15.074 Message concernant l'approbation d'un protocole de modification de la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et l'Albanie du 11 novembre 2015

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation d'un protocole modifiant la convention entre la Suisse et l'Albanie contre les doubles impositions, en vous priant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

11 novembre 2015

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

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Condensé La Convention entre la Suisse et l'Albanie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune date du 12 novembre 1999. Elle ne contient aucune disposition spécifique sur l'échange de renseignements.

Dans le suivi de la décision du Conseil fédéral du 13 mars 2009 de retirer la réserve de la Suisse concernant l'échange de renseignements selon le Modèle de convention de lOCDE (Modèle OCDE), l'Albanie et la Suisse ont ouvert des négociations en vue de compléter la convention contre les doubles impositions par une disposition conforme à lart. 26 du Modèle OCDE. Outre l'introduction de la nouvelle disposition sur l'échange de renseignements à des fins fiscales, la convention a été adaptée sur d'autres points correspondant à la politique conventionnelle actuelle des deux Etats et au texte du Modèle OCDE.

Le protocole de modification a été signé à Tirana, le 9 septembre 2015.

Les cantons et les milieux économiques intéressés ont approuvé la conclusion de ce protocole de modification.

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Message 1

Considérations générales sur l'évolution de la politique conventionnelle suisse contre les doubles impositions

Les conventions contre les doubles impositions constituent un élément essentiel de la politique fiscale. De bons accords dans ce domaine facilitent l'activité de l'économie suisse d'exportation, favorisent l'investissement étranger en Suisse et contribuent par là même à la prospérité de la Suisse et de ses pays partenaires.

La politique conventionnelle de la Suisse en la matière est guidée depuis toujours par la norme de l'OCDE, la mieux à même de nous permettre d'atteindre la prospérité. Elle vise principalement à une répartition claire des compétences en matière d'imposition des personnes physiques et des personnes morales, à un impôt résiduel à la source aussi bas que possible sur les intérêts, les dividendes et les redevances, et de manière générale, à prévenir tout conflit fiscal qui serait préjudiciable aux contribuables exerçant une activité internationale. De tout temps, la Suisse a dû manier le compromis pour pouvoir à la fois maintenir chez elle des conditions fiscales avantageuses et faire accepter son système fiscal par ses partenaires internationaux. En effet, en l'absence d'une légitimité internationale, la meilleure des fiscalités perdrait tout intérêt.

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Contexte, déroulement et résultats des négociations

La Suisse et l'Albanie sont liées par une convention en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune1 (désignée ci-après par «CDI-AL»); elle a été signée le 12 novembre 1999 et n'a jamais été révisée depuis lors. La CDI-AL ne contient aucune disposition spécifique sur l'échange de renseignements.

Sur demande de l'Albanie et dans le cadre de la nouvelle politique décidée le 13 mars 2009 par le Conseil fédéral de retirer la réserve de la Suisse à l'échange de renseignements selon le Modèle de convention fiscale de l'OCDE (ci-après:«Modèle OCDE»), des négociations ont été ouvertes en vue de l'introduction d'une disposition sur l'échange de renseignements à des fins fiscales conformément au standard OCDE. L'occasion de l'insertion dans la CDI-AL des nouvelles règles de l'assistance administrative en matière fiscale a également été mise à profit afin adapter la CDI-AL sur d'autres points correspondant à la politique conventionnelle actuelle des deux Etats et du texte du Modèle OCDE. Après une ronde de négociations à Berne, les paraphes ont été apposés sur un protocole modifiant la CDI-AL (désigné ci-après par «protocole de modification»). Ce dernier a été signé à Tirana le 9 septembre 2015.

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RS 0.672.912.31

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Appréciation

Au vu des problèmes budgétaires importants de la République d'Albanie et de la récente hausse d'impôts qui a suivi, la politique conventionnelle actuelle de l'Albanie est de ne pas supprimer les taux d'impôt résiduels prélevés sur les dividendes, intérêts et redevances. Dès lors, les taux applicables aux dividendes (15 % respectivement 5 % dès une participation de 25 %) ont été maintenus.

Cependant, en ce qui concerne les intérêts, l'Albanie a consenti à ce qu'aucun impôt ne soit prélevé sur les intérêts versés aux institutions de prévoyance, à une banque nationale ou au gouvernement, à l'une de ses subdivisions politiques ou à une collectivité locale de l'autre Etat.

Pour ce qui est des redevances qui continuent également à être imposées à un taux de 5 %, la Suisse bénéficie désormais d'une clause évolutive par rapport à d'éventuelles accords plus favorables conclues ultérieurement par l'Albanie avec un Etat membre de l'UE ou de l'EEE.

Avec la reprise d'une clause d'arbitrage dans la CDI-AL, un objectif de la politique conventionnelle suisse a été atteint. Cette nouvelle disposition assure que les doubles impositions soient évitées.

Une clause anti-abus conforme à la pratique actuelle de la Suisse en la matière évite que la CDI-AL soit utilisée par des personnes sans droit.

Enfin, la nouvelle disposition sur l'échange de renseignements respecte le standard international actuellement en vigueur dans ce domaine.

Les solutions du présent protocole de modification tiennent compte de la situation économique et financière actuelle de l'Albanie. Elles présentent un résultat équilibré et contribueront au bon développement des relations économiques bilatérales. Elles corroborent vis-à-vis de la communauté internationale les engagements pris par la Suisse depuis 2009 en matière d'assistance administrative.

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Commentaires des dispositions du protocole de modification

Le protocole modifie et complète certaines dispositions de la CDI-AL. Il suit tant sur le plan formel que matériel les solutions préconisées par le Modèle OCDE ainsi que la pratique conventionnelle suisse. Les modifications importantes sont commentées ci-dessous.

Art. I du protocole de modification relatif à l'art. 2 CDI-AL (Impôts visés) La liste énumérative des impôts albanais visés par la CDI est actualisée. En plus de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, l'impôt sur le bénéfice des personnes morales et l'impôt sur l'activité commerciale des petites entreprises, l'impôt sur les gains en capitaux réalisés lors de l'aliénation de biens mobiliers ou immobiliers et l'impôt sur la fortune sont expressément ajoutés à l'art. 2.

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Art. IV du protocole de modification relatif à l'art. 4 CDI-AL (Résident) Au paragraphe 1 de l'art. 4, la notion de résident est clarifiée par la mention expresse que l'Etat ainsi que toutes ses subventions politiques ou ses collectivités locales sont également considérés comme résidents. De cette manière, l'art. 4 est conforme à la version actualisée de l'art. 4 du Modèle OCDE.

Art. V du protocole de modification relatif à l'art. 11 CDI-AL (Intérêts) En ce qui concerne les intérêts, le taux d'impôt résiduel existant de 5 % a été maintenu. Toutefois, les intérêts provenant d'un Etat contractant et payés au gouvernement de l'autre Etat, à l'une de ses subdivisions politiques ou collectivités locales, à la banque nationale ou à une institution de prévoyance résidente de l'autre Etat bénéficient désormais d'une exonération (nouveau par. 3 de l'art. 11 CDI-AL). Le terme «institution de prévoyance» est quant à lui défini dans le cadre du protocole à la convention (nouveau par. 5; art. XII du protocole de modification), par référence à la législation interne des deux Etats. Pour la Suisse, il s'agit des institutions d'assurances sociales et de prévoyance qui sont concernées, soit tant le 1er que le 2e pilier, de même que le pilier 3a.

Art. VI du protocole de modification relatif à l'art. 12 CDI-AL (Redevances) En ce qui concerne les redevances, le taux d'impôt résiduel existant de 5% a été maintenu. L'Albanie s'est cependant montrée disposée à accorder à la Suisse une clause évolutive qui garantira à celle-ci de ne pas être désavantagée en matière de redevances par rapport aux membres de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen (par. 7 du protocole à la convention; art. XIII du protocole de modification). Dès lors, si l'Albanie conclut ultérieurement une CDI ou un autre accord avec un Etat de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen prévoyant un taux d'imposition inférieur au taux de 5% prévu par la CDI-AL actuelle, ce taux s'appliquera automatiquement entre l'Albanie et la Suisse.

Art. VIII du protocole de modification relatif à l'art. 25 CDI-AL (Procédure amiable) Cette disposition prévoit l'insertion dans la CDI-AL d'une clause d'arbitrage sur la base du Modèle OCDE. Cela correspond à la politique conventionnelle de la Suisse.

Concernant les détails de la procédure
d'arbitrage en tant que telle, il y a lieu de se référer au message du 5 septembre 2007 concernant une nouvelle convention contre les doubles impositions avec l'Afrique du Sud2.

Dans la pratique, il a été constaté que, souvent, le délai de deux ans prévu par le Modèle OCDE ne suffit pas pour mener à leur terme les procédures amiables, en particulier celles qui touchent aux prix de transfert. Il a donc été convenu de prolonger le délai en vue d'un accord dans le cadre de la procédure amiable à trois ans.

La procédure d'arbitrage est ouverte à la demande du contribuable concerné si les autorités compétentes des deux Etats contractants n'ont pas réussi à s'entendre après trois ans de procédure amiable. La sentence du tribunal arbitral est contraignante pour les Etats contractants, si aucun contribuable directement concerné ne s'y 2

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oppose et si les autorités compétentes et les personnes concernées n'aboutissent pas à une autre solution dans les six mois suivant la sentence arbitrale. Les questions de procédure seront réglées d'un commun accord entre les autorités compétentes.

Art. X du protocole de modification relatif à l'art. 26 CDI-AL (Echange de renseignements) Le protocole de modification introduit une disposition concernant l'échange de renseignements conforme au standard. Les indications ci-après concernent certains points essentiels de l'art. 26 CDI-AL, ainsi que les dispositions y relatives du protocole à la convention (par. 8; art. XIV du protocole de modification).

Lors des négociations, la délégation suisse a communiqué à la délégation albanaise que la Suisse ne lui accordera pas l'assistance administrative en matière fiscale si la demande d'assistance administrative se fonde sur des données acquises de manière illégale.

Comme dans les conventions contre les doubles impositions que la Suisse a conclues avec dautres Etats et comme le préconise le Modèle de lOCDE, la disposition sur léchange de renseignements sapplique à lensemble des impôts.

Les dispositions de l'art. 26 sont précisées dans le protocole à la convention (par. 8).

Le par. 8 du protocole à la convention règle ainsi en détail les exigences auxquelles une demande de renseignements doit répondre (let. b). Il faut notamment identifier la personne concernée et donner, pour autant qu'ils soient connus, le nom et l'adresse de la personne (par ex. une banque) que l'Etat requérant présume être en possession des renseignements demandés. Le protocole à la convention précise également que ces conditions ne doivent pas être interprétées de manière formaliste (let. c).

D'après le standard international en la matière, l'échange de renseignements est limité à des demandes concrètes. Selon le standard révisé de lOCDE, font également partie de ces demandes les demandes qui visent un groupe de contribuables définis précisément, dont on peut déduire quils nont pas rempli leurs obligations fiscales dans lEtat requérant. La CDI-AL permet de donner suite à ces demandes.

L'identification peut se faire par le nom et l'adresse de la personne concernée, mais aussi par d'autres moyens comme par exemple la description d'un comportement.

Cette interprétation est basée sur
la clause dinterprétation (let. c en relation avec la let. b), qui oblige les Etats contractants à interpréter les exigences dune demande de manière à permettre un échange de renseignements qui soit aussi étendu que possible, sans pour autant autoriser la pêche aux renseignements. Les conditions procédurales pour répondre en Suisse aux demandes groupées sont réglées dans la loi du 28 septembre 2012 sur l'assistance administrative fiscale3.

L'art. 26 CDI-AL ne prévoit pas l'échange de renseignements spontané ou automatique. Le droit suisse ne contient pas de base légale suffisante pour ces formes d'échange de renseignements. Au cas où la Suisse et l'Albanie voudraient étendre leur coopération dans le domaine fiscal, d'autres instruments seraient à conclure qui seraient soumis à l'approbation de l'Assemblé fédérale.

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RS 651.1

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La nouvelle clause est applicable aux périodes fiscales qui commencent le 1er janvier de l'année civile qui suit l'entrée en vigueur du protocole de modification, ou après cette date.

Art. XI du protocole de modification relatif au par. 4 du protocole à la convention (concernant les art. 10, 11, 12 et 21 ­ Abus) Afin de prévenir l'utilisation abusive de la CDI-AL, une nouvelle disposition y a été inscrite, d'après laquelle les avantages de la CDI-AL relatifs aux dividendes, intérêts, redevances et autres revenus ne sont pas accordés en cas d'abus. Sont considérées comme abusives les opérations et les structures intermédiaires organisées ou créées dans le but principal d'obtenir les avantages prévus par les dispositions mentionnées de la CDI-AL, pour autant que les revenus concernés, abstraction faite des opérations et structures intermédiaires mentionnées, reviennent à une personne qui n'est un résident ni de la Suisse ni de l'Albanie (let. a) ou pour autant qu'il n'est pas satisfait aux conditions spécifiques donnant droit aux avantages de la CDI-AL (let. b). Si une personne perçoit de tels revenus et si elle peut prétendre en les percevant directement à des avantages conventionnels équivalents ou supérieurs, le but principal de l'opération ou de la structure intermédiaire ne réside pas dans l'obtention des avantages de la CDI-AL (let. c).

Ces dispositions visent tant les systèmes de relais (par ex. au moyen de cession de dividendes dividend stripping), que les cas dans lesquels des structures intermédiaires (en général une société) sont créées sans que les montants soient reversés.

Les situations dans lesquelles des parts de sociétés disposant de réserves distribuables sont transférées sont également couvertes.

La solution convenue correspond aux développements de la politique conventionnelle de la Suisse en la matière et à la pratique observée par la Suisse dans le cadre de la lutte contre les abus.

Art. XV du protocole de modification (Entrée en vigueur) Les dispositions du protocole de modification s'appliquent aux années fiscales qui commencent le 1er janvier de l'année civile suivant l'entrée en vigueur du protocole de modification ou après cette date. Cela vaut également pour les dispositions relatives à l'échange de renseignements.

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Conséquences financières

L'inclusion d'une clause sur l'échange de renseignements n'entraîne aucune diminution directe des recettes fiscales. Une telle clause peut générer, le cas échéant, des recettes fiscales supplémentaires étant donné qu'elle permet à la Suisse d'adresser des demandes de renseignements à l'Albanie. Il n'est toutefois pas possible de faire des estimations à ce sujet. Le protocole de modification peut être mis en oeuvre dans le cadre des ressources existantes en personnel.

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Constitutionnalité et forme de l'acte à adopter

Le protocole de modification se fonde sur lart. 54 de la Constitution (Cst.)4 qui attribue à la Confédération la compétence en matière daffaires étrangères. En application de lart. 184, al. 2, Cst., le Conseil fédéral signe les traités. En vertu de l'art. 166, al. 2, Cst., l'Assemblée fédérale est compétente pour les approuver.

Par ailleurs, lart. 141, al. 1, let. d, Cst. dispose quun traité international est sujet au référendum sil est dune durée indéterminée et nest pas dénonçable, sil prévoit ladhésion à une organisation internationale ou sil contient des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige ladoption de lois fédérales. Conclu pour une durée indéterminée, le protocole de modification peut néanmoins être dénoncé avec la CDI-AL à tout moment pour la fin dune année civile moyennant un préavis de six mois. Il ne prévoit pas dadhésion à une organisation internationale. Conformément à lart. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement5, sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites dapplication directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. L'assistance administrative est accordée de manière étendue, conformément au standard international en la matière, ce qui correspond à la politique conventionnelle suisse récente dans ce domaine. Le protocole de modification contient ainsi des dispositions importantes au sens de lart. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. Larrêté fédéral portant approbation du protocole modifiant la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et l'Albanie est par conséquent sujet au référendum en matière de traités internationaux prévu à lart. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

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RS 101 RS 171.10

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