l'opinion en considération.

Al. 3: Il faut autant que possible communiquer la décision d'adoption aux personnes mentionnées aux al. 1 et 2. Il est en effet fréquent que les parents biologiques ne sachent même pas que leur fils ou leur fille a été adopté. Il leur est donc par exemple impossible de régler leur succession en tenant compte de ces nouvelles circons149

884

RS 272

tances. Une telle communication s'avère impossible lorsqu'on ne sait pas où vivent les proches en question, notamment les parents biologiques. A fortiori, il n'est pas possible non plus de prendre leur opinion en considération. Il faut noter enfin qu'en cas d'adoption d'une personne majeure, il n'est plus réellement nécessaire de respecter le secret de l'adoption.

Art. 268b

Secret de l'adoption

Al. 1: Les règles concernant le secret de l'adoption seront complétées par une disposition de principe indiquant son contenu et sa portée. Tant l'enfant adopté que les parents adoptifs ont droit au respect du secret de l'adoption.

Al. 2: Tant que l'enfant est mineur, les parents adoptifs et, chose nouvelle, également l'enfant lui-même s'il est capable de discernement, devront pouvoir consentir à la révélation d'informations relatives à leur identité aux parents biologiques. Cela signifie qu'il ne peut y avoir de communication d'informations tant que l'enfant est incapable de discernement et s'il n'y a pas consenti préalablement. Si le consentement ne serait-ce que d'un parent adoptif fait défaut, aucune information ne pourra être communiquée. L'expression «informations permettant d'identifier» désigne des informations autorisant des déductions directes. Il peut s'agir de données personnelles ou d'autres données grâce auxquelles on peut découvrir simplement qui est la personne que l'on recherche. Par exemple, si le parent adoptif est médecin dans un village et qu'on indique à l'auteur de la demande le nom du village et la profession du père adoptif, il est aisé de découvrir son identité.

Al. 3: En exécution de la motion Fehr (09.4107), les parents biologiques auront la possibilité de prendre contact avec l'enfant qu'ils ont donné à l'adoption, à la condition qu'il soit majeur et qu'il ait consenti expressément à la communication des informations nécessaires. La motion et le projet ci-joint sont restrictifs sur ce point en comparaison avec le droit de l'enfant d'obtenir des informations sur ses parents biologiques (art. 268c CC): pas d'exception possible en cas de demande d'informations avant la majorité de l'enfant et communication effective d'informations uniquement si l'enfant adopté a consenti à la transmission d'informations permettant de l'identifier après demande de l'autorité centrale cantonale en matière d'adoption.

Cette solution est considérée comme matériellement fondée par la doctrine150. Les parents biologiques, mais aussi leurs éventuels autres descendants directs, pourront déposer une demande d'informations permettant d'identifier l'enfant adopté. Il n'est pas rare en effet qu'il y ait un intérêt réciproque de l'enfant et des autres descendants directs à obtenir des informations
les uns sur les autres. Les autres descendants n'ont pour l'instant aucune chance d'en obtenir si les parents biologiques ne se mettent pas eux-mêmes en quête d'informations ou sont déjà morts.

Art. 268c

Informations sur l'adoption et sur les parents biologiques

Al. 1: Cet alinéa consacre le droit de l'enfant de savoir qu'il a été adopté, qui découle de son droit de connaître ses origines (art. 10, al. 2, Cst.). Les parents adoptifs pourront choisir librement quand et comment ils souhaitent informer l'enfant. Ils en auront par contre l'obligation et ne pourront cacher la réalité à l'enfant. Les études montrent qu'il n'y a pas de moment idéal pour apprendre à un enfant qu'il a été adopté, mais l'expérience a montré qu'il était bon de commencer tôt car les enfants 150

Cottier, 49; Werro, 368; Pfaffinger, Formen der Adoption, ch. marg. 324.

885

d'un jeune âge appréhendent positivement les informations qu'on leur fournit et pourront entretenir un lien naturel avec le sujet de l'adoption151. Le nouvel alinéa n'oppose pas d'effets juridiques à l'omission d'informer. Il en appelle à la responsabilité des parents adoptifs vis-à-vis de l'enfant, pour qui il est préférable de ne pas apprendre qu'il a été adopté par des documents de l'état civil à l'aube de son mariage ou de l'enregistrement de son partenariat.

Al. 2: L'art. 268c, al. 1, CC sera complété par un deuxième alinéa consacrant le droit de l'enfant mineur d'obtenir des informations sur ses parents biologiques qui ne permettent pas de les identifier. Cet alinéa permettra de couvrir les besoins fondamentaux de l'enfant mineur en matière d'information puisqu'il pourra connaître leur identité s'il peut faire valoir un intérêt légitime.

Al. 3: Cet alinéa consacre le droit absolu de l'enfant majeur d'obtenir des informations relatives à l'identité de ses parents biologiques. Il pourra également faire valoir le droit d'obtenir d'autres informations les concernant. Le droit de l'enfant de connaître ses origines comporte le droit d'obtenir les données d'identité de ses parents biologiques à sa naissance. S'il les demande une fois devenu majeur, l'autorité compétente devra les lui fournir. Elle prendra au préalable, et si elle le peut, contact avec les parents biologiques. En vertu de l'art. 28 CC sur les droits de la personnalité, ceux-ci pourront toutefois s'opposer à la transmission de leurs données d'identité actuelles s'ils ne veulent pas reprendre le contact.

Les consignes adressées à l'autorité qui fournit des informations (obligation d'aviser l'enfant si les parents biologiques refusent de le rencontrer), jusqu'ici contenues à l'al. 2, seront transférées à l'art. 268d, al. 3, P-CC.

Les règles contenues à l'al. 3 en vigueur sont transférées à l'art. 268d, al. 4, P-CC.

Art. 268d

Service cantonal d'information

Al. 1: Pour faciliter l'accès aux informations relatives à une adoption, il sera utile de mettre sur pied un unique service cantonal d'information détenteur des documents nécessaires. L'autorité cantonale unique compétente pour la procédure d'adoption en vertu de l'art. 268, al. 1, P-CC sera la mieux à même d'assumer cette tâche. Ce service est doté dans chaque canton de collaborateurs familiers des situations psychologiquement difficiles dans lesquelles se trouvent les enfants adoptés ou les parents biologiques qui recherchent des informations. Une autorité centrale cantonale en matière d'adoption qui recevrait une demande d'information qui ne lui est pas destinée devrait la transmettre à l'autorité compétente et informer l'auteur de la demande d'information en conséquence.

Al. 2: Cet alinéa indique quelles démarches le service cantonal d'information devra engager s'il reçoit une demande d'information. Il ne sera pas toujours possible d'entrer en contact avec la personne recherchée, par exemple si celle-ci a déménagé sans laisser d'adresse ou s'il s'agit d'une adoption internationale car la recherche de parents biologiques vivant à l'étranger est généralement plus compliquée.

Al. 3: Cet alinéa correspond au droit en vigueur (art. 268c, al. 2, CC). L'enfant adopté jouit d'un droit absolu de connaître ses origines (art. 10, al. 2, Cst.). Il a le droit d'obtenir les données d'identité de ses parents biologiques au moment de sa naissance, ce même si ces derniers ne désirent pas avoir de contacts avec lui. Si par 151

886

Cf. www.hallo-eltern.de/m_kinderwunsch/adoptieren-adoption-kind_3.htm

contre l'enfant refuse qu'on communique des informations permettant de l'identifier à ses parents biologiques qui en font la demande, aucune information ne pourra leur être transmise (cf. art. 268b, al. 2 et 3, P-CC).

Al. 4: Cette disposition est semblable à l'art. 268c, al. 3, CC. Son contenu sera intégré à une nouvelle disposition qui permettra tant aux enfants adoptés à la recherche de leurs origines qu'aux parents biologiques à la recherche d'informations sur leurs enfants donnés à l'adoption de bénéficier de conseils.

Art. 268e

Relations personnelles avec les parents biologiques

Al. 1: Cet article régit les situations dans lesquelles les parents biologiques et les parents adoptifs se connaissent et sont prêts à convenir d'une forme d'adoption plus ou moins ouverte. L'autorité de protection de l'enfant devra approuver cette convention et ses éventuelles modifications, si bien qu'elle ne pourra être modifiée ou annulée unilatéralement. L'autorité devra faire en sorte que les personnes concernées par la convention prennent conscience de la portée de leur décision avant de donner leur accord. Une telle convention porte en effet sur une situation complexe, le potentiel de conflits est grand, le caractère émotionnel de la chose peut rendre le tout explosif et enfin, les attentes des personnes concernées eu égard à l'adoption ouverte peuvent fortement diverger sans même qu'elles s'en rendent compte.

L'autorité entendra l'enfant avant d'approuver la convention et recueillera son consentement s'il est capable de discernement.

Al. 2: Si les parents adoptifs sont d'avis que les contacts personnels établis avec les parents biologiques menacent le bien de l'enfant, ou si au contraire les parents biologiques estiment que les parents adoptifs ne respectent pas la convention passée ou ne l'appliquent pas correctement, ils informeront l'autorité, qui décidera en considération du bien de l'enfant si la convention doit être maintenue et sous quelle forme.

Al. 3: Cet alinéa exprime clairement le fait que l'enfant, malgré la convention en place, ne sera jamais obligé de tolérer le contact avec ses parents biologiques. Il ne doit pas plus accepter que ses parents adoptifs fournissent des informations (p. ex.

bulletins scolaires ou photos personnelles) à ses parents biologiques contre son gré.

Art. 298e

Faits nouveaux après l'adoption de l'enfant du partenaire en cas de vie de couple de fait

L'adoption de l'enfant du partenaire dans les unions libres donnera lieu à la parentalité d'un couple qui, bien que vivant en ménage commun, n'est ni marié ni lié par un partenariat enregistré. Si les conditions de vie changent, il faudra le cas échéant adapter l'autorité parentale. Il est nécessaire de renvoyer à l'art. 298d CC pour permettre une telle adaptation.

Art. 299, titre marginal et art. 300, titre marginal L'ajout d'un art. 298e P-CC requerra l'adaptation des titres marginaux des art. 299 et 300 CC.

887

Titre final Art. 12b

Procédures pendantes

L'art. 12b tit. fin. CC, privé de fonction, sera abrogé. Il sera remplacé par une disposition indiquant que le nouveau droit s'appliquera aux procédures d'adoption pendantes au moment de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions.

Art. 12c

Soumission au nouveau droit

Les possibilités d'obtenir des informations couvertes par le secret de l'adoption (art. 268b à 268d P-CC) et de convenir de relations personnelles entre les parents biologiques et l'enfant adopté (art. 268e P-CC) existeront également pour les adoptions prononcées selon l'ancien droit.

L'art. 12c tit. fin. CC n'a plus aucune portée puisque les délais prévus par les dispositions de la loi de 1972 pour demander l'adoption d'une personne majeure ou interdite (art. 12c, al. 3, tit. fin. CC) sont échus.

Art. 12cbis

Activité d'intermédiaire en vue d'adoption

L'art. 12cbis tit. fin. CC, privé de portée, sera abrogé.

3.2

Loi du 18 juin 2004 sur le partenariat

En cas d'accession des couples unis par un partenariat enregistré à l'adoption de l'enfant du partenaire, il faudra adapter la LPart152.

Art. 13, al. 1, 2e phrase Le partenariat enregistré a été conçu pour deux personnes qui continuent à vivre la même vie après l'enregistrement; il n'a pas été conçu comme une institution du droit de la famille puisqu'il est jusqu'à présent impossible pour des personnes liées par un partenariat enregistré de devenir parents en commun en vertu du droit suisse (cf. à ce sujet l'art. 28 LPart). L'accession des couples en partenariat enregistré à l'adoption de l'enfant du partenaire changera la donne: les membres du partenariat seront les parents communs de l'enfant et devront s'entendre sur leurs rôles respectifs au sein de la communauté, comme le feraient des époux. Le renvoi aux articles correspondants du CC permettra d'établir ce lien.

Art. 17, al. 3bis Dans sa conception, l'art. 17 correspond à l'art. 176 CC, mais sans l'al. 3 sur les enfants mineurs. Le fait que la LPart ne fasse pas référence à cet article ou ne contienne pas de réglementation propre a été motivé par la vocation de la loi de régler non pas la vie commune d'une famille, mais la vie commune de deux personnes sans enfants communs. Une disposition régissant la relation avec un ou plusieurs enfants communs en cas de séparation sera nécessaire si l'on permet aux couples en partena152

888

RS 211.231

riat enregistré d'accéder à l'adoption de l'enfant du partenaire. L'al. 3bis est analogue à la disposition correspondante du droit matrimonial (art. 176, al. 3, CC).

Art. 25, al. 1, 2e phrase La deuxième phrase sera adaptée pour unifier la manière de renvoyer à d'autres actes.

Art. 27a

Adoption par un partenaire de l'enfant de l'autre

Les enfants ne figurent pas dans la LPart en vigueur, sauf aux art. 27 et 28. Le nouvel art. 27a P-LPart permettra de garantir que les dispositions du CC relatives aux effets de la filiation seront applicables aux enfants dont les parents vivent en partenariat enregistré.

Art. 28

Adoption et procréation médicalement assistée

Le projet vise à lever l'interdiction totale d'adopter pour les personnes vivant en partenariat enregistré, mais l'adoption conjointe restera hors de portée des couples liés par un partenariat enregistré.

Art. 34, al. 4 Si l'on met fin à l'interdiction totale d'adopter pour les personnes liées par un partenariat enregistré, il faudra étendre les renvois contenus à l'art. 34 aux dispositions du CC qui permettront de tenir compte des éventuels enfants communs lors de la fixation des contributions d'entretien en cas de dissolution judiciaire du partenariat enregistré (ajout des art. 133 et 134 CC).

3.3

Code de procédure civile

Le CPC153 devra refléter également l'évolution du partenariat enregistré d'une institution réglant uniquement les relations entre deux personnes adultes à une institution réglant l'éventuelle parentalité des partenaires enregistrés. On ajoutera donc un nouveau chapitre (chapitre 3 Procédure applicable aux enfants dans les affaires relatives à un partenariat enregistré), comprenant seulement l'art. 307a, au titre 8 «Procédure en matière de partenariat enregistré».

Art. 307a Le nouvel art. 307a CPC permettra de garantir grâce à des renvois que la procédure applicable aux enfants dans les affaires de droit de la famille sera applicable aux partenaires enregistrés qui ont des enfants communs, notamment en cas de dissolution du partenariat enregistré.

153

RS 272

889

3.4

Loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité

Art. 19a

Partenaire enregistré survivant

Il n'y a pas de lien direct entre la révision de l'art. 19a de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP)154 et le projet, mais il y a un sens à faire cette adaptation dans le contexte de la révision du droit de l'adoption en raison du rapport étroit existant avec la LPart, qu'il faut de toute manière réviser. Il faudra une disposition spéciale indiquant qui a droit à une rente de survivant en cas de décès du partenaire. Le libellé de l'art. 19a LPP se fonde sur une réglementation qui n'existe plus telle quelle. Depuis le 1er janvier 2005, la LPP garantit une rente de survivant tant à la veuve qu'au veuf, si les conditions nécessaires, les mêmes pour les deux sexes, sont remplies. La loi ne contient donc (plus) de conditions différentes pour les rentes de veuf et de veuve. Au moment de l'élaboration de la LPart, la LPP ne garantissait une rente qu'à la veuve en cas de décès de son conjoint. Cette règle n'a pas pu être déclarée applicable aux partenaires enregistrés car il en serait résulté une inégalité de traitement entre les partenaires enregistrés hommes et femmes. En rapport avec le projet, il faudra adapter l'art. 19a . Il renverra à l'art. 19, qui régit de manière générale et sans distinction de sexe le droit à des prestations pour le conjoint survivant, droit dont jouiront également les partenaires enregistrés hommes et femmes.

3.5

Loi du 24 mars 2006 sur les allocations familiales (LAFam)

Art. 3, al. 3, 4e phrase L'art. 3 de la loi du 24 mars 2006 sur les allocations familiales (LAFam)155 régit les genres d'allocations familiales. L'adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire ne donnera pas droit à l'allocation. Ce droit est exclu dans le droit en vigueur en cas d'adoption de l'enfant du conjoint. Il est nécessaire de l'exclure aussi en cas d'adoption de l'enfant du partenaire par une personne liée par un partenariat enregistré ou menant de fait une vie de couple en adaptant l'art. 3, al. 3.

4

Conséquences

4.1

Conséquences pour la Confédération

La révision du droit de l'adoption, de la LPart et d'autres actes n'aura pas de conséquences (en termes de personnel, de finances ou autres) pour la Confédération.

154 155

890

RS 831.40 RS 836.2

4.2

Conséquences pour les cantons et les communes

En conséquence de la possibilité donnée aux personnes liées par un partenariat enregistré ou menant de fait une vie de couple d'adopter l'enfant de leur partenaire, le nombre de demandes devrait augmenter, ce qui exigera davantage de vérifications de la part des autorités cantonales compétentes. Cela est d'autant plus vrai que l'adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire ne bénéficiera pas d'un statut privilégié. Les autorités devront procéder aux vérifications avec autant de précautions que pour une adoption conjointe et notamment s'assurer que l'adoption sert le bien de l'enfant. L'adjonction d'une dose de flexibilité quant à certaines conditions d'adoption devrait également confronter les autorités à un surcroît de travail.

Puisque le traitement des demandes d'adoption et la décision d'adoption sont payants, elles pourront cela dit répercuter en grande partie leurs coûts sur les candidats à l'adoption. On ne s'attend donc pas à des répercussions financières de grande ampleur pour les cantons.

4.3

Conséquences pour la société

En donnant la possibilité aux personnes liées par un partenariat enregistré ou menant de fait une vie de couple d'intégrer des enfants dans la communauté qu'ils forment, on mettra fin à la discrimination entre ces enfants et les enfants élevés dans les liens du mariage. Le projet simplifie l'adoption de personnes adultes. Par ailleurs, il donne une chance aux enfants qui ont grandi dans des familles recomposées ou nourricières et qui sont entre-temps devenus majeurs, puisque le fait que les parents adoptifs ou le partenaire d'un parent biologique aient déjà des enfants ne s'opposera plus à leur adoption.

En rendant le secret de l'adoption plus souple, le projet donne aux parents biologiques la possibilité d'en savoir plus sur l'enfant qu'ils ont donné à l'adoption et d'entrer en contact avec lui aux conditions fixées.

L'adoption conjointe restera réservée aux couples mariés. Les personnes liées par un partenariat enregistré ou menant de fait une vie de couple ne seront donc toujours pas considérés comme leurs égaux sur ce point. Les raisons de ce choix figurent aux ch. 2.7.1 et 2.7.2.

5

Liens avec le programme de la législature

Le projet n'est annoncé ni dans le message du 25 janvier 2012 sur le programme de la législature 2011 à 2015156 ni dans l'arrêté fédéral du 15 juin 2012 sur le programme de la législature 2011 à 2015157. La révision du code civil est toutefois opportune; plusieurs interventions parlementaires chargent en effet le Conseil fédéral d'adapter le droit de l'adoption en tenant compte des instructions du Parlement. Il semble par ailleurs approprié de faire se refléter l'évolution de la société et de la jurisprudence de la CrEDH dans le droit de l'adoption.

156 157

FF 2012 349 FF 2012 6667

891

6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité et conformité aux lois

6.1.1

Bases légales

La révision du droit de l'adoption se fonde sur la compétence de la Confédération d'élaborer la législation en matière de droit civil et de procédure civile en vertu de l'art. 122 Cst.158. Cette compétence englobe aussi bien les dispositions du CC sur l'adoption que le droit de la procédure civile et la LPart. La révision de la LPP159 se fonde sur l'art. 113 Cst. et celle de la LAFam160 sur l'art. 116, al. 2 et 4, Cst.

6.1.2

Constitutionnalité des conditions d'adoption

6.1.2.1

Relation avec les art. 10, al. 2, 13, al. 1 et 14 Cst.

L'art. 10, al. 2, Cst. protège la libre-détermination de tout individu, l'art. 13, al. 1, Cst. consacre le respect de la vie familiale et l'art. 14 Cst. garantit le droit à la famille dans le cadre du mariage. Ces dispositions constitutionnelles protègent les modes de vie et partant la décision d'intégrer des enfants à ce mode de vie et de fonder une famille dans le cadre du mariage, d'une union libre ou d'un partenariat enregistré. On ne saurait toutefois déduire de ces dispositions un droit à l'adoption d'un enfant en l'espèce161. Le but de l'adoption n'est d'ailleurs pas de donner vie aux souhaits des candidats à l'adoption et de les aider à se procurer un enfant, mais de donner des parents à un enfant qui n'en a pas. Le point de vue et le bien de l'enfant sont déterminants et ses intérêts priment. Cette approche justifie les principales restrictions inscrites dans le droit de l'adoption en vigueur et dans le droit de l'adoption révisé. L'un comme l'autre restreignent l'accès à l'adoption d'une part et l'accès à certaines de ses formes d'autre part. Les conditions d'adoption, et en particulier l'âge du candidat à l'adoption ou la différence d'âge avec l'enfant sont autant d'obstacles supplémentaires qui font qu'une personne qui souhaite adopter un enfant ne peut pas forcément le faire.

Contrairement à la filiation naturelle, l'adoption, qui passe par un acte juridique, crée un lien de filiation qui ne repose pas sur l'origine biologique. L'adoption conjointe et l'adoption par une personne seule entraînent la prise en charge par une famille d'un enfant qui lui est étranger. En cas d'adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire, l'enfant reçoit un nouveau parent à la place d'un de ceux qu'il avait déjà ou un deuxième parent s'il n'avait jusque là pas de lien de filiation avec l'un d'entre eux. Les conditions d'adoption doivent donc être de nature à garantir à l'enfant adopté les meilleures conditions qui soient dans sa nouvelle famille. L'âge minimal de 28 ans et la limitation de la différence d'âge à 45 ans au plus constituent des critères propices à donner à l'enfant la stabilité requise à long terme. Les limitations d'âge vers le haut comme vers le bas sont la garantie d'une certaine maturité des adoptants et d'un environnement stable jusqu'à la majorité de l'enfant. La possibilité donnée aux autorités de déroger à ces conditions d'adoption si cela semble 158 159 160 161

892

RS 101 RS 831.40 RS 836.2 Cf. Reusser, art. 14 no 28.

s'imposer dans l'intérêt du bien de l'enfant rend le droit flexible et leur permet de s'adapter aux circonstances et au bien de l'enfant. L'absence d'âge minimal pour l'adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire permettra de tenir compte du contexte. L'adoption ne consiste pas dans ce cas à créer des liens de filiation entre des personnes étrangères les unes aux autres, mais d'assurer une sécurité juridique dans une situation préexistante. L'examen de la demande d'adoption permettra en de tels cas de déterminer si le conjoint ou le partenaire remplit les conditions pour devenir parent adoptif. Cet examen a d'ailleurs la même fonction lorsqu'il s'agit d'une adoption conjointe ou d'une adoption par une personne seule. La durée du ménage commun exigée, soit au moins trois ans, sera la même pour les deux formes d'adoption qui ont lieu dans le cadre d'une relation de couple. Cette exigence, comme les conditions d'âge, est appropriée pour déterminer selon des critères objectifs si la relation est suffisamment stable.

Les conditions d'adoption citées (âge minimal, différence d'âge maximale, durée du ménage commun) sont des moyens d'évaluer l'aptitude de l'adoptant qui sont adaptés, proportionnés et impossibles à remplacer par des mesures moins strictes. Elles reposent sur une base légale suffisante (loi au sens formel). Elles ne servent cependant qu'à motiver, jusqu'à preuve du contraire, la stabilité d'une relation, la maturité du ou des adoptants et l'existence de perspectives à long terme (jusqu'à la majorité de l'enfant). Elles autorisent les autorités à faire le pari de donner une famille à un enfant et de permettre à des personnes de devenir parents. Les conditions d'adoption sont des indicateurs pour les autorités chargées d'appliquer la loi. Seul l'examen au cas par cas leur permet de dire si le ou les adoptants sont aptes.

6.1.2.2

Relation avec l'art. 8, al. 2, Cst.

Tout comme le droit en vigueur, le projet établit des distinctions entre différentes formes de couples. Les couples mariés, les couples vivant en partenariat enregistré et les couples en union libre n'ont pas accès de la même manière aux trois formes d'adoption: ­

adoption conjointe: aux termes du projet, seuls les couples mariés pourront adopter un enfant conjointement;

­

adoption par une personne seule: elle continuera d'être accessible aux personnes mariées; les personnes liées à une autre par un partenariat enregistré pourront adopter un enfant seule aux mêmes conditions qu'une personne mariée; les personnes menant de fait une vie de couple pourront comme actuellement adopter seules;

­

adoption de l'enfant du partenaire: selon le projet, elle sera accessible, outre aux personnes mariées, aux couples vivant en partenariat enregistré et aux personnes menant de fait une vie de couple; les conditions seront les mêmes pour toutes les formes de couples.

En matière d'adoption conjointe, l'inégalité de traitement entre les personnes liées par un partenariat enregistré ou menant de fait une vie de couple et les personnes mariées sera maintenue. Il convient de considérer cette inégalité de traitement à la lumière de l'art. 8, al. 2, Cst., qui consacre l'interdiction de la discrimination, notamment du fait du mode de vie. Il ne s'agit pas de faire subir des désavantages sur le plan juridique ni d'exclure les couples homosexuels ou les couples en union libre 893

en leur interdisant l'adoption conjointe. Les différences instituées dans le droit de l'adoption entre le mariage d'une part et le partenariat enregistré et la vie de couple de fait d'autre part relèvent bien plus du fait que l'institution du mariage jouit d'une protection particulière162 et que l'interdiction de la discrimination n'oblige pas le législateur à offrir aux personnes ayant d'autres modes de vie le même traitement que celui accordé aux personnes mariées.

6.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

6.2.1

Droit conventionnel en général

Le projet respecte les principes et les engagements internationaux décrits au ch. 1.5.2.

6.2.2

Convention européenne des droits de l'homme en particulier

Le projet n'est pas contraire aux arrêts de la CrEDH (cf. ch. 1.7.2). Dans son arrêt E.B. contre France163, la Cour avait affirmé que l'art. 8 CEDH ne consacrait pas de droit à l'adoption. Elle a indiqué que les Etats parties n'étaient pas tenus de donner un accès absolu à cette institution et de mettre les couples hétérosexuels et homosexuels sur un pied d'égalité en la matière. Les Etats parties conservent donc une certaine marge de manoeuvre dans la conception des institutions juridiques spécifiques aux couples homosexuels et des droits associés164. Si un Etat crée des institutions juridiques destinées aux couples homosexuels, celles-ci ne doivent pas forcément leur attribuer les mêmes droits qu'aux couples mariés dans tous les domaines; il en est de même pour les personnes menant de fait une vie de couple sans cadre juridique. Le projet, et en particulier le fait que l'adoption conjointe demeure un droit réservé aux couples mariés, n'est pas contraire au droit international en général ni à la CEDH et à la jurisprudence de la CrEDH en particulier.

Le projet est également conforme à la jurisprudence de la CrEDH en ce qui concerne l'accession des couples ayant d'autres formes de vie à l'adoption de l'enfant du partenaire, car il prévoit cette ouverture tant pour les hétérosexuels que pour les homosexuels menant de fait une vie de couple. La convention n'oblige pas les Etats parties à autoriser ce type d'adoption pour les couples non mariés. Il n'y aurait violation de l'art. 14 en relation avec l'art. 8 CEDH que si les couples hétérosexuels non mariés avaient accès à l'adoption de l'enfant du partenaire tandis que les couples homosexuels ne l'ont pas. Cela représenterait une discrimination fondée purement sur l'orientation sexuelle165.

162

Cf. le message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 156; BO 1998 (Conseil des Etats, tiré à part sur la réforme de la Constitution fédérale), pp. 41, 157 et 209 (interventions Inderkum concernant l'art. 12).

163 Requête no 43546/02.

164 Gas et Dubois contre France (requête no 25951/07).

165 X et autres contre Autriche (requête no 19010/07).

894

6.3

Dénonciation de la Convention européenne du 24 avril 1967

La Convention européenne du 24 avril 1967 n'est plus au goût du jour; elle contredit d'ailleurs sur plusieurs points la CEDH et est contraire à l'interprétation de certains arrêts de la CrEDH. Cela transparaît dans le préambule de la convention révisée sur l'adoption («reconnaissant que certaines dispositions de la Convention européenne en matière d'adoption des enfants de 1967 [STE n° 58] sont dépassées et incompatibles avec la jurisprudence de la CrEDH»). Il paraît donc justifié de dénoncer la convention aussitôt que possible.

6.4

Forme de l'acte à adopter

La modification du code civil requiert l'adoption d'une loi fédérale.

6.5

Frein aux dépenses

Le projet n'est pas soumis au frein à l'endettement au sens de l'art. 159, al. 3, let. b, Cst., car il ne contient pas de dispositions relatives à des subventions, des crédits d'engagement ou des plafonds de dépenses.

6.6

Délégation de compétences législatives

Le projet ne délègue pas de compétences législatives au Conseil fédéral.

6.7

Protection des données

La nouvelle disposition sur le secret de l'adoption qui assouplit celui-ci en faveur des parents biologiques et de leurs éventuels descendants directs, ne contredit pas les dispositions sur la protection des données puisqu'elle ne prévoit la transmission d'informations sur l'identité des parents adoptifs et de l'enfant adopté que s'ils y ont consenti au préalable (cf. ch. 2.6.2).

A l'inverse, l'enfant adopté jouit d'un droit absolu garanti par la Constitution de connaître ses origines, ce même si les parents biologiques n'y ont pas consenti à l'avance (cf. ch. 2.6.2, 2.6.3 et 3.1 et commentaire des art. 268b et 268c P-CC).

895

Annexe

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Message du 29 novembre 2002 relatif à la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe, FF 2003 1192 ss (cit. message LPart).

Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 12 mai 1971 concernant la révision du code civil suisse (Adoption et art. 321 CC), FF 1971 I 1222 ss (cit.

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