11.4185 Rapport du Conseil fédéral «Too big to fail» (TBTF) Examen prévu par l'art. 52 de la loi sur les banques et en réponse aux postulats 11.4185 et 14.3002 du 18 février 2015

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, le rapport sur l'examen prévu par l'art. 52 de la loi sur les banques et en réponse aux postulats 11.4185 et 14.3002.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

18 février 2015

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2015-0033

1793

Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte

La récente crise financière et économique mondiale a révélé que la situation d'urgence ou la défaillance d'un établissement financier d'importance systémique (systemically important financial institution, SIFI) pouvait, du fait de sa taille, de son importance sur le marché et des réseaux qu'il entretient, ouvrir de graves failles dans le système financier et avoir des répercussions néfastes sur l'ensemble de l'économie. L'Etat concerné ne peut donc, ni aujourd'hui ni demain, abandonner en cas de crise un tel établissement dont dépend le maintien de fonctions d'importance systémique: cet établissement est réputé trop grand pour être mis en faillite (too big to fail, TBTF) et bénéficie ainsi d'une garantie implicite de l'Etat. Aussi les mesures étatiques prises dans le cadre d'une politique TBTF ont-elles pour objectif premier de dénoncer cette garantie afin que l'Etat, en cas de situation d'urgence ou de défaillance d'un SIFI, ne soit contraint de mobiliser des fonds publics pour le sauver.

Le problème du TBTF constitue un défi particulier pour la Suisse qui, en comparaison internationale et par rapport à sa taille, abrite de grands établissements financiers. C'est pourquoi ce pays, s'appuyant sur les recommandations adoptées le 30 septembre 2010 par la Commission d'experts (présidée par Peter Siegenthaler, ancien directeur de l'Administration fédérale des finances) qui visent à limiter les risques que de grandes entreprises sont susceptibles de faire courir à l'économie nationale, a tiré assez rapidement les leçons prudentielles de ce problème en mettant sur les rails un projet de loi (renforcement de la stabilité du secteur financier; «too big to fail»). Il s'agissait au premier chef d'adapter la loi sur les banques (chapitres V et VI). C'est à dessein qu'ont été décidées à cette occasion des mesures dont certaines allaient au-delà des exigences minimales internationales connues à ce moment-là.

La mise en oeuvre des mesures TBTF a débuté rapidement en Suisse. Conformément aux dispositions légales, elle devrait être achevée d'ici à 2019. Un certain nombre d'autres pays dotés de centres financiers importants envisagent eux aussi d'adopter pour les établissements financiers d'importance systémique une réglementation plus dure que les minima internationaux ou l'ont déjà mise en oeuvre. En plus de
ses propres prescriptions TBTF applicables aux banques d'importance systémique, la Suisse applique d'ores et déjà à tous les établissements bancaires le régime de dotation en fonds propres de Bâle III et a mis les réglementations correspondantes en vigueur le 1er janvier 2013, relevant ainsi nettement les exigences minimales concernant le montant et la qualité des fonds propres des banques. En outre, la Suisse appliquera les nouvelles exigences internationales en matière de liquidités dans le cadre du calendrier de Bâle III.

1.2

Contenu du rapport

Sachant que la stabilité du système financier est un aspect important de la politique suisse à l'égard des marchés financiers, le groupe d'experts institué par le Conseil 1794

fédéral en automne 2013 pour développer la stratégie en matière de marchés financiers s'est aussi penché sur la thématique du TBTF, dont les bases ont été élaborées par le sous-groupe «Risques pour l'économie». Ce groupe d'experts, disposant d'une assise solide, a été présidé par Aymo Brunetti, professeur à l'Université de Berne. Ses travaux se sont concentrés sur l'analyse des différentes formes internationales de la politique TBTF. C'est sur cette base qu'il a jugé la solution suisse et identifié le besoin d'adaptations, en se référant explicitement au mandat légal d'examen visé à l'art. 52 de la loi sur les banques ainsi qu'aux interventions parlementaires qui y sont liées. Outre le rapport final, une annexe aussi volumineuse que détaillée a été rédigée à ce sujet1. Le présent rapport d'examen s'appuie sur ces travaux, ce qui permet d'en restreindre l'ampleur. L'examen du groupe d'experts se limite aux grandes banques (CS et UBS). Entre-temps, la Banque nationale suisse (BNS) a classé la Banque cantonale de Zurich (ZKB) et le groupe Raiffeisen dans la catégorie des banques d'importance systémique. Dans le présent texte, la notion de «grande banque» s'applique uniquement au Credit Suisse et à UBS. Par contre, les dispositions too big to fail s'appliquent à toutes les banques d'importance systémique.

Il fait état, dans les pages qui suivent, des conclusions qu'a adoptées le Conseil fédéral sur la base de ces travaux préliminaires du groupe d'experts. Elles constituent le développement de la politique suisse du TBTF. Le rapport s'articule comme suit: le sous-chapitre 1.3 explique le mandat légal d'examen et les mandats parlementaires qui y sont liés. Le chapitre 2 donne un aperçu complet des principaux résultats du groupe d'experts chargé du développement de la stratégie en matière de marchés financiers. Le chapitre 3 est consacré à l'évaluation des recommandations du groupe d'experts quant à la thématique TBTF. Enfin, le chapitre 4 expose le processus et le calendrier selon lesquels le Conseil fédéral entend mettre en oeuvre les recommandations identifiées.

1.3

Mandat

Aux termes de l'art. 52 de la loi sur les banques, le Conseil fédéral devra, au plus tard trois ans après l'entrée en vigueur de la modification du 30 septembre 2011 des chapitres V et VI, et par la suite tous les deux ans, examiner les dispositions concernées en comparant leur mise en oeuvre avec celle des normes internationales correspondantes à l'étranger. Il en fera rapport à l'Assemblée fédérale et déterminera les dispositions de lois et d'ordonnances qui doivent être modifiées. La loi étant entrée en vigueur le 1er mars 2012, le premier examen doit donc être présenté d'ici à mars 2015.

Bien que la mise en oeuvre des mesures TBTF soit plus rapide en Suisse qu'à l'étranger, l'opinion publique et le Parlement ont exprimé à diverses reprises des craintes selon lesquelles les mesures engagées à ce jour ne sauraient résoudre le problème du TBTF et qu'il faudrait les multiplier du fait de la taille reconnue comme exceptionnelle des grandes banques suisses par rapport au produit intérieur 1

Cf. Rapport final du groupe d'experts chargé du développement de la stratégie en matière de marchés financiers du 1er décembre 2014 et annexe sur l'examen du régime suisse too big to fail en comparaison internationale ­ Base de l'examen prévu par l'art. 52 de la loi sur les banques (www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/37612.pdf et www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/37615.pdf)

1795

brut (PIB). C'est ainsi que le Parlement a invité le Conseil fédéral à étudier des solutions de rechange. Le 9 septembre 2013, après avoir adopté le postulat 11.4185 du groupe socialiste, le Conseil national a chargé le Conseil fédéral de présenter un rapport sur les modalités envisageables d'un cloisonnement des activités bancaires2.

Par ailleurs, le Conseil des Etats a adopté en date du 12 mars 2014 le postulat 14.3002 de sa Commission de l'économie et des redevances chargeant le Conseil fédéral de présenter, dans le cadre de l'évaluation de la législation TBTF, un rapport comportant des mesures éventuelles pour le cas où ces mesures se révéleraient nécessaires sur la base de l'évaluation ou des normes internationales. Le postulat 14.3002 de la Commission énumère les mesures suivantes: l'optimisation de la législation concernant la problématique du TBTF; la mise en place d'un système bancaire ou d'une structure de holding permettant une séparation fonctionnelle et territoriale; le développement des plans d'urgence; le durcissement des règles concernant l'exigence de fonds propres ( y compris les nouveaux instruments de capital) et le niveau d'endettement (leverage ratio); l'élaboration de prescriptions plus strictes en matière de liquidités; l'élaboration de prescriptions concernant la concentration des risques; etc.

Le présent rapport non seulement prend acte de l'examen visé à l'art. 52 de la loi sur les banques mais répond aussi aux questions soulevées par les deux postulats cités en titre. Le Conseil fédéral propose par conséquent de classer ces interventions.

2

Examen du régime TBTF

Le présent chapitre s'appuie explicitement sur les travaux du groupe d'experts chargé de développer la stratégie en matière de marchés financiers, qui a adopté son rapport final le 1er décembre 2014. Il présente les principaux résultats de ce rapport et de son annexe 4 «Examen du régime suisse too big to fail en comparaison internationale».

2.1

Evaluation de l'approche suisse en comparaison internationale

Critères et développement L'identification d'un éventuel besoin de réforme consistait d'une part à comparer les mesures TBTF engagées en Suisse aux normes internationales en vigueur ainsi qu'aux mesures prises dans d'autres juridictions qui comptent des G-SIB3 présentant des structures analogues à celles des grandes banques suisses. L'accent était placé à cet égard sur les Etats-Unis, l'UE et le Royaume-Uni. La comparaison se limite à ces pays car c'est là que sont établies les G-SIB qui présentent des structures ana2

3

Voici les termes de ce postulat: «Le Conseil fédéral est chargé de présenter au Parlement un rapport qui expose les motifs de l'instauration d'un cloisonnement des activités bancaires en Suisse ainsi que les modalités envisageables. Il examinera en l'occurrence si et de quelle manière les risques macroéconomiques liés aux activités des banques d'importance systémique peuvent être réduits.» Cf. «Global systemically important banks: Assessment methodology and the additional loss absorbency requirement», CBCB, 4 novembre 2011, sur www.bis.org > Publications and research > Basel Committee on Banking Supervision > 2011.

1796

logues à celles des grandes banques suisses. Ce n'est pas le cas des G-SIB chinoises et japonaises. D'autres pays ne disposent pas de G-SIB4. D'autre part, le train de mesures TBTF suisses a été examiné quant à son efficacité en matière de limitation des risques, son action sur l'intermédiation financière ainsi qu'à l'effet obtenu dans la pratique.

La comparaison entre les diverses mesures TBTF montre une certaine convergence entre les juridictions examinées. Les exigences internationales définies par le Conseil de stabilité financière (CSF) et le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (CBCB) sont considérées comme des références qui, en fonction des spécificités nationales, peuvent être complétées par d'autres mesures ou par des ajouts dépassant les minima internationaux. La crainte que certaines juridictions ne respectent que partiellement les exigences internationales ou que leurs mesures soient moins sévères que des mesures nationales déjà décidées est de moins en moins fondée.

Tant en Suisse que dans les juridictions examinées, l'accent est mis davantage sur le renforcement de la résistance aux crises des établissements financiers et sur la préparation aux éventuelles crises à venir. Les mesures plus radicales débattues au plus fort de la crise de 2008 et 2009, telles qu'une limitation directe de la taille, les redevances fiscales incitatives ou les systèmes de séparation totale des métiers bancaires, ne sont pas prévues. La similitude des mesures est certainement due pour partie aux pressions internationales visant la reprise de normes internationales minimales. Un souci de compétitivité y a sans doute joué un rôle également. Des différences subsistent notamment dans la pondération des diverses mesures.

Comparativement, la Suisse met particulièrement l'accent sur les mesures prudentielles: ainsi, vis-à-vis des banques d'importance systémique, les exigences en matière de fonds propres pondérés en fonction des risques sont élevées en comparaison internationale. Toutefois, les pays scandinaves, par exemple, la suivent de près.

Si on limite la comparaison au seul Common Equity Tier 1, ou fonds propres de base durs (CET1)5, la Suède et probablement les Etats-Unis se révèlent plus exigeantes et le Royaume-Uni se place au niveau de la Suisse. Par ailleurs, les Etats-Unis accordent une importance
relativement grande au ratio d'endettement non pondéré et dépassent à cet égard toutes les autres juridictions entrant en ligne de compte. Il y a peu, le Royaume-Uni a également défini un ratio de levier supérieur à la norme internationale. L'Union européenne (UE) ne prescrit que le minimum international, mais certains Etats membres ne s'en satisfont pas et utilisent la marge de manoeuvre dont ils disposent6.

En ce qui concerne les mesures organisationnelles, des différences marquées se font jour. Toutes les juridictions s'accordent à considérer les mesures organisationnelles 4 5

6

Cf. annexe Examen du régime suisse too big to fail en comparaison internationale ­ Bases de l'examen prévu par l'art. 52 de la loi sur les banques, p. 10.

Selon les art. 21 ss de l'ordonnance révisée sur les fonds propres (OFR), les fonds propres de base durs comprennent le capital social libéré, les réserves apparentes, les réserves pour risques bancaires généraux, le bénéfice reporté et le bénéfice de l'exercice en cours, après déduction de la part prévisible des dividendes devant être distribués. Pour être qualifiés de fonds propres de base durs, les fonds ne doivent pas être assortis de droits de préférence (par ex. en cas de liquidation, pas de position privilégiée en relation avec le produit de la liquidation). Cf. Glossaire de l'annexe Examen du régime suisse too big to fail en comparaison internationale ­ Bases de l'examen prévu par l'art. 52 de la loi sur les banques, p. 81.

Cf. annexe Examen du régime suisse too big to fail en comparaison internationale ­ Bases de l'examen prévu par l'art. 52 de la loi sur les banques, p. 52.

1797

comme un élément indispensable. Il n'y a cependant aucune unité quant à la nature de la séparation, la définition des activités à risque et le champ d'application. La Suisse a opté en l'espèce pour une approche particulière en ce sens qu'elle mise assez fortement sur le principe de subsidiarité et qu'elle accorde clairement, en matière de mesures organisationnelles, la priorité à l'amélioration de la capacité d'assainissement et de liquidation. Tous les autres Etats suivent plutôt une voie consistant à définir des conditions détaillées quant à la structure des banques: on définit soit les prestations nécessitant protection, soit, à l'autre extrémité du spectre, les activités à risque, en les interdisant totalement comme aux Etats-Unis ou dans l'UE, ou en exigeant leur décentralisation dans des entités séparées au sein du groupe. La taille des actes normatifs et le temps nécessaire à leur élaboration illustrent la complexité de ces définitions. L'introduction d'une séparation absolue entre les placements et les opérations de négociation ne rencontre aucun soutien7.

Sur le plan international, les mesures en cas de crise sont depuis quelque temps l'objet d'une attention particulière: il s'agit de garantir une sortie ordonnée du marché et le maintien de fonctions d'importance systémique8. C'est ainsi que le CSF a récemment publié une proposition de norme minimale, qualitative et quantitative, concernant la capacité totale d'absorption des pertes (total loss absorbing capacity, TLAC), qui, au terme d'une consultation publique et d'une estimation des conséquences, sera finalisée et adoptée d'ici à fin 2015. Cette norme est destinée en particulier à faciliter la mise en oeuvre des opérations d'assainissement et de liquidation par une participation obligatoire des créanciers et revêt une grande importance pour la crédibilité et la réalisation opérationnelle de la stratégie de bail-in.

Evaluation9 L'évaluation de l'approche suisse en comparaison internationale donne des résultats globalement positifs quant au fond. Il n'est donc pas nécessaire de réorienter le modèle de réglementation adopté (en prévoyant par ex. des prescriptions plus sévères en matière de séparation des activités bancaires, l'interdiction de certaines activités ou encore des limites de taille).

Pour répondre à cette question, il faut
tenir compte du fait que non seulement l'importance du secteur bancaire suisse par rapport au PIB, mais aussi la concentration du marché sont très grandes en comparaison internationale. La problématique du TBTF est donc un défi particulièrement difficile à maîtriser pour la Suisse, ce qui justifie l'adoption de mesures plus strictes qu'en moyenne internationale. C'est en outre ce qui explique qu'en matière de mesures prudentielles (fonds propres, liquidités, répartition des risques), la Suisse a initialement joué un rôle de pionnier, en termes aussi bien de calendrier que de contenus. Aujourd'hui, les autres juridictions abritant des banques d'importance systémique mondiale prévoient aussi des exigences prudentielles équivalentes à celles de notre pays, voire plus sévères.

Pour ce qui est des mesures organisationnelles, celles adoptées en Suisse se distinguent, en comparaison avec les autres juridictions, par leur caractère libéral et leur subsidiarité. La Suisse ne prévoit en particulier pas de prescriptions organisation7 8 9

Cf. annexe Examen du régime suisse too big to fail en comparaison internationale ­ Bases de l'examen prévu par l'art. 52 de la loi sur les banques, p. 52.

Ibidem.

Cf. Rapport final du groupe d'experts chargé du développement de la stratégie en matière de marchés financiers du 1er décembre 2014, p. 44s.

1798

nelles strictes. Enfin, les mesures en cas de crise s'inscrivent dans le droit fil des tendances internationales (plans d'assainissement et de liquidation, stratégie de renflouement interne).

Conclusion: les résultats de l'évaluation de l'approche suisse en comparaison internationale sont positifs et il n'est donc pas nécessaire de réorienter le modèle suisse de réglementation quant au fond.

2.2

Les grandes banques appliquent-elles les prescriptions du législateur?10

La mise en oeuvre des dispositions légales relatives aussi bien aux exigences de fonds propres pondérés en fonction des risques qu'au ratio de levier a jusqu'ici rapidement progressé, si bien que les deux grandes banques sont en avance sur le calendrier d'application prévu par la loi. L'ordonnance sur les fonds propres et la répartition des risques des banques et des négociants en valeurs mobilières11 prévoit une mise en oeuvre progressive des exigences, étalée sur plusieurs années, afin de prévenir tout effet négatif sur l'offre de crédit. Elles n'ont toutefois pas encore atteint les valeurs cibles arrêtées pour la fin de la période transitoire (2019) en matière de ratio de levier et de ratio de fonds propres pondérés en fonction des risques.

En ce qui concerne les plans d'urgence, d'importants travaux ont déjà été réalisés.

La mise en oeuvre n'est cependant pas encore assez avancée pour que le maintien des fonctions d'importance systémique soit garanti en cas de crise. De gros efforts doivent encore être accomplis pour que ce soit le cas. Les deux grandes banques ont annoncé et mis sur les rails les mesures organisationnelles nécessaires à cet effet.

Elles s'emploient actuellement à mettre en oeuvre le plan d'urgence exigé par la législation suisse moyennant une séparation ex ante des fonctions d'importance systémique. D'après les prévisions des grandes banques, cette séparation ex ante ne devrait être complète qu'à la fin de 2015, voire au milieu de 2016. Toujours d'après les grandes banques, il subsistera néanmoins ensuite des dépendances vis-à-vis du reste de la banque, notamment sous la forme d'interdépendances financières résultant par exemple de garanties initiales visant à éviter que les créanciers n'exercent leurs droits de résiliation. Ces dépendances réduiront l'efficacité du plan d'urgence prévu par la loi durant plusieurs années après que la séparation ex ante sera effective.

Le même constat vaut pour les mesures visant à assurer la capacité d'assainissement et de liquidation de la totalité de la banque et allant au-delà du maintien des fonctions d'importance systémique. Actuellement, les grandes banques suisses ne pourraient pas être liquidées de façon ordonnée et c'est pourquoi il est essentiel qu'elles fassent des progrès dans ce domaine. Les mesures visant à assurer la capacité
d'assainissement et de liquidation de la totalité de la banque d'importance systémique font donc partie intégrante des projets de réorganisation des grandes banques suisses. La mise en oeuvre de ces mesures a lieu en concertation avec l'Autorité

10 11

Cf. Rapport final du groupe d'experts chargé du développement de la stratégie en matière de marchés financiers du 1er décembre 2014, p. 46.

RS 952.03

1799

fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) et devrait nécessiter encore plusieurs années, selon les prévisions des banques.

Conclusion: en ce qui concerne les mesures prudentielles, la mise en oeuvre suit son cours. Les valeurs cibles des ratios de fonds propres devraient même être atteintes avant le délai légal, fixé au début de 2019. La planification d'urgence au sens de la législation suisse ainsi que, de façon générale, la capacité d'assainissement et de liquidation ne sont par contre pas encore appliquées. Bien que la probabilité d'une défaillance d'un SIFI soit effectivement réduite entre autres grâce aux mesures en matière de dotation en capital, elle demeure possible. Aussi faudrait-il prendre des dispositions permettant de faire en sorte que le SIFI en question puisse quitter le marché de façon contrôlée si la prévention a échoué. Les grandes banques ont donné le coup d'envoi des réorganisations nécessaires à cet effet. Si toutes les mesures prévues par les grandes banques en matière de planification d'urgence suisse et de capacité d'assainissement et de liquidation étaient déjà entièrement réalisées, les actuelles exigences légales minimales seraient très certainement remplies.

2.3

L'approche suisse, telle que définie par le législateur, résout-elle la problématique du too big to fail?12

Les évaluations du FMI ainsi que le bonus de notation de S&P amènent à conclure que les grandes banques suisses bénéficient toujours d'une garantie implicite de l'Etat, même si elle n'est plus aussi importante qu'en 2009. Une garantie implicite de l'Etat peut donc être considérée comme une subvention déguisée accordée par l'Etat aux banques d'importance systémique. Selon les calculs d'Andrew Haldane, cette subvention atteignait avant la crise financière quelque 70 milliards de dollars américains pour les 29 établissements les plus grands13.

Mesures prudentielles Etant donné que le total du bilan des grandes banques suisses a moins fortement diminué que les positions pondérées en fonction des risques (risk-weighted assets, RWA) et que les deux banques présentent des ratios RWA/total des actifs peu élevés en comparaison internationale, on peut se demander si les modèles internes des banques évaluent correctement les risques. Si tel n'était pas le cas, la résistance des banques aux crises serait insuffisante. Or, eu égard à l'importance des ratios RWA dans l'approche suisse, le calcul correct des RWA est une condition nécessaire de l'efficacité des mesures prévues.

Les assouplissements des exigences de fonds propres qui doivent être accordés aux banques afin d'éviter que les effets de consolidation n'augmentent le niveau d'exigences à l'échelon du groupe (art. 125 de l'ordonnance sur les fonds propres) se sont traduits par le fait que les exigences de fonds propres pondérés en fonction des risques se sont établies, pour les établissements individuels, au niveau le plus bas admis par la loi, soit 14 % (hors volant anticyclique et traitement privilégié des participations). Etant donné que d'autres juridictions ont entre-temps adopté des 12 13

Cf. Rapport final du groupe d'experts chargé du développement de la stratégie en matière de marchés financiers du 1er décembre 2014, p. 46 ss.

Cf. Accounting for bank uncertainty ­ remarks by Andrew Haldane, www.bankofengland.co.uk > Speeches and articles > 2012.

1800

exigences de fonds propres plus sévères pour les filiales, les assouplissements prévus dans notre pays font que les sociétés mères ­ particulièrement importantes du point de vue suisse ­ sont peu capitalisées. Les maisons mères intègrent aujourd'hui, avec les fonctions d'importance systémique, le noyau dur des deux groupes bancaires.

Mesures organisationnelles Actuellement, le principal défi réside dans l'applicabilité des plans d'urgence prévus par le droit suisse. Etant donné que l'approche suisse ne prescrit pas de mesures organisationnelles directes, l'applicabilité du plan d'urgence revêt en effet une importance particulière. Seul un plan d'urgence effectivement applicable, à même de garantir le maintien des fonctions d'importance systémique, aura pour effet de limiter l'obligation de fait de l'Etat de sauver la banque en cas de crise. La loi permet aux banques de décider librement si elles souhaitent fonder leur plan d'urgence sur une séparation ex post ou ex ante de leurs parties ayant une importance systémique. En Suisse, la séparation ex post s'est toutefois révélée problématique et les grandes banques ont aujourd'hui clairement indiqué vouloir assurer l'applicabilité immédiate du plan d'urgence ­ telle que prescrite par la loi ­ moyennant la séparation ex ante de leurs fonctions d'importance systémique auprès d'un sujet de droit distinct. Si le renflouement interne single point of entry (SPE) ne fonctionne pas ou ne suffit pas, les conditions nécessaires du maintien de ces fonctions sont entre autres les suivantes: la mise en oeuvre complète de la séparation ex ante, l'indispensable décentralisation opérationnelle et financière par rapport au reste du groupe bancaire, ainsi qu'une dotation appropriée de l'unité concernée en fonds propres et en liquidités durant toutes les phases du processus. La stratégie que privilégie la FINMA pour l'assainissement et la liquidation de groupes financiers d'importance systémique consiste en un assainissement mené de façon centralisée par l'autorité de surveillance nationale au niveau de la maison mère. Elle est désignée par le terme d'approche single point of entry. Cette approche SPE associe les créanciers de la maison mère ou de la plus haute société holding aux pertes (bail-in) et permet ainsi de recapitaliser l'ensemble du groupe financier14.
Il ressort des expériences et des discussions internationales en matière de réglementation qu'une stratégie d'assainissement et de liquidation SPE non seulement présuppose la subordination ­ au niveau structurel, juridique ou contractuel ­ de fonds propres destinés à absorber les pertes, mais encore requiert une décentralisation ex ante minimale des unités d'organisation concernées, afin qu'il soit possible de procéder au besoin à une restructuration. Aux Etats-Unis, par exemple, les grandes banques sont constituées en sociétés holding bancaires (bank holding companies).

Mesures en cas de crise Il n'est pas certain que l'on disposerait, en cas de crise, d'un substrat de responsabilité suffisant pour permettre un assainissement forcé et le maintien du groupe dans son ensemble ou la liquidation ordonnée du reste de la banque également. Dans la réglementation TBTF suisse, c'est en effet la composante progressive qui sert, entre autres, de substrat de responsabilité. Or elle pourrait être insuffisante pour remplir cette fonction, en raison notamment des différents objectifs qu'elle poursuit (incita14

Cf. «Assainissement et liquidation des banques d'importance systémique mondiale» ­ Document de position FINMA assainissement des banques d'importance systémique, p. 3, www.finma.ch > Publications > Documents de position.

1801

tion à la diminution du total du bilan et des parts de marché et à l'amélioration de la capacité d'assainissement et de liquidation, ainsi que mise à disposition de moyens suffisants pour garantir la capacité générale d'assainissement et de liquidation).

Dans ce contexte, on travaille actuellement aux niveaux international (notamment au CSF) et national au renflouement interne comme moyen de constituer des fonds propres destinés à l'assainissement. Ce mécanisme prévoit la participation forcée de certains créanciers obligataires. Ce qui est décisif en l'occurrence c'est de disposer, au moment de la menace d'insolvabilité, de suffisamment de créances requalifiables pour assurer l'assainissement. La sécurité du droit et son applicabilité sont à cet égard déterminantes. Or, en ce qui concerne la panoplie des mesures légales en cas de crise, de récentes enquêtes internationales ont confirmé certaines faiblesses du dispositif suisse.

Conclusion: il ressort de l'analyse actuelle de la situation que la législation TBTF ­ même intégralement mise en oeuvre ­ ne suffit pas à résoudre entièrement la problématique des banques d'importance systémique. Des mesures complémentaires de consolidation du dispositif global suisse sont indispensables pour améliorer la capacité de résistance des grandes banques et garantir que leur assainissement ou leur liquidation ordonnée ne se fasse pas aux frais du contribuable.

2.4

Evaluation du système de séparation des activités bancaires

Les expériences faites durant la crise financière ont ranimé le débat à propos sur les exigences prudentielles relatives à la structure organisationnelle et juridique des banques, à titre de mesures propres à atténuer les risques systémiques. En général, les mesures organisationnelles sont considérées comme venant compléter les réglementations prudentielles traditionnelles qui ont été renforcées suite à la crise financière. A cet égard, il est possible que les objectifs visés par les mesures structurelles soient également complémentaires des exigences accrues concernant les fonds propres, les liquidités et le financement, mais aussi la gestion des crises et la liquidation. Le rapport du groupe d'experts chargé du développement de la stratégie en matière de marchés financiers traite de la séparation des activités bancaires sous le titre «Mesures organisationnelles» (notamment au chap. 2.3) et se penche dans le détail sur les développements à l'échelle internationale, les possibilités d'aménagement et, par là même, sur les risques qui y sont liés.

Le référentiel du CSF reconnaît que des mesures organisationnelles peuvent réduire les risques inhérents à des établissements financiers d'importance systémique tout en mettant en garde contre leurs conséquences négatives pour les marchés financiers en raison des divergences nationales au niveau des mesures structurelles. Sur le plan international, aucune norme supérieure reconnue par le G20 n'a pu s'imposer à ce jour. D'où précisément la diversité des mesures nationales.

Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France et, à la rigueur, l'UE exigent que les banques d'importance systémique s'adaptent, sous une forme ou une autre, sur le plan de l'organisation. Par contre, aucun pays ne prévoit de revenir à un système de séparation des activités bancaires qui ne permettrait pas d'interdépendance financière des différentes entités. Les propositions de séparation mettent en parallèle les services comportant des risques difficilement calculables et ceux qui sont essentiels au fonctionnement de l'économie. Ces derniers incluent par exemple 1802

les activités de dépôt ou les systèmes de paiement et sont particulièrement dignes de protection. Or il est extrêmement difficile de définir et délimiter les activités à risque. Les opérations pour compte propre en font certainement partie, et pourtant leur délimitation par rapport à la fonction de teneur de marché se révèle ardue. C'est ainsi que la règle Volcker, qui fait partie intégrante du Dodd-Frank Act et interdit aux banques américaines le négoce pour compte propre ainsi que d'autres activités à risque, comprend plus de 1000 pages.

La législation TBTF suisse ne comporte aucune disposition concrète quant à la structure du groupe ou à son organisation. Le maintien des fonctions d'importance systémique n'en doit pas moins être assuré par le biais d'un plan d'urgence, ce qui nécessite certaines modifications d'ordre organisationnel. Conformément au principe de subsidiarité, la législation TBTF indique l'objectif mais laisse le soin à la banque d'aménager et de mettre en oeuvres les moyens de l'atteindre. La FINMA examine les plans d'urgence et intervient lorsque la banque n'est pas en mesure de combler les lacunes elle-même. En l'espèce, la Suisse renonce sciemment à intervenir directement dans la structure de l'entreprise et les modèles d'affaires des banques concernées pour se concentrer sur l'amélioration de la capacité d'assainissement et de liquidation d'un établissement trop grand pour être mis en faillite.

En comparaison internationale, l'approche suisse en matière de TBTF est jugée positive dans l'ensemble. Aussi le groupe d'experts chargé du développement de la stratégie en matière de marchés financiers ne juge-t-il pas nécessaire de réorienter le modèle de réglementation (par ex. vers des directives plus strictes, comme la séparation des activités bancaires, l'interdiction de certaines opérations ou des limitations de la taille).

2.5

Recommandations15

L'analyse comparative internationale confirme que le modèle suisse de réglementation est en principe à même d'atténuer le problème du TBTF. Elle montre cependant aussi que si l'on veut vraiment éliminer durablement la garantie implicite de l'Etat ­ qui constitue le noyau dur de cette problématique ­, il est indispensable de faire évoluer ce modèle en lui apportant certaines modifications. Le groupe d'experts propose donc de procéder dès aujourd'hui à ces modifications, dans les trois domaines de mesures en jeu (prudentielles, organisationnelles et en cas de crise), et de vérifier ensuite périodiquement l'efficacité du train de mesures.

Mesures prudentielles 1.

Vérification de la méthode de calcul des RWA et éventuelles mesures d'amélioration

La FINMA vérifie actuellement, avec le concours de la Banque nationale suisse (BNS), dans quelle mesure les RWA calculés à l'aide des modèles internes des 15

Cf. Rapport final du groupe d'experts chargé du développement de la stratégie en matière de marchés financiers du 1er décembre 2014, p. 45 ss. Seules quelques adaptations rédactionnelles ou mises à jour ont été apportées au texte du groupe d'experts.

1803

banques sont différents de ceux obtenus sur la base de l'approche standard. Si cet examen ne fait apparaître aucun écart majeur inexplicable, la confiance du marché à l'égard des modèles internes devrait s'en trouver renforcée. S'il met au contraire en évidence des différences substantielles ne pouvant pas être expliquées, il faudrait examiner et appliquer des mesures correctives. Seraient envisageables par exemple l'adoption d'un plancher RWA ou de multiplicateurs, ou encore un durcissement des exigences de transparence.

2.

Recalibrage des exigences en matière de fonds propres

Si l'on fait abstraction de la composante progressive, qui, dans l'approche suisse, sert de substrat de responsabilité en cas de crise, les exigences de ratio de levier imposées aux banques d'importance systémique en cas de continuité de l'exploitation s'élèvent à 3,12 %. Les exigences de fonds propres en cas de continuité de l'exploitation incluent, outre les exigences de base, la totalité du volant de fonds propres. Le principe de la continuité de l'exploitation ou de la continuité de l'entreprise est un principe comptable qui oblige à évaluer les postes du bilan en présumant que l'entreprise poursuivra ses activités indéfiniment, à moins qu'une situation de fait ou des circonstances d'ordre juridique n'infirment cette hypothèse16.

Les exigences de ratio de levier applicables aux banques d'importance systémique en cas de continuité de l'exploitation, à savoir 3,12 %, sont à peine supérieures à la norme internationale minimale (3 %) applicable à toutes les banques (donc également aux banques qui ne sont pas d'importance systémique) et nettement inférieure aux futures exigences correspondantes (5 à 6 %) prescrites par les Etats-Unis pour leurs banques d'importance systémique. Aux Etats-Unis, il s'agit des huit sociétés holding bancaires (bank holding companies, BHC) dont les actifs totaux et les actifs sous garde dépassent respectivement 700 milliards et 10 mille milliards de dollars américains.

Vu ce qui précède, les exigences en matière de fonds propres doivent être adaptées selon les trois principes suivants17:

16 17

­

la Suisse doit figurer parmi les pays où les exigences de fonds propres imposées aux banques d'importance systémique mondiale en cas de continuité de l'exploitation sont les plus sévères. Cela vaut aussi bien pour les exigences en matière de fonds propres pondérés en fonction des risques que pour le ratio de levier;

­

les augmentations nécessaires pour garantir le respect du premier principe ci-dessus doivent être opérées compte tenu des éventuelles mesures adoptées au titre des recommandations 1 et 6; Cf. Glossaire de l'annexe Examen du régime suisse too big to fail en comparaison internationale ­ Bases de l'examen prévu par l'art. 52 de la loi sur les banques, p. 82.

Position minoritaire: «Sur le fond, les grandes banques approuvent les principes régissant le recalibrage des exigences de fonds propres, mais émettent néanmoins les réserves suivantes: l'application du troisième principe ne doit pas se traduire par une augmentation des exigences de fonds propres pondérés en fonction des risques. De plus, toute comparaison internationale des ratios de levier doit reposer sur des bases qui soient effectivement comparables. Enfin, lors du recalibrage, il y a lieu de tenir compte des effets de la totalité des mesures envisagées de durcissement de la réglementation.»

1804

­

3.

le ratio de levier doit continuer à être conçu, en situation normale, comme un filet de sécurité tendu à la faveur de la fixation des exigences en matière de fonds propres.

Adaptation de la qualité des fonds propres

Selon la norme internationale, le ratio de levier doit être calculé compte tenu des fonds propres de base (tier 1). Toutefois, dans la réglementation TBTF suisse, les exigences en matière de fonds propres en cas de continuité de l'exploitation incluent, outre les exigences de base, la totalité du volant de fonds propres, qui peut être en partie constitué de contingent convertibles à seuil de déclenchement élevé, dits CoCo. Les CoCo sont des emprunts à conversion obligatoire dont le déclenchement est défini contractuellement. Ces instruments hybrides se rapportant aux fonds de tiers sont convertis en capital social ou amortis lorsque les limites prédéfinies contractuellement sont atteintes (seuils). Si le seuil est élevé, la limite de déclenchement est fixée de sorte que la conversion se fasse lorsqu'un écart approprié par rapport au minimum réglementaire est atteint. Avec un seuil bas, la limite de déclenchement est juste supérieure au minimum réglementaire18. La réglementation suisse permet en outre aux banques de combiner les instruments tier 1 et tier 2, tels que définis par le Comité de Bâle, avec des CoCo aussi bien à seuil élevé qu'à seuil bas. Les banques ayant fait usage de cette possibilité, les exigences suisses en matière de ratio de levier ne peuvent pas être directement comparées à celles reposant sur la norme bâloise. Pour assurer une meilleure comparabilité de l'approche suisse avec les normes internationales, il faudrait donc que la partie du volant de fonds propres pouvant être constituée de CoCo à seuil élevé présente au minimum une qualité correspondant à tier 1. Le cas échéant, cette adaptation de la qualité des fonds propres doit s'accompagner de l'adoption de dispositions transitoires (par ex. clause d'antériorité).

4.

Modification des assouplissements prévus à l'art. 125 de l'ordonnance sur les fonds propres pour les établissements individuels d'importance systémique

Pour garantir à tout moment la capitalisation appropriée des unités remplissant des fonctions d'importance systémique, il y aurait lieu de modifier les assouplissements prévus à l'art. 125 de l'ordonnance sur les fonds propres. Il ne devrait en particulier plus s'appliquer aux banques suisses séparées ex ante, qui sont la pierre angulaire de la planification d'urgence. Indépendamment des exigences prescrites à l'étranger pour les autres unités, la banque suisse établie aux fins de la planification d'urgence devrait en effet remplir les exigences en matière de fonds propres prévues à l'échelon du groupe sans aucun assouplissement.

18

Cf. Rapport final de la commission d'experts chargée d'examiner la limitation des risques que les grandes entreprises font courir à l'économie nationale, p. 27 et 28.

1805

Mesures organisationnelles 5.

Fixation du délai dans lequel le plan d'urgence suisse et l'amélioration de la capacité générale d'assainissement et de liquidation doivent être mis en oeuvre

La législation TBTF prévoit un délai précis (début 2019 au plus tard) dans lequel les exigences en matière de fonds propres qu'elle prescrit devront être remplies. Il n'y a par contre pas de calendrier clairement établi, ni de date butoir communiquée publiquement, pour ce qui est de la mise en oeuvre de la planification d'urgence et, partant, du maintien des fonctions d'importance systémique, ni pour celle de l'amélioration de la capacité d'assainissement et de liquidation. De nombreuses années pourraient donc encore s'écouler avant que des mesures ne soient effectivement prises dans ces deux domaines et ne réduisent les interdépendances financières et opérationnelles. Cette lacune devrait être comblée moyennant la fixation et la communication publique d'une date butoir contraignante. Cette date ne devra en l'occurrence être ni trop éloignée, car chaque année qui passera sans que les plans d'assainissement et de liquidation ne soient applicables présentera le risque que l'Etat doive de nouveau intervenir en cas de crise grave, ni trop proche, car il faut bien admettre que les banques ont besoin d'un certain temps pour mettre en oeuvre des mesures organisationnelles de cette ampleur.

Pour ce qui est de la conception des mesures organisationnelles, il faudra tenir compte du fait que seule une certaine décentralisation interne ex ante, tant opérationnelle que financière, sera à même de garantir la capacité d'assainissement et de liquidation de la banque, en ceci qu'elle permettra de dissocier les unités en cas de crise.

La FINMA devra contrôler la cohérence de la mise en oeuvre de la planification d'urgence et informer régulièrement les autorités de l'état de la préparation et de la mise en oeuvre des plans d'urgence suisses, ainsi que de l'avancement des travaux menés en relation avec les plans de liquidation mondiaux dans le cadre de la collaboration entre autorités de surveillance en matière de gestion des crises (Crisis Management Colleges).

Mesures en cas de crise 6.

Définition d'exigences en matière de TLAC contraignantes complétant le régime TBTF et visant à garantir la disponibilité de créances requalifiables suffisantes pour assurer l'assainissement ou la liquidation ordonnée de la banque.

Le niveau des exigences supplémentaires en matière de TLAC devra correspondre au moins aux valeurs clés de la proposition du CSF publiée le 10 novembre 2014 en vue d'une consultation et qui sera mise au point d'ici à fin 2015. Soulignons que si le CSF ne parvenait pas à s'unir autour d'une norme dans le cadre du sommet de Brisbane, la Suisse compléterait tout de même sa réglementation, tant cette mesure concernant les exigences en matière de TLAC est importante aux fins de la résolu1806

tion de la problématique du TBTF. Il faut en outre partir du principe que des pays comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni édicteront eux aussi dans tous les cas des prescriptions en la matière. Par ailleurs, dans la réglementation TBTF suisse, la composante progressive non seulement vise à inciter les banques à réduire leur taille et leurs parts de marché et à améliorer leur capacité d'assainissement et de liquidation, mais sert également de substrat de responsabilité. Or le niveau de cette composante, telle qu'elle est conçue actuellement, ne devrait pas suffire à lui permettre de remplir cette dernière fonction, cela d'autant moins qu'il peut descendre jusqu'à 1 %. Les exigences en matière de TLAC sont en principe compatibles avec les exigences suisses en matière de fonds propres applicables aux banques d'importance systémique. En introduisant la composante progressive et les instruments sous forme de capital convertible à seuil bas (low-trigger Cocos), la réglementation TBTF avait anticipé le modèle TLAC et son obligation contractuelle de constituer un capital permettant la liquidation. Les travaux visant à préciser les exigences contraignantes en matière de TLAC doivent être rapidement poursuivis avec la participation de tous les acteurs concernés.

Enfin, pour que la stratégie de renflouement interne porte ses fruits et que les pertes subies lors d'une crise soient effectivement supportées par les créanciers, le groupe d'experts estime nécessaire de prendre également deux mesures d'accompagnement, l'une juridique et l'autre fiscale.

7.

Modifications législatives visant à renforcer le dispositif prévu en cas de crise

La sécurité et l'applicabilité du droit jouent un rôle décisif dans la maîtrise d'une crise. Elles seules peuvent garantir que les plans d'assainissement et de liquidation visant à surmonter la crise auront les effets escomptés dans la pratique. Or les enquêtes internationales les plus récentes montrent qu'en matière de mesures en cas de crise, l'arsenal juridique suisse présente certaines faiblesses. La réduction de créance n'est par exemple expressément mentionnée dans la loi qu'en relation avec la conversion de fonds de tiers en fonds propres (art. 31, al. 3, de la loi sur les banques). L'adaptation nécessaire de cette réglementation est d'ores et déjà proposée dans le projet de loi sur l'infrastructure des marchés financiers (LIMF).

8.

Adaptations de l'impôt anticipé visant à accroître l'attrait des obligations requalifiables émises en Suisse

L'émission en Suisse d'instruments tels que les obligations requalifiables est une condition préalable importante de l'amélioration de l'applicabilité des renflouements internes ordonnés par la FINMA. C'est pourquoi il serait utile d'adapter le cadre fiscal en vigueur dans ce domaine et d'améliorer en particulier les conditions fiscales de l'émission d'obligations requalifiables en Suisse. Seul un marché suisse des capitaux attrayant permettra d'émettre ces titres en quantité suffisante et à des prix compétitifs. Une mesure d'accompagnement de première importance consistera donc à remplacer l'actuel impôt anticipé suisse par un impôt à l'agent payeur. De plus, suivant le temps que nécessitera cette réforme, il conviendrait, à titre de mesure transitoire de durée déterminée, d'exonérer entre-temps les obligations requalifiables 1807

de l'impôt anticipé (cf. les recommandations du groupe d'experts dans le domaine de la fiscalité).

Vérification périodique de l'efficacité du train de mesures On ne peut actuellement pas encore juger si le régime TBTF suisse, une fois entièrement mis en oeuvre, y compris les modifications recommandées ici, suffira à mettre fin à l'obligation de fait de l'Etat de voler au secours des grandes banques et, du même coup, à la subvention implicite dont celles-ci bénéficient. Il faudra attendre pour le savoir que les grandes banques aient réalisé les projets de réorganisation qu'elles ont annoncés et d'ores et déjà mis en chantier et que les mesures supplémentaires présentées ci-dessus aient été mises en oeuvre. Le groupe d'experts recommande par conséquent de vérifier régulièrement l'efficacité des mesures appliquées.

9.

Vérification de l'efficacité du régime TBTF à la fréquence bisannuelle prévue par la loi (art. 52 de la loi sur les banques) et adoption des éventuelles mesures supplémentaires requises

La FINMA doit régulièrement évaluer les progrès réalisés dans la préparation et la mise en oeuvre des plans d'urgence et de la capacité d'assainissement et de liquidation, conformément aux dispositions de l'OB et compte tenu également des critères établis par le CSF. Les autorités doivent en outre examiner, à l'aide d'indicateurs et d'analyses, dans quelle mesure les plans d'urgence peuvent être mis en oeuvre de façon crédible et si la garantie implicite de l'Etat subsiste ou non.

Si ces vérifications et les indicateurs examinés montrent que la garantie implicite de l'Etat persiste et que la mise en oeuvre de la capacité d'assainissement et de liquidation bute sur de gros obstacles, il y aura lieu de prendre des mesures supplémentaires, telles que le durcissement des exigences en matière de fonds propres ou des exigences relatives aux plans d'urgence et à la capacité d'assainissement et de liquidation.

3

Evaluation du besoin d'adaptations identifié

Composition adéquate La large assise du groupe d'experts ainsi que du sous-groupe «Risques pour l'économie», composés de représentants des banques et des assurances, d'acteurs de l'économie réelle, des autorités compétentes de l'Etat et de scientifiques, a assuré à la fois la prise en considération des différentes perspectives et la disponibilité des connaissances spécialisées requises19. Par conséquent on peut partir du principe que non seulement l'examen demandé a été mené avec la compétence et la diligence nécessaires, mais aussi que le thème traité a profité d'une large implication de l'ensemble de l'économie.

19

Cf. Rapport final du groupe d'experts chargé du développement de la stratégie en matière de marchés financiers, p. 61, et annexe Examen du régime suisse too big to fail en comparaison internationale ­ Bases de l'examen prévu par l'art. 52 de la loi sur les banques, p. 86.

1808

L'orientation est bonne mais il faut procéder à des adaptations En identité de vue avec le groupe d'experts, le Conseil fédéral est convaincu que les très grands établissements financiers en comparaison internationale et par rapport à la taille du pays jouent un rôle essentiel dans la stabilité financière de la Suisse.

Cette stabilité peut être particulièrement menacée par une banque d'importance systémique confrontée à une situation d'urgence. En revanche, l'approche suivie par la Suisse pour désamorcer le problème du TBTF, qui combine diverses mesures, est jugée positive et adéquate dans l'ensemble en comparaison internationale, de sorte qu'une réorientation fondamentale de cette approche ne s'impose pas. L'examen révèle néanmoins que même une mise en oeuvre intégrale de la législation TBTF ne saurait résoudre complètement le problème que constituent en Suisse les établissements financiers trop grands pour être mis en faillite. Des mesures supplémentaires et des adaptations sont nécessaires pour continuer à renforcer la capacité de résistance des banques d'importance systémique et permettre l'assainissement ou la liquidation ordonnée de ces dernières, sans frais pour le contribuable.

C'est pourquoi, comme le montre le sous-chapitre 2.5, le groupe d'experts a formulé neuf recommandations. Les huit premières recommandations, qu'il conseille de mettre en oeuvre rapidement, sont axées sur trois domaines, à savoir les mesures prudentielles, les mesures organisationnelles et les mesures en cas de crise.

Ces huit mesures apparaissent appropriées pour éliminer au maximum ce qu'il subsiste de la garantie implicite de l'Etat et le Conseil fédéral y est donc favorable.

Le rapport du groupe d'experts constitue en outre une bonne base pour élaborer les modifications nécessaires du droit. Par contre, le Conseil fédéral estime, tout comme les experts, qu'il faut s'abstenir de mesures qui interfèrent de façon excessive avec le modèle d'affaires des banques, donnent lieu à de fausses incitations et sont inaptes à contenir efficacement ou supprimer le problème du TBTF. La concrétisation des mesures de soutien proposées par le groupe d'experts prévoit une prise en compte appropriée de la taille et du domaine d'activité des banques d'importance systémique. Le fait qu'une banque soit d'importance systémique
seulement au niveau national ou aussi au niveau international est notamment déterminant.

Sachant toutefois que ce n'est qu'après avoir mis en oeuvre les huit mesures que l'on pourra analyser si elles suffisent à supprimer durablement le problème du TBTF, la neuvième recommandation du groupe d'experts adopte le principe prévu par l'art. 52 LB d'un examen de l'efficacité de l'ensemble du train de mesures tous les deux ans.

4

Travaux et calendrier

Le Conseil fédéral a chargé le DFF d'instituer sous sa direction un groupe de travail composé de représentants de la FINMA et de la BNS, qui aura à se pencher sur l'aménagement des mesures. Il s'agira à cet égard d'assurer une intégration ciblée des milieux intéressés, notamment en vue de clarifier les aspects techniques. Dans le cadre de ces travaux, les milieux intéressés devront également être consultés sur les modifications prévues. Le groupe de travail devra ­ sur la base des résultats de l'évaluation en cours de la recommandation n° 1 par la BNS et la FINMA ­ concevoir des propositions de modification des réglementations concernées en vue de la mise en oeuvre concrète des recommandations n° 2 à 6. Le groupe de travail suivra 1809

notamment les développements issus de la nouvelle norme internationale (TLAC) et en tiendra compte de façon appropriée. Les paramètres définitifs de la norme TLAC devraient, en l'état actuel des connaissances, être disponibles avant la fin de 2015.

D'ici là, le DFF présentera au Conseil fédéral les propositions de modifications législatives qui s'imposent. La recommandation n° 7 est d'ores et déjà concrétisée dans le projet de loi sur l'infrastructure des marchés financiers (LIMF). Quant à la recommandation n° 8, elle a été prise en compte dans le cadre du projet de révision de l'impôt anticipé que le Conseil fédéral a mis en consultation le 17 décembre 2014.

1810