15.033 Message concernant la modification du code civil (Protection de l'enfant) du 15 avril 2015

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons un projet de modification du code civil (protection de l'enfant), en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer l'intervention parlementaire suivante: 2011

M 08.3790

Protection de l'enfant face à la maltraitance et aux abus sexuels (N 3.6.09, Aubert; E 29.11.10, N 2.3.11)

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

15 avril 2015

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2014-3140

3111

Condensé Les personnes qui sont professionnellement en contact régulier avec des mineurs seront tenues d'aviser l'autorité de protection de l'enfant si elles ont connaissance d'un cas dans lequel elles soupçonnent que le bien de l'enfant est menacé, et donc que son développement est en danger. Le but de cette obligation est d'assurer que les enfants menacés, voire déjà victimes, de maltraitance, puissent obtenir sans délai une protection efficace.

Contexte La réglementation des droit et obligation d'aviser prévue par le code civil vise à assurer que les autorités de protection de l'enfant soient informées à temps des cas dans lesquels des enfants sont menacés. Selon le droit en vigueur, seules les personnes exerçant une fonction officielle sont tenues d'aviser l'autorité que le bien d'un enfant leur semble menacé (art. 443, al. 2, en relation avec l'art. 314, al. 1, du code civil). Il existe pourtant d'autres catégories de professionnels qui sont bien placés pour déceler précocement l'existence d'enfants en danger.

Contenu du projet L'obligation d'aviser l'autorité de protection de l'enfant lorsque le bien d'un enfant est menacé doit être étendue aux professionnels qui ont des relations particulières avec des enfants parce qu'ils sont en contact régulier avec eux dans l'exercice de leur activité. Cette extension devrait permettre à l'autorité de prendre à temps les mesures nécessaires pour protéger les enfants menacés. Il s'agit d'éviter que les enfants ne soient abandonnés à une situation dont ils risquent de subir des dommages à long terme.

Pour les personnes soumises au secret professionnel en vertu du code pénal (art. 321), signaler les cas à l'autorité de protection de l'enfant ne sera pas une obligation. En effet, une telle brèche dans le devoir de discrétion pourrait menacer ou détruire la relation de confiance vis-à-vis de l'enfant ou des tiers concernés et desservir le bien de l'enfant. La personne soumise au secret professionnel pourra aviser l'autorité, mais elle ne le fera que si elle estime, après avoir pesé les intérêts en présence, qu'une telle démarche favorise le bien de l'enfant.

En vertu des nouvelles dispositions, les personnes qui sont soumises au secret professionnel auront aussi le droit de collaborer à l'établissement des faits sans s'être fait délier du secret professionnel
par l'autorité supérieure, par l'autorité de surveillance ou par la personne concernée elle-même. Une fois libérées de leur devoir de discrétion, elles seront tenues de collaborer à l'établissement des faits.

3112

Table des matières Condensé

3112

1

3115 3115 3115 3115

2

3

Présentation du projet 1.1 Contexte 1.1.1 Objectifs de la révision 1.1.2 Le droit actuel 1.1.2.1 Droit et obligation d'aviser l'autorité dans le code civil 1.1.2.2 Obligations d'aviser l'autorité dans les législations cantonales d'application du CC 1.1.2.3 Obligations d'aviser l'autorité dans le droit public cantonal 1.1.2.4 Droit d'aviser prévu par le code pénal 1.1.2.5 Droits d'aviser dans des lois spéciales 1.1.3 Droit de l'enfant à une protection particulière et à l'encouragement de son développement 1.1.4 Protection de l'enfant en droit civil 1.1.5 Bien de l'enfant et menace pour le bien de l'enfant 1.1.6 Maltraitance 1.1.7 Punissabilité de la maltraitance envers un enfant 1.1.8 Facteurs de risque de la maltraitance envers les enfants 1.1.9 Conséquences de la maltraitance 1.1.10 Statistique de la maltraitance envers les enfants 1.2 Dispositif proposé 1.2.1 Objectif de la révision 1.2.2 Cercle des personnes assujetties 1.2.3 Liste d'exceptions et secret professionnel 1.3 Résultats de la procédure de consultation 1.4 Eléments écartés de la révision 1.5 Droit comparé 1.6 Classement d'interventions parlementaires

3115 3116 3117 3118 3118 3119 3119 3120 3121 3122 3122 3123 3124 3126 3126 3126 3127 3129 3130 3131 3132

Commentaire des dispositions 2.1 Code civil 2.2 Code pénal 2.3 Code de procédure pénale 2.4 Loi du 23 mars 2007 sur l'aide aux victimes 2.5 Loi fédérale du 9 octobre 1981 sur les centres de consultation en matière de grossesse 2.6 Loi du 23 juin 2000 sur les avocats

3133 3133 3141 3141 3142 3142 3142

Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.2 Conséquences pour les cantons et les communes

3143 3143 3143

3113

3.3 3.4 4

5

Conséquences pour l'économie Conséquences pour la société

3144 3144

Relation avec le programme de la législature et les stratégies nationales du Conseil fédéral 4.1 Relation avec le programme de la législature 4.2 Relation avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

3144 3144 3144

Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité et légalité 5.2 Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse 5.3 Forme de l'acte à adopter 5.4 Frein aux dépenses 5.5 Délégation de compétences législatives 5.6 Protection des données

3145 3145 3145 3145 3145 3145 3145

Code civil suisse (Protection de l'enfant) (Projet)

3114

3147

Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Objectifs de la révision

La présente révision vise à concrétiser la motion Aubert 08.3790 du 9 décembre 2008 (Protection de l'enfant face à la maltraitance et aux abus sexuels), qui demande que tous les professionnels qui travaillent avec des enfants soient tenus de signaler les cas de maltraitance et d'abus sexuel sur des enfants dont ils ont connaissance dans le cadre de leur activité.

Le 25 février 2009, le Conseil fédéral avait proposé le rejet de cette intervention, tout en précisant qu'il était prêt à instaurer une obligation de signaler générale assortie d'exceptions clairement définies; il suggérait que l'on modifie la motion dans ce sens. Le Conseil national a accepté la motion le 3 juin 2009 sans changement, mais le Conseil des Etats, le 29 novembre 2010, a suivi la proposition du Conseil fédéral et accepté la motion dans une teneur modifiée: «Le Conseil fédéral est chargé de soumettre au Parlement une modification du Code civil ou de toute autre loi pour que l'obligation de signalement auprès des autorités de protection de l'enfance soit généralisée dans l'ensemble des cantons suisses, sauf certaines exceptions clairement définies, et contribue, par une pratique unifiée, à lutter efficacement contre la maltraitance et les abus sexuels dont sont victimes encore trop d'enfants.» Le Conseil national a approuvé cette modification le 2 mars 2011.

1.1.2

Le droit actuel

1.1.2.1

Droit et obligation d'aviser l'autorité dans le code civil

L'art. 443 du code civil suisse (CC)1 détermine qui peut et qui doit aviser l'autorité de protection de l'adulte quand il apprend qu'une personne a besoin d'aide. Cette règle s'applique par analogie lorsque le bien d'un enfant est menacé (art. 314, al. 1, CC).

En principe, toute personne peut signaler un cas à l'autorité de protection de l'enfant ou de l'adulte2. La loi fait une réserve en faveur des personnes soumises au secret professionnel. Elles ne peuvent aviser l'autorité que si elles ont été déliées par écrit du secret professionnel (art. 443, al. 1, CC en relation avec l'art. 321, ch. 2 et 3, du code pénal [CP]3).

1 2 3

RS 210 Rappelons que l'autorité de protection de l'enfant et l'autorité de protection de l'adulte sont réunies en une seule et même entité (art. 440, al. 3, CC).

RS 311.0

3115

Les personnes exerçant une fonction officielle sont soumises à une règle spéciale.

Elles sont tenues d'aviser l'autorité de protection de l'enfant et de l'adulte qu'une personne semble avoir besoin d'aide (art. 443, al. 2, CC). Le terme de «fonction officielle» est à interpréter au sens large: il recouvre l'activité de toute personne qui exerce des compétences de droit public, même si elle n'occupe pas une fonction de fonctionnaire ou d'employé dans une collectivité publique4. Les cantons peuvent cependant déroger à la disposition fédérale pour instituer d'autres obligations d'aviser (art. 443, al. 2, 2e phrase, CC; voir ch. 1.1.2.2).

1.1.2.2

Obligations d'aviser l'autorité dans les législations cantonales d'application du CC

Plusieurs cantons, se fondant sur l'art. 443, al. 2, 2e phrase, CC, ont étendu l'obligation d'aviser l'autorité à certaines catégories de personnes5: ­

4 5 6

aux médecins (AI, SZ, UR);

­

aux enseignants des établissements privés (AR, UR);

­

au personnel du domaine de la santé (AR);

­

aux collaborateurs des entreprises et institutions subventionnées du domaine de la protection de l'enfant et de l'adulte (BS);

­

aux membres des autorités scolaires et ecclésiastiques, aux professionnels de la santé, aux enseignants, aux intervenants dans le domaine du sport et des activités de loisirs, aux travailleurs sociaux, aux éducateurs, aux psychologues actifs en milieu scolaire et éducatif, aux psychomotriciens, aux logopédistes et à toute autre personne qui exerce une activité en relation avec les mineurs, sous réserve du secret professionnel (GE)6;

­

aux membres des autorités scolaires et ecclésiastiques, aux professionnels de la santé et aux membres du corps enseignant, aux intervenants dans le domaine du sport, aux travailleurs sociaux, aux éducateurs, aux psychologues scolaires, aux psychomotriciens, aux logopédistes et à toute autre personne qui exerce une activité en relation avec les mineurs (VD);

­

aux personnes qui sont professionnellement en contact régulier avec les enfants (JU);

­

aux personnes qui, dans le cadre de leur profession, ont à faire avec la formation, la prise en charge ou le traitement médical ou psychologique d'enfants (ZG);

­

aux professionnels de la médecine et des soins, de l'enseignement et de la prise en charge, aux travailleurs sociaux et aux ecclésiastiques (GR);

Message du 28 juin 2006 concernant la révision du code civil suisse (protection de l'adulte, droit des personnes et droit de la filiation), FF 2006 6635 6708.

Nous nous fondons sur: Kathrin Affolter, Anzeige- und Meldepflicht (Art. 443 Abs. 2 ZGB), RMA 1/2013, p. 47 ss.

Le canton de Genève prévoit un signalement au service de protection des mineurs et non pas au Tribunal de protection (qui assume la fonction d'autorité de protection de l'enfant); art. 34, al. 4, de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile [LaCC] du 11 octobre 2012.

3116

­

aux collaborateurs des établissements privés de formation, de prise en charge et de soins, sous réserve du secret professionnel (LU);

­

aux collaborateurs des établissements privés de formation, de prise en charge et de soins, aux médecins et aux ecclésiastiques (OW);

­

aux parents en ligne directe et aux collatéraux du premier et du deuxième degré (GL).

1.1.2.3

Obligations d'aviser l'autorité dans le droit public cantonal

Plusieurs cantons ont statué d'autres obligations d'aviser l'autorité dans leurs législations sur l'école, la formation, l'aide sociale, la santé et la police; elles peuvent être considérées comme des concrétisations de l'obligation visée à l'art. 443, al. 2, CC. En voici quelques exemples7.

BL

§ 19a

Bildungsgesetz8

Personen, die in einem Anstellungs- oder Auftragsverhältnis an Privatschulen tätig sind, sind zur Meldung an die Kindesschutzbehörde verpflichtet, wenn sie in ihrer beruflichen Tätigkeit Kenntnis erhalten von Schülerinnen und Schülern, die in ihrem Wohl gefährdet sind und für deren Schutz ein behördliches Einschreiten erforderlich erscheint.

1

Verstösse gegen die Meldepflicht gemäss Absatz 1 werden mit Busse bestraft.

2

JU

Art. 13

Loi sur la politique de la jeunesse9

Tout agent public cantonal ou communal qui acquiert connaissance, dans l'exercice de ses fonctions, qu'un enfant est victime de mauvais traitements, de quelque nature que ce soit, ou ne reçoit pas les soins et l'attention commandés par les circonstances, est tenu d'en informer l'autorité tutélaire ou son supérieur hiérarchique à l'intention de cette dernière.

1

La même obligation incombe à toute personne qui, à titre professionnel, a des contacts réguliers avec des enfants. Dans les institutions, l'obligation de signaler échoit à la direction, au responsable ou au personnel désigné à cet effet.

2

SG

Art. 10

Suchtgesetz10

Erscheinen Kindes- und Erwachsenenschutzmassnahmen im Interesse des Betroffenen, seiner Angehörigen oder der Allgemeinheit notwendig, erstattet die Fachstelle der Kindes- und Erwachsenenschutzbehörde des zivilrechtlichen Wohnsitzes Bericht und Antrag.

1

7 8 9 10

Affolter (note de bas de page 5), p. 52 s.

SGS 640 RSJU 853.21 sGS 311.2

3117

Besteht ein Schutzbedürfnis wegen Suchtproblemen, sind die zur Wahrung des Amts- und Berufsgeheimnisses verpflichteten Personen von der Schweigepflicht gegenüber der Kindes- und Erwachsenenschutzbehörde befreit.

2

VS

Art. 54

Loi en faveur de la jeunesse11

Toute personne qui, dans le cadre de l'exercice d'une profession, d'une charge ou d'une fonction en relation avec des enfants, qu'elle soit exercée à titre principal, accessoire ou auxiliaire, a connaissance d'une situation de mise en danger du développement d'un enfant, et qui ne peut y remédier par son action, doit aviser son supérieur ou, à défaut, l'autorité tutélaire.

1

1.1.2.4

Droit d'aviser prévu par le code pénal

Les personnes qui sont soumises au secret de fonction ou au secret professionnel peuvent aviser l'autorité de protection de l'enfant des infractions commises à l'encontre des mineurs, lorsqu'il y va de l'intérêt de ces derniers (art. 364 CP). Cette norme est partiellement en conflit avec la règle de droit civil, qui prévoit une obligation d'aviser pour les personnes exerçant une fonction officielle (voir ch. 1.1.2.1). Le droit de la protection de l'adulte (art. 443 CC, en vigueur depuis le 1er janvier 2013), prime en tant que lex posterior.

1.1.2.5

Droits d'aviser dans des lois spéciales

La loi du 23 mars 2007 sur l'aide aux victimes (LAVI)12 prévoit une obligation de garder le secret assortie d'un droit d'aviser spécifique. Les centres de consultation ouverts aux victimes d'infractions peuvent aviser l'autorité de protection de l'enfant ou dénoncer l'infraction à l'autorité de poursuite pénale si l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'une victime mineure ou d'un autre mineur est sérieusement mise en danger (art. 11, al. 3, LAVI).

Il existe un autre droit d'aviser dans la loi du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants (LStup)13. Ce ne sont toutefois pas les autorités de protection de l'enfant à qui les cas sont signalés, mais les institutions de traitement et les services d'aide sociale compétents: les services de l'administration et les professionnels oeuvrant dans les domaines de l'éducation, de l'action sociale, de la santé, de la justice et de la police peuvent leur annoncer les cas de personnes souffrant de troubles liés à l'addiction ou présentant des risques de troubles s'ils les ont constatés dans l'exercice de leurs fonctions ou de leur activité professionnelle, qu'ils estiment que des mesures de protection sont indiquées et qu'un danger considérable menace la personne concernée, ses proches ou la collectivité (art. 3c, al. 1, LStup).

11 12 13

SGS 850.4 RS 312.5 RS 812.121

3118

1.1.3

Droit de l'enfant à une protection particulière et à l'encouragement de son développement

Selon la convention des Nations Unies du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CDE)14, la Suisse doit prendre toutes les mesures législatives et administratives appropriées pour assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être (art. 3, ch. 2, CDE). Elle doit notamment prendre toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle (art. 19, ch. 1, CDE).

Les mineurs ont en outre un droit constitutionnel à une protection particulière de leur intégrité et à l'encouragement de leur développement (art. 11, al. 1, de la Constitution [Cst.]15). Cette norme s'adresse principalement à la Confédération, aux cantons et aux communes, qui doivent, dans les limites de leurs compétences, légiférer pour assurer la protection et l'encouragement du développement des mineurs16. Les autorités qui s'occupent des mineurs sont tenues de conformer leur pratique à la norme constitutionnelle, de prendre en temps utile les mesures de protection et d'encouragement nécessaire et de tenir compte des besoins particuliers de protection des enfants et des jeunes dans l'application du droit17. Mais les particuliers chargés de tâches d'éducation et de prise en charge doivent aussi obéir à ces injonctions.

C'est seulement ainsi que l'on peut garantir aux enfants une protection globale.

L'Etat doit veiller à ce que les parents, principaux responsables des enfants, ne soient pas seuls à assurer leur protection et leur développement, mais que ce devoir incombe aussi aux autres particuliers qui s'occupent d'eux18.

1.1.4

Protection de l'enfant en droit civil

L'autorité de protection de l'enfant intervient d'office si elle apprend que le bien de l'enfant est menacé et si les personnes qui ont l'autorité parentale ou la garde n'assument pas, ou pas suffisamment, leur devoir de protection (art. 307 CC). Elle est tenue d'éviter que le bien de l'enfant soit mis en danger, ou de remédier à un danger qui s'est réalisé, quelle qu'en soit la cause. Elle doit notamment ordonner des mesures de protection de l'enfant si celui-ci est maltraité, sur le plan physique ou psychique, par sa famille, ou s'il y subit des abus sexuels. Elle doit également agir si l'enfant est négligé par ses parents19.

14 15 16

17 18 19

RS 0.107 RS 101 Ruth Reusser/Kurt Lüscher, in: Bernhard Ehrenzeller/Philippe Mastronardi/ Rainer J. Schweizer/Klaus A. Vallender (éd.), Die schweizerische Bundesverfassung, 3e éd., Zurich/ St-Gall 2014, ad art. 11 no 26.

ATF 132 III 359 c. 4.4.2.

Reusser/Lüscher (note de bas de page 16), ad art. 11 no 28.

Andreas Jud, Überlegungen zur Definition und Erfassung von Gefährdungssituationen im Kindesschutz, in: Daniel Rosch/Diana Wider (éd.), Zwischen Schutz und Selbstbestimmung, Berne 2013, p. 51; Heike Schmid/Thomas Meysen,, in: Heinz Kindler/Susanna Lillig/Herbert Blüml/Thomas Meysen/Annegret Werner (éd.), Handbuch Kindeswohlgefährdung nach § 1666 BGB und Allgemeiner Sozialer Dienst (ASD), Munich 2006, chapitre 2.

3119

Les mesures de protection de l'enfant doivent être proportionnées et viser en premier lieu à restaurer l'aptitude des parents à s'occuper de l'enfant20. L'autorité de protection de l'enfant a une grande latitude pour remplir cette mission, et elle dispose de divers instruments. S'il ne suffit pas de conseiller les parents, de les rappeler à leurs devoirs ou de leur donner des instructions (art. 307, al. 3, CC), elle peut nommer un curateur qui les assistera dans leurs tâches éducatives (art. 308 CC), leur retirer leur droit de déterminer le lieu de résidence (art. 310 CC), voire prononcer le retrait de l'autorité parentale (art. 311 et 312 CC).

1.1.5

Bien de l'enfant et menace pour le bien de l'enfant

Le bien de l'enfant est une maxime suprême du droit de l'enfant21 (art. 3, ch. 1, CDE). Le bien de l'enfant est garanti lorsque ses besoins fondamentaux sont satisfaits en fonction de son âge et des conditions de son existence. Les besoins fondamentaux de l'enfant peuvent être classés en trois catégories: le bien-être physique, les liens sociaux et, enfin, la croissance et le développement22. Ils englobent les besoins en matière de nourriture, de sommeil, de vêtements, de soins corporels, de soins médicaux et de protection des dangers. Au cours de leur développement, les enfants peuvent de plus en plus se prendre en charge eux-mêmes pour satisfaire et garantir ces besoins.

En premier lieu, c'est aux parents qu'il revient de veiller à ce que les besoins fondamentaux de l'enfant soient satisfaits en fonction de son âge. Ils n'ont pas seulement le droit, mais aussi le devoir d'éduquer l'enfant et de favoriser et protéger son développement corporel, intellectuel et moral (art. 302, al. 1, CC). Cela comprend l'obligation de prendre soin de l'enfant et de lui donner une instruction23.

L'éducation de l'enfant dépend d'abord de la situation personnelle et financière des parents, mais elle doit correspondre à ses goûts et à ses aptitudes (art. 302 CC).

Tout enfant est exposé à certains risques au cours de son existence, mais tous ces risques ne se réalisent pas. En effet, les enfants développent en partie des stratégies pour les éliminer, ou bien ils reçoivent l'aide de leurs parents ou de tiers pour y faire face24. Le bien de l'enfant peut être menacé par plusieurs choses: des actes ou des omissions (principalement des parents), des événements, des interactions avec d'autres et des expériences. Savoir combien le risque est élevé dans un cas concret et dans quelle mesure les besoins fondamentaux de l'enfant sont préservés demande en pratique un examen approfondi par des spécialistes expérimentés25. Au cours de cet examen, il s'agit essentiellement de déterminer si les besoins fondamentaux de 20 21 22 23 24 25

Peter Breitschmid, in: Honsell/Vogt/Geiser (éd.), Basler Kommentar Zivilgesetzbuch I, 5e éd. Bâle 2014, ad art. 307 no 2 ss.

ATF 132 III 359 c. 4.4.2; 129 III 250 c. 3.4.2.

Annegret Werner, in: Heinz Kindler/Susanna Lillig/Herbert Blüml/Thomas Meysen/ Annegret Werner (note de bas de page 19), chapitre 13.

Ingeborg Schwenzer/Michelle Cottier, in: Honsell/Vogt/Geiser (éd.), Basler Kommentar Zivilgesetzbuch I, 5e éd., Bâle 2014, ad art. 302 no 1.

Jud (note de bas de page 19), p. 50 s.

Stefan Schnurr, rapport du 11 janvier 2012 (Aide à l'enfance et à la jeunesse: prestations de base), étude réalisée sur mandat de l'Office fédéral des assurances sociales pour le groupe de projet chargé de répondre au postulat Fehr (07.3725), p. 90.

Ce texte peut être consulté sous: www.ofas.admin.ch > Thèmes > Questions de l'enfance et de la jeunesse > Protection de l'enfance.

3120

l'enfant sont satisfaits en fonction de ses conditions d'existence (et en fonction de son âge), et dans quelle mesure. Dans un deuxième temps, il faut examiner quels moyens permettraient de combler au mieux les manques dans la satisfaction de ces besoins.

1.1.6

Maltraitance

La notion de mise en danger du bien de l'enfant est centrée, on l'a vu, sur la satisfaction (ou la non-satisfaction) des besoins fondamentaux de l'enfant. La notion de maltraitance envers un enfant exprime plutôt les conséquences d'une mise en danger. Toute maltraitance implique une mise en danger du bien de l'enfant, mais une mise en danger peut ne pas s'accompagner de maltraitance ni déboucher sur une maltraitance.

Ni la pratique, ni la recherche ne donnent une définition uniforme de la maltraitance envers les enfants. Les explications qui suivent se fondent sur la définition proposée par un organe américain, le National Center for Diseases Control and Prevention26.

Elle repose sur une vaste consultation des milieux de la médecine et de l'assistance sociale et tient compte des plus récentes découvertes de la science. Elle distingue quatre catégories de maltraitance envers les enfants: la maltraitance physique, les abus sexuels, la maltraitance psychologique et la négligence27.

La maltraitance physique est l'utilisation délibérée de la violence physique par des personnes de référence, causant des lésions corporelles ou susceptibles d'en causer.

Les abus sexuels comprennent tous les actes ou contacts sexuels, qu'ils soient ébauchés ou accomplis, par des personnes de référence, mais aussi des actes sexuels sans contact physique direct (par ex. exhibitionnisme, prise d'images pornographiques).

La maltraitance psychologique consiste à donner aux enfants l'impression, de la part des personnes de référence, qu'ils sont sans valeur, déficients, non aimés ou non désirés, qu'ils sont menacés ou qu'ils n'ont de valeur que dans l'intérêt ou pour les besoins d'autrui.

On distingue deux formes de négligence: ­

les personnes de référence omettent de répondre de manière appropriée aux besoins physiques, émotionnels, médicaux ou éducatifs de l'enfant;

­

les personnes de référence n'accordent pas à l'enfant une protection et une sécurité suffisantes à l'intérieur et à l'extérieur de son espace de vie, par rapport à son développement et à ses besoins émotionnels.

La plupart du temps, ces formes de mauvais traitements se combinent28. Un abus sexuel, par exemple, représente aussi un grave sévice psychologique.

26

27 28

Rebecca T. Leeb, Leonard J. Paulozzi, Cindi Melanson, Thomas R. Simon, Ileana Arias, Child maltreatment surveillance, Centers for Disease Control and Prevention National Center for Injury Prevention and Control, Atlanta 2008; ce texte peut être consulté sous: www.cdc.gov > More CDC Topics > Injury, Violence & Safety > Violence Prevention > Child Maltreatment > Child Maltreatment Surveillance.

Les définitions qui suivent se fondent sur la traduction qu'en donne Jud (note de bas de page 19), p. 51 ss.

Ulrich Lips, in: Stiftung Kinderschutz Schweiz (éd.), Ein Leitfaden zu Früherfassung und Vorgehen in der ärztlichen Praxis, Berne 2011, p. 11.

3121

1.1.7

Punissabilité de la maltraitance envers un enfant

La protection de l'enfant régie par le droit civil est centrée sur l'appréciation de la probabilité d'un dommage futur causé à l'enfant et sur la prévention de ce dommage par des mesures appropriées. La législation pénale se concentre au contraire sur les dommages qui ont déjà eu lieu29 et sur la répression. De mauvais traitements infligés à un enfant peuvent représenter par exemple la réalisation des infractions suivantes: lésions corporelles (art. 122 ss CP), voies de fait (art. 126 CP), exposition (art. 127 CP), actes d'ordre sexuel avec des enfants ou avec des personnes dépendantes (art. 187 et 188 CP), violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP)30.

1.1.8

Facteurs de risque de la maltraitance envers les enfants

Les scientifiques ont cerné certaines situations qui sont considérées dans la pratique comme des facteurs de risque de la maltraitance envers les enfants. La réunion de plusieurs de ces facteurs peut faire que les parents sont dépassés et perdent le contrôle ainsi que la capacité à comprendre les besoins de l'enfant et à y subvenir. Les facteurs de risque énumérés ci-dessous s'appliquent à toutes les formes de maltraitance, sauf les abus sexuels31:

29 30 31

­

exposition d'un des parents à la maltraitance dans son enfance

­

toxicomanie d'un des parents

­

affection ou troubles psychiques d'un des parents

­

maladie chronique d'un des parents

­

délinquance d'un des parents

­

conflits de couple, situation de rupture et de divorce

­

violence domestique

­

châtiments corporels comme moyen d'éducation

­

trop grandes attentes des parents

­

naissance multiple

­

grand prématuré

­

bébé hurleur

­

troubles de l'alimentation de l'enfant

Jud (note de bas de page 19), p. 49.

Peter Breitschmid (note de bas de page 20), ad art. 307 no 9.

Lips (note de bas de page 28), p. 14; voir aussi «Violence et négligence envers les enfants et les jeunes au sein de la famille: aide à l'enfance et à la jeunesse et sanctions des pouvoirs publics», rapport du Conseil fédéral du 27 juin 2012 établi en réponse au postulat Fehr (07.3725) du 5 octobre 2007, p. 14 s. Ce texte peut être consulté sous: www.ofas.admin.ch > Thèmes > Questions de l'enfance et de la jeunesse > Protection de l'enfance.

3122

­

troubles du sommeil de l'enfant

­

enfant handicapé

­

maladie chronique de l'enfant

1.1.9

Conséquences de la maltraitance

Toute maltraitance peut avoir des conséquences dévastatrices sur la santé de l'enfant et causer des inhibitions du développement physique, psychique et social. Toute forme de maltraitance doit être combattue, même si elle semble inoffensive ou de peu de gravité32.

Le groupe de travail «Enfance maltraitée» a exposé, dans son rapport final de juin 1992 à l'attention du chef du Département fédéral de l'intérieur, les conséquences que pouvaient avoir les diverses formes de maltraitance dont sont victimes les enfants33.

La maltraitance physique peut avoir des conséquences de gravité variable: selon l'action ou l'omission qui la constitue, elle peut mener au décès de l'enfant, à des troubles neurologiques ou sensoriels, à un handicap mental ou à des lésions plus ou moins réversibles de différents organes. Un enfant maltraité psychiquement souffre en revanche du manque d'expériences positives avec les adultes et d'un manque d'affirmation de soi, qui sont des conditions nécessaires au développement d'une conscience de soi saine.

Les enfants victimes de négligence ou qui ne reçoivent pas les attentions nécessaires peuvent souvent rester plus ou moins retardés, ont des difficultés d'apprentissage à l'école, des troubles de l'attention et de la concentration ou des problèmes de langage. La plupart des difficultés chroniques d'adaptation scolaire sont dues à cette forme de maltraitance.

Les abus sexuels entraînent non seulement des dommages physiques, mais aussi psychosomatiques et psychiques. Ce sont des troubles du sommeil, des troubles du comportement alimentaire et toute une série de réactions physiques telles qu'énurésie nocturne, encoprésie, maux de ventre ou de tête, troubles respiratoires, problèmes de digestion, dépression, tentative de suicide ou automutilation, etc. Ces troubles sont souvent le début d'un long cheminement d'un service de santé à l'autre, parce que les patients taisent la véritable raison de leur souffrance par honte ou par inhibition.

Les maltraitances causent des troubles plus tardifs du comportement social: délinquance, toxicomanie, suicide ou tentative de suicide, troubles psychiques et psychiatriques, détresse psychologique et sociale. Il est en outre prouvé que non seulement la maltraitance, dans sa forme extrême, et la violence subie, mais aussi une éduca-

32

33

Groupe de travail «Enfance maltraitée», Rapport «enfance maltraitée en Suisse», rapport final présenté au Chef du Département fédéral de l'intérieur, Berne 1992, p. 67. Ce texte peut être consulté sous: www.ofas.admin.ch > Thèmes > Questions de l'enfance et de la jeunesse > Protection de l'enfance.

Groupe de travail «Enfance maltraitée» (note de bas de page 32), p. 68 ss.

3123

tion incohérente et la négligence augmentent le risque que l'enfant développe un comportement agressif qui persiste jusque dans l'âge adulte34.

1.1.10

Statistique de la maltraitance envers les enfants

Les médias reportent régulièrement des cas de maltraitance envers les enfants. Le public est donc conscient de la problématique. On ne sait cependant pas dans quelle mesure les services de protection de l'enfant de droit civil sont confrontés à des situations de mise en danger du bien de l'enfant à l'échelle suisse35, car il n'existe pas de statistique officielle sur la question.

Selon des évaluations fiables, 10 à 20 % des mineurs subiraient une forme ou une autre de maltraitance36. On peut prendre comme point de départ la statistique du groupe «Protection de l'enfant» des cliniques pédiatriques suisses, qui récolte des données annuelles à ce sujet. En 2013, les cliniques qui y participent ont relevé 1292 cas de mauvais traitements sur des enfants; en 2010, 923, en 2011, 1180 et en 2012, 113637. Ces chiffres traduisent une plus grande propension à signaler les cas: la sensibilité du public et des services spécialisés semble s'être accrue38. En effet, si le groupe «Protection de l'enfant» n'exclut pas que la violence envers les enfants augmente, les données comparables à l'échelle internationale ne vont pas dans ce sens39.

En 2013, ce groupe a relevé les données suivantes: Formes de maltraitance Maltraitance physique

351

(27,2 %)

Négligence

323

(25,0 %)

Maltraitance psychique

323

(25,0 %)

281

(21,7 %)

14

(1,1 %)

Abus sexuels Syndrome de Münchhausen par 34

35 36 37

38 39 40

procuration40

«Les jeunes et la violence ­ Pour une prévention efficace dans la famille, l'école, l'espace social et les médias», rapport du Conseil fédéral du 20 mai 2009 en réponse aux postulats Leuthard (03.3298) du 17 juin 2003, Amherd (06.3646) du 6 décembre 2006 et Galladé (07.3665) du 4 octobre 2007, p. 15. Ce texte peut être consulté sous: www.ofas.admin.ch > Actualité > Informations aux médias > Rapport sur les jeunes et la violence.

Jud (note de bas de page 19), p. 50.

Lips (note de bas de page 28), p. 10.

Société suisse de pédiatrie, Groupe de protection de l'enfant des cliniques pédiatriques suisses, rapport du 3 juin 2014, à consulter sous: http://www.swiss-paediatrics.org > Informations > Statistique nationale de la maltraitance des enfants. 18 des 26 cliniques participantes ont fourni des données.

Jacqueline Fehr, préface, in: Stiftung Kinderschutz Schweiz (éd.), Ein Leitfaden zu Früherfassung und Vorgehen in der ärztlichen Praxis, Berne 2011, p. 9.

Rapport du groupe «Protection de l'enfant» du 3 juin 2014 (note de bas de page 37), p. 1.

Les médecins comptent parmi les formes de maltraitance citées au ch. 1.1.6 le «syndrome de Münchhausen par procuration». Cela consiste pour l'un des parents (généralement la mère) à signaler au personnel médical des symptômes dont l'enfant souffrirait (fièvre, crampes, saignements, etc.), qu'ils ont éventuellement provoqués eux-mêmes, causant de nombreuses consultations et interventions médicales inutiles. L'adulte en question obtient alors une place centrale, assumant le rôle d'un parent concerné par le bien de son enfant, dont personne ne réussit à diagnostiquer et à soigner la maladie (Lips, note de bas de page 28, p. 13).

3124

Les différentes formes de maltraitance se sont souvent présentées en combinaison les unes avec les autres. Un enfant sur quatre victimes de maltraitance physique avait moins de deux ans, un sur deux dans le cas des enfants souffrant de négligences. Les enfants de moins d'un an étaient les plus touchés, avec 245 cas (19 %), comme l'année d'avant. Trois enfants sont morts des suites des maltraitances subies, tous avaient moins d'un an. 45 % des victimes étaient des garçons, 55 % des filles.

Il est intéressant de comparer ces chiffres avec la statistique du Department of Health & Human Services des Etats-Unis41, qui repose sur les données des Child Protective Service Agencies (CPS). Elle comprend les cas signalés par les amis, voisins et parents des enfants, mais aussi par les professionnels tels que les enseignants, les policiers, les avocats et les travailleurs sociaux42: Négligence

(78,3 %)

Maltraitance physique

(18,3 %)

Maltraitance psychique

(8,5 %)

Abus sexuels

(9,3 %)

Les indications concernant la relation entre l'enfant et la personne qui l'a maltraité sont elles aussi éloquentes.

Auteur: relation avec l'enfant Famille Personne connue de l'enfant

1008

(78,0 %)

177

(13,7 %)

Personne inconnue de l'enfant

46

(3,6 %)

Inconnu

61

(4,7 %)

La négligence et la maltraitance psychologique ont presque toujours lieu dans le cercle étroit de la famille; la maltraitance physique dans 75 % des cas, les abus sexuels dans 42 % des cas.

Dans les cas relevés par le groupe «Protection de l'enfant», les mesures suivantes ont été prises par lui ou par un autre service: Mesures de protection de l'enfant Prise par un autre service

253

(19,6 %)

Signalement par le groupe «Protection de l'enfant»

331

(25,6 %)

Signalement recommandé par le groupe

157

(12,2 %)

Mesures pénales Dénonciation par un autre service

168

(13,0 %)

Dénonciation par le groupe

85

(6,6 %)

Dénonciation recommandée par le groupe

44

(3,4 %)

41

42

U.S. Department of Health & Human Services, 23rd year of reporting, Child Maltreatement 2012, à consulter sous: www.acf.hhs.gov > Programs > Children & Youth > Child Abuse & Neglect Prevention & Intervention > Child Abuse & Neglect Reporting Systems > Child Maltreatment; statistiques de 2012.

U.S. Department of Health & Human Services (note de bas de page 41), p. xi.

3125

Le groupe «Protection de l'enfant» a adressé un avis à l'autorité de protection de l'enfant dans un cas sur quatre, il a procédé à une dénonciation dans bien 6 % des cas. Ces chiffres reflètent la conviction dudit groupe que la protection des enfants réclame souvent que les autorités prennent des mesures et que l'aide fournie sur une base volontaire ne suffit pas43. Dans près d'un cinquième des cas, un autre service avait déjà pris des mesures.

Il n'existe pas en Suisse de statistique sur les conséquences financières (notamment en matière de santé) de la maltraitance envers des enfants.

1.2

Dispositif proposé

1.2.1

Objectif de la révision

L'instauration d'une obligation générale d'aviser l'autorité a pour but de prévenir la mise en danger du bien de l'enfant. Une maltraitance est sans doute aucun une mise en danger du bien de l'enfant. Comme le devoir d'aviser doit avoir un effet préventif, la révision tient compte d'autres situations de risque qui peuvent aussi constituer une menace.

Les règles en la matière seront uniformisées et régiront de manière exhaustive les communications faites aux autorités de protection de l'enfant, de sorte à servir de solution standard dans tous les cantons. Les personnes qui exercent une activité professionnelle dans plusieurs cantons ne seront ainsi plus soumises à des règles différentes. L'uniformisation apportera aussi une certaine sécurité juridique. Dans les domaines qui sont de la compétence des cantons, comme la santé, la police ou l'école, ces derniers pourront cependant toujours prévoir des obligations d'aviser.

1.2.2

Cercle des personnes assujetties

Dans le droit fédéral actuel, seules les personnes exerçant une fonction officielle sont tenues d'aviser l'autorité dès qu'elles soupçonnent qu'un enfant est en danger (art. 314, al. 1, en relation avec l'art. 443, al. 2, CC). Il est possible de renforcer la protection de l'enfant en étendant l'obligation d'aviser à un plus grand cercle de personnes, en particulier à celles qui ont régulièrement à faire avec des enfants dans le cadre professionnel.

L'instauration d'une obligation élargie d'aviser l'autorité vise à permettre de déceler à temps qu'un enfant est menacé dans son développement. Les causes peuvent en être un manque de soins ou des violences physiques, psychologiques ou sexuelles (voir ch. 1.1.6). Chez les enfants d'un certain âge, il peut aussi être question de manifestations de dépendance ou de mises en danger de soi-même ou d'autrui face auxquelles les parents sont en général démunis et où une aide professionnelle est nécessaire pour parer au problème.

Les enfants menacés attirent souvent l'attention de certaines catégories professionnelles à un stade précoce. Ces personnes ont une fonction clef pour le développement ultérieur de ces enfants, car leur réaction est souvent décisive: elle détermine si 43

Rapport du groupe «Protection de l'enfant» du 3 juin 2014 (note de bas de page 37), p. 3.

3126

l'enfant ou les parents reçoivent la protection et l'aide nécessaires pour éviter la menace à laquelle ils sont confrontés44. Les professionnels qui sont en contact direct avec les enfants concernés seront tenus d'aviser l'autorité dans le cadre de leur activité. Cette obligation les encouragera à s'engager en faveur du bien de l'enfant.

Chez les enfants en bas âge, on constate rarement à temps qu'ils sont négligés et il est encore plus rare que le problème soit abordé efficacement. On constate par exemple, à la crèche, qu'un enfant prend de plus en plus de retard mental ou physique, faute d'attention dans sa famille, mais on ne le traite pas. Le meilleur moyen de prévenir ces déficits de développement serait de reconnaître clairement les situations à risque avant ou juste après la naissance et de mettre en place des mesures de traitement et de prise en charge dès ce moment45.

L'obligation d'aviser l'autorité ne vaudra cependant pas pour tous les tiers. A première vue, une règle aussi générale semble servir le bien de l'enfant, parce qu'elle accroîtrait la probabilité qu'une mise en danger soit décelée et combattue. La nouvelle obligation d'aviser l'autorité ne doit toutefois pas déboucher sur une culture de la dénonciation. Une obligation universelle pourrait en effet entraîner une hausse du nombre des communications manifestement infondées auprès de l'autorité de protection de l'enfant. Le climat de méfiance que créerait une telle mesure serait en fin de compte préjudiciable aux objectifs de la révision: les conflits qu'elle causerait pèseraient en premier lieu et surtout sur les enfants eux-mêmes. Il serait également à craindre que des communications fondées se perdent dans une pluie de communications infondées et que les enfants menacés ne reçoivent pas à temps la protection dont ils ont besoin.

1.2.3

Liste d'exceptions et secret professionnel

L'instauration d'une obligation élargie d'aviser l'autorité soulève des questions concernant les personnes soumises au secret professionnel. Selon le droit fédéral en vigueur, ces personnes ne peuvent communiquer un cas à l'autorité de protection de l'enfant que si elles ont d'abord été déliées par écrit du secret professionnel par l'autorité supérieure ou par l'autorité de surveillance, ou si la personne concernée consent à ce que son cas soit signalé (art. 443, al. 1, CC en relation avec l'art. 321, ch. 2, CP).

Selon le droit en vigueur, les cantons sont libres d'instaurer une obligation d'aviser pour les personnes soumises au secret professionnel (art. 443, al. 2, 2e phrase, CC).

Plusieurs d'entre eux ont fait usage de cette compétence et obligent certaines catégories assujetties au secret professionnel à signaler les personnes ayant besoin d'aide à l'autorité de protection de l'enfant et de l'adulte sans avoir été déliées du secret.

C'est par exemple le cas des médecins (AI, AR, GR, JU, OW, SZ, UR, VD, ZG) ou des ecclésiastiques46 (GR, JU, OW, VD) (voir ch. 1.1.2.2). La présente révision ne 44 45 46

Lips (note de bas de page 28), p. 46.

Groupe de travail «Enfance maltraitée» (note de bas de page 32), p. 69.

L'initiative parlementaire Sommaruga Carlo 10.540 (Secret professionnel des ecclésiastiques) demandait une modification du CP telle que les faits constitutifs d'infractions contre la liberté sexuelle des mineurs soient exclus du champ du secret professionnel des ecclésiastiques. Le 7 mars 2012, le Conseil national a décidé de ne pas donner suite à cette initiative. Il approuvait son objectif mais critiquait le fait qu'elle soit limitée aux ecclésiastiques et aux infractions contre l'intégrité sexuelle (BO 2012 N 301 ss).

3127

prévoit cependant pas de généraliser ces obligations au niveau fédéral, pour la raison suivante. Il n'est pas judicieux d'instaurer une obligation d'aviser dans un domaine dans lequel une relation de confiance est décisive pour la collaboration. Ce rapport de confiance conditionne le succès de la relation particulière de travail, d'assistance ou de soutien et il est protégé par le secret professionnel, par ex. dans les domaines de la psychologie, de la médecine ou de la justice. Les mineurs qui ont besoin d'aide s'ouvrent souvent de leurs difficultés à une personne de confiance précisément parce qu'ils savent qu'elle ne rapportera pas leur conversation. Cette confidentialité, cette assurance de discrétion, est la base d'une collaboration fructueuse au bénéfice du mineur concerné. Une obligation absolue d'aviser peut être contre-productive en un tel cas, en empêchant au lieu de la favoriser la protection de l'enfant concerné47.

Une obligation absolue pourrait en d'autres termes mener à ce que les mineurs ne se sentent plus libres de se tourner vers une figure d'autorité ou un spécialiste pour parler de leurs problèmes. Les victimes de mauvais traitements ou de viols ne doivent pas avoir à craindre que leurs confidences soient rapportées sans leur consentement, voire contre leur gré. Une obligation d'aviser malgré le secret professionnel pourrait aussi conduire à ce que les parents ne mènent plus leur enfant chez le médecin en cas de problème, de peur d'être dénoncés.

C'est pourquoi le Conseil fédéral ne juge pas bon de généraliser tout à fait l'obligation d'aviser l'autorité. Cependant, la législation fédérale actuelle peut faire obstacle au signalement de certains cas avérés de mise en danger d'enfants, notamment dans le cas des enfants trop jeunes pour s'exprimer.

Les personnes astreintes au secret professionnel peuvent aujourd'hui aviser l'autorité de protection de l'enfant des infractions commises contre des mineurs (art. 364 CP).

Ces personnes doivent avoir des raisons sérieuses de penser qu'il y a infraction48.

Or, on ne peut exiger de toutes les personnes soumises au secret professionnel qu'elles se conforment à cette condition, d'autant plus que la définition de l'infraction ne leur est pas toujours connue, comme la violation du devoir d'assistance ou d'éducation envers une personne
mineure (art. 219 CP)49. De ce fait, il est compréhensible que ces personnes hésitent à signaler un cas à l'autorité de protection de l'enfant. Certains auteurs de doctrine défendent l'idée que l'élément décisif de l'art. 364 CP ne peut pas être l'existence d'une infraction50, mais cela ne ressort pas clairement de la norme, ce qui mène en pratique à des incertitudes et à des difficultés de délimitation. Le signalement ne devrait pas être centré sur le fait qu'une infraction a été commise à l'encontre d'un mineur, mais sur le fait qu'un examen de la situation de ce dernier apparaît opportun en vue d'assurer sa protection.

Exemple: un médecin constate qu'un enfant qu'il traite est souvent malade et qu'il manque régulièrement de sommeil. Les parents souffrent de dépendance et sont dépassés par la présence de l'enfant. Le médecin pourrait aviser l'autorité que l'enfant semble en danger, en vertu du droit en vigueur, si les parents violaient leur devoir d'assistance ou d'éducation (art. 364 CP en relation avec l'art. 219 CP).

Cependant, il n'a pas la certitude que cette communication soit licite, en raison de 47 48 49 50

Daniel Rosch, Melderechte, Melde- und Mitwirkungspflichten, Amtshilfe: die Zusammenarbeit mit der neuen Kindes- und Erwachsenenschutzbehörde, FamPra 2012, p. 1024.

Yvo Biderbost, in: Marcel Alexander Niggli/Hans Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar Strafrecht II, 3e éd., ad art. 364 no 5.

Voir l'exemple figurant dans le paragraphe suivant.

Biderbost (note de bas de page 48), ad art. 364 no 5.

3128

l'imprécision de la définition de cette infraction51. Il renonce donc à aviser l'autorité sur la base de cette disposition. Il pourrait demander à être délié du secret professionnel, mais il s'agit là d'une complication administrative. On veut, à l'avenir, éviter que l'autorité ne soit pas avertie dans de tels cas.

Les personnes soumises au secret professionnel seront donc autorisées à aviser l'autorité sans se faire délier du secret professionnel lorsqu'elles soupçonnent que le bien d'un enfant est menacé (voir ch. 2.1, commentaire de l'art. 314c, al 2, P-CC).

1.3

Résultats de la procédure de consultation

La procédure de consultation organisée sur l'avant-projet de révision du code civil (protection de l'enfant) a duré du 13 décembre 2013 au 31 mars 2014. Ont été invités à y participer les cantons, les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale et les organisations intéressées. Tous les cantons ont pris position, de même que cinq partis politiques, 50 organisations et un particulier. Au total, 82 avis ont été livrés52.

Les principaux résultats de la consultation sont résumés ci-dessous. Des explications complémentaires sont fournies dans le commentaire des dispositions.

La majorité des participants adhèrent au projet de révision et notamment à l'uniformisation des droit et obligation d'aviser qu'il vise via la législation fédérale.

Quelques participants ont toutefois émis des avis critiques, certains jugeant qu'il n'allait pas assez loin, d'autres trop. Les opinions divergent quant aux deux piliers du projet de révision.

La grande majorité des participants sont favorables au droit d'aviser proposé pour les personnes soumises au secret professionnel en vertu du code pénal (art. 314c AP-CC). Quelques-uns préféreraient toutefois que la réglementation actuelle soit conservée.

L'extension proposée de l'obligation d'aviser aux personnes qui n'exercent pas de fonction officielle mais sont en contact régulier avec des enfants de par leur activité professionnelle (art. 314d AP-CC) suscite en revanche la controverse. Ce volet du projet n'est soutenu expressément que par une moitié des cantons, deux partis et environ un tiers des organisations. Si bon nombre de participants ne rejettent pas le principe de l'extension, ils la considèrent comme extrêmement critique et ont par conséquent émis diverses réserves, notamment quant au cercle des personnes qui y seraient soumises et aux détails de l'obligation. Seuls quelques rares participants auraient souhaité que l'obligation d'aviser soit aussi étendue aux personnes qui sont soumises au secret professionnel en vertu du code pénal. Les avis sont positifs sur le fait que l'avant-projet ne contienne pas d'obligation générale d'aviser pour les tiers.

Les participants à la consultation sont d'avis qu'une telle obligation provoquerait une pluie de communications infondées et encouragerait la dénonciation.

La complexité du projet a elle aussi essuyé des critiques. D'aucuns ont notamment reproché au texte de contenir, aussi bien dans la disposition sur le droit d'aviser que

51 52

Andreas Eckert, in: Marcel Alexander Niggli/Hans Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar Strafrecht II, 3e éd., ad art. 219 no 9.

Rapport sur la procédure de consultation, à télécharger sous: www.ofj.admin.ch législatifs en cours > Obligation d'aviser l'autorité de protection de l'enfant.

3129

dans celle sur l'obligation d'aviser, des énumérations de catégories de personnes qui parfois se recoupent.

Le Conseil fédéral a décidé, à la suite de la consultation, de simplifier le projet et de renoncer à une énumération séparée des catégories de personnes soumises au secret professionnel. Comme l'ont proposé quelques cantons, la disposition doit se référer exclusivement à l'art. 321 CP (violation du secret professionnel) et prévoir un droit d'aviser pour toutes les personnes soumises au secret professionnel. Les catégories de personnes autorisées à aviser ou obligées de le faire sont clairement délimitées en fonction du critère du secret professionnel. Le projet gagne ainsi en clarté et en compréhensibilité. Les autres nouveautés sont expliquées plus en détail dans le commentaire des différentes dispositions.

1.4

Eléments écartés de la révision

Conformément au mandat parlementaire53, les dispositions régissant le droit et l'obligation d'aviser dans le domaine de la protection de l'adulte ne sont pas fondamentalement révisées, contrairement à ce que voulaient certains participants à la consultation. Le projet s'adresse au cercle des personnes qui sont en contact avec des enfants et leur famille dans l'exercice de leur profession et il est conçu pour elles. Ce cercle ne recouvre pas complètement celui des personnes qui travaillent avec des adultes tributaires d'un soutien. Le droit régissant la protection de l'adulte continue de prévoir une obligation d'aviser pour les personnes exerçant une fonction officielle (art. 443, al. 2 P-CC; cf. ch. 1.1.2.1 et 2.1), obligation qui est adaptée ponctuellement au nouveau droit de la protection de l'enfant (voir commentaire de l'art. 443, al. 2, P-CC, ch. 2.1).

Certains ont proposé, lors de la consultation, que les personnes avisant les autorités bénéficient d'un droit d'être informées sur l'avancement de la procédure analogue à celui dont jouissent les dénonciateurs en vertu de l'art. 301, al. 2, du code de procédure pénale (CPP)54. Les autorités de protection de l'enfant sont toutefois déjà autorisées par l'art. 451, al. 1, CC, applicable également au droit de la protection de l'enfant (art. 314, al. 1, CC)55, à fournir des renseignements sur les mesures prises pour protéger les enfants si des intérêts prépondérants le justifient. La disposition sert à protéger la sphère privée de l'enfant touché par une mesure et elle oblige l'autorité à peser les intérêts en présence dans le cas concret56. Cette solution est adéquate dans le domaine de la protection de l'enfant ­ où sont recueillies des données particulièrement sensibles et attentatoires à la personnalité des enfants concernés et de leur famille57 ­ et doit donc être conservée.

53 54 55 56 57

Motion Aubert 08.3790 du 9 décembre 2008 (Protection de l'enfant face à la maltraitance et aux abus sexuels), cf. ch. 1.1.1.

RS 312.0 Thomas Geiser, in: Heinrich Honsell/Peter Vogt Nedim/Thomas Geiser (éd.), Basler Kommentar Zivilgesetzbuch I, 5e éd., Bâle 2014, ad art. 451 no 9.

Geiser (note de bas de page 55), ad art. 451 no 14 et 17; message sur la protection de l'adulte (note de bas de page 4), FF 2006 6721.

Cf. Michelle Cottier/Jannine Hassler, in: Andrea Büchler/Christoph Häfeli/Audrey Leuba/Martin Stettler (éd.), FamKomm Erwachsenenschutz, Berne 2013, ad art. 451 no 2.

3130

1.5

Droit comparé

La plupart des pays disposent d'une réglementation légale sur l'information des autorités compétentes en matière de protection d'enfants. L'éventail des solutions adoptées est large, de l'absence d'obligation associée à un droit d'aviser à une obligation générale d'aviser pour les tiers.

L'Allemagne n'a pas instauré d'obligation d'aviser. Le § 4 de la KinderschutzKooperations-Gesetz58 prévoit en lieu et place un droit d'aviser pour certaines catégories de professionnels (et notamment les personnes exerçant une profession soignante, les psychologues, les collaborateurs de divers services de consultation et les enseignants). L'al. 1 de la disposition oblige les professionnels à discuter de la situation avec l'enfant concerné et les détenteurs de l'autorité parentale avant d'envisager le recours à une aide si la protection de l'enfant n'en est pas remise en question. Lorsque la procédure est abandonnée ou reste sans effet et que le professionnel juge une intervention de l'office des mineurs indispensable pour remédier au danger, il a le droit d'aviser l'autorité.

L'Autriche dispose au contraire, avec le § 37 de la Bundes-Kinder- und Jugendhilfegesetz (B-KJHG)59, d'une obligation d'aviser pour les institutions et professionnels indépendants dans le cas où un enfant est menacé d'un danger concret et élevé qui ne peut être empêché autrement. Parmi les institutions mentionnées, on trouve les tribunaux, autorités, homes et hôpitaux. L'obligation d'aviser prime les éventuelles obligations de discrétion (§ 37, al. 5, B-KJHG).

En France, il existe une obligation générale d'informer les autorités, destinée à protéger les adolescents, mais les personnes soumises au secret professionnel sont exceptées60. Les médecins qui discernent qu'un mineur est victime de sévices ou de privations sont cependant tenus par le code de déontologie d'alerter les autorités61.

Les personnes soumises au secret professionnel jouissent d'un droit général de révéler les cas de maltraitance d'enfants, notamment lorsqu'il y a atteinte sexuelle62.

L'Italie connaît toute une série d'obligations d'aviser pour les personnes exerçant une fonction officielle, par exemple lorsqu'un enfant est victime d'une infraction poursuivie d'office, qu'il se trouve dans un état d'abandon ou qu'il est victime d'exploitation sexuelle63. Les signalements doivent être adressés, selon le motif, aux autorités de poursuite pénale ou aux autorités responsables de la protection de l'enfant ou à toutes deux.

58 59 60 61 62 63

Gesetz zur Kooperation und Information im Kinderschutz (KKG) du 22 décembre 2011, Bundesgesetzblatt I, p. 2975.

Bundesgesetz über die Grundsätze für Hilfen für Familien und Erziehungshilfen für Kinder und Jugendliche du 17 avril 2013, Bundesgesetzblatt I, no 69/2013.

Art. 434-3 du code pénal.

Art. R4127-44 du code de la santé publique.

Art. 226-14, al. 1, du code pénal.

Cf. art. 331 du codice di procedura penale, art. 9 legge 184/1983 (Diritto del minore ad una famiglia) und art. 25bis regio decreto-legge 1404/1934 (introduit par l'art. 2 legge 269/1998).

3131

Une étude réalisée à la demande de la Direction générale de la justice de la Commission européenne64, en 2011, sur le thème de la violence faite aux femmes et aux enfants, dresse la liste des solutions existant dans les différents pays membres de l'UE en matière d'obligation d'aviser aussi bien aux autorités de protection de l'enfant qu'aux autorités de poursuite pénale. Les données recueillies indiquent, selon les auteurs de cette étude, que la qualité de la protection des enfants n'est pas nécessairement corrélée avec l'existence d'un système de communication65. L'obligation de signaler existe notamment en Europe orientale, où la police est depuis toujours responsable de la protection des enfants et travaille selon le principe de la prévention des risques. En Europe occidentale, en revanche, la protection des enfants présente un lien étroit avec le système social et «protection» s'entend avant tout dans le sens d'aide et de soutien, y compris des parents. Il est fait aux citoyens une obligation générale d'aviser les autorités de protection de l'enfant des éventuelles maltraitances d'enfants dans neuf Etats membres (BG, CY, DK, EE, LU, LV, PL, RO, SK). Dans 13 autres Etats (AT, CY, CZ, EL, FI, HU, IT, LT, MT, PT, SE, SI, UK), toutes les catégories professionnelles travaillant avec des enfants, ou au moins une partie d'entre elles, sont tenues de signaler les cas présumés de maltraitance aux institutions responsables de la protection de l'enfant. Dans d'autres Etats membres, aucune réglementation n'a été introduite en matière d'obligation d'aviser, parfois au terme de longs débats sur les avantages et les inconvénients de pareille mesure, mais il y existe des règles sur le seuil d'échange d'informations (BE, DE, ES, FR, IE, NL).

Aux Etats-Unis, selon les indications de l'U.S. Department of Health & Human Services, la plupart des Etats fédéraux prévoient une obligation d'aviser pour les professionnels qui sont en contact avec des enfants dans l'exercice de leur activité, comme les employés de crèches, les enseignants, les professionnels des domaines du droit et de l'application du droit (par ex. la police) et les médecins. Quelques Etats fédéraux ont aussi introduit une obligation générale d'aviser pour les tiers66. La plupart des signalements sont faits, selon la statistique de l'U.S. Department of Health & Human Services, par des professionnels du droit et de l'application du droit ou des enseignants67.

1.6

Classement d'interventions parlementaires

La nouvelle règlementation remplit les objectifs de la motion Aubert 08.3790 (Protection de l'enfant face à la maltraitance et aux abus sexuels).

64

65 66 67

Etude de faisabilité visant à évaluer les possibilités, les opportunités et les besoins en termes d'harmonisation des législations nationales relatives à la violence contre les femmes, à la violence contre les enfants et à la violence fondée sur l'orientation sexuelle, à télécharger sous: http://ec.europa.eu > Justice > Fundamental Rights > Documents > Rights of the Child.

Etude de faisabilité 2011 (note de bas de page 64), p. 47.

U.S. Department of Health & Human Services (note de bas de page 41), p. 7.

U.S. Department of Health & Human Services (note de bas de page 41), p. 12.

3132

2

Commentaire des dispositions

2.1

Code civil

Remarque liminaire: les deux dispositions concernant le droit et l'obligation d'aviser l'autorité (art. 314c et art. 314d P-CC) servent une meilleure mise en oeuvre du droit matériel régissant le bien de l'enfant. L'information transmise à l'autorité de protection de l'enfant doit contenir des faits pertinents en droit: les besoins fondamentaux de l'enfant doivent être menacés, son bien-être ou son développement doivent être touchés. La personne qui fait la communication n'a pas besoin d'en apporter la preuve, il suffit qu'elle l'ait constaté. C'est à l'autorité de protection de l'enfant ou au service compétent qu'il revient de déterminer s'il y a réellement atteinte au bien de l'enfant.

La situation doit être telle qu'en vertu du bon sens, une intervention de l'autorité pour protéger l'enfant semble nécessaire. Si les parents souffrent d'une dépendance aigüe qui suscite des doutes quant à leur capacité à élever l'enfant, il peut être utile de le signaler à l'autorité, même sans rien savoir sur l'état de santé de l'enfant. Dans ce sens, des situations qui présentent un net risque pour l'enfant peuvent aussi mériter un avis à l'autorité.

Pour les enfants en bas âge, le signalement portera principalement sur un soupçon de mauvais traitements. Les enfants plus âgés peuvent avoir aussi d'autres besoins d'assistance qui requièrent une intervention de l'autorité. C'est par exemple le cas si le comportement ou les conditions d'existence d'un enfant donnent l'impression qu'il a besoin d'un traitement psychiatrique ou d'une thérapie dans une institution (art. 314b CC).

L'autorité de protection de l'enfant sera tenue d'examiner tous les avis qui lui parviendront, en vertu de la maxime d'office et de la maxime inquisitoire qui s'appliquent dans le domaine de la protection de l'enfant (art. 446 CC)68, et ­ s'ils ne paraissent pas manifestement infondés ­ de leur donner suite. La personne qui leur a signalé le cas pourra aussi le faire de manière anonyme.

Art. 314c

Droit d'aviser l'autorité

Tout un chacun sera autorisé, comme c'est le cas aujourd'hui (art. 443, al. 1, en relation avec l'art. 314, al. 1, CC), à aviser l'autorité de protection de l'enfant s'il soupçonne que le bien d'un enfant est menacé. Le seuil de communication doit se situer au même niveau que dans le droit de la protection de l'adulte. La formulation, modifiée par rapport à celle de l'avant-projet, l'énonce clairement.

Selon la législation fédérale en vigueur, le droit d'aviser l'autorité ne s'applique pas sans restriction aux personnes soumises au secret professionnel. Ces personnes, tels les ecclésiastiques, les avocats, les médecins, les dentistes, les psychologues et les sages-femmes, ainsi que leurs auxiliaires, ne peuvent aviser l'autorité que si une infraction a été commise à l'encontre d'un mineur (art. 364 CP; voir ch. 1.2.3). Si tel n'est pas le cas, elles doivent d'abord avoir été déliées du secret professionnel, par écrit, par la personne concernée ou par une autorité supérieure (art. 443, al. 1, CC en relation avec l'art. 321 CP).

68

Christoph Auer/Michèle Marti, in: Heinrich Honsell/Peter Vogt Nedim/Thomas Geiser (éd.), Basler Kommentar Zivilgesetzbuch I, 5e éd., Bâle 2014, ad art. 446 CC no 2.

3133

Les intérêts de l'enfant menacé peuvent cependant justifier, dans le cas d'espèce, qu'une personne impliquée signale le cas immédiatement à l'autorité de protection de l'enfant, sans s'être fait délier du secret professionnel, alors qu'aucune infraction n'a été commise à l'encontre du mineur. L'existence du droit d'aviser de l'art. 364 CP, qui présuppose une infraction, ne suffit donc pas à sauvegarder les intérêts de l'enfant et à protéger ce dernier (voir ch. 1.2.3).

Le projet prévoit donc que les personnes soumises au secret professionnel en vertu du code pénal pourront aviser l'autorité qu'un enfant est menacé sans se faire délier au préalable du secret. Cette disposition s'inspire de l'art. 3c LStup, qui prévoit depuis 201169 un droit d'aviser étendu pour les professionnels, visant à favoriser la détection des personnes exposées à un risque de dépendance et l'intervention précoces70.

La personne tenue au secret professionnel qui dispose d'informations laissant supposer que le bien d'un enfant est menacé a toujours le droit d'aviser lorsque l'intérêt de l'enfant le justifie. Comme la doctrine le soutient déjà au sujet de l'art. 364 CP71, peu importe l'origine de l'information. Le fait que le détenteur du secret professionnel ait appris l'existence d'une menace par la personne dont elle émane, par les parents, par des tiers ou par l'enfant lui-même ne joue donc aucun rôle pour le droit d'aviser.

Le droit d'aviser accordé aux personnes soumises au secret professionnel laissera à ces dernières la possibilité de mettre en balance les intérêts en présence dans un cas concret. Ces personnes savent combien la relation de confiance entre elles et leur patient ou client est importante, et elles peuvent apprécier s'il vaut la peine d'enfreindre cette confiance au nom du bien de l'enfant. Ce principe vaut pour toutes les relations placées sous le signe de la confidentialité. L'autorité ne doit être avisée que si la personne concernée pense, après avoir pesé tous les éléments, que cela sert le bien de l'enfant. Doivent également être considérés, dans cet esprit, les intérêts d'autres enfants (par ex. des frères et soeurs ou des camarades d'école) qu'il s'agit de protéger des mêmes menaces72. Une communication à l'autorité ne sera donc pas punissable dans ces cas (art. 14 CP et art. 321, ch. 3, P-CP).
Il peut arriver qu'une personne soumise au secret professionnel en vertu du droit pénal agisse aussi dans le cadre d'une fonction officielle, comme c'est le cas des médecins des hôpitaux publics ou encore des psychologues scolaires, également soumis au secret professionnel depuis l'entrée en vigueur au 1er avril 2013 de la loi du 18 mars 2011 sur les professions de la psychologie (LPsy)73 (art. 321, ch. 1, CP).

Ces personnes auront un droit d'aviser l'autorité, et non une obligation au sens de l'art. 314d. Il serait en effet contre-productif que les mineurs ayant besoin d'aide ne puissent plus se confier à la personne compétente. Le professionnel concerné signalera le cas à l'autorité de protection de l'enfant si les intérêts du mineur l'exigent. Si 69 70 71

72

73

RO 2009 2623 Richard Blättler/Charlotte Kläusler-Senn/Christoph Häfeli, Meldebefugnis und Zusammenarbeit mit den neuen Kindesschutzbehörden, Suchtmagazin 4/2011, p. 25.

Biderbost (note de bas de page 48), ad art. 364, no 13; Günter Stratenwerth/Wolfgang Wohlers, Schweizerisches Strafgesetzbuch Handkommentar, 3e éd., Berne 2013, ad art. 364, no 4.

Message du 26 juin 1985 concernant la modification du code pénal et du code pénal militaire (Infractions contre la vie et l'intégrité corporelle, les moeurs et la famille), FF 1985 II 1077.

RS 935.81

3134

ce dernier est capable de discernement, il sera indiqué de recueillir son consentement avant d'aviser l'autorité, dans la mesure où cela est possible et utile.

Le projet n'énumère pas, comme le faisait l'avant-projet, les professionnels autorisés à aviser. Comme proposé lors de la consultation, la disposition se réfère exclusivement à l'art. 321 CP et prévoit un droit d'aviser pour toutes les personnes soumises au secret professionnel qui y sont mentionnées. L'objectif est de simplifier la délimitation par rapport aux catégories de personnes tenues d'aviser au sens de l'art. 314d.

Sont notamment autorisées à aviser, contrairement à ce que prévoyait l'avant-projet, les personnes travaillant dans le domaine de la justice (avocats, défenseurs en justice, notaires). Elles aussi ­ et en particulier les avocats et les notaires qui collaborent à l'exécution du droit de la protection de l'adulte et de l'enfant74 ­ peuvent être confrontées à des cas dans lesquels le bien de l'enfant est menacé. Il n'existe par ailleurs aucune raison objective de donner une importance différente aux rapports de confiance instaurés avec les différentes catégories de personnes soumises au secret professionnel.

Le droit d'aviser vaut aussi pour les collaborateurs de services de consultation, que des renvois figurant dans des lois spéciales soumettent au secret professionnel en vertu du code pénal. Tel est le cas du personnel des centres de consultation en matière de grossesse (art. 2, al. 1, de la loi fédérale du 9 octobre 1981 sur les centres de consultation en matière de grossesse75) et de celui des institutions de traitement et des services d'aide sociale compétents au sens de la LStup (art. 3c, al. 4, LStup).

Le droit d'aviser n'est en revanche pas accordé aux auxiliaires, pourtant eux aussi soumis au secret professionnel en vertu du code pénal (art. 321, ch. 1, CP). La pesée des intérêts qui doit être faite pour savoir s'il faut préserver le rapport de confiance ou aviser l'autorité de protection de l'enfant incombe à la personne pour laquelle ils travaillent. Lorsqu'un auxiliaire a connaissance du cas d'un enfant dont le bien est menacé, il doit d'abord en informer cette personne, détentrice du secret professionnel, pour que ce dernier puisse procéder à la nécessaire pesée des intérêts.

Le projet tient compte du fait
que la mise en danger du bien de l'enfant peut prendre des formes très diverses et revêtir un caractère plus ou moins urgent. Nous partons du principe que les professionnels concernés sont les mieux placés pour savoir dans quels cas la protection de l'enfant doit l'emporter sur le secret.

Art. 314d

Obligation d'aviser l'autorité

Pour aborder et combattre la maltraitance envers les enfants, il est indispensable de penser autrement la responsabilité des adultes: il existe des professions ­ tels les enseignants ­ dont les membres voient des enfants journellement. La santé et la qualité de vie de ces enfants peuvent être considérablement améliorées, tant à court terme que dans la perspective de leur future vie d'adulte, si l'on écarte les dangers qui menacent leur développement. Il est donc important que les personnes qui, de par leur fonction, sont régulièrement en contact avec les enfants agissent pour les protéger.

74 75

Auer/Marti (note de bas de page 68), ad art. 448 CC no 37.

RS 857.5

3135

Les personnes qui ont connaissance d'un cas dans l'exercice de leur fonction officielle seront toujours tenues de le signaler (al. 1, ch. 2). Cette règle existe aujourd'hui à l'art. 314 en relation avec l'art. 443, al. 2, CC. Il faut donc comprendre le terme de «fonction officielle» au sens large. Les employés de l'Etat ne sont pas les seuls concernés; l'élément déterminant est le fait que la personne exerce des compétences de droit public76. Ce sont par exemple des policiers, des membres de l'autorité scolaire ou des assistants sociaux. Les enseignants sont sans conteste parmi les interlocuteurs des enfants les plus importants. Les maîtres et professeurs de l'enseignement obligatoire accomplissent une tâche de droit public, qu'ils relèvent d'un établissement public ou privé, car ils sont responsables de la transmission de connaissances de base que l'Etat estime indispensables à l'exercice et des droits et des obligations du citoyen. A ce titre, ils sont soumis par le droit actuel à une obligation d'aviser l'autorité. Les mandataires privés (chargés d'une tutelle ou d'une curatelle), par exemple, exercent aussi une fonction officielle. Les personnes exerçant une fonction officielle ne sont tenues d'aviser que lorsqu'elles apprennent l'existence d'une menace dans l'exercice de ladite fonction. Le terme de professionnel est implicite. Le cercle des personnes assujetties est donc le même qu'à l'art. 443, al. 2, CC. Notons qu'il n'est pas nécessaire de se faire délier du secret de fonction pour aviser l'autorité de protection de l'enfant (art. 14 CP).

Le point central de la révision consiste à étendre l'obligation d'aviser à des personnes qui travaillent régulièrement avec des enfants mais qui n'exercent pas de fonction officielle (al. 1, ch. 1). Il s'agit par exemple des professeurs actifs dans des établissements au-delà de la scolarité obligatoire, des employés des crèches privées, des nurses, des thérapeutes, des collaborateurs de centres de consultation (pour parents par ex.) ou des oeuvres d'entraide privées offrant un soutien social et des moniteurs sportifs. La nouveauté par rapport à l'avant-projet est que le texte de loi indique expressément que seuls les professionnels qui sont en contact régulier avec les enfants dans l'exercice de leur activité professionnelle sont visés par la réglementation. Il
concrétise ainsi le cercle des personnes assujetties qui sont en mesure d'évaluer la menace pesant sur le bien d'un enfant et d'assumer la responsabilité associée à l'obligation d'aviser. En effet, les personnes qui ne s'occupent d'enfants que pendant les loisirs, bénévolement pour la plupart (comme les moniteurs de sport non rémunérés, les responsables J+S, scouts et JUBLA, les éducateurs bénévoles) sont le plus souvent dépassés par l'obligation d'aviser: il leur manque le savoir et l'expérience nécessaires pour pouvoir apprécier correctement le danger que court un enfant. Divers participants à la procédure de consultation l'ont également évoqué.

Seront également exclus de l'obligation d'aviser les professionnels qui ont régulièrement à faire avec des enfants mais qui sont soumis à un secret professionnel protégé par le code pénal. En vertu de l'art. 314c, al. 2, ils pourront seulement aviser l'autorité. En ce sens, le droit d'aviser prévu par cette disposition primera l'obligation d'aviser de l'art. 314d. Cette exception se justifie par le fait que les personnes soumises au secret professionnel ont en règle générale un rapport de confiance particulier avec leurs clients ou leurs patients (cf. ch. 1.2.3).

Dans la mesure où ces professionnels sont les auxiliaires d'une personne tenue au secret professionnel, ils sont également soumis au secret professionnel (art. 321, ch. 1, CP). Ils sont donc exclus du cercle des assujettis. Aucun droit d'aviser n'a été 76

Message du 28 juin 2006 sur le droit de la protection de l'adulte (note de bas de page 4), FF 2006 6635 6708.

3136

prévu pour les auxiliaires d'une personne tenue au secret professionnel parce que c'est à cette dernière qu'incombe en priorité la question de savoir si le rapport de confiance doit être préservé ou si l'autorité de protection de l'enfant doit être avisée (cf. le commentaire de l'art. 314c). L'introduction d'une obligation d'aviser pour ces mêmes auxiliaires d'une personne tenue au secret professionnel les placerait dans un conflit d'intérêt. En conséquence, les auxiliaires d'une personne tenue au secret professionnel ne sont ni autorisées ni tenues d'aviser, mais elles doivent informer la personne pour laquelle ils travaillent, soumise au secret professionnel, des éventuelles menaces pesant sur un enfant. Il faut assurer que cette personne puisse procéder à la nécessaire pesée des intérêts.

Les collaborateurs des centres de consultation en matière de grossesse et le personnel des institutions de traitement et des services d'aide sociale compétents au sens de la LStup sont eux aussi soumis au secret professionnel en vertu du code pénal via des renvois figurant dans des lois spéciales (voir le commentaire de l'art. 314c). Ils sont donc exclus de la nouvelle obligation d'aviser. D'autres dispositions du droit fédéral régissant la communication de données et l'obligation de garder le secret, comme l'art. 33 de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales77, l'art. 50a de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants78 ou l'art. 35 de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données79, doivent en revanche céder le pas devant l'art. 314d, parce qu'il n'existe pas dans ces cas de relation de confiance particulière entre le spécialiste et le tiers concerné. La nouvelle règlementation du droit de la protection de l'enfant prime ces devoirs de discrétion. Il existe une règle spéciale pour les personnes travaillant dans un centre de consultation au sens de la loi sur l'aide aux victimes (cf. ch. 2.4, commentaire de l'art. 11, al. 3, LAVI).

Les professionnels qui sont régulièrement en contact avec les enfants dans l'exercice de leur activité et qui ne sont pas soumis au secret professionnel sont tenus d'aviser l'autorité quand ils ne peuvent eux-mêmes venir en aide à l'enfant et écarter le danger qui le menace. La
disposition tient ainsi compte du fait que les professionnels sont souvent en mesure d'agir eux-mêmes pour que le bien de l'enfant soit rétabli, voire que c'est à eux de le faire. C'est en particulier le cas des assistants sociaux, des policiers ou des collaborateurs de centres de consultation. Ces personnes signaleront un cas à l'autorité si elles ne sont pas en mesure de prêter assistance à l'enfant ou d'écarter le danger qui le menace. En d'autres termes, l'intervention de l'autorité de protection de l'enfant sera subsidiaire. On tient ainsi compte du point de vue, maintes fois exprimé dans le cadre de la procédure de consultation, selon lequel les professionnels des domaines social et infirmier peuvent entretenir un rapport de confiance avec les intéressés au même titre que les personnes soumises au secret professionnel et tout aussi digne de protection. Le fait de n'obliger ces personnes à aviser l'autorité que lorsqu'elles ne peuvent elles-mêmes contrer le danger qui menace l'enfant laisse possibles des solutions facilement accessibles. Les professionnels concernés disposent d'une marge de manoeuvre: lorsqu'ils peuvent résoudre eux-mêmes le problème, ils n'ont pas à aviser l'autorité. Ils peuvent prendre toutes les mesures qui leur semblent s'imposer, dans l'exercice de leurs activités, et notamment s'adresser aux services ou réseaux compétents. Lorsque ces solutions ne portent pas leurs fruits ou paraissent d'emblée sans issue, les professionnels doivent 77 78 79

RS 830.1 RS 831.10 RS 235.1

3137

aviser l'autorité de protection de l'enfant. Les membres des professions concernées peuvent également l'informer des situations à risque après avoir commencé par prendre eux-mêmes des mesures.

L'obligation d'aviser l'autorité s'applique que le professionnel soit mis au courant du danger par l'auteur, par les parents, par des tiers ou par l'enfant lui-même (voir le commentaire de l'art. 314c). Elle ne porte cependant que sur les faits qu'il a appris dans l'exercice de son activité professionnelle (cf. art. 443, al. 2, CC et le commentaire de l'al. 1, ch. 2).

L'obligation d'aviser l'autorité de protection de l'enfant n'aura pas d'influence sur les dispositions du code de procédure pénale (CPP)80 régissant la dénonciation pénale. Chacun a le droit de dénoncer des infractions à une autorité de procédure pénale, par écrit ou oralement (art. 301, al. 1, CPP); les autorités pénales, elles, sont tenues de le faire (art. 302, al. 1, CPP). Tant la Confédération que les cantons ont la compétence de prévoir des obligations de dénoncer pour des membres d'autres autorités (art. 302, al. 2, CPP).

En principe, nul n'encourra de peine pour n'avoir pas respecté l'obligation d'aviser l'autorité au sens de l'art. 314d, mais il est possible de se voir accuser d'infraction d'omission si le mineur en question commet un acte punissable et que le dommage qui en résulte aurait quasi certainement pu être évité par le biais de cette obligation d'aviser81. Il en va de même lorsqu'une personne n'avise pas l'autorité, alors qu'elle y était tenue, et que l'enfant concerné est victime d'une infraction qui aurait pu être évitée (voir ch. 1.1.7). Peut en effet être puni pour la commission d'un crime ou d'un délit celui qui reste passif en violation d'une obligation d'agir parce qu'il n'empêche pas la mise en danger ou la lésion d'un bien juridique protégé par la loi pénale bien qu'il y soit tenu à raison de sa situation juridique (art. 11, al. 2, CP). Les professionnels qui travaillent avec des enfants occupent généralement une position de garant pour les enfants qui se trouvent sous leur garde. Les obligations inhérentes à cette position découlent de la loi dans le cas des officiers publics, d'un contrat dans les autres cas82. Les professionnels sont au minimum responsables de la protection des enfants qui leur sont confiés
pendant la plage horaire où ils travaillent avec eux.

L'obligation d'aviser que la loi leur impose étend ce devoir de protection aux cas dans lesquels les enfants ne se trouvent pas sous leur garde. Ils sont tenus par la loi de faire leur possible pour empêcher que le bien de l'enfant soit menacé y compris en dehors des heures où ils s'en occupent. L'obligation d'aviser créé donc, selon les circonstances, une positon légale de garant (art. 11, al. 2, let. a, CP). Toute atteinte portée à cette obligation peut donc être lourde de conséquences si la menace se concrétise et qu'une infraction est commise envers l'enfant. Il peut notamment y avoir condamnation pour complicité (art. 25 CP) des infractions en question (par ex.

des actes sexuels avec des enfants, art. 187 CP, ou des lésions corporelles, art. 122 ss CP) lorsque les autres conditions de l'art. 11 CP sont réunies. Si le mineur concerné subit un dommage, une prétention de responsabilité civile peut aussi entrer en ligne de compte, pourvu que les conditions de l'art. 41, al. 1, du code des obligations83 80 81 82

83

RS 312.0 Cf. Auer/Marti (note de bas de page 68), ad art. 443 no 28.

Cf. Stefan Trechsel/Marc Jean-Richard-dit-Bressel, in: Stefan Trechsel/Mark Pieth (éd.), Schweizerisches Strafgesetzbuch Praxiskommentar, 2e éd., Zurich/St-Gall 2013, ad art. 11 no 7 ss.; Kurt Seelmann, in: Marcel Alexander Niggli/Hans Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar Strafrecht I, 3e éd, Bâle 2013, ad art. 11 no 47 s.

RS 220

3138

soient remplies. Il est aussi possible qu'une loi spéciale prévoie une responsabilité applicable en cas de défaut de signalement ou qu'il existe des sanctions disciplinaires ou relevant du droit du personnel.

Les nouvelles dispositions relatives à l'obligation d'aviser l'autorité sont exhaustives. Les cantons ne pourront pas prévoir d'autres obligations d'aviser. Ce ne sera néanmoins pas le cas des obligations d'aviser relevant des domaines de compétence des cantons, par exemple du domaine scolaire ou de celui de la santé (cf. ch. 1.2.1).

Les cantons restent également en droit de prévoir des sanctions et des mesures disciplinaires à l'encontre de professionnels en faute dans le cadre de la législation d'exécution du droit civil.

Art. 314e

Collaboration et assistance administrative

L'obligation de collaborer et l'assistance administrative en vue de l'établissement des faits dans le domaine de la protection de l'enfant sont réglées aujourd'hui dans les dispositions relatives à la protection de l'adulte (art. 314, al. 1, en relation avec l'art. 448 CC). Puisque l'on instaure des règles spécifiques sur le droit et l'obligation d'aviser l'autorité de protection de l'enfant, il devient nécessaire d'adapter ces dispositions et d'ajouter un article aux dispositions de procédure du droit de la protection de l'enfant.

Rien ne changera pour les personnes qui seront soumises à une obligation d'aviser l'autorité selon l'art. 314d. Elles resteront tenues de collaborer à l'établissement des faits (art. 448, al. 1 et 4, CC; art. 314e, al. 1 et 4, P-CC).

L'al. 2 de l'art. 314e est nouveau sur le fond. Les personnes astreintes au secret professionnel en vertu du code pénal qui auront avisé l'autorité de protection de l'enfant sur la base de l'art. 314c, al. 2, pourront aussi collaborer avec cette autorité sans se faire délier au préalable du secret professionnel. Il s'agira d'une possibilité, et non d'une obligation, car elles disposent de données ayant trait à la personnalité des personnes impliquées dans la procédure et doivent être en mesure de déterminer elles-mêmes, au terme d'un examen de la proportionnalité, quelles informations sont à transmettre. Par exemple, le professionnel concerné pourra refuser sa collaboration si un renseignement pertinent pour la procédure peut être obtenu par la voie de l'assistance administrative. Le droit de collaborer des personnes soumises au secret professionnel doit exister indépendamment du signalement préalable d'un danger à l'autorité de protection de l'enfant. C'est là une nouveauté par rapport à l'avantprojet qui est due aux participants à la consultation. Comme pour le droit d'aviser, les auxiliaires de personnes soumises au secret professionnel ne seront cependant pas autorisés à divulguer librement des informations protégées et par là même à collaborer à l'établissement des faits. La décision de lever le secret professionnel incombe en priorité à la personne pour laquelle ils travaillent. Lorsqu'elle juge opportun que ses auxiliaires collaborent, parce que c'est un auxiliaire qui a décelé la menace pesant peut-être sur l'enfant, elle peut se
faire représenter par lui dans la procédure. L'autorité supérieure ou l'autorité de surveillance peut elle aussi délier l'auxiliaire du secret professionnel.

L'art. 314e, al. 3, est lui aussi nouveau: il remplace l'art. 448, al. 2, CC dans le domaine de la protection de l'enfant. Lorsque les personnes astreintes au secret professionnel sont déliées de leur obligation par l'intéressé ou, à la demande de l'autorité de protection de l'enfant, par l'autorité supérieure ou par l'autorité de surveillance, elles ne doivent pas pouvoir refuser de collaborer. Dans ces cas, elles 3139

sont donc tenues de collaborer à l'établissement des faits. C'est le seul moyen de faire respecter la maxime inquisitoire prescrite à l'art. 446, al. 1, CC. Cette règle réservée jusqu'ici, dans le droit de la protection de l'adulte, aux médecins, aux dentistes, aux pharmaciens et aux sages-femmes ainsi qu'à leurs auxiliaires sera étendue à toutes les personnes soumises au secret professionnel en vertu du code pénal, dans le droit de la protection de l'enfant, par analogie avec la disposition sur le droit d'aviser (art. 314c, al. 2).

Art. 443, al. 2 et 3 La disposition concernant le droit et l'obligation d'aviser dans le droit de la protection de l'adulte est adaptée ponctuellement à la nouvelle réglementation établie dans le droit de la protection de l'enfant (voir le ch. 1.4). L'art. 443, al. 2, prévoit donc expressément que le secret professionnel prime l'obligation d'aviser. Cette question a quelque peu divisé la doctrine84. L'obligation d'aviser s'applique là aussi seulement aux personnes qui exercent une fonction officielle et ne peuvent fournir ellesmêmes l'aide nécessaire dans le cadre de leur activité (voir le commentaire de l'art. 314d, al. 1). On tient ainsi compte du fait que les personnes tenues d'aviser sont dans bien des cas compétentes, dans le droit de la protection de l'adulte aussi, pour venir personnellement en aide à l'adulte dans le besoin (comme les travailleurs sociaux ou les policiers). L'obligation d'aviser ne doit être imposée à ces personnes, qui exercent une fonction officielle, que lorsqu'elles sont dans l'impossibilité de trouver une solution ou que la situation est sans espoir.

La révision vise l'uniformisation des droit et obligation d'aviser l'autorité, y compris dans le cas où c'est un adulte qui a besoin d'aide. Les cantons n'auront plus la compétence, dans ce domaine non plus, de prévoir d'autres obligations envers l'autorité de protection de l'adulte (al. 3). Sont réservées là aussi les communications relevant de leur domaine de compétence, par exemple dans le domaine de la santé ou dans le domaine scolaire (voir le ch. 1.2.1 et le commentaire de l'art. 314d, al. 2).

Art. 448, al. 2 A l'entrée en vigueur de la LPsy, le 1er avril 2013, la liste des personnes astreintes au secret professionnel a été complétée par les psychologues et les chiropraticiens à
l'art. 321 CP. Il convient par conséquent d'ajouter ces catégories professionnelles aux dispositions du code civil85. Le terme de «psychologue» s'entend dans son acception la plus large et englobe, selon le message relatif à la LPsy, les praticiens des autres domaines de la psychologie, comme les psychothérapeutes et les psychologues cliniciens86.

84

85 86

Pour la primauté du secret professionnel dans le droit en vigueur déjà Auer/Marti (note de bas de page 68), ad art. 443 CC no 25; Rosch (note de bas de page 47), p. 1029 s.; Mathias Kuhn, Das Verfahren vor der Kindes- und Erwachsenenschutzbehörde, recht 2014, p. 218 ss., 230; autre opinion Patrick Fassbind, in: Jolanta Kren Kostkiewicz/ Peter Nobel/Ivo Schwander/Stephan Wolf (éd.), ZGB Kommentar, 2e éd., Zurich 2011, ad art. 443 no 3; Hermann Schmid, Kommentar Erwachsenenschutz, Zurich/St-Gall 2010, ad art. 443 CC no 6.

Cf. Daniel Kettiger, Zum Berufsgeheimnis der Psychologinnen und Psychologen gegenüber der Erwachsenenschutzbehörde (art. 448 CC), SJZ 2014, p. 512 ss, 515.

FF 2009 6296 s.

3140

2.2

Code pénal

L'introduction du droit d'aviser pour les personnes soumises au secret professionnel et l'extension de l'obligation d'aviser obligent à modifier le code pénal.

Art. 321, ch. 3 Cette disposition est complétée par le droit d'aviser l'autorité et de collaborer au sens du droit civil.

Art. 364 La disposition est remplacée par les nouvelles règles du droit civil. L'intervention des autorités de protection de l'enfant est toujours déclenchée par une éventuelle menace pesant sur le bien d'un enfant. L'art. 314c P-CC prévoit, en cas de menace présumée, un droit d'aviser pour toutes les personnes astreintes au secret professionnel à l'exception de leurs auxiliaires. Les personnes exerçant une fonction officielle qui ne sont pas soumises au secret professionnel en vertu du code pénal sont mêmes obligées d'aviser l'autorité (art. 314d, al. 1, ch. 2, P-CC). Un droit d'aviser l'autorité de protection de l'enfant quand une infraction a été commise à l'encontre d'un mineur ne se justifie pas en parallèle. Comme plusieurs participants à la consultation l'ont évoqué, aviser l'autorité de protection de l'enfant quand une infraction ne menace pas le bien de l'enfant n'a aucun sens. La disposition doit donc être abrogée.

2.3

Code de procédure pénale

La présente révision fournit l'occasion d'adapter la terminologie du code de procédure pénale au nouveau droit de la protection de l'adulte.

Art. 75, al. 2 et 3 Les «autorités tutélaires» deviennent des «autorités de protection de l'enfant et de l'adulte». De plus, dans la version allemande de l'al. 3, le terme de «Unmündige» est remplacé par celui de «Minderjährige».

Art. 168, al. 1, let. g La notion de «conseil légal» a été supprimée à l'entrée en vigueur du nouveau droit de la protection de l'adulte, le 1er janvier 2013. Il faut donc la biffer ici.

3141

2.4

Loi du 23 mars 2007 sur l'aide aux victimes

Art. 11, al. 3 La terminologie de la loi sur l'aide aux victimes87 est elle aussi adaptée au nouveau droit de la protection de l'adulte. Le terme «autre mineur» est remplacé par «personne mineure ou sous curatelle de portée générale», le terme «autorité tutélaire» par «autorité de protection de l'enfant et de l'adulte». Pour le reste, la réglementation spéciale prévue dans la LAVI, qui a prouvé son efficacité, est conservée (voir le ch. 1.1.2.5). Elle prime la réglementation prévue dans le droit de la protection de l'enfant en tant que lex specialis; les collaborateurs des centres de consultation LAVI ne sont pas soumis à l'obligation d'aviser prévue à l'art. 314d, al. 1, P-CC.

2.5

Loi fédérale du 9 octobre 1981 sur les centres de consultation en matière de grossesse

Art. 2, al. 1, 3e phrase Les collaborateurs des centres de consultation en matière de grossesse sont eux aussi soumis à une règle spéciale en matière de secret professionnel au sens des art. 320 et 321 CP (voir le ch. 2.1, le commentaire des art. 314c et 314d P-CC). L'art. 2, al. 1, 2e phrase, de la loi fédérale du 9 octobre 198188 sur les centres de consultation en matière de grossesse exclut cependant l'application de l'art. 321, ch. 3, CP, selon lequel les dispositions de la législation fédérale et cantonale statuant une obligation de renseigner une autorité ou de témoigner en justice, et le nouveau droit d'aviser et de collaborer, demeurent réservées. L'ajout d'un renvoi aux nouvelles dispositions du droit de la protection de l'enfant vise à indiquer clairement que ces personnes sont elles aussi soumises à la nouvelle règle prévue pour les personnes astreintes au secret professionnel. L'art. 314c, al. 2, et l'art. 314e, al. 2 et 3, P-CC sont donc explicitement déclarés applicables. Cette clarification au niveau de la loi répond à un voeu exprimé lors de la procédure de consultation.

2.6

Loi du 23 juin 2000 sur les avocats

Art. 13, al. 1, 2e phrase La mise à égalité de toutes les catégories de personnes soumises au secret professionnel, par l'art. 314e, al. 3, P-CC, nécessite une modification de la loi sur les avocats89. Celle-ci prévoit aujourd'hui que les avocats, même déliés du secret professionnel, ne sont pas obligés de divulguer des faits qui leur ont été confiés. Cette possibilité sera relativisée dans la procédure menée en vertu du droit de la protection de l'enfant lorsque le client, ou l'autorité de surveillance de l'avocat, l'aura libéré de son devoir de discrétion. Dans ces cas, les avocats ne pourront refuser de collaborer à l'établissement des faits.

87 88 89

RS 312.5 RS 857.5 RS 935.61

3142

Le Conseil fédéral avait proposé une règle analogue lors de l'introduction du code de procédure pénale90, mais le Parlement l'avait refusée. Il ressort des délibérations parlementaires que d'aucuns craignaient que l'accusé ne puisse plus faire confiance à son avocat et complique sa défense par peur que l'avocat ne puisse être obligé de faires certaines déclarations dans une procédure pénale91.

Le Conseil fédéral est d'avis que les intérêts de la protection de l'enfant exigent toutefois une autre appréciation. A la différence de ce qui se passe dans la procédure pénale, la recherche de la vérité ne consiste pas, dans le domaine de la protection de l'enfant, à chercher un coupable ou à le disculper, mais exclusivement à protéger un enfant potentiellement menacé. L'autorité de protection de l'enfant ne peut décider des mesures à prendre que si elle a connaissance de tous les faits. Une obligation de collaborer n'entre en ligne de compte que lorsque la personne soumise au secret professionnel en est déliée par l'intéressé ou par l'autorité de surveillance. Dans ces cas, le Conseil fédéral estime qu'il n'est pas justifié de soumettre les avocats à une autre réglementation que les autres catégories de personnes astreintes au secret professionnel.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

Le projet n'a pas de conséquences en matière de personnel et de finances pour la Confédération.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Dans le domaine de la protection de l'enfant et de l'adulte, le droit actuel laisse aux cantons la possibilité de prévoir des obligations d'aviser autres que celles de la législation fédérale (art. 314, al. 1, en relation avec l'art. 443, al. 2, CC). La présente révision prévoit une règlementation exhaustive des obligations d'aviser l'autorité dans les cas où le bien de mineurs semble menacé. Elle uniformise aussi l'obligation d'aviser dans le droit de la protection de l'adulte (voir le ch. 2.1 et le commentaire de l'art. 443, al. 3, P-CC). Les cantons perdront donc leur compétence législative à cet égard, mais ils pourront toujours régler les sanctions et les mesures disciplinaires qui s'appliquent aux personnes violant leur devoir en la matière. Les communications relevant de la compétence des cantons, par ex. dans le domaine de la santé ou de l'école, sont réservées (voir le ch. 1.2.1).

On peut s'attendre à ce que l'extension du droit et de l'obligation d'aviser entraîne une augmentation des signalements et, par voie de conséquence, des travaux d'examen des autorités de protection de l'enfant.

90 91

Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1183 s.

BO 2006 E 1018 ss.; BO 2007 N 961 ss.

3143

3.3

Conséquences pour l'économie

Le projet n'a pas de conséquences pour l'économie.

3.4

Conséquences pour la société

Le projet a pour but d'améliorer la protection de l'enfant. Il astreint les personnes qui exercent régulièrement une activité en contact avec des enfants à aviser l'autorité de protection de l'enfant s'ils soupçonnent que le bien de l'enfant est menacé. Les personnes tenues au secret professionnel auront en outre un droit d'aviser l'autorité sans se faire délier préalablement du secret.

4

Relation avec le programme de la législature et les stratégies nationales du Conseil fédéral

4.1

Relation avec le programme de la législature

Le projet n'est pas annoncé dans le message du 25 janvier 201292 ni dans l'arrêté fédéral du 15 juin 2012 sur le programme de la législature 2011 à 201593. La révision du code civil se justifie toutefois parce qu'une intervention parlementaire a chargé le Conseil fédéral de renforcer la protection de l'enfant en réglant à neuf le droit et l'obligation d'aviser.

4.2

Relation avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

En adoptant le rapport «Pour une politique suisse de l'enfance et de la jeunesse»94, le 27 août 2008, le Conseil fédéral a affiché la volonté de la Confédération de s'engager davantage dans le domaine de la politique de l'enfance et de la jeunesse.

La protection, l'encouragement et l'intégration sociale des enfants et des adolescents sont au centre du dispositif envisagé. La présente révision va dans le sens des objectifs du Conseil fédéral, et plus particulièrement de celui de protéger les enfants et les jeunes des influences et des risques auxquels ils peuvent être exposés dans leur environnement (abus, notamment sexuels, violence dans l'éducation, influences des médias perturbant le développement de la personnalité, conditions de vie et de travail nocives pour la santé, utilisation abusive ou trop précoce de substances légales et illégales)95.

92 93 94

95

FF 2012 349 FF 2012 6667 «Pour une politique suisse de l'enfance et de la jeunesse», rapport du Conseil fédéral du 27 septembre 2000en réponse aux postulats Janiak (00.3469), Wyss (00.3400) du 23 juin 2000 et Wyss (01.3350) du 21 juin 2001; à consulter sous: www.bsv.admin.ch > Thèmes > Questions de l'enfance et de l'adolescence > Promotion enfances et jeunesse.

«Pour une politique suisse de l'enfance et de la jeunesse» (note de bas de page 94), p. 4.

3144

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et légalité

La révision proposée se fonde sur l'art. 122, al. 1, Cst., qui attribue à la Confédération la compétence législative en matière de droit civil.

5.2

Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse

Le projet est compatible avec les engagements internationaux de la Suisse: le droit de l'enfant à une protection et une assistance particulière ainsi qu'à l'encouragement de son développement découlent en priorité de la Convention relative aux droits de l'enfant96 (en particulier de ses art. 3 et 19), de l'art. 24 du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques97 et de l'art. 10 du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels98.

5.3

Forme de l'acte à adopter

La modification du code civil doit être édictée sous la forme d'une loi fédérale.

5.4

Frein aux dépenses

Le projet n'est pas soumis au frein aux dépenses au sens de l'art. 159, al. 3, let. b, Cst. car il ne contient pas de dispositions relatives aux subventions et ne fonde ni crédit d'engagement ni plafond de dépenses.

5.5

Délégation de compétences législatives

Le projet ne délègue aucune compétence législative au Conseil fédéral.

5.6

Protection des données

Le droit de la protection de l'enfant et de l'adulte est mis en oeuvre par les autorités cantonales. Ce sont donc les lois cantonales sur la protection des données qui s'appliquent (art. 2, al. 1, de la loi du 19 juin 1992 sur la protection des données a contrario). Les dispositions du droit civil doivent être considérées comme une loi spéciale par rapport au droit cantonal de la protection des données. Les règles proposées sur le droit et l'obligation d'aviser l'autorité prévaudront donc sur ces dispositions cantonales.

96 97 98

RS 0.107 Approuvé par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1991; RS 0.103.2.

Approuvé par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1991; RS 0.103.1.

3145

3146