14.092 Message concernant l'initiative populaire «Protection contre la sexualisation à l'école maternelle et à l'école primaire» du 28 novembre 2014

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire «Protection contre la sexualisation à l'école maternelle et à l'école primaire» en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'expression de notre haute considération.

28 novembre 2014

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Didier Burkhalter La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2014-0778

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Condensé Le Conseil fédéral se prononce en faveur du maintien du système actuel, qui prévoit une éducation sexuelle responsable des enfants et des jeunes. Les parents sont les premiers responsables de cette éducation sexuelle, l'école proposant en complément des cours d'éducation sexuelle adaptés à l'âge et au degré scolaire.

Ces cours d'éducation sexuelle contribuent à protéger les enfants et les jeunes contre les violences sexuelles, les infections sexuellement transmissibles et les grossesses non désirées: c'est dire à la fois leur importance et la nécessité de les assurer selon des principes cohérents.

Contenu de l'initiative L'initiative vise à préciser l'art. 11 Cst. (intitulé « Protection des enfants et des jeunes » et dépendant du chapitre relatif aux droits fondamentaux) de façon à prévoir la possibilité de dispenser, d'une part, un cours de prévention des abus sexuels aux enfants à partir de l'école maternelle mais sans aborder l'éducation sexuelle, d'autre part, un cours facultatif d'éducation sexuelle aux enfants et aux jeunes âgés de neuf ans révolus, enfin, un cours obligatoire destiné à la transmission de savoirs sur la reproduction et le développement humains aux enfants et aux jeunes âgés de douze ans révolus. La participation à un cours d'éducation sexuelle qui dépasserait ce cadre serait facultative. L'initiative entraînerait une interdiction générale de dispenser un cours d'éducation sexuelle obligatoire avant l'âge de la majorité.

Avantages et inconvénients de l'initiative L'initiative a été lancée après que plusieurs médias avaient faussement affirmé que le canton de Bâle-Ville avait l'intention de mettre en place un cours obligatoire d'éducation sexuelle à l'école maternelle et à l'école primaire, au moment où il prévoyait de mettre à la disposition des enseignants des écoles les fameux coffrets d'information dits «sex-box».

Le Conseil fédéral partage les préoccupations des parents qui craignent de voir leurs enfants devoir suivre des cours d'éducation sexuelle qui ne seraient pas adaptés à leur âge. Cependant, ni les autorités chargées de la formation ni les écoles n'ont l'intention de proposer de tels cours dès l'école maternelle, pas plus qu'elles ne visent une quelconque «sexualisation» de cette dernière ou de l'école primaire.

Aussi le Conseil fédéral se prononce-t-il
sans réserve pour le maintien de la pratique actuelle qui permet à l'école de dispenser aux enfants une éducation sexuelle adaptée à leur âge, en complément de l'action éducative des parents. Par ailleurs, nul ne conteste que le cours de prévention des atteintes sexuelles proposé dès l'école maternelle et le cours d'éducation sexuelle assuré à partir de la fin de l'école primaire supposent l'utilisation d'un matériel pédagogique approprié et des relations d'échange et de confiance entre l'école et les parents.

L'initiative populaire est au carrefour d'exigences contradictoires, entre le droit des parents à éduquer leurs enfants, le mandat de formation dévolu au canton, et le bien-être de l'enfant. Or, non seulement elle n'est pas à la hauteur de la complexité

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de ces différents enjeux, mais il y a tout lieu de considérer qu'elle nuirait même à la protection, au bon développement et à l'égalité des chances des enfants et des jeunes.

Si l'initiative est conciliable à certains égards avec les dispositions actuelles, elle entre souvent en conflit avec les cours d'éducation sexuelle ou de prévention des abus sexuels tels qu'ils sont actuellement dispensés. Rappelons que l'éducation sexuelle incombe déjà aujourd'hui en premier lieu au parents, l'école ne venant qu'en complément en proposant des cours destinés à transmettre aux enfants des informations sur la sexualité. Non seulement cette transmission des connaissances relève de la mission de formation dévolue aux cantons et fait ainsi partie de l'«enseignement de base suffisant» auquel ils doivent pourvoir en vertu de la Constitution, mais, considérée sous l'angle de l'égalité des chances, elle est aussi nécessaire que le travail de prévention des abus sexuels qui est effectué dès l'école maternelle.

Si elle est adoptée, l'initiative populaire rendra impossible la transmission d'informations sur la sexualité dans le cadre de l'enseignement obligatoire, permettant par exemple de prévenir les grossesses à l'adolescence ou les maladies sexuellement transmissibles. Elles compliquent ou même empêchent des cours d'éducation sexuelle articulés autour de méthodes pourtant éprouvées, et dispensés par exemple par un spécialiste extérieur à l'établissement (sexopédagogue, médecin, sagefemme, etc.). Elle porte atteinte de manière disproportionnée à l'organisation de l'école en déterminant quels enseignants sont habilités à dispenser les cours d'éducation sexuelle et, par là, empêche par exemple de proposer des cours d'éducation sexuelle séparés pour les jeunes filles et les jeunes garçons (avec l'intervention d'une enseignante pour les premières et d'un enseignant pour les seconds).

Conclusions Le Conseil fédéral ne voit aucune raison qui justifierait d'inscrire dans la Constitution les dispositions prévues par l'initiative. L'art. 11 Cst. garantit d'ores et déjà la protection de l'intégrité des enfants et des jeunes et l'encouragement de leur développement, et les cantons mettent en oeuvre dans le cadre des plans d'études les obligations qui en découlent.

Nul ne conteste ni n'a jamais contesté que l'éducation sexuelle
relève en premier lieu de la responsabilité des parents. Au-delà de cette compétence fondamentale, seule la transmission à partir de l'école maternelle de connaissances et de compétences adaptées à l'âge permet de prévenir efficacement agressions sexuelles, maladies sexuellement transmissibles et grossesses non désirées. Tous les enfants doivent avoir accès à ces enseignements, indépendamment de leur situation familiale. Aussi frapper d'une interdiction générale les cours d'éducation sexuelle obligatoires serait-il contraire aux intérêts de l'enfant.

Le Conseil fédéral est convaincu que l'école transmet les contenus réputés sensibles avec les précautions et le professionnalisme requis, en respectant aussi bien la sphère privée de l'enfant que les préoccupations légitimes des parents, dans une relation partenariale avec ces derniers. D'autre part, elle est d'ores et déjà suffisamment armée pour agir dans les rares cas où elle est confrontée à une situation

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difficile. En conséquence, le Conseil fédéral estime qu'il n'y a pas lieu d'inscrire dans la Constitution de disposition sur l'éducation à la sexualité.

Proposition du Conseil fédéral Dans l'intérêt supérieur du bien-être de l'enfant, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire «Protection contre la sexualisation à l'école maternelle et à l'école primaire», sans lui opposer de contre-projet ni direct ni indirect.

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Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative populaire

1.1

Texte

L'initiative populaire «Protection contre la sexualisation à l'école maternelle et à l'école primaire» a la teneur suivante: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 11, al. 3 à 7 3

L'éducation sexuelle est l'affaire des parents.

Un cours destiné à la prévention des abus sexuels envers les enfants peut être dispensé à partir de l'école maternelle. Ce cours n'aborde pas l'éducation sexuelle.

4

Un cours facultatif d'éducation sexuelle peut être dispensé par le maître de classe aux enfants et aux jeunes âgés de neuf ans révolus.

5

Un cours obligatoire destiné à la transmission de savoirs sur la reproduction et le développement humains peut être dispensé par l'enseignant de biologie aux enfants et aux jeunes âgés de douze ans révolus.

6

Les enfants et les jeunes ne peuvent être contraints de suivre un cours d'éducation sexuelle qui dépasserait ce cadre.

7

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire «Protection contre la sexualisation à l'école maternelle et à l'école primaire» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale2 le 5 juin 2012, et elle a été déposée le 17 décembre 2013 avec le nombre requis de signatures.

Par décision du 30 janvier 2014, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait recueilli 110 040 signatures valables3 et qu'elle avait donc abouti.

L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose de contre-projet ni direct ni indirect. Conformément à l'art. 97, al. 1, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement4 (LParl), le Conseil fédéral a jusqu'au 17 décembre 2014 pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message. Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale a jusqu'au 17 juin 2016 pour adopter la recommandation de vote qu'elle présentera au peuple et aux cantons.

1 2 3 4

RS 101 FF 2012 5397 FF 2014 1453 RS 171.10

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1.3

Validité

L'initiative remplit les critères de validité définis à l'art. 139, al. 3, de la Constitution (Cst.)5: a)

elle obéit au principe de l'unité de la forme, puisqu'elle revêt entièrement la forme d'un projet rédigé;

b)

elle obéit ainsi au principe de l'unité de la matière, puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties;

c)

elle obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international, puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles.

2

Contexte

2.1

Définitions

Pour éviter toute équivoque, le Conseil fédéral rappelle ci-après le sens qu'il donne à trois notions clefs du présent message: ­

L'éducation sexuelle désigne le domaine de l'éducation qui traite du développement des connaissances, des aptitudes, des idées et des valeurs en rapport avec la sexualité et qui a une incidence émotionnelle, physique et psychique sur l'évolution et l'expérience de la sexualité. Les parents sont les premiers responsables de l'éducation sexuelle. D'autres personnes de confiance et domaines de vie jouent néanmoins eux aussi un rôle en matière d'éducation sexuelle. Ainsi, des questions relevant de l'éducation sexuelle (contact corporel, règles au sein des camps, protection contre des agressions) se posent aussi au sein des clubs sportifs et d'autres institutions ou organisations qui proposent des activités de loisirs ou des offres de formation à l'intention des enfants. En outre, les enfants et les jeunes sont confrontés à un plus jeune âge que les générations précédentes à des images et des textes à caractère sexuel.

­

Les cours d'éducation sexuelle font partie du mandat de formation de l'école et prend place, conformément aux objectifs de formation du plan d'études déterminant, dans le cadre formel de l'activité d'enseignement. Ils reposent principalement sur la transmission en milieu scolaire d'informations factuelles et contextuelles (de nature biologique et médicale mais aussi sociale et psychologique) sur les aspects qui concernent la sexualité humaine. Ils complètent l'éducation sexuelle transmise au sein du domicile parental et traitent des aspects relevant de l'éducation sexuelle dans un contexte plus large d'éducation à la vie, en ce qui concerne les valeurs et les normes dans les rapports sociaux en général et, en particulier, en ce qui concerne les rapports entre les sexes. Cet enseignement doit rester neutre.

­

Le cours de prévention désigne les unités d'enseignement, organisées le plus souvent en milieu scolaire, qui entendent prévenir toute évolution néfaste pour la santé. Il contribue à sensibiliser et à développer des compétences sur des questions relevant de la sexualité de manière à permettre aux élèves de

5

688

RS 101

se prémunir contre les agressions sexuelles, contre les maladies sexuellement transmissibles, contre les grossesses non désirées et contre les stigmatisations et les discriminations.

2.2

Situation actuelle

2.2.1

Répartition des compétences

En Suisse, les parents sont les premiers responsables de l'éducation sexuelle de leurs enfants. Sur la base de la mission générale d'éducation dévolue à l'école et pour des raisons d'égalité des chances, un cours d'éducation sexuelle adapté au degré scolaire et proposé vers la fin de l'école primaire ainsi qu'un cours de prévention proposé dès l'école maternelle complètent généralement l'éducation sexuelle donnée par les parents. Les cantons sont responsables de la tenue de ces cours en vertu de la souveraineté cantonale qui leur est reconnue par la Constitution (art. 62 Cst.). La Confédération ne dispose pas de la compétence de légiférer dans le domaine de l'école obligatoire. Elle joue uniquement un rôle indirect de soutien en cofinançant ou en lançant des études et des campagnes qu'elle met à la disposition des écoles, sans toutefois rien pouvoir imposer.

2.2.2

Pratique actuelle dans les écoles suisses

En Suisse, des cours d'éducation sexuelle sont dispensés depuis plusieurs années à l'école primaire et pendant la scolarité ultérieure. Se fondant sur les plans d'études déterminants des cantons et des régions, ces cours tiennent compte du niveau de développement des enfants et des jeunes. Ils commencent le plus souvent vers la fin de la période d'école primaire, se prolongent pendant le degré secondaire I et font partie depuis longtemps de la mission de l'école en tant qu'élément de l'enseignement obligatoire. Le Plan d'études romand (PER)6 déjà entré en vigueur, le futur Lehrplan 21 de Suisse alémanique (LP 21)7 et le plan d'études révisé du Tessin8 ne changent rien à cette pratique.

Sous l'angle des contenus d'enseignement et de l'organisation des cours d'éducation sexuelle, il existe certaines différences entre les régions linguistiques.

­

6 7 8

En Suisse romande, des spécialistes extrascolaires (éducatrices/éducateurs, formatrices/formateurs en santé sexuelle et reproductive, ARTANES) dispensent sous forme de cours-blocs des cours de prévention contre les abus sexuels dès l'école maternelle et d'éducation sexuelle à partir de la seconde moitié de l'école primaire. En outre, des connaissances sur la reproduction humaine sont transmises dans le cadre du cours de biologie. Cette forme d'enseignement de l'éducation sexuelle s'est développée sur plus d'une vingtaine d'années. La collaboration entre les spécialistes extérieurs à l'école et les enseignants est clairement définie et repose sur un respect muConsultable en ligne à l'adresse www.plandetudes.ch Le Lehrplan 21 est en cours d'élaboration depuis l'automne 2010 et sera transmis en mars 2015 aux cantons en vue de son introduction.

A propos du «nuovo piano di studio della scuola dell'obligo» voir www.ti.ch > DECS > harmoS > gruppi di lavoro > revisione dei piani di studio.

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tuel. Les parents sont informés systématiquement et à intervalles réguliers; ils peuvent choisir de dispenser leurs enfants de suivre les cours donnés par les spécialistes extrascolaires, mais pas le cours de biologie. Il est tenu compte de cette pratique dans le plan d'études régional actuellement en vigueur. Un indice important du bon fonctionnement de la collaboration avec les parents est fourni par la prise de position de la Fédération des Associations des Parents d'Elèves de la Suisse Romande et du Tessin à propos du cours d'éducation sexuelle dispensé à l'école obligatoire9. La Fédération s'y prononce clairement en faveur d'un enseignement de l'éducation sexuelle adapté à l'âge et dispensé par des spécialistes extrascolaires, donc précisément en faveur de la pratique actuelle, en invoquant l'importance centrale de la mission de prévention que doit remplir l'école.

­

En Suisse alémanique, chaque canton dispose encore aujourd'hui de son propre plan d'études, qui repose sur la loi sur l'instruction publique dont il s'est doté. Tous les plans d'études cantonaux contiennent dans une mesure plus ou moins grande des dispositions relatives aux cours d'éducation sexuelle. En Suisse alémanique, celle-ci ne constitue pas une matière en soi, et les aspects qui la touchent sont intégrés à un domaine d'études plus large (par ex. au domaine «Nature, homme, société» [NMG]). Ils y sont abordés sous l'angle biologique mais aussi dans un cadre plus large d'éducation à la vie. Si l'enseignement est généralement assuré par l'enseignant du domaine d'études concerné, il arrive aussi que soient sollicités des spécialistes extrascolaires. Les demandes de dispense sont traitées différemment selon les cantons. Les problèmes avec les parents au sujet du cours d'éducation sexuelle sont très rares et ils peuvent généralement être résolus dans le cadre du dialogue direct qu'entretiennent parents et enseignants. C'est du reste précisément la raison pour laquelle les directives et autres études consacrées à l'éducation sexuelle soulignent l'importance déterminante que revêtent ces échanges.

L'éducation sexuelle ne deviendra pas non plus une matière à part avec l'arrivée prévue du LP 21. Celui-ci entend développer au cours du premier cycle10 les compétences orientées vers la prévention qui ne sont pas liées au sens strict à un contenu d'éducation sexuelle. Les passages concernés se trouvent sous le domaine de compétences «Identität, Körper, Gesundheit ­ sich kennen und sich Sorge tragen». Comme cela est déjà prévu par le PER romand, les élèves doivent pouvoir citer «les attouchements désagréables ou non désirés» et s'en prémunir (par ex. en sachant dire non ou en allant chercher de l'aide) (NMG 1.2.c). Le résultat de la consultation11 permet de penser que le traitement réservé à l'éducation sexuelle par le LP 21 a permis de dégager sur cette question un consensus entre les cantons alémaniques, puisqu'une majorité importante s'est abstenue à cet égard de tout commentaire.

9 10 11

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«Position de la FAPERT ­ Enseignement de l'éducation sexuelle à l'école obligatoire», 17.05.2014; www.fapert.ch > Publications > Prises-de-position.

Le 1er cycle comprend l'école maternelle ou le cycle élémentaire ainsi que la 1re et la 2e classe, autrement dit les enfants âgés de 4 à 8 ans.

Evaluation de la consultation du 27.3.2014 relative au Lehrplan 21 disponible en ligne sous www.lehrplan 21 > Auswertunsbericht.

­

Au Tessin, une approche mixte est appliquée depuis les années 1970: l'éducation sexuelle à l'école est assurée par les enseignants avec la collaboration de spécialistes extrascolaires. L'éducation sexuelle se fait dans le cadre de projets interdisciplinaires, d'activités éducatives quotidiennes ou en réponse à des questions des élèves. L'école complète l'action éducative de la famille ­ une famille avec laquelle elle s'attache à établir un dialogue.

Quand une école prévoit de mettre en oeuvre un projet spécifique d'éducation sexuelle, les parents en sont systématiquement informés, aucune dispense n'étant d'ailleurs prévue. Pour la prévention des abus, les écoles ont accès à des programmes qui sont organisés par des acteurs extérieurs à l'école. L'éducation sexuelle ne constitue donc pas une branche spécifique, pas plus qu'elle ne s'inscrit dans un domaine d'études plus large, sauf en 9e classe (HarmoS) où elle est rattachée aux sciences naturelles. Ainsi, tous les enseignants sont impliqués dans l'éducation sexuelle des enfants.

2.2.3

Objectifs de prévention nationaux

Dans le cadre de la prévention des violences sexuelles, des campagnes et des actions de sensibilisation sont proposées aux écoles dès l'école maternelle et sont utilisées et mises en oeuvre dans les régions linguistiques de façon similaire. Les programmes scolaires de prévention des violences sexuelles ont pour objectif d'améliorer les connaissances et les aptitudes à se défendre de l'enfant de manière à lui permettre à la fois d'éviter les situations de danger potentiel et de mieux se protéger lorsqu'il y est malgré tout confronté. A cet effet, les écoles s'appuient sur les plans d'études cantonaux ou régionaux.

Pour que la victime puisse surmonter le traumatisme psychique dû à une atteinte sexuelle, il est fondamental qu'elle ne s'impute pas à elle-même la faute de ce qui lui est arrivé. Aussi faut-il absolument faire comprendre aux enfants, dans le cadre du cours de prévention, qu'ils ne sont jamais coupables lorsque certaines limites ont été franchies contre leur gré.

Dans une perspective de protection contre les maladies sexuellement transmissibles et contre les grossesses non désirées, l'école obligatoire s'est donné pour objectif de faire en sorte que tous les jeunes connaissent les principaux aspects de la sexualité humaine. Cet objectif ne peut être atteint partout qu'à la condition que l'éducation sexuelle fasse partie de l'enseignement scolaire ordinaire.

2.3

Genèse de l'initiative

2.3.1

Auteurs et éléments déclencheurs

Les auteurs de cette initiative sont en majorité des parents bâlois qui se sont regroupés en un «comité de parents» ainsi que d'anciens ou d'actuels parlementaires issus pour la plupart de l'UDC, du PDC et du PEV. Un comité interpartis s'est chargé de déposer l'initiative populaire12.

12

Comités interpartis «Protection contre la sexualisation à l'école maternelle et à l'école primaire», Case postale 90, 4011 Bâle: http://schutzinitiative.ch

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Cette initiative a été déclenchée au printemps 2011 après que divers médias ont rapporté que le canton de Bâle-Ville avait l'intention d'introduire un cours obligatoire d'éducation sexuelle à l'école maternelle et à l'école primaire. Cette affirmation était fausse et a été officiellement démentie par le Département de l'instruction publique du canton de Bâle-Ville13. Simultanément, le coffret éducatif dénommé «sex-box» destiné à être mis à la disposition des enseignants bâlois, et qui a essuyé les critiques de parents inquiets, faisait parler de lui dans le pays tout entier.

Les coffrets contenant du matériel de présentation, des livres et d'autres supports avaient initialement été appelés «sex-box», mais la Cour d'appel («Appellationsgericht») de Bâle-Ville a jugé depuis que cette désignation «sex-box» n'était pas convenable s'agissant d'un outil pédagogique destiné aux enfants, même s'il a rejeté la plainte des parents. La dénomination utilisée par le canton de Bâle-Ville est aujourd'hui «matériel de cours pour l'éducation sexuelle» («Unterrichtsmaterialien für die Sexualerziehung»). Dans ce canton, il n'est dispensé de cours systématique d'éducation sexuelle ni à l'école maternelle ni à l'école primaire, et la sexualité n'est abordée qu'en réponse à des questions ou des actes spontanés venant des enfants, et sans que soit jamais perdu de vue que dans cette tranche d'âge l'éducation sexuelle est d'abord l'affaire des parents. Non seulement le tribunal a considéré à cet égard qu'un enseignement réactif de ce type devait rester possible, mais il a écarté le reproche selon lequel les contenus transmis étaient de nature scabreuse.

Le comité de parents qui a lancé l'initiative a centré sa critique sur le matériel prévu pour les écoles maternelles et les écoles primaires, qui comprenait des livres, un puzzle du corps humain en bois, deux poupées ainsi que des idées de cours pour le personnel enseignant ­ étant entendu qu'il ne s'agit là que d'un élément parmi d'autres du concept général du canton de Bâle-Ville. Par ailleurs, alors que BâleVille a défini de manière exhaustive les principes auxquels devrait obéir la mise en place de cours d'éducation sexuelle en précisant les rôles des divers acteurs impliqués, on constate qu'il n'est nullement question de cours d'éducation sexuelle qui seraient
obligatoires à partir de l'école maternelle14. On notera également que si du matériel comparable, parfois même identique, est également utilisé dans d'autres cantons, le débat est néanmoins resté circonscrit aux projets didactiques réels ou supposés du canton de Bâle-Ville.

Le «Programme national VIH et autres infections sexuellement transmissibles 2011­ 2017» de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP)15 que le Conseil fédéral a adopté le 24 novembre 2010 indique: «La connaissance des droits en matière de sexualité débute au sein de la famille, se poursuit à l'école et sert de fondement à la promotion de la santé sexuelle»16. Les auteurs de l'initiative reprochent à l'OFSP d'exiger dans le cadre de ce programme que soit prévu dans les plans d'études de l'école obligatoire la mise en place d'un cours d'éducation sexuelle qui serait dispensé dès l'école maternelle.

13

14 15 16

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Prise de position ainsi que questions et réponses du Département de l'instruction publique du canton de Bâle-Ville, voir: www.ed-bs.ch > Bildung > Volksschulen > Sexualerziehung an den Schulen.

Voir guide sous www.medienmitteilung.bs.ch Voir www.bag.admin.ch/aids > Informations destinées au grand public > Nouvelle stratégie nationale.

Voir communiqué de presse www.bag.admin.ch > Documentation > Archives > 2010 > 01.12.2010.

Dans le même ordre d'idées, le comité d'initiative a critiqué aussi le Centre de compétences «Education sexuelle à l'école» de l'ancienne Haute école pédagogique de Suisse centrale (PHZ), lequel n'existe plus depuis, et plus particulièrement un document de travail dont la publication remonte à 2008. Ce Centre de compétences, qui s'était vu allouer une contribution fédérale de 300 000 francs par an à titre de subvention de départ avec échéance fixée à la fin du premier semestre 2013 en raison de la compétence cantonale en matière d'instruction publique17, qui avait pour mission principale d'étudier et de soutenir la mise en oeuvre dans les écoles de cours d'éducation sexuelle adaptés au degré scolaire18. Le document de travail de 2008, qui recense l'état le plus récent de la recherche, est jugé utile par les experts et a valeur de recommandation. Pour ce qui est de l'usage qui est fait de ces travaux, la décision relève de la compétence des cantons.

2.3.2

Deux essais pour l'initiative populaire

C'est la seconde fois que l'initiative populaire «Protection contre la sexualisation à l'école maternelle et à l'école primaire» est déposée. Peu après le lancement de la première collecte de signatures, il a été révélé en effet qu'un membre du comité en charge de l'initiative avait été condamné pour agression sexuelle sur un enfant, ce qui l'a amené, ainsi qu'une autre personne faisant également partie du comité d'initiative, à démissionner. Comme il est interdit de modifier non seulement le texte d'une initiative mais aussi la composition du comité d'initiative, les auteurs ont préféré déposer l'initiative avec une seule signature de façon à hâter son échec et à pouvoir en lancer une seconde avec cette fois un comité différent.

3

Buts et contenu

3.1

Buts visés

L'initiative populaire «Protection contre la sexualisation à l'école maternelle et à l'école primaire» vise à mettre l'éducation sexuelle sous la responsabilité exclusive des parents. Elle autorise la tenue d'un cours de prévention des abus sexuels sur enfants à partir de l'école maternelle mais interdit tout contenu relevant de l'éducation sexuelle. Le cours d'éducation sexuelle doit être facultatif et ne pourra être dispensé aux enfants qui ne sont pas âgés de neuf ans révolus au moins. Un cours obligatoire destiné à la transmission de savoirs sur la reproduction et le développement humains sera autorisé si les enfants sont âgés de 12 ans révolus au moins et à condition que ce cours soit dispensé par un professeur de biologie. La participation à un cours d'éducation sexuelle qui dépasserait ce cadre doit être facultative.

17 18

Le Centre de compétences pour l'éducation sexuelle à l'école à la Haute école pédagogique de Lucerne a été fermé le 30 juin 2013 faute de financement.

Ainsi en soutenant au besoin certains processus dans les écoles, par ex. sous la forme de conseils, en élaborant des outils pédagogiques ou encore en mettant des contenus de formation continue à la disposition des enseignants.

693

3.2

Dispositif proposé

Présentée sous la forme d'un projet rédigé, l'initiative vise à compléter l'art. 11, Cst.

par quatre alinéas, soit les al. 3 à 7 (voir ch. 1.1), qui prévoient des restrictions à l'organisation de cours d'éducation sexuelle à l'école maternelle et à l'école primaire. Inséré dans le chapitre consacré aux droits fondamentaux, l'art. 11 régit de manière générale la protection, l'encouragement du développement et les droits des enfants et des jeunes. Au travers de la modification de cet article, l'initiative établirait une limitation de la compétence des cantons pour ce qui est de l'éducation sexuelle à l'école.

3.3

Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

3.3.1

Principes d'interprétation des normes constitutionnelles

3.3.2

Méthode

L'interprétation de la Constitution ­ comme aussi du reste celle des lois ou des ordonnances ­ s'appuie en premier lieu sur la teneur de la norme (interprétation grammaticale). Lorsque le texte est insuffisamment clair par lui-même, il convient d'en déterminer le sens et la portée en considérant d'autres éléments d'interprétation tels que la genèse de la norme (interprétation historique) ou sa finalité (interprétation téléologique). Il importe également de tenir compte du sens qu'elle acquiert dès lors qu'elle est placée dans le contexte d'autres dispositions (interprétation systématique). Quel que soit le niveau de la norme concernée, aucune méthode ne saurait être privilégiée, encore moins appliquée à l'exclusivité de toute autre: il importe au contraire de déterminer, dans chaque cas, laquelle ou lesquelles sont le mieux à même de cerner le sens véritable de la norme à interpréter (on parle parfois de «pluralisme des méthodes»)19. La volonté des auteurs d'une initiative créatrice d'une nouvelle norme constitutionnelle ne constitue pas à cet égard un élément déterminant, même si elle peut être prise en considération dans le cadre de l'interprétation historique20.

Tant que le constituant n'attribue pas lui-même explicitement la priorité à telle ou telle norme21, le principe de l'égalité des normes constitutionnelles prévaut par ailleurs22. Aussi les principes développés pour l'interprétation législative, selon lesquels la loi postérieure prime sur la loi antérieure et les dispositions spéciales l'emportent sur la loi générale, ne sauraient être appliqués de manière automatique à l'interprétation constitutionnelle23.

19 20 21 22

23

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Häfelin Ulrich/Haller Walter/Keller Helen, 2012, n°130.

Rapport du Conseil fédéral du 5 mars 2010 sur la relation entre droit international et droit interne (FF 2010 2067), ch. 8.7.1.2.

Voir Biaggini Giovanni, Über die Auslegung der Bundesverfassung und ihr Verhältnis zur EMRK, dans: ZBI 6/2013, p. 322 s.

Tschannen Pierre, Staatsrecht der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 3e édition, Berne: Stämpfli 2011, § 4 n°13, § 9 no 5; Müller Jörg Paul, Wie wird sich das Bundesgericht mit dem Minarettverbot auseinandersetzen?, dans: Jusletter 01.03 2010 n°7; voir également ATF 105 Ia 330 consid. 3c; ATF 139 I 16 consid. 4.2.1.

Tschannen Pierre, 2011, § 4 n°16.

Enfin, dans le contexte qui nous occupe, il y a également lieu prendre en compte, en plus des méthodes d'interprétation générales, l'interprétation harmonisante (ou «mise en concordance pratique»)24, qui fait obligation au législateur d'intégrer dans sa réflexion tous les objectifs constitutionnels concernés par la problématique, en vue de parvenir autant que possible à une interprétation qui ne risque pas d'entraîner des conflits de normes à l'intérieur de la Constitution25.

3.3.3

Extension de l'art. 11 Cst.

Inséré dans le chapitre consacré aux droits fondamentaux, l'art. 11 Cst. actuel transpose à l'échelon constitutionnel les dispositions internationales qui régissent la protection du bien-être de l'enfant, en particulier la Convention relative aux droits de l'enfant26. Il comprend deux alinéas: l'al. 1 dispose que les enfants et les jeunes ont droit à une protection particulière de leur intégrité et à l'encouragement de leur développement. L'al. 2 leur reconnaît le droit d'exercer eux-mêmes leurs droits dans la mesure où ils sont capables de discernement. L'initiative vise à compléter cet article par cinq alinéas supplémentaires, soit les alinéas 3 à 7 (voir ch. 1.1).

Ces nouveaux alinéas visent à orienter le contenu de l'enseignement, notamment à l'école maternelle et à l'école obligatoire. Or, cette extension de l'art. 11 se heurterait au principe de la souveraineté cantonale en matière d'instruction publique qui est inscrit à l'art. 62 Cst., ce qui imposerait d'établir un équilibre entre les deux normes concernées.

La compétence réglementaire en matière d'école obligatoire et d'école maternelle revient intégralement aux cantons et aux communes: l'art. 62, al. 1, Cst. dispose que les cantons sont responsables de l'instruction publique et qu'il doivent pourvoir à un enseignement de base suffisant ouvert à tous les enfants et jeunes résidant en Suisse.

La Constitution fait en outre obligation à la Confédération et aux cantons de tenir compte des besoins de développement et de protection propres aux enfants et aux jeunes (art. 67, al. 1, Cst.).

Le terme juridiquement flou d'« enseignement de base suffisant » laisse aux cantons une liberté considérable dans la définition de cet enseignement. Il leur incombe d'en arrêter les objectifs, les méthodes, la structure et les contenus et de les adapter selon l'évolution des besoins économiques, culturels et sociétaux, dans le cadre des prescriptions «programmatiques» du droit international et de la Constitution. Les alinéas proposés doivent être considérés comme précisant la souveraineté cantonale et, partant, comme étant aussi prioritaires par rapport au principe général de base.

Selon la jurisprudence du tribunal fédéral relative à l'art. 19 Cst., l'école obligatoire doit préparer chacun de manière appropriée à mener une vie responsable dans le monde
d'aujourd'hui. Or, ce principe garanti par la Constitution serait violé si la formation était limitée dans une mesure telle que l'égalité des chances (art. 2, al. 3, 24

25 26

Rhinow René/Schefer Markus, Schweizerisches Verfassungsrecht, 2e édition, Bâle: Helbing/Lichtenhahn 2009, no 524, 529; Hangartner lvo, Unklarheiten bei Volksinitiativen. Bemerkungen aus Anlass des neuen Art. 121 Abs. 3­6 BV (Ausschaffungsinitiative), dans: PJA 2011, p. 473.

Sur la question des limites de l'interprétation harmonisante, cf. Giovanni Biaggini, 2013, p. 321.

Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant, RS 0.107.

695

Cst.) ne serait plus garantie ou si de cette formation étaient absents des contenus considérés comme indispensables à la transmission des normes et des valeurs en vigueur dans la société concernée.27

3.3.4

Les dispositions prévues par l'initiative populaire

Comme il a été dit plus haut, l'initiative ne conférera pas à la Confédération de compétence immédiate de réglementer le contenu ou l'organisation des cours d'éducation sexuelle à l'école obligatoire. La mise en oeuvre concrète relèvera en effet de la responsabilité des cantons, et la Confédération ne donnera pas de directive en la matière. L'interprétation des dispositions de l'initiative qui suit vise à identifier d'éventuels contradictions ou difficultés de mise en oeuvre.

Art. 11 al. 3 3

L'éducation sexuelle est l'affaire des parents.

L'art. 11, al 3, réaffirme le droit et la doctrine actuels. Les parents sont en effet déjà les premiers responsables de l'éducation sexuelle des enfants et des jeunes, puisque le code civil (CC)28, conformément au mandat constitutionnel, confère aux parents la responsabilité principale de protéger et d'éduquer l'enfant et les invite à lui donner une formation générale et professionnelle appropriée, correspondant autant que possible à ses goûts et à ses aptitudes. Cependant, à la différence de ce qu'exige l'initiative, il est prévu que les parents collaborent à cet effet avec l'école de façon appropriée (art. 302 CC).

Le mandat public de formation se heurterait donc au droit d'éducation exclusif des parents. Dans ce cas concret, il revient à l'école d'assister ceux-ci dans l'éducation sexuelle des enfants et des jeunes dans le cadre d'un cours d'éducation sexuelle adapté à l'âge et au degré scolaire et de fournir dès l'école maternelle et dans le cadre de l'enseignement dispensé une contribution efficace à la prévention des agressions sexuelles.

Art. 11 al. 4 Un cours destiné à la prévention des abus sexuels envers les enfants peut être dispensé à partir de l'école maternelle. Ce cours n'aborde pas l'éducation sexuelle.

4

L'al. 4 concède la possibilité de dispenser un cours destiné à la prévention des abus sexuels envers les enfants, sans toutefois que soit abordée l'éducation sexuelle. Il reconnait par conséquent l'importance capitale d'une sensibilisation dès l'école maternelle.

27 28

696

Voir entre autres Ehrenzeller, B., Schott, M. (2008). St. Galler Kommentar relatif à l'art. 62 Cst.

RS 210

Si par «éducation sexuelle» on entend la transmission de savoirs tels que la dénomination des parties génitales, les différences physiologiques entre hommes et femmes, etc. ­ ce que l'on peut supposer au vu de la formulation de l'al. 6 ­, alors cette disposition remet en question des outils de prévention déjà en place. Il faudrait ainsi mettre fin à certaines campagnes de prévention menées dans les premières années de l'école primaire ou même à l'école maternelle, comme par exemple «mon corps m'appartient»29. Le Conseil fédéral et les autorités cantonales chargées de la formation estiment cependant que le simple fait de nommer les parties du corps à l'école maternelle ne saurait être assimilé à un cours d'éducation sexuelle.

Il faut admettre qu'il ne peut y avoir d'apprentissage durable en matière de prévention des abus sexuels s'il n'y a pas transmission de connaissances et de compétences concernant certains aspects fondamentaux de la sexualité. Plus précisément, le Conseil fédéral ne voit pas comment il serait possible de mener dans ce domaine une action éducative efficace sans dispenser une éducation sexuelle au moins rudimentaire, notamment sans nommer les parties génitales.

Art. 11 al. 5 Un cours facultatif d'éducation sexuelle peut être dispensé par le maître de classe aux enfants et aux jeunes âgés de neuf ans révolus.

5

Cette disposition prévoit qu'il est possible de dispenser un cours d'éducation sexuelle aux enfants et aux jeunes âgés de neuf ans révolus, mais que ce n'est pas obligatoire. Ce cours doit impérativement être dispensé par le maître de classe et rester facultatif pour les enfants. En ce qui concerne la terminologie utilisée dans l'initiative, il est difficile de cerner clairement le sens que ses auteurs donnent au terme «cours d'éducation sexuelle» et en quoi celui-ci se distingue des autres termes employés, comme «éducation sexuelle» (al. 1 et 2) ou «cours d'éducation sexuelle qui dépasserait ce cadre» (al. 7). Se fondant sur ce qui a été dit plus haut, le Conseil fédéral suppose que le «cours d'éducation sexuelle» visé à l'al. 5 correspond à la définition donnée au ch. 2.1.

Il faut également éclairer la formule «aux enfants et aux jeunes âgés de neuf ans révolus»: En supposant que les auteurs considèrent que l'âge de neuf ans révolus correspond à la fin de la troisième classe à l'école primaire, le cours d'éducation sexuelle pourrait avoir lieu dès la quatrième année. Dans la pratique actuelle, le cours d'éducation sexuelle commence vers la fin de l'école primaire, soit à la 5e ou la 6e année30. Au début de la 5e année de l'école primaire, les élèves ont en principe au moins dix ans. Le moment où débute le cours d'éducation sexuelle a été choisi de telle façon à ce que les jeunes filles soient informées de manière appropriée avant la survenue des premières règles des changements physiologiques qui les attendent.

Il apparaît donc que la tranche d'âge choisie par les auteurs de l'initiative n'est pas en contradiction avec la pratique actuelle en matière d'éducation sexuelle à l'école.

Le seuil prévu de neuf ans révolus pose toutefois un problème, dans la mesure où les 29

30

Concernant le projet «Mon corps est à moi!», qui a été développé par la Fondation suisse pour la protection de l'enfant et qui est transféré aux cantons depuis 2013 (au moins 13 cantons l'ont déjà adopté), voir: http://kinderschutz.ch Le mode de calcul selon le concordat HarmoS n'est pas employé dans ce message.

697

élèves de cet âge peuvent se trouver dans des classes de degré différent. Pour dispenser dès cet âge un cours d'éducation sexuelle facultatif, il faudrait donc séparer les classes, ce qui placerait les écoles devant des problèmes d'organisation quasi insurmontables.

En ce qui concerne le caractère facultatif voulu pour ce cours ainsi que la disposition imposant que le cours d'éducation sexuelle soit donné par le maître de classe, il y lieu d'attirer l'attention sur la problématique suivante: Concernant le caractère facultatif: comme il a été dit précédemment, l'éducation sexuelle ne fait pas l'objet d'une matière spécifique, ses différents aspects étant traités dans le cadre de domaines d'études plus larges. Si certains élèves étaient dispensés de suivre le cours d'éducation sexuelle, l'école serait obligée de séparer le cours d'éducation sexuelle des enseignements d'éducation à la vie. Non seulement cela empêcherait une mise en oeuvre rationnelle des plans d'études pour l'enseignement de l'éducation sexuelle tel qu'il a lieu en Suisse alémanique, mais cela signifierait aussi que les conceptions morales des parents en matière de sexualité seraient placées au-dessus des recommandations émises par les professionnels en matière de promotion de la santé et de prévention. Ainsi, s'il devait effectivement être mis en place un cours d'éducation sexuelle facultatif, il ne serait plus possible de garantir en Suisse alémanique que tous les jeunes soient informés des principaux aspects de la sexualité humaine au début de la puberté, ce qui contreviendrait à la fois à l'obligation d'assurer un «enseignement de base suffisant» et à l'obligation d'assurer l'«égalité des chances». En Suisse romande et au Tessin, où la prévention des abus sexuels et l'éducation sexuelle font l'objet de cours dispensés sous forme de cours-blocs par des intervenants extrascolaires dès l'école maternelle et vers la fin de l'école primaire respectivement, des dispenses sont possibles et prévues. En revanche, il n'est pas possible de dispenser un élève de suivre le cours de biologie, qui aborde notamment la question de la reproduction humaine.

Concernant l'obligation de confier le cours au maître de classe: en prévoyant que le cours d'éducation sexuelle doit être dispensé uniquement par le maître de classe, l'initiative oblige tout
maître de classe à enseigner les contenus concernés. Non seulement il ne serait plus possible de recourir à des intervenants extrascolaires, mais il ne serait plus possible non plus d'organiser des cours séparés pour les garçons et pour les filles, avec l'intervention d'un homme pour les premiers et d'une femme pour les secondes. Au-delà de l'empiétement considérable sur l'organisation scolaire qu'elle constituerait, elle signerait l'arrêt de mort de modèles pourtant éprouvés axés sur l'intervention de spécialistes extérieurs à l'établissement (une pratique bien établie depuis de nombreuses années en Suisse romande et dans plusieurs cantons de Suisse alémanique).

Notons également que la portée juridique des dispositions de l'initiative n'est pas limitée à la seule école obligatoire, et que les contraintes qui découlent de l'al. 5 valent donc aussi pour tous les jeunes jusqu'à dix-huit ans révolus qui fréquentent une école professionnelle ou une école de culture générale du degré secondaire II.

698

Art. 11 al. 6 Un cours obligatoire destiné à la transmission de savoirs sur la reproduction et le développement humains peut être dispensé par l'enseignant de biologie aux enfants et aux jeunes âgés de douze ans révolus.

6

L'al. 6 permet de dispenser un cours obligatoire destiné à la transmission de savoirs sur la reproduction et le développement humains aux élèves âgés de douze ans au moins dans le cadre de l'enseignement de la biologie. Si l'on s'en tient à la lettre de cette disposition, ce cours pourrait aussi être dispensé dans le cadre d'un autre cours pour autant que ce soit par un professeur de biologie. Un responsable de classe, s'il n'est pas enseignant en biologie, ne peut donc pas dispenser un cours obligatoire destiné à la transmission de savoirs sur la reproduction et le développement humains à partir de l'âge de 12 ans, alors qu'il peut assurer un cours d'éducation sexuelle facultatif.

Si l'on admet que cette disposition limite l'enseignement de ce qui touche à la sexualité aux seuls aspects biologiques, elle aurait dans tous les cas des conséquences majeures sur les plans d'études en Suisse. Il ne serait plus possible de faire le lien avec les questions d'éducation à la vie d'autres domaines d'études, notamment «Ethique, religions, communautés».

Il s'agira de préciser la différence entre les termes «savoirs sur la reproduction et le développement humains» et «éducation sexuelle». Le premier, notamment, devra absolument être explicité, afin par exemple de déterminer si les méthodes de contraception ou la prévention du VIH ou d'autres maladies sexuellement transmissibles font partie ou non des savoirs concernés.

Il faudra aussi déterminer quelle classe est fréquentée par les élèves âgés de douze ans révolus. En général, il s'agira d'élèves du secondaire I. Mais là non plus, il n'est pas possible de savoir précisément de quelle classe il s'agit, puisque de nombreuses classes comptent des élèves avec des différences d'âge pouvant aller jusqu'à trois ans.

Il faut en outre tenir compte de ce que le développement physiologique des élèves de douze ans révolus est très variable. La réglementation proposée pourrait avoir pour conséquence que pourraient être confrontés en dehors du cadre familial aux aspects touchant la reproduction et le développement humains des élèves de 12 ans qui ont pourtant déjà atteint la puberté.

Au cas où un cours facultatif serait proposé, la combinaison des al. 5 et 6 pourrait conduire à ce que des aspects qu'il n'est pas permis d'aborder dans le cadre de l'enseignement obligatoire
conformément à l'al. 6 aient pourtant déjà été traités dans le cadre du cours facultatif visé à l'al. 5.

Enfin, la portée juridique de l'al. 6 n'est pas limitée elle non plus à l'école obligatoire, et les contraintes qui découlent de cet alinéa valent donc aussi pour tous les jeunes jusqu'à dix-huit ans révolus qui fréquentent une école professionnelle ou une école de culture générale du degré secondaire II.

699

Art. 11 al. 7 Les enfants et les jeunes ne peuvent être contraints de suivre un cours d'éducation sexuelle qui dépasserait ce cadre.

7

L'al. 7 souligne le caractère facultatif déjà visé à l'al. 5. Comme cet alinéa suit directement un al. 6 consacré à la transmission de savoirs sur la reproduction et le développement humains, il doit logiquement être interprété à la lumière de ce dernier. Suivre un cours qui irait au-delà de la transmission de savoirs sur la reproduction et le développement humains, serait donc facultatif. Les considérations relatives à l'al. 5 (cours facultatif d'éducation sexuelle) s'appliquent ici par analogie.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Conformité aux principes et valeurs de la Suisse

L'initiative populaire vise à empêcher un enseignement obligatoire de l'éducation sexuelle qui serait dispensé à partir de l'école maternelle. L'initiative a été lancée après que certains médias avaient affirmé qu'il pourrait être mis en place un cours d'éducation sexuelle obligatoire à l'école maternelle et à l'école primaire, au moment où étaient mis à la disposition des enseignants bâlois des coffrets d'information dits «sex-box».

Le Conseil fédéral et les autorités cantonales partagent les préoccupations des parents qui craignent de voir leurs enfants devoir suivre des cours d'éducation sexuelle qui ne seraient pas adaptés à leur âge. Cependant, ni les autorités chargées de la formation ni les écoles n'ont l'intention de proposer de tels cours dès l'école maternelle, pas plus qu'elles ne visent une quelconque «sexualisation» de cette dernière ou de l'école primaire. D'autre part, il faut rappeler combien il est important de dispenser aux enfants un cours d'éducation sexuelle adapté à leur âge et à leur degré scolaire en vue de les protéger contre les violences sexuelles, les maladies sexuellement transmissibles et les grossesses non désirées. Frapper d'une interdiction générale les cours d'éducation sexuelle obligatoires serait tout simplement contraire aux intérêts de l'enfant. Aussi le Conseil fédéral se prononce-t-il sans réserve pour le maintien de la pratique actuelle qui permet à l'école de dispenser aux enfants une éducation sexuelle adaptée à leur âge, en complément de l'action éducative des parents. Par ailleurs, nul ne conteste que le cours de prévention des atteintes sexuelles proposé dès l'école maternelle et le cours d'éducation sexuelle assuré à partir de la fin de l'école primaire supposent l'utilisation d'un matériel pédagogique approprié et des relations de confiance entre l'école et les parents. Les cantons sont tout aussi conscients de ces réalités.

L'initiative populaire est au carrefour d'exigences contradictoires, entre le droit des parents à éduquer leurs enfants, le mandat de formation dévolu au canton, et le bien-

700

être de l'enfant31. Or, non seulement elle n'est pas à la hauteur de la complexité de ces différents enjeux, mais il y a tout lieu de considérer qu'elle nuirait même à la protection, au bon développement et à l'égalité des chances des enfants et des jeunes, à quoi s'ajoute qu'elle porterait un rude coup à la structure fédéraliste du système suisse de formation.

Si l'initiative est conciliable à certains égards avec les dispositions actuelles, elle entre souvent en conflit avec les cours d'éducation sexuelle ou de prévention des abus sexuels tels qu'ils sont actuellement dispensés. Rappelons que l'éducation sexuelle incombe déjà aujourd'hui en premier lieu aux parents, l'école ne venant qu'en complément en proposant des cours destinés à transmettre aux enfants des informations sur la sexualité. Non seulement cette transmission des connaissances relève de la mission de formation dévolue aux cantons et fait ainsi partie de l'«enseignement de base suffisant» auquel ils doivent pourvoir en vertu des art. 19 et 62 Cst., mais, considérée sous l'angle de l'égalité des chances, elle est aussi nécessaire que le travail de prévention des abus sexuels qui est effectué dès l'école maternelle.

4.2

Conséquences en cas d'acceptation

4.2.1

Conséquences nulles sur le pouvoir normatif de la Confédération

L'art. 3 Cst. règle de manière générale la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons en affirmant que les cantons exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération (compétence originaire des cantons). L'art. 42, al. 1, Cst. confirme ce principe en précisant que la Confédération accomplit les tâches que lui attribue la Constitution. La Confédération ne peut intervenir que dans les domaines où elle est compétente en vertu de la Constitution. Toutes les compétences qui ne sont pas dévolues à la Confédération restent de la responsabilité des cantons. Selon l'art. 43 Cst., ceux-ci définissent les tâches qu'ils accomplissent dans le cadre de leurs compétences, mais la portée de ce principe n'est pas infinie: les compétences des cantons sont limitées dans la mesure où dans certains domaines pourtant a priori de leur ressort la Constitution leur délègue des tâches particulières ou leur prescrit comment remplir une tâche qui leur incombe.

L'art. 11 Cst. que l'initiative populaire entend préciser fait partie du chapitre consacré aux droits fondamentaux. L'art. 35, al. 2, Cst. affirme à cet égard que quiconque assume une tâche de l'Etat est tenu de respecter les droits fondamentaux et de contribuer à leur réalisation32. Les droits fondamentaux ne sauraient toutefois créer par eux-mêmes de compétences nouvelles: la Confédération et les cantons doivent simplement s'attacher à les respecter dans leurs domaines de compétences respectifs.

Or, la compétence en matière d'enseignement scolaire obligatoire incombe aux 31

32

Ehrenzeller, B. (2014): Das Elternrecht auf religiöse Erziehung der Kinder im Spannungsfeld von staatlichem Bildungsauftrag und Kindeswohl am Beispiel des Sexualkundeunterrichtes. Dans: Liechtenstein-Institut (Hg.): Beiträge zum liechtensteinischen Recht aus nationaler und internationaler Perspektive. Festschrift zum 70. Geburtstag von Herbert Wille. Schaan: Verlag der Liechtensteinischen Akademischen Gesellschaft (Liechtenstein Politische Schriften, Bd. 54), p. 201­221.

Message du 20 novembre 1986 relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 1, ici 194

701

cantons: il n'y a donc pas lieu de conférer à la Confédération une compétence qui lui permettrait ou même l'obligerait à traduire l'initiative dans la réalité. Il revient au contraire tout entier aux cantons de la mettre en oeuvre.

4.2.2

Atteinte à la souveraineté cantonale

L'initiative contient des dispositions concrètes qui non seulement déterminent dans quelle mesure il est possible ou non de mettre en place un cours d'éducation sexuelle à l'école maternelle et à l'école obligatoire, mais précisent en outre les modalités de leur organisation. Elle porte donc atteinte immédiatement et fortement à la souveraineté cantonale en matière d'instruction telle qu'elle est affirmée à l'art. 62 Cst.

4.2.3

Conséquences nulles sur le droit des parents à éduquer leurs enfants

Le droit des parents à éduquer leurs enfants découle de la Constitution, du code civil et du Pacte I de l'ONU33 et de la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant34. Cette primauté de compétence est d'ores et déjà reconnue aux parents, et les cantons n'ont pas attendu l'initiative pour s'y conformer.

4.2.4

Atteinte à la mise en oeuvre du mandat public de formation

Le cours d'éducation sexuelle fait actuellement partie de l'école obligatoire et doit donc être suivi par les élèves. Pourtant, sans l'interdire il est vrai explicitement, les al. 5 à 7 de l'initiative empêcheraient de facto et jusqu'à l'âge de la majorité de mettre en place un cours d'éducation sexuelle obligatoire et adapté au degré scolaire, non seulement à l'école obligatoire mais aussi pendant l'enseignement professionnel et l'enseignement général au degré secondaire II. Dès lors, il ne serait plus possible de s'assurer que tous les jeunes soient informés des principaux aspects de la sexualité humaine au début de la puberté. Il en résulterait un conflit entre l'art. 11 Cst. et la mission éducative qui incombe à l'Etat conformément aux art. 19 et 62 Cst., puisqu'un « enseignement de base suffisant », au sens où l'entendent la doctrine et la jurisprudence actuelles, ne serait plus garanti, du moins dans son intégralité.

C'est pourquoi le Conseil fédéral estime que l'initiative porterait aussi atteinte à l'égalité de bien-être des enfants. Sous l'angle de l'intégrité personnelle et de la protection contre les abus sexuels, la contamination par le VIH et les grossesses non désirées, il est essentiel de fournir aux enfants et aux adolescents une information sur la sexualité adaptée à leur âge et à leur développement. Pour que tous y aient un égal accès, cette action d'information doit nécessairement avoir lieu dans le cadre de l'enseignement obligatoire. En ce sens, le mandat public de formation, loin de contrevenir au droit des parents à éduquer leurs enfants, ne fait que le compléter.

33 34

702

Pacte international du 16 décembre 1996 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, RS 0.103.1.

Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant, RS 0.107.

Cette transmission de connaissances sur la sexualité ainsi que sur la prévention du VIH et d'autres maladies sexuellement transmissibles n'entre pas seulement dans le cadre de la mission de l'école, elle est d'autant plus importante que la puberté intervient aujourd'hui de plus en plus tôt.

4.2.5

Atteinte à l'efficacité en matière de prévention

Si l'initiative était acceptée, il ne serait plus possible du tout d'aborder à l'école la sexualité au sens large, et la reproduction humaine ne pourrait l'être qu'à partir de l'âge de douze ans révolus, et encore, uniquement par le professeur de biologie et dans le cadre du cours de biologie. Cela empêcherait voire compliquerait considérablement une prévention efficace des abus sexuels, des grossesses non désirées et des maladies sexuellement transmissibles, qui suppose la transmission de connaissances sur la sexualité.

Comme les enfants et les jeunes ont droit à une protection particulière de leur intégrité, la mission de prévention revêt cependant une importance capitale pour la Confédération. Au sein du Département fédéral de l'intérieur (DFI), deux offices sont responsables des mesures de prévention: l'Office fédéral des assurances sociales pour la prévention contre les violences sexuelles et l'OFSP pour la prévention contre les maladies sexuellement transmissibles.

a) Prévention de la violence sexuelle contre les enfants et les jeunes L'étude Optimus Suisse35 a montré que les violences sexuelles contre les enfants sont majoritairement perpétrées au sein du cercle de la famille proche, c'est-à-dire par le père, la mère, le frère, l'oncle ou un ami intime des parents. Chez les jeunes, la violence sexuelle est surtout exercée par des jeunes du même âge. Le plus souvent, les auteurs d'abus sexuel et leurs victimes se connaissent, voire sont parents.

Une autre étude36 relative aux stratégies des auteurs d'abus sexuel37 montre que ces derniers cherchent délibérément des conditions favorables rendant leur acte possible, parmi lesquelles l'ignorance, totale ou non, de la victime en matière sexuelle.

Selon les objectifs de prévention nationaux (voir ch. 2), une éducation sexuelle adaptée à l'âge et au degré scolaire est indispensable pour la protection des enfants et des jeunes. Comme ils peuvent être tous concernés par les violences sexuelles, il est essentiel que tous ceux qui vivent en Suisse bénéficient de mesures de prévention, indépendamment de leur situation familiale, puisque c'est là aussi que se concentrent les facteurs de risque. Il faut apprendre très tôt aux enfants comment mieux se protéger contre les violences sexuelles et comment en parler. La mise en oeuvre et le financement de mesures préventives relèvent principalement de la compétence des

35 36

37

Averdijk, M., Müller-Johnson, K., Eisner, M. (2012) Sexual Victimization of Children and Adolescents in Switzerland.

Heiliger, A. (2001). Täterstrategien bei sexuellem Missbrauch und Ansätze zur Prävention. In: Beiträge zur feministischen Theorie und Praxis, 56/57 Köln. Eigenverlag, p. 71­82.

Selon les statistiques disponibles, ce sont majoritairement les hommes qui sont coupables de violences et qui enfreignent les limites intimes. Si l'on parle d'«auteurs d'abus sexuels», cela ne doit pas occulter le fait qu'il y aussi des femmes qui commettent des actes de violence sexuelle.

703

cantons. L'OFSP peut soutenir financièrement les efforts de prévention des cantons et d'organisations privées.

b) Prévention du VIH et d'autres maladies sexuellement transmissibles L'éducation sexuelle est également indispensable sous l'angle de la prévention des maladies sexuellement transmissibles. La loi fédérale du 18 décembre 1970 sur les épidémies38 fait en effet obligation à la Confédération et aux cantons de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre les maladies transmissibles de l'homme.

D'autre part, la loi du 28 septembre 2012 sur les épidémies39 prévoit à l'art. 5, al. 1, let. c, que l'OFSP élabore des programmes nationaux par thème visant à détecter, à surveiller, à prévenir et à combattre les maladies transmissibles. Le VIH et les autres maladies sexuellement transmissibles y sont expressément mentionnées. Là aussi, sous l'angle de l'égalité des chances, il est normal et même primordial que soit dispensé à tous les échelons de l'école obligatoire un cours d'éducation sexuelle adapté à l'âge et complétant l'éducation familiale.

4.2.6

Conséquences financières en cas d'acceptation de l'initiative

L'initiative ne conférant à la Confédération aucune compétence nouvelle qui l'autoriserait ou l'obligerait à légiférer, aucune incidence financière n'est à prévoir. Des conséquences financières sont par contre possibles au niveau cantonal, par exemple en raison de l'organisation des cours ou de la nécessité d'adapter la loi sur l'école, le plan d'études et les outils pédagogiques.

4.3

Inconvénients

4.3.1

Imprécisions et contradictions dans le texte de l'initiative

Le sens à donner au texte de l'initiative et aux différents termes qui y sont employés n'est pas clair. On constate de nombreuses imprécisions et contradictions tant en ce qui concerne les termes utilisés que pour ce qui est du contenu des différents alinéas (voir ch. 3.3).

Le titre de l'initiative lui-même est déjà équivoque. L'initiative parle ainsi de «Protection contre la sexualisation à l'école maternelle et à l'école primaire», alors que, comme on le constate à la lecture du site Internet du comité d'initiative, la «sexualisation» est mise sur le même plan aussi bien que la pornographie que l'éducation sexuelle à l'école. Il est donc difficile de comprendre ce que les auteurs de l'initiative entendent par ce terme. Le texte de l'initiative lui-même ne permet pas non plus d'éclairer le sens à donner au titre.

Les dispositions de l'initiative contiennent des termes comme «éducation sexuelle» ou «cours (facultatif) d'éducation sexuelle» sans que l'on sache exactement ce qu'ils signifient et quels contenus d'enseignement ils sont censés recouvrir. Sur la base du 38 39

704

RS 818.101 FF 2012 7543

texte, on peut seulement supposer que les auteurs distinguent entre éducation sexuelle et cours de prévention, et entre celui-ci et le cours de biologie consacré à la reproduction et au développement humains. Quant à savoir si les notions désignées par ces termes se différencient vraiment et dans quelle mesure, rien ne permet de l'affirmer, même avec les informations supplémentaires fournies par le comité d'initiative.

Alors que le texte le laisserait a priori supposer, l'initiative ne contient aucune disposition en matière de protection. Même en tenant compte du dossier fourni par le comité d'initiative, on ne voit pas clairement dans quelle mesure la «sexualisation» mise en avant par les auteurs pourrait nuire aux enfants. Dans les exemples cités (par ex. «jouer au docteur» avec le risque de se blesser), on ne montre pas dans quelle mesure ce risque est liés aux cours d'éducation sexuelle à l'école. Le Conseil fédéral n'a du reste connaissance d'aucune étude scientifique qui permettrait de conclure que certains enfants auraient subi un quelconque préjudice pour avoir suivi à l'école obligatoire un cours d'éducation sexuelle adapté à leur âge et à leur degré scolaire, tel qu'il est dispensé actuellement en Suisse.

En outre, le dossier d'accompagnement fourni par le comité d'initiative contient des affirmations inexactes. Ainsi, il est faux d'affirmer que l'éducation sexuelle allait désormais être proposée à l'école maternelle40. Et la Confédération n'a jamais demandé non plus que les plans d'études de l'école obligatoire comportent un cours d'éducation sexuelle obligatoire à partir de l'école maternelle.

De même, lorsque le comité d'initiative affirme que les enfants seraient incités à accomplir des actes sexuels dans le cadre du cours d'éducation sexuelle, qu'il leur serait montré du matériel pornographique au point de les traumatiser et que les valeurs chrétiennes seraient bafouées, ces allégations ne reposent sur aucun fondement. Le corps enseignant de Suisse alémanique a publié une prise de position pour réfuter ces accusations et replace le cours d'éducation sexuelle dans le contexte plus large de la vie à deux, de l'égalité des droits, du respect d'autrui et du droit à mener sa vie comme on l'entend, notamment.41

4.3.2

Difficultés de mise en oeuvre

En raison des imprécisions et des contradictions qui entachent le texte de l'initiative, plusieurs conflits de normes sont programmés. S'il est élevé au niveau constitutionnel, le texte ne pourra être appliqué qu'à la condition d'être d'abord interprété et précisé. L'art. 62 Cst. confère aux cantons une compétence exclusive dans le domaine de l'école obligatoire, école spéciale comprise). C'est donc aux cantons qu'il appartiendrait de faire respecter les nouvelles dispositions constitutionnelles, en s'assurant que les principes désormais inscrits à l'art. 11 Cst. trouvent leur tra-

40

41

Voir communiqué de presse «Lehrplan 21: Keine Sexualerziehung im Kindergarten» du 16 juin 2011 de la Deutschweizer Erziehungsdirektorenkonferenz (D-EDK), téléchargeable sous http://d-edk.ch > Dokumentation > MedienArchiv.

Unaufgeklärte Kinder sind ausgeliefert; Stellungnahme der Geschäftsleitung Lehrerinnen und Lehrer Schweiz zur «Petition gegen die Sexualisierung der Volksschule», 22.08.2011 (prise de position disponible uniquement en allemand); www.lch.ch > Publikationen > Bildung Schweiz > Dokument > 9_2011.

705

duction dans les plans d'études régionaux42. Cela supposerait de mettre en oeuvre des modifications profondes au prix de difficultés parfois insurmontables, alors même qu'en matière d'éducation sexuelle à l'école et de prévention des abus sexuels une pratique qui n'a jamais posé aucun problème est établie depuis plusieurs années.

L'âge des élèves constituerait un problème concret de mise en oeuvre. En effet, la disposition prévue à s'appliquerait à un niveau scolaire (école maternelle), tandis que celles des al. 5 et 6 concerneraient des groupes d'âge. Or, cela ne pourra que créer des difficultés au niveau de l'organisation des écoles, car il ne sera plus possible alors de dispenser le cours concerné qu'une fois que le plus jeune élève de la classe aura atteint le seuil d'âge fixé. Or, il y a souvent au sein d'une même classe des différences d'âge allant jusqu'à trois ans.

En outre, la portée juridique du texte de l'initiative n'étant pas limitée à la seule école obligatoire, les règles prévues aux al. 5 et 6 s'appliqueraient également aux jeunes jusqu'à dix-huit ans révolus qui fréquentent une école professionnelle ou une école de culture générale du degré secondaire II.

4.4

Comptabilité avec les obligations internationales

La Suisse doit également tenir compte des dispositions pertinentes du droit international. La Suisse a ainsi ratifié plusieurs traités qui lui imposent d'accorder la priorité au bien-être de l'enfant dans toute action de l'Etat qui le concerne, et de mener une action préventive tant contre les abus sexuels sur enfants que contre les maladies sexuellement transmissibles, comme le sida.

La Convention de l'ONU sur les droits de l'enfant43 exige des Etats parties qu'ils prennent toutes les mesures éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de brutalité ou de négligence aussi longtemps qu'il est sous la garde de ses parents ou de toute autre personne à qui il est confié (art. 19 de la convention).

La Convention de Lanzarote44 oblige les Parties à informer les enfants au cours de la scolarité dans le cadre du cours d'éducation sexuelle et d'une manière adaptée à leur stade de développement (art. 6 de la convention). Dans le message concernant la ratification de cette convention, il est précisé que la compétence d'adopter de telles mesures incombe aux cantons en vertu de l'art. 62 Cst. et que ceux-ci sont soutenus dans leur tâche par la Confédération par le biais de différents programmes45. La convention oblige en outre les parties à prendre des mesures préventives pour empêcher toute forme d'exploitation sexuelle et d'abus sexuels à l'égard des enfants et de protéger les enfants contre ces délits. Elle prévoit surtout aussi une sensibilisation 42

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Conformément aux art. 3 et 42 Cst., la Confédération est autorisée à adopter des réglementations dans la mesure où la Constitution l'y autorise. Si une telle autorisation fait défaut, les cantons sont responsables de la réglementation d'un domaine précis. La Cst. ne contient aucune clause générale en faveur de la Confédération, mais lui confère dans certains articles une compétence dans un domaine déterminé, généralement clairement délimitée.

Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant, RS 0.107.

Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels RS 0.311.40.

Message du 4 juillet 2012 concernant l'approbation de la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (convention de Lanzarote) et sa mise en oeuvre (modification du code pénal) (FF 2012 7051) ch. 2.2.2 ss.

des enfants et de leurs parents ainsi que des personnes qui sont en contact avec des enfants dans le cadre de leur travail. Le Bureau régional de l'Europe de l'OMS et le Centre fédéral pour l'éducation à la santé en Allemagne («Bundeszentrale für gesundheitliche Aufklärung») ont publié des «normes d'éducation à la sexualité en Europe».

La «Déclaration d'engagement sur le VIH/sida» (2001)46 et l'objectif n°6 des «Objectifs du Millénaire pour le développement» (2000) de l'Assemblée générale des Nations Unies47 constituent au niveau international la référence en matière de la lutte contre le VIH-sida. Ces engagements ont été réaffirmés et confirmés en 200648 et en 201149 à l'occasion de l'adoption par l'Assemblée générale des Nations Unies d'une nouvelle déclaration politique qui donne la priorité au concept d'accès généralisé à la prévention, au diagnostic, au traitement et au suivi. Au niveau européen, s'y ajoute la Déclaration de Dublin de 2004 «Faire tomber les barrières: partenariat pour lutter contre le VIH/sida en Europe et en Asie centrale»50. La déclaration souligne l'importance d'une éducation sexuelle adaptée au degré scolaire.

La pratique scolaire actuelle de l'éducation sexuelle dans les cantons est conciliable avec les engagements internationaux. En cas d'acceptation de l'initiative, il faudra réévaluer avec les cantons si les engagements internationaux relatifs à la protection des enfants dans le domaine des droits de l'enfant sont toujours respectés.

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Conclusions

Le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire «Protection contre la sexualisation à l'école maternelle et à l'école primaire». La souveraineté cantonale ne doit pas être limitée.

Les conséquences de l'initiative, à savoir une atteinte massive, ne tenant compte ni de l'âge ni de la réalité, portée à l'éducation sexuelle scolaire dans toute la Suisse, est disproportionnée par rapport à ce qui l'a déclenchée, à savoir le matériel de cours bâlois et la polémique qu'il a suscitée, ainsi que l'affirmation erronée qu'un cours d'éducation sexuelle obligatoire allait être mis en place dès l'école maternelle.

Les craintes qui sont à la base de l'initiative populaire peuvent être dissipées pour la plupart d'entre elles, d'autant qu'elles sont sans fondement pour ce qui est des plans d'études régionaux actuels. D'après le droit en vigueur, les parents sont les premiers responsables de l'éducation sexuelle des enfants et des jeunes. L'école soutient les parents par des cours d'éducation sexuelle adaptés à l'âge des enfants et à leur degré scolaire. D'autre part, les nouveaux plans d'études (PER, LP 21 et plan d'études au Tessin) ne prévoient pas eux non plus de faire de l'éducation sexuelle une matière 46 47 48 49 50

www.unaids.org > A propos > Déclarations et Objectifs des Nations Unies > 2001 ­ Déclaration d'engagement sur le VIH/sida www.un.org > Développement > Les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) www.unaids.org > A propos > Déclarations et Objectifs des Nations Unies > 2006 ­ Déclaration politique sur le VIH/sida www.unaids.org > A propos > Déclarations et Objectifs des Nations Unies > 2011 ­ Déclaration d'engagement sur le VIH/sida www.unicef.org > Où nous agissions > Europe centrale et orientale de la communauté des Etats indépendants > Rechercher > La déclaration de Dublin.pdf.

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spécifique. Les cours d'éducation sexuelle sont et resteront intégrés au domaine d'études «Nature, homme, société», quand il ne relève pas, comme dans le canton du Tessin, de la responsabilité du corps enseignant dans son ensemble. Les contenus correspondants de cet enseignement font partie des plans d'études cantonaux des écoles obligatoires depuis de nombreuses années déjà. Et aucune information véritable sur la sexualité humaine n'est donnée aux enfants entre l'école maternelle et la fin de l'école primaire.

Le Conseil fédéral sait bien que certains contenus ou méthodes de l'enseignement dispensé à l'école ne font pas toujours l'unanimité, et que les conceptions divergent parfois sur ce que doit être l'« enseignement de base » qu'il appartient à l'Etat de dispenser. Cette pluralité des points de vue n'épargne pas d'autres domaines, comme la gymnastique, la natation, l'histoire ou même l'éthique. Mais graver dans le marbre des droits constitutionnels fondamentaux des règles sur le contenu des enseignements ou sur l'organisation scolaire constituerait pour le Conseil fédéral une atteinte disproportionnée au fédéralisme éducatif suisse.

Un système qui voudrait que les enfants et les jeunes de Suisse ne soient jamais contraints de suivre un cours d'éducation sexuelle, et qu'à la puberté il puisse leur être dispensé uniquement un cours sur la reproduction et le développement humains à dispenser, et seulement par le professeur de biologie, ce système serait aux yeux du Conseil fédéral un système irresponsable. Cela est d'autant plus vrai que l'on sait que les délinquants sexuels tirent précisément parti de l'ignorance des enfants pour agir. Ainsi, l'initiative déposée non seulement ne sert pas la protection de l'intégrité de l'enfant, mais elle empêche une prévention efficace et nuit même à l'égalité des chances entre les élèves.

Plusieurs textes législatifs nationaux ou internationaux confirment que la société est en faveur d'un minimum d'éducation à la sexualité, considéré comme nécessaire au développement personnel et social de l'enfant dans le monde d'aujourd'hui mais aussi à la préservation de certaines valeurs indispensables au vivre ensemble, telles que le respect ou la tolérance.

L'éducation parentale et les cours d'éducation sexuelle jouent surtout un rôle important dans la prévention
des agressions sexuelles, des infections sexuellement transmissibles et des grossesses non désirées. Indépendamment de leur situation familiale, tous les enfants et les jeunes doivent pouvoir bénéficier d'une éducation à la prévention adaptée à leur âge. L'égalité des chances en termes d'accès à une information objective et la possibilité de développer des compétences sont à cet égard primordiales pour assurer le bien-être des enfants.

Sous cet angle, l'école obligatoire remplit une indispensable mission d'intérêt public. Le Conseil fédéral est convaincu que l'école exerce ses tâches de manière responsable, qu'elle connait et ne dissimule pas les limites du mandat qui lui a été confié, qu'elle travaille avec les parents sur ces questions délicates et qu'elle n'a en aucun cas intérêt à aller à l'encontre des valeurs défendues par les parents. D'autre part, elle est d'ores et déjà suffisamment armée pour agir dans les rares cas où elle est confrontée à une situation difficile (via la direction de l'école, l'inspection des école, etc.). Aussi le Conseil fédéral veut-il renouveler ici expressément la confiance qu'il place dans l'école obligatoire.

Pour les raisons exposées précédemment, le Conseil fédéral propose de recommander aux citoyens de rejeter l'initiative, sans lui opposer de contre-projet ni direct ni indirect.

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