15.069 Message concernant la loi fédérale sur les jeux d'argent du 21 octobre 2015

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet de loi sur les jeux d'argent, en vous proposant de l'adopter.

Simultanément, nous vous proposons de classer les interventions parlementaires suivantes: 2012

M 12.3001

Autoriser les tournois de poker dans des conditions clairement définies (CN 28.2.12, Commission des affaires juridiques CN; CE 12.6.12, CN 26.9.12)

2013

P

Protection contre la dépendance au jeu. Intégrer la situation des régions étrangères frontalières dans la réflexion sur la nouvelle loi sur les jeux d'argent (CN 13.12.13; Lehmann)

13.4004

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

21 octobre 2015

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2015-1499

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Condensé La loi fédérale sur les jeux d'argent règle l'admissibilité et l'exploitation des jeux qui laissent espérer un gain moyennant une mise d'argent ainsi que l'affectation des bénéfices de ces jeux.

Contexte et objectifs du projet Le 11 mars 2012, le peuple et les cantons ont accepté le contre-projet direct à l'initiative populaire «Pour des jeux d'argent au service du bien commun». Le projet ci-joint met en oeuvre l'art. 106 Cst. alors entré en vigueur. Actuellement, deux lois distinctes régissent le domaine des jeux d'argent: la loi du 18 décembre 1998 sur les maisons de jeu (LMJ) et la loi fédérale du 8 juin 1923 sur les loteries et les paris professionnels (LLP). Le projet réunit les deux lois en une seule pour établir une réglementation cohérente, adaptée et moderne de l'ensemble du domaine. Il vise à protéger de manière appropriée la population contre les dangers inhérents aux jeux d'argent, à assurer une exploitation sûre et transparente de ces derniers et à garantir que les bénéfices des jeux d'argent soient affectés à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité ou à des buts d'utilité publique.

Contenu du projet Le projet correspond en grande partie aux règles actuelles et à la pratique en matière d'exécution, celles-ci ayant fait leurs preuves. Les maisons de jeu devront comme aujourd'hui obtenir une concession de la Confédération et resteront placées sous sa surveillance. Un impôt affecté à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité continuera d'être prélevé sur le produit brut des jeux qu'elles exploitent (impôt sur les maisons de jeu). Les loteries, les paris sportifs et les jeux d'adresse continueront d'être soumis à l'autorisation et à la surveillance des cantons. Les bénéfices nets des loteries et des paris sportifs seront toujours entièrement affectés à des buts d'utilité publique, notamment dans les domaines culturel, social et sportif. Le droit de jouer à des jeux d'argent dans un cercle privé sans devoir demander une autorisation sera maintenu. L'absence d'autorisation restera la règle aussi pour les loteries et les jeux d'adresse destinés à promouvoir les ventes, à la condition qu'il soit possible d'y participer gratuitement.

Le projet recèle quelques nouveautés. Il prévoit l'abrogation de l'interdiction d'exploiter des jeux de casino en ligne. Il appartiendra
aux maisons de jeu intéressées de demander l'extension de leur concession aux jeux en ligne. Il permet d'offrir des paris sportifs attractifs et concurrentiels et autorise les tournois de poker en dehors des maisons de jeu à des conditions strictes. Il n'y aura pas de modification notable des catégories de jeux. La classification actuelle sera maintenue: loteries, paris sportifs, jeux de casino et jeux d'adresse. Par contre, les définitions et les conditions d'autorisation seront modifiées, d'une part pour prendre en compte les évolutions sociétales et technologiques et préserver l'attrait de l'offre, d'autre part pour réduire au minimum les conflits de compétences entre la Confédération et les cantons. La création d'un organe de coordination, composé paritairement de repré-

7628

sentants des autorités d'exécution de la Confédération et des cantons, contribuera largement à la réalisation de ce second objectif et permettra d'institutionnaliser les échanges de vues et la coordination entre lesdites autorités.

L'extension de l'offre de jeux autorisés, notamment aux jeux en ligne, nécessitera de renforcer la protection des joueurs contre le jeu excessif. Le projet institue à cet égard différentes mesures coordonnées entre elles, qui renforceront globalement la protection des joueurs par rapport au droit actuel. Ces mesures s'organisent autour de deux axes principaux. Premièrement, les exploitants de jeux d'argent seront tenus de prendre des mesures en fonction du danger potentiel que présente chaque jeu et de son canal de distribution. La mesure la plus sévère consistera à exclure les joueurs excessifs, afin de les empêcher de s'adonner aux jeux les plus dangereux.

Les autorités de surveillance veilleront au respect de ces obligations. Elles auront pour tâche explicite de prendre dûment en considération la protection des joueurs contre la dépendance au jeu. On s'assurera, grâce à de nouvelles règles relatives à la composition de ces autorités, qu'un de leur membre au moins ait des connaissances spécifiques en matière de prévention de la dépendance. Deuxièmement, les cantons seront tenus de prendre des mesures de prévention et d'offrir des possibilités de conseil et de traitement. Le projet prend aussi en compte les autres dangers émanant des jeux d'argent. Il contient de nombreuses dispositions visant à assurer une exploitation sûre et transparente de ces derniers et prévoit notamment des mesures contre la manipulation des compétitions sportives. Par ailleurs, il assujettit les maisons de jeu et les exploitants des loteries, paris sportifs et jeux d'adresse potentiellement les plus dangereux à la loi sur le blanchiment d'argent.

Le projet modernise les dispositions pénales et prévoit le blocage de l'accès aux offres de jeux d'argent en ligne depuis l'étranger pour limiter la prolifération des jeux non autorisés en Suisse.

Il reprend sans changement les dispositions en vigueur relatives à l'impôt sur les maisons de jeu, mais fixe des règles sur l'affectation des bénéfices des loteries et des paris sportifs à des buts d'utilité publique.

Dans le droit en vigueur, les gains
issus des loteries et des paris sportifs sont imposables alors que ceux obtenus dans les maisons de jeu ne le sont pas. Le projet supprime cette inégalité de traitement et instaure une situation plus proche de celle qui prévaut dans d'autres pays en exonérant l'ensemble des gains réalisés grâce à des jeux d'argent.

Le projet ayant été élaboré en étroite collaboration avec les principaux intéressés, il dispose d'une assise solide.

7629

Table des matières Condensé

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1

7632 7632 7632

2

3

Présentation du projet 1.1 Contexte 1.1.1 Cadre constitutionnel et légal 1.1.2 Mandats attribués par le Conseil fédéral et organisation de projet 1.1.3 Marché suisse des jeux 1.1.4 Jeu excessif 1.1.5 Mesures contre la manipulation des compétitions sportives 1.2 Dispositif proposé 1.2.1 Buts de la nouvelle loi 1.2.2 Catégories de jeux d'argent et autorisation 1.2.3 Jeux en ligne 1.2.4 Protection contre le jeu excessif et d'autres dangers 1.2.5 Imposition et affectation du produit des jeux 1.2.6 Autorités 1.3 Appréciation de la solution retenue 1.3.1 Evaluation des résultats de la procédure de consultation 1.3.2 Principaux changements par rapport à l'avant-projet 1.3.3 Evaluation du projet 1.4 Droit comparé 1.5 Mise en oeuvre 1.6 Interventions parlementaires

7637 7638 7641 7642 7645 7645 7646 7647 7648 7650 7652 7653 7653 7654 7655 7656 7670 7670

Commentaire des dispositions 2.1 Chapitre 1 Dispositions générales 2.2 Chapitre 2 Maisons de jeu 2.3 Chapitre 3 Jeux de grande envergure 2.4 Chapitre 4 Jeux de petite envergure 2.5 Chapitre 5 Exploitation de jeux de casino et de jeux de grande envergure 2.6 Chapitre 6 Protection des joueurs contre le jeu excessif 2.7 Chapitre 7 Restriction de l'accès aux offres de jeux d'argent en ligne non autorisées en Suisse 2.8 Chapitre 8 Autorités 2.9 Chapitre 9 Imposition et affectation du produit des jeux 2.10 Chapitre 10 Dispositions pénales 2.11 Chapitre 11 Dispositions finales

7708 7715 7724 7731 7739

Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.1.1 Conséquences financières 3.1.2 Conséquences sur l'état du personnel

7752 7752 7752 7752

7630

7671 7671 7676 7683 7686 7690 7701

3.2

3.3

3.4

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne 3.2.1 Adaptation des bases légales 3.2.2 Mesures de prévention 3.2.3 Redistribution à des fins d'utilité publique 3.2.4 Autorisations et surveillance cantonales 3.2.5 Autorisations et surveillance intercantonales Conséquences pour les recettes de la Confédération et des cantons 3.3.1 Hausse de l'impôt sur les maisons de jeu 3.3.2 Perte de recettes fiscales suite à l'exonération de tous les gains des joueurs 3.3.3 Recettes en hausse pour les buts d'utilité publique 3.3.4 Appréciation générale Conséquences économiques 3.4.1 Maisons de jeux 3.4.2 Sociétés de loteries 3.4.3 Jeux de petite envergure 3.4.4 Exploitants non autorisés et régions étrangères limitrophes

7754 7754 7754 7754 7754 7755 7756 7757 7757 7758 7758 7759 7759 7760 7761 7761

4

Relation avec le programme de la législature

7761

5

Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité et légalité 5.2 Frein aux dépenses 5.3 Délégation de compétences législatives

7762 7762 7766 7767

Loi fédérale sur les jeux d'argent (LJAr) (Projet)

7769

7631

Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Cadre constitutionnel et légal

Evolution des dispositions constitutionnelles C'est en 1874, dans le cadre de la révision totale de la Constitution fédérale, que la Confédération a légiféré pour la première fois en matière de jeux d'argent. L'art. 35 Cst. interdisait les maisons de jeu et octroyait à la Confédération la compétence de «prendre les mesures nécessaires concernant les loteries». Par la suite, l'art. 35 Cst.

n'a plus été modifié en ce qui concerne les loteries. Par contre, il a subi plusieurs révisions en rapport avec les maisons de jeu. Les casinos ont par exemple été autorisés à exploiter des jeux de divertissement (jeux de boules) avec une mise maximale de deux francs en 1928 et de cinq francs en 1958. Pour faire suite à son message du 25 mars 1992 sur les mesures d'assainissement des finances fédérales1, le Conseil fédéral a présenté au Parlement un arrêté fédéral qui supprimait l'interdiction des maisons de jeu et la remplaçait par un système de concessions2. Le 7 mars 1993, le peuple et les cantons ont accepté un nouvel art. 35 Cst. mettant fin à l'interdiction des maisons de jeu, qui n'est jamais entré en vigueur en tant que tel. L'élaboration de la législation d'exécution ayant pris du retard, cet article a été intégré sous une forme remaniée à l'art. 106 de la nouvelle Constitution.

L'art. 106 Cst. n'est par ailleurs pas entré en vigueur le 1er janvier 2000, comme la plupart des dispositions de la nouvelle Constitution, mais le 1er avril 20003, en même temps que la loi du 18 décembre 1998 sur les maisons de jeu (LMJ)4.

Le 10 septembre 2009, l'initiative populaire «Pour des jeux d'argent au service du bien commun», qui demandait la reformulation de l'art. 106 Cst. (subdivision en deux articles), a été déposée. Le Conseil fédéral et le Parlement y ont opposé un contre-projet direct, et le comité d'initiative a ensuite retiré son initiative. Seul le contre-projet direct a donc été soumis à votation. Il a été accepté le 11 mars 2012 par le peuple et les cantons.

Le nouvel art. 106 Cst.

Le nouvel art. 106 Cst. garantit des compétences cantonales d'exécution (al. 3) et l'affectation des bénéfices nets des loteries et paris sportifs à des buts d'utilité publique (al. 6). Il reprend les dispositions de l'ancien art. 106 en ce qui concerne les maisons de jeu (al. 2) et attribue à la Confédération une compétence
législative concurrente globale pour tout le domaine des jeux d'argent (al. 1). Il crée un organe de coordination pour éviter les conflits de compétences entre la Confédération et les cantons (al. 7). La délimitation des compétences entre la Confédération et les cantons se trouve en outre facilitée par le fait que la Constitution n'utilise plus la notion de «loterie» et que le critère du plan qui caractérisait cette notion (le plan détermi1 2 3 4

FF 1992 III 341 FF 1992 VI 55 Une disposition transitoire prolongeait l'application de l'art. 35 Cst.

RS 935.52

7632

nant à l'avance le montant des gains attribués par l'organisateur du jeu) est abandonné (al. 3). Ce critère a en effet régulièrement occasionné des problèmes dans la pratique. Les critères de délimitation seront dorénavant les mêmes, que les jeux d'argent soient exploités de manière traditionnelle ou par le biais d'un réseau de communication électronique. L'al. 4 part implicitement du principe qu'il n'y a pas d'interdiction constitutionnelle des jeux exploités en ligne (contrairement à ce que prévoit l'art. 5 LMJ en vigueur). Enfin, l'al. 5 charge le législateur et les organes d'exécution de tenir compte des dangers inhérents aux jeux d'argent5.

Loi sur les maisons de jeu La nouvelle LMJ, adoptée le 18 décembre 1998 et entrée en vigueur le 1er avril 2000, poursuit trois buts principaux (voir art. 2 LMJ): a.

assurer une exploitation des jeux sûre et transparente;

b.

empêcher la criminalité et le blanchiment d'argent dans les maisons de jeu ou par leur intermédiaire;

c.

prévenir les conséquences socialement dommageables du jeu.

Dans le respect de ces buts supérieurs, la LMJ vise à encourager le tourisme et à procurer des recettes à la Confédération et aux cantons.

Selon le législateur fédéral, la LMJ « règle de façon exhaustive les jeux de hasard offrant des chances de réaliser un gain en argent ou d'obtenir un autre avantage matériel »6, alors que la loi fédérale du 8 juin 1923 sur les loteries et les paris professionnels (LLP)7 constitue une lex specialis.

L'art. 3 LMJ définit les jeux de hasard au moyen de trois critères (mise, chance de réaliser un gain, hasard). Par rapport aux loteries, définies à l'art. 1, al. 2, LLP, il manque le critère d'u plan. Selon la jurisprudence, c'est précisément ce critère qui marque la délimitation entre jeux de hasard offerts dans les maisons de jeu et jeux de loteries8.

Exception faite des loteries et paris régis par la LLP, seules les maisons de jeu titulaires d'une concession peuvent proposer des jeux de hasard (art. 4 LMJ).

L'utilisation d'un réseau de communication électronique tel qu'Internet pour exploiter des jeux de hasard est interdite (art. 5 LMJ). Aux conditions générales de l'art. 12 LMJ s'ajoutent les conditions particulières imposées par l'art. 13 LMJ pour l'obtention d'une concession d'exploitation, telles que la mise en place d'un programme de mesures sociales, dans lequel la maison de jeu définit les mesures qu'elle entend prendre pour prévenir les conséquences socialement dommageables du jeu ou y remédier. Le Conseil fédéral statue de manière définitive (art. 16 LMJ) sur l'octroi d'une concession de type A (dite «de grand casino») ou B (art. 8 LMJ) à des maisons de jeu qui doivent être réparties de manière équilibrée entre les régions intéressées (art. 9 LMJ). La durée de validité de la concession est en principe de 20 ans (art. 17 LMJ).

5 6 7 8

Cf. FF 2010 7255 7292 Message du 26 février 1997 relatif à la loi fédérale sur les jeux de hasard et les maisons de jeu, FF 1997 III 137 149 et 151; ATF 133 II 68, consid. 3.2.

RS 935.51 En rapport avec l'interprétation du critère du plan, voir les ATF 137 II 164 et 123 IV 175, consid. 2c.

7633

Un impôt est prélevé sur le produit brut des jeux ­ c'est-à-dire la différence entre les mises des joueurs et les gains qui leur sont reversés ­ réalisé par chaque établissement (art. 40 LMJ) et affecté à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité. Le taux de l'impôt est fixé de telle manière que les maisons de jeu gérées selon les principes d'une saine gestion obtiennent un rendement approprié. Progressif, l'impôt représente au minimum 40 % et au maximum 80 % du produit brut des jeux (art. 41 LMJ). L'ordonnance du 24 septembre 2004 sur les jeux de hasard et les maisons de jeu (OLMJ)9 précise le taux d'imposition: le taux de base de 40 % est perçu sur le produit brut des jeux jusqu'à concurrence de 10 millions de francs. Il progresse ensuite de 0,5 % par million de francs supplémentaire jusqu'à concurrence de la limite maximale de 80 %. Des allégements fiscaux sont possibles pour les maisons de jeu de type B (art. 42 LMJ) et l'impôt peut être réduit si le canton d'implantation prélève un impôt de même nature (art. 43 LMJ).

La loi consacre un chapitre à la Commission fédérale des maisons de jeu (art. 46 à 53 LMJ) et un autre aux dispositions pénales (art. 55 à 57 LMJ).

Loi sur les loteries et les paris professionnels La LLP a été adoptée par le Parlement le 8 juin 1923 et est entrée en vigueur le 1er juillet 1924. Mis à part l'abrogation des dispositions relatives aux emprunts à primes, elle n'a subi depuis que quelques modifications mineures. La LLP ne contient pas d'article sur les buts poursuivis. Selon le message, la législation fédérale devait permettre de lutter plus efficacement contre les entreprises professionnelles de loteries, pour écarter les maux d'ordre économique et moral qu'elles causent au sein de la population10.

La LLP définit les loteries par quatre critères (mise, chance de réaliser un gain, hasard et plan)11; elle pose le principe de la prohibition des loteries (art. 1). Cette interdiction ne s'étend pas aux tombolas (art. 2), qui sont régies exclusivement par le droit cantonal. Les loteries servant à des fins d'utilité publique ou de bienfaisance font exception à cette interdiction (art. 5); elles peuvent en effet être autorisées par l'autorité cantonale compétente pour le territoire du canton où elles sont organisées.

Les conditions prévues par le droit fédéral sont
relativement succinctes (art. 6 ss).

Les cantons peuvent réglementer de façon plus détaillée les modalités de l'exploitation des loteries (art. 15, al. 2), mais aussi prévoir des restrictions plus sévères, voire interdire totalement les loteries (art. 16). Une loterie ne peut être exploitée dans un canton où elle n'a pas été organisée qu'avec l'autorisation de ce canton (art. 14). Les paris professionnels sont également prohibés (art. 33), sous réserve de l'art. 34. La LLP contient des dispositions pénales (art. 38 ss). Ce sont les cantons qui poursuivent et jugent les violations de la LLP (art. 47).

Après la révision totale de la LMJ, le Conseil fédéral a décidé, en date du 4 avril 2001, de procéder également à une révision totale de la LLP. Il souhaitait que la nouvelle réglementation tienne compte en particulier de l'évolution des valeurs morales dans le domaine des jeux de hasard, du développement technique, de

9 10 11

RS 935.521 Message du 13 août 1918 concernant le projet de loi fédérale sur les loteries et entreprises analogues, FF 1918 IV 343, cf. pp. 344 et 349.

Cf. également ci-dessus à propos de l'art. 3 LMJ.

7634

l'ouverture et de l'internationalisation du marché des jeux12. La nouvelle réglementation devait assurer la protection des joueurs contre les dangers inhérents aux jeux de hasard et leurs effets néfastes; elle devait en outre tenir compte des impératifs financiers des collectivités publiques, sans toutefois provoquer des transferts de charges ou de recettes. Le Département fédéral de justice et police (DFJP) a chargé une commission d'experts, composée paritairement de représentants de la Confédération et des cantons, de préparer un avant-projet accompagné d'un rapport explicatif.

Cet avant-projet, mis en consultation fin 2002, a fait l'objet de nombreuses critiques.

Cantons, sociétés de loteries et bénéficiaires se sont clairement prononcés contre le projet de révision13.

Le 18 mai 2004, le Conseil fédéral a accepté de suspendre provisoirement les travaux de révision, les cantons ayant proposé, sur une base volontaire, de remédier aux carences constatées dans le domaine des loteries par la conclusion d'une convention intercantonale. La Conférence spécialisée des membres de gouvernements concernés par la loi sur les loteries et le marché des loteries (CDCM) s'est engagée envers la Confédération à ce qu'un projet soit adopté lors de la conférence de janvier 2005 et à ce que la convention entre en vigueur le 1er janvier 2006. En parallèle, le Conseil fédéral avait chargé le DFJP d'élaborer un rapport qui devait déterminer si les mesures prises pas les cantons étaient efficaces et/ou si la révision de la LLP devait être poursuivie.

Concordat et mesures prises par les cantons La Convention intercantonale sur la surveillance, l'autorisation et la répartition du bénéfice de loteries et paris exploités sur le plan intercantonal ou sur l'ensemble de la Suisse (CILP)14 est finalement entrée en vigueur le 1er juillet 2006. Elle s'applique à ce qu'il est convenu d'appeler les «grandes loteries», c'est-à-dire aux loteries et paris exploités sur le plan intercantonal ou sur l'ensemble de la Suisse, qui relèvent de la Convention intercantonale du 26 mai 1937 sur l'organisation commune des loteries15 ou de la Convention relative à la Loterie de la Suisse Romande du 6 février 198516 (art. 1 CILP).

La CILP poursuit trois buts:

12

13

14 15 16

a.

l'application uniforme et coordonnée du droit des loteries;

b.

la protection de la population contre des effets socialement nuisibles de loteries et paris;

c.

l'affectation transparente des bénéfices des loteries et paris sur le territoire des cantons signataires.

Cf. le rapport explicatif du 25 octobre 2002 relatif au projet de loi fédérale sur les loteries et paris, p. 4, consultable à l'adresse www.ofj.admin.ch > Economie > Projets législatifs terminés> Révision de la loi sur les loteries Synthèse des résultats de la procédure de consultation relative au projet de loi fédérale sur les loteries et paris, disponible à l'adresse www.ofj.admin.ch > Economie > Projets législatifs terminés> Révision de la loi sur les loteries.

A consulter sur le site www.comlot.ch > Publications > Bases légales.

A consulter sur le site www.comlot.ch > Publications > Bases légales.

A consulter sur le site www.comlot.ch > Publications > Bases légales.

7635

Conformément à la CILP, la Commission des loteries et paris (Comlot; art. 5 à 7 CILP) est l'unique autorité d'homologation pour les loteries et paris exploités sur le plan intercantonal ou sur l'ensemble de la Suisse (art. 14 à 16 CILP). Elle est également l'autorité de surveillance des loteries et paris (art. 20 CILP). La CILP instaure par ailleurs une commission de recours (art. 4, 8 et 9 CILP), qui statue en tant qu'autorité judiciaire intercantonale de dernière instance (art. 23 CILP).

La LLP ne contient pas de dispositions visant expressément la dépendance au jeu ou la protection de la jeunesse. La CILP, en revanche, traite expressément de la dépendance au jeu et de la publicité (art. 17 à 19 CILP). En vertu de l'art. 17 CILP, la Comlot examine lors de l'homologation le potentiel de dépendance à l'égard du jeu de loterie ou du pari et prend les mesures nécessaires, en particulier dans l'intérêt de la prévention de la dépendance au jeu et dans celui de la protection de la jeunesse.

0,5 % du revenu brut des jeux est versé par les exploitants aux cantons, à charge pour eux d'utiliser cet argent pour la prévention et la lutte contre la dépendance au jeu (art. 18 CILP). En 2013 et 2014, la CDCM a publié les rapports qu'elle avait commandés au bureau d'évaluation Infras concernant l'utilisation de la taxe sur la dépendance au jeu17. Ces rapports concluent que tous les cantons mettent la taxe en oeuvre correctement et affectent largement les revenus générés aux buts fixés. Après une phase de démarrage, les cantons se sont organisés de manière à pouvoir mettre la taxe en oeuvre. Presque tous ont cherché la collaboration et se sont associés en réseaux régionaux: le Programme intercantonal de lutte contre la dépendance au jeu (PILDJ) en Suisse romande, le Modèle de coopération Prévention de la dépendance au jeu Suisse du Nord-Ouest et Suisse centrale (Kooperationsmodell Spielsuchtprävention Nordwest- und Innerschweiz) et le Réseau de Suisse orientale (Ostschweizer Verbund). Trois prestataires externes ont été mandatés par plusieurs cantons, principalement dans le domaine de la prévention, et comptent parmi les acteurs importants de la lutte contre la dépendance au jeu: ­

GREA (Groupement romand d'études des addictions), mandaté par les six cantons romands;

­

Addiction Suisse, mandaté par dix cantons de la Suisse du Nord-Ouest et de la Suisse centrale;

­

Perspektive Thurgau, mandaté par six cantons de Suisse orientale.

Au niveau intra-cantonal, des organisations spécialisées externes fournissent également une grande partie des prestations financées par la taxe dans tous les domaines d'intervention de la lutte contre la dépendance au jeu: prévention, repérage précoce, conseil, traitement, recherche et formation. Par exemple, le canton du Tessin collabore avec plusieurs prestataires privés, le principal étant l'organisation Gruppo Azzardo Ticino (GAT) dans les domaines de la prévention, de la formation et du conseil.

La répartition des moyens générés par les loteries et paris est réglée aux art. 24 ss CILP. La Comlot fait en sorte que les cantons disposent de normes conformes au droit fédéral et que l'utilisation des moyens soit transparente et correcte.

17

Evaluation de la taxe sur la dépendance au jeu, résumé, Zurich, 8 mai 2013, et Evaluation intermédiaire de la taxe sur la dépendance au jeu, rapport final, Zurich, 3 décembre 2014, tous deux accessibles à l'adresse www.comlot.ch > Documentation > Rapports et communiqués.

7636

Résultats de l'évaluation des mesures cantonales Le DFJP a élaboré en 2008 un rapport concernant les mesures prises par les cantons pour remédier aux lacunes constatées dans le domaine des loteries et paris. A cette époque, il n'était cependant pas encore possible de se prononcer de manière fiable sur la question de savoir si ces mesures avaient porté leurs fruits18. Le 30 mai 2008, le Conseil fédéral a donc chargé le DFJP de mener une évaluation. Celle-ci avait pour but d'évaluer l'efficacité des mesures prises par les cantons sur la base de la CILP et de déterminer si les lacunes relevées dans le domaine des loteries et paris avaient pu être supprimées.

Il est ressorti de l'évaluation19 que la création d'une autorité unique chargée des autorisations et de la surveillance (Comlot) et la procédure mise en place pour l'octroi des autorisations aux exploitants de grandes loteries, avaient pour l'essentiel fait leurs preuves. La Comlot, disposant des connaissances et des ressources nécessaires, avait été rapidement en mesure d'accomplir de manière satisfaisante les tâches qui lui sont attribuées par la CILP. C'était le domaine de la surveillance, que la Comlot était en train de développer, qui était le plus susceptible d'améliorations.

Tant la CILP que les activités de la Comlot ont contribué à sensibiliser davantage les cantons à la nécessité d'affecter les bénéfices des loteries et paris de manière transparente, sans que cela se traduise toujours par de réels changements dans les faits.

La CILP avait également amené des progrès dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la dépendance au jeu.

En résumé, la CILP a permis de remédier à un grand nombre des carences constatées dans le domaine des loteries et paris. Ses trois buts principaux ont été, pour l'essentiel, atteints. Les auteurs de l'évaluation ont néanmoins indiqué que la LLP, désuète et lacunaire, devait tout de même être révisée.

1.1.2

Mandats attribués par le Conseil fédéral et organisation de projet

En 2004, le Conseil fédéral avait décidé, sur proposition des cantons, de suspendre provisoirement la révision en cours de la LLP. En contrepartie, les cantons s'étaient engagés à remédier eux-mêmes, par la conclusion d'une convention intercantonale, aux carences constatées par la commission d'experts dans le domaine des loteries et des paris (voir ch. 1.1.1). Parallèlement, le Conseil fédéral avait chargé le DFJP de lui présenter, début 2007, un rapport déterminant si les mesures prises par les cantons avaient véritablement déployé leurs effets ou s'il fallait poursuivre la révision de la LLP.

Le 22 avril 2009, le Conseil fédéral a chargé le DFJP de préparer les modifications législatives requises afin d'assouplir l'interdiction d'utiliser un réseau de communication électronique tel qu'Internet (art. 5 LMJ). Il l'a également chargé d'examiner, en collaboration avec les cantons, l'opportunité d'adapter les dispositions y afférant dans la législation sur les loteries et paris. Ces modifications devaient aussi per18

19

Rapport du DFJP du 15 mai 2008 sur la situation en matière de loteries et paris, consultable à l'adresse www.ofj.admin.ch > Economie > Projets législatifs terminés> Révision de la loi sur les loteries.

Le rapport d'évaluation peut être consulté à l'adresse www.ofj.admin.ch > Economie > Projets législatifs terminés> Révision de la loi sur les loteries.

7637

mettre de doter les autorités d'outils appropriés pour lutter contre les loteries et les paris illégaux exploités via des réseaux de communication électronique. Le groupe de travail «Jeux de hasard en ligne», placé sous la direction de la CFMJ, a été chargé de ce mandat.

Le 14 octobre 2010, le DFJP a été chargé de préparer le projet de message du Conseil fédéral relatif à l'initiative populaire «Pour des jeux d'argent au service du bien commun».

Le DFJP a mis sur pied une organisation de projet en collaboration avec la CDCM afin d'assurer une exécution cohérente de ces différents mandats. Cette organisation est structurée sur deux niveaux: un niveau politique («POL») sous la direction de la cheffe du DFJP de l'époque et un niveau technique (commission d'étude) placé sous la présidence d'un représentant de la Confédération et d'un représentant des cantons.

Sont représentés dans la commission la Confédération, les casinos, les autorités de poursuite pénale, les autorités cantonales en charge des petites loteries, les sociétés de loteries, la CFMJ, la Comlot et les milieux de la prévention de la dépendance au jeu. Le comité d'initiative y siégeait également initialement. La commission d'étude a élaboré le contre-projet direct que le Conseil fédéral et le Parlement ont opposé à l'initiative populaire. La mise au point du concept d'évaluation des mesures cantonales, de même que le suivi de l'évaluation, ont été confiés à un sous-groupe de la commission d'étude, composé uniquement de représentants de l'OFJ et de la Comlot.

Le présent projet a également été élaboré dans le cadre de cette organisation de projet. Il s'agit d'un texte de compromis dont les termes ont été soigneusement pesés, élaboré en étroite collaboration avec les principaux intéressés, ce qui lui assure une assise solide. Le projet se fonde sur les principes définis par le Conseil fédéral dans sa décision du 13 février 2013, par laquelle il chargeait le DFJP de mettre en oeuvre le nouvel article constitutionnel en collaboration avec les représentants de la Confédération, des cantons, de la branche des jeux d'argent et des milieux de la prévention de la dépendance. La nouvelle loi a notamment pour but de combattre le jeu excessif. Elle prévoit aussi que les jeux d'argent pourront être exploités, à certaines conditions, sur Internet. Elle
met aussi fin à l'inégalité de traitement dans l'imposition des gains des joueurs, puisque toute imposition sera dorénavant abandonnée. En outre, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) et le DFJP, le 7 novembre 2012, d'examiner jusqu'à fin 2013 des mesures permettant de lutter contre la manipulation des compétitions sportives et de lui présenter des propositions. Ces mesures sont intégrées au projet.

1.1.3

Marché suisse des jeux

Maisons de jeu La Suisse compte 21 maisons de jeu bénéficiant d'une concession. Huit d'entre elles sont titulaires d'une concession de type A (grands casinos); les treize autres possèdent une concession de type B (casinos). La principale différence entre les maisons de jeu de type A et de type B réside dans l'offre de jeux. Pour les maisons de jeu bénéficiant d'une concession de type B, le montant des mises et des gains est plafonné et le nombre des machines à sous est pour l'instant limité à 250. En outre, ces 7638

maisons de jeu ne peuvent pas exploiter plus de trois types de jeux de table. Seuls les établissements de type A peuvent relier entre eux des systèmes de jackpot.

Le produit brut de l'ensemble des maisons de jeu s'est élevé à plus de 746 millions de francs en 2013, et à plus de 709 millions en 2014. Les maisons de jeu ont versé en 2013 des impôts à hauteur de près de 356,5 millions de francs (2014: 336 millions), dont 305 millions ont été affectés à l'AVS (2014: 286 millions) et un peu plus de 51 millions sont revenus aux cantons d'implantation des casinos B (2014: 49 millions)20.

Le poker a connu un véritable engouement il y a quelques années. Pendant une courte période, après que la CFMJ les eut qualifiés de jeux d'adresse s'ils répondaient à certains critères, les tournois de poker ont été admis en dehors des maisons de jeu, sauf disposition contraire du droit cantonal. Le 20 mai 2010, le Tribunal fédéral a accepté le recours de la Fédération suisse des casinos: il a estimé que les tournois de poker «Texas Hold'em» constituaient des jeux de hasard. L'organisation de tels tournois est depuis lors à nouveau interdite hors des casinos21.

Loteries et paris Deux grandes sociétés dominent le marché suisse des loteries et paris: la Loterie Romande (pour les cantons romands) et Swisslos (pour les cantons alémaniques et le Tessin). Ces deux sociétés sont les seules à pouvoir exploiter les loteries et paris d'une certaine envergure (ce qu'il est convenu d'appeler les grandes loteries). A côté de ces deux sociétés, on trouve un grand nombre de petites loteries visant elles aussi un but d'utilité publique ou de bienfaisance.

Le produit brut des jeux exploités par les deux sociétés de loterie et paris a atteint plus de 912 millions de francs en 2013 (ce qui correspond à une légère hausse par rapport à l'année précédente); en 2014, il s'est élevé à 956 millions de francs; ce chiffre ne comprend pas les petites loteries, qui ne représentent qu'une infime partie du marché. Le produit brut des petites loteries a atteint 2,7 millions de francs en 2014.

En 2013, Swisslos et la Loterie Romande ont reversé la somme de 571 millions de francs aux fonds cantonaux de loterie et du sport et à des associations sportives faîtières par le biais du Sport-Toto. En 2014, elles ont reversé 599 millions de francs.

Ces sociétés
appartiennent toutes deux à l'association européenne et à l'association mondiale des sociétés de loteries officielles chargées par les Etats de gérer l'offre de loteries et paris d'utilité publique22 et contribuent activement à ce que celles-ci gagnent en influence. Elles sont en conformité avec les standards internationaux applicables à la branche et sont certifiées dans les domaines du jeu responsable et de la sécurité.

Jeux d'adresse L'entrée en vigueur de la LMJ a changé les conditions régissant les appareils à sous placés dans les bars, les restaurants, etc. Il en est résulté une contraction de la branche des fabricants d'automates, accentuée par le fait que seuls quelques cantons autorisent encore les appareils à sous et que de nombreux jeux d'adresse sont pro20 21 22

CFMJ, rapports annuels 2013 et 2014.

Cf. ATF 136 II 291.

Voir www.european-lotteries.org et www.world-lotteries.org.

7639

posés sur Internet. Selon les indications et les estimations de la branche, le produit brut de ces deux catégories de jeux d'adresse est de l'ordre de 30 millions de francs par an.

Exploitants non autorisés Une grande partie des jeux d'argent auxquels on joue en Suisse ne bénéficient pas d'une autorisation suisse. Il s'agit de jeux exploités sur Internet, dans les bars, les clubs, les restaurants, etc.

Par la nature des choses, on ne dispose que de peu d'informations et d'aucune donnée officielle sur les jeux d'argent non autorisés en Suisse. Les estimations retiennent pour 2013 un produit brut illégal de quelque 300 millions de francs: la moitié de cette somme est générée en ligne, le solde provient des jeux illégaux pratiqués dans les bars, les clubs et les restaurants23.

Demande L'enquête suisse sur la santé 2012 a montré que 71 % des personnes de plus de quinze ans résidant en Suisse ont participé une fois au moins dans leur vie à un jeu d'argent, et que 46 % ont tenté leur chance lors des douze mois précédents24. Les loteries arrivent en tête. Au moins 40 % de la population résidente aurait déjà fréquenté au moins une fois une maison de jeu (en Suisse ou à l'étranger).

Selon les estimations de la branche, la proportion d'adultes de la population résidente suisse jouant à des jeux d'argent sur Internet s'approche des 10 %. Si l'on divise le revenu brut des loteries et des maisons de jeu par le nombre d'adultes de la population résidente suisse, on en arrive à une dépense de 249 francs par tête en 2013.

Principaux facteurs d'influence L'évolution technique rapide, notamment dans le domaine des télécommunications, se répercute également sur les jeux d'argent. Actuellement, il est possible de jouer pratiquement n'importe quand et de n'importe où en ligne. Face aux possibilités offertes par Internet, les restrictions à l'offre de jeux, qui découlent des monopoles étatiques, ainsi que les mesures de protection et de contrôle étatiques sont de plus en plus inefficaces et doivent être adaptées. De plus, grâce à Internet, le joueur est en mesure de comparer l'offre de jeux et de choisir des jeux plus attrayants. Ces dernières années, plusieurs Etats ont toutefois réussi à juguler l'offre illégale de jeux en ligne en se servant eux aussi des nouvelles technologies et en bloquant l'adresse IP ou le
DNS des exploitants de ces jeux ou, plus rarement, les versements à leur intention.

Le progrès technique s'accompagne de changements sociétaux. Les habitudes ne sont plus les mêmes en termes de loisirs, de consommation et d'utilisation des médias, ce qui tend à influencer la demande de jeux d'argent. Remplir un bulletin de loto, le remettre au kiosque contre quittance et attendre pendant des jours de savoir si on a gagné n'est plus conforme aux habitudes, aux besoins et aux comportements 23

24

Artur Baldauf / Thomas Brüsehaber, Abschätzung der finanziellen Auswirkungen des neuen Geldspielgesetzes, Berne, avril 2015, p. 76 (Baldauf/Brüsehaber); voir www.ofj.admin.ch > Economie > Projets législatifs en cours > Loi sur les jeux d'argent.

Yvonne Eichenberger/Margret Rihs-Middel, Glücksspiel: Verhalten und Problematik in der Schweiz, Ausführliche Zusammenfassung, Villars-sur-Glâne 2014, p. 5.

7640

d'une génération qui a grandi au contact des ordinateurs, des téléphones portables, des consoles de jeu, etc.

La conjoncture internationale et d'autres évolutions en matière de politique sociale s'avèrent déterminantes pour les maisons de jeu. La crise financière conjuguée à la faiblesse de l'euro par rapport au franc suisse et l'interdiction de fumer ont induit un recul massif des revenus des maisons de jeu par rapport à 2007, année record.

Notons enfin l'évolution des législations sur les jeux d'argent, en particulier dans les pays voisins de la Suisse. Une offre plus vaste en Italie, des maisons de jeu en plein essor dans le Sud de l'Allemagne sont autant de facteurs qui se répercutent sur le marché suisse des jeux. Les étrangers viennent moins souvent jouer en Suisse, tandis que les Suisses vont plus souvent jouer à l'étranger.

1.1.4

Jeu excessif

Dépendance aux jeux d'argent Les jeux d'argent présentent divers dangers, au premier rang desquels figure la dépendance au jeu. La dépendance aux jeux d'argent est un trouble psychique reconnu par l'Organisation mondiale de la Santé depuis les années 90, qui fait consensus dans la communauté médico-sociale. Le DSM 525 (ouvrage de référence mondial de la psychiatrie sur les troubles psychiques) la classe dans la section des troubles addictifs, au même titre que l'alcool ou les drogues. Il la définit comme la persistance de comportements problématiques liés aux jeux d'argent, malgré leurs conséquences négatives manifestes. A partir de quatre critères diagnostic sur neuf, on parle de dépendance aux jeux d'argent ou de jeu pathologique (gambling disorder).

Pour les personnes en dessous de ce seuil, qui remplissent entre deux et trois critères, on parlera de jeu problématique. Par jeu excessif, on entend à la fois le jeu pathologique et le jeu problématique.

Prévalence en Suisse Selon l'enquête suisse sur la santé 2012, plus de 70 % des personnes de plus de quinze ans résidant en Suisse ont participé une fois au moins dans leur vie à un jeu d'argent, et presque la moitié d'entre elles ont tenté leur chance lors des douze mois ayant précédé le sondage. Les hommes ont joué davantage que les femmes. La fréquence est la plus élevée en Suisse romande, alors que les taux de la Suisse alémanique et du Tessin s'équilibrent. Les chiffres montrent que le comportement de jeu ne diffère guère d'un niveau de formation à un autre (scolarité obligatoire 49 % de joueurs, niveau secondaire II 54 %, niveau tertiaire 48 %)26. Les jeux les plus pratiqués sont les loteries et les paris sportifs (42 %). Durant les douze mois ayant précédé l'enquête, les jeux de casino ont attiré 7 % des personnes interrogées. On estime que 0,7 % de la population suisse a un comportement de jeu problématique et 0,4 % un comportement pathologique. Par extrapolation, ce sont ainsi 76 000 personnes qui présentent un comportement de jeu problématique ou pathologique27.

25 26 27

Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 5th Edition.

Office fédéral de la statistique, Enquête suisse sur la santé 2012.

Yvonne Eichenberger/Margret Rihs-Middel, Glücksspiel: Verhalten und Problematik in der Schweiz, Ausführliche Zusammenfassung, Villars-sur-Glâne 2014, p. 10.

7641

Le comportement de jeu en ligne n'a encore guère été étudié. De premiers indices donnent à penser que les personnes jouant en ligne ont un comportement tendanciellement plus problématique que celles qui ne recourent pas à cette offre28.

Jeunes Une recherche fondée sur l'enquête suisse sur la santé 200729 montre que 48,3 % des jeunes âgés de quinze à 24 ans ont participé à des jeux d'argent durant les douze mois ayant précédé l'enquête. Sur fond d'utilisation accrue des nouveaux moyens de communication (Internet, appareils mobiles), on peut admettre que la prévalence du jeu excessif a fortement augmenté chez les jeunes. Selon de premières estimations dans quelques cantons, le risque de jeu excessif pourrait être deux fois plus élevé chez les jeunes que chez les adultes.

Les nouveaux moyens de communication permettent un accès plus aisé aux jeux d'argent, notamment en ce qui concerne les mineurs. Le nombre des mineurs s'adonnant aux jeux d'argent a augmenté et la tendance devrait se maintenir, en raison d'une part de l'importance accrue des nouveaux moyens de communication et des animations et possibilités graphiques qui y sont liées, et d'autre part de la limite de plus en plus floue entre jeux de société et jeux d'argent.

Conséquences La dépendance au jeu a souvent des répercussions et des effets secondaires graves sur le plan social et sur le plan de la santé; les problèmes financiers mènent fréquemment à l'endettement, voire à des infractions contre la propriété et le patrimoine30. Souvent aussi, les victimes souffrent d'autres maladies psychiques ou d'autres dépendances. Elles sont également exposées à des risques de suicide et de chômage accrus. De plus, les relations intrafamiliales et le développement personnel des membres de la famille souffrent fréquemment de la dépendance aux jeux d'argent. Enfin, les dommages économiques provoqués par la dépendance aux jeux d'argent grèvent les coûts des communes et des cantons dans les domaines de la poursuite pénale, de l'aide sanitaire et de l'assistance sociale. En fonction des méthodes d'évaluation, les dommages pourraient totaliser plusieurs centaines de millions de francs par an.

1.1.5

Mesures contre la manipulation des compétitions sportives

Le risque de manipulation Par manipulation de compétitions sportives, on entend le fait de passer un accord afin d'influencer de manière contraire aux règles le cours ou le résultat d'une com28

29

30

Voir notamment Sylvia Kairouz/Catherine Paradis/Louise Nadeau, Are Online Gamblers More At Risk Than Offline Gamblers? Cyberpsychology, Behaviour and Sozial Networking, 2011.

Marie-Thérèse Luder/André Berchtold/Christina Akré/Pierre-André Michaud/Joan-Carles Suris, Do youths gamble? You bet! A Swiss population-based study, Swiss Med Wkly.

2010; 140:w13074.

Kilian Künzli/Tobias Fritschi/Theres Egger, Büro für Arbeits- und Sozialpolitische Studien, Glücksspiel und Spielsucht in der Schweiz, Empirische Untersuchung von Spielpraxis, Entwicklung, Sucht und Konsequenzen, Berne 2004.

7642

pétition sportive ou d'un événement sportif spécifique (par ex. un match ou une course). La manipulation a pour but d'obtenir un avantage, souvent un gain, pour soi-même ou pour d'autres. Le cas classique de manipulation est celui qui consiste à corrompre des joueurs ou des arbitres pour influer sur le résultat du match. Le commanditaire indique au joueur ou à l'arbitre, généralement par le biais d'un intermédiaire, dans quel sens le match doit être manipulé. Si l'intermédiaire parvient à convaincre le joueur ou l'arbitre d'exécuter les consignes contre rémunération, le commanditaire charge des tiers complices de faire les paris correspondants auprès de sociétés de paris. Généralement, les montants misés proviennent d'autres activités criminelles. Si les paris sont gagnants, les gains sont versés aux tiers complices.

Ceux-ci les remettent alors, blanchis, au commanditaire.

Le marché des paris sportifs a crû de près de 300 % au cours des dix dernières années suite à une augmentation marquée des revenus légaux et illégaux fortement encouragée par Internet. Selon le rapport «Fighting against the Manipulation of Sports Competitions» publié en novembre 2014 par l'université parisienne de la Sorbonne et le Centre International pour la sécurité dans le sport (ICCS)31, le chiffre d'affaires mondial des paris sportifs s'est élevé en 2011 à plus de 320 milliards d'euros (abstraction faite des paris sur les courses de chevaux, de chiens et de cyclisme sur piste). De ce montant, 85 % concernent le marché illégal. Pour ce qui est du produit brut, le rapport retient un volume total de quelque 16 milliards d'euros, dont 34 % pour le marché illégal. Par la force des choses, ces chiffres restent très incertains car il est difficile d'appréhender tout le marché des paris sportifs non réglementés et illégaux. Outre ces sommes élevées et le peu de règles auxquelles sont soumis les prestataires de paris sportifs, notamment sur Internet, en Asie ou dans certains emplacements offshore, le risque relativement faible d'être découvert dans le cas d'une manipulation de compétition a vraisemblablement éveillé l'intérêt des organisations criminelles.

De nombreuses disciplines sportives sont touchées par des manipulations de compétitions. La plus populaire, le football, vient en tête, suivie par le cricket. Le basketball,
le volleyball, le handball, le tennis, le badminton, le rugby, la boxe, la lutte, les sports motorisés ou le snooker sont également touchés32. Grâce aux efforts redoublés de lutte contre les manipulations de compétitions sportives, on découvre régulièrement de nouveaux cas. Interpol rend compte presque chaque semaine d'un ou de plusieurs nouveaux cas dans un bulletin périodique33 ou sur Twitter34.

La Suisse n'est pas épargnée par les agissements des organisations criminelles. En 2009, le Ministère public de la Confédération a ouvert une enquête contre huit footballeurs dans le cadre d'une manipulation découverte à Bochum (Allemagne)35.

Cinq d'entre eux ont été condamnés par ordonnance pénale pour complicité d'escroquerie par métier au sens de l'art. 146, al. 1 et 2, du code pénal (CP)36. On suppose que des groupes asiatiques étaient aux commandes. Trois joueurs ont fait 31

32 33 34 35 36

Rapport Lutter contre la Manipulation des Compétitions sportives, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Centre International pour la sécurité dans le sport (ICSS), novembre 2014, partie 1, p. 84. http://sorbonne-icss.univ-paris1.fr >media and press zone.

Rapport Lutter contre la Manipulation des Compétitions sportives, partie 1, p. 7.

Le bulletin peut notamment être consulté à l'adresse www.interpol.int > criminalité > intégrité dans le sport > ressources (dernière consultation le 4 août 2015).

https://twitter.com > interpol_sport Source: Rapport Lutter contre la Manipulation des Compétitions sportives, partie 1, p. 7.).

RS 311.0

7643

recours au Tribunal fédéral contre la décision du Ministère public et ont été acquittés du chef de complicité d'escroquerie le 13 novembre 201237.

Le sport en tant que bien juridique à protéger La corruption et la manipulation des compétitions ébranlent le sport dans ses fondements. Elles font partie, avec le dopage, des menaces majeures pour le sport et nuisent à son image en mettant à mal l'imprévisibilité de l'issue des compétitions sportives. Elles sont contraires aux valeurs fondamentales du sport, qui repose sur le fairplay et le respect.

Le rôle du sport au sein de la société a considérablement évolué: facteur d'amélioration de la santé publique et de la productivité, il a également une fonction d'intégration et de cohésion sociale. Il promeut l'égalité des chances, contribue fortement à la formation de la personnalité en favorisant le bénévolat et la citoyenneté active et favorise l'essor des valeurs sportives dans d'autres endroits du monde.

Sur le plan social et sociétal, il y a donc un intérêt public important à protéger l'intégrité du sport.

Initiatives internationales Le Comité international olympique (CIO) a reconnu la nécessité et l'urgence d'une action dans ce domaine et a fondé dès 2011 un groupe de travail sur la lutte contre les paris irréguliers et illégaux dans le sport (ci-après « groupe de travail du CIO »).

A l'occasion de sa quatrième rencontre, en mai 2013, le groupe de travail a émis des recommandations sur des mesures concrètes dans les domaines «sensibilisation et information», «surveillance, échange d'informations et analyse» et «législation et réglementations»38. Fin 2013, le CIO a créé un système d'information centralisé pour l'intégrité du sport olympique dénommé IBIS et décidé, lors du premier Forum international pour l'intégrité du sport d'avril 2015, d'autres mesures pour l'action future39.

Le Conseil de l'Europe a également pris des mesures. En septembre 2011, la Conférence du Conseil de l'Europe des Ministres responsables du sport a émis des recommandations visant à protéger l'intégrité du sport, notamment en vue de lutter contre la manipulation des compétitions (match-fixing). Dans le cadre de la 12e Conférence des Ministres responsables du sport, qui s'est tenue en 2012 à Belgrade, il a été décidé de charger l'APES (Accord Partiel élargi sur le Sport)
d'élaborer une convention juridiquement contraignante. Plus de 30 délégations d'Etats européens ont participé aux travaux de la commission de rédaction de l'APES, auxquelles se sont joints des représentants de l'Australie, du Canada, du Japon et de la Nouvelle-Zélande. Les délégations se composaient de représentants des autorités en charge de la justice, des loteries et paris et du sport. Le 18 septembre 2014, lors de la 13e Conférence des Ministres responsables du sport qui s'est tenue à Macolin, la Convention du Conseil de l'Europe sur la manipulation de compétitions sportives

37 38

39

Cf. l'arrêt du Tribunal pénal fédéral du 13 novembre 2012, SK 2011.33.

Recommandations du groupe de travail du CIO du 14 mai 2013, www.olympic.org > Actualités > lutte-contre-les-paris-irreguliers-et-illegaux-pour-un-systeme-desurveillance-universel.

Cf. www.olympic.org > Actualités > le-premier-forum-international-pour-l-integrite-dusport-adopte-une-feuille-de-route-pour-la-protection-des-athletes-integres.

7644

a été présentée pour signature (STCE no 21540). La convention porte ainsi le nom de «Convention de Macolin» et la Suisse a été le premier Etat à la signer.

Pour l'essentiel, la Convention règle: ­

l'obligation faite aux Etats de veiller à la collaboration nationale (renforcée) entre les organisations sportives, les organisateurs de paris et les pouvoirs publics;

­

l'obligation faite aux Etats de coopérer (davantage) au plan international en désignant des interlocuteurs uniques (single points of contact) et en s'accordant l'entraide judiciaire mutuelle;

­

les prescriptions de bonne gouvernance pour les organisateurs de paris en vue de la lutte contre les manipulations de compétitions sportives;

­

les recommandations de bonne gouvernance pour les organisations sportives en vue de la lutte contre les manipulations de compétitions sportives;

­

l'obligation faite aux Etats d'édicter des normes pénales sanctionnant les manipulations de compétitions sportives;

­

les mécanismes de suivi.

Le projet répond aux besoins d'adaptation de la législation suisse découlant de la Convention.

1.2

Dispositif proposé

1.2.1

Buts de la nouvelle loi

Objectifs principaux Le projet présenté dans le présent message a pour but de mettre en oeuvre le nouvel art. 106 Cst., qui donne à la Confédération la compétence de légiférer sur les jeux d'argent.

Cette nouvelle loi assurera la sécurité et la transparence de l'exploitation des jeux d'argent qui, comme dans la plupart des pays, ne pourront être exploités en Suisse que s'ils sont autorisés et surveillés. Compte tenu des dangers inhérents aux jeux d'argent, la loi assurera une protection appropriée de la population et principalement la protection des joueurs contre le jeu excessif, c'est-à-dire contre la dépendance au jeu et contre la mise en jeu de sommes dépassant leur revenu et leur patrimoine. Elle permettra aussi de lutter contre la criminalité liée aux jeux d'argent et contre l'offre illégale de jeux et de générer des revenus pour la collectivité. Une part importante des revenus bruts des maisons de jeu sera destinée à l'assurance vieillesse, survivants et invalidité ; les bénéfices nets des loteries et paris sportifs seront affectés entièrement à des buts d'utilité publique, notamment dans les domaines de la culture, des affaires sociales et du sport. Il importera de veiller, dans la poursuite de ces objectifs, à créer les conditions d'une offre de jeux d'argent attrayante, moderne et concurrentielle sur le marché suisse.

40

Cf. www.coe.int > démocratie > apes > conventions.

7645

Principes ayant présidé à l'élaboration de la nouvelle législation En réunissant toutes les dispositions relatives aux jeux d'argent (maisons de jeu, loteries, paris sportifs et jeux d'adresse) dans une seule loi fédérale, on assurera l'absence de contradictions et la transparence de la réglementation du secteur concerné. On maintiendra pour l'essentiel les principes de base aujourd'hui ancrés à plusieurs niveaux, tout en harmonisant autant que possible les règles dans les divers secteurs concernés (jeux de casino, loteries, paris et jeux d'adresse). La loi contient des nouveautés importantes: les gains des joueurs ne seront plus imposés, les jeux de casino pourront être exploités en ligne, les compétences d'exécution de la Confédération et des cantons seront clairement délimitées et la coordination entre ces échelons sera renforcée par la création d'un organe paritaire de coordination.

1.2.2

Catégories de jeux d'argent et autorisation

Catégories de jeux d'argent Le champ d'application de la loi fédérale sur les jeux d'argent (LJAr), qui fait l'objet du présent message, comprend tous les jeux qui, moyennant une mise d'argent ou la conclusion d'un acte juridique, laissent espérer un gain pécuniaire ou un autre avantage appréciable en argent. Les catégories de jeux concernées resteront dans l'ensemble les mêmes qu'aujourd'hui: loteries, paris sportifs, jeux de casino et jeux d'adresse. Le projet contient néanmoins plusieurs précisions et modifications suivantes par rapport à la LLP et à la LMJ.

­

Il prévoit que les jeux d'argent pourront être exploités en ligne. On tient ainsi compte de l'évolution des habitudes et des technologies.

­

Il répartit les loteries, les paris sportifs et les jeux d'adresse en deux catégories. La première est celle des jeux de grande envergure, qui recouvrent les loteries, les paris sportifs et les jeux d'adresse exploités de manière automatisée, au niveau intercantonal ou en ligne, c'est-à-dire ceux qui pourraient receler le plus grand danger et pour lesquels la réglementation doit être plus stricte. La deuxième est celle des jeux de petite envergure, soit celle des loteries, paris sportifs et petits tournois de poker (avec de petites mises et des possibilités de gains réduites).

­

Le projet définit comme jeux de casino les jeux d'argent auxquels peuvent participer un nombre limité de personnes. Les paris sportifs, les jeux d'adresse et les jeux de petite envergure ne sont pas couverts par cette définition. Par jeux de casino, on entend concrètement les jeux de table (roulette, black jack, poker, etc.), les machines à sous (pour autant qu'il ne s'agisse pas de jeux de grande envergure) et les grands tournois de poker où les mises et les possibilités de gains sont importantes. Le principal critère de délimitation entre les jeux de casino et les grandes loteries est le nombre de participants potentiels: au maximum 1000 pour les jeux de casino et au moins 1000 par tirage pour les grandes loteries. Les mêmes critères sont prévus pour les jeux exploités en ligne.

­

Le projet autorise à des conditions strictes les petits tournois de poker (en tant que jeux de petite envergure) en dehors des maisons de jeu. On met ainsi en oeuvre la motion 12.3001 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national.

7646

­

La définition du terme «loterie» donnée dans le projet est conforme aux critères de l'art. 106, al. 3, let. a, Cst. et abandonne le critère de «plan» mentionné à l'art. 1 LLP, qui a souvent posé des problèmes de délimitation.

­

Les «paris professionnels» au sens de l'art. 33 LLP étant particulièrement difficiles à distinguer des jeux qui sont également exploités par les maisons de jeu, le projet prévoit que les paris qui pourront être proposés par les exploitants de jeux de grande envergure ou de petite envergure se limiteront aux paris sportifs.

Autorisation ou concession Les jeux d'argent continueront d'être soumis à autorisation ou à concession. Les jeux de casino demeureront l'apanage des maisons de jeu, qui devront comme aujourd'hui disposer d'une concession de la Confédération. Les règles et la pratique en matière d'autorisation des jeux de grande et de petite envergure demeureront inchangées: autorisation d'une autorité intercantonale de surveillance et d'exécution (ci-après «autorité intercantonale») pour les jeux de grande envergure et autorisation cantonale pour les jeux de petite envergure. Les autorités d'exécution veilleront au respect des dispositions légales et lutteront contre les offres illégales de jeux d'argent.

1.2.3

Jeux en ligne

Ouverture aux jeux en ligne La possibilité donnée aux casinos d'exploiter des jeux en ligne constitue l'une des principales nouveautés introduites par le projet de loi. Il s'agit d'autoriser les casinos à proposer des jeux sur Internet ou d'autres réseaux de communication à distance, tout en veillant à ce que l'offre de jeux en ligne soit soumise à certaines règles destinées à protéger les joueurs contre le jeu excessif et les autres dangers liés aux jeux d'argent et permette de garantir la perception de l'impôt.

A l'heure actuelle, l'exploitation de jeux en ligne est interdite aux casinos (art. 5 LMJ). Les exploitants de loteries et paris disposent déjà d'une offre sur Internet.

Modèle de concession pour les casinos Pour les casinos, l'exploitation de jeux en ligne sera soumise à concession, comme c'est le cas pour les jeux exploités dans les casinos. Le modèle de concession choisi est celui de l'extension des concessions. Seuls les casinos existant déjà de manière physique pourront, en plus, développer une offre de jeux en ligne. L'octroi de l'extension «en ligne» sera soumis à des conditions similaires à celles applicables aux concessions pour l'exploitation d'une maison de jeu. Les détenteurs d'une concession pour l'exploitation d'une maison de jeu auront droit à l'octroi de l'extension «en ligne», pour autant que ces conditions soient respectées.

Régime pour les jeux de grande envergure Tous les jeux de grande envergure seront proposés à la fois en ligne et par les canaux de distribution classiques du commerce de détail. L'exploitation en ligne devra faire l'objet d'une autorisation de l'autorité intercantonale. Les caractéristiques de ce canal de distribution font cependant que les dangers potentiels, en 7647

particulier le risque de jeu excessif, sont supérieurs pour les jeux en ligne que pour d'autres canaux de distribution, si bien qu'ils feront l'objet d'un encadrement légal plus strict.

Exigences légales Les jeux en ligne, qu'ils soient proposés par les casinos ou par les exploitants de jeux de grande envergure, devront satisfaire aux prescriptions légales en matière de protection contre le jeu excessif, de sécurité et de lutte contre le blanchiment. Ils ne seront pas accessibles aux mineurs. Cela implique notamment que seuls les joueurs résidant en Suisse et disposant d'un compte d'utilisateur auront accès aux jeux.

Lutte contre les offres non autorisées Parallèlement, il faut lutter contre les offres de jeux en ligne non autorisées en Suisse, principalement en provenance de l'étranger. En effet, il ne sert à rien de réglementer les offres légales, notamment du point de vue de la protection contre le jeu excessif, de la sécurité et de l'affectation des bénéfices, si les joueurs ont accès librement à une offre non autorisée qui échappe à toute réglementation, ne garantit aucune protection et dont les bénéfices tombent intégralement dans l'escarcelle d'opérateurs privés.

Le projet prévoit dès lors un dispositif de listes noires permettant de bloquer l'accès depuis la Suisse à des sites de jeux non autorisés. Le blocage sera ordonné par les autorités compétentes, à savoir la CFMJ et l'autorité intercantonale, et mis en oeuvre par les fournisseurs suisses de services de télécommunication. Le but poursuivi est de dissuader une majorité de joueurs de se tourner vers des offres non autorisées.

Le fait d'offrir des jeux sans disposer des autorisations nécessaires constituera en outre une infraction pénale. En revanche, le simple fait de jouer à de tels jeux ne sera pas punissable pénalement.

1.2.4

Protection contre le jeu excessif et d'autres dangers

Protection contre le jeu excessif Les jeux d'argent recèlent différents dangers, dont le principal est la dépendance au jeu. Dès lors, assurer à la population une protection appropriée contre le jeu excessif est l'un des objectifs de la loi. Les mesures de prévention feront donc l'objet d'adaptations, de même que les règles régissant l'offre de jeux (notamment sur Internet, puisqu'une offre légale remplacera l'offre étrangère jusqu'ici incontrôlée).

De plus, comme l'exige l'art. 106 Cst., les cantons, aussi bien que la Confédération, devront prendre des mesures pour protéger les joueurs du jeu excessif. Le projet fixe deux grandes lignes d'action.

­

7648

Il oblige les exploitants de jeux d'argent à prendre des mesures de lutte contre le jeu excessif qui tiennent compte de l'évolution des habitudes et des technologies et de l'essor de l'offre sur Internet. Il est nécessaire de revoir la conception de la réglementation des jeux d'argent qui prévalait jusqu'ici.

Cette conception postulait que les jeux particulièrement dangereux devaient être exploités derrière les murs des maisons de jeu, tandis que ceux qui l'étaient moins pouvaient l'être en dehors. Cette répartition ne correspond plus aux réalités actuelles. De simples loteries ou paris offerts sur Internet

peuvent receler le même danger que les jeux de casino. Le projet prend ces nouveaux paradigmes en compte en imposant aux exploitants de jeux d'argent de prendre des mesures de protection adaptées au danger potentiel que présente le jeu spécifique. Les exigences seront d'autant plus sévères que le danger potentiel que présente le jeu est élevé.

Tant les maisons de jeu que les exploitants de jeux de grande envergure seront tenus de par la loi d'établir un programme de protection des joueurs.

Celui-ci tiendra compte du danger potentiel et des caractéristiques du canal de distribution des diverses offres de jeux ; il comprendra en particulier des mesures dans les secteurs de l'information, du repérage précoce, de l'autocontrôle et des restrictions de jeu, la mesure ultime étant comme aujourd'hui l'exclusion, à cette différence qu'elle s'appliquera aussi aux jeux de grande envergure présentant un danger potentiel élevé. Les exploitants de jeux de grande envergure et de jeux de casino tiendront un registre des personnes exclues et se communiqueront mutuellement les données.

Les obligations les plus sévères imposées en termes de mesures de protection contre le jeu excessif concerneront les jeux de grande envergure exploités en ligne et les jeux de casino exploités en ligne. Les exigences resteront globalement les mêmes qu'aujourd'hui pour les maisons de jeu. Elles seront moins poussées pour les jeux de grande envergure exploités dans des établissements publics. Le risque de jeu excessif est en effet généralement moins élevé pour ces jeux que pour les jeux de casino et les jeux de grande envergure exploités en ligne. Enfin, pour les jeux de petite envergure, qui ne présentent qu'un danger potentiel faible, des mesures d'accompagnement moins exigeantes suffiront.

­

La CFMJ et l'autorité intercantonale seront chargées expressément dans l'exercice de leurs tâches de prendre dûment en considération la protection des joueurs contre le jeu excessif. De nouvelles règles de composition garantiront qu'un membre au moins de ces autorités disposera de connaissances spécifiques en matière de prévention de la dépendance.

­

Les cantons seront eux aussi tenus de prendre des mesures de prévention du jeu excessif et de proposer des offres de conseil et de traitement aux personnes dépendantes au jeu, à celles qui risquent de devenir dépendantes et à leur entourage.

Protection contre d'autres dangers (en particulier l'escroquerie et le blanchiment d'argent) Les jeux d'argent recèlent d'autres dangers que la dépendance au jeu, notamment l'escroquerie et le blanchiment d'argent. Le projet comporte de ce fait des dispositions propres à assurer une exploitation sûre et transparente des jeux et à lutter contre la criminalité et le blanchiment d'argent. L'élément central de ces dispositions est l'obligation faite aux exploitants de jeux de grande envergure et de jeux de casino de mettre au point un programme de mesures de sécurité qui s'étende à l'offre de jeux dans son ensemble et au surplus des mesures concernant des jeux spécifiques.

Le projet met en place des mesures contre la manipulation des compétitions en rapport avec les paris sportifs, qui se fondent sur la collaboration des organisations sportives (associations et organisateurs de compétitions), des exploitants de paris 7649

sportifs et des autorités (en particulier les autorités de régulation des paris et les autorités judiciaires).

La première série de mesures concerne les exploitants de paris sportifs et leur offre.

Les exploitants devront être indépendants des organisations sportives et des sportifs qui prennent part aux compétitions pour lesquelles des paris sont offerts. Ils devront disposer d'un système de surveillance visant à dépister les manipulations et empêcher que des compétitions manipulées puissent faire l'objet de paris. Les paris ne pourront porter que sur des événements sportifs pour lesquels le risque de manipulations est faible. Enfin, les exploitants de paris sportifs auront l'obligation de communiquer leurs soupçons à l'autorité d'exécution compétente concernant la manipulation de compétitions pour lesquelles ils offrent des paris.

Les organisations ayant leur siège en Suisse qui prennent part à une compétition sportive ayant lieu en Suisse ou pour laquelle des paris sont offerts en Suisse, ou qui organisent, exploitent ou surveillent une telle compétition, devront avertir l'autorité intercantonale si elles soupçonnent une manipulation.

L'autorité intercantonale jouira de toutes les compétences de surveillance nécessaires. Elle pourra ordonner aux exploitants de paris sportifs d'interrompre un pari en cas de soupçons fondés de manipulation du déroulement de l'événement sportif sur lequel porte le pari.

Enfin, les manipulations directes et indirectes de compétitions seront sanctionnées pénalement au titre de la corruption, pour restaurer les valeurs de fairplay.

Les maisons de jeu continueront d'être soumises à la loi fédérale du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent (LBA)41. Les exploitants de jeux de grande envergure y seront également soumis, en raison des dangers potentiels que ces jeux présentent. Il y aura toutefois quelques adaptations pour que les dispositions puissent leur être applicables.

1.2.5

Imposition et affectation du produit des jeux

Imposition des joueurs A l'heure actuelle, les gains réalisés dans des maisons de jeu ne sont soumis ni à l'impôt anticipé, ni à l'impôt sur le revenu. Leur imposition aurait en effet désavantagé considérablement les maisons de jeu suisses par rapport à leurs concurrents étrangers puisqu'une telle imposition n'existe pas dans les pays limitrophes. La détermination du revenu imposable aurait par ailleurs été compliquée en raison de la difficulté à définir les mises engagées. Les arguments qui ont plaidé pour cette exonération restent valables aujourd'hui. Ils gagnent même en importance dans la perspective de l'ouverture du marché suisse aux jeux en ligne. L'offre de jeux en ligne doit être attractive et concurrentielle. Sans cela, les joueurs suisses se tourneront vers l'offre étrangère ou illégale de jeu, dont les risques sont décrits au ch. 1.2.4. Ces considérations sont également valables pour les loteries et les paris, dont les gains sont aujourd'hui imposés. Le maintien de l'inégalité de traitement entre les jeux de casino et les loteries et paris entraînerait dès lors aussi des distorsions de concurrence injustifiées entre ces types de jeux. Par conséquent, le projet 41

RS 955.0

7650

prévoit d'étendre l'exonération fiscale aux gains provenant de tous les jeux d'argent.

Cette extension entraînera des pertes de recettes fiscales de l'ordre de 104 millions de francs par année pour la Confédération, les cantons et les communes. Selon une étude de l'université de Berne, ces pertes devraient toutefois être largement compensées, à moyen terme, par le surplus de recettes qui seront affectées à des buts d'utilité publique (recettes provenant de l'impôt sur les maisons de jeu et bénéfices nets affectés à des buts d'utilité publique)42.

Imposition des maisons de jeux Le projet reprend la réglementation en vigueur en matière d'impôt sur les maisons de jeux. Cela inclut la possibilité, pour les casinos B, d'obtenir une réduction du taux de l'impôt en cas d'affectation d'une partie du produit brut des jeux à des buts d'utilité publique ou d'implantation dans une région touristique saisonnière. Ils pourront également bénéficier d'une réduction de l'impôt sur le produit brut des jeux si les cantons perçoivent un impôt de même nature. Ces réductions d'impôt ne s'appliqueront pas au produit des jeux exploités en ligne. Sur la base des études menées, il faut s'attendre à ce que les frais liés à l'exploitation de jeux de casino en ligne soient plus élevés que pour les jeux proposés dans les maisons de jeu. Afin d'assurer la viabilité de l'exploitation en ligne, le taux d'impôt minimum est donc de 20 % (contre 40 % pour le produit brut des jeux réalisé dans les maisons de jeu).

Les recettes de l'impôt sur le produit brut des jeux seront affectées au financement de l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, comme c'est le cas selon le droit en vigueur et conformément à l'art. 106, al. 2, Cst. Actuellement, les recettes sont affectées uniquement au fonds AVS.

Le bénéfice net des maisons de jeu sera par ailleurs, comme à l'heure actuelle, soumis à l'impôt fédéral, cantonal et communal direct.

Affectation du produit des jeux de grande et de petite envergure Conformément à l'art. 106, al. 6, Cst., les bénéfices nets provenant des jeux de grande envergure, à l'exception des jeux d'adresse, doivent être affectés intégralement à des buts d'utilité publique, notamment dans les domaines culturel, social et sportif. Les exploitants de jeux de grande envergure (actuellement Swisslos et la Loterie
Romande) pourront ainsi continuer de jouer un rôle important dans le soutien aux projets, activités ou manifestations profitant à la collectivité.

Les cantons disposeront, comme actuellement, d'une large marge de manoeuvre dans l'utilisation des fonds mais le projet prévoit, pour la gestion et l'affectation des fonds, quelques règles de base destinées en particulier à garantir la transparence.

Les bénéfices des petites loteries et des paris sportifs locaux devront également être affectés à des buts d'utilité publique. Les exploitants pourront cependant utiliser les bénéfices nets des jeux organisés à leurs propres fins, pour autant qu'ils ne poursuivent pas un but économique. Les sociétés locales pourront ainsi continuer à organiser des petites loteries (en particulier des tombolas, souvent appelées «lotos») pour financer leurs activités.

42

Baldauf / Brüsehaber, p. 83. Le groupe de travail «Imposition des jeux d'argent» est parvenu à un résultat analogue dans son rapport du 26 septembre 2012; cf. www.ofj.admin.ch > Projets législatifs en cours > Jeux d'argent.

7651

Les bénéfices des petits tournois de poker ne seront en revanche pas soumis à l'obligation d'affectation à des buts d'utilité publique.

1.2.6

Autorités

Quatre autorités seront chargées de tâches spécifiques dans le domaine des jeux d'argent. Trois de ces autorités existent déjà à l'heure actuelle: la Commission fédérale des maisons de jeu (CFMJ), l'autorité intercantonale de surveillance et d'exécution (autorité intercantonale) et la commission fédérale pour les questions liées aux drogues (à l'avenir: commission fédérale pour les questions liées à l'addiction). La quatrième, l'organe de coordination, est nouvelle.

La CFMJ La CFMJ est une autorité fédérale indépendante. Elle a pour rôle essentiel la surveillance et l'imposition des maisons de jeu, ainsi que la lutte contre les offres de jeu illégales. Dans l'accomplissement de ces tâches, elle veillera à prendre dûment en compte la nécessité de protéger les joueurs contre le jeu excessif. Le projet n'apporte pas de changements significatifs dans les tâches et l'organisation de cette autorité, si ce n'est une formalisation de son rôle en matière de protection des joueurs contre le jeu excessif.

L'autorité intercantonale de surveillance et d'exécution L'autorité intercantonale aura pour rôle principal la surveillance des jeux de grande envergure, qui relèvent de la compétence cantonale en vertu de l'art. 106, al. 3, Cst.

Tout comme la CFMJ, elle doit, dans l'accomplissement de ses tâches, prendre dûment en compte la nécessité de protéger les joueurs contre le jeu excessif. A l'heure actuelle, la tâche de surveillance du marché des grandes loteries et paris est assumée par la Comlot, instituée par la CILP. Il en sera vraisemblablement de même à l'avenir, mais les cantons resteront libres de prévoir une autre autorité; le législateur fédéral ne peut en effet pas leur imposer l'institution d'une autorité déterminée.

Le projet se limite à inscrire dans la loi l'existence d'un tel organe intercantonal, ses compétences principales ainsi que quelques exigences minimales garantissant son indépendance. Pour le reste, les cantons auront toute latitude.

Le projet n'impose pas l'obligation pour les cantons de participer à un tel organe: seuls les cantons qui souhaitent autoriser des jeux de grande envergure sur leur territoire devront désigner une autorité commune en charge de la surveillance.

L'organe de coordination L'institution d'un organe de coordination est prescrite à l'art. 106, al. 7, Cst. Le
rôle principal de cet organe sera d'améliorer la coordination entre la Confédération et les cantons, en particulier de prévenir et contribuer à résoudre les conflits de compétence entre la CFMJ et l'autorité intercantonale, par exemple lorsque la qualification d'un jeu est difficile à établir. A cet effet, le projet prévoit un mécanisme par étapes de résolution des conflits: dans un premier temps, les autorités concernées se consulteront et, en cas de divergence, elles procéderont à un échange de vues. En cas d'échec de l'échange de vues, elles soumettront le cas à l'organe de coordination.

Celui-ci sera composé paritairement de représentants des autorités d'exécution de la

7652

Confédération et de représentants des autorités d'exécution des cantons. Il n'aura pas de pouvoir de décision, mais uniquement un pouvoir de recommandation.

Commission fédérale pour les questions liées à l'addiction Il est prévu que la commission fédérale pour les questions liées à l'addiction succède à la commission fédérale pour les questions liées aux drogues (CFLD) au début de la prochaine législature. La commission fédérale pour les questions liées à l'addiction a pour mandat de conseiller le Conseil fédéral sur toutes les questions concernant la problématique de l'addiction et la politique en matière d'addiction, y compris la prévention de l'addiction aux jeux et son traitement.

1.3

Appréciation de la solution retenue

1.3.1

Evaluation des résultats de la procédure de consultation

On se reportera au rapport sur les résultats de la procédure de consultation pour une synthèse des avis exprimés sur l'avant-projet43. Celui-ci a été bien reçu, puisqu'il a été soutenu par tous les cantons et tous les partis, à l'exception du Parti évangélique (PEV) et du Parti Pirate. Les maisons de jeu s'y sont par contre montrées hostiles.

Peu de participants à la consultation ont nié la nécessité de réglementer. La structure de l'avant-projet a elle aussi fait la quasi-unanimité. Les participants ont approuvé l'essentiel des nouveautés introduites, notamment en ce qui concerne: ­

la répartition des compétences entre les cantons et la Confédération;

­

le renforcement du rôle de l'autorité intercantonale;

­

l'obligation pour les exploitants de jeux de grande envergure de prendre des mesures de protection des joueurs;

­

l'autorisation pour les maisons de jeu d'offrir des jeux en ligne et le renforcement des mesures de prévention pour ce domaine;

­

le blocage des offres en ligne non autorisées;

­

l'organisation de petits tournois de poker en dehors des maisons de jeu;

­

la lutte contre les manipulations de compétitions sportives;

­

le renforcement des dispositions pénales.

Une nette majorité des participants à la consultation s'est déclarée favorable à l'exonération des gains des joueurs; c'est notamment le cas de la CDCM, de la majorité des cantons, du Parti bourgeois démocratique, du Parti démocrate-chrétien, des Libéraux-radicaux et de l'Union démocratique du centre (UDC). Il est à noter que la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances a approuvé cette exonération lors de sa séance du 17 mai 2013.

On a donc maintenu ces aspects dans le projet.

43

www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures terminées > 2014 > DFJP.

7653

Les milieux de la prévention et certains partis politiques (PEV, Parti socialiste, UDC, Les Verts) ont approuvé l'institution d'une commission consultative pour la prévention du jeu excessif mais, dans l'ensemble, la commission sous la forme prévue dans l'avant-projet a plutôt suscité le rejet. Le Conseil fédéral a donc renoncé à prévoir un tel organe dans le projet.

Le PEV, et principalement les organisations actives dans les domaines de la prévention, de la santé et du social ont critiqué de manière véhémente l'abandon de la taxe de prévention, alors que ce choix a été largement approuvé par les autres participants à la consultation. Le Conseil fédéral, se ralliant à la majorité, considère qu'il est préférable, pour des motifs de droit constitutionnel, de renoncer à cette taxe.

1.3.2

Principaux changements par rapport à l'avant-projet

L'avant-projet a principalement subi les adaptations mentionnées ci-dessous.

Le projet prévoit une réglementation des loteries et des jeux d'adresse destinés à promouvoir les ventes, organisés notamment par les médias et les commerçant de détail (art. 1, al. 2, let. d), qui s'appuie sur les dispositions en vigueur et sur la jurisprudence44. Les règles proposées visent à mieux permettre une participation gratuite effective à toutes les personnes intéressées, chose difficile si elles doivent passer par une technologie peu usitée pour déclarer leur participation au jeu. Cette adaptation permet d'empêcher que l'on vide de sa substance la norme constitutionnelle, selon laquelle les bénéfices nets des jeux doivent être intégralement affectés à des buts d'utilité publique. Certains participants à la consultation ont requis d'autres modèles allant du maintien de la réglementation actuelle et du respect de la jurisprudence à l'inscription d'une réglementation des jeux et concours destinés à promouvoir les ventes dans la loi fédérale du 19 décembre 1986 sur la concurrence déloyale (LCD)45. La CDCM et la majorité des cantons ont exigé que l'ensemble des jeux impliquant des mises d'argent et des possibilités de gains tombent sous le coup de la loi, qu'il soit possible ou non d'y participer gratuitement. Il résulterait de cette option un léger assouplissement des prescriptions auxquelles sont soumis les commerces de détail: l'achat d'un produit ne serait plus considéré comme une mise, si bien qu'ils ne seraient plus obligés de proposer une participation gratuite. Les médias devraient quant à eux adapter les jeux qu'ils exploitent. Soit ils ne seraient plus autorisés à percevoir de surtaxe sur le coût des services à valeur ajoutée (téléphone, SMS, courrier, etc.), soit ils devraient renoncer à verser des gains. Par rapport à cette solution, celle préconisée ici présente l'avantage de se fonder sur le statu quo et de ne pas créer d'inégalité de traitement entre les médias et les commerces de détail.

Le projet comporte une définition «positive» des jeux de casino (art. 3, let. g), alors qu'ils étaient définis «négativement» dans l'avant-projet.

Aux termes du projet, seuls les petits tournois de poker seront autorisés en dehors des maisons de jeu (art. 36). L'avant-projet aurait permis à certaines conditions que d'autres formes de jeu puissent être exploitées hors de ce cadre.

44 45

Voir notamment l'arrêt du Tribunal fédéral 6P.104/2006.

RS 241

7654

Contrairement à ce qui était prévu dans l'avant-projet, les cantons disposeront d'une large autonomie dans la réglementation des petites loteries organisées à l'occasion d'une réunion récréative, cela à la condition que les lots soient uniquement en nature, que l'émission et le tirage des billets et la distribution des lots soient en corrélation directe avec la réunion récréative et que la somme maximale des mises soit peu élevée (art. 41, al. 2). Ces jeux, connus sous les noms de «tombolas» ou de «lotos», sont souvent organisés par des associations. Les cantons demeureront libres de décider s'ils souhaitent encadrer les tombolas et, dans l'affirmative, auront toute latitude pour les autoriser, les limiter ou les interdire.

Les salles de jeu destinées à l'exploitation d'automates de jeux d'adresse ne seront pas interdites, à l'inverse de ce que prévoyait l'avant-projet (art. 61, al. 2).

Suite aux critiques exprimées en procédure de consultation, on a supprimé la Commission consultative pour la prévention du jeu excessif. En lieu et place, le projet formalise le rôle joué dans ce domaine par les autorités de surveillance.

S'agissant du blocage des offres de jeux en ligne non autorisées, on a introduit une disposition permettant à un utilisateur d'accéder aux offres bloquées à des fins de surveillance ou de recherche.

Dans le chapitre concernant l'affectation des bénéfices des jeux de grande envergure, l'exigence d'indépendance des instances de répartition qui figurait dans l'avant-projet (art. 128, al. 1, let. a) a été biffée, conformément à la volonté d'une majorité des cantons exprimée par le biais de la CDCM. Ces cantons invoquaient notamment une atteinte à leur autonomie organisationnelle. Une minorité de cantons, en particulier les cantons romands, sont favorables à la mention explicite de la nécessité d'une indépendance des instances de répartition, à la fois vis-à-vis des autorités politiques et vis-à-vis des exploitants. Une définition légale du bénéfice net des jeux de grande envergure a par ailleurs été introduite à l'art. 122.

Les dispositions pénales ont subi quelques remaniements. On a notamment créé une disposition supplétive destinée à garantir que toute exploitation sans autorisation d'un jeu d'argent sera punissable, même si le jeu en question ne tombe dans aucune des catégories
de jeux définies par la loi (art. 128, al. 1, let. a).

Enfin, au chapitre de la modification du droit en vigueur, les modifications des lois fiscales ont été précisées de manière à garantir que les gains issus de loteries et jeux d'adresse destinés à la promotion des ventes ne seront pas exonérés d'impôt.

1.3.3

Evaluation du projet

Le projet constitue une révision totale de la législation suisse dans le domaine des jeux d'argent. Il remplace la LLP de 1923, devenue désuète, et regroupe dans un seul acte cette loi et la LMJ de 1998, pour établir une réglementation cohérente, adaptée et transparente de l'ensemble du domaine des jeux d'argent. Il reprend, dans toute la mesure du possible, les règles actuelles qui ont fait leurs preuves, ainsi que la pratique en matière d'exécution. Il recèle quelques nouveautés découlant des évolutions technologiques et sociétales ou visant à assurer la mise en oeuvre du nouvel article constitutionnel. Il règle de manière plus claire la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons et améliore la coordination entre leurs autorités d'exécution respectives. Il libéralise le marché des jeux d'argent sur certains points, puisque les maisons de jeu pourront proposer leurs jeux en ligne, que 7655

des paris sportifs attractifs et concurrentiels pourront être offerts et que les tournois de poker pourront être organisés à des conditions strictes en dehors des maisons de jeu. Ces changements s'accompagneront de mesures appropriées et coordonnées de protection des joueurs contre le jeu excessif. La modernisation des dispositions pénales et le blocage des sites étrangers de jeux en ligne permettront de renforcer la lutte contre l'offre illégale de jeux. Le projet prévoit en outre des mesures efficaces contre la manipulation des compétitions sportives. Enfin, il généralise l'exonération des gains issus des jeux d'argent.

Tant la commission d'étude que la POL ont suivi de près l'élaboration du message, comme elles l'avaient déjà fait pour l'avant-projet. L'orientation donnée au projet est restée la même que celle de l'avant-projet, si ce n'est qu'on reprend certains souhaits exprimés par les cantons et les maisons de jeu. Ainsi, on donne une définition positive des jeux de casino, plutôt que de les définir négativement, on permet aux cantons de continuer à réglementer l'essentiel des petites loteries organisées à des fins de divertissement lors de manifestations et on renonce à instituer une commission consulative pour la prévention du jeu excessif.

1.4

Droit comparé46

Allemagne En Allemagne, les jeux d'argent sont régis par la convention interétatique modificatrice de 2012 relative aux jeux de hasard (Glücksspieländerungsstaatsvertrag), qui se fonde elle-même sur la convention interétatique de 2008 relative aux jeux de hasard (Glücksspielstaatsvertrag). Seuls quinze des seize Länder de la République fédérale allemande étaient à l'origine parties à la convention modificatrice: le Schleswig-Holstein n'y a adhéré qu'en février 2013. Les Länder disposent de lois d'exécution. De plus, d'autres lois comportent des règles concernant les jeux d'argent, en premier lieu les § 284 à 287 du code pénal (Strafgesetzbuch) qui interdisent, sous peine de sanction pénale, d'organiser des jeux d'argent non autorisés.

L'ordonnance sur les jeux (Spielverordnung), qui régit l'exploitation des appareils automatiques de jeux d'argent, comporte en outre une liste des infractions administratives.

La convention modificatrice poursuit cinq objectifs : lutter contre la dépendance au jeu et prévenir cette dépendance, mais aussi sortir les jeux d'argent des marchés noirs, protéger la jeunesse et les joueurs, lutter contre la criminalité en lien avec les jeux d'argent et garantir l'intégrité des paris sportifs. Ces objectifs sont désormais sur un pied d'égalité, ce qui n'était pas le cas dans la convention interétatique de 2008.

Les Länder ont pour tâche, avec l'assistance d'un comité consultatif, de mettre à disposition une offre suffisante de jeux d'argent. Ils peuvent choisir de mener à bien cette tâche publique eux-mêmes ou de la confier à un établissement public géré communément par tous les Länder qui sont parties à la convention, à des personnes morales de droit public ou à des sociétés de droit privé dans lesquelles des personnes 46

A l'exception des sections consacrées à l'UE, à l'AELE et à l'OMC, les considérations qui suivent se fondent sur la «Vergleichende Studie der Regelung des Geldspielwesens» de l'Institut suisse de droit comparé du 28 avril 2015. On trouvera également dans cette étude toutes les sources citées.

7656

morales de droit public ont une participation directe ou indirecte importante. Pour que l'organisation et la distribution des jeux d'argent puissent faire l'objet d'une surveillance, la convention modificatrice prévoit un système d'autorisations et un système de concessions. Le système d'autorisations concerne tous les types de jeux d'argent, alors que seuls les organisateurs et distributeurs de paris sportifs ont actuellement besoin d'une concession. Les deux systèmes diffèrent sur plusieurs points.

Premièrement, les exigences liées à une concession sont nettement plus sévères; les requérants doivent en particulier fournir bien plus d'informations permettant de s'assurer d'une organisation ordonnée des jeux. Deuxièmement, le nombre des concessions est limité, alors que celui des autorisations ne l'est pas. Troisièmement, la concession est régie principalement par la convention interétatique modificatrice relative aux jeux de hasard elle-même, alors que les Länder règlent les détails de l'octroi d'une autorisation dans leurs propres lois d'exécution.

Les organisateurs et distributeurs de jeux d'argent doivent se plier à diverses obligations pour atteindre les objectifs de la convention. Ils doivent inciter au jeu responsable et prévenir la dépendance au jeu. A cet égard, la Suisse a servi de modèle pour les éléments clés que sont l'exigence d'un programme de mesures sociales, l'obligation de former le personnel et la possibilité d'exclure un joueur. L'exclusion peut être aussi bien volontaire qu'imposée. Lorsqu'elle est volontaire, les établissements desquels le joueur demande à être exclu n'ont pas le droit de s'enquérir de la raison de l'exclusion. Une exclusion est imposée par les maisons de jeu et les organisateurs de paris sportifs et loteries potentiellement très dangereux lorsqu'ils apprennent par leur personnel ou des tiers que la personne est menacée de dépendance au jeu ou de surendettement. Un autre motif peut être que la personne ne respecte pas ses obligations financières ou qu'elle risque des mises disproportionnées par rapport à ses revenus. Une exclusion imposée est encore possible lorsque les maisons de jeu et organisateurs précités disposent d'autres indices permettant de conclure à l'un des états de fait énumérés. Une exclusion est enregistrée pour un an au moins dans une banque
de données ad hoc.

En principe, l'organisation et la distribution de jeux d'argent publics sont interdites sur Internet. La convention étatique modificatrice relative aux jeux de hasard définit les jeux d'argent comme publics lorsqu'un cercle de personnes ouvert d'une certaine importance peut y participer, ou lorsqu'il s'agit de jeux d'argent usuellement organisés au sein d'associations ou d'autres sociétés fermées. Les Länder peuvent toutefois prévoir des exceptions à l'interdiction visant Internet dans leurs lois d'exécution.

Pour lutter contre les jeux d'argent non autorisés sur Internet, les autorités de surveillance des Länder sont habilitées à édicter les mesures nécessaires. En règle générale, par le biais d'un acte administratif, elles interdisent aux organisateurs et distributeurs d'offrir le jeu de hasard non autorisé sur Internet et leur enjoignent de supprimer l'offre correspondante. S'ils n'obtempèrent pas, les autorités de surveillance leur infligent fréquemment une astreinte.

Dans le droit allemand, la répartition des produits destinés à la collectivité est réglée de façon très hétérogène, ou ne l'est souvent pas du tout. Les Länder doivent simplement garantir qu'une part importante des produits est consacrée à des buts publics, d'utilité publique, religieux ou caritatifs. Seuls cinq des quinze Länder qui ont adhéré à la convention étatique modificatrice relative aux jeux de hasard ont inclus dans leurs lois d'exécution des clefs de répartition précises, en vertu desquelles des montants absolus ou des pourcentages sont affectés à des buts d'utilité publique.

Certaines lois désignent des institutions bénéficiaires. Les autres lois au niveau des 7657

Länder ne fournissent pas d'indications plus précises quant à la répartition, qui est souvent fixée dans le plan budgétaire. Dans de nombreux Länder, la répartition effective reste peu transparente.

France Le droit français des jeux d'argent trouve sa source principale dans le Code Civil (ci-après «CC»), dans lequel le contrat de jeu est considéré comme un contrat aléatoire réciproque et qui règle notamment la dette de jeu. Des règles de droit spécial figurent en outre aux art. L. 320-1 ss du Code de la sécurité intérieure ainsi que dans la loi no 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent en ligne, qui comporte d'une part des règles communes aux jeux «en dur» et aux jeux en ligne et d'autre part des règles relatives aux jeux en ligne.

La législation française établit un principe général de prohibition des jeux d'argent, tout en soumettant certains jeux à autorisation. Les conditions pour obtenir cette autorisation dépendent de chaque type de jeux.

Ainsi, l'ouverture d'un casino est soumise à une autorisation du ministre de l'Intérieur délivrée sous certaines conditions, notamment de localisation. De plus, il existe des règles strictes relatives au fonctionnement des casinos. Ces normes régissent notamment les conditions d'engagement et l'organisation de la direction et des employés, les jeux qui y sont autorisés, le fonctionnement de ces derniers ainsi que les conditions d'accès aux salles de jeux.

En matière de loteries, la loi définit les loteries licites. Il s'agit des loteries organisées par une association portant sur des objets mobiliers et exclusivement destinées à des actes de bienfaisance, des lotos traditionnels organisés dans un cercle restreint uniquement dans un but social, des loteries organisées lors de fêtes foraines et de celles organisées par la Française des jeux (une société sous le contrôle de l'Etat qui a pour mission de concevoir, développer et commercialiser les loteries et certains jeux de pronostics sportifs sur l'ensemble du territoire national).

Les paris hippiques sont uniquement autorisés sous la forme mutuelle et s'ils sont organisés par une société de course ayant pour but exclusif l'amélioration de la race chevaline et ayant reçu l'autorisation du ministre de l'Agriculture. La gestion des
paris hippiques est confiée à un organisme nommé «Pari mutuel urbain». Enfin, la Française des jeux a le monopole sur les paris sportifs «en dur».

Trois secteurs sont ouverts à la concurrence sur le marché des jeux en ligne: les paris hippiques, les paris sportifs et les jeux de cercles (poker). Les jeux de grattage en ligne restent sous le monopole de la Française des jeux. Les jeux de casinos autres que les jeux de cercle sont toujours interdits en ligne. Les jeux en ligne sont soumis à l'agrément de l'Autorité de régulation des Jeux en ligne (ARJEL). Celui-ci est réservé aux opérateurs qui ont leur siège social soit dans un Etat membre de l'Union européenne, soit dans un Etat partie à l'Accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention afin de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale. De plus, l'opérateur qui souhaite obtenir l'agrément doit fournir certaines informations à l'ARJEL, notamment concernant son identité, sa structure, ses éventuelles condamnations pénales, la nature de son offre au public et les mesures de sécurité qu'il met en oeuvre. Les opérateurs agréés doivent en outre respecter certaines obligations relatives à la lutte contre le blanchiment d'argent, la transparence des opérations de jeux ainsi que la protection des joueurs. Enfin, 7658

l'opérateur doit mettre en place un site internet dédié, exclusivement accessible par un nom de domaine de premier niveau comportant la terminaison «.fr», vers lequel toute connexion avec une adresse IP française sera redirigée. La loi prévoit également des mesures contre les jeux en ligne illégaux: le blocage de l'accès au site illégal et le blocage des flux financiers liés à un tel site. Dans les deux cas, l'ARJEL adresse une mise en demeure à l'opérateur du site illégal. Passé ce délai fixé dans la mise en demeure, elle saisit le juge des référés afin que celui-ci ordonne au fournisseur d'accès à Internet ou à l'hébergeur de bloquer le site illégal ou qu'il requière du ministre chargé du budget qu'il interdise tout mouvement ou transfert de fonds en lien avec ce site.

Concernant les mesures de lutte contre le blanchiment d'argent, les organisateurs de jeux doivent, sous peine de sanction administrative, enregistrer l'identité de certains joueurs et conserver celles-ci durant cinq ans. Le ministre des Finances et le ministre de l'Intérieur peuvent interdire des mouvements en lien avec des comptes détenus par les organisateurs. De plus, les opérateurs en ligne doivent notamment décrire à l'ARJEL leurs modalités d'accès, d'inscription, d'encaissement et de paiement.

Les deux autorités compétentes dans le domaine des jeux ont été instaurées par la loi de 2010. Le comité consultatif des jeux (CCJ) a une compétence sur l'ensemble des jeux d'argent. Il est notamment chargé de centraliser les informations en provenance des autorités de contrôle et des opérateurs de jeux. Le CCJ donne également son avis sur l'effet des mesures de prévention et propose des évolutions législatives.

L'ARJEL susmentionnée a pour but de délivrer les agréments pour les jeux en ligne et d'assurer le respect par les différents opérateurs de leurs obligations.

En matière de sanctions, la loi prévoit des sanctions pénales en cas d'infraction par les différents exploitants de jeux, notamment en cas d'organisation de loteries illégales, d'exploitation d'une maison de jeu sans autorisation, d'offre de jeux d'argent au public sans autorisation et d'importation ou de fabrication d'appareils de jeux non autorisés. La loi réprime également l'organisation de paris hippiques illégaux ainsi que certaines infractions en ligne.

La politique
de protection des joueurs a pour objectif de limiter la consommation de jeux dans une mesure suffisante pour prévenir le jeu excessif ou pathologique. Elle sensibilise le joueur au fait qu'il est responsable de ses actes. Parmi les mesures de protection, on relève notamment: des restrictions d'accès et une liste des personnes interdites de jeu, des règles strictes quant à la publicité pour les jeux d'argent, des mesures de protection des mineurs, l'interdiction des jeux à crédit, des règles concernant le taux de redistribution aux joueurs, la limitation des gratifications financières versées aux joueurs ainsi que les dispositions quant à l'affichage de certaines informations et avertissements à l'entrée des casinos.

Enfin, pour ce qui est de l'affectation des bénéfices, les opérateurs de jeux doivent acquitter une lourde taxe. Chaque type de jeu a sa propre taxation. L'argent est réparti entre la commune concernée et l'Etat, pour être ensuite redistribué de plusieurs manières, notamment à titre de contribution sociale.

Italie En Italie, les jeux d'argent sont du ressort exclusif de l'Etat. Jusqu'en 2002, la législation italienne conférait à l'Etat la responsabilité de l'organisation et de l'exploitation des jeux d'argent. L'exploitation des jeux était réservée à quelques entités publiques ou privées détentrices d'une concession. Le législateur italien était 7659

très restrictif quant aux nouvelles possibilités de jeux, s'en tenant à ceux qui comptaient déjà parmi les habitudes de la population, et maintenait l'interdiction générale des jeux d'argent.

Ce dispositif particulier a donné lieu à de nombreuses actions d'exploitants étrangers devant les tribunaux nationaux et européens et à plusieurs procédures d'infraction de la Commission européenne, qui jugeait que le système italien n'était pas compatible avec les principes inscrits dans les traités et, en particulier, avec la liberté d'établissement et la libre prestation de services sur le marché intérieur. Tant ces actions en justice que les changements intervenus dans la demande, avec des joueurs italiens toujours plus attirés par les formes de jeu illégales, ont incité le législateur à revoir le cadre légal pour que de nouveaux jeux puissent être proposés par le biais de canaux innovants et sécurisés. Il s'en est suivi une libéralisation progressive du marché des jeux, l'exploitation des jeux d'argent traditionnels étant toutefois soumise à concession et à l'autorisation de la police. La dernière évolution de ce marché, et sans doute la plus importante, a consisté à autoriser une série de jeux en ligne. Tout détenteur d'une concession d'exploitation de jeux d'argent en ligne est autorisé à proposer les jeux et services suivants: paris sportifs et paris sur des événements, bourses de paris, loteries, bingos, tournois de poker et autres jeux d'adresse, jeux de casino y compris poker. En 2014, le Parlement italien a autorisé le gouvernement à réviser ces dispositions et à les réunir en une seule et même loi; il l'a également autorisé à revoir dans le même temps le volet fiscal et les mesures de protection des joueurs. Ces travaux de révision sont censés tenir compte de tous les arrêts prononcés à l'échelon européen.

Les règles concernant l'offre de jeux et la surveillance sont les suivantes: les autorités locales exploitent quatre casinos au sens traditionnel sous la surveillance du ministère de l'Intérieur. Les autres jeux d'argent sont placés sous la surveillance de l'«Amministrazione autonoma dei monopoli di Stato», à l'origine rattachée au ministère de l'Economie et des Finances et dans l'intervalle transférée à l'administration des douanes et des monopoles d'Etat («Agenzia delle Dogane e dei Monopoli»,
ci-après «ADM»). Cette autorité octroie les concessions et délivre les autorisations aux exploitants. L'ADM octroie des concessions aux candidats qui peuvent prouver qu'ils remplissent certains prérequis techniques et financiers et que les propriétaires, dirigeants et cadres disposent des qualifications nécessaires. Ces conditions doivent être remplies pendant toute la durée de la concession. Le contrôle de l'adéquation des exploitants de jeux en ligne aux critères techniques et financiers est largement facilité par le système informatique centralisé mis en place par l'ADM, qui lui envoie systématiquement les données relatives aux transactions, les rapports de maintenance des systèmes en ligne et le cumul des impôts et taxes à payer par les exploitants. Dans le contrat de concession, le titulaire s'engage à autoriser l'ADM à inspecter ses locaux et ceux de ses partenaires techniques à tout moment n'importe où dans l'Espace économique européen.

Des mesures de protection étendues et obligatoires pour les joueurs ont vu le jour en 2006 et 2009 suite à l'extension de l'offre de jeux à ceux accessibles sur Internet.

L'identification des joueurs et leur inscription dans le système centralisé de l'ADM sont devenues systématiques. De plus, les exploitants de jeux en ligne concessionnaires sont obligés de fournir à chaque nouveau joueur inscrit des instruments d'autolimitation et d'auto-exclusion avant de lui permettre d'accéder aux jeux.

Une base légale visant à protéger les utilisateurs de jeux d'argent traditionnels a vu le jour en 2012. Elle requiert l'affichage d'informations sur la dépendance aux jeux 7660

dans les locaux où ils se pratiquent, de même que des informations sur la probabilité de gagner sur les automates de jeux et les billets de loterie. Elle interdit l'accès aux locaux dans lesquels sont proposés des jeux d'argent aux personnes de moins de 18 ans, sans toutefois exiger des contrôles systématiques à l'entrée. Enfin, elle assigne à l'ADM la tâche de revoir sa politique de concession pour les exploitants d'automates, dans le but de supprimer progressivement ceux qui se trouvent à proximité d'écoles, d'églises ou d'institutions similaires. Les exploitants de jeux d'argent doivent s'engager vis-à-vis de l'ADM à prévenir la dépendance au jeu, à empêcher les mineurs de jouer et à promouvoir le jeu responsable de manière générale. Certains exploitants, y compris de casinos et loteries au sens traditionnel, ont mis en place sur une base volontaire des programmes de jeu responsable.

Les revenus issus de la taxation des jeux d'argent sont considérés comme des recettes publiques d'ordre général et ne sont pas affectés à des buts particuliers.

Certaines années, la loi budgétaire dispose exceptionnellement qu'une partie des revenus générés par la taxation des jeux doivent être attribués directement à l'autorité nationale de développement de la filière équine et au Comité national olympique italien. La loi de délégation fiscale 2014, laquelle n'est pas encore appliquée, permet au gouvernement italien d'établir un fonds spécial, financé par l'imposition des jeux, dans le but de prévenir la dépendance au jeu et de traiter les personnes affectées. Elle permet de relever les taux d'imposition des jeux dans le but de générer davantage de ressources pour le fonds.

Autriche En Autriche, les jeux d'argent sont réglés dans leur ensemble par la loi sur les jeux de hasard de 1989 (GlücksspielGesetz), qui permet à l'Etat fédéral de «privatiser» les jeux d'argent monopolisés et de transférer des jeux à une société de capitaux commerciale en lui accordant une concession temporaire. La loi couvre tous les jeux pour lesquels le hasard est une composante déterminante et prévoit également d'augmenter de onze à douze le nombre des maisons de jeu bénéficiaires d'une concession. Les paris sportifs ne comptent pas parmi les jeux de hasard. Ils sont considérés comme des jeux d'adresse et sont réglés au niveau des
Länder. Les automates de jeux de hasard exploités en dehors des maisons de jeu sont aussi en grande partie réglés de manière décentralisée.

La loi comporte des dispositions détaillées sur l'unique concession des loteries et sur les concessions des maisons de jeu. Elle n'autorise que quelques exceptions strictement réglementées au monopole sur les jeux d'argent (par ex. pour les jeux de loisir à faibles mises ou les automates régis par les lois des Länder). Jusqu'en novembre 2014, la loi sur les jeux de hasard a été modifiée à 34 reprises. De nombreuses modifications (par ex. en 2008, 2012 et deux fois en 2013) résultent d'arrêts de la cour de justice constitutionnelle autrichienne (Verfassungsgerichtshof, VfGH). Cette dernière est chargée de vérifier la constitutionnalité des lois.

Quiconque bénéficie d'une concession, qu'il s'agisse de la concession pour les loteries ou d'une concession pour une maison de jeu, peut également exploiter des jeux d'argent en ligne. En mars 2015, le ministère autrichien des Finances a fait part de son intention de lutter contre l'offre illégale en ligne par des blocages d'accès, mais les réglementations en ce sens font encore défaut: une étude est en cours qui devrait montrer la marche à suivre.

7661

La surveillance des jeux d'argent incombe au ministère fédéral des Finances, qui sanctionne avant tout des infractions dites administratives susceptibles de déboucher sur des procédures pénales administratives. A cet égard, le droit pénal judiciaire est subsidiaire, ce qui constitue une particularité.

La protection des joueurs est un but principal ou secondaire de nombreuses dispositions de la loi sur les jeux de hasard. La maison de jeu doit par exemple se procurer des informations neutres sur la solvabilité du joueur concerné et mener avec lui un entretien de conseil lorsque l'on peut soupçonner raisonnablement qu'il met en danger son minimum vital. Lorsque le joueur persiste dans son comportement malgré les conseils prodigués ou qu'il refuse l'entretien, la maison de jeu doit prononcer une exclusion ou à tout le moins limiter les visites de la personne concernée. Pour ce qui est des automates de jeux de hasard, obligation est faite à l'exploitant de contrôler l'âge des joueurs à l'entrée, de publier les taux de redistribution et de prévoir des systèmes d'alerte, des limitations des mises et des gains, de même que des phases de temporisation après deux heures de jeu. Une certaine protection des joueurs existe également pour les jeux d'argent mis à disposition en ligne par des exploitants étrangers (et illégaux): la jurisprudence autrichienne la plus récente part tendanciellement du principe qu'un joueur peut réclamer le remboursement des mises perdues sans aucune limite.

L'Etat perçoit des détenteurs de concessions des redevances spéciales considérables reversées en principe à la caisse générale de l'Etat. Une part fixe des ressources est toutefois réservée à la promotion du sport. Des règles détaillées précisent comment les fonds doivent être répartis entre les diverses formes d'encouragement du sport et quelles institutions ou organes décident de l'attribution.

Liechtenstein Le Liechtenstein a mis en vigueur le 1er janvier 2011 une nouvelle loi sur les jeux d'argent (Geldspielgesetz), de même que des ordonnances relatives aux maisons de jeu, aux jeux d'adresse et aux jeux d'argent en ligne. Les jeux d'argent sont en principe interdits, mais le gouvernement peut octroyer des concessions pour les maisons de jeu et les jeux d'argent en ligne et des autorisations pour les loteries et paris. La
surveillance incombe à l'Office de l'économie (Amt für Volkswirschaft).

Aucune concession de maison de jeu n'a été octroyée à ce jour du fait de litiges juridiques. Aucun exploitant ne semble non plus jusque-là bénéficier d'une concession pour les jeux d'argent en ligne.

La loi liechtensteinoise sur les jeux d'argent impose entre autres de prévenir les conséquences sociales néfastes des jeux, de même que de prendre des mesures garantissant une exploitation sûre, ordonnée et transparente des jeux. Les maisons de jeu sont tenues d'élaborer un programme de mesures sociales pour obtenir une concession. S'agissant des jeux en ligne, chaque joueur ne peut détenir qu'un seul compte client, lequel fournit des informations précises sur les jeux auxquels il s'est adonné, à quelle heure et pendant combien de temps, sur les mises et sur les gains.

La loi prévoit tant l'auto-exclusion que l'exclusion du jeu par autrui. Pour faire respecter ces exclusions, les maisons de jeu sont tenues de vérifier l'identité des joueurs avant de leur donner accès aux jeux. Les exploitants de jeu en ligne ont des obligations comparables.

Une taxe est prélevée auprès des maisons de jeu, sur les loteries, sur les paris et sur les jeux en ligne. Elle varie en fonction du jeu.

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La loi sera bientôt modifiée, bien qu'aucune des concessions qu'elle institue n'ait été octroyée à ce jour. Le gouvernement a mis en consultation un projet de modification de mai à juillet 2015. Ce projet vise principalement à passer du système des concessions à celui des autorisations de police.

Grande Bretagne Le Gambling Act 2005 est la principale loi relative aux jeux d'argent en Grande Bretagne (Angleterre, Ecosse et Pays de Galles). La législation d'exécution (ordonnances, dispositions d'exécution et règlements administratifs) est très développée.

Seule l'organisation de loteries à grande échelle à titre professionnel ne relève pas du champ d'application du Gambling Act 2005. On a retenu le modèle existant de loterie nationale unique exploitée par une entreprise du secteur privé et supervisée par une autorité distincte, la National Lottery Commission. Cet aspect est réglé dans des lois plus anciennes, au même titre que les paris à cotes fixes sur les courses de chevaux.

Le Gambling Act 2005 repose sur la logique selon laquelle la main invisible du marché, plutôt que le gouvernement, devrait décider de la nature et du nombre de jeux d'argent proposés au public. Néanmoins, les exploitants sont soumis à des restrictions visant à protéger les joueurs vulnérables, à favoriser des conditions de jeu justes et à empêcher une prise d'influence des organisations criminelles. Les autorités locales peuvent par ailleurs interdire l'implantation de locaux destinés aux jeux d'argent dans certaines zones.

L'essentiel de la législation britannique sur le jeu est restée inchangée depuis 2007.

Le Gambling Act 2005 a subi des amendements mineurs fin 2014, qui ont eu un effet majeur dans le domaine des jeux d'argent en ligne. Les exploitants étrangers sont désormais tenus d'être titulaires d'une concession britannique pour proposer leurs services et faire de la publicité en Grande-Bretagne. Néanmoins, aucune mesure de blocage des sites ou des paiements qui y sont effectués n'a été prise pour faire respecter cette réglementation. Par contre, l'autorité qui exerce la haute surveillance sur l'industrie des jeux d'argent (Gambling Commission) menace de révoquer les concessions des exploitants et des fournisseurs de logiciels et de leurs partenaires sis en Grande-Bretagne s'ils participent à des réseaux incluant
des exploitants qui proposent leurs services aux joueurs britanniques sans être titulaires d'une concession.

En matière de protection des joueurs, les atteintes que peuvent subir les enfants ou d'autres personnes vulnérables, voire l'exploitation de leur faiblesse, sont considérées comme des dangers concrets liés au jeu excessif, qui s'agit de prévenir. Les mesures concrètes de protection des enfants et des autres personnes vulnérables ne figurent pas dans la législation, mais dans les conditions d'octroi des concessions imposées par l'autorité de surveillance, qui peut de la sorte imposer aux exploitants de nouvelles mesures correspondant aux avancées technologiques et aux nouvelles connaissances, sans avoir besoin d'attendre que le gouvernement ou le Parlement modifie les dispositions légales.

Tout titulaire d'une concession qui ne prendrait pas les mesures nécessaires peut être sanctionné rapidement et de manière proportionnée, la mesure ultime consistant à lui retirer sa concession. Parmi les mesures concrètes, la plus importante est vraisemblablement l'obligation faite aux concessionnaires de formuler une politique d'entreprise, de se fixer des buts et de veiller à leur réalisation. Certains de ces buts sont de nature générale: contribuer au traitement de la dépendance au jeu et à la recherche et 7663

à la formation sur le sujet. D'autres buts sont plus spécifiques: contrôler l'âge des joueurs de manière appropriée, identifier les joueurs montrant des signes de dépendance au jeu et les rendre attentifs à leurs symptômes.

Certaines mesures ne s'appliquent en pratique qu'aux jeux proposés en ligne. Les sites Internet doivent être configurés de telle manière qu'on puisse en bloquer l'accès sur n'importe quel appareil (ce qui peut être utile, par exemple, pour des parents souhaitant protéger leurs enfants). Par ailleurs, les joueurs ne peuvent utiliser les sommes virées par carte de crédit sur leur compte de jeu qu'une fois que l'émetteur de la carte a donné son accord à ces virements. Enfin, les exploitants doivent pouvoir identifier les comptes multiples ouverts par un seul et même joueur.

Les revenus des jeux d'argent sont versés dans la caisse générale de l'Etat, sauf dans trois cas. Les contributions volontaires versées en lieu et place d'une taxe sur le jeu sont redistribuées par le Responsible Gambling Trust, les revenus issus de la taxe sur les paris hippiques sont redistribués par le Horserace Betting Levy Board et ceux provenant de la taxe sur la loterie nationale le sont par le Big Lottery Fund et onze autres organismes. Ces entités sont largement indépendantes du gouvernement national et des gouvernements régionaux. Des pressions politiques s'exercent en vue de faire en sorte que ces entités rendent des comptes à la population et aux élus et agissent selon leurs voeux. Les entités en question ont réagi à ces pressions en nommant des personnalités respectées au sein de leurs organes de surveillance, en publiant leurs plans d'investissement et en invitant le public à participer à l'élaboration de leur stratégie d'investissement. A l'heure de l'austérité publique, il y a également des pressions de la part des milieux politiques pour que les revenus du jeu aillent à des personnes et des projets qui n'obtiennent pas de fonds provenant des ressources fiscales générales.

Belgique Le législateur belge a adopté une première loi d'interdiction des jeux d'argent en 1902. Néanmoins, pendant presque un siècle, les jeux d'argent ont été pratiqués et tolérés dans certains casinos du pays.

Avec l'adoption de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la
protection des joueurs (ci-après «loi de 1999»), le système a complètement changé, introduisant une interdiction générale avec une exception uniquement lorsqu'une concession est délivrée. Cette loi a également étendu la définition des jeux de hasard, le hasard pouvant désormais jouer un rôle accessoire.

La Commission des jeux de hasard est responsable de l'octroi des autorisations et de la surveillance. Sa compétence ne s'étend pas au domaine des loteries, qui relève du ministère des finances.

Le Parlement a débattu de la loi de 1999 à plusieurs reprises au cours des dernières années; la principale révision a eu lieu le 10 janvier 2010. Les modifications ont principalement porté sur les jeux d'argent en ligne, les jeux des médias (radio, télévision, presse) et les paris. La compatibilité de ces règles avec la réglementation communautaire a fait débat, mais la Cour constitutionnelle a considéré que la législation était en phase avec le régime de droit européen. Aujourd'hui, la législation belge tend à instaurer plus de cohérence entre toutes les catégories de jeux, ainsi que plus d'harmonisation communautaire. Les jeux d'argent en ligne présentent également beaucoup de défis.

7664

Les organisateurs de jeux d'argent exploités en ligne doivent recevoir une concession «supplémentaire», c'est-à-dire qu'ils doivent déjà être titulaires d'une autorisation d'exploitation de jeux au sens traditionnel. De plus, la concession ne peut être délivrée que si le serveur gérant le site se trouve sur le territoire belge. Dès lors qu'ils remplissent les autres conditions matérielles, les exploitants titulaires de la concession peuvent organiser des jeux en ligne. Ces derniers doivent être de la même nature que les jeux au sens traditionnel. Des mesures de blocage d'accès aux sites illégaux et de blocage des flux financiers liés à de tels sites sont possibles en vertu du Code d'instruction criminelle et grâce aux différents protocoles signés par les acteurs du domaine. A côté de ces mesures de blocage, la loi de 1999 prévoit des sanctions pénales et administratives, qui peuvent viser les exploitants, leurs employés et les joueurs.

Concernant la protection des joueurs, il existe toute une série de mesures telles que la limitation des pertes, l'interdiction de jeu pour les personnes de moins de 21 ans et les personnes vulnérables et la tenue d'un registre national des personnes exclues du jeu (auto-exclusions et exclusions par un tiers). Il est en outre interdit d'accorder des crédits aux joueurs. Ceux-ci ont l'obligation de s'identifier. Il y a également interdiction d'attirer le joueur au moyen de la publicité ou de biens et services gratuits ou à prix réduit. Enfin, obligation est faite aux exploitants d'informer le public des risques et dangers liés au jeu et d'indiquer les coordonnées du service d'aide aux personnes en difficulté.

Les revenus des jeux doivent être affectés à des buts d'utilité publique. Une obligation est ainsi imposée à la Loterie Nationale d'octroyer des subsides à de nombreuses associations.

Norvège L'arsenal législatif norvégien en matière de jeux d'argent se compose pour l'essentiel de trois lois: la loi sur les loteries (lotteriloven), la loi sur les paris au totalisateur (totalisatorloven) et la loi sur les jeux d'argent (pengespilloven). La première fixe les règles générales applicables aux jeux d'argent, tandis que les deux autres régissent les jeux d'argent pour lesquels il y a un monopole.

Les jeux d'argent sont en principe interdits en Norvège et l'absence
de libéralisation du marché permet aux autorités de contrôler strictement les activités de jeu à travers le pays. La législation a pour objectif général de permettre l'organisation de jeux dans des conditions satisfaisantes, sous le contrôle de l'Etat, dans le but de prévenir les conséquences sociales négatives, telles que la dépendance au jeu, et les activités criminelles. Les jeux d'argent sont soumis à la surveillance de la Lotteritilsynet, agence gouvernementale qui supervise tant les loteries privées que les jeux pour lesquels l'Etat jouit d'un monopole. Les organisations et associations qui exploitent des jeux soumis à la loi sur les loteries doivent avoir une autorisation. C'est la société d'Etat Norsk Tipping qui exploite les jeux à monopole soumis à la loi sur les jeux d'argent, tandis que la fondation Norsk Rikstoto exploite les paris hippiques soumis à la loi sur les paris au totalisateur.

Les loteries et autres jeux d'argent sont en principe interdits en ligne. Le marché des jeux en ligne étant en pleine expansion, Norsk Tipping et Norsk Rikstoto ont néanmoins obtenu la permission de proposer des jeux en ligne en 2011.

En rapport avec les activités de Norsk Tipping, quatre mesures principales permettent de réduire les effets négatifs du jeu: limite d'âge, limite de mise, limite de perte 7665

et limite de temps de jeu. Les joueurs doivent fixer leurs limites individuelles pour certains jeux exploités par Norsk Tipping, pour d'autres de ces jeux, ces limites sont optionnelles. Pour les jeux organisés par Norsk Tipping, la limite d'âge est de 18 ans et la limite de mise de 40 000 couronnes norvégiennes par jour, 100 000 par semaine, 300 000 par mois et un million par an, tous jeux confondus. Norsk Tipping est chargé d'empêcher de jouer les personnes qui ont atteint l'une de ces limites. Les joueurs peuvent eux-mêmes bloquer l'accès à certains jeux pour une durée prédéfinie (auto-exclusion). La limite d'âge pour les paris hippiques soumis à la loi sur les paris au totalisateur est de 18 ans; les jeux qui ne sont pas exploités par Norsk Rikstoto sont interdits. Norsk Rikstoto a en outre édicté des règles spécifiques concernant le déroulement des courses, le calcul et le versement des gains. Chaque hippodrome est responsable du respect des règles.

Trois mesures générales de prévention permettent de contrer les activités de jeu interdites par la législation norvégienne. Premièrement, il est interdit de commercialiser des jeux illégaux ou de servir d'intermédiaire pour ces jeux. Deuxièmement, il est interdit d'exploiter des jeux illégaux. Troisièmement, les transactions financières relatives à des jeux illégaux doivent être bloquées. Ces mesures s'appliquent également aux jeux en ligne.

Pour empêcher le jeu illégal en ligne, la Lotteritilsynet peut demander à une partie qui aurait enfreint les règles de se mettre en conformité ou d'arrêter ses activités.

Elle peut lui infliger des amendes administratives ou conditionnelles si nécessaire.

Enfin, elle peut dénoncer une infraction à la police si elle relève du pénal. Les peines vont de l'amende à l'emprisonnement, en fonction de la loi applicable et de la gravité de la violation.

Les joueurs peuvent décider qu'une partie de leurs mises seront directement transférées à des organisations locales recensées comme volontaires (freivillighetsregisteret). La redistribution des revenus de Norsk Tipping s'effectue selon une clé de répartition fixée dans la loi, l'essentiel allant au sport et le reste à la culture, à des oeuvres de charité et à des organisations humanitaires. Les revenus de Rikstoto sont destinés à renforcer les sports équestres,
l'élevage et la reproduction des chevaux en Norvège. Des règles spéciales sont applicables à certains jeux.

Union européenne et AELE La directive de l'UE du 12 décembre 2006 sur les services dans le marché intérieur47 exclut expressément de son champ d'application les «activités de jeux d'argent impliquant des mises ayant une valeur monétaire dans les jeux de hasard, y compris les loteries, les casinos et les transactions portant sur des paris»48. La jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne relative aux libertés fondamentales reste cependant pertinente pour le domaine des jeux d'argent. Il en ressort que les lois nationales relatives aux jeux d'argent, lesquels constituent des activités économiques de nature particulière, doivent être appréciées à la lumière de la libre prestation de

47 48

Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, JO L 376 du 27.12.2006, p. 36.

Voir l'art. 2, let. h, de la directive 2006/123/CE.

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services (art. 56 ss du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne; TFUE)49.

Il en va de même du domaine de la publicité pour les jeux d'argent50.

En principe, les législations nationales qui suppriment ou restreignent le droit des opérateurs d'autres Etats de proposer des jeux d'argent constituent une entrave à la libre prestation de services contrevenant à l'art. 56 TFUE51. La Cour admet toutefois la validité de telles entraves pour des raisons impérieuses d'intérêt général, comme la protection des consommateurs, l'atténuation du dommage social causé par le jeu et la prévention des abus, des fraudes et de l'incitation des citoyens à une dépense excessive52. La jurisprudence de la Cour sur la compatibilité des régimes nationaux avec l'art. 56 TFUE a connu une évolution avant de se stabiliser. Dans une première série d'arrêts53, la Cour a reconnu une marge d'appréciation aux Etats membres s'agissant de l'étendue de la protection à assurer et a admis de nombreuses raisons impérieuses d'intérêt général. Dans une deuxième série d'arrêts54, la Cour a partiellement limité cette marge d'appréciation en se montrant plus intransigeante quant au respect des exigences en matière de proportionnalité. Dans l'arrêt Gambelli, elle considère que l'Etat italien ne respecte pas le principe de proportionnalité et son exigence de cohérence dans la mesure où il encourage les consommateurs à participer aux jeux afin que le trésor public en retire des bénéfices. Elle souligne qu'une politique d'expansion contrôlée dans le secteur des jeux de hasard peut parfois s'avérer cohérente avec les objectifs de protection des consommateurs et de lutte contre la criminalité, puisqu'elle vise à attirer des joueurs exerçant des activités de jeux et de paris clandestins interdites vers des activités autorisées et réglementées, à la condition néanmoins qu'un contrôle strict de cette expansion soit exercé par

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51

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53 54

CJCE, 11 septembre 2003, Anomar, aff. C-6/01, Rec. I-8621, pt 47; cf. également le rapport sur les jeux d'argent et de hasard en ligne dans le marché intérieur du 11 juin 2013 de la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen, (2012/2322 (INI)), sous A.

CJCE, 24 mars 1994, Schindler, aff. C-275/92, Rec. I-1039, pts 22 et 23; CJUE, 8 juillet 2010, Sjöberg et Gerdin, aff. jtes C- 447/08 et C-448/10, Rec. I-6921, pts 33 et 34; CJUE, 8 septembre 2010, Stoss, aff. jtes C-316/07, C-358/07 à C-360/07, C-409/07 et C-410/07, Rec. I-8069, pt 56; CJUE, 12 juillet 2012, HIT et HIT LARIX, aff. C-176/11, ECLI:EU:C:2012:454, pts 16 à 18, ECLI:EU:C:2012:454, pts 16 à 18; CJUE, 12 juin 2014, Digibet et Albers, aff. C-156/13, ECLI:EU:C:2014:1756, pt 21.

Cf. par ex. arrêt Schindler, pt 47; CJCE, 21 septembre 1999, Läärä, aff. C-124/97, Rec.

I-6067, pt 29; CJCE, 6 novembre 2003, Gambelli, aff. C-243/01, Rec. I-13031, pts 57 à 59; CJCE, 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional, aff. C-42/07, pt 52; CJUE, 3 juin 2010, Sporting Exchange Ltd (Betfair), aff. C-203/08, pt 24; CJUE, 3 juin 2010, Ladbrokes Betting & Gaming Ltd, aff. C-258/08, pt 16; CJUE, 15 septembre 2011, Dickinger et Ömer, aff. C-347/09, Rec. I-8185, pt. 41; CJUE, 24 janvier 2013, Stanleybet International Ltd et al., aff. jointes C-186/11 et C-209/11, ECLI:EU:C:2013:33, pt 21; CJUE, 30 avril 2014, Robert Pfleger, aff. C-390/12, ECLI:EU:C:2014:281, pt 39; CJUE, 22 janvier 2015, Stanley International Betting Ltd., aff. C-463/13, ECLI:EU:C:2015:25, pt 46.

Par exemple: arrêt Schindler, pts 57 à 60; arrêt Gambelli, pt 67; arrêt Anomar, pt 73; CJCE, 6 mars 2007, Placanica e. a., aff. jtes C-338/04, C-259/04, C-360/04, Rec. I-1891, pt 46; CJUE, 8 septembre 2010, Carmen Media Group Ltd., aff. C-46/08,Rec. I-8149, pt 55; CJUE, 19 juillet 2012, SIA Garkalns, aff. C-470/11, ECLI:EU:C:2012:505, pt. 39; arrêt HIT et HIT LARIX, pt 21; arrêt Sjöberg et Gerdin, pt 36; arrêt Robert Pfleger, pts 40s.; arrêt Stanley International Betting Ltd, pt 48, arrêt Digibet et Albers, pt 23.

Soit environ de 1994 à 2003; cf. p. ex. les arrêts Schindler; Läärä; CJCE, 21 octobre 1999, Zenatti, aff. C-67/98, Rec. I-07289 et arrêt Anomar.

Soit en gros de 2003 à 2009; cf. p. ex. arrêt Gambelli; arrêt Placanica; CJCE, 6 octobre 2009, Commission contre Espagne, aff. C-153/08, Rec. I-9735.

7667

l'autorité publique55. La Cour a finalement confirmé que la réglementation des jeux d'argent faisait partie des domaines dans lesquels des divergences considérables d'ordre moral, religieux et culturel existaient entre les Etats membres. En l'absence d'harmonisation en la matière, chaque Etat membre conserve une importante marge d'appréciation pour déterminer les exigences imposées par la protection des intérêts publics poursuivis et le niveau de protection recherché56. A cet égard, la Cour a expressément reconnu que les particularités d'ordre moral, religieux ou culturel et les conséquences moralement et financièrement préjudiciables pouvant découler des jeux justifiaient de laisser aux autorités nationales une marge d'appréciation: lesdites autorités doivent pouvoir déterminer, selon leur propre échelle de valeurs, tant les exigences que comporte la protection du consommateur et de l'ordre social que la manière la plus adéquate d'atteindre ces objectifs57, y compris, le cas échéant, en limitant ces activités ou en en confiant la gestion à un ou plusieurs organismes publics ou caritatifs58. Les Etats qui ont institué un régime de concessions restent néanmoins tenus d'ouvrir l'attribution des concessions aux opérateurs ayant leur siège sur le territoire d'autres Etats membres. L'attribution doit s'effectuer de façon impartiale et la transparence de la procédure être garanties59. Si les Etats membres sont libres de fixer les objectifs de leur politique en matière de jeux d'argent et de définir le niveau de protection souhaité, les restrictions imposées doivent toutefois satisfaire aux exigences jurisprudentielles découlant du principe de proportionnalité.

Ce principe exige notamment que la restriction ait véritablement pour objectif de réduire les occasions de jeu et de limiter les activités dans ce domaine de manière cohérente et systématique60. En outre, le financement d'activités d'utilité publique ne peut constituer, à lui seul, la justification d'une politique restrictive61.

Une réglementation nationale qui n'autorise la publicité en faveur de casinos situés dans un autre Etat membre que si les règles en matière de protection des joueurs dans cet Etat apportent des garanties similaires à celles en vigueur dans le premier Etat membre est dès lors admissible62. De même, le fait qu'un opérateur
dispose, dans un Etat membre, d'une autorisation lui permettant d'offrir des jeux de hasard n'empêche pas qu'un autre Etat membre lui impose aussi une autorisation pour offrir ces mêmes services sur son territoire63.

55 56 57 58

59

60

61 62 63

Voir aussi arrêt Placanica, pt 55, CJUE, 30 juin 2011, Zeturf, aff. C-212/08, Rec. I-05633, pt 58; arrêt Stanleybet International Ltd, pt 36) Cf. p. ex. arrêt HIT et HIT LARIX, pts 24 et 31; arrêt Biasci e.a., pts 29 et 43; arrêt Digibet et Albers, pt 24; CJUE, 22 janvier 2015, Stanley Internatinoal Betting, pts 51s.

Arrêt Schindler, pts 60 et 61; arrêt Gambelli, pt 63; arrêt Stanleybet International Ltd, pt 24.

Par exemple: arrêts Sjöberg et Gerdin, pts 43 et 45; arrêt Dickinger et Ömer, pt 48; arrêt Zeturf, pt 41; arrêt Stanleybet International Ltd, pt 29; CJUE, 12 septembre 2013, Biasci e.a., aff. jtes C-660/11 et C-8/12, ECLI:EU:C:2013:550, pt. 24.

CJUE, 9 septembre 2010, Engelmann, aff. C-64/08, Rec. I-8219; CJUE, 16 février 2012, Costa et Cifone, aff. jtes C-72/10 et C-77/10, ECLI:EU:C:2012:80, pt 56; arrêt Stanley International Betting Ltd, pt 38.

Par exemple: arrêt Gambelli, pt 69; arrêt Placanica, pt 54; arrêt SIA Garkalns, pts 44 et 46; arrêt Stoss; arrêt Carmen Media Group Ltd; arrêt Winner Wetten GbmH; arrêt Robert Pfleger, pts 54s.

Par exemple: arrêt Zenatti, pt 36; arrêt Gambelli, pt 62; arrêt Stoss, pt 104; arrêt Dickinson et Ömer, pt 61.

Arrêt HIT et HIT LARIX, pts 31 et 32.

Arrêt Stoss, pt 113; arrêt Biasci e.a., pts 41 ss.

7668

S'agissant plus spécifiquement d'Internet, l'art. 56 TFUE ne s'oppose pas à ce qu'un Etat membre interdise à des opérateurs, établis et autorisés dans d'autres Etats membres (mais dépourvus de tout établissement sur place), de proposer par Internet des jeux d'argent sur son territoire64. La Cour relève aussi que le secteur des jeux de hasard par Internet n'est pas harmonisé au sein de l'UE et comporte des risques accrus par rapport aux marchés traditionnels de tels jeux65. L'interdiction de faire de la publicité à destination de ses propres résidents pour des jeux d'argent organisés dans d'autres Etats membres est ainsi admissible, à condition que la sanction prévue soit non discriminatoire66. Cependant, une politique d'expansion des jeux de hasard, caractérisée notamment par la création de nouveaux jeux et leur publicité, n'est compatible avec l'objectif de protection des consommateurs que si les jeux illégaux constituent un problème considérable dans le pays concerné et si les mesures adoptées visent, de manière systématique et cohérente, à canaliser l'envie de jouer dans les circuits légaux67. Par la recommandation 2014/478/UE68, la Commission s'est penchée sur les jeux de hasard en ligne et propose aux Etats membres une série de mesures sans pour autant limiter leur droit de réglementer les prestations liées aux jeux de hasard. Les mesures proposées visent à exclure totalement les mineurs des jeux de hasard et à protéger les utilisateurs adultes contre les offres interdites et potentiellement dommageables sur Internet.

La Cour de justice de l'AELE a rendu deux décisions importantes sur l'admissibilité des monopoles nationaux69 et une sur l'obligation de transparence dans la procédure d'octroi des concessions70. Sa position est proche de celle de la Cour de justice de l'Union européenne.

Organisation mondiale du commerce L'Accord général sur le commerce des services (AGCS, plus connu sous l'acronyme de langue anglaise: GATS) règle le libre-échange de services entre les Etats membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Si l'offre de jeux d'argent est qualifiée expressément de fourniture de services dans la classification centrale des produits établie par les Nations Unies («Central Product Classification» 96492), l'AGCS (art. XIV) prévoit notamment une réserve quant aux «mesures
nécessaires à la protection de la moralité publique ou au maintien de l'ordre public».

Cette réserve découle du fait que les législations nationales sur les jeux d'argent excluent de fait et sans exception la libre circulation des services dans ce domaine.

64 65 66 67 68

69 70

Arrêt Liga Portuguesa de Futebol Profissional; arrêt Sporting Exchange Ltd (Betfair), pts 33 ss; arrêt Ladbrokes Betting & Gaming Ltd, pts 54 ss.

Arrêt Liga Portuguesa, pts 69 et 70.

Arrêt Sjöberg et Gerdin, pts 46 et 57.

Arrêt Ladbroke, pts 24 ss.

Recommandation de la Commission du 14 juillet 2014 relative à des principes pour la protection des consommateurs et des joueurs dans le cadre des services de jeux d'argent et de hasard en ligne et pour la prévention des jeux d'argent et de hasard en ligne chez les mineurs, JO L 234 du 19.7.2014, p. 38.

Affaire CJ-AELE E-1/06 (autorité de surveillance de l'AELE contre Royaume de Norvège); cause CJ-AELE E-3/06 (Ladbrokes Ltd contre le gouvernement de Norvège).

CJ-AELE, cause E-24/13 (Casino Admiral AG et Wolfgang Egger).

7669

1.5

Mise en oeuvre

A l'échelon fédéral, la mise en oeuvre du projet entraînera la révision des ordonnances suivantes: ordonnance du 24 septembre 2004 sur les maisons de jeu (OLMJ)71, ordonnance du 27 mai 1924 relative à la loi fédérale sur les loteries et les paris professionnels (OLLP)72, ordonnance du DFJP du 24 septembre 2004 sur les jeux de hasard (OJH)73 et ordonnance de la CFMJ du 12 juin 2007 sur le blanchiment d'argent (OBA CFMJ)74. Il faudra en outre élaborer une nouvelle ordonnance sur le blanchiment d'argent à l'échelon du département pour les jeux de grande envergure. Enfin, il faudra adapter le règlement du 6 décembre 2007 de la Commission fédérale des maisons de jeu75 et adopter un règlement pour l'organe de coordination.

Il faudra réviser également les bases légales cantonales, et en particulier la convention intercantonale du 7 janvier 2005 sur la surveillance, l'autorisation et la répartition du bénéfice de loteries et paris exploités sur le plan intercantonal ou sur l'ensemble de la Suisse (CILP). Les dispositions transitoires précisent que les cantons adapteront leur législation sur les jeux de petite envergure au plus tard deux ans après l'entrée en vigueur de la loi.

L'exécution de la loi incombera principalement à la CFMJ, à l'autorité intercantonale et aux autorités cantonales d'exécution, entités qui ont participé activement à la conception du projet et qui évaluent positivement sa capacité d'exécution.

1.6

Interventions parlementaires

Au cours des dernières années, le domaine des jeux d'argent a fait l'objet d'un grand nombre d'interventions parlementaires. Le Parlement a adopté les suivantes, dont le traitement est en cours: ­

motion Commission des affaires juridiques CN «Autoriser les tournois de poker dans des conditions clairement définies» (12.3001);

­

postulat Lehmann Markus «Protection contre la dépendance au jeu. Intégrer la situation des régions étrangères frontalières dans la réflexion sur la nouvelle loi sur les jeux d'argent» (13.4004);

Le projet permet d'atteindre les objectifs de ces deux interventions.

71 72 73 74 75

RS 935.521 RS 935.511 RS 935.521.21 RS 955.021 RS 935.524

7670

2

Commentaire des dispositions

2.1

Chapitre 1

Art. 1

Dispositions générales

Objet

L'al. 1 circonscrit le champ d'application de la loi. Le projet règle l'admissibilité des jeux d'argent, leur exploitation et l'affectation de leurs bénéfices. L'expression «jeux d'argent» est définie à l'art. 3, let. a.

Les al. 2 et 3 excluent six domaines du champ d'application de la loi. Elle ne s'appliquera pas aux jeux d'argent pratiqués dans un cercle privé (al. 2, let. a). Pour éviter que la loi ne soit contournée, cette disposition devra être appliquée de façon restrictive. Par exemple, il ne saurait être question de jeu pratiqué dans un cercle privé lorsqu'il est organisé à titre professionnel ou qu'il fait l'objet d'une communication publique. La notion de cercle privé implique un nombre très restreint de participants. Dans l'appréciation de ce critère, il faudra tenir compte de toutes les caractéristiques de la manifestation. Ainsi, l'exigence du nombre très restreint de participants pourra éventuellement être assouplie lorsque les participants entretiennent manifestement des relations de proximité étroites et durables indépendamment du jeu, ce qui est notamment le cas pour des familles ou des collègues de travail.

Ainsi, les paris en relation avec une phase finale d'un tournoi de football n'entreront pas dans le champ d'application de la loi lorsqu'ils sont organisés entre collègues de travail, pour autant qu'il n'en résulte aucun avantage financier pour l'organisateur.

En revanche, lorsque les personnes impliquées n'entretiennent que des liens distendus en dehors du jeu, il ne pourra s'agir d'un cercle privé que si le nombre de participants est très restreint. Les jeux pratiqués sur des plateformes exploitées à des fins commerciales, par exemple celles où les joueurs concluent des paris sportifs les uns contre les autres, ne relèvent pas du cercle privé, qu'il y ait ou non un lien étroit entre les joueurs.

Les jeux d'adresse (définis à l'art. 3, let. d) échapperont au champ d'application de la loi lorsqu'ils répondent cumulativement aux conditions suivantes: ils ne sont exploités ni manière automatisée, ni au niveau intercantonal, ni en ligne (al. 2, let. b). Il s'agit de jeux sans danger sur le plan social, tels les différentes formes de jass ou de chibre. Dans la pratique actuelle, ceux-ci sont déjà considérés comme des jeux d'adresse. Ces jeux ne présentent pas de danger parce
que le gain est déterminé de manière prépondérante par l'adresse des joueurs, qu'ils ne sont pas automatisés et qu'ils ne sont pas pratiqués au niveau intercantonal ou en ligne. En cas de nécessité, les cantons pourront soumettre ces jeux à certaines règles. Dans ce domaine également, la Confédération renoncera à faire usage de sa compétence législative globale.

Pour ce qui est des expressions «exploités de manière automatisée» et «exploités en ligne», on se référera au commentaire de l'art. 3, let. e.

Les compétitions sportives sont susceptibles de relever de la définition des jeux d'argent fixée à l'art. 3, let. a, notamment lorsque les joueurs acquittent un droit de participation et que l'enjeu est un prix en espèces comme cela se produit fréquemment pour les tournois de tennis. Elles doivent par conséquent être expressément exclues du champ d'application de la LJAr (al. 2, let. c). En vertu de cette conception, les personnes prenant part activement à des compétitions sportives ne participent pas à des paris sportifs. Les raisons de l'exclusion des compétitions sportives recoupent en partie celles évoquées à propos des jeux d'adresse visés à l'art. 1, al. 2, let. b. Généralement, ici aussi l'adresse des sportifs prime lors des compétitions 7671

sportives. En revanche, l'exclusion ne s'appliquera pas aux paris sportifs: pour ces derniers, le gain dépend d'un pronostic exact quant au déroulement ou à l'issue d'un événement sportif, sans que le parieur prenne part activement à l'événement (voir art. 3, let. c). Les paris sportifs entreront dès lors dans le champ d'application de la LJAr.

L'al. 2, let. d, exclut du champ d'application de la loi les loteries et jeux d'adresse destinés à promouvoir les ventes et auxquels il est possible de participer gratuitement aux mêmes conditions que si une mise d'argent avait été engagée ou un acte juridique conclu. Pour que la loi ne s'applique pas, la première condition à remplir est que ces jeux soient destinés à la promotion des ventes. Cela signifie qu'ils doivent systématiquement être liés à l'achat d'un produit (vendu par ex. dans un commerce de détail) ou d'un service (notamment la conclusion d'un abonnement) ou s'inscrire dans le cadre de mesures de fidélisation de la clientèle. On peut par exemple parler de fidélisation lorsqu'une loterie ou un jeu d'adresse sont organisés pendant une émission de télévision ou de radio pour inciter les téléspectateurs ou les auditeurs à continuer à suivre l'émission en cours ou l'ensemble des émissions proposées.

La deuxième condition à remplir est que l'on puisse participer gratuitement à ces jeux aux mêmes conditions que si une mise d'argent avait été engagée ou un acte juridique conclu. «Gratuitement» s'applique aussi bien à la participation au jeu qu'à la communication de celle-ci. On ne peut considérer que la participation est gratuite s'il faut par exemple utiliser un numéro surtaxé pour annoncer qu'on prend part au jeu. Par contre, on peut la qualifier de gratuite s'il est possible de se déclarer participant aux tarifs de communication ordinaires (par ex. par SMS ou par téléphone). Si l'exploitant d'un jeu prévoit l'utilisation d'un numéro surtaxé pour la communication de la participation, il doit également permettre une communication gratuite (par ex. via Internet ou un numéro gratuit) ou aux tarifs ordinaires. S'il ne le fait pas, le jeu qu'il propose sera soumis à la loi. Bien entendu, la communication «gratuite» ne doit pas être plus chère que la communication payante. Il ne serait pas admissible de considérer la voie postale comme communication
gratuite (tarif ordinaire d'au moins 85 centimes) alors que le client pourrait faire une communication payante par SMS pour 70 centimes.

Enfin, troisième condition, l'exploitant devra communiquer de manière claire et non équivoque sur la possibilité de participer gratuitement au jeu aux mêmes conditions qu'en payant. Les joueurs qui profitent de cette possibilité ne devront pas être défavorisés par rapport à ceux qui paient. Il n'est donc pas question que la participation gratuite soit soumise à des restrictions quantitatives plus importantes que la participation payante. Elle devra être aussi aisément accessible. Ce ne serait pas le cas s'il fallait utiliser une technologie dépassée (par ex. le protocole WAP) ou qui ne s'est pas encore imposée.

L'ensemble des critères susmentionnés, qui doivent être cumulativement remplis, ont pour but d'empêcher que l'art. 106, al. 3, let. a et b, Cst., qui veut que les bénéfices nets des jeux d'argent soient intégralement affectés à des buts d'utilité publique, ne soit contourné. Par exemple, les gains réalisés par la télévision et la presse suisses grâce aux surtaxes de communication échappent aujourd'hui à ce principe, sans compter que ces exploitants ne doivent prendre aucune mesure de protection des joueurs contre la manipulation, l'escroquerie ou le jeu excessif. Outre l'exception au champ d'application de la loi statuée à l'art. 1, al. 2, let. d, il importe de rappeler qu'il est possible d'exploiter des jeux sans tenir compte des dispositions de 7672

la loi lorsque ceux-ci ne réunissent pas les critères des jeux d'argent définis à l'art. 3, let. a (pas de mise d'argent ou pas de possibilité de gain pécuniaire).

L'al. 2, let. e, du projet fixe la limite avec le secteur des services financiers. De nombreuses prestations financières (notamment les produits structurés négociés en bourse) pourraient en effet relever de la définition des jeux d'argent de l'art. 3, let. a, et se trouver englobées dans le champ d'application de la LJAr, ce qu'il faut éviter.

L'exception de l'al. 3 correspond à la situation juridique actuelle. Les systèmes de la boule de neige, de l'avalanche et de la pyramide sont d'ores et déjà régis par l'art. 3, let. r, LCD, et non par la législation sur les jeux d'argent.

Art. 2

But

En vertu de l'art. 2, le projet poursuit quatre objectifs principaux: assurer à la population une protection appropriée contre les dangers inhérents aux jeux d'argent (let. a), notamment le jeu excessif, mais aussi l'escroquerie et le blanchiment d'argent. En deuxième lieu, la LJAr assurera une exploitation sûre et transparente des jeux d'argent (let. b). Il en découle des obligations pour les organisateurs et exploitants de jeux d'argent. Enfin, les bénéfices nets des jeux de grande envergure, à l'exception des jeux d'adresse, et d'une partie des jeux de petite envergure seront affectés entièrement et de manière transparente à des buts d'utilité publique (let. c), et une partie du produit brut des jeux de casino à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (let. d).

Art. 3

Définitions

L'art. 3 définit les notions principales du projet. La liste des définitions commence par la notion de «jeux d'argent» (let. a). Ces jeux se caractérisent essentiellement par deux éléments: une mise et une possibilité de gain. Ces deux éléments doivent se présenter sous la forme d'espèces ou de substitut d'argent («mise d'argent» et «autre avantage appréciable en argent»), des valeurs en nature étant envisageables. De plus, ces deux éléments doivent être présents cumulativement. Il faudra préciser ces points dans l'ordonnance d'exécution. La conclusion d'un acte juridique est assimilée à la mise d'argent. Un joueur procède à l'une ou l'autre de ces actions lorsqu'il achète des tickets à gratter, des billets de loterie ou des jetons, mais aussi lorsqu'il rémunère une prestation, qu'il achète des marchandises ou qu'il conclut un abonnement et qu'il peut de ce fait participer à un jeu ou à concours, répondre à une question et remporter des gains. Il y a mise d'argent lorsque l'exploitant d'un jeu donne aux joueurs la possibilité de participer au jeu en utilisant un service à valeur ajoutée (par ex. communication téléphonique surtaxée), qu'il puisse ou non le faire par d'autres moyens. A contrario, il n'y a pas de mise d'argent lorsque la communication, bien que payante, n'implique pas de surtaxe (par ex. communication téléphonique aux tarifs ordinaires). Un jeu qui ne nécessiterait ni mise d'argent ni conclusion d'un acte juridique, ou qui n'offrirait ni gain pécuniaire ni autre avantage appréciable en argent, voire aucun de ces éléments, n'est pas un jeu d'argent. Il en est ainsi des jeux de divertissement tels que les flippers, car il manque la possibilité de réaliser un gain pécuniaire ou d'obtenir un autre avantage appréciable en argent.

La notion de loterie (let. b) se fonde sur l'art. 106, al. 3, let. a, Cst. La définition ignore la condition d'un plan telle qu'elle figure à l'art. 1 LLP et qui a régulièrement posé des problèmes de délimitation. Pour préciser la Constitution, on ajoute à la 7673

notion de «nombre illimité de personnes» celle de «ou du moins un grand nombre de personnes». On tient compte de la sorte du fait que de nombreuses loteries existant en Suisse ne sont accessibles qu'à un nombre limité de personnes, même si ce nombre est grand. C'est notamment le cas pour les loteries dont les lots sont tirés à l'avance. Le Conseil fédéral devra préciser ces deux notions, qui constituent le principal critère de délimitation par rapport aux jeux de casino (voir art. 3, let. g).

Les loteries au sens de l'art. 3, let. e (jeux de grande envergure) seront accessibles à 1000 personnes au moins par tirage. On procédera de même pour les loteries au sens de l'art. 3, let. f (petites loteries). Le tirage des lots des petites loteries devra être accessible à 1000 personnes au moins s'il est réalisé à l'avance. Si le tirage n'est pas réalisé à l'avance, on pourra accepter que ce nombre minimal ne soit pas atteint. Tel sera le cas pour les lotos communément organisés par des associations. Il se peut qu'une centaine de personnes seulement participent à un tel loto. Le nombre de participants ne devra toutefois en aucun cas être limité à l'avance. Il ne serait pas admissible de concevoir une petite loterie qui n'est accessible qu'à un nombre limité de personnes (par ex. 100 au maximum). En d'autres termes, les jeux dans lesquels une personne joue individuellement (contre l'exploitant) et les jeux auxquels participent des personnes en faible nombre ou en nombre limité échapperont à la notion de loterie. Le second critère («dont le résultat est déterminé par un tirage au sort commun ou par un procédé analogue») s'appliquera cumulativement au premier («les jeux d'argent auxquels peuvent participer un nombre illimité ou du moins un grand nombre de personnes»). Les conditions d'autorisation des petites loteries figurent aux art. 33 et 34. Conformément à l'art. 34, al. 1, les petites loteries devront reposer sur une répartition des gains définie à l'avance. Pour pouvoir intégrer les petites loteries dans la notion de «loteries» au sens de la LJAr, on a choisi de ne pas tenir compte dans la définition des loteries du critère «en plusieurs endroits» inscrit à l'art. 106, al. 3, let. a, Cst. Les petites loteries n'ont en effet généralement lieu qu'en un seul endroit. Il en résulte que, en vertu de la
présente loi, les compétences cantonales d'exécution sont plus étendues que ne le prévoit la disposition constitutionnelle, puisqu'elles incluent, comme à l'heure actuelle, les petites loteries. Ce procédé est conforme à la volonté du constituant, puisque la liste des compétences cantonales d'exécution fournie à l'art. 106, al. 3, Cst., n'est pas exhaustive: il ne s'agit que de garanties minimales pour les cantons76.

Les paris sportifs sont des jeux d'argent dont le gain dépend d'un pronostic exact quant au déroulement ou à l'issue d'un événement sportif (let. c). Les paris admissibles seront ainsi limités aux «paris sportifs». On renoncera à la notion de «pari professionnel» au sens de l'art. 33 LLP, car il est particulièrement malaisé de distinguer cette catégorie de certains jeux exploités par les maisons de jeu. La notion d'«événement sportif» devra être interprétée au sens étroit. Elle n'englobera pas les événements qui ne font pas partie intégrante d'une compétition sportive (légale).

Ainsi, on ne pourra pas légalement proposer des paris sur les débordements que pourraient occasionner les spectateurs.

Les jeux d'argent dont les gains dépendent entièrement ou de manière prépondérante de l'adresse des joueurs seront réputés jeux d'adresse (let. d). Cette définition s'inspire de l'actuel art. 3, al. 3, LMJ.

76

Cf. le message du 20 octobre 2010 concernant l'initiative populaire «Pour des jeux d'argent au service du bien commun», FF 2010 7255 7291 s.

7674

Les loteries, paris et jeux d'adresse se répartiront en deux catégories: les jeux de grande envergure et les jeux de petite envergure (let. e et f). La différence entre les deux résidera dans la dimension «exploités de manière automatisée, au niveau intercantonal ou en ligne». Dès que l'un de ces trois critères sera rempli, il s'agira d'un jeu de grande envergure. Les jeux de grande envergure pouvant être potentiellement plus dangereux, ils seront soumis à des règles plus sévères. Les jeux de petite envergure se répartissent en trois catégories exclusivement: les petites loteries, les paris sportifs locaux et les petits tournois de poker. A des conditions strictes, les tournois de poker seront admissibles hors des maisons de jeu. Les jeux d'adresse échapperont au champ d'application de la LJAr lorsqu'ils ne sont pas exploités de manière automatisée, au niveau intercantonal ou en ligne (voir art. 1, al. 2, let. b).

«Exploitation en ligne» signifie l'envoi et la réception d'informations par câble ou par ondes par des procédés électriques, magnétiques, optiques ou électromagnétiques. Les jeux d'argent exploités en ligne sont donc principalement des jeux d'argent exploités ou distribués sur Internet, sur les réseaux de téléphonie mobile ou par la télévision interactive. A cet égard, la notion d'«exploitation en ligne» recouvrira celle de «transmission au moyen de techniques de télécommunication» de l'art. 3, let. c, de la loi du 30 avril 1997 sur les télécommunications (LTC)77. En revanche, ne seront pas concernés les jeux d'argent qui ne sont exploités ou distribués qu'en des points de vente clairement désignés par les exploitants de jeux d'argent, indépendamment du fait qu'ils soient ou non exploités par transmission au moyen de techniques de télécommunication. Dans le domaine des maisons de jeu, ces points de vente sont les maisons de jeu elles-mêmes, et pour ce qui est des jeux de grande envergure, les points de vente du commerce de détail. Ainsi, les systèmes actuels de jackpots en réseau auxquels les joueurs ne peuvent accéder que dans les maisons de jeu ne constituent pas des jeux d'argent exploités en ligne.

«Exploitation de manière automatisée» signifie que des parties essentielles du jeu se déroulent à l'aide d'appareils électroniques ou mécaniques ou d'installations similaires.

Les jeux
de casino sont définis comme les jeux d'argent auxquels peuvent participer un nombre restreint de personnes, à l'exception des paris sportifs, des jeux d'adresse et des jeux de petite envergure (let. g). Le Conseil fédéral devra préciser jusqu'à quel nombre on peut parler d'un nombre restreint de personnes. Le nombre de personnes auxquelles le jeu est accessible étant le principal critère permettant de distinguer les jeux de casino des loteries en tant que jeux de grande envergure (voir art. 3, let. b), le Conseil fédéral devra veiller à éviter les problèmes de délimitation.

On peut estimer que 1000 personnes au maximum constituent un nombre restreint; ce nombre permettrait une coordination avec celui préconisé pour l'art. 3, let. b.

Seront donc réputés jeux de casino tous les jeux dans lesquels un joueur joue individuellement contre l'exploitant ou auxquels ne participent que des joueurs en faible nombre ou en nombre limité. Les seules exceptions à cette règle seront les paris sportifs, les jeux d'adresse et les jeux de petite envergure. Les paris sportifs, les jeux d'adresse et les jeux de petite envergure doivent être délimités des jeux de casino, car ils peuvent aussi être accessibles à un nombre restreint de personnes (au maximum 1000). La délimitation des jeux de casino par rapport aux jeux d'adresse se fera par le biais des facteurs chance et adresse (voir art. 3, let. d). Celle entre les jeux de casino et les paris sportifs sera réalisée du fait que les deuxièmes ont impérative77

RS 784.10

7675

ment et exclusivement trait à un événement sportif (voir art. 3, let. c). Enfin, la délimitation entre les jeux de casino et les jeux de petite envergure se fera au moyen des conditions d'autorisation spécifiques de chacun des jeux de petite envergure (voir art. 34 à 36). Concrètement, les jeux de casino regrouperont notamment les jeux de table (roulette, blackjack, poker, etc.), les automates (pour autant qu'ils ne soient pas des jeux de grande envergure) et les «grands» tournois de poker (permettant des mises et des gains importants). Les mêmes critères vaudront pour les jeux exploités en ligne: les joueurs jouent par exemple à une table de poker virtuelle ou autour d'une table de roulette avec un nombre très limité d'autres joueurs (1000 personnes au maximum prennent part à chaque jeu; si les joueurs sont plus nombreux, ils devront être répartis entre plusieurs tables virtuelles). L'admissibilité des systèmes de jackpot est réglée à l'art. 19.

Art. 4

Autorisation ou concession

L'art. 4 consacre le principe selon lequel l'exploitation de tous les jeux d'argent inclus dans le champ d'application de la loi sera soumise à autorisation ou à concession. Par «exploitation de jeux d'argent», on entend également l'exploitation d'une plateforme permettant aux joueurs de jouer les uns contre les autres (par exemple de conclure des paris sportifs). L'autorisation ou la concession sera valable uniquement en Suisse et ne permettra donc que l'exploitation de jeux en Suisse. L'ordonnance précisera que seuls les joueurs domiciliés en Suisse ou qui y ont leur résidence habituelle pourront jouer aux jeux d'argent exploités en ligne.

2.2

Chapitre 2

Maisons de jeu

Concessions (art. 5 à 15) Comme aujourd'hui, il est prévu de subordonner l'exploitation d'une maison de jeu et, par là-même, des jeux de casino à l'obtention d'une concession. Les conditions et la procédure d'octroi des concessions de maisons de jeu prévues dans la LMJ ont fait leurs preuves. Elles sont dès lors reprises dans une large mesure dans le projet.

Les adaptations proposées visent à tenir compte de l'ouverture de l'offre aux jeux en ligne mais aussi des développements survenus dans la pratique depuis l'entrée en vigueur de la LMJ. Les commentaires qui suivent présentent uniquement les normes qui diffèrent du droit en vigueur.

Art. 5

Obligation de détenir une concession

La distinction entre concession d'implantation et concession d'exploitation sera abandonnée; la pratique a en effet démontré que les bénéficiaires de ces deux concessions sont identiques.

Le titulaire d'une concession pourra exploiter des jeux de casino dans sa maison de jeu.

L'al. 2 prévoit expressément que la concession pourra permettre l'exploitation de jeux de casino en ligne. Selon cette disposition, l'exploitation de jeux de casinos en ligne sera ainsi réservée aux exploitants de maisons de jeu, indépendamment du type de concession dont ils bénéficient (A ou B).

7676

Afin d'éviter que la Suisse devienne une plaque tournante pour l'offre de jeux de casino en ligne à destination de l'étranger, l'art. 4 prévoit ­ de manière générale ­ que les concessions sont valables uniquement sur le territoire suisse, c'est-à-dire que l'offre de jeux s'adresse uniquement aux joueurs qui habitent en Suisse. Cette disposition n'empêchera toutefois pas les exploitants de jeux de casino en ligne autorisés en Suisse de se porter candidats à l'obtention d'une concession ou d'une autorisation d'exploitation de jeux en ligne dans un pays étranger.

Enfin, le projet donne expressément le mandat au Conseil fédéral de fixer le nombre de concessions qui peuvent être attribuées (al. 3). Cette disposition vise à codifier la pratique et à améliorer la transparence.

Art. 6

Types de concessions

Pour les maisons de jeu, la distinction entre casinos A et B sera maintenue pour des motifs principalement fiscaux. Elle sera concrétisée, d'une part, par un traitement fiscal différent motivé historiquement et, d'autre part, par une offre de jeux et des possibilités de mises et de gains quelque peu réduites pour les maisons de jeu au bénéfice d'une concession B. Cette distinction n'est en revanche pas prévue pour les jeux de casino qui seront exploités en ligne (voir également les art. 118, al. 4, et 119, al. 3) La norme de délégation de l'al. 2 ne concerne que l'offre de jeux des maisons de jeu bénéficiant d'une concession B. Comme c'est le cas aujourd'hui, il appartiendra au Conseil fédéral de régler le nombre d'automates admis dans les maisons de jeu au bénéfice d'une telle concession, de déterminer les mises et les gains maximaux qui y seront admis et de fixer des conditions d'exploitation particulières pour les systèmes de jackpot. Le projet prévoit par ailleurs que le Conseil fédéral fixe également le nombre de types de jeux de table qui pourront être exploités dans ces maisons de jeu. Ce faisant, il s'inspirera des règles en vigueur et tendra à étendre leur offre de manière à la rapprocher de celle des maisons de jeu au bénéfice d'une concession A.

Aucune disposition de ce type n'est prévue pour les maisons de jeu bénéficiant d'une concession A. L'art. 26 LMJ dispose que le Conseil fédéral réglemente les mises maximales pour chaque type de jeu également pour les maisons de jeu bénéficiant d'une concession A. Cet aspect n'est pas repris dans le projet du fait que le Conseil fédéral avait renoncé à inscrire de telles mises maximales dans l'ordonnance du 24 septembre 2004 sur les maisons de jeu (OLMJ)78. En d'autres termes, il est apparu qu'il n'était pas nécessaire d'en fixer pour les maisons de jeu bénéficiant d'une concession A.

Art. 8

Conditions

La systématique est modifiée par rapport au droit actuel de manière à régler les dispositions concernant la société concessionnaire (aujourd'hui art. 11 LMJ) et celles portant sur les conditions d'octroi de la concession (art. 12 et 13 LMJ) dans un même article. D'un point de vue matériel, peu de choses changent, les conditions d'octroi des concessions demeurant en effet en grande partie les mêmes pour les maisons de jeu. C'est la raison pour laquelle le commentaire se limite à expliquer les nouveautés par rapport à la réglementation en vigueur.

78

RS 935.521

7677

Al. 1, let. a, ch. 1 Le droit en vigueur permet à plusieurs types de personnes morales d'obtenir une concession. L'expérience a cependant démontré que les demandes de concessions ont été déposées exclusivement par des sociétés anonymes. Les autres types de personnes morales ne seront dès lors plus prévus dans la loi. Par ailleurs, le droit en vigueur exige ­ pour les sociétés anonymes ­ que le conseil d'administration soit composé de membres domiciliés en Suisse. Dans la mesure où elle s'étend à l'ensemble du conseil d'administration, cette obligation pose des problèmes en termes de compatibilité avec l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes79 entré en vigueur le 1er juin 2002. Elle devra donc être abrogée. En revanche, la société concessionnaire doit être une société régie par le droit suisse. A cet égard, elle doit répondre aux exigences fixées par le code des obligations. Afin d'assurer un certain rattachement de la société à la Suisse, l'art. 718, al. 4, CO prévoit qu'au moins un membre du conseil d'administration ou un directeur soit domicilié en Suisse.

Al. 1, let. a, ch. 2 Selon le projet, autant les exploitants de jeux de casino que les exploitants de jeux de grande envergure devront présenter un programme de mesures de sécurité et un programme de mesures sociales. Aujourd'hui seules les maisons de jeu sont soumises à cette ogligation (art. 14 LMJ). Le contenu de ces programmes est précisé dans les chapitres 5 et 6 du projet.

Al. 1, let. b et d Le requérant, ses principaux partenaires commerciaux ainsi que leurs ayants droit économiques devront jouir d'une bonne réputation (al. 1, let. b, ch. 1). A cet égard, le comportement passé de ces personnes sur le marché suisse constituera un critère important. Ainsi, on doit par exemple partir de l'idée que celui qui aurait, par le passé, exploité de manière ciblée le marché suisse des jeux de casino en ligne sans autorisation, voire aurait fait l'objet d'une condamnation entrée en force ­ en Suisse ou à l'étranger ­ , ne remplira pas le critère de la bonne réputation selon le nouveau droit.

Le requérant, ses principaux partenaires commerciaux ainsi que leurs ayants droit économiques devront également garantir une
gestion indépendante (al. 1, let. b, ch. 2). Cette exigence n'exclut pas la collaboration entre les concessionnaires (comme c'est le cas aujourd'hui dans les maisons de jeu avec la mise en réseau des systèmes de jackpot). Elle implique toutefois que l'autorité de surveillance soit en mesure de déterminer quel concessionnaire est responsable d'une offre de jeu. Elle exclut dès lors que le bénéficiaire d'une concession qui exploite des jeux de casino en ligne externalise ou sous-traite à des tiers ou à d'autres concessionnaires des activités centrales telles que l'exploitation des systèmes de jeux et des systèmes de contrôle ainsi que la mise en oeuvre du programme de mesures sociales et du programme de mesures de sécurité. Les statuts, l'organisation des structures et des processus et les relations contractuelles devront également garantir une gestion irréprochable et indépendante de la maison de jeu (al. 1, let. d). L'organisation des structures et des processus devra être documentée de manière appropriée. Les mai79

RS 0.142.112.681

7678

sons de jeu devront par exemple donner des indications sur leur système de gestion de la qualité et leur système de contrôle interne. La notion de «règlement des jeux» au sens de l'art. 13, al. 2, let. a, LMJ est remplacée par celle d'«organisation structurelle et fonctionnelle». Il ne s'agit pas d'une modification matérielle, mais d'une clarification dont le but est de montrer qu'il ne s'agit pas simplement des règles du jeu.

Art. 9

Conditions applicables à l'exploitation de jeux de casino en ligne

Le respect des conditions prévues à l'art. 8 sera également exigé pour obtenir l'extension de la concession au droit d'exploiter des jeux de casino en ligne. Pour des raisons évidentes, les conditions étroitement liées au lieu d'implantation (art. 8, al. 1, let. a, ch. 5, et al. 1, let. e) ne seront toutefois pas applicables pour l'extension d'une concession pour les jeux en ligne. Pour autant que les conditions prescrites soient remplies, il y aura un droit à obtenir la concession. Dans l'absolu, le nombre de plateformes proposant des jeux de casinos en ligne sera donc limité par le nombre de maisons de jeu. Toutefois, selon les études effectuées, seules quelques-unes seront viables, compte tenu de la taille réduite du marché suisse. La demande visant à prévoir ­ dans la concession ­ la possibilité d'offrir des jeux en ligne pourra ainsi être rejetée si les calculs de rentabilité livrés à l'appui de la demande ne permettent pas de démontrer de manière crédible que le projet est économiquement viable.

Hormis le modèle retenu, qui prévoit de réserver l'exploitation de jeux de casino en ligne aux maisons de jeu existantes, plusieurs autres variantes ont été examinées et rejetées. Celles-ci auraient eu en commun l'octroi d'un petit nombre de concessions, et se seraient différenciées de par le cercle des personnes pouvant se porter candidates à l'octroi d'une concession. Selon une première variante, toute société aurait pu se porter candidate, indépendamment du fait qu'elle dispose déjà ou non d'une concession pour une maison de jeu. Selon une autre variante, cette possibilité aurait été réservée aux maisons de jeu existantes ou à des regroupements de ces dernières.

Enfin, dans l'optique d'une ouverture du marché, il aurait également été envisageable d'accepter comme concessionnaires des sociétés dont l'actionnariat aurait été en mains de maisons de jeu existantes et d'autres entreprises. Cette variante aurait permis de prescrire différentes structures de participation en prévoyant par exemple une participation majoritaire ou minoritaire des maisons de jeu existantes.

Ces variantes ont été rejetées au profit de la solution retenue. Celle-ci présente l'avantage d'offrir une solution similaire à celle des jeux de grande envergure. Dans ce domaine en effet, les exploitants bénéficiant d'une autorisation
pour un jeu déterminé peuvent également proposer ce dernier en ligne. La solution proposée permettra par ailleurs d'éviter que les sociétés concessionnaires actives aujourd'hui sur le marché suisse se trouvent désavantagées par rapport aux concurrents étrangers dans le cadre de la procédure d'octroi de la concession. En effet, contrairement à ces derniers, dont certains proposent déjà des jeux en ligne sur le marché suisse sans autorisation et disposent dès lors des connaissances nécessaires et d'une vaste clientèle suisse, les sociétés concessionnaires devront élaborer un projet entièrement nouveau et empreint d'incertitude. Il faut cependant relever que certains groupes internationaux qui exploitent des maisons de jeu en Suisse proposent déjà des jeux de casino en ligne dans d'autres pays et pourront ainsi procéder à des transferts de technologie et d'expérience internes au groupe.

7679

Art. 10 et 11

Procédure, décision

La procédure d'octroi des concessions pour les maisons de jeu prévue dans le projet reprend largement le droit en vigueur (art. 15 et 16 LMJ).

Les requérants pourront toutefois, dans le cadre de leur demande en vue de l'exploitation d'une maison de jeu, demander que la concession prévoie également le droit d'exploiter des jeux en ligne. Une telle combinaison n'est toutefois pas impérative: les requérants pourront ainsi, en tout temps en cours de concession, demander l'extension de leur concession en vue de pouvoir exploiter des jeux de casino en ligne (art. 9, 2e phrase).

Il faut également relever que la décision d'octroi ou de refus d'une concession ne sera plus définitive mais pourra faire l'objet d'un recours au Tribunal administratif fédéral puis exceptionnnellement au Tribunal fédéral. Cette modification permettra de se conformer à la nouvelle organisation judiciaire entrée en vigueur le 1er janvier 2007. Cette réforme vise à transférer les compétences décisionnelles du Conseil fédéral aux départements et, dans les cas dans lesquels les compétences décisionnelles du Conseil fédéral sont maintenues, à garantir l'accès au juge selon l'art. 29a Cst.

Art. 12

Durée de validité, prolongation ou renouvellement

Cet article reprend dans une large mesure l'art. 17, al. 1 et 2, LMJ. Une disposition particulière est toutefois introduite afin de tenir compte des développements rapides que l'on connaît dans le domaine des jeux de casino exploités en ligne. Pour ces derniers, le Conseil fédéral sera habilité à prévoir une durée de concession inférieure.

L'art. 12, al. 3, du projet prévoit toutefois que les recours déposés contre les décisions de prolongation ou de renouvellement des concessions n'auront pas d'effet suspensif. Cette disposition permet d'éviter que l'exploitation des maisons de jeu ayant obtenu le renouvellement de leur concession soit paralysée durant la procédure de recours. Si un concurrent mécontent recourt contre la décision de renouvellement, la maison de jeu aura ainsi l'assurance de pouvoir continuer son exploitation pendant la procédure. Cette disposition ne s'appliquera en revanche pas en cas de recours d'une maison de jeu contre la décision de non-renouvellement (ou de nonprolongation) de sa concession, d'une part, ni contre la décision d'octroi d'une concession à une société concurrente, d'autre part. Dans ces deux cas, le droit procédural ordinaire sera applicable.

Art. 13 et 14

Obligation de communiquer, transmissibilité

Les obligations de communiquer et les règles concernant la non-transmissibilité de la concession sont reprises matériellement du droit actuel (art. 17, al. 3, LMJ). Les obligations de communiquer concernant les changements dans la participation au capital ou dans le pourcentage de voix sont précisés.

Art. 15

Retrait, restriction, suspension

Cette disposition reprend pour l'essentiel le droit actuel (art. 19 LMJ). Elle devra comme aujourd'hui, être appliquée conformément au principe de proportionnalité: le retrait, mais aussi la suspension de la concession ne devront être prononcées qu'en 7680

ultima ratio. Dans les cas de moindre importance, la CFMJ pourra par exemple prononcer des sanctions administratives au sens de l'art. 97.

Les mesures prévues par le présent article pourront se limiter à une partie de la concession. La CFMJ pourra en particulier suspendre ou retirer uniquement la partie de la concession donnant le droit d'exploiter des jeux de casino en ligne.

Offre de jeux (art. 16 à 20) Le droit en vigueur règle l'offre de jeux de manière très succincte (art. 4 et 6 LMJ).

Le projet prévoit d'étoffer ces dispositions. D'une part, il reprend certaines dispositions qui sont aujourd'hui réglées dans les ordonnances d'exécution et qui doivent être réglées dans la loi en raison de leur importance. D'autre part, la densité normative sera ­ lorsque cela est possible ­ similaire à celle de la réglementation des jeux de grande envergure. En outre, de nouvelles règles doivent être introduites afin d'assurer une meilleure coordination entre les jeux de grande envergure et les jeux de casino. Enfin, certaines adaptations visent à améliorer la compétitivité de l'offre des maisons de jeu.

Art. 16

Obligation de détenir une autorisation

Comme aujourd'hui, seules les maisons de jeu au bénéfice d'une concession pourront proposer des jeux de casino; pour autant que leur concession le prévoie, elles pourront en outre proposer des jeux en ligne. Pour exploiter ces jeux, la maison de jeu devra détenir une autorisation de la CFMJ. Sur la base de l'al. 2, le Conseil fédéral aura la possibilité de prévoir une procédure simplifiée pour l'approbation des modifications de jeu qui restent conformes aux conditions de l'autorisation octroyée initialement.

Sur la base de l'al. 3, la CFMJ pourra autoriser les maisons de jeu à proposer des petits tournois de poker en plus des jeux de casino. Cette précision est nécessaire étant donné que ces tournois seront considérés comme des jeux de petite envergure en vertu de l'art. 3, let. f. Cette autorisation aura pour corollaire que lorsque ces tournois seront proposés dans les maisons de jeu, ils seront soumis à la surveillance de la CFMJ. Les recettes qui en découleront seront soumises à l'impôt sur le produit brut des jeux.

Enfin, le Conseil fédéral pourra prévoir des collaborations entre une maison de jeu et des exploitants de jeux de casino suisses ou étrangers (al. 4), particulièrement en vue de permettre l'exploitation de plateformes de jeux de poker en ligne entre plusieurs maisons de jeu. Dans ce domaine, une collaboration avec des maisons de jeu étrangères sera sans doute nécessaire en raison de la taille réduite du marché suisse. Les partenaires avec lesquels les maisons de jeu suisses coopéreront devront jouir d'une bonne réputation, avoir leur siège dans des Etats de droit démocratiques et lutter efficacement contre la corruption et le blanchiment d'argent dans le cadre de procédures conformes aux droits de l'homme.

Art. 17

Exigences

Cet article fixe l'exigence selon laquelle les jeux de casino devront être conçus de manière à pouvoir garantir une exploitation sûre et transparente des jeux selon les prescriptions en usage au niveau international (al. 1). Bien qu'elle ne figure pas expressément dans le droit actuel, en relation avec l'offre de jeux, cette exigence 7681

découle déjà de différentes dispositions liées à l'octroi de la concession (art. 13, al. 2, let. a et b, et art. 14 LMJ). Cette disposition n'entraîne dès lors aucune modification matérielle. Les jeux proposés en ligne devront en outre être configurés de manière à permettre des mesures adaptées de protection contre le jeu excessif (al. 2).

Cette exigence ne sera pas nécessaire pour les jeux de casino qui sont exploités dans les maisons de jeu. Pour ces derniers, la protection sociale sera assurée par la mise en oeuvre du programme de mesures sociales prévu par la loi.

Dans le cadre de la concrétisation des exigences fixées à l'art. 17, le Conseil fédéral sera habilité à prévoir des prescriptions techniques. Des règles pourront notamment être nécessaires pour assurer une détermination fiable du produit brut des jeux ou pour distinguer l'offre de jeux des casinos A et B. Ce faisant, le Conseil fédéral tiendra compte des règles appliquées au niveau international et veillera en particulier à ce que l'offre de jeux suisse soit concurrentielle sur le marché international. Le but est d'éviter autant que possible que les maisons de jeu suisses ne puissent pas avoir accès à des jeux autorisés et largement diffusés à l'échelon international du fait des prescriptions nationales.

Art. 18

Indications et documents

Cet article reprend les dispositions les plus importantes des art. 65 à 67 de l'OLMJ.

Comme aujourd'hui, la maison de jeu devra, dans sa demande d'autorisation, donner les indications nécessaires pour permettre à la CFMJ de vérifier si les exigences techniques sont respectées. Pour les jeux de casino automatisés, la CFMJ s'appuie sur les certificats établis par des laboratoires de contrôle accrédités qui attestent la conformité des jeux ou des installations de jeux avec les exigences techniques.

Avant la mise en service d'un jeu de casino, le fabricant le fait en effet toujours vérifier par un laboratoire spécialisé. Ce dernier établit un certificat attestant le fonctionnement de l'appareil conforme aux exigences légales. La CFMJ reconnaît les certificats élaborés par les laboratoires spécialisés pour autant qu'ils disposent d'une accréditation accordée par un organisme ayant signé un accord multilatéral (Multilateral Agreement, MLA) avec une organisation internationale comme l'International Accreditation Forum (IAF) dans le domaine de la certification des installations de jeux. Cette même procédure sera en principe appliquée pour les jeux en ligne. Compte tenu de l'évolution rapide que connaît ce domaine et en raison des adaptations qui doivent régulièrement être apportées sur les jeux, les laboratoires ne certifieront toutefois pas l'intégralité mais seulement certaines parties de ces jeux.

Pour celles qui ne sont pas certifiées, la maison de jeu devra fournir les indications nécessaires à l'examen de la conformité du jeu aux exigences techniques. Les laboratoires devront par ailleurs être en mesure d'effectuer les tests complémentaires préalables à la mise en service d'un jeu. Ces certificats devront être annexés à la demande d'autorisation, sauf si la maison de jeu peut prouver qu'un certificat a déjà été remis à la CFMJ pour le même jeu dans le cadre d'une autre procédure.

Art. 19

Systèmes de jackpot

Les maisons de jeu pourront exploiter des systèmes de jackpot et établir une connexion entre eux aux conditions fixées par le Conseil fédéral. Celui-ci pourra à cet égard prévoir des restrictions à la distinction entre les maisons de jeu bénéficiant d'une concession A et celles bénéficiant d'une concession B (voir art. 6, al. 2).

7682

Art. 20

Consultation

Avant de rendre une décision de qualification d'un jeu en tant que jeu de casino, la CFMJ devra consulter l'autorité intercantonale pour les jeux de grande envergure.

En cas de divergence, le projet prévoit que les deux autorités procèdent à un échange de vues. En cas d'échec de cet échange, l'organe de coordination sera consulté.

Celui-ci essaiera de trouver une solution. En l'absence d'une telle solution, la CFMJ rendra une décision contre laquelle l'autorité intercantonale pourra recourir. En cas de décision de routine, la CFMJ pourra renoncer à consulter l'autorité intercantonale.

2.3

Chapitre 3

Jeux de grande envergure

Le chapitre 3 régit la procédure d'autorisation et les conditions d'exploitation des jeux de grande envergure. Les dispositions du projet correspondent en grande partie au droit actuel, en particulier à la CILP. Le projet apporte cependant quelques modifications par rapport aux règles actuelles: ­

Les jeux de grande envergure requerront une autorisation d'exploitant (réglée à la section 1 du chapitre) et une autorisation de jeu (réglée à la section 2). L'autorisation d'exploitant n'existe pas en tant que telle dans le droit en vigueur, où on vérifie à chaque demande d'autorisation si les exploitants remplissent les conditions fixées. L'introduction d'une telle autorisation simplifiera la procédure. L'autorisation de jeu correspond à l'homologation actuelle (art. 14 CILP). On renoncera par contre à l'autorisation d'exploitation au sens de l'art. 15 CILP, qui dispose que les cantons rendent une décision relative à l'exploitation sur leur territoire dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision d'homologation. Elle s'est avérée peu utile en pratique et occasionne une charge administrative superflue. Pas plus qu'aujourd'hui, il n'y aura de droit à l'obtention d'une autorisation de jeu.

­

Parallèlement à la protection contre le jeu excessif, le projet définit des critères pour la sécurité des jeux afin d'éviter en particulier la manipulation des compétitions sportives.

­

La procédure d'autorisation permettra de renforcer la coordination entre les autorités d'exécution de la Confédération et des cantons.

Autorisation d'exploitant (art. 21 à 23) Art. 21

Obligation de détenir une autorisation

Quiconque veut exploiter un jeu de grande envergure devra être titulaire d'une autorisation d'exploitant. Celle-ci sera octroyée par l'autorité intercantonale.

Art. 22

Conditions

L'autorisation d'exploiter des jeux de grande envergure sera réservée aux personnes morales de droit suisse (al. 1, let. a), notamment pour garantir la sécurité juridique.

Les exploitants de jeux de grande envergure devront en outre jouir d'une bonne réputation et fournir des indications sur leur situation financière (al. 1, let. b à e).

7683

Pour la question de la réputation, on pourra se référer au comportement des exploitants sur les marchés étrangers.

L'al. 1, let. f, exige une gestion indépendante dans le but de prévenir les manipulations de paris sportifs. Les membres des organes de direction des exploitants de jeux de grande envergure ne pourront pas occuper de position dirigeante au sein des organisations sportives qui prennent part à des compétitions pour lesquelles les exploitants en question offrent des paris. Par ailleurs, les exploitants ne pourront pas être dominés économiquement par des organisations sportives ou des sportifs qui prennent part à des compétitions pour lesquelles ils offrent des paris.

L'al. 1, let. i, précise que les frais d'exploitation devront être dans un rapport approprié avec les moyens mis à disposition pour les buts d'utilité publique. Cette disposition a pour but d'empêcher des frais d'exploitation excessifs qui réduiraient les bénéfices nets que les exploitants de jeux de grande envergure doivent verser aux cantons à des fins d'utilité publique. Les bénéfices des exploitants de jeux d'adresse ne devant pas servir à des fins d'utilité publique, cette let. i ne leur est pas applicable (al. 2).

Comme aujourd'hui, il n'y aura pas de droit à l'obtention d'une autorisation d'exploitant. L'autorité intercantonale disposera d'une grande latitude, afin notamment de protéger les joueurs contre le jeu excessif.

Art. 23

Nombre d'exploitants

Les cantons détermineront, dans le cadre d'un concordat, le nombre maximal d'exploitants de loteries et de paris sportifs (al. 1). Cette restriction servira à protéger la population des dangers inhérents aux jeux de grande envergure. Les cantons pourront en outre désigner en la forme légale les sociétés auxquelles l'autorité intercantonale pourra délivrer une autorisation d'exploitant pour l'exploitation de loteries et de paris sportifs, pour autant que les conditions d'autorisation soient réunies (al. 2). Cette disposition permettra aux cantons de continuer à réserver l'autorisation d'exploitant aux seules sociétés Swisslos et Loterie Romande.

Autorisation de jeu (art. 24 à 28) Art. 24

Obligation de détenir une autorisation

Quiconque veut exploiter un jeu de grande envergure devra être titulaire non seulement d'une autorisation d'exploitant, mais aussi d'une autorisation de jeu, elle aussi octroyée par l'autorité intercantonale (al. 1). En se fondant sur l'al. 2, le Conseil fédéral pourra prévoir une procédure d'autorisation simplifiée pour les modifications mineures apportées à un jeu qui restent conformes aux conditions de l'autorisation.

Art. 25

Conditions

L'al. 1 définit les trois conditions centrales en matière de conception des jeux de grande envergure. Premièrement, chaque jeu devra être conçu de sorte qu'il puisse être exploité de manière sûre et transparente (let. a), pour assurer la sécurité et prévenir les actes criminels notamment. Les prescriptions en la matière figureront pour l'essentiel dans le programme de mesures de sécurité (voir art. 42). Eu égard à la prévention de la manipulation des compétitions, cela signifie qu'on ne pourra offrir des paris que pour des événements sportifs qui recèlent un risque de manipula7684

tion faible. Le risque de manipulation est particulièrement élevé pour les événements de jeu dont la survenance n'a pas une grande influence sur l'issue de la compétition et qui peuvent être le fait d'individus (par ex. parier sur le joueur qui fera la prochaine remise en jeu depuis la touche lors d'un match de foot).

Chaque jeu de grande envergure devra s'accompagner de mesures visant à protéger les joueurs contre le jeu excessif (let. b). Ces mesures figurent au chapitre 6 du projet. Enfin, les jeux de grande envergure devront être conçus de sorte qu'ils génèrent des bénéfices nets pour des buts d'utilité publique (let. c).

Il n'y aura comme aujourd'hui pas de droit à l'obtention d'une autorisation de jeu.

L'autorité intercantonale disposera d'une grande latitude, afin notamment de protéger les joueurs contre le jeu excessif. La procédure d'octroi des autorisations de jeu lui permettra d'influencer l'étendue de l'offre de jeux.

L'al. 2 sert la protection de la jeunesse et contribue à prévenir la manipulation des compétitions sportives.

Conformément à l'al. 3, le Conseil fédéral déterminera dans quelle mesure une collaboration est possible entre un exploitant de jeux de grande envergure et d'autres exploitants suisses ou étrangers. Les partenaires avec lesquels les exploitants suisses de jeux de grande envergure coopéreront devront jouir d'une bonne réputation, avoir leur siège dans des Etats de droit démocratiques et lutter efficacement contre la corruption et le blanchiment d'argent dans le cadre de procédures conformes aux droits de l'homme. Les exploitants suisses de jeux de grande envergure conserveront la possibilité de s'associer à des jeux tels qu'Euromillions ou le PMU.

Art. 26

Demande

La let. a oblige les exploitants de jeux de grande envergure à fournir à l'autorité qui octroie les autorisations des informations sur la conception et l'exploitation des jeux des points de vue technique, organisationnel et financier. Il faudra concrétiser cette disposition dans l'ordonnance. Les exploitants de jeux de grande envergure devront fournir des informations notamment sur la forme, la fréquence, la durée et la zone d'exploitation du jeu. De même, ils devront communiquer les modalités du tirage au sort ou de tout autre moyen de déterminer un événement décisif pour le cours ou l'issue du jeu, la manière de constater le résultat, le montant et le versement des gains. Enfin, ils devront indiquer les règles applicables si le jeu est interrompu de manière imprévue, s'il n'a pas lieu ou si le gagnant n'encaisse pas ses gains, et les règles qui garantissent que les gains seront versés.

Ils devront aussi indiquer quelles sont les mesures qu'ils déploient pour assurer une protection contre le jeu excessif et une exploitation sûre et transparente des jeux (let. b).

Art. 27

Consultation

L'autorité intercantonale consultera la CFMJ à propos de la qualification du jeu comme jeu de grande envergure avant de prendre sa décision relative à l'autorisation de jeu. En cas de divergences, les deux autorités procéderont à un échange de vues.

En cas d'échec de l'échange de vues, elles soumettront le cas à l'organe de coordination, qui tentera de concilier leurs points de vue. En l'absence de consensus, l'autorité intercantonale rendra une décision contre laquelle la CFMJ pourra recourir. L'autorité intercantonale pourra renoncer à consulter la CFMJ pour les décisions 7685

de routine (al. 2). Cette procédure s'appliquera également à l'autorisation des jeux de casino (voir chap. 2 du projet), le but étant d'assurer une bonne coordination entre les autorités d'exécution de la Confédération et des cantons et de minimiser les risques de conflits de compétences.

Art. 28

Droit cantonal

Les cantons pourront interdire l'exploitation de certaines catégories de jeux de grande envergure. Cette disposition s'inscrit dans la continuité de la réglementation que connaissent actuellement certains cantons qui interdisent les appareils à sous servant aux jeux d'adresse. Les cantons qui souhaitent faire usage de cette possibilité devront le faire sous forme de règles générales et abstraites. Il ne sera pas possible de le faire par voie de décision. Les cantons ne pourront par conséquent pas mener de procédure d'autorisation supplémentaire (comme ils peuvent le faire aujourd'hui pour octroyer une autorisation d'exploitation). Les cantons ne pourront d'ailleurs exclure que des catégories de jeux de grande envergure (c'est-à-dire tous les jeux d'adresse, toutes les loteries ou tous les paris sportifs) de leur territoire, et non se limiter à quelques jeux seulement.

Dispositions communes (art. 29 à 31) Art. 29

Durée de validité et conditions annexes

L'autorisation d'exploitant et l'autorisation de jeu pourront être assorties de conditions et de charges, par exemple être limitées dans le temps. Elles seront renouvelables.

Art. 30

Transmissibilité

Aux termes du projet, l'autorisation d'exploitant et l'autorisation de jeu ne seront pas transmissibles. Cependant, si le jeu en question a déjà été autorisé, il n'aura en principe pas besoin de faire l'objet d'une nouvelle procédure de qualification.

Art. 31

Retrait, restriction, suspension

L'autorité intercantonale sera tenue au principe de proportionnalité lorsqu'elle imposera des sanctions. Elle ne pourra retirer ou suspendre une autorisation qu'en ultime recours. Elle pourra recourir à des moyens moins sévères en cas de violation légère des conditions encadrant l'autorisation d'exploitant ou l'autorisation de jeu.

Elle pourra par exemple prononcer une sanction administrative au sens de l'art. 106.

2.4

Chapitre 4

Jeux de petite envergure

Le chapitre 4 règle la procédure d'autorisation et les conditions d'exploitation des jeux de petite envergure. Les dispositions relatives aux petites loteries et aux paris sportifs locaux s'inspirent de la pratique cantonale. Le projet prévoit d'autoriser les petits tournois de poker à des conditions strictes.

7686

Art. 32

Obligation de détenir une autorisation

Quiconque veut exploiter un jeu de petite envergure devra être titulaire d'une autorisation. Celle-ci sera octroyée par l'autorité d'exécution compétente dans le canton concerné. Il appartiendra à chaque canton de déterminer quelle autorité doit prendre la décision.

Afin de permettre à l'autorité intercantonale d'exercer ses tâches, en particulier de vérifier si un jeu de petite envergure autorisé par un canton tombe bien dans cette catégorie et ne constitue pas un jeu de grande envergure, les autorités cantonales compétentes devront lui transmettre leurs décisions d'autorisation.

Art. 33

Conditions générales

En matière de jeux de petite envergure, les exploitants devront remplir cumulativement les conditions générales suivantes: être des personnes morales régies par le droit suisse, jouir d'une bonne réputation et garantir une gestion et une exploitation des jeux transparentes et irréprochables (al. 1, let. a). Les exigences en matière de transparence seront d'autant plus sévères que le danger que présente un jeu spécifique est grand (risque de jeu excessif et d'escroquerie en particulier). Dès lors, les exigences seront en principe plus sévères pour les tournois de poker que pour les petites loteries et les paris sportifs locaux.

Les jeux de petite envergure seront conçus de sorte qu'ils puissent être exploités de manière sûre et transparente et qu'ils présentent un faible danger de jeu excessif, de criminalité et de blanchiment d'argent (al. 1, let. b). Le danger potentiel émanant de ces jeux étant plutôt faible, il n'est pour ainsi dire pas nécessaire de prendre des mesures de protection. Il n'y aura pas de droit à obtenir une autorisation.

Si l'organisation ou l'exploitation de petites loteries ou de paris sportifs locaux sont confiées à des tiers, ces derniers devront poursuivre des buts d'utilité publique (al. 2). Cette disposition n'exclut pas de confier la fabrication de lots ou d'affiches, par exemple, à des tiers. Elle évitera par contre qu'une part des bénéfices ne serve pas à des buts d'utilité publique.

Art. 34

Conditions supplémentaires pour les petites loteries

Les petites loteries, qui ne comprennent pas les tombolas au sens de l'art. 2 LLP (voir art. 41), devront reposer sur un plan de répartition des gains défini à l'avance (al. 1). Aux termes de l'al. 2, les bénéfices nets devront être intégralement affectés à des buts d'utilité publique. Une affectation des bénéfices selon l'art. 126 est réservée: lorsque l'exploitant de la petite loterie ne poursuit pas de buts économiques, par exemple lorsqu'il s'agit d'une association, il pourra utiliser les bénéfices nets pour ses besoins propres, au lieu d'affecter ceux-ci à des fins d'utilité publique. Le rapport entre les frais d'exploitation et les moyens qu'il est prévu d'affecter à des buts d'utilité publique devra être approprié.

Le Conseil fédéral fixera les autres conditions d'octroi de l'autorisation en vue de garantir que les petites loteries ne présentent qu'un faible danger, comme l'exige l'art. 33, al. 1, let. b. L'al. 3 comporte une liste non exhaustive des conditions qu'il devra fixer, à savoir le montant maximal de la mise unitaire (let. a) et la somme maximale des mises par petite loterie (let. b). La somme maximale des mises ne devrait pas dépasser 100 000 francs. Le Conseil fédéral fixera les chances minimales de gains (let. c), qui devraient être d'au moins 50 % de la somme maximale des 7687

mises, au moins un numéro tiré sur dix devant être gagnant. Enfin, le Conseil fédéral fixera le nombre annuel maximal de petites loteries organisées par exploitant (let. d), soit pas plus de deux loteries par an.

Art. 35

Conditions supplémentaires pour les paris sportifs locaux

En vertu de l'al. 1, les paris sportifs locaux devront être conçus selon le principe du totalisateur ­ c'est-à-dire que les joueurs parieront les uns contre les autres et non contre un bookmaker comme pour les paris à cote fixe ­ et ne pourront être proposés et réalisés que sur le lieu de l'événement sportif auquel ils se rapportent. Il faut comprendre le lieu de l'événement au sens étroit, c'est-à-dire le terrain sur lequel a lieu l'événement sportif, par exemple un stade comportant une piste pour les courses de chevaux. Par contre, le fait que l'événement sportif pour lequel on prend des paris soit retransmis à la télévision ou sur Internet n'aura pas d'importance. Comme pour les petites loteries, les bénéfices nets devront être intégralement affectés à des buts d'utilité publique, sauf lorsqu'il s'agit d'un cas d'application de l'art. 126. Le rapport entre les frais d'exploitation et ces bénéfices devra être approprié (al. 2).

Le Conseil fédéral fixera les autres conditions d'octroi de l'autorisation en vue de garantir que les paris sportifs locaux ne présentent qu'un faible danger, comme l'exige l'art. 33, al. 1, let. b. L'al. 3 comporte une liste non exhaustive des conditions qu'il devra fixer, à savoir le montant maximal de la mise unitaire (let. a) et la somme maximale des mises par pari sportif local (let. b). La somme maximale des mises de tous les joueurs sera plafonnée à 200 000 francs par jour pour l'ensemble des paris faits en un même lieu. Ce chiffre est plus élevé que le maximum de 100 000 francs prévu pour les petites loteries en raison de la différence de taux de redistribution.

Les paris sportifs locaux les plus fréquents en Suisse ­ les courses de chevaux ­ offrent un taux de redistribution de 70 à 80 %, quand il est en général de 50 % ou un peu plus pour les petites loteries. Le Conseil fédéral fixera en outre les chances minimales de gains (let. c), qui devraient être d'au moins 50 % de la somme maximale des mises. Enfin, le Conseil fédéral fixera le nombre annuel maximal de paris sportifs organisés par exploitant et par lieu (let. d). Il faudra limiter ce nombre, par exploitant, en principe à dix offres de paris par jour, portant sur les épreuves sportives menées sur le lieu considéré, et à dix jours par an.

Art. 36

Conditions supplémentaires pour les petits tournois de poker

L'art. 36 ne sera pas applicable aux tournois de poker organisés par les maisons de jeu, quelle que soit leur ampleur.

Conformément à l'al. 1, let. a, un petit tournoi de poker est un jeu où seul un nombre limité de joueurs peuvent jouer les uns contre les autres. «Les uns contre les autres» signifie que les participants jouent exclusivement entre eux pour un gain pécuniaire ou un autre avantage appréciable en argent. Ils ne jouent pas contre l'exploitant et celui-ci n'assume aucun risque. Les participants jouent exclusivement pour les montants mis en jeu au départ. La mise de départ devra être modique et se situer dans un rapport approprié à la durée du tournoi (al. 1, let. b). Les joueurs s'affronteront pour récupérer les mises de départ. 100 % des montants misés seront redistribués entre eux (al. 1, let. c). Les petits tournois de poker ne pourront être organisés que dans des lieux accessibles au public et les règles du jeu comme les informations sur la protection des joueurs contre le jeu excessif seront mises à la disposition des joueurs (al. 1, let. d et e).

7688

Conformément à l'al. 2, une taxe de participation pourra être prélevée. Elle ira à l'exploitant et ne sera pas mise en jeu dans le tournoi. Si l'exploitant prélève une telle taxe, elle devra être clairement distincte de l'argent des mises.

Le Conseil fédéral fixera les autres conditions d'octroi de l'autorisation en vue de garantir que les tournois de poker ne présentent qu'un faible danger, comme l'exige l'art. 33, al. 1, let. b. L'al. 3 comporte une liste non exhaustive des conditions qu'il devra fixer. Il convient de relever, au même titre que pour les petites loteries et les paris sportifs locaux, que ces conditions dépendent les unes des autres (voir art. 34, al. 3, et art. 35, al. 3). C'est la conception d'ensemble du jeu qui détermine le danger potentiel.

Le Conseil fédéral déterminera le montant maximal mis en jeu (let. a) et la somme maximale des montants mis en jeu (let. b). Le montant des mises de départ et des taxes de participation déterminera si les tournois de poker pourront être exploités commercialement et, si c'est le cas, s'ils concurrenceront sérieusement les maisons de jeu. Le Conseil fédéral devra fixer les conditions de telle manière que seuls les tournois de poker ayant un caractère d'événement ponctuel soient autorisés, là aussi pour ne pas concurrencer outre mesure les maisons de jeu. Il ne sera pas permis de financer un local en organisant un tournoi quotidien. Le Conseil fédéral devra également tenir compte du but de la loi selon lequel les bénéfices des jeux d'argent doivent servir à financer l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité ou être affectés à des buts d'utilité publique.

Le Conseil fédéral fixera le nombre maximal de tournois par jour et par lieu (let. c).

On ne pourra pas organiser plus de deux tournois par jour et par lieu. Les restrictions seront moins sévères que pour d'autres jeux de petite envergure. La raison en est que le Conseil fédéral fixera une somme maximale des gains bien moins élevée pour les petits tournois de poker que pour les petites loteries ou les paris sportifs locaux. Le Conseil fédéral fixera aussi le nombre minimal de participants (let. d), garant du caractère de tournoi et de la transparence. Il y aura dix joueurs au minimum.

Enfin, le Conseil fédéral fixera la durée minimale des tournois (let. e). On pourra par exemple
obliger les exploitants à concevoir les règles du jeu de telle sorte que les tournois qu'ils organisent aient une durée prévisible moyenne de trois heures, et qu'aucun ne dure moins d'une heure.

Art. 37

Demande

L'art. 37 régit la demande d'autorisation et les informations à fournir. Une même demande pourra porter sur plusieurs jeux de petite envergure organisés dans un même lieu sur une période six mois au plus.

Art. 38

Rapport et présentation des comptes

L'obligation pour l'exploitant de remettre un rapport et de présenter ses comptes contribuera à une exploitation sûre et transparente. L'al. 1 fixe l'obligation de remettre un rapport imposée aux exploitants de petites loteries et de paris sportifs locaux. L'al. 2 fixe l'obligation, pour les exploitants de petits tournois de poker, de remettre un rapport et de présenter leurs comptes. Les exploitants de tournois de poker réguliers seront soumis à des exigences plus strictes en matière de rapport et en matière de présentation des comptes et de révision.

7689

Art. 39

Durée de validité, modification, transmissibilité et retrait

Les dispositions sur la durée de validité, la modification, la transmissibilité et le retrait des autorisations d'exploitant et de jeu pour les jeux de grande envergure (art. 29 à 31) s'appliqueront par analogie aux jeux de petite envergure.

Art. 40

Surveillance

L'art. 40 règle les tâches et attributions des autorités cantonales d'exécution minimales. Les cantons devront élaborer le reste des dispositions en la matière.

Art. 41

Droit cantonal

Le droit cantonal pourra prévoir des dispositions plus sévères que celles du chapitre 4 ou interdire purement et simplement certains jeux de petite envergure. En revanche, les cantons ne pourront pas assouplir les dispositions de ce chapitre (al. 1).

Conformément à l'al. 2, les art. 32, 33, 34, al. 3, et 37 à 40 ne seront pas applicables aux petites loteries qui remplissent cumulativement les conditions suivantes: être organisées à l'occasion d'une réunion récréative, avec des lots uniquement en nature, une émission, un tirage de billets et une distribution de lots en corrélation directe avec la réunion récréative et une somme maximale des mises peu élevée.

Appelés «tombolas» ou «lotos», ces jeux sont souvent organisés par des associations. L'exception statuée à l'al. 2 correspond en grande partie à celle qui est inscrite à l'art. 2 LLP, sauf que l'alinéa prescrit une somme maximale des mises peu élevée.

Le Conseil fédéral fixera cette somme, qui ne devra pas dépasser les 25 000 francs par événement (al. 3). En cas de dépassement, on considérera que le loto ou la tombola est une petite loterie, auquel cas les art. 32, 33, 34, al. 3, et 37 à 40 s'appliqueront. Les cantons resteront libres de réglementer les tombolas et pourront décider s'ils souhaitent les autoriser, les limiter ou les interdire.

Les cantons assureront la surveillance sur les tombolas. Un canton qui autoriserait les tombolas sur son territoire devrait instituer une obligation préalable d'annoncer la tombola à l'autorité cantonale d'exécution à des fins de surveillance.

2.5

Chapitre 5 Exploitation de jeux de casino et de jeux de grande envergure

Ce chapitre règle les exigences liées à l'exploitation des jeux de casino et des jeux de grande envergure. On a fixé dans la mesure du possible un cadre général identique pour les deux types de jeux (section 1). Les spécificités liées à chacun des domaines sont réglées dans deux sections séparées (sections 2 et 3). La dernière section concerne la lutte contre le blanchiment d'argent.

Dispositions communes (art. 42 à 51) Art. 42

Programme de mesures de sécurité

Les maisons de jeu devront mettre en place un programme de mesures de sécurité pour obtenir une concession (art. 8, al. 1, let. a, ch. 2), ou une autorisation d'exploitant pour les exploitants de jeux de grande envergure (art. 22, al. 1, let. h). Les 7690

autorités de surveillance devront quant à elles vérifier que le programme de mesures de sécurité reste bien en place pendant toute la durée pendant laquelle la concession ou l'autorisation est valable. Le projet prévoit à cette fin que les exploitants rendent compte chaque année de la manière dont ils mettent en oeuvre le programme de mesures de sécurité (art. 47, al. 2).

L'art. 42, al. 1, reprend en substance l'art. 14, al. 1, LMJ. Le programme de mesures de sécurité devra tenir compte du danger potentiel et des canaux de distribution des jeux d'argent concernés. Il sera donc fonction du jeu ou du type de jeu. Il devra indiquer les mesures concrètes mises en place pour prévenir les infractions telles que le blanchiment d'argent ou la manipulation des jeux, mesures qui varieront en fonction des catégories de jeux et des jeux eux-mêmes. Il devra tenir compte des spécificités de chaque canal de distribution, aspect qui a son importance lorsqu'un jeu est également proposé en ligne. L'al. 2 comporte une énumération non exhaustive des exigences principales auxquelles devront satisfaire tous les programmes de mesures de sécurité.

L'utilisation d'un système de contrôle permettant de surveiller et de documenter les mises et les transactions liées à la délivrance des gains est particulièrement importante pour les jeux en ligne. Des mesures de ce type sont déjà appliquées aujourd'hui par les exploitants de jeux de grande envergure pour les jeux proposés en ligne.

Ainsi, les mises ne peuvent être opérées que par le biais d'un compte d'utilisateur individuel. En outre, les exploitants de jeux de grande envergure disposent d'un système de suivi au service de la lutte contre les manipulations de compétitions sportives (s'ils n'exploitent pas leur propre système, ils peuvent s'affilier à un ou plusieurs de ces systèmes, par exemple l'ELMS Monitoring System, l'Early Warning System de la Fifa ou Sportradar).

Afin d'assurer que les procédures de détermination des gains fonctionnent de manière irréprochable, les exploitants devront prévoir des mesures appropriées.

Les appareils et les moyens auxiliaires devront être certifiés (si une certification est indiquée et possible) ou testés et protégés contre les manipulations. Leur fonctionnement devra en outre être testé régulièrement.

Le programme de mesures de
sécurité devra également être concrétisé de manière à garantir que les personnes exclues ou frappées d'interdiction ne puissent pas avoir accès aux jeux (voir art. 52 et 78) et à éviter des agissements prohibés. Pour les maisons de jeu, cette exigence est notamment concrétisée par l'obligation d'exploiter une vidéosurveillance, de même que par les contrôles d'accès et d'entrée.

Il conviendra, conformément à l'al. 3, de préciser ces dispositions dans l'ordonnance du Conseil fédéral.

Art. 43

Obligation de communiquer

En cas d'événement susceptible de mettre en péril la sécurité et la transparence des jeux, les exploitants de maisons de jeu en informeront immédiatement l'autorité compétente.

7691

Art. 44

Information des joueurs

Hormis leur devoir d'information envers les autorités, les exploitants devront aussi fournir aux joueurs les informations nécessaires relatives au déroulement du jeu, telles que les règles du jeu, les possibilités de mises et de gains. Ces informations devront être facilement accessibles.

Art. 45

Mises et gains des joueurs non autorisés

Le droit en vigueur ne prévoit pas ce qu'il advient des mises engagées et des gains obtenus par les joueurs n'ayant pas l'âge minimum requis ou frappés d'une mesure d'exclusion (art. 78) ou d'une interdiction de jeu (art. 52). L'art. 45 permet de combler cette lacune. L'al. 1 prévoit que les joueurs n'ont aucun droit à obtenir le remboursement des sommes engagées. Les mises resteront ainsi acquises à la maison de jeu ou à l'exploitant de jeux de grande envergure. De même, les gains qu'ils auraient obtenus ne leur seront pas versés mais seront mis de côté par l'exploitant puis affectés intégralement à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité ou à des buts d'utilité publique.

Les mises engagées par ces joueurs ainsi que les gains versés directement à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité entreront dans le calcul du produit brut des jeux. Les gains versés à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité seront considérés comme des gains réglementaires versés par les maisons de jeu au sens de l'art. 116, al. 2.

Art. 46

Contrats avec des tiers

En principe, les exploitants de jeux de grande envergure et les maisons de jeu ne pourront pas conclure de contrats dont les clauses prévoient une rémunération du cocontractant en fonction du chiffre d'affaires ou du produit de l'exploitation des jeux. Cette disposition vise à garantir l'indépendance des exploitants vis-à-vis des tiers ainsi que leur pérennité financière. La fourniture de certains jeux, particulièrement dans le domaine des jeux en ligne, repose toutefois largement sur un système de rémunération en fonction du chiffre d'affaires. C'est pourquoi le projet prévoit qu'il pourra dans de tels cas être dérogé au principe mentionné ci-dessus pour autant que la rémunération soit raisonnable. Tel est le cas lorsqu'il existe une juste proportion entre le pourcentage du produit brut exigé et le travail fourni par le fournisseur de ces jeux. Des exceptions seront également possibles ­ à ces mêmes conditions ­ pour les contrats conclus entre les exploitants de jeu de grande envergure et les réseaux de distribution de ce type de jeux. Un restaurateur pourra en principe aussi distribuer les produits d'un exploitant de jeux d'adresse.

Art. 47

Rapports

Chaque année les exploitants de jeux de grande envergure et les maisons de jeu devront remettre un rapport de gestion à l'autorité d'exécution compétente. Les exigences auxquelles devra satisfaire ce rapport découlent du titre trente-deuxième du code des obligations. Comme indiqué dans le commentaire relatif à l'art. 42, ils seront par ailleurs tenus de rendre compte de la manière dont ils mettent en oeuvre leur programme de mesures de sécurité.

7692

Art. 48 et 49

Présentation des comptes, organe de révision

Le projet prévoit que les exploitants de jeux de grande envergure et les maisons de jeu appliquent les règles du code des obligations en matière de comptabilité et de présentation des comptes. L'application de ces règles doit notamment garantir une détermination correcte et transparente des montants qui seront affectés à l'assurancevieillesse, survivants et invalidité ou à des buts d'utilité publique. Le Conseil fédéral pourra toutefois déroger aux dispositions du code des obligations relatives à la comptabilité et à la présentation des comptes si les particularités liées au domaine des jeux l'exigent. De même, il pourra exiger que les comptes soient présentés conformément à l'une des normes comptables reconnues selon les art. 962 et 962a CO et selon l'ordonnance du 21 novembre 2012 sur les normes comptables reconnues80; ce faisant, il s'inspirera du droit en vigueur et pourra prévoir l'application de normes comptables différentes pour le domaine des jeux de grande envergure et celui des maisons de jeu. Les comptes annuels seront par ailleurs vérifiés par un organe de révision indépendant. Compte tenu des particularités de l'offre de jeux de grande envergure et de jeux de casino et des risques associés, les exigences vis-à-vis de l'organe de révision et de la révision seront sévères; c'est la raison pour laquelle le projet prévoit l'application des règles du contrôle ordinaire, que les exploitants atteignent les seuils fixés à l'art. 727 CO ou non. Les exploitants de jeux d'adresse qui n'atteindraient pas ces seuils conserveront toutefois la possibilité de demander un contrôle restreint au sens de l'art. 727a CO. Ces derniers ne pourront en revanche en aucun cas se soustraire au contrôle de leurs comptes annuels. L'organe de révision remettra son rapport à l'autorité de surveillance, qui pourra d'ailleurs définir les exigences minimales auxquelles le rapport devra satisfaire.

Art. 50

Obligation de dénoncer

En matière d'obligation de dénoncer, l'art. 50 va plus loin que l'art. 728c CO.

L'organe de révision sera tenu d'informer l'autorité d'exécution compétente s'il constate une violation des dispositions légales ou d'autres irrégularités, par exemple une violation des statuts de la société, lors de la vérification des comptes. Selon le CO, le devoir de dénonciation du réviseur n'existe que vis-à-vis du Conseil d'administration. L'obligation de dénoncer de l'organe de révision porte sur un point de moins qu'à l'art. 39 LMJ. Il ne devra plus informer l'autorité de poursuite pénale, puisque cette tâche relèvera de la compétence des autorités de surveillance.

Art. 51

Traitement des données

Les organes et les employés des maisons de jeu et des exploitants de jeux de grande envergure sont soumis à la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD)81. L'art. 51 autorise les exploitants de jeux de grande envergure ainsi que les maisons de jeu à traiter et échanger des données personnelles, y compris avec l'étranger (dans ce cas, l'art. 6 LPD s'applique), afin de protéger les joueurs du jeu excessif et de lutter efficacement contre les autres dangers inhérents aux jeux d'argent que sont le blanchiment d'argent et l'escroquerie. La notion de «données sensibles» s'entend au sens de l'art. 3, let. c, LPD. Dans le cas présent, il s'agit en particulier des informations concernant la santé du joueur (existence d'une dépen80 81

RS 221.432 RS 235.1

7693

dance au jeu). Par souci d'efficacité, les données enregistrées dans un but de prévention du jeu excessif pourront également être utilisées ­ pour autant qu'elles soient pertinentes ­ dans le cadre de la lutte contre les autres dangers inhérents au jeu, notamment dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d'argent, et inversement. Cette disposition doit être comprise de manière étendue. Dans le cadre de la législation sur la protection des données, les exploitants de jeux de grande envergure ainsi que les maisons de jeu pourront échanger des informations avec les exploitants dont le siège se trouve en Suisse ou à l'étranger. L'intérêt public à protéger la population contre le jeu excessif paraît suffisant pour justifier cette atteinte à la personnalité au sens de l'art. 13 LPD. Une meilleure collaboration avec les exploitants étrangers paraît d'ailleurs incontournable si l'on souhaite améliorer la lutte contre le jeu excessif. Elle constitue un instrument important pour éviter le «tourisme du jeu» des joueurs exclus. Bien entendu, le projet ne peut toutefois pas prévoir la réciprocité de l'échange d'informations pour les exploitants ayant leur siège à l'étranger. En l'absence d'accords bilatéraux, seul le droit interne des Etats concernés pourrait prévoir de telles dispositions.

Exploitation de jeux de casino (art. 52 à 59) Les dispositions de cette section sont fortement inspirées du droit en vigueur, voire le reprennent sans modification, comme c'est le cas des prescriptions relatives à la restriction de la participation (art. 53) et des règles concernant les mises et les enjeux (art. 55). Les règles portant sur les exclusions, la publicité, les prêts et les avances sont fixées au chapitre 6 du projet, consacré à la protection sociale. Dès lors, seules les modifications qui suivent méritent d'être commentées.

Art. 52

Interdiction de jeu

La disposition relative aux interdictions de jeu dans les maisons de jeu a été légèrement revue par rapport au droit en vigueur. Les personnes qui ont l'interdiction de jouer sont d'une part les mineurs et d'autre part les personnes qui ont un lien avec l'exploitation des jeux. Ces dernières auront l'interdiction de jouer dans les maisons de jeu pour ne pas éveiller le soupçon qu'elles puissent bénéficier, de par leur position, d'avantages injustifiés. Comme dans le droit en vigueur, les membres des organes des entreprises chargées de la fabrication ou du commerce d'installations de jeu seront frappés d'une interdiction. Au vu de l'objectif précité, il apparaît toutefois disproportionné d'interdire les membres de l'organe de révision de ces entreprises.

Seuls les membres du conseil d'administration et de la direction des entreprises produisant ou commercialisant des installations de jeu seront donc interdits. En revanche, les membres des organes de révision chargés de la révision de la maison de jeu elle-même resteront interdits de jeu. Pour ces derniers, une interdiction de jeu étendue à toutes les maisons de jeu semble disproportionnée, raison pour laquelle il ne seront interdits de jeu que dans les maisons de jeu avec lesquelles ils sont en relation (art. 52, al. 2, let. c). Enfin, bien que les membres de la direction des maisons de jeu ne soient pas mentionnés expressément, on considère qu'ils sont des employés participant à l'exploitation des jeux au sens de l'art. 52, al. 1 let. b. Ces règles s'appliqueront également aux jeux de casino exploités en ligne (voir aussi le commentaire relatif à l'art. 58).

7694

Art. 53

Restriction de la participation

Les maisons de jeu pourront refuser l'accès et la participation de certaines personnes aux jeux sans fournir de motif. Même si elles sont des sociétés concessionnaires, elles n'ont pas d'obligation de contracter ni d'admettre toutes les personnes désireuses de jouer.

Art. 54

Identification des joueurs

Les joueurs doivent être identifiés avant le début du jeu. Pour les maisons de jeu, l'identification continuera d'être effectuée à l'entrée de la maison de jeu. La preuve de l'identité pourra être apportée par tout document d'identité officiel. L'obligation d'identifier les joueurs vaut également pour les jeux en ligne: l'identification aura lieu au moyen de la création d'un compte d'utilisateur, basée sur une auto-déclaration (voir art. 67). Les détails seront réglés par voie d'ordonnance.

Art. 55

Mises et enjeux

Cette disposition comprend aussi les jetons et les plaques virtuels.

Art. 56

Produit illicite des jeux

Si la maison de jeu bénéficie d'un revenu des jeux qui a été obtenu de manière illicite, par exemple en violation de ses obligations légales, ce revenu devra être affecté intégralement à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité. Ce revenu n'entrera pas dans le calcul du produit brut des jeux, lequel constitue l'assiette de l'impôt sur les maisons de jeu. Le but est d'éviter d'inciter les maisons de jeu à adopter un comportement illicite, par exemple en laissant jouer un joueur qui aurait dû être exclu des jeux. En l'absence d'une telle disposition, en effet, le fait de violer ses obligations pourrait se révéler profitable à la maison de jeu, et ce en dépit de la sanction administrative qui lui serait imposée. Tel pourrait être le cas si la maison de jeu est soumise à un taux d'imposition bas, autrement dit s'il s'agit d'une maison de jeu plutôt petite. Cette disposition permet donc aussi de prévenir les inégalités de traitement entre les grandes et les petites maisons de jeu.

Art. 57

Pourboires et autres dons (ajouter cet élément aussi en allemand)

Matériellement, cette disposition correspond pour l'essentiel au droit en vigueur (art. 29 LMJ). Pour éviter toute tentative de corruption, les employés bien qu'autorisés à accepter des pourboires n'auront pas le droit de les conserver. De nombreux joueurs pensent en effet que faire participer le personnel au gain réalisé porte chance.

Le personnel devra remettre les pourboires à la maison de jeu, qui veillera à les gérer de manière séparée. Elle pourra par exemple mettre des pots communs (troncs) à la disposition des employés, comme le prévoit explicitement l'art. 29, al. 1, LMJ.

La maison de jeu sera en principe libre de décider selon quelles règles et dans quelles proportions elle affectera les pourboires au financement des frais de personnel. Généralement, ces pourboires sont redistribués à l'ensemble des employés, en tant que partie variable ou fixe du salaire.

7695

Les employés participant à l'exploitation des jeux ne seront pas autorisés à accepter d'autres dons.

Par contre, ceux qui ne participent pas directement à l'exploitation des jeux pourront accepter des pourboires et d'autres dons à titre individuel. L'al. 2 est formulé de manière plus générale que la disposition actuelle, qui cite explicitement le personnel de service. Le but n'est pas d'étendre le cercle des personnes concernées. Dans les maisons de jeu, seuls le personnel de service au restaurant, les chasseurs et les portiers ne participent pas à l'exploitation des jeux.

Art. 58

Jeux exploités en ligne

Certaines dispositions de cette section sont étroitement liées à l'exploitation des maisons de jeu et ne trouveront pas application pour les jeux exploités en ligne.

C'est le cas de l'art. 53, let. b et c.

Art. 59

Autorisations

L'art. 59 correspond en grande partie au droit en vigueur (art. 20 LMJ). Toutefois, le Conseil fédéral ne pourra plus prévoir d'autorisations spéciales en ce qui concerne le droit du personnel de direction, des animateurs des jeux et des croupiers d'exercer leur profession (art. 20, al. 1, let. a, LMJ). Puisque le Conseil fédéral n'a pas jusque là fait usage de cette compétence, il ne semble pas nécessaire de la conserver.

Exploitation de jeux de grande envergure (art. 60 à 65) Art. 60

Tirages de loterie

Le tirage d'une loterie constitue une phase déterminante du jeu; c'est de ce dernier que dépend l'attribution ou la non-attribution des gains. Il est donc important que le résultat du tirage puisse être déterminé avec exactitude et ne puisse être ni influencé ni manipulé. C'est pour cette raison que le tirage doit faire l'objet d'une surveillance. Actuellement, nombre de tirages sont effectués de manière automatisée. Les exploitants doivent documenter chacun d'eux d'une matière adéquate, en indiquant les résultats des tirages et l'application informatique utilisée. Les tirages manuels doivent quant à eux être surveillés par un officier public ou une personne habilitée à dresser des actes authentiques et faire l'objet d'un procès-verbal.

Art. 61

Offre de jeux de grande envergure

Al. 1 Il est possible de participer à des loteries directement mais aussi indirectement, par exemple par le biais d'une société de joueurs. Déjà à l'heure actuelle, du fait en particulier du développement des moyens de communication électroniques, des tiers ont la possibilité technique d'organiser, à des fins commerciales, des sociétés de joueurs ayant pour but la participation à des jeux de grande envergure, sans y avoir été autorisés par les exploitants de ces jeux. En contrepartie des services offerts, les joueurs versent une commission. Ce modèle d'affaires génèrr des chiffres d'affaires parfois considérables. L'organisateur de telles sociétés de joueurs n'est ­ contrairement aux exploitants autorisés ­ soumis à aucun contrôle direct des autorités. Par ailleurs, les profits générés par les organisations de ce type échappent à toute affec7696

tation à des buts d'utilité publique. Pour ces raisons, le projet prévoit d'interdire expressément l'organisation par des tiers, à des fins commerciales, de sociétés de joueurs ayant pour but la participation à des jeux de grande envergure.

Al. 2 La disposition prévue à l'al. 2 vise à éviter l'exploitation de salles de jeux de grande envergure. Elle ne s'appliquera pas aux sites Internet sur lesquels les exploitants de jeux de grande envergure proposent leurs jeux. D'une part, les jeux de grande envergure ne pourront être proposés que dans des lieux publics. Au sens de cette disposition, on estime que les lieux publics sont des lieux dont l'accès n'est subordonné au paiement d'aucun prix d'entrée ni à d'autres restrictions. D'autre part, ces jeux ne pourront pas être proposés dans des lieux qui sont principalement voués à l'exploitation de jeux d'argent. Il en va ainsi lorsqu'il n'y a que des jeux d'argent ou que les activités proposées parallèlement ne revêtent qu'un caractère accessoire (par ex. l'exploitation d'un nombre important de jeux de grande envergure dans un petit bar). La deuxième phrase introduit une exception pour les salles de jeux destinées à l'exploitation d'automates de jeux d'adresse, qui pourront continuer d'exister.

Art. 62

Contrats avec des organisations sportives ou avec des sportifs

Le projet interdit aux exploitants de jeux de grande envergure de détenir des intérêts économiques dans des organisations sportives participant à des compétitions sportives pour lesquelles l'exploitant organise des paris sportifs. Ce faisant, il vise à éviter les conflits d'intérêts, les influences sur les manifestations sportives, de même que l'utilisation abusive d'informations d'initiés. Parallèlement, une organisation sportive (un club de sport par exemple) ne pourra pas dépendre financièrement d'un exploitant de paris sportifs, ceci afin qu'elle puisse prendre des décisions et agir de manière totalement indépendante en fonction de ses propres besoins et de manière à atteindre ses propres objectifs.

En revanche, il sera bien entendu toujours possible de mettre une partie du bénéfice net de Swisslos et de la Loterie Romande au bénéfice du sport suisse, par exemple pour l'association faîtière Swiss Olympic, l'Association suisse de football ou de hockey sur glace. En 2014, 39 millions de francs ont été investis de cette manière.

Ce type de soutien au sport n'est pas touché par la disposition proposée, étant donné que les organisations sportives dont le but est principalement l'organisation de compétitions sportives ou la réglementation d'un sport mais non la participation active à des compétitions sont exclus de l'al. 1.

De même, les fonds cantonaux du sport qui distribuent la part de bénéfice de Swisslos et de la Loterie Romande dévolue au sport de masse pourront toujours verser les montants concernés directement aux clubs et organisations sportives. En effet, les organes de distribution des bénéfices des loteries sont indépendants des organisateurs et n'ont aucune part à l'organisation des paris.

Art. 63 et 64

Information de l'autorité en cas de soupçon de manipulation de compétitions sportives et collaboration avec les autorités

Une lutte efficace contre les manipulations de compétitions sportives implique une collaboration étroite et un échange d'informations efficient entre les autorités et les organisations privées impliquées, tant au niveau national qu'au niveau international.

Les autorités de poursuite pénale dépendent ainsi des informations des différentes 7697

parties impliquées lorsqu'il s'agit de rassembler des soupçons suffisants pour permettre l'ouverture d'une enquête. De même, l'autorité intercantonale a besoin d'informations afin de pouvoir refuser l'organisation d'un pari s'il existe des soupçons de manipulations de la compétition sportive concernée. Enfin, les exploitants de paris et les organisateurs de manifestions sportives ont besoin de s'échanger mutuellement des informations et de disposer de renseignements provenant des autorités de surveillance afin de pouvoir prendre eux-mêmes des mesures (renonciation à proposer un pari, interruption d'un pari en cours, suspension d'un ou de plusieurs sportifs ouannulation d'une compétition sportive par ex.).

Les dispositions de l'art. 63 complètent, dans ce contexte, les articles relatifs à l'assistance administrative et judiciaire (art. 108 et 109).

La convention du Conseil de l'Europe contre les manipulations de compétitions sportives (convention de Macolin) prévoit que l'échange d'informations entre les autorités concernées et les organisations sportives ont lieu par le biais d'une plateforme unique. L'art. 63, al. 2, dispose que l'autorité intercantonale assume cette fonction de plateforme. Cette autorité assurera par ailleurs l'échange d'informations avec l'étranger.

En cas de soupçon de manipulation illicite d'une compétition sportive pour laquelle ils offrent des paris, les exploitants de paris sportifs auront l'obligation d'informer l'autorité intercantonale (art. 63, al. 1). Cette obligation sera valable aussi bien pour les manifestations sportives qui ont lieu en Suisse que pour celles qui ont lieu à l'étranger.

L'art. 63, al. 2, règle les devoirs d'information qui incombent aux organisations sportives. Ces dernières informeront l'autorité intercantonale lorsqu'elles soupçonnent qu'une compétition sportive ­ qui a lieu en Suisse ou pour laquelle des paris sont offerts en Suisse ­ à laquelle elles participent, qu'elles organisent, dont elles assurent le déroulement ou la surveillance pourrait être manipulée. Ces devoirs incombent en premier lieu aux clubs de sport actifs au niveau national de même qu'à leurs associations et ligues (par ex. le club de football local, l'Association suisse de football et la Swiss Football League). Les associations sportives internationales qui ont leur siège
en Suisse (par ex. l'UEFA, la FIFA, le CIO) seront également soumises à ces devoirs d'information lorsque les conditions mentionnées ci-dessus seront remplies. On tient compte de la sorte du fait que la Suisse, en tant qu'Etat hôte de nombreuses organisations sportives internationales, doit jouer un rôle central dans la lutte contre les manipulations de compétitions sportives.

L'art. 63, al. 3, est important dans la mesure où il détermine l'étendue des informations qui devront être transmises à l'autorité intercantonale ainsi qu'aux autres autorités suisses, y compris aux autorités pénales. Ainsi, toutes les informations qui pourraient contribuer à la détermination d'un état de fait complet et convaincant devront être fournies (informations sur les participants à la compétition, le déroulement du jeu, les acteurs participants sur le terrain, etc.). Cela inclut les données sensibles telles que des informations sur l'existence de procédures pénales ou administratives contre une personne suspectée d'être impliquée dans une manipulation.

Ces données devront être remises spontanément aux autorités concernées.

L'art. 64, al. 1, prévoit le principe de la collaboration entre l'autorité intercantonale et les exploitants de paris sportifs, de même que les organisations actives sur le plan national et international. Cette collaboration est indispensable à la prévention et à la poursuite des manipulations illicites de compétitions sportives. Elle implique un 7698

échange d'informations non seulement de la part des exploitants et des organisations sportives (art. 63) mais aussi de la part de l'autorité intercantonale (al. 2). L'art. 64 vise à définir le cadre de cet échange d'informations. Ainsi, en cas de soupçon suffisant de manipulation d'une compétition sportive, l'autorité devra pouvoir fournir les informations pertinentes aux exploitants de paris sportifs et aux organisations sportives. Ce faisant, des données sensibles relatives à l'existence de procédures pénales ou administratives à l'encontre d'une personne pourront être transmises. De même, l'autorité pourra fournir des informations relatives aux habitudes d'un joueur (montant et fréquence des mises engagées, gains obtenus, etc.) qui permettront d'établir un profil de sa personnalité. Ces informations ne pourront être transmises que dans le cadre de la prévention et de la poursuite des manipulations de compétitions sportives, en cas de soupçon suffisant d'une telle manipulation. L'échange de ces informations sera exclu dans le cadre de la surveillance générale du comportement des joueurs et, plus généralement, ne pourra pas servir à la recherche indéterminée de preuves (fishing expedition). En revanche, si l'autorité dispose d'indices ou d'informations permettant de conclure avec suffisamment d'assurance à l'existence d'un risque de manipulation d'une compétition sportive, elle pourra transmettre les informations nécessaires de manière à ce que les exploitants et les organisations puissent prendre les mesures préventives qui s'imposent, notamment annuler la manifestation ou retirer la manifestation des paris proposés. Ce faisant, l'autorité respectera le principe de proportionnalité et transmettra uniquement les informations nécessaires. Par exemple, pour savoir s'il faut annuler un événement sportif, il ne devrait pas être nécessaire de transmettre des données sensibles. Le Conseil fédéral précisera les cas dans lesquels des données sensibles peuvent être transmises (art.

64, al. 3). Le principe de proportionnalité exige que les données transmises soient effacées rapidement dès que le soupçon s'avère infondé.

Art. 65

Restriction de la participation

Comme pour les maisons de jeu, les exploitants de jeux de grande envergure auront la possibilité de refuser la participation de certaines personnes, sans fournir de motif.

Lutte contre le blanchiment d'argent (art. 66 à 69) Dans le domaine des jeux d'argent, la lutte contre le blanchiment d'argent comporte deux volets. Il faut, d'une part, empêcher que les exploitants de jeux d'argent investissent des fonds d'origine criminelle dans leur activité. Il faut, d'autre part, que les exploitants veillent à ce que les joueurs n'utilisent pas la maison de jeu ou les jeux de grande envergure comme instruments de blanchiment d'argent.

L'examen de l'origine des fonds investis et de la réputation des ayants-droit économiques, des membres de la direction mais aussi des partenaires économiques aura lieu dans le cadre de la procédure d'octroi de la concession pour les maisons de jeu et de la procédure d'octroi de l'autorisation pour les exploitants de jeux de grande envergure. Le respect de ces conditions devra être garanti pendant toute la durée de validité de la concession ou de l'autorisation. Le second volet est réglé au chapitre 5, section 4.

7699

Art. 66

Application de la loi sur le blanchiment d'argent

Pour les maisons de jeu, le projet reprend le droit en vigueur, qu'il complète toutefois par de nouvelles règles spécifiques concernant les jeux en ligne. Les maisons de jeu resteront soumises à la LBA, qui s'appliquera également aux exploitants de jeux de grande envergure, afin de tenir compte du danger potentiel que ces jeux présentent.

Selon le projet, les exploitants de jeux de grande envergure seront également qualifiés d'intermédiaires financiers. Ce principe figurera à l'art. 2, al. 2, LBA (voir partie «modification d'autres actes», ch. 10). Pour ces exploitants, on dérogera néanmoins en partie aux obligations d'identification prévues au chapitre 2 de la LBA. L'identification ne se fera qu'au moment du versement des gains et uniquement s'il s'agit de gains substantiels. Cet écart par rapport aux règles usuelles s'explique, d'une part, par le fait que le risque de blanchiment d'argent semble minime au moment de l'établissement de la relation d'affaires (achat du ticket de loterie, pari sur une manifestation sportive) et, d'autre part, par le fait qu'une identification à ce moment entraînerait des charges administratives disproportionnées (compte tenu des nombreux points de vente non soumis à la LBA).

La CFMJ veillera à ce que les maisons de jeu se conforment à leurs obligations au sens du chapitre 2 de la LBA; l'autorité intercantonale assumera ce rôle pour les exploitants de jeux de grande envergure. Etant donné que le législateur fédéral n'est pas en mesure d'attribuer des compétences législatives à l'autorité intercantonale, l'art. 17, al. 2, LBA disposera qu'il appartient au DFJP de préciser les obligations de diligence des exploitants de jeux de grande envergure. Ce faisant, le département tiendra compte ­ comme la CFMJ dans le domaine des maisons de jeu ­ des spécificités et des risques liés aux différents jeux.

Art. 67

Obligations de diligence particulières pour les jeux exploités en ligne

Une réglementation particulière sera instituée pour les jeux proposés en ligne, qu'il s'agisse de jeux de grande envergure ou de jeux de casino.

Contrairement au principe fixé à l'art. 3, al. 1, LBA, il est prévu que l'identification du joueur puisse avoir lieu sur la base d'une auto-déclaration lors de l'ouverture de son compte d'utilisateur, étant donné l'absence de risque de blanchiment d'argent à ce moment. La vérification de l'identité au moyen de pièces justificatives ne sera exigée qu'au moment du versement des gains ou si les mises mensuelles dépassent un certain montant. Les obligations de diligence et notamment les sommes considérées comme importantes seront déterminées par le DFJP pour les jeux de grande envergure et par la CFMJ pour les jeux de casino. Ce faisant, on veillera à ce que les obligations soient de même niveau dans les deux domaines, tout en tenant compte des spécificités et risques que présentent les différents jeux.

Art. 68

Chèques et dépôts

Les dispositions relatives aux chèques et dépôts sont reprises de la LMJ et leur application est étendue aux jeux de grande envergure. Seuls les chèques nominatifs pourront être acceptés. L'al. 4 précise que la tenue d'un compte de joueur personnel est autorisée pour les jeux exploités en ligne. Le Conseil fédéral pourra fixer la somme maximale pouvant être détenue sur ce compte. Si les gains réalisés sont supérieurs à cette somme, ils ne pourront pas être versés intégralement sur le 7700

compte. Les montants déposés sur les comptes de joueurs et les avoirs en dépôt ne porteront pas intérêt.

Art. 69

Attestations de gains

Pour des raisons liées au risque de blanchiment d'argent, les maisons de jeu ne délivreront pas d'attestations de gains à leurs clients. En effet, lorsqu'un client se présente à la caisse pour échanger des jetons contre de l'argent, la maison de jeu n'a aucun moyen de connaître la provenance des fonds, ni de savoir si le client a effectivement gagné en jouant. En revanche, la maison de jeu peut délivrer une simple quittance au moment où le client échange de l'argent contre des jetons ou plaques à son arrivée au casino, et au moment où il échange des jetons ou plaques contre de l'argent lorsqu'il quitte le casino. Ces quittances attestent que l'opération d'échange a eu lieu, mais n'engagent en rien la maison de jeu quant à la provenance des fonds échangés par le client.

2.6

Chapitre 6 Protection des joueurs contre le jeu excessif

Les jeux d'argent présentent plusieurs dangers, et en premier lieu celui du jeu excessif. L'un des buts de la loi est d'assurer à la population une protection appropriée contre le jeu excessif. Le chapitre 6 régit les mesures de protection, qui reposent sur deux axes principaux: une première série de mesures incombera aux exploitants de jeux d'argent, et une deuxième aux cantons, qui seront tenus de prendre des mesures de prévention et d'offrir des possibilités de conseil et de traitement. Les mesures de protection correspondront largement à la réglementation en vigueur dans le domaine des maisons de jeu et à la pratique actuelle en matière de jeux de grande envergure.

Le projet tient compte, en outre, de l'avant-projet de Stratégie nationale Addictions de l'Office fédéral de la santé publique. Les nouveautés se limiteront pour l'essentiel aux points suivants: ­

l'extension de l'offre de jeux sur Internet s'accompagnera de mesures de protection adéquates;

­

le législateur fédéral imposera non seulement à la Confédération mais également aux cantons de prendre des mesures destinées à protéger les joueurs contre le jeu excessif;

­

non seulement les maisons de jeu, mais également les exploitants de jeux de grande envergure, seront légalement tenus d'élaborer un programme de protection des joueurs;

­

l'instrument de l'exclusion de jeu en vigueur dans le domaine des maisons de jeu sera étendu aux jeux de grande envergure présentant un danger potentiel important.

Mesures incombant à tous les exploitants de jeux d'argent (art. 70 à 73) La section 1 énumère les mesures de protection incombant à tous les exploitants de jeux d'argent.

7701

Art. 70

Principe

En vertu de l'al. 1, tous les exploitants de jeux d'argent seront tenus de prendre des mesures appropriées pour protéger les joueurs contre le jeu excessif. La disposition précise ce qu'il faut entendre par «jeu excessif»: il s'agira de protéger les joueurs contre la dépendance au jeu et contre le fait d'engager des mises sans rapport avec leur revenu et leur fortune. Les mesures de protection devront être appropriées, ce qui signifie que parallèlement à l'intérêt de protéger les joueurs, il faudra également tenir compte de l'intérêt des joueurs de pouvoir jouer sans être trop surveillés, de même que de l'intérêt de disposer d'une offre attrayante. A cet égard, on retiendra qu'une offre légale de jeux peut aussi permettre une meilleure prévention de la dépendance au jeu. Lorsque cette offre reste suffisamment attrayante, on peut éviter dans une large mesure que les joueurs se tournent vers des jeux étrangers non autorisés, susceptibles pour certains de favoriser le jeu excessif.

Les mineurs devront être particulièrement protégés: l'accès aux jeux de casino ainsi qu'aux jeux de grande envergure exploités en ligne leur sera interdit (al. 2). En ce qui concerne les autres jeux de grande envergure, l'autorité intercantonale décidera s'ils sont autorisés à partir de 16 ans ou à partir de 18 ans (al. 3). Le danger potentiel que présente un jeu spécifique sera le critère à prendre en compte pour fixer l'âge minimum.

Art. 71

Mesures de protection liées au jeu

Les mesures que les exploitants de jeux d'argent seront tenus de prendre pour protéger les joueurs contre le jeu excessif seront fonction du danger potentiel que présente un jeu spécifique (al. 1). Les exigences à cet égard seront d'autant plus sévères que le danger potentiel est élevé. Dans l'appréciation du danger potentiel et la définition des mesures, on tiendra compte des caractéristiques du jeu spécifique et du canal de distribution (al. 2). Parmi les caractéristiques du jeu, on retiendra notamment le taux de redistribution, la rapidité du jeu, l'importance des mises, les chances de gains, le degré d'automatisation et la présentation du jeu. Ces caractéristiques seront prises en considération de manière globale, et non isolément, en tenant compte de leurs interactions. Par «canal de distribution», il faut entendre les circuits de distribution des jeux d'argent, dont quatre figurent au premier plan: les jeux de casino sont exploités au sein des maisons de jeu, ce qui permet l'élaboration d'un programme de mesures uniforme pour tous les jeux. Les jeux de grande envergure sont distribués dans des points de vente publics, notamment dans le commerce de détail et dans le secteur de la restauration. Les jeux de grande envergure sont également exploités en ligne, possibilité qui sera également donnée aux jeux de casino. Les jeux de petite envergure sont toujours exploités en «un endroit»: les petites loteries dans le cadre d'une manifestation locale, les paris sportifs lors d'une compétition locale et les tournois de poker au lieu où se déroule le tournoi lui-même. Les canaux de distribution présentent tous des caractéristiques différentes, qui influent d'une part sur le choix des mesures de protection et d'autre part sur l'applicabilité de ces mesures.

L'al. 3 précise que l'autorité compétente n'autorisera un jeu spécifique que si les mesures de protection sont suffisantes.

7702

Art. 72

Publicité

L'al. 1 dispose que la publicité des exploitants de jeux d'argent ne peut ni être outrancière, ni induire en erreur (par ex. jeux d'argent comme moyen de gagner sa vie). De plus, la publicité ne pourra cibler ni s'adresser nommément à des mineurs ou à des personnes frappées d'une exclusion (al. 2). Enfin, toute publicité pour des jeux non autorisés en Suisse sera interdite (al. 3).

Art. 73

Prêts, avances et jeux gratuits

Aux termes de l'art. 73, les exploitants de jeux d'argent ne peuvent consentir ni prêts ni avances aux joueurs. L'attribution de jeux ou de crédits de jeu gratuits sera en revanche admise, comme c'est le cas selon la pratique actuelle dans le domaine des maisons de jeu et des jeux de grande envergure. Ces pratiques seront maintenues, y compris pour ce qui est du montant admis des crédits de jeu gratuits. L'attribution de jeux et de crédits de jeu gratuits sera soumise à l'autorisation préalable de l'autorité d'exécution compétente.

Mesures supplémentaires incombant aux maisons de jeu et aux exploitants de jeux de grande envergure (art. 74 à 82) La section 2 énumère les mesures que les maisons de jeu et les exploitants de jeux de grande envergure seront tenus de prendre en complément aux mesures visées à la section 1. Ces mesures supplémentaires sont nécessaires car les jeux de grande envergure, tout comme les jeux de casino, sont potentiellement plus dangereux que les jeux de petite envergure.

Art. 74

Programme de mesures sociales

Toutes les maisons de jeu et tous les exploitants de jeux de grande envergure seront tenus d'élaborer un programme de mesures sociales adapté à leur offre de jeux. Si un exploitant offre des jeux d'argent qui ne présentent pas tous le même danger potentiel et dont la distribution passe par divers canaux, il devra tenir compte de ces éléments et concevoir des mesures différenciées. Le programme de mesures sociales prendra en compte l'ensemble de l'offre.

L'al. 1 énumère de façon non exhaustive les divers domaines dans lesquels les exploitants devront prendre des mesures en tenant compte du danger potentiel et des caractéristiques des canaux de distribution des divers jeux offerts. Le danger potentiel que présente un jeu spécifique et les caractéristiques du canal de distribution utilisé détermineront quelles mesures doivent être prises dans un ou plusieurs des domaines définis aux let. a à f et précisés aux articles suivants (art. 75 à 80). Ce qui vaut dans la section 1 pour tous les exploitants de jeux d'argent s'appliquera également a fortiori aux maisons de jeu et aux exploitants de jeux de grande envergure: un équilibre devra s'instaurer entre l'intérêt de la protection des joueurs, d'une part, et l'intérêt des joueurs de ne pas être trop surveillés, de même que l'intérêt à disposer d'une offre attrayante, d'autre part. D'un côté, les mesures devront assurer une protection effective des joueurs contre le jeu excessif, et de l'autre elles devront être proportionnées de manière à garantir une offre de jeux attrayante.

Pour l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation des mesures, les maisons de jeu et les exploitants de jeux de grande envergure pourront notamment collaborer avec les autorités de surveillance, d'autres exploitants de jeux d'argent, des chercheurs, 7703

des institutions de prévention de la dépendance, des institutions thérapeutiques et des services sociaux (al. 2).

Art. 75

Information

En vertu de l'al. 1, les maisons de jeu et les exploitants de jeux de grande envergure fourniront, sous une forme aisément accessible et facilement compréhensible, des informations sur les risques du jeu et des questionnaires d'auto-évaluation sur le comportement en matière de jeu. De plus, ils informeront le public sur les possibilités d'autocontrôle des joueurs, de limitation de jeu et d'exclusion, de même que sur d'autres offres d'aide et de traitement pour les personnes dépendantes, endettées ou présentant un risque de dépendance et pour leur entourage, y compris les adresses de services de conseil et de groupes d'entraide reconnus. Les adresses fournies incluront en particulier celles de services de conseil cantonaux reconnus et de groupes d'entraide.

Si cela est indiqué au vu du danger potentiel que présente le jeu spécifique et des caractéristiques de son canal de distribution, les maisons de jeu et les exploitants de jeux de grande envergure attireront l'attention des joueurs sur leur comportement en matière de jeu (al. 2). Pour les jeux exploités en ligne, il sera possible d'informer systématiquement les joueurs sur leur durée de jeu et leurs pertes, et il sera dès lors indiqué de le faire pour les jeux présentant un danger potentiel important. Dans les maisons de jeu, on s'en tiendra à la pratique actuelle, qui a fait ses preuves: les joueurs seront observés dans le cadre des mesures de repérage précoce et on attirera leur attention sur leur comportement en matière de jeu ­ en les interrogeant éventuellement ­ s'ils se conduisent de manière singulière (réactions colériques, fréquence ou durée inhabituelle de la présence au casino, etc.). Pour les jeux offerts dans des points de vente publics (par ex. commerces de détail et établissements de restauration), il ne serait pas conforme au principe de proportionnalité d'observer systématiquement le comportement de chacun et d'informer les joueurs en conséquence, car ce canal de distribution est caractérisé par l'importante fréquentation, l'anonymat de la clientèle, de fortes fluctuations de personnel, et le fait que les jeux d'argent ne sont qu'une offre parmi beaucoup d'autres.

Art. 76

Repérage précoce

Si cela est indiqué au vu du danger potentiel que présente un jeu spécifique et des caractéristiques de son canal de distribution, les maisons de jeu et les exploitants de jeux de grande envergure fixeront des critères de repérage précoce des joueurs présentant un risque de dépendance et prendront les mesures adéquates (al. 1). Les critères à appliquer pour le repérage précoce seront fonction du danger potentiel que présente un jeu spécifique et des caractéristiques de son canal de distribution: pour les jeux en ligne, on pourra enregistrer et évaluer des données sur le comportement du joueur telles que la durée du jeu, les pertes nettes ou la fréquence de la participation au jeu. C'est donc l'évaluation de ces caractéristiques qui servira de critère pour le repérage précoce. Par contre, pour les jeux offerts dans des points de vente publics (par ex. commerces de détail et établissements de restauration), les critères de repérage précoce se heurteraient rapidement à des obstacles pratiques. Le cas des jeux offerts dans les maisons de jeu se situe entre ces deux extrêmes. Pour ces jeux, les maisons de jeu continueront, comme aujourd'hui, à fixer les critères. Le suivi systématique du comportement individuel des joueurs (mises, durée de jeu, etc. et leur 7704

évolution dans le temps) ne serait pas conforme au principe de proportionnalité: on continuera par conséquent à effectuer des observations ponctuelles, concernant notamment des changements de comportement, des réactions colériques, une attitude atypique, une durée inhabituelle de jeu, des visites fréquentes ou des mises importantes.

Les mesures seront différenciées. Pour les jeux en ligne et les jeux exploités dans les maisons de jeu, on pourra par exemple attirer d'abord l'attention d'une personne sur son comportement en matière de jeu si celui-ci est problématique. Si cela reste sans effet et que le joueur persiste, il est envisageable de mener un entretien avec lui. A cette occasion, on pourra, dans un premier temps, discuter de son comportement en matière de jeu, pour le sensibiliser mais aussi pour en apprendre davantage sur lui, sa relation aux jeux d'argent et son environnement. Si cela semble indiqué, on pourra alors tenter de conclure avec lui un arrangement de sorte qu'il se soumette à un autocontrôle. De façon générale, exclure un joueur doit rester le dernier recours, car on risque toujours que les joueurs exclus se tournent vers des jeux non autorisés, et partant non contrôlés.

Art. 77

Autocontrôle des joueurs et limitations de jeu

L'art. 77 impose aux maisons de jeu et aux exploitants de jeux de grande envergure de mettre à la disposition des joueurs des moyens pour contrôler leur comportement en matière de jeu afin qu'ils puissent notamment contrôler et limiter la durée pendant laquelle ils jouent, la fréquence à laquelle ils jouent ou leurs pertes nettes, dans la mesure où cela paraît indiqué et praticable en regard du danger potentiel que présente le jeu spécifique et des caractéristiques de son canal de distribution. Les autocontrôles et limitations de jeu sont des mesures de prévention particulièrement efficaces lorsqu'elles sont appliquées en accord avec les joueurs. Les mesures d'autocontrôle et de limitation de jeu ne seront proposées que si elles sont indiquées en raison du danger potentiel que présente le jeu considéré. Il faudra également prendre en considération le canal de distribution du jeu: dans le domaine des jeux en ligne, les autocontrôles et les limitations de jeu sont relativement faciles à mettre en place, car on peut suivre aisément, individuellement et en continu, le comportement d'un joueur, ce qui n'est pas le cas pour les jeux pratiqués dans les maisons de jeu ou dans les points de vente des jeux de loterie. Pour ce qui est des maisons de jeu, on se reportera au commentaire des art. 75 et 76. Dans ces domaines, un suivi individuel et systématique du comportement d'un joueur n'est pas conforme au principe de proportionnalité, et il en va de même des possibilités d'autocontrôle et de limitation de la durée de jeu et des pertes. En revanche, les jeux de grande envergure présentant un danger potentiel important et exploités dans des points de vente publics devront être dotés d'éléments modérateurs, qui pourront être par exemple des ralentisseurs de jeu, l'affichage du temps de jeu et l'absence de possibilité de s'asseoir et de consommer des boissons durant le jeu. On pourra y ajouter le refus des paiements par carte bancaire et l'obligation de retirer des gains d'une certaine importance (de plus de 1000 francs par ex.) non pas sur place mais auprès d'un guichet central, c'est-à-dire ultérieurement.

7705

Art. 78

Exclusion

L'art. 78 règle l'exclusion du jeu. Il s'inspire des dispositions actuelles de l'art. 22 LMJ et les étend, pour des raisons de cohérence, aux jeux de grande envergure présentant un danger potentiel important. Les maisons de jeu et les exploitants de jeux de grande envergure exploités en ligne excluront ainsi les personnes dont ils savent ou devraient présumer, sur la base de leurs observations ou d'informations provenant de tiers, qu'elles sont surendettées ou ne remplissent pas leurs obligations financières, ou qu'elles engagent des mises sans rapport avec leur revenu et leur fortune (al. 1). En outre, ils devront exclure les personnes dont ils savent ou devraient présumer, sur la base de l'annonce d'un service spécialisé ou d'une autorité sociale, qu'elles sont dépendantes au jeu (al. 2).

L'expression «savent ou devraient présumer» doit être interprétée en relation avec les mesures de repérage précoce. Dans le domaine des maisons de jeu, on s'en tiendra à la réglementation en vigueur, qui fait l'objet d'une jurisprudence (notamment TAF B-4830/2011 du 26 juin 2013 et TF 2C_949/2010 du 18 mai 2011). Dans le domaine des jeux d'argent en ligne, une personne sera exclue si elle est remarquée dans le cadre du repérage précoce en raison de sa façon de miser, de la durée pendant laquelle elle joue et de la fréquence à laquelle elle joue et que, suite à un contact avec elle, on a un motif de soupçonner qu'elle fait partie des personnes visées aux al. 1 et 2. En ce qui concerne les jeux exploités dans des points de vente publics (par ex. commerces de détail et établissements de restauration), si une personne au comportement de jeu singulier est signalée, l'exploitant devra essayer d'entrer en contact avec elle. Si, à la suite de ce contact, il y a un motif de soupçonner qu'elle fait partie des personnes visées à l'al. 1 et 2, elle devra être exclue.

En attendant que la personne concernée fournisse les informations demandées, les maisons de jeu et les exploitants de jeux de grande envergure auront la possibilité de prononcer une exclusion à titre de mesure provisoire, pour une durée très limitée.

L'expression «dépendantes au jeu» doit être interprétée à la lumière des connaissances scientifiques. Les exigences portant sur l'obligation de déceler la dépendance d'un joueur ne seront pas trop élevées. Les
maisons de jeu ne devront prendre une mesure d'exclusion que si elles savent ou devraient présumer, sur la base de l'annonce d'un service spécialisé ou d'une autorité sociale, qu'une personne est dépendante au jeu.

L'al. 3 règle l'extension de l'exclusion aux jeux de grande envergure qui ne sont pas exploités en ligne. Cette extension sera prononcée lorsqu'elle est indiquée en raison du (fort) danger potentiel du jeu. La décision appartiendra à l'autorité intercantonale dans le cadre de l'octroi de l'autorisation du jeu.

L'al. 4 indique que l'exclusion s'étendra aux jeux de casino, aux jeux de grande envergure exploités en ligne et aux jeux de grande envergure auxquels l'autorité intercantonale a étendu l'exclusion au sens de l'al. 3. Une exclusion prononcée par un exploitant est un acte de droit privé qui se concrétise en une interdiction de jeu selon l'art. 52. Une décision d'exclusion n'a de sens que si elle est réellement mise en oeuvre. Les exigences en la matière seront fixées au niveau de l'ordonnance. Dans les maisons de jeu, il s'agira d'interdire comme aujourd'hui l'accès aux personnes exclues (contrôles d'identité à l'entrée). Pour les jeux en ligne, il faudra aussi prévoir un contrôle d'identité pour empêcher les personnes exclues d'accéder aux jeux.

En ce qui concerne les jeux exploités dans des points de vente publics (par ex.

commerces de détail et établissements de restauration), les deux solutions princi7706

pales suivantes sont envisageables. L'exclusion pourrait être opérée au niveau de l'accès au jeu. Pour ce faire, les joueurs devraient être identifiés au moment de l'accès au jeu, ce qui dans les points de vente publics s'avèrerait rapidement impraticable et disproportionné. Il serait dès lors plus réaliste d'exécuter l'exclusion au niveau du versement des gains: on pourrait prescrire que les gains supérieurs à un montant donné, par exemple 1000 francs, ne seront versés par l'exploitant du jeu de grande envergure qu'à la condition que le joueur ne soit pas sous le coup d'une exclusion. Par conséquent, le versement des gains supérieurs au montant fixé ne pourrait jamais être le fait du personnel de vente (du kiosque ou du restaurant par ex.). Par rapport à la première solution, cette seconde réglementation paraît plus aisément applicable.

Une exclusion pourra résulter non seulement d'une décision d'une maison de jeu ou de l'exploitant d'un jeu de grande envergure, mais encore d'une demande du joueur lui-même auprès d'un exploitant habilité à prononcer des exclusions (al. 5).

L'exclusion de jeu sera communiquée par écrit à la personne concernée, avec ses motifs (al. 6).

Art. 79

Levée de l'exclusion

A la demande de la personne concernée, l'exclusion sera levée lorsque les motifs d'exclusion n'existent plus. La demande devra être adressée à l'exploitant qui a prononcé l'exclusion. Un spécialiste ou un service spécialisé reconnu par le canton sera associé à la procédure de levée de l'exclusion. Le recours contre une décision d'exclusion d'un exploitant vis-à-vis d'un joueur de même que contre une décision de ne pas donner suite à une demande de levée de l'exclusion relève des tribunaux civils en raison de la nature privée du contrat de jeu.

Art. 80

Registre

Un registre des personnes exclues devra être tenu en vue de l'exécution des exclusions. L'al. 1 impose à tous les exploitants de jeux d'argent habilités à prononcer des exclusions de tenir un registre des personnes exclues et de se communiquer mutuellement les données. Les exploitants resteront toutefois libres de tenir un registre commun (al. 2): dans ce cas, les exploitants participant à la tenue du registre (commun) y auront accès. Le registre contiendra l'identité des personnes exclues avec le type d'exclusion et son motif (al. 3). Les exploitants devront respecter les dispositions de la LPD.

Art. 81

Formation et perfectionnement

L'art. 81 dispose que les responsables du programme de mesures sociales ainsi que les employés de la maison de jeu ou de l'exploitant de jeux de grande envergure chargés de l'exploitation du jeu ou de sa surveillance devront suivre une formation de base et des cours annuels de perfectionnement et d'approfondissement.

7707

Art. 82

Rapport

En vertu de l'art. 82, les maisons de jeu et les exploitants de jeux de grande envergure feront rapport annuellement à l'autorité de surveillance compétente sur l'efficacité des mesures de protection des joueurs contre le jeu excessif.

Mesures incombant aux cantons (art. 83) Les sections 1 et 2 du chapitre 6 portent sur les mesures que les maisons de jeu et les exploitants de jeux de grande envergure devront prendre pour protéger les joueurs du jeu excessif. La section 3 règle le second groupe de mesures destinées à protéger les joueurs. Ces mesures incomberont aux cantons. L'art. 83 impose à ceux-ci de prendre des mesures de prévention contre le jeu excessif et d'offrir des possibilités de conseil et de traitement aux personnes dépendantes au jeu ou présentant un risque de dépendance ainsi qu'à leur entourage (al. 1). Les cantons pourront coordonner leurs mesures visant à prévenir le jeu excessif avec celles des maisons de jeu et des exploitants de jeux de grande envergure (al. 2). Ce sera le cas en particulier pour assurer le repérage précoce des joueurs présentant un risque de dépendance ou à problèmes. Les mesures de prévention destinées à protéger les joueurs du jeu excessif ne pourront être efficaces que si les actions des différents intervenants se complètent et sont coordonnées entre elles. Pour le financement de ces mesures cantonales, Swisslos et la Loterie Romande s'acquittent aujourd'hui déjà d'une taxe de 0,5 % du revenu brut des jeux réalisé sur leurs territoires cantonaux (art. 18 CILP). La CDCM ne conteste d'aucune manière la reconduction de cette taxe de prévention de la dépendance au jeu. Le projet ne prévoit pas d'étendre ce prélèvement aux maisons de jeu (voir ch. 5).

2.7

Chapitre 7 Restriction de l'accès aux offres de jeux d'argent en ligne non autorisées en Suisse

La lutte contre le jeu illégal constitue une condition nécessaire à l'accomplissement des objectifs de la nouvelle loi. En effet, il ne sert à rien d'imposer des exigences élevées aux offres légales si les joueurs peuvent accéder sans difficultés à des offres illégales soumises à moins de contraintes et donc plus attractives, du moins à leurs yeux. A l'heure actuelle, une part importante du jeu illégal en Suisse se déroule sur des sites Internet, mis en ligne et gérés depuis l'étranger. Comme les exploitants de ces sites de jeux se trouvent généralement dans des pays où de tels jeux sont légaux (par ex. Gibraltar, Malte, Antigua-et-Barbuda), l'application du droit pénal suisse se heurte rapidement à des obstacles tant juridiques que pratiques: entraide judiciaire lente ou difficile, voire impossible à obtenir du fait de l'exigence de la double incrimination, difficulté à identifier précisément les exploitants de tels sites, problème posé par la territorialité de la loi pénale, etc. Ces problèmes n'existent pas pour les sites de jeux exploités depuis la Suisse. Le projet prévoit dès lors des mesures spécifiques de lutte contre les offres de jeux en ligne, diffusées depuis l'étranger et proposées en Suisse sans autorisation.

Il s'agit en substance d'introduire un système de «listes noires» des offres non autorisées, lesquelles feront l'objet d'un blocage de la part des fournisseurs de services de télécommunication, dans leur rôle de fournisseurs d'accès à Internet.

7708

Des dispositions légales relatives au blocage de sites Internet proposant des jeux non autorisés existent dans d'autres pays en Europe, par exemple en France, en Belgique, au Danemark ou en Italie.

Pour l'heure, la Suisse ne connaît un système similaire que dans le domaine de la pédopornographie, où le Service national de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet (SCOCI), rattaché à fedpol, établit une liste noire des sites Internet illégaux. Ce système ne repose cependant pas sur des obligations légales, mais sur la participation volontaire des fournisseurs d'accès à Internet. L'objectif poursuivi dans le projet est d'introduire un système contraignant. Les spécificités du jeu d'argent justifient d'avoir recours à des mesures de ce type. Le but des règles proposées est double. Il s'agit, d'une part, d'orienter les joueurs en Suisse vers l'offre légale, qui offre des garanties du point de vue de la protection des joueurs contre le jeu excessif et les autres dangers liés au jeu, ainsi que du point de vue de la sécurité et de la transparence du déroulement. Il s'agit, d'autre part, de s'assurer qu'une proportion la plus grande possible des bénéfices des jeux d'argent aille soit à l'assurancevieillesse, survivants et invalidité, soit à des buts d'utilité publique, au lieu de bénéficier à des opérateurs privés à l'étranger.

Art. 84

Blocage de l'accès aux offres de jeux non autorisées

Cette disposition expose le principe du dispositif de lutte contre les offres de jeux en ligne non autorisées: les sites Internet non autorisés figureront sur des «listes noires», et l'accès à ces sites devra être bloqué par les fournisseurs de services de télécommunication (al. 1 et 4).

Ne seront visées que les offres de jeux en ligne effectivement accessibles depuis la Suisse, autrement dit les offres de jeux auxquelles les joueurs en Suisse peuvent effectivement jouer. Les offres de jeux en ligne non accessibles depuis la Suisse ne seront pas concernées, quand bien même elles ne sont pas autorisées en Suisse (al. 2). Par ailleurs, ce dispositif de blocage ne concernera que les offres dont l'exploitant est situé à l'étranger (domicile ou siège social) ou dont l'exploitant dissimule son siège. Tel est le cas notamment lorsque le site Internet concerné ne contient aucune indication relative à l'adresse ou au siège de l'exploitant, ou a fortiori aucune indication quant à l'identité de celui-ci. En effet, les offres illégales exploitées depuis la Suisse pourront être supprimées par les voies administratives ou pénales ordinaires. Le blocage pourra notamment être prononcé à titre provisoire par les autorités compétentes. Un dispositif tel que celui prévu ici n'est donc pas nécessaire pour les offres en Suisse.

Il y aura deux listes de blocage, l'une pour le domaine des jeux de casino, qui sera tenue et gérée par la CFMJ, et l'autre pour le domaine des jeux de grande envergure, qui sera tenue et gérée par l'autorité intercantonale (al. 3). Cette solution à deux autorités a été choisie pour des raisons de respect de la répartition des compétences entre les cantons et la Confédération. Il n'est pas exclu ­ il est même probable ­ qu'un même site Internet figure sur les deux listes, puisqu'il est courant pour les grands sites de jeux en ligne de proposer à la fois des jeux de type casino et des jeux comme les paris qui relèvent des jeux de grande envergure. Ces doublons ne porteront pas à conséquence puisque les mêmes fournisseurs d'accès à Internet mettront le blocage en oeuvre.

Les listes devront être tenues à jour régulièrement par les autorités de surveillance, selon une périodicité qui devra être déterminée dans les dispositions d'exécution.

7709

Les autorités devront être le plus précises possibles dans la désignation des offres visées, de manière à ce que les fournisseurs de services de télécommunication puissent les bloquer sans autres recherches, et pour qu'il n'y ait pas de «surblocage», c'est-à-dire de blocage de sites entiers alors que seule une petite partie pose un problème au regard de la législation sur les jeux d'argent. En l'état actuel de la technologie, la liste contiendra surtout des noms de domaine (DNS = domain name system = nom de domaine associé à une adresse IP), par exemple: www.ofj.admin.ch, mais il n'est pas exclu que cela évolue à l'avenir, en fonction des progrès techniques, par exemple vers l'utilisation des URL (= Uniform Resource Locator ou «adresse web») pour les applications.

Les autorités de surveillance ne devront pas nécessairement adopter un comportement actif et surveiller elles-mêmes Internet pour trouver les offres non autorisées.

On peut partir de l'idée que les exploitants d'offres légales en Suisse constitueront leur principale source d'information: ce sont eux qui connaissent le mieux le marché et sont susceptibles de repérer les offres non autorisées utilisées par les joueurs suisses. Les autorités compétentes devront cependant analyser et vérifier les informations qui leur seront transmises par des tiers avant d'inscrire les offres incriminées sur leurs listes de blocage. La répartition usuelle des compétences entre la CFMJ et l'autorité intercantonale reste de mise: la CFMJ s'occupe des maisons de jeu, l'autorité intercantonale s'occupe des jeux de grande envergure. Une obligation de coordination entre les deux autorités devra être prévue dans les dispositions d'exécution.

Mis à part les tribunaux dans le cadre d'une procédure judiciaire, aucune autre autorité que la CFMJ et l'autorité intercantonale ne pourra décider le blocage d'une offre de jeux d'argent sur Internet. Les fournisseurs de services de télécommunications auront pour seuls interlocuteurs la CFMJ et l'autorité intercantonale.

Du point de vue de leur qualification juridique, les listes de blocage constitueront des décisions de portée générale ordonnant le blocage des sites Internet mentionnés.

La terminologie «jeux en ligne» est suffisamment large pour inclure les offres accessibles par le biais d'applications pour smartphones,
tablettes etc. Parmi ces offres, il faut distinguer entre les applications Web mobiles et les applications natives. Une application Web (par ex. https://m.bwin.com) est un site conçu pour une utilisation sur petit écran. Le site lui-même ne sera plus accessible si les fournisseurs de services de télécommunication bloquent le nom de domaine (dans notre exemple bwin.com). Dans le cas des applications natives, le blocage ne serait pas automatiquement garanti par une intervention sur les noms de domaines car les demandes ne passent pas forcément par l'adresse Web du site, mais serait possible en passant par le blocage de l'adresse IP.

S'agissant des mesures techniques à mettre en oeuvre pour effectuer le blocage, le choix devra être opéré par les autorités compétentes d'entente avec les fournisseurs de services de télécommunications. Le cas échéant, la méthode utilisée pourra être définie plus étroitement dans l'ordonnance. A l'heure actuelle, le blocage de noms de domaine est souvent la solution la plus simple et proportionnée pour le blocage de sites Internet de jeux non autorisés, même si elle est imparfaite techniquement et peut être contournée par les utilisateurs disposant des connaissances techniques nécessaires. Une solution similaire a été retenue dans le domaine de la lutte contre la pédopornographie. Cette technologie permet également de bloquer la communication entre une application pour téléphone mobile et le serveur de jeux à l'étranger.

7710

Dans certains cas, d'autres solutions techniques peuvent être plus appropriées, raison pour laquelle la loi laisse cette possibilité ouverte, en fonction de l'évolution qui aura lieu à l'avenir. Le choix du moyen technique utilisé devra être guidé par le principe de proportionnalité: il faut éviter au maximum de bloquer des contenus admissibles en même temps que des contenus non autorisés (surblocage). Il faut aussi éviter que la mesure choisie génère des coûts disproportionnés pour les fournisseurs de services de télécommunications.

Force est cependant d'admettre qu'on ne peut pas garantir une efficacité à 100 %.

Toutefois, pour le joueur moyen, le simple fait que ces mesures de blocage rendent l'accès aux sites non autorisés plus difficile suffira à le détourner vers les offres légales. De plus, les mesures de blocage auront aussi un rôle d'information: la redirection automatique vers le dispositif d'information selon l'art. 87 permettra aux usagers de se rendre compte que le site qu'ils comptaient visiter est un site de jeu non autorisé, en même temps qu'elle mettra à leur disposition des liens vers les offres autorisées.

Le délai dans lequel les fournisseurs de services de télécommunication doivent procéder au blocage sera réglé dans l'ordonnance. Il en va de même des modalités techniques du blocage.

L'al. 5 dispose que les autorités compétentes peuvent, à titre exceptionnel, autoriser un utilisateur à accéder aux sites bloqués. Cette autorisation sera délivrée sur requête et seulement si l'utilisateur en question souhaite accéder aux sites bloqués pour des motifs qui ne sont pas liés au jeu, par exemple parce qu'il déploie des activités de monitoring ou de recherche. Les organisations sportives comme le CIO qui exploitent un réseau privé de surveillance des paris sportifs pourraient par exemple bénéficier de cette exception.

Art. 85

Notification et procédure d'opposition

Le but de cette disposition est de garantir la notification de la décision à toutes les parties concernées, ainsi que leur droit d'être entendu. Elle concerne avant tout les exploitants des offres non autorisées qui se trouvent à l'étranger.

La publication dans la Feuille fédérale prévue à l'al. 1 vaut notification de la décision. Cette manière de faire se justifie si l'on tient compte du fait que les exploitants visés par la décision de blocage sont nombreux, qu'ils ont leur siège à l'étranger ou qu'ils dissimulent leur siège et qu'ils seront parfois difficiles à identifier de manière certaine. Les conditions imposées par l'art. 36 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)82 pour la notification par publication dans une feuille officielle seront ainsi respectées. Par ailleurs, pour faciliter l'accès à la décision par les exploitants à l'étranger, la publication des deux listes de blocage aura lieu dans la Feuille fédérale exclusivement, et non dans les feuilles officielles des cantons. Toujours pour des raisons de facilité d'accès, la publication de la liste de la CFMJ et la publication de la liste de l'autorité intercantonale devront avoir lieu simultanément, de manière à ce que les listes se trouvent au même endroit dans la Feuille fédérale. Les autorités concernées devront se coordonner. La publication dans la Feuille fédérale se limitera à un simple renvoi vers les sites Internet des deux autorités compétentes. La liste complète figurera sur ces sites (voir le commentaire de l'art. 86 ci-dessous).

82

RS 172.021

7711

A partir de la publication des listes, les offres qui y sont mentionnées seront bloquées. Les autorités compétentes auront cependant la possibilité de prendre contact directement et préalablement avec les exploitants d'offres non autorisées afin de les avertir que le site sera bloqué s'ils ne prennent pas des mesures pour empêcher l'accès depuis la Suisse. Cette information préalable pourra avoir lieu de manière informelle, puisque le droit d'être entendu des exploitants sera assuré par la procédure d'opposition. Dès lors, il n'y aura pas besoin de passer par la procédure complexe de l'entraide administrative internationale. D'autre part, il ne s'agira pas d'une obligation pour l'autorité; ainsi, s'il s'avère difficile d'entrer en contact avec un exploitant, par exemple parce que son adresse est inconnue, etc., la procédure de blocage pourra tout de même suivre son cours.

Par ailleurs, si l'adresse de l'exploitant est connue, la décision de blocage publiée dans la Feuille fédérale pourra lui être communiquée, pour information, de manière individuelle. Même dans ce cas, seule la publication dans la Feuille fédérale vaut notification.

La procédure d'opposition prévue à l'al. 2 a pour objectif de sauvegarder le droit d'être entendu des exploitants, conformément à l'art. 30, al. 2, let. b, PA, tout en permettant aux autorités compétentes de rendre des décisions rapidement, avec une motivation sommaire. De cette manière, les autorités compétentes pourront ordonner le blocage de sites Internet de jeux non autorisés en Suisse dès leur identification, et sans avoir l'obligation d'informer préalablement les exploitants. Dans un second temps, une fois le blocage effectif, les exploitants auront la possibilité, au travers de la procédure d'opposition, de faire valoir leurs arguments à l'encontre du blocage.

Le cas échéant, l'autorité compétente pourra alors corriger sa décision.

Parmi les motifs d'opposition possibles, les exploitants pourront en particulier faire valoir qu'ils ont pris les mesures nécessaires pour rendre leur site inaccessible depuis la Suisse. Trois manières de faire sont envisageables avec les technologies connues à ce jour: 1)

les joueurs opérant depuis la Suisse seront empêchés d'accéder au site via un dispositif de geo-blocking;

2)

le contenu incriminé ne sera plus offert en Suisse, également via un dispositif de geo-blocking;

3)

les joueurs domiciliés en Suisse seront exclus du jeu par le biais d'un système les empêchant de s'enregistrer comme clients avec une adresse de domicile en Suisse. Dans ce dernier cas, les exploitants devront disposer des moyens de vérifier le domicile effectif de leurs clients. Ils ne pourront pas simplement se fier au domicile qu'ils ont déclaré lors de l'inscription sur le site mais devront, par exemple, prendre en compte le domicile indiqué par la carte de crédit.

Art. 86

Communication des listes des offres de jeux bloquées

Outre la publication officielle des listes de blocage, qui vaut notification aux destinataires et est réglée à l'art. 85, il faut également que ces listes soient facilement accessibles pour tous les intéressés, à titre d'information. Cela vaut tant pour les exploitants que pour les joueurs potentiels ou encore les autorités de surveillance étrangères. Dès lors, il est prévu que la CFMJ et l'autorité intercantonale publient

7712

chacune leur liste de blocage sur leur site Internet, avec un lien vers le site de l'autre autorité (al. 1).

Ce sont ensuite les fournisseurs de services de télécommunications qui seront chargés de mettre en oeuvre le blocage. La terminologie utilisée est celle de la législation sur les télécommunications. L'OFCOM tient, en application de l'art. 4 de la loi sur les télécommunications et de l'art. 4, al. 1, de l'ordonnance du 9 mars 2007 sur les services de télécommunications (OST)83, une liste des fournisseurs de services de télécommunications annoncés. Ce sont évidemment les fournisseurs d'accès à Internet qui sont concernés en premier lieu.

L'al. 2 prévoit, pour la transmission des listes aux fournisseurs de services de télécommunications, un mode de communication particulier, simple et sécurisé qu'il appartiendra aux deux autorités compétentes de mettre en oeuvre. La manière dont celles-ci devront transmettre leurs listes (voie électronique ou autre) aux fournisseurs de services de télécommunications sera réglée dans l'ordonnance; les listes devront être clairement lisibles et exploitables par voie électronique. Le système envisagé est celui utilisé par le SCOCI dans le domaine de la pédopornographie sur Internet: les listes actualisées figureront sur un serveur sécurisé auquel les fournisseurs de services de télécommunications auront directement accès.

Cette communication, de même que la publication sur le site Internet des autorités compétentes, n'aura pas d'effet juridique. C'est la publication des listes selon l'art. 85 qui fera foi.

Si les fournisseurs de services de télécommunication ne procèdent pas au blocage des offres figurant sur la liste, ils encourront la sanction prévue à l'art. 292 CP.

L'al. 3 prévoit un droit d'opposition pour les fournisseurs de services de télécommunications. Même si ceux-ci ne sont pas les destinataires directs de la décision de blocage, leurs droits et obligations seront néanmoins touchés, dans la mesure où la loi leur imposera l'obligation de mettre en oeuvre le blocage, ce qui générera pour eux un certain coût en termes financiers, opérationnels et administratifs. Ils devront dès lors disposer d'un moyen de droit contre la décision de blocage. Les motifs qu'ils pourront faire valoir dans cette opposition seront cependant limités: ils ne pourront invoquer
que le caractère disproportionné, du point de vue technique et du point de vue de l'exploitation, des mesures de blocage qui sont ordonnées. Tel pourrait être le cas, par exemple, si le blocage posait des difficultés techniques telles que le coût pour le fournisseur de services de télécommunication irait bien au-delà du coût usuel d'un blocage. Autrement dit, ils pourront s'opposer à la décision de blocage si la mise en oeuvre de celle-ci leur impose un effort disproportionné, parce que les mesures techniques à prendre sont trop coûteuses ou trop compliquées.

Le délai de 30 jours pour faire opposition partira de la date de la publication de la décision de blocage dans la Feuille fédérale.

Art. 87

Information aux utilisateurs

En plus du blocage de l'accès aux offres de jeux en ligne figurant sur les listes, les fournisseurs de services de télécommunications devront également dévier les utilisateurs cherchant à accéder aux offres bloquées vers un dispositif les informant de l'existence d'un blocage. En l'état actuel de la technique, ce dispositif d'information 83

RS 784.101.1

7713

prendra la forme d'une page STOP, mais il n'est pas exclu que cette forme se modifie en fonction de l'évolution technologique. Ce dispositif d'information sera géré conjointement par la CFMJ et l'autorité intercantonale.

La fonction de ce dispositif d'information sera d'avertir les utilisateurs que l'offre de jeux en ligne à laquelle ils cherchent à accéder n'est pas autorisée en Suisse, et que l'impossibilité d'y accéder provient d'une mesure ordonnée par les autorités, et non d'un dysfonctionnement du système ou d'une décision des fournisseurs de services de télécommunications.

Les détails concernant ce dispositif d'information seront réglés dans l'ordonnance.

Une solution envisageable serait d'utiliser un modèle similaire à la page STOP utilisée par le SCOCI. Le dispositif d'information contiendrait ainsi l'en-tête de la Confédération et de l'autorité intercantonale, une référence à la législation sur les jeux d'argent ainsi qu'une liste des offres autorisées. Par ailleurs, la CFMJ et l'autorité intercantonale devront s'assurer que les adresses IP des utilisateurs ayant cherché à accéder aux offres bloquées seront anonymisées ou effacées le plus rapidement possible. L'ordonnance réglera les détails.

En l'état actuel de la technique, la déviation sur le dispositif d'information ne fonctionnera pas lorsque les usagers accéderont à des offres non autorisées via une application pour téléphone mobile. Dans ce cas, ils recevront un message d'erreur.

Cela ne remet pas en cause le blocage lui-même, mais l'usager ne sera pas informé directement du motif du blocage; il devra, pour connaître celui-ci, s'adresser à son fournisseur de services de télécommunication ou à l'exploitant de l'application pour téléphone mobile.

Art. 88

Retrait d'un jeu de la liste des offres de jeux bloquées

Les sites de jeux en ligne qui ne remplissent plus les conditions du blocage devront être retirés des listes. Tel sera notamment le cas lorsque l'offre de jeux en question aura été supprimée, ou lorsque des mesures rendant l'accès impossible depuis la Suisse auront été mises en place, notamment par un dispositif de geo-blocking.

En principe, c'est l'autorité compétente elle-même qui procédera d'office au retrait lorsqu'elle constatera que les conditions ne sont plus remplies. Mais comme on ne peut pas imposer aux autorités de vérifier quotidiennement si la liste est toujours à jour, les exploitants des sites de jeux auront la possibilité d'attirer l'attention des autorités sur le fait que les conditions du blocage ne sont plus remplies en demandant eux-mêmes leur retrait de la liste.

Art. 89

Exclusion de responsabilité

L'al. 1 régit l'exclusion de responsabilité tant civile que pénale pour les fournisseurs de services de télécommunication en rapport avec la diffusion de jeux d'argent en ligne non autorisés en Suisse. Cette exclusion de responsabilité sera accordée à la condition que les fournisseurs de services de télécommunication se contentent de diffuser les données consultées et non s'ils font eux-mêmes en sorte que les informations soient diffusées, déterminent eux-mêmes le destinataire des informations, ou choisissent ou modifient eux-mêmes le contenu des informations diffusées. Les fournisseurs ne pourront être tenus pour responsables de la simple mise à disposition d'offres non autorisées, même si, informés par des tiers, ils s'abstiennent de réagir et de prendre des mesures pour bloquer l'accès à ces contenus. Le projet n'impose aux 7714

fournisseurs aucune obligation de contrôler les informations qu'ils diffusent ou sauvegardent ni de rechercher activement des indices d'activités illégales.

Les fournisseurs de services de télécommunication ne doivent pas être rendus responsables, ni civilement, ni pénalement, des dommages qui pourraient résulter du blocage de sites Internet ordonné par les autorités compétentes. Ainsi, le client déçu de ne pouvoir accéder au site Internet souhaité ne pourra pas intenter d'action en responsabilité contre son opérateur pour non-respect du contrat (al. 2, let. c). De même, la responsabilité des fournisseurs de services de télécommunication ne sera pas engagée si certains de leurs clients arrivent à contourner les mesures de blocage pour malgré tout accéder aux sites non autorisés.

Art. 90

Effet suspensif

Les voies de recours contre la décision de blocage après opposition seront différentes suivant l'autorité dont elle émane.

Si l'auteur de la décision est la CFMJ, la procédure applicable sera la PA. Dès lors, la décision sur opposition de la CFMJ pourra faire l'objet d'un recours au Tribunal administratif fédéral, puis au Tribunal fédéral.

Si l'auteur de la décision est l'autorité intercantonale, la procédure de recours sera régie par le droit cantonal. Il est souhaitable que le concordat détermine lui-même la procédure applicable; le concordat en vigueur prévoit l'application de la PA. Une fois les instances de recours cantonales épuisées, le recours au Tribunal fédéral est ouvert.

Quelle que soit la procédure applicable, la disposition prévoit que les oppositions éventuelles des exploitants et leurs recours ultérieurs n'auront pas d'effet suspensif.

Il en sera ainsi pour que les autorités compétentes puissent bloquer immédiatement les sites Internet incriminés dès que l'existence d'une offre non autorisée a été constatée. Dans le cas contraire, il serait aisé pour les exploitants de jeux, en s'opposant systématiquement aux décisions de blocage, de retarder le blocage de leur site et, dans l'intervalle, de changer le nom de celui-ci, si bien que l'application de la loi serait rendue illusoire. Dès lors, entre le risque de voir un site bloqué de manière injustifiée pendant quelques semaines et celui de voir la lutte contre les sites de jeux rendue totalement inopérante, il apparaît que le second a un poids autrement plus grand, si bien que le retrait de l'effet suspensif se justifie.

En revanche, l'opposition ou le recours des fournisseurs de services de télécommunication contre des mesures de blocage qu'ils jugent disproportionnées aura un effet suspensif, faute de quoi ils risquent de subir des dommages difficilement réparables.

Dans le cas des fournisseurs de services de télécommunications, le risque de manoeuvres dilatoires peut en effet être considéré comme très limité.

2.8

Chapitre 8

Autorités

Le chapitre consacré aux autorités est divisé en trois sections, qui traitent chacune d'une autorité distincte.

La section 1, consacrée à la CFMJ, reprend pour l'essentiel des dispositions du droit en vigueur et ne contient que peu d'éléments nouveaux sur le plan matériel. Les

7715

dispositions sur la protection des données et l'assistance administrative ont été étoffées afin de satisfaire aux standards actuels en matière de légalité.

La section 2 est consacrée à l'autorité intercantonale, aujourd'hui la Comlot. A l'heure actuelle, cette autorité ne fait l'objet d'aucune réglementation en droit fédéral; elle est réglée exclusivement par la voie de la CILP. Dès lors, les dispositions prévues à la section 2 sont des dispositions nouvelles en droit fédéral mais qui, d'un point de vue matériel, restent assez proches de ce qui est prévu actuellement dans la CILP.

Enfin, la section 3 contient les règles relatives à l'organe de coordination. Il s'agit d'une autorité nouvelle, dont la création est prévue à l'art. 106, al. 7 Cst.

Commission fédérale des maisons de jeu (art. 91 à 101) Art. 91 et 92

Composition et organisation

Ces dispositions reprennent le droit actuel (art. 46 et 47 LMJ), à l'exception de l'al.

3 de l'art. 91. Cette disposition consacre dans la loi le rôle joué par la CFMJ en matière de protection des joueurs, en garantissant qu'au moins un membre de la CFMJ dispose de connaissances particulières dans le domaine de la prévention des addictions.

Art. 93

Indépendance

L'al. 1 n'introduit pas de modifications par rapport à la situation actuelle (art. 97 OLMJ). La CFMJ est indépendante dans l'exercice de sa fonction, tant à l'égard des autorités qu'à l'égard des maisons de jeu soumises à surveillance. Elle jouit en outre de l'indépendance en matière d'organisation (art. 92) et de l'indépendance personnelle (art. 91, al. 2, et art. 93, al. 2, du projet).

L'al. 2 dispose que les membres de la commission et le personnel du secrétariat ont le droit d'exercer une autre activité professionnelle, à condition que celle-ci ne porte pas atteinte à leur indépendance personnelle. Ainsi, un membre de la commission ne pourrait pas faire partie du conseil d'administration ou des organes de direction d'une maison de jeu. Cette exigence correspond déjà à la pratique actuelle.

Art. 94

Tâches

Par rapport au droit actuel (art. 48 LMJ), la liste des tâches de la CFMJ, qui découlent de sa fonction d'autorité de surveillance, est précisée. Ce catalogue est exemplatif. Ses activités principales seront l'autorisation des jeux, la surveillance des maisons de jeu (à laquelle s'ajoutera désormais la surveillance de l'exploitation des jeux en ligne), la taxation et la perception de l'impôt sur les maisons de jeu et la lutte contre les offres illégales dans le domaine des jeux de casino. La surveillance de la CFMJ inclut l'ensemble des activités liées à l'exploitation des jeux. Dans l'exécution de l'ensemble de ses tâches, la CFMJ devra veiller à prendre en compte la protection des joueurs contre le jeu excessif.

Art. 95

Pouvoirs

Ici encore, la liste actuelle (art. 48 LMJ) est précisée, sans être toutefois matériellement élargie. Il s'agit d'une liste non exhaustive. Parmi ses principales attributions, 7716

la CFMJ peut procéder à des contrôles dans les maisons de jeu (let. b). Elle peut également prendre les mesures nécessaires au rétablissement d'une situation conforme à la loi (let. h) ainsi que des mesures provisionnelles (let. g). La CFMJ peut également recourir auprès des tribunaux contre les décisions d'autres autorités (let. k et l). Les sanctions administratives qui peuvent être prononcées par la CFMJ sont en revanche réglées dans d'autres dispositions (art. 15 et art. 97).

Art. 96

Emoluments et taxe de surveillance

Cette disposition reprend pour l'essentiel le contenu du droit actuel (art. 53 LMJ et art. 106 ss OLMJ). Comme aujourd'hui, la CFMJ prélèvera des émoluments pour ses décisions et prestations. Les frais générés par son activité de surveillance des maisons de jeu (frais de surveillance) qui ne sont pas couverts par les émoluments seront couverts par une taxe de surveillance prélevée auprès des casinos. Les coûts des autres activités de la CFMJ, en particulier son activité de lutte contre le jeu illégal, ne font pas partie des frais de surveillance couverts par la taxe de surveillance. Ils sont assumés par la Confédération, et ne sont pas à la charge des casinos.

Comme aujourd'hui, le montant de la taxe de surveillance assumé par chaque casino sera fixé chaque année par le DFJP par voie de décision. Le montant global de la taxe est fonction des dépenses assumées par la CFMJ pour la surveillance de l'ensemble des maisons de jeu, pour leurs jeux traditionnels et pour leurs jeux en ligne. L'ordonnance précisera, comme actuellement, qu'il faut y ajouter un supplément qui couvre les dépenses engagées par d'autres services pour la commission, en lien avec la surveillance des maisons de jeu.

La répartition de la taxe entre les casinos est fonction du produit brut des jeux de l'année précédente. On distinguera dans ce cadre le produit brut des jeux obtenu dans la maison de jeu «en dur», et le produit brut issu d'une éventuelle activité en ligne, si la maison de jeu dispose d'une extension de sa concession. La taxe destinée à couvrir les frais de surveillance des maisons de jeu «en dur» sera répartie sur l'ensemble des maisons de jeu, en fonction du produit brut des jeux traditionnels, autrement dit non exploités en ligne. La taxe destinée à couvrir les frais de surveillance des jeux en ligne sera répartie uniquement entre les maisons de jeu qui disposent d'une extension «en ligne» de leur concession, en fonction du produit brut des jeux en ligne. Cette précision figurera dans l'ordonnance.

Art. 97

Sanctions administratives

La disposition prévoit que la violation de la loi, de la concession ou d'une décision entrée en force sera sanctionnée par le paiement d'un montant pouvant aller jusqu'à 15 % du produit brut des jeux réalisé au cours du dernier exercice. Les sanctions administratives complètent la liste des mesures à la disposition de la CFMJ en tant qu'autorité de surveillance. Elles trouveront application avant tout dans les cas où il serait disproportionné de suspendre ou retirer la concession (voir art. 15).

Par rapport au droit actuel (art. 51 LMJ), le régime des sanctions administratives qui peuvent être prononcées par la CFMJ à l'encontre des maisons de jeu en cas de violation des règles de la concession ou d'une décision ayant force de chose jugée est simplifié et harmonisé avec les sanctions administratives prononcées par l'autorité intercantonale (voir art. 106 ci-après). D'abord, l'exigence que la violation soit au profit de la maison de jeu n'a pas été reprise. Ensuite, la possibilité d'exiger 7717

le paiement d'un montant pouvant aller jusqu'au triple du gain réalisé du fait de la violation n'a pas été reprise non plus. Enfin, le pourcentage maximal de la sanction est abaissé et passera de 20 % à 15 % du produit brut des jeux.

Ces modifications résultent de la réflexion suivante. Premièrement, la question de savoir si la maison de jeu a tiré un avantage de la violation, pécuniaire ou de toute autre nature, ne doit pas être au premier plan. En effet, il est tout à fait possible qu'une violation grave n'apporte à la maison de jeu qu'un avantage financier modeste, voire inexistant. La question principale doit être celle de savoir si la maison de jeu a oui ou non violé les règles imposées par la loi, la concession ou une décision entrée en force. Deuxièmement, le gain réalisé du fait d'une violation est souvent difficile à évaluer et à prouver, surtout lorsqu'il s'agit en réalité d'économies réalisées du fait du non-respect d'obligations de diligence. Dans ce cadre, il faudra cependant tenir compte du fait que, conformément à l'art. 56, le produit des jeux obtenu de manière illicite devra être confisqué et affecté directement à l'assurance vieillesse, survivants et invalidité. Cette disposition devrait avoir pour effet que les maisons de jeu ne tireront aucun gain de la violation commise.

On trouve du reste dans d'autres lois le même type de sanctions, notamment aux art. 49a et 50 de la loi du 6 octobre 1995 sur les cartels (LCart)84 et dans l'art. 60 de la loi du 30 avril 1997 sur les télécommunications (LTC)85.

Cette disposition confère une grande marge d'appréciation à l'autorité de surveillance. Il va de soi que, lors de la fixation du montant, la CFMJ devra se conformer aux exigences du principe de proportionnalité. Le montant effectif de la sanction sera fixé en fonction de la situation concrète et les sommes maximales ne seront atteintes que dans les cas particulièrement graves. La pratique actuelle de la CFMJ, qui détermine le montant de la sanction en fonction du degré de gravité de la violation, pourra dès lors être maintenue. Cette pratique distingue quatre catégories de violations susceptibles d'entraîner une sanction administrative. La première ne concerne pas des violations à proprement parler mais des cas de non-observation de prescriptions d'ordre. Celles-ci ne font l'objet
d'une sanction qu'en cas de récidive.

Les violations sont ensuite classifiées comme légères, de moyenne importance ou graves. Pour les cas graves, le montant de la sanction est compris entre 5 % et 20 % (à l'avenir entre 5 % et 15 %) du produit brut des jeux; pour les violations de moyenne gravité, il est compris entre 1 % et 5 % et, pour les cas de faible gravité, entre 0,15 % et 1 %.

Jusqu'à maintenant, les sanctions prononcées n'ont jamais dépassé quelques pourcents du produit brut des jeux.

La procédure applicable sera, comme à l'heure actuelle, la procédure administrative fédérale (PA). Comme cela va de soi dans le cas d'une autorité fédérale, il n'est pas nécessaire de le préciser pour la CFMJ. Cette précision est en revanche nécessaire à l'article concernant les sanctions administratives imposées par l'autorité intercantonale (art. 106).

Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a déclaré que les garanties de procédure pénale au sens de l'art. 6 CEDH et de l'art. 32 Cst. étaient au moins partiellement applicables à ce genre de mesures administratives. Dans un arrêt ultérieur, il a retenu que la procédure devant la CFMJ était, du point de vue du droit interne, soumise à la 84 85

RS 251 RS 784.10

7718

PA, et non au CPP, si bien que les parties ont l'obligation de participer à l'établissement des faits dans la mesure où une obligation d'information leur incombe86.

Art. 98

Traitement des données

Cette disposition répond aux exigences actuelles en matière de légalité pour le traitement de données sensibles. Dans le cadre de sa fonction de surveillance des maisons de jeu, la CFMJ peut être amenée à traiter des données personnelles ainsi que des données sensibles, concernant notamment la santé (existence d'une dépendance au jeu) ou la situation financière des clients des casinos. Il s'agit pour l'essentiel de données collectées par les casinos, notamment dans le cadre de la prévention du jeu excessif, ou par d'autres autorités, mais non par la CFMJ ellemême. Traiter des données signifie notamment les collecter, les conserver, les exploiter et les communiquer (art. 3, let. e, LPD). In casu, la communication à d'autres autorités ne pourra avoir lieu qu'au cas par cas. Il n'est pas prévu que d'autres autorités aient un accès en ligne aux données traitées par la CFMJ.

L'ordonnance du Conseil fédéral devra régler les détails du traitement des données par la CFMJ (al. 2).

Art. 99

Assistance administrative et entraide judiciaire en Suisse

L'assistance administrative concerne la collaboration entre la CFMJ et d'autres autorités administratives en Suisse. La collaboration et l'échange d'informations avec l'autorité intercantonale sont évidemment au premier plan. Dans le cadre de l'assistance administrative, les données sont communiquées sur demande, dans un cas d'espèce. Il ne s'agit pas d'instaurer un automatisme dans la communication d'informations. Les données concernées peuvent également être des données sensibles.

L'entraide judiciaire concerne la collaboration entre la CFMJ et d'autres autorités de poursuite pénale en Suisse. Il s'agit avant tout des autorités de poursuite pénale des cantons, celles-ci ayant la compétence de poursuivre les infractions en matière de jeux de grande et de petite envergure. Elles peuvent aussi se voir transmettre, par la CFMJ, certains cas liés à des infractions en matière de jeux de casino, si une peine privative de liberté est envisagée ou si la personne exige que l'affaire soit transmise à un juge.

Dans tous ces cas, une application efficace de la loi exigera une collaboration optimale entre les autorités impliquées.

Lorsque la CFMJ acquerra, dans le cadre de son rôle de surveillance, des informations sur la commission d'infractions qu'elle n'est pas compétente pour poursuivre, par exemple en matière de jeux de grande ou petite envergure, elle devra en informer les autorités compétentes, qui seront en principe les autorités de poursuite pénale cantonales, voire le Ministère public de la Confédération. Lorsqu'il s'agit d'infractions en matière de jeux de grande envergure, l'autorité intercantonale, qui est une autorité administrative, devra également être informée.

86

ATF 139 I 72, consid. 2.2.2. et références citées; ATF 140 II 384, consid. 3.3.1.

7719

Art. 100

Assistance administrative à l'étranger

Cet article concerne la collaboration avec des autorités administratives à l'étranger, notamment les autorités de surveillance de maisons de jeu à l'étranger. La CFMJ pourra échanger des données personnelles, y compris des données sensibles, avec ces autorités. Cependant, cette disposition s'inscrit dans le cadre général de l'art. 6 LPD, qui exige que des données ne soient transmises qu'à des pays qui ont fourni des garanties contractuelles ou qui fournissent un niveau de protection adéquat, autrement dit qui disposent d'une législation sur la protection des données équivalente à la législation suisse; tel est le cas pour les Etats de l'Union européenne, mais tel n'est pas le cas pour les Etats-Unis, par exemple.

La CFMJ pourra demander des informations aux autorités étrangères. Celles-ci ne pourront cependant fournir des renseignements que si leur législation nationale le leur permet. La CFMJ pourra aussi fournir des informations aux autorités étrangères, sur demande ou de sa propre initiative. Elle pourra le faire sous condition de réciprocité.

Parmi les données échangées, on pense notamment aux informations sur des joueurs qui ont fait l'objet, en Suisse ou à l'étranger, de mesures d'exclusion.

L'entraide judiciaire est quant à elle est régie par la loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale (EIMP)87, ainsi que par différents traités internationaux.

Art. 101

Tâches du secrétariat

Dans le droit actuel, les tâches du secrétariat sont définies en partie dans l'ordonnance et en partie dans le règlement interne de la CFMJ. Le projet prévoit de fixer ses tâches principales au niveau de la loi. Il s'agit d'une liste non exhaustive, la commission pouvant déléguer d'autres tâches au secrétariat.

Autorité intercantonale de surveillance et d'exécution (art. 102 à 109) Art. 102

Institution

Cette disposition entérine la situation juridique actuelle: en adoptant la CILP, les cantons ont créé une autorité intercantonale de surveillance et d'autorisation, la Comlot. Ce régime est destiné à se poursuivre avec la nouvelle loi. Celle-ci n'impose cependant rien aux cantons quant à l'autorité intercantonale qu'ils doivent instituer. Pour assurer la continuité et en raison des connaissances et du savoir-faire accumulés, il semblerait logique que ce soit la Comlot, mais cela pourrait également être une autre autorité. Les cantons n'auront pas non plus l'obligation d'organiser sur leur territoire des jeux de grande envergure mais, s'ils le font, ils devront adhérer à un concordat prévoyant une autorité intercantonale. Si les cantons devaient décider de conclure plusieurs concordats, chaque canton ne pourrait alors être soumis, pour son territoire, qu'à une seule autorité intercantonale. L'éparpillement des compétences qu'induirait la conclusion de plusieurs concordats n'est toutefois pas souhaitable, en particulier dans un domaine globalisé comme celui des jeux en ligne.

87

RS 351.1

7720

Art. 103

Indépendance et composition

Cette disposition constitue le pendant, pour l'autorité intercantonale, des art. 91 et 93, qui concernent la CFMJ. L'autorité intercantonale devra en effet être soumise, en termes d'indépendance, à des exigences analogues à celles applicables à la CFMJ.

Le projet se contente à cet égard de fixer le principe général de l'indépendance de l'autorité intercantonale, ainsi que des exigences concernant certains aspects de l'indépendance personnelle et institutionnelle. L'autorité intercantonale ne pourra recevoir aucune instruction des autorités concernant l'exercice de sa fonction, et elle devra également être indépendante des exploitants de jeux d'argent qu'elle est chargée de surveiller. Pour le reste, il appartiendra au droit cantonal de fixer les conditions-cadres nécessaires à l'indépendance de l'autorité intercantonale. Ainsi, la procédure de désignation des membres de l'autorité, de même que les règles concernant sa composition, son organisation et son fonctionnement devront garantir son indépendance institutionnelle. L'organe chargé de la désignation devra lui-même présenter des garanties d'indépendance vis-à-vis des exploitants de jeux d'argent.

L'indépendance fonctionnelle de l'autorité intercantonale devra également être assurée, notamment au travers des règles sur le budget, le financement et la surveillance. A cet égard, les cantons pourront par exemple s'inspirer du système de surveillance des tribunaux. Les cantons restent libres de décider de la composition de l'autorité intercantonale. Celle-ci sera fixée dans le concordat intercantonal. En vertu de l'al. 3, les cantons doivent s'assurer que l'autorité intercantonale dispose de connaissances particulières dans le domaine de la prévention des addictions. Cette exigence va dans le même sens que celle fixée à l'art. 91, al. 3, pour la CFMJ. Dès lors, au sein de l'autorité intercantonale, la proportion de membres devant disposer de telles connaissances particulières par rapport au nombre total de membres devra être semblable à celle au sein de la CFMJ. Cela signifie aussi qu'au minimum un membre de l'autorité intercantonale devra disposer de telles connaissances.

Art. 104

Tâches

Comme pour la CFMJ, la nouvelle loi contient une liste non exhaustive des tâches de l'autorité intercantonale. Ces tâches sont, pour le domaine des jeux de grande envergure, largement similaires à celles assumées par la CFMJ pour le domaine des jeux de casino (voir le commentaire de l'art. 94).

Par rapport au régime actuel de la CILP, l'autorité intercantonale se verra confier quelques tâches nouvelles, notamment celle de surveiller le respect des obligations en matière de lutte contre le blanchiment d'argent (let. a, ch. 2). Ainsi que le prévoit expressément l'al. 2, les cantons seront libres de confier d'autres tâches à l'autorité intercantonale, par la voie du concordat.

Art. 105

Pouvoirs

La liste non exhaustive des pouvoirs de l'autorité intercantonale est analogue à celle fixée dans la disposition parallèle relative aux pouvoirs de la CFMJ. Les mêmes remarques s'y appliquent donc, mutatis mutandis (voir le commentaire de l'art. 95).

Let. g: Pour ce qui est des mesures contre la manipulation des compétitions sportives, les mesures prises par l'autorité intercantonale ne devront pas forcément s'adresser directement à l'auteur de la manipulation. L'autorité intercantonale pourra par exemple ordonner à un exploitant de paris sportifs d'interrompre un pari si elle a 7721

des raisons de soupçonner que l'événement sportif sur lequel il porte pourrait être l'objet de manipulations.

Les cantons seront libres de confier d'autres pouvoirs à l'autorité intercantonale, par la voie du concordat.

Art. 106

Sanctions administratives

En cas de non-respect de l'une de ses décisions par l'exploitant d'un jeu de grande envergure, l'autorité intercantonale pourra sanctionner celui-ci d'un montant pouvant aller jusqu'à 15 % du produit brut des jeux réalisé au cours du dernier exercice.

Le gain réalisé du fait de l'infraction devra être pris en compte dans la détermination de la quotité de la sanction.

Les exploitants de jeux de grande envergure seront exposés aux mêmes sanctions que les maisons de jeux (voir art. 97 ci-dessus). Il va de soi que, à l'instar de la CFMJ, l'autorité intercantonale devra faire application du principe de proportionnalité dans la détermination du montant de la sanction, ce d'autant que le montant versé par les exploitants de jeux de grande envergure échappera à l'utilité publique pour aller dans la caisse générale des cantons.

La compétence de l'autorité intercantonale de prononcer des sanctions administratives pose la question de la procédure applicable: dans la mesure du possible, le concordat devrait prévoir cette procédure ou déterminer la procédure applicable, comme il le fait à l'heure actuelle. A défaut, l'autorité intercantonale appliquera la loi de procédure administrative applicable au lieu de l'infraction. Un tel mode de procéder n'est toutefois pas idéal puisqu'il exige de l'autorité intercantonale de se familiariser avec les législations des différents cantons. Il pose au surplus la question de la marche à suivre si une infraction a été commise dans plusieurs cantons. Dans une telle hypothèse, les cantons concernés devront se mettre d'accord, faute de quoi c'est la procédure du canton dans lequel l'infraction a été découverte en premier qui sera appliquée. Si les cantons choisissent de régler la procédure applicable aux sanctions administratives dans le concordat, il va de soi qu'ils ne pourront pas prévoir de mesures de contrainte au sens du code de procédure pénale (CPP)88, puisque l'autorité intercantonale ne dispose d'aucune compétence en matière de poursuite pénale.

Art. 107

Traitement des données

Cette disposition est parallèle à celle prévue à l'art. 98 pour la CFMJ. Le commentaire relatif à cet article s'applique mutatis mutandis.

Art. 108

Assistance administrative en Suisse

Contrairement à la disposition parallèle concernant la CFMJ, cet article ne prévoit pas de collaboration avec les autorités pénales. Une telle disposition ne serait pas opportune étant donné que l'autorité intercantonale ne dispose pas de compétences en matière de poursuite pénale. On rappellera cependant qu'en vertu de l'art. 132, al. 1, ainsi que du projet d'art. 25b de la loi fédérale du 17 juin 2011 sur l'encouragement du sport (LESp)89, les autorités cantonales de poursuite pénale pourront 88 89

RS 312.0 RS 415.0

7722

associer l'autorité intercantonale à leur enquête. L'autorité intercantonale sera informée des procédures pénales ouvertes soit directement par l'autorité de poursuite pénale, de par la qualité de partie aménagée à l'art. 132, al. 2, soit, en amont, par la CFMJ, si celle-ci devait constater une infraction à la loi dont la poursuite ne relève pas de sa compétence (art. 99, al. 4).

Les autorités de poursuite pénale au sens de l'al. 3 incluent la CFMJ.

Art. 109

Assistance administrative à l'étranger

Cette disposition est parallèle à celle fixée à l'art. 100 pour la CFMJ. Le commentaire relatif à cet article s'applique mutatis mutandis.

Organe de coordination (art. 110 à 115) L'organe de coordination constituera une commission extraparlementaire au sens de la LOGA mais, du fait de son rôle spécial et de ses particularités imposées par la Constitution, un certain nombre de dérogations au régime général sont prévues, notamment concernant la composition et le financement.

Art. 110

Composition

L'art. 106, al. 7, Cst. prévoit une composition paritaire cantons / Confédération. En effet, cet organe ne pourra jouer un rôle crédible dans la résolution d'éventuels conflits de compétence et dans la garantie d'une politique de jeux d'argent cohérente que s'il n'est pas dominé par l'une ou les autres.

Cette exigence de parité est concrétisée ici. L'organe de coordination comptera six membres en tout, trois représentants des cantons et trois représentants de la Confédération. Les représentants de la Confédération compteront dans leurs rangs une personne appartenant à l'Office fédéral de la justice (en tant qu'autorité de haute surveillance), et les représentants des cantons une personne appartenant à une autorité cantonale d'exécution. Cette composition favorisera la création de majorités larges et la recherche du consensus.

Art. 111

Tâches

Conformément à l'art. 106, al. 7, Cst., la tâche principale de l'organe de coordination sera de faciliter la collaboration entre la Confédération et les cantons dans l'accomplissement de leurs tâches respectives. Il lui incombera en particulier de contribuer à résoudre les problèmes de délimitation que l'on a connus par le passé entre le domaine des maisons de jeu et celui des jeux de grande envergure, ainsi que les éventuels conflits de compétences qui pourraient surgir entre la Confédération et les cantons. Son rôle de coordination concernera également le domaine de la prévention du jeu excessif et la lutte contre les jeux illégaux.

Il publiera un rapport annuel et pourra collaborer, si nécessaire, avec les autorités de surveillance étrangères.

Art. 112

Pouvoirs

L'organe de coordination n'aura pas de pouvoir de décision; il ne pourra pas rendre de décisions déployant des effets juridiques contraignants, en particulier pour les 7723

deux autorités de surveillance. Il pourra cependant adopter des recommandations à leur intention, ou mandater des experts afin d'approfondir une question.

Art. 113

Fonctionnement et décisions

L'organe de coordination prendra ses décisions à la majorité. Le président n'aura pas de voix prépondérante, si bien que pour pouvoir agir, les membres de l'organe de coordination seront contraints de rechercher des solutions de compromis.

Art. 114

Coûts

Les coûts de fonctionnement de l'organe de coordination seront pris en charge pour moitié par la Confédération et pour moitié les cantons. Les cantons pourront se répartir la charge entre eux par voie de concordat.

Cette dérogation aux règles de la LOGA sur les commissions extra-parlementaires se justifie par le caractère strictement paritaire de l'organe de coordination.

Art. 115

Droit applicable

Cette disposition précise que dans les domaines de la protection des données et de la transparence, des marchés publics, de la responsabilité et de la procédure, l'organe de coordination sera considéré comme une autorité de la Confédération. Ce seront dès lors les lois fédérales régissant ces domaines qui seront applicables.

2.9

Chapitre 9 Imposition et affectation du produit des jeux

Au sens de l'art. 106, al. 2, Cst., la Confédération prélève sur les recettes dégagées par l'exploitation des jeux de casino un impôt qui doit être affecté à l'assurancevieillesse, survivants et invalidité. En vertu de l'art. 106, al. 6, Cst., il appartient aux cantons de veiller à ce que les bénéfices nets des loteries et des paris sportifs soient intégralement affectés à des buts d'utilité publique. Le chapitre 9 précise ces exigences constitutionnelles.

Impôt sur les maisons de jeu (art. 116 à 121) Dans le domaine de l'impôt sur les maisons de jeu, le projet reprend dans une large mesure les dispositions du droit en vigueur. Certaines dispositions de l'OLMJ sont élevées au niveau de la loi. En matière de taux de l'impôt, une nouvelle règle doit par ailleurs être introduite afin de tenir compte de la situation particulière des maisons de jeu qui exploitent également des jeux en ligne.

Art. 116

Principe

Le principe de l'impôt perçu sur le produit brut des jeux est maintenu. L'al. 2 reprend la teneur de l'art. 78, al. 1, OLMJ et précise que le produit brut des jeux est constitué de la différence entre les mises et les gains réglementaires qui sont versés par la maison de jeu. Par réglementaire, on entend un gain qui a été obtenu dans le respect des règles du jeu, des prescriptions techniques et des tables de paiement (pour les mises et les gains des joueurs non autorisés, voir art. 45). Le projet précise en outre, à 7724

l'al. 3, que les commissions ou droits de table perçus par les maisons de jeu sur des jeux où les joueurs ne jouent pas contre la banque, mais les uns contre les autres, par exemple sur le baccara ou le poker, seront également prises en compte dans le calcul du produit brut des jeux. Cette disposition reprend au niveau de la loi la jurisprudence du Tribunal fédéral90. Appelé à se prononcer sur la légalité de l'art. 78, al. 3, OLMJ, celui-ci a établi que les commissions ou droits de table n'étaient pas versés uniquement pour le simple accès à la maison de jeu ou indépendamment d'un jeu spécifique, mais dans le cadre d'un jeu donné, où les joueurs mettent un certain montant dans le «pot» afin de pouvoir jouer et, éventuellement, obtenir un gain.

Art. 117

Taux de l'impôt

L'art. 106, al. 2, Cst. fixe le principe de la perception de l'impôt sur les maisons de jeux et définit l'affectation de cet impôt ainsi que le taux maximum autorisé. Le législateur fédéral dispose d'une large marge de manoeuvre pour la détermination des taux. Comme dans le droit en vigueur, le projet fixe le cadre minimum et maximum de l'impôt et prévoit, au surplus, de déléguer au Conseil fédéral la compétence d'établir le barème de l'impôt. Lorsqu'il établira ce barème, le Conseil fédéral devra veiller à ce que les maisons de jeu puissent obtenir un rendement approprié sur le capital investi. Il pourra, en particulier, prévoir un taux d'imposition progressif, comme cela est déjà pratiqué actuellement.

Pour le produit brut des jeux proposés dans les maisons de jeu, c'est-à-dire pour les jeux qui ne sont pas exploités en ligne, les taux minimal et maximal resteront inchangés: la charge fiscale évoluera entre 40 % et 80 % selon un tarif progressif (art. 117, al. 2, let. a).

L'art. 117, al. 2, let. b, prévoit une fourchette différente pour le produit brut des jeux réalisé sur les jeux de casino exploités en ligne. Contrairement aux taux minimal fixé pour l'impôt perçu sur le produit brut des jeux proposés dans les maisons de jeu, le taux d'impôt minimal sera fixé à 20 %. La fixation d'un taux plus bas que pour le produit brut des jeux proposés dans les maisons de jeu nécessitera de procéder au calcul et à l'imposition du produit brut des jeux de manière séparée pour les jeux proposés dans la maison de jeu et pour les jeux exploités en ligne. Ce mode de procéder s'impose dès lors que l'on veut permettre un rendement approprié aussi dans le secteur des jeux en ligne. Il s'avère que la mise sur pied d'une offre de jeux de casino en ligne entraîne des coûts importants, particulièrement pour les logiciels de jeu. En effet, ceux-ci ne peuvent généralement être acquis que par le biais de contrats de licence. Les économies en termes de personnel et de loyer réalisées par rapport à une maison de jeu ne suffiront pas à compenser ces coûts supplémentaires91. Un taux minimal de 20 % devrait dès lors assurer la rentabilité des maisons de jeu en ligne. Si le marché devait, contre toute attente, s'avérer plus rentable qu'escompté, le Conseil fédéral devrait adapter les taux, de manière à assurer que le rendement
sur le capital investi pour les jeux en ligne soit du même ordre de grandeur que celui réalisé dans les maisons de jeu.

L'al. 3 reprend la possibilité existant à l'heure actuelle de réduire de moitié le taux de l'impôt durant les quatre premières années d'exploitation (art. 41, al. 4, LMJ).

90 91

Arrêt du Tribunal fédéral 2C_322/2012.

Groupe de travail Imposition des jeux d'argent, rapport complémentaire du 2 novembre 2012; cf. www.ofj.admin.ch > Economie > Projets législatifs en cours > Jeux d'argent.

7725

Bien que la plupart des maisons de jeu exploitées aujourd'hui ne puissent plus faire valoir cette disposition, son maintien paraît opportun en prévision de la prochaine période de concession; il n'est en effet pas exclu que certaines maisons de jeu existantes soient remplacées par de nouvelles. Dans ce cas, il pourrait être justifié d'accorder la réduction de l'impôt aux nouvelles sociétés concessionnaires durant les quatre premières années d'exploitation si elles devaient faire valoir des coûts d'investissement élevés. Une maison de jeu qui obtiendra la prolongation de sa concession ne pourra en revanche pas redemander l'allègement fiscal. Cet instrument est étendu aux jeux exploités en ligne.

Art. 118

Allégements fiscaux pour les maisons de jeu titulaires d'une concession B

Les allégements fiscaux et la réduction de l'impôt qui avaient été introduits aux art. 42 et 43 LMJ sont repris sans modification. Comme aujourd'hui, leur champ d'application sera limité aux maisons de jeu au bénéfice d'une concession B. Ces dernières pourront donc demander une réduction d'un quart au plus du taux de l'impôt en cas d'affectation d'une partie du produit brut des jeux à des buts d'utilité publique régionaux (art. 118, al. 1). Elles pourront également requérir une réduction en cas d'implantation dans une région dépendant d'une activité touristique saisonnière, lorsque leur chiffre d'affaires dépend principalement du tourisme (art. 118, al. 2). Dans ces deux cas, le Conseil fédéral décidera de cas en cas d'octroyer ou non la réduction au sens des al. 1 et 2.

L'al. 4 précise que ces allégements fiscaux ne s'appliqueront pas aux jeux de casino exploités en ligne. En effet, le lien étroit avec une région qui existe pour les maisons de jeu traditionnelles n'existe plus pour les jeux en ligne, si bien que l'octroi des allégements prévus aux al. 1 et 2 ne se justifie pas.

Art. 119

Réduction de l'impôt pour les maisons de jeu titulaires d'une concession B en cas de prélèvement d'un impôt cantonal de même nature

L'impôt prélevé auprès des maisons de jeu pourra par ailleurs être réduit si le canton d'implantation perçoit un impôt de même nature. Dans ce cas, la réduction de l'impôt devra obligatoirement être octroyée, pour autant que l'impôt perçu par le canton d'implantation soit de même type, à savoir un impôt perçu sur le produit brut des jeux exploités par les maisons de jeu.

Ces différentes réductions d'impôt ont fait l'objet de discussions au cours des travaux préparatoires. La suppression de tout ou partie de ces réductions a notamment été examinée, de même que la possibilité de répartir les recettes fiscales générées pour les cantons d'implantation entre tous les cantons selon une clé de répartition à définir. Comme ces différentes variantes auraient entraîné des pertes de recettes fiscales importantes pour certains des cantons bénéficiaires, le maintien du statu quo a été proposé (voir également ch. 5).

L'al. 3 précise que la réduction d'impôt ne s'appliquera pas aux jeux de casino exploités en ligne. En effet, cette réduction constitue un régime d'exception octroyé pour compenser la transformation des anciens «kursaals» en casinos de type B. Ce rattachement historique n'existant pas pour les jeux en ligne, il ne se justifie donc

7726

pas de leur appliquer la réduction d'impôt. Pour les mêmes raisons, une extension aux casinos de type A ne se justifierait pas non plus.

Art. 120

Taxation et perception

Les règles relatives à la taxation et à la perception reprennent le droit en vigueur (art. 44 LMJ).

Art. 121

Rappel d'impôt et prescription

Cet article reprend dans une large mesure l'art. 45 LMJ. Une adaptation a toutefois été apportée à l'al. 1, 2e phrase. Selon le droit en vigueur, un impôt répressif représentant au plus cinq fois le montant de l'impôt soustrait est perçu en plus du rappel d'impôt lorsque l'impôt n'a pas pu être correctement perçu en raison d'un délit ou d'un crime.

Compte tenu des adaptations apportées dans les dispositions pénales ­ la commission d'un délit ou d'un crime ne sera plus possible (sous réserve d'éventuels cas de faux dans les titres) ­ cette disposition devient lettre morte. Elle est dès lors biffée de l'art. 121 et remplacée par un nouvel article dans le chapitre concernant les dispositions pénales (art. 129). Celui-ci prévoit qu'en cas de soustraction de l'impôt commise de manière intentionnelle, le montant de l'amende est fixé en fonction de l'impôt soustrait, conformément à la solution retenue en fiscalité directe, mais au maximum à 500 000 francs. En cas d'infraction commise par négligence, la quotité de la peine sera en revanche identique à celle des autres contraventions commises par négligence.

Affectation des bénéfices nets des jeux de grande envergure (art. 122 à 125) Cette section règle l'utilisation des bénéfices nets des loteries et des paris sportifs en faveur de buts d'utilité publique. Les cantons garderont une marge de manoeuvre suffisante pour tenir compte des particularités locales et des développements futurs.

Contrairement aux loteries et paris, les jeux d'adresse ne seront soumis à aucune obligation d'affectation, sous réserve de l'art. 45, al. 2, let. b, qui concerne l'affectation à des buts d'utilité publique des gains des joueurs mineurs ou exclus.

Art. 122

Affectation des bénéfices nets à des buts d'utilité publique

L'al. 1 est un rappel du principe fixé à l'art. 106, al. 6, Cst.: les bénéfices nets des loteries et des paris sportifs doivent être affectés entièrement à des buts d'utilité publique.

Le bénéfice net obtenu par l'exploitant de loteries et de paris sportifs se compose de la somme totale des mises et du résultat financier, dont il faut déduire les gains versés aux joueurs, les frais découlant de l'activité commerciale, y compris les commissions payées aux points de vente, les taxes perçues pour couvrir les coûts tels que ceux de la surveillance et de la prévention en rapport avec les jeux d'argent et les frais résultant de la composition de réserves et de provisions appropriées, autrement dit justifiées par l'activité commerciale. Cette définition du bénéfice net permettra aux cantons de continuer à prélever une taxe destinée à financer les mesures de prévention, comme ils le font à l'heure actuelle sur la base du concordat. L'art.

22, al. 1, let. i, du projet garantit que les frais d'exploitation seront adéquatement 7727

proportionnés aux ressources affectées à des buts d'utilité publique. Les exploitants de jeux loteries et paris seront exemptés de l'impôt sur le bénéfice en vertu des art.

56, let. g, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD)92 et 23, al. 1, let. f, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID)93.

La notion d'utilité publique recouvre également celle de bienfaisance. L'énumération des domaines entrant dans le cadre de l'utilité publique n'est pas exhaustive. Il s'agit d'une liste exemplative destinée à illustrer la notion d'utilité publique. Celle-ci est appelée à évoluer au fil du temps. Aujourd'hui déjà, selon la pratique des cantons, elle inclut les domaines de la protection du patrimoine, de la nature et de l'environnement, de même que celui de la santé. A l'avenir, il n'est pas exclu que d'autres secteurs s'y ajoutent. Dans le cadre des critères d'attribution, les cantons pourront tenir compte des réalités cantonales et des nouvelles évolutions. Dans tous les cas, le critère déterminant sera que l'activité qui bénéficie d'un soutien reste dans le cadre de l'utilité publique. Tel n'est pas le cas lorsque le seul intérêt en jeu est celui du canton en tant que collectivité publique. Ainsi, l'utilisation des bénéfices des loteries et paris à la seule fin d'améliorer la situation budgétaire du canton n'entrera pas dans le cadre de l'utilité publique.

L'al. 3 correspond, dans une large mesure, à l'art. 5, 2e phrase, LLP. La notion d'«obligations légales» doit être comprise dans un sens étroit: il s'agit des tâches imposées par la loi (droit cantonal ou droit fédéral) à la collectivité publique, par exemple la construction d'écoles ou d'hôpitaux, ou encore l'aide sociale aux personnes en difficulté. Il s'agit généralement de domaines gérés par les services de l'Etat.

Il ne s'agit pas de tâches pour lesquelles les collectivités disposent d'une simple faculté d'agir, notamment pour soutenir un projet ou une institution dans les domaines de l'encouragement du sport ou de la culture. Généralement, dans ces domaines, il s'agit pour l'Etat de soutenir l'action de tiers. Dans ces cas, l'attribution de contributions issues du fonds de loterie n'est en principe pas problématique. En revanche, lorsqu'il s'agit
de l'exécution d'obligations légales, celle-ci doit en principe être financée par le budget ordinaire de la collectivité concernée, et non par le fonds de loterie.

Les pratiques actuelles des cantons ne seront cependant pas remises fondamentalement en question, pour autant que l'utilisation des fonds de loterie reste dans le cadre de l'utilité publique. L'exclusion du financement de l'exécution d'obligations légales inscrite à l'al. 3 doit être interprétée restrictivement. Ainsi, il ne sera pas possible pour un canton de financer la construction d'une école par le fonds de loterie, mais le canton pourra solliciter ce fonds pour financer un équipement particulier de cette école, par exemple pour une salle de classe high tech. De même, un canton ne pourra pas, dans le domaine de la santé, avoir recours au fonds de loterie pour financer le coût de fonctionnement d'un hôpital; en revanche, il sera envisageable de financer une partie des soins à domicile à l'aide des fonds de loterie, par exemple si ces soins sont assumés par une fondation.

L'al. 4 règle le sort du produit des jeux d'adresse. En vertu de l'art. 106, al. 6, Cst., tous les jeux d'argent ne doivent pas nécessairement servir l'intérêt général: la 92 93

RS 642.11 RS 642.14

7728

Constitution n'exige pas que le bénéfice net des jeux d'adresse soit affecté à des buts d'utilité publique. Par contre, le produit des jeux d'adresse sera imposé conformément aux règles générales et sera notamment soumis à l'impôt sur le bénéfice.

Art. 123

Comptabilisation séparée

L'al. 1 reprend, sous une forme un peu modifiée, l'idée exprimée à l'art. 24, 1re phrase, CILP, à savoir que les bénéfices nets des loteries et paris doivent être versés sur un fonds séparé. Autrement dit, ils ne doivent pas entrer purement et simplement dans la caisse générale des cantons. Pour le reste, les cantons resteront libres de déterminer la manière dont ils souhaitent gérer cet argent. Il s'agit avant tout d'assurer la pérennité des organes de distribution des bénéfices qui existent dans de nombreux cantons, mais rien n'empêche par exemple la création de fondations de droit public pour gérer l'argent issu des bénéfices nets des loteries et paris.

L'al. 2 reprend quasiment tel quel l'art. 24, 2e phrase, CILP. Tout en respectant le principe d'attribution des bénéfices aux cantons dans lesquels les jeux se sont déroulés, les cantons pourront convenir de critères de répartition des bénéfices nets qui tiennent compte de divers facteurs, par exemple des revenus bruts des jeux réalisés dans le canton et la population.

Art. 124

Octroi de contributions

L'art. 124 impose aux cantons quelques exigences minimales quant à la procédure d'octroi des fonds et quant aux critères d'attribution. L'exigence de la forme légale (art. 124, al. 1) vise à faire en sorte que les cantons règlent la procédure et les critères d'attribution dans une loi au sens matériel, autrement dit sous forme de règle de droit contenue par exemple dans une loi, une ordonnance ou un décret. Une simple directive (ordonnance administrative) ne sera en revanche pas suffisante.

Les cantons devront notamment désigner, en la forme légale, les organes chargés d'octroyer les contributions. On relèvera qu'à cet égard, les pratiques actuelles des cantons divergent passablement. Dans certains cantons, c'est une autorité politique, telle que le gouvernement ou le parlement cantonal, qui est directement chargée de l'octroi des fonds; dans d'autres, ce rôle est assumé par une instance indépendante, dont les décisions doivent ou non être ratifiées par le gouvernement. Avec l'art. 124, al. 1, let. a, les cantons pourront conserver leurs pratiques actuelles. Conformément au principe d'autonomie organisationnelle des cantons, ceux-ci seront donc libres de choisir l'organe chargé de l'octroi des contributions, et pourront par exemple confier ce rôle à une autorité politique telle que le gouvernement cantonal. Une telle organisation présente cependant un risque de conflit d'intérêts. Pour pallier ce risque, les cantons qui choisiront une telle organisation devront mettre en place une surveillance adéquate et efficace des décisions d'octroi de contributions (par exemple par le biais du contrôle des finances), et garantir la transparence de la procédure, conformément à l'art. 125. Pour cette même raison, il demeure souhaitable que l'organe chargé d'examiner les demandes soit une instance externe à l'administration ou, du moins, qu'il bénéficie d'une certaine indépendance vis-à-vis des autorités politiques.

Quelle que soit l'organisation choisie, les cantons devront en outre garantir l'indépendance de l'organe qui octroie les contributions vis-à-vis des exploitants. Une personne siégeant dans cet organe ne devrait donc pas assumer de fonctions au sein de l'instance d'homologation ou des organes des sociétés de loterie (pas de cumul de mandats).

7729

Les critères d'octroi fixés par les cantons (voir actuellement art. 26 CILP) devront être définis et publiés (art. 124, al. 1, let. b, et 125, al. 1), afin de renforcer la transparence du processus.

La décision de verser telle somme à tel bénéficiaire devra en outre satisfaire à des exigences minimales en termes d'égalité de traitement (art. 124, al. 3).

L'art. 124, al. 4, énonce que les al. 2 et 3 du même article ne créent pas un droit de recours contre les décisions d'octroi d'une contribution. Il appartiendra aux cantons de décider s'ils veulent ouvrir ou non une voie de recours.

Les contributions attribuées par les instances de répartition le seront en principe sans contrepartie. Le donateur pourra toutefois être mentionné.

L'art. 124, al. 5, reprend et complète l'art. 24, 3e phrase, CILP. Le principe régissant l'affectation des bénéfices des loteries et paris est que cet argent bénéficie à ceux qui en sont à l'origine, autrement dit aux joueurs. C'est pour cela que les bénéfices générés dans un canton devront, en règle générale, rester dans ce canton (art. 123, al. 2). Selon l'al. 5, il sera possible aussi d'affecter ces bénéfices à des projets intercantonaux et nationaux. Dans ces cas, le principe général sera respecté, puisque l'argent restera en Suisse. Il est cependant nécessaire de prévoir cette précision dans la loi, dans la mesure où il s'agit d'une dérogation à l'art. 123, al. 2.

Art. 125

Transparence dans la répartition des fonds

Il appartient aux cantons d'exercer la surveillance sur l'octroi et la répartition des fonds par le ou les organes de répartition.

Ces organes de répartition devront publier chaque année la liste des bénéficiaires et le montant qui leur a été attribué, classé par domaine. Elles devront également publier leurs comptes (voir l'art. 28, let. c, CILP).

Affectation des bénéfices nets des jeux de petite envergure (art. 126) Art. 126 Le projet règle l'affectation du bénéfice net des jeux de petite envergure: alors que le bénéfice net des petites loteries et des paris sportifs locaux devra être affecté à des buts d'utilité publique ou conservé par les exploitants pour autant que ceux-ci poursuivent des buts non économiques (al. 1), le bénéfice net des tournois de poker réalisé en dehors des maisons de jeu titulaires d'une concession ne sera soumis à aucune obligation d'affectation (al. 2) L'al. 1 règle les cas dans lesquels les exploitants de petites loteries et de paris sportifs locaux pourront conserver les bénéfices nets de ces jeux au lieu de les affecter à des buts d'utilité publique. Cette disposition s'appliquera aussi aux jeux mentionnés à l'art. 41, al. 2, c'est-à-dire aux tombolas (aussi appelées lotos dans certains cantons). Il s'agit de conserver la pratique actuelle. Les clubs sportifs, les orchestres ou les clubs service, pour ne citer que quelques exemples, pourront donc continuer à organiser des petites loteries, y compris des tombolas, afin de financer leurs activités. En d'autres termes, ils ne devront pas obligatoirement investir l'argent gagné dans des actions d'utilité publique; il suffira que l'exploitant ne poursuive pas des buts économiques. Ce critère est le même que celui utilisé à l'art. 60 CC pour la définition de l'association. La forme de l'association constituera à ce titre un indice sérieux, puisque les associations ont nécessairement un but de nature politique, 7730

religieuse, scientifique, artistique, de bienfaisance, de récréation ou autres, et ne peuvent pas avoir de but purement économique. Cependant, la forme de l'association ne constituera pas un élément obligatoire: des exploitants organisés selon d'autres formes et qui n'ont pas du but économique pourront également entrer dans le champ d'application de l'art. 126, al. 1. Elle ne constituera pas non plus à elle seule un élément suffisant. Les abus visant à contourner le but de la loi doivent être exclus: un groupe d'amis qui se constituerait en association dont le but est de «promouvoir le bien-être de ses membres» et qui souhaiterait organiser un loto à la seule fin de rapporter de l'argent à ses membres aurait un comportement abusif et devrait se voir refuser l'autorisation d'organiser des petites loteries.

2.10

Chapitre 10 Dispositions pénales

Les dispositions pénales ont pour but de garantir le respect des obligations imposées par la loi. Elles jouent également un rôle décisif dans la lutte contre les jeux illégaux.

La plupart des infractions réprimées actuellement par la LMJ sont reprises dans le projet; d'autres viennent s'y ajouter, pour tenir compte des évolutions technologiques et sociales. Les infractions prévues concernent le domaine des maisons de jeux et des jeux de grande envergure ainsi que, dans une moindre mesure, les jeux de petite envergure. Les peines encourues pour les différentes catégories d'infractions correspondront pour la plupart à celles prévues actuellement par la LMJ. La peine privative de liberté maximale pour l'infraction de base (exploitation sans autorisation ou concession de jeux de casino) passera cependant de un an à trois ans. Pour les jeux de grande envergure, les nouvelles dispositions pénales apporteront, en partie, un durcissement. Alors qu'à l'heure actuelle, les infractions à la loi sur les loteries constituent au plus des contraventions punissables de l'amende (voir TF, 6B_422/2007), certains comportements délictueux constitueront, avec la nouvelle loi, des délits voire des crimes passibles d'une peine privative de liberté ou d'une peine pécuniaire. Ce durcissement tient compte du fait que les jeux de grande envergure illégaux permettent parfois d'obtenir des profits très élevés. Il tient également compte du fait que la dangerosité de certains jeux de grande envergure n'est pas moindre que celle des jeux de casino. La terminologie a en outre été adaptée à la nouvelle partie générale du code pénal.

Du point de vue procédural, la situation ne change pas pour la CFMJ. La position procédurale de l'autorité intercantonale est renforcée par rapport à la situation actuelle, puisque cette autorité aura notamment la qualité de partie dans les procédures pénales concernant des infractions dans le domaine des jeux de grande envergure.

On pourra renoncer dans le cadre des procédures pénales à la qualification des jeux dans une procédure administrative distincte.

Infractions (art. 127 à 130) Les infractions concernant les maisons de jeux et celles concernant les jeux de grande envergure sont regroupées dans une seule et même section.

La distinction entre délits et contraventions, qui se retrouve souvent
en droit pénal accessoire, se justifie en raison des degrés de gravité différents des infractions et dépend du type et de la dangerosité du jeu en question: l'exploitation de jeux de casino sans concession ou de jeux de grande envergure sans autorisation constitue 7731

un délit, alors que l'exploitation sans autorisation de jeux de petite envergure qui, par définition, recèlent un potentiel de danger inférieur, constitue une contravention.

Dans les cas graves, par exemple lorsque l'infraction est commise en bande dans le cadre d'une organisation criminelle, on a affaire à un crime. Le type et la dangerosité du jeu en question joueront aussi un rôle au moment du prononcé de la peine.

Ainsi, celui qui exploite un jeu de table illégal devra être sanctionné moins sévèrement que celui qui exploite un automate de jeu ou un jeu en ligne, dans la mesure où l'automate recèle un potentiel de danger supérieur et que les jeux proposés en ligne permettent une diffusion rapide sur l'ensemble du territoire.

Art. 127

Crimes et délits

Par rapport au droit actuel (LMJ), la durée maximale de la peine privative de liberté encourue passera de un an à trois ans. Cet allongement de la durée maximale de la peine répond à deux objectifs. D'une part, il faut augmenter l'effet préventif des sanctions pénales afin de renforcer l'efficacité de la lutte contre les jeux illégaux.

D'autre part, il s'agit de réduire la différence, du point de vue de la peine encourue, entre les cas graves et les cas normaux. A l'heure actuelle, cette peine passe de un an pour les cas normaux à cinq ans pour les cas graves. Contrairement au droit actuel, le projet ne fixe aucun maximum pour la peine pécuniaire, celui-ci découlant de la partie générale du code pénal.

Al. 1, let. a Par rapport au droit actuel (art. 55, al. 1, let. a, LMJ), l'expression «exploite une maison de jeu» a été abandonné, étant donné la difficulté liée à la définition de cette notion. Il se posait en effet la question de savoir à partir de quand on avait affaire à l'exploitation d'une maison de jeu en l'absence de concession, par opposition à l'exploitation de jeux de casino à l'extérieur d'une maison de jeu, qui ne constitue qu'une contravention selon le droit actuel. Selon la nouvelle disposition, se rendra punissable quiconque organise, exploite ou met à disposition des jeux d'argent sans disposer d'une concession ou d'une autorisation. Le défaut de concession concernera uniquement les maisons de jeu. Le défaut d'autorisation pourra concerner tant les jeux de casino (autorisation de jeu) que les jeux de grande envergure (autorisation d'exploitant ou autorisation de jeu). L'exploitation d'un jeu autorisé sous une forme modifiée ­ non prévue dans l'autorisation ­ entrera aussi dans le champ d'application de la disposition (ce qui correspond à l'actuel art. 56, al. 1, let. d, LMJ).

L'exploitation non autorisée d'un jeu de casino ou de grande envergure constituera l'infraction principale du dispositif pénal. Elle est le pendant pénal de l'art. 4. Au sens pénal, la notion d'exploitation inclut tous les actes en lien avec la mise en oeuvre concrète d'un jeu d'argent ou avec le fait de rendre un tel jeu accessible au public, notamment en le vendant ou en le distribuant. Elle inclut par exemple aussi le fait d'exploiter une plateforme permettant aux joueurs de jouer les uns contre les autres,
notamment en concluant des paris sportifs. L'exploitation de bourses de jeux en ligne, dans lesquelles des particuliers parient les uns contre les autres en déterminant eux-mêmes les cotes et les mises, sera également punissable. Les paris portent sur la réalisation ou la non-réalisation d'un événement. L'exploitant de la bourse a une fonction d'administrateur, qui se rémunère généralement en prélevant une part des gains réalisés. Les parieurs qui sont battus perdent uniquement leur mise. Les exploitants de bourses qui proposent des jeux d'argent autres que des jeux de grande envergure ou des jeux de casino seront punissables en vertu de l'art. 128, al. 1, let. a.

7732

L'organisation et la mise à disposition de jeux d'argent sans autorisation sont également visées. Par «organisation», on entend la mise en place de la structure qui permet l'exploitation du jeu. Généralement, l'organisation présente un lien étroit avec l'exploitation du jeu, mais il peut y avoir des cas dans lesquels la personne qui organise le jeu (généralement haut placée dans la hiérarchie) ne joue ensuite aucun rôle dans sa mise en oeuvre concrète. On trouve de tels cas de figure notamment dans le cadre de paris sportifs organisés à l'échelon international. Par «mise à disposition», on entend entre autres le fait de fournir des locaux, de prendre en charge tout ou partie des transactions financières liées aux jeux d'argent ou de procurer des installations aux fins d'organisation ou d'exploitation de jeux d'argent. Il est nécessaire d'ajouter ce comportement délictueux à la liste des infractions pour des motifs de transparence et de sécurité du droit et afin de prendre en compte un modèle d'affaires répandu dans le domaine des jeux d'argent illégaux. Dans ce modèle en effet, l'exploitant, le distributeur et les points de vente (généralement des établissements publics tels que bars, pubs, take-aways, etc.) sont des personnes différentes, l'exploitant étant en outre souvent domicilié à l'étranger. Si l'exploitant est domicilié en Suisse, les activités des distributeurs et revendeurs seront de toute façon punissables, non pas forcément au titre de l'infraction principale, mais au moins sous l'angle de la complicité (art. 25 CP). La complicité n'est cependant pas punissable en tant que telle si l'auteur de l'infraction principale est situé à l'étranger. Dès lors, afin que tous les acteurs de la chaîne puissent être poursuivis, même lorsque l'exploitant est domicilié à l'étranger, la mise à disposition de jeux d'argent doit également être punissable. Il ne s'agit cependant pas, ici, de sanctionner la simple mise à disposition d'ordinateurs avec un accès à Internet, comme c'est le cas dans un café Internet, dans certaines bibliothèques, aéroports ou autres bâtiments publics. La mise à disposition d'un appareil permettant d'accéder à Internet doit être punissable si l'appareil est programmé de manière à rediriger l'utilisateur automatiquement vers un site de jeux en ligne. Les fournisseurs de services
de télécommunications ne sont pas visés par cette disposition.

Al. 1, let. b Cette disposition n'a pas d'équivalent dans le droit actuel.

Par «moyen technique», on entend avant tout les automates de jeux ou les systèmes de jeux en ligne.

On vise ici le comportement du fabricant, du fournisseur ou du distributeur qui vend ces moyens techniques à des exploitants ou des points de vente ne disposant pas des concessions ou des autorisations nécessaires ou qui met ces moyens techniques à leur disposition. Pour que ce comportement soit punissable, il faudra que la personne en question sache que ces moyens techniques vont servir à l'exploitation de jeux d'argent illégaux. Elle devra savoir, en particulier, que son acheteur ne dispose pas des autorisations ou de la concession nécessaires.

Al. 2 Il s'agit ici de définir les cas graves, passibles d'une peine plus sévère. La notion de métier utilisée ici n'est pas celle de l'art. 33 LLP, mais celle du droit pénal.

La peine maximale encourue sera la même que dans le droit actuel.

7733

Al. 3 Seule l'infraction décrite à l'al. 1, let. a, sera punissable si elle est commise par négligence. S'agissant de l'al. 1, let. b (mise à disposition d'exploitants ne disposant pas de la concession ou des autorisations nécessaires), cette infraction, de par sa nature même, ne peut pas être commise par négligence ; elle est donc exclue du champ d'application de l'al. 3.

La peine encourue pour une infraction par négligence sera bien entendue plus légère.

Al. 4 Une disposition de même type figure déjà à l'art. 55, al. 1, let. b, LMJ. La nouvelle disposition punira également l'obtention indue d'une autorisation pour les jeux de grande envergure. Par rapport aux infractions réprimées aux let. a et b, le degré de gravité est moindre, puisque le jeu est exploité conformément aux règles, notamment s'agissant des mesures de sécurité et de la protection des joueurs. La décision fondant l'exploitation (concession, ou autorisation d'exploitant ou de jeu pour les jeux de grande envergure) est cependant viciée, si bien qu'il se justifie de faire de cette infraction un délit et non une simple contravention. Les al. 2 et 3 ne seront pas applicables à l'infraction réprimée à l'al. 4.

Art. 128

Contraventions

Al. 1 Pour les infractions déjà réprimées par le droit actuel, la peine maximale encourue pour les contraventions n'est pas modifiée.

Al. 1, let. a Cette infraction concerne les jeux d'argent qui ne sont pas évoqués à l'art. 127, al. 1, let. a, du projet, soit en particulier les jeux de petite envergure. L'exploitation, l'organisation ou la mise à disposition sans autorisation de jeux de petite envergure constituera une contravention, en raison du degré de dangerosité moindre de ces jeux. Cette disposition s'appliquera également aux jeux d'argent pour lesquels il n'est pas possible d'obtenir une autorisation et qui par conséquent sont interdits (voir art. 4), de manière à éviter qu'ils échappent à la punissabilité. Même s'il ne semble pas aujourd'hui y avoir de jeux d'argent qui n'appartiendraient pas à l'une des trois catégories (jeux de casino, jeux de grande envergure, jeux de petite envergure), il semble judicieux de prévoir une telle disposition subsidiaire dans la mesure où les cantons seront autonomes dans leur choix de réglementer les tombolas en tant que sous-catégorie des jeux de petite envergure.

Al. 1, let. b La publicité pour des jeux non autorisés sera interdite (voir art. 72, al. 3). Quiconque violera cette interdiction se rendra punissable. L'un des principaux cas d'application de cette disposition sera la publicité pour des sites de jeux en ligne non autorisés en Suisse.

Les personnes visées sont l'exploitant qui fait de la publicité pour son offre de jeux, mais aussi les intermédiaires, en particulier celui qui publie la publicité incriminée et les responsables du média qui a diffusé la publicité.

7734

La disposition vise tous les types de supports publicitaires, par exemple les affiches, les annonces dans la presse, les spots télévisés, les bannières publicitaires sur Internet, les publicités dans les stades ou sur les maillots de sportifs, etc.

Les normes pénales spéciales concernant les médias (art. 28 et 322bis CP) s'appliqueront aussi à la publicité pour les jeux d'argent illégaux. Le droit pénal des médias prévoit une responsabilité en cascade: l'auteur est punissable en priorité; s'il ne peut être découvert ou qu'il ne peut être traduit devant un tribunal en Suisse, le rédacteur responsable est punissable; à défaut de rédacteur, la personne responsable de la publication en cause est punissable. On peut donc partir du principe que, dans tous les cas, un responsable en Suisse pourra être identifié.

Al. 1, let. c La publicité pour des jeux d'argent autorisés sera punissable si elle est faite d'une manière contraire aux exigences de l'art. 72, al. 2, lequel interdit la publicité s'adressant aux mineurs ainsi qu'aux personnes frappées d'une mesure d'exclusion (l'exclusion peut concerner aussi bien les maisons de jeu que les jeux de grande envergure). S'agissant des personnes susceptibles d'être poursuivies, leur cercle est plus limité qu'à la let. b, puisqu'il s'agit ici uniquement des exploitants.

Al. 1, let. d Cette disposition reprend, en le complétant, l'actuel art. 56, al. 1, let. g, LMJ. Quiconque, intentionnellement, laissera jouer une personne qui n'a pas atteint l'âge minimum légal (voir art. 70, al. 2 et 3), ou qui a fait l'objet d'une exclusion au sens de l'art. 78, sera punissable. Cette première partie de la disposition concerne les jeux de casino et les jeux en ligne. Pour ces types de jeux en effet, des contrôles d'identité à l'entrée ­ entrée dans la maison de jeu ou entrée sur le site de jeux en ligne ­ sont possibles, même si, dans le cas des jeux en ligne, ils peuvent avoir lieu sur la base d'une simple auto-déclaration.

La seconde partie de la disposition sanctionne quiconque verse intentionnellement un gain à un joueur qui n'a pas atteint l'âge minimum légal ou qui a fait l'objet d'une exclusion. Cette seconde partie concerne les jeux de grande envergure. En effet, ceuxci ne sont pas concernés par la première partie dans la mesure où la loi n'exige pas de la part des
exploitants des contrôles d'identité avant l'accès au jeu. Pour les jeux de grande envergure, le contrôle d'identité n'aura lieu qu'au moment du paiement du gain, lorsque celui-ci dépasse un certain montant qui sera fixé par l'autorité intercantonale (art. 78, al. 3). Dès lors, ce n'est qu'à ce moment là qu'un exploitant de jeux de grande envergure pourra se rendre punissable au titre de cette disposition. Si le gain est inférieur à la limite fixée et qu'aucun contrôle d'identité n'a lieu, aucune responsabilité pénale ne sera engagée, à moins que l'on puisse démontrer que la personne qui a vendu le jeu ou versé le gain avait connaissance, d'une manière ou d'une autre, de l'âge du joueur ou des mesures d'exclusion qui le frappent. Mais on n'exigera de sa part aucune démarche pour se renseigner sur ces points.

Al. 1, let. e Cette disposition concerne uniquement les jeux de grande envergure. Elle a pour but d'assurer que le bénéfice net des jeux de grande envergure ira bien à des buts d'utilité publique et d'éviter que des montants soient indûment soustraits à ces buts.

Il s'agit d'un état de fait proche de celui réprimé à l'art. 129, qui concerne les casinos.

7735

Al. 1, let. f Cette disposition correspond matériellement à l'actuel art. 55, al. 1, let. c, LMJ, mais mentionne en plus les obligations de diligence au sens de la LBA et des dispositions d'exécution. Les dispositions relatives au blanchiment d'argent figurent au chapitre 5, section 4, du projet. Ces dispositions concernent en particulier les exploitants de jeux de grande envergure ainsi que les jeux en ligne. Pour le reste, notamment en ce qui concerne les casinos, le contenu des obligations de diligence est réglé au chapitre 2 de la LBA, Ces obligations seront concrétisées au niveau des ordonnances: pour les casinos, par une ordonnance de la CFMJ, pour les exploitants de jeux de grande envergure, par une ordonnance du DFJP. La violation de l'ensemble de ces règles relatives aux obligations de diligence doit être sanctionnée pénalement.

Al. 1, let. g Cette disposition reprend l'art. 56, al. 1, let. f, LMJ et en étend le champ d'application aux jeux de grande et de petite envergure.

Al. 1, let. h Selon l'art. 61 du projet, seuls les tiers mandatés par les détenteurs d'une autorisation pourront commercialiser des jeux de grande envergure. Cette disposition vise notamment l'organisation à titre commercial de sociétés de joueurs dans le but de participer à des jeux de grande envergure, qui constitue un cas particulier de revente de tels jeux. La violation de l'interdiction de revendre des jeux de grande envergure à des fins commerciales sans le consentement du détenteur de l'autorisation, et en particulier de l'interdiction d'organiser des sociétés de joueurs à des fins commerciales, sera sanctionnée pénalement pour des raisons de protection des joueurs et de protection des consommateurs. L'existence d'organisations de ce type a au final pour conséquence que la protection des joueurs contre le jeu excessif n'est plus garantie. Elle a aussi pour conséquence qu'une partie de l'argent joué dans des jeux de grande envergure échappe à l'utilité publique, si bien qu'il se justifie de sanctionner pénalement le comportement en cause. La disposition ne vise pas la revente de jeux à titre non commercial, par exemple lorsqu'une personne achète des billets de loterie pour un groupe d'amis.

Al. 2 L'al. 1 ne punit que les infractions commises intentionnellement. Si l'infraction a été commise par négligence,
la punissabilité est réglée à l'al. 2. La peine encourue est alors plus légère. Par ailleurs, certaines infractions se prêtent mal, de par leur nature, à une commission par négligence. Il appartiendra aux autorités d'application de mettre en place une pratique à ce sujet.

Al. 3 En vertu de l'art. 105, al. 2, CP, la tentative et la complicité ne sont punissables pour les contraventions que dans les cas expressément prévus par la loi. Or, étant donné que les violations de la loi sur les jeux d'argent impliquent souvent la participation de plusieurs personnes, il est souhaitable, également pour des raisons de prévention, de rendre la tentative et la complicité punissables pour les contraventions visées à l'al. 1. L'al. 3 remplit cette fonction. Pour la complicité, la punissabilité découle déjà de l'art. 5 de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA)94.

94

RS 313.0

7736

Art. 129

Soustraction de l'impôt sur les maisons de jeu

Cette disposition, qui concerne uniquement les maisons de jeu, combine les actuels art. 55, al. 1, let. d, et 56, al. 1, let. i, LMJ, ainsi que l'actuel art. 45, al. 1, 2e phrase, LMJ. Les art. 55, al, 1, let. d et 56, al. 1, let. i, LMJ punissent respectivement la soustraction d'impôt et la fourniture de fausses indications occasionnant la taxation erronée d'une maison de jeu. L'art. 45, al. 1, 2e phrase, prévoit, en cas de soustraction d'impôt, la perception d'un impôt répressif représentant cinq fois au plus le montant du supplément d'impôt. Ce régime est repris dans la nouvelle loi. Dès lors, la maison de jeu qui, intentionnellement, se sera soustraite à l'impôt sera punie d'une amende qui pourra aller jusqu'à cinq fois le montant de l'impôt soustrait mais atteindra au maximum 500 000 francs. Si l'infraction a été commise par négligence, l'amende sera la même que celle prévue à l'art. 128, al. 2, soit 250 000 francs au maximum.

Art. 130

Infractions commises dans une entreprise

Al. 1: Cette disposition reprend la réglementation prévue à l'art. 7 DPA, en relevant à 100 000 francs le montant maximal de l'amende au-delà duquel il n'est plus possible de poursuivre la personne morale en lieu et place des personnes physiques.

Al. 2: Cette précision est nécessaire étant donné qu'en principe, le DPA n'est pas applicable aux autorités cantonales.

Droit applicable et procédure (art. 131 à 134) Art. 131 et 132

Infraction commise en rapport avec des jeux de casino et soustraction de l'impôt; infraction commise en rapport avec d'autres jeux d'argent

S'agissant du droit applicable et de la procédure, les principes sont les suivants.

Lorsque l'infraction concerne le domaine des jeux de casino, la CFMJ est compétente. Elle peut poursuivre et juger les infractions, qu'il s'agisse de contraventions, de délits ou de crimes. Elle doit cependant transmettre le cas aux autorités pénales cantonales si elle estime qu'une peine privative de liberté doit être envisagée ou si la personne exige que l'affaire soit transmise à un juge (art. 21, al. 1 et 2, et 73, al. 1, DPA). Elle applique le DPA.

Le droit en vigueur (art. 61 ss OLMJ) dispose que quiconque entend mettre en circulation un appareil à sous doit, avant sa mise en exploitation, le présenter à la CFMJ dans le cadre d'une procédure administrative distincte afin qu'elle puisse procéder à sa qualification. Dans son arrêt du 16 mars 2012 (ATF 138 IV 106), le Tribunal fédéral a interdit au juge pénal de procéder lui-même à la qualification du jeu dans le cadre de la procédure pénale. Depuis cet arrêt, il faut à chaque procédure pénale ouvrir en parallèle une procédure administrative aux fins de qualification des jeux. Il ne peut y avoir de jugement au pénal avant la fin de la procédure administrative et l'entrée en force de la décision de qualification. Ce fonctionnement ralentit la procédure pénale.

Le projet ne confère aucune compétence de ce type à une autorité administrative. Il donne au contraire le droit à l'autorité qui juge les infractions de procéder à la qualification des jeux concernés, pour autant qu'aucune autorité administrative n'ait encore pris de décision exécutoire à ce sujet. Dès lors, la question de savoir si le juge 7737

pénal peut procéder à la qualification d'un jeu à titre de question préjudicielle sera tranchée selon les règles générales applicables à la situation où une autorité administrative et une autorité pénale peuvent être amenées à résoudre la même question.

Lorsque l'infraction concerne le domaine d'autres jeux d'argent, en particulier des jeux de grande ou de petite envergure, la compétence appartient aux autorités pénales du canton où l'infraction a été commise. En effet, l'autorité intercantonale n'a pas de compétences en matière de poursuite pénale et de jugement des infractions. Ces tâches sont assumées par les ministères publics cantonaux et les tribunaux cantonaux. Ceux-ci appliquent le code pénal et le code de procédure pénale.

Par rapport au droit actuel, le rôle de l'autorité intercantonale dans la procédure pénale sera renforcé. L'art. 132, al. 1, lui donne la possibilité d'être associée à l'enquête pénale. Sur la base de cette disposition, les autorités de poursuite pénale et l'autorité intercantonale pourront échanger des données au sujet d'une instruction pénale concrète. Les instructions pénales menées dans les cantons pourront ainsi bénéficier de l'apport des connaissances spécialisées de l'autorité intercantonale, connaissances qui font parfois défaut aux autorités de poursuite pénale des cantons.

Une disposition semblable existe à l'art. 23 LESp, pour le domaine de la lutte contre le dopage, qui nécessite lui aussi des connaissances spécialisées. L'art. 132, al. 2, confère en outre à l'autorité intercantonale certains droits de procédure de même ordre qu'à l'art. 23 LESp, ce qui lui permettra d'influencer activement la procédure.

Elle aura la possibilité de faire recours contre les ordonnances de classement et les ordonnances de non-entrée en matière, ou de faire appel des jugements au pénal.

L'autorité intercantonale aura également qualité pour former opposition contre une ordonnance pénale. Cette exception à la règle de l'art. 354, al. 1, CPP est justifiée car, contrairement à la partie plaignante «classique» (victime, lésé), l'autorité intercantonale ne poursuit pas la satisfaction d'intérêts financiers au sens de la réparation d'un dommage, mais veille à l'uniformité de l'application du droit ou de la jurisprudence.

Elle n'est naturellement pas tenue de faire usage de ces
droits. L'autorité d'exécution disposera des mêmes droits dans le domaine de la manipulation des compétitions (voir, dans la modification du droit en vigueur, le nouvel art. 25b LESp).

Art. 133

Conflits de compétence

Les conflits de compétences entre la CFMJ et les autorités cantonales de poursuite pénale seront tranchés par les cours des plaintes du Tribunal pénal fédéral (voir également art. 37, al. 2, let. g, de la loi du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales (LOAP)95, tel que modifié par le présent projet).

Art. 134

Prescription de l'action pénale

Cette disposition prévoit une distinction entre les contraventions et les autres types d'infractions. Pour les contraventions, le délai de prescription de l'action pénale sera de cinq ans. Pour les crimes et délits, la prescription est régie par la partie générale du code pénal (art. 97 CP). Le délai sera donc en règle générale de dix ans, voire de quinze ans pour les cas graves. Pour les procédures relevant de la compétence de la CFMJ, le DPA, en particulier son art. 11, al. 3, est applicable pour le surplus.

95

RS 173.71

7738

2.11

Chapitre 11 Dispositions finales

Exécution et haute surveillance (art. 135) Art. 135 Par cet article, le législateur donne mandat au Conseil fédéral d'édicter les dispositions d'exécution qui sont nécessaires à l'application de la loi. Outre ce mandat, la loi prévoit plusieurs délégations de compétences législatives à l'attention du Conseil fédéral. Elles sont commentées dans les chapitres pertinents.

L'art. 186, al. 4, Cst. régit la haute surveillance de la Confédération sur l'exécution du droit fédéral par les cantons. L'art. 135, al. 2, du projet ne statue pas de droits ou de devoirs de surveillance allant au-delà de la compétence constitutionnelle, mais indique clairement que la Confédération exerce la haute surveillance. L'autorité administrative chargée par le Conseil fédéral de l'exercice de la haute surveillance siègera ainsi notamment au sein de l'organe de coordination. A l'heure actuelle, c'est l'Office fédéral de la justice qui exerce la haute surveillance sur les jeux d'argent.

Abrogation et modification d'autres actes (art. 136) Art. 136 La modification d'autres actes est développée ci-dessous, sous «annexes».

Dispositions transitoires (art. 137 à 141) Les dispositions transitoires proposées visent à garantir la sécurité du droit au moment du passage à la nouvelle législation ainsi que la continuité de l'exploitation.

Art. 137

Maisons de jeu

Cet article confirme que les concessions octroyées selon l'ancien droit pour l'exploitation des maisons de jeu resteront valables après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Il prévoit par ailleurs que les concessions octroyées sous la LMJ échoiront toutes à la même date, à savoir six années civiles à compter de l'entrée en vigueur de la loi. Les concessions existantes bénéficieront par ce biais d'une prolongation de quelques années de leur durée, qui aurait dû échoir entre mi-2022 et fin 2023 selon les casinos. Ce mode de procéder permettra de renouveler les concessions de manière uniformisée et de disposer d'une vue d'ensemble du marché suisse à un moment donné. Il permet également aux casinos qui demanderont une extension de leur concession pour l'exploitation de jeux en ligne de disposer de quelques années d'exploitation avant de devoir demander le renouvellement de leur concession, ce qui devrait leur permettre de rentabiliser leurs investissements. Sont bien entendu réservés les cas de violations importantes de la législation et de la concession qui mériteraient un retrait immédiat de celle-ci.

La disposition prévoit en outre expressément que le nouveau droit s'appliquera aux maisons de jeu existantes dès l'entrée en vigueur de la loi. Les actes de concession actuels réservent expressément les modifications ultérieures de la législation en vigueur et habilitent la CFMJ à procéder aux adaptations de la concession qui s'avéreraient nécessaires en raison de ces modifications. Dès lors, l'application 7739

immédiate du nouveau droit n'est pas contraire au principe de la bonne foi ni ne viole de droits acquis.

Du point de vue de l'exploitation des maisons de jeu, le projet apporte peu de modifications. En matière de programme de mesures de sécurité et de programme de mesures sociales, les règles applicables aujourd'hui seront largement reprises. C'est la raison pour laquelle une période transitoire d'un an paraît suffisante pour procéder aux adaptations nécessitées par la nouvelle loi. Selon le type d'adaptations apportées, ces dernières seront soumises à la CFMJ pour approbation ou pour prise de connaissance. Il s'agit notamment de l'adaptation du programme de mesures sociales afin de déterminer les procédures à suivre pour l'exclusion des personnes qui sont dépendantes au jeu ou encore des travaux nécessaires à l'élaboration d'un registre uniformisé d'exclusions ­ pour le cas où les maisons de jeu et les exploitants de jeux de grande envergure décideraient de créer un tel registre. Si les adaptations n'étaient pas apportées dans le délai prévu, la CFMJ évaluerait la situation dans le cadre légal ordinaire et pourrait utiliser les moyens administratifs prévus dans la loi sur les jeux d'argent.

En matière de dispositions pénales, les principes généraux, particulièrement celui de la lex mitior, seront applicables, si bien qu'il n'est pas nécessaire de prévoir de dispositions transitoires. L'application de ce principe implique que les procédures en cours, de même que les poursuites d'infractions commises avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, sont soumises aux dispositions pénales de l'ancien droit. Les infractions commises dès l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sont en revanche soumises aux nouvelles dispositions. Ces règles seront également applicables pour les sanctions administratives.

Art. 138

Autorisation d'exploitant pour les jeux de grande envergure

Le droit en vigueur ne connaît pas l'autorisation d'exploitant pour les jeux de grande envergure. Si les exploitants et la répartition du marché actuels sont en principe connus pour les loteries et paris, tel n'est pas toujours le cas pour les jeux d'adresse exploités de manière automatisé, en ligne ou au niveau intercantonal. Afin de pouvoir mettre en oeuvre son devoir de surveillance, il est nécessaire que l'autorité intercantonale dispose rapidement d'une vue d'ensemble des exploitants qui relèvent de sa compétence. C'est la raison pour laquelle tous les exploitants déjà présents sur le marché devront déposer une demande d'autorisation d'exploitant au sens de la nouvelle loi dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur de la loi.

L'al. 2 vise à assurer l'égalité de traitement entre les exploitants qui déposeront rapidement une demande auprès de l'autorité (par exemple dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de la loi), mais dont la demande serait rejetée, et les exploitants qui resteront inactifs et ne déposeront pas de demande dans le délai prévu. Dans ces deux cas, l'absence d'autorisation d'exploitant déploiera ses effets sur l'autorisation de jeu en même temps: pour ces exploitants, l'autorisation d'exploiter les jeux cessera deux ans après l'entrée en vigueur de la loi. En cas d'entrée en vigueur le 1er janvier 2018, l'autorisation de jeu cessera le 31 décembre 2019. De cette façon, les exploitants qui sont soucieux de régulariser leur situation mais ne répondent pas aux exigences de la nouvelle loi ne seront pas prétérités par rapport aux exploitants qui n'auront entrepris aucune démarche. Comme pour les maisons de jeu, les cas flagrants de violations graves à la législation seront réservés.

7740

Art. 139

Autorisation de jeu pour les jeux de grande envergure

Les détenteurs d'une autorisation ­ octroyée sous l'ancien droit ­ pour des jeux qui seront considérés comme des jeux de grande envergure devront déposer une demande d'autorisation de jeu à l'autorité intercantonale dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur de la loi. Pour ce faire, elles devront bénéficier d'une autorisation d'exploitant. Il leur sera toutefois possible de déposer simultanément les deux demandes auprès de l'autorité intercantonale. Cette procédure ne constituera qu'une formalité pour les jeux qui relèvent, aujourd'hui déjà, de l'autorité intercantonale.

Elle pourra en revanche s'avérer plus complexe pour les jeux d'adresse automatisés qui sont aujourd'hui autorisés par les cantons (et homologués par la CFMJ). Pour les jeux qui ont déjà été autorisés et qui n'ont subi aucune modification, on peut s'attendre à ce que l'autorité intercantonale s'appuie dans une large mesure sur la décision d'homologation existante pour la qualification de l'automate. Elle devra toutefois vérifier que les exigences fixées à l'art. 25, al. 1, et particulièrement à la let. b, sont respectées.

Dans ce contexte, elle examinera également les contrats conclus avec les fournisseurs de jeux en ligne ou avec les distributeurs de loteries et paris sportifs qui prévoient une rémunération en fonction du produit brut des jeux et vérifiera que cette rémunération est raisonnable. Dans la négative, elle pourra exiger que le contrat en question soit résilié.

Selon le nombre de demandes qui seront déposées et l'étendue des vérifications à effectuer, certaines procédures d'autorisation pourraient être relativement longues.

Cela pourrait être le cas en particulier pour les jeux d'adresse exploités de manière automatisée, en ligne ou au niveau intercantonal, qui relèveront nouvellement de la compétence de l'autorité intercantonale. C'est la raison pour laquelle il est prévu que les autorisations octroyées sous l'ancien droit restent valables jusqu'à l'entrée en force de la décision d'autorisation de jeu, mais au moins jusqu'à la fin d'une période de deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, ceci afin de garantir une certaine égalité de traitement entre les exploitants (pour le détail, voir le commentaire de l'art. 138).

Le dernier alinéa prévoit expressément que les jeux d'adresse automatisés seront soumis à la surveillance de l'autorité intercantonale à partir de l'entrée en vigueur de la loi.

Art. 140

Autorisation de nouveaux jeux de grande envergure

Pour déposer une demande d'autorisation de nouveaux jeux, les exploitants devront en principe être au bénéfice d'une autorisation d'exploitant entrée en force. Une exception à ce principe mérite toutefois d'être aménagée pour les détenteurs d'autorisations délivrées selon l'ancien droit pour des loteries et paris sportifs exploités sur le plan intercantonal. Pour ces derniers en effet, le droit en vigueur subordonne déjà l'octroi de l'autorisation de jeux au respect de certaines exigences par l'exploitant. Cela n'est en revanche pas le cas pour les jeux d'adresse exploités de manière automatisée, en ligne ou au niveau intercantonal, raison pour laquelle les exploitants de ce type de jeux ne pourront pas se prévaloir de cette exception.

Le régime transitoire aménagé permettra de tenir compte du développement rapide du marché des loteries et paris sportifs. A l'heure actuelle, l'autorité intercantonale autorise chaque année plusieurs dizaines de jeux. Dans le souci d'assurer la continui7741

té de l'offre de jeux et de manière à pouvoir assurer le développement de cette offre, les exploitants concernés pourront déposer des demandes pour de nouveaux jeux dès l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Cette disposition ne dispense toutefois pas les exploitants concernés de déposer une demande d'autorisation d'exploitant dans le délai prévu à l'art. 138. S'ils ne le font pas, les autorisations obtenues pour les nouveaux jeux perdront leur validité à la fin de la période de deux ans après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Par ailleurs, si l'autorisation d'exploitant est refusée, l'autorisation pour les nouveaux jeux sera caduque dès l'entrée en force de la décision de refus. Une prolongation de l'exploitation jusqu'à la fin de la période de deux ans, comme cela est prévu pour les jeux autorisés sous l'ancien droit (art. 139, al. 2), n'est pas justifiée pour les nouveaux jeux.

Art. 141

Autorisation de jeux de petite envergure

Un délai transitoire paraît également nécessaire pour les autorisations octroyées sous l'ancien droit pour des jeux qualifiés nouvellement de jeux de petite envergure. Pour ces derniers, un délai transitoire de deux ans paraît raisonnable. Compte tenu du caractère très ponctuel de ces jeux, on doit partir de l'idée que la période de deux ans sera rarement utilisée entièrement.

Le but de la loi sur les jeux d'argent n'est pas d'interdire les jeux de petite envergure mais d'en encadrer leur exploitation. La mise en oeuvre de la loi et de ses ordonnances d'exécution, ainsi que leur application, nécessiteront des adaptations des législations cantonales, y compris pour les jeux qui seront dorénavant qualifiés de jeux de petite envergure. Les cantons devraient en principe être en mesure d'apporter les modifications législatives nécessaires entre le moment de l'approbation de la loi et son entrée en vigueur. Le projet leur aménage cependant un délai transitoire supplémentaire de deux ans ­ à partir de l'entrée en vigueur de la loi ­ pour procéder aux modifications tant législatives que procédurales nécessaires.

Pendant cette période transitoire, les demandes d'autorisation resteront soumises à l'ancien droit. Cette règle présente l'avantage d'assurer la continuité de l'exploitation des tombolas et paris sportifs locaux durant la période de transition. Son inconvénient réside dans le fait que les tournois de poker ne pourront être proposés que lorsque les cantons auront aménagé les dispositions légales et les procédures pertinentes. Ainsi, plus vite les cantons légiféreront, plus tôt ils pourront proposer des petits tournois de poker. Ce régime transitoire sera applicable uniquement aux jeux qualifiés de jeux de petite envergure selon la nouvelle loi. Les dispositions transitoires pour les jeux qualifiés de jeux de casino ou de jeux de grande envergure selon la nouvelle loi sont prévues aux art. 137 à 140.

Référendum et entrée en vigueur (art. 142) Art. 142 Le projet est sujet au référendum au sens de l'art. 141, al. 1, let. a, Cst.

Il est prévu que le Conseil fédéral fixe l'entrée en vigueur de la loi. Ce faisant il prendra en compte le temps nécessaire pour élaborer les dispositions d'exécution, tant au niveau fédéral que cantonal. Afin d'assurer que le nouvel organe de coordination soit rapidement opérationnel, le Conseil fédéral pourrait par ailleurs prévoir une entrée en vigueur échelonnée.

7742

Modification d'autres actes

1. Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF)96 Il n'existe pas dans le droit en vigueur de recours contre les décisions du Conseil fédéral relatives à l'octroi d'une concession pour les maisons de jeu. Le projet remédie à l'absence de cette voie de droit en permettant le recours devant le Tribunal administratif fédéral contre les décisions du Conseil fédéral relatives à l'octroi ou à l'extension de la concession d'une maison de jeu. Le respect du cadre juridique et de la procédure à suivre seront également sujets à recours. Les recours au Tribunal fédéral contre les arrêts du Tribunal administratif fédéral seront par contre en principe exclus, sauf lorsqu'une question juridique de principe se pose ou qu'il s'agit pour d'autres motifs d'un cas particulièrement important.

Le développement des voies de droit s'explique par la réforme de la justice qui a eu lieu depuis l'entrée en vigueur de la LMJ. L'art. 29a Cst. dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal. La réforme de la justice a induit des modifications profondes de la législation relative à l'organisation judiciaire fédérale. Dans son rapport du 30 octobre 2013 sur les résultats de l'évaluation de la nouvelle organisation judiciaire fédérale, le Conseil fédéral annonçait des modifications législatives visant à améliorer la protection juridictionnelle à l'égard des décisions du Conseil fédéral et de l'Assemblée fédérale97. Un avant-projet est en cours d'élaboration. Aux termes du de l'AP-LTF, le recours au Tribunal fédéral sera recevable contre les décisions pour lesquelles se pose une question juridique de principe ou qui soulèvent des questions importantes pour d'autres motifs (et qui relèvent de la liste des exceptions de l'art. 83 LTF). Le projet concrétise donc cette réforme pour le domaine des maisons de jeu.

Art. 83, let. fter L'art. 83 LTF énonce les domaines dans lesquels le recours au Tribunal fédéral est exceptionnellement irrecevable. La nouvelle let. fter dispose que les recours contre les décisions relatives à l'octroi d'une concession pour une maison de jeu seront en principe irrecevables. Elle statue une exception à l'exception, puisque les recours seront admissibles lorsqu'une question juridique de principe se pose ou qu'il s'agit pour d'autres motifs d'un cas particulièrement
important. Le Parlement a déjà adopté une réglementation analogue concernant la remise de l'impôt.98 Le Tribunal fédéral a une grande latitude pour déterminer si un recours soulève une question juridique de principe ou concerne un cas particulièrement important.

Jusqu'à présent, il a interprété ces notions juridiques indéterminées de manière restrictive99. Il considère qu'elles ne justifient qu'exceptionnellement l'ouverture d'une voie de droit au Tribunal fédéral, alors que le recours serait normalement exclu.

96 97 98 99

RS 173.110 FF 2013 8143 8172 Art. 83, let. m, LTF dans la version de la loi du 20 juin 2014 sur la remise de l'impôt (RO 2015 9).

ATF 140 III 501 consid. 1.3, 139 II 340 consid. 4, 138 I 143 consid. 1.1.2, tous trois avec d'autres références.

7743

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral100, une question juridique est une question de principe lorsque la façon dont elle est tranchée a nature de précédent et que, de par son importance, elle mérite d'être appréciée par l'autorité judiciaire suprême.

C'est notamment le cas lorsque les instances inférieures auront manifestement à juger de nombreuses affaires similaires et que, vu le cas examiné, la réponse à la question sera pertinente dans d'autres cas. Il peut s'agir d'une question juridique qui se pose pour la première fois lorsqu'elle doit être clarifiée par le Tribunal fédéral, ou bien d'une question déjà tranchée par le Tribunal fédéral mais qui a fait l'objet de critiques de la doctrine assez importantes pour qu'un nouvel examen se justifie. Si la jurisprudence des instances inférieures sur une même question diverge, ou que la décision contestée s'écarte de la jurisprudence du Tribunal fédéral, il est utile que ce dernier opère un nouvel examen101. Les questions juridiques de principe peuvent aussi se poser après l'édiction de nouvelles normes matérielles ou procédurales ou en relation avec des développements sur le plan international.

L'art. 84, al. 2, LTF actuel concrétise la notion de cas particulièrement important dans le domaine de l'entraide pénale internationale: un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves. La formulation choisie dans le projet ­ «lorsque la contestation soulève une question juridique de principe ou qu'elle porte, pour d'autres motifs, sur un cas particulièrement important» ­ exprime que les recours soulevant des questions juridiques de principe sont la forme principale de cas particulièrement importants. Pour qu'une affaire soit considérée comme particulièrement importante, il faut donc aussi qu'il y ait un grand intérêt à ce que la décision soit rendue par l'autorité judiciaire suprême.

Ce peut être le cas si la décision touche directement ou indirectement un grand nombre de personnes, si elle a des conséquences majeures pour l'exécution des tâches d'une collectivité publique ou s'il existe des signes que l'autorité précédente a enfreint des normes juridiques importantes.

2. Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF)102 L'art. 32 LTAF présente la liste des cas dans lesquels le recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA est exceptionnellement irrecevable. L'art. 33 LTAF énumère les autorités précédentes. La let. b définit tous les cas dans lesquels le Conseil fédéral est une instance précédente. Il est nécessaire d'abroger l'art. 32, al. 1, let. h, et d'inscrire un nouveau ch. 7 à l'art. 33, let. b, LTAF pour que le recours devant le Tribunal administratif fédéral contre le refus, l'octroi ou l'extension d'une concession à une maison de jeu au sens des art. 5 à 11 du projet soit recevable.

100 101

ATF 139 II 340 consid. 4 p. 343 avec de nombreuses références, 137 III 580 consid. 1.1.

Message du 28 février 2001, concernant la révision totale de l'organisation judiciaire, FF 2001 4000 4108.

102 RS 173.32

7744

3. Loi du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales (LOAP) L'art. 37, al. 2, let. g, LOAP prévoit actuellement la compétence de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral pour statuer sur les contestations en matière de for qui lui sont soumises en vertu de la LLP. Cette disposition doit être adaptée. Conformément à l'art. 133 du projet, le Tribunal pénal fédéral demeure l'autorité compétente. Les conflits de compétence qu'il aura à trancher seront ceux entre la CFMJ et les autorités cantonales de poursuite pénale.

4. Code de procédure pénale (CPP) On peut se demander s'il faut inscrire la manipulation des compétitions au sens de l'art. 25a LESp dans la liste des infractions soumises à la juridiction fédérale (art. 24, al. 1, CPP). Mais il est préférable d'y renoncer. Il est vrai que le caractère global, le degré de complexité et le manque de transparence des structures et des processus caractéristiques à ce type d'infractions requièrent un certain degré de coordination entre les autorités suisses et les autorités étrangères ainsi que des connaissances spécialisées. Toutefois, force est de constater que la complexité est une caractéristique d'autres domaines également, la criminalité économique par exemple, sans pour autant que toutes les procédures en la matière relèvent de la juridiction fédérale. La question des connaissances spécialisées est réglée à l'art. 25b LESp. Aux termes de cette disposition, les autorités de poursuite pénale peuvent associer à l'instruction l'autorité intercantonale au sens de l'art. 102 du projet. On peut néanmoins considérer que le droit en vigueur comprend déjà une compétence fédérale en matière de manipulation des compétitions puisque cette dernière est liée à la criminalité internationale organisée lorsqu'il s'agit de paris sportifs.

Art. 269, al. 2, let. i Une surveillance de la correspondance par poste et télécommunications pourra être ordonnée en cas de soupçons graves de manipulation des compétitions. Les découvertes fortuites faites dans le cadre d'autres enquêtes pourront être utilisées dans les procédures concernant la manipulation des compétitions (art. 278 CPP).

Art. 269, al. 2, let. j Dans le respect des conditions prévues à l'art. 269, al. 1, CPP, il devrait également être possible de procéder à la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication en cas de graves soupçons laissant présumer que des personnes ont commis un crime par l'exploitation, l'organisation ou la mise à disposition de jeux de casino ou de jeux de grande envergure, sans être titulaire des concessions ou des autorisations nécessaires au sens de l'art. 127, al. 1, let. a, du projet. Ces infractions sont souvent commises dans le cadre du crime organisé et liées à des infractions de blanchiment d'argent. Compte tenu de leur gravité, il se justifie que les autorités de poursuite pénale puissent si nécessaire disposer d'instruments d'investigation incisifs.

7745

Art. 286, al. 2, let. h Une investigation secrète pourra être ordonnée en cas de soupçons fondés de manipulation des compétitions.

Art. 286, al. 2, let. i Dans le respect des conditions prévues à l'art. 286, al. 1, CPP, les autorités de poursuite pénale devraient également avoir la possibilité de procéder à des mesures d'investigation secrètes en cas de graves soupçons laissant présumer que des personnes ont commis un crime par l'exploitation, l'organisation ou la mise à disposition de jeux de casino ou de jeux de grande envergure, sans être titulaire des concessions ou des autorisations nécessaires au sens de l'art. 127, al. 1, let. a, de la loi.

5. Loi du 17 juin 2011 sur l'encouragement du sport (LESp) Mesures contre la manipulation des compétitions (art. 25a à 25c) Art. 25a La nouvelle infraction de manipulation des compétitions constitue un délit de corruption. Vu le bien juridique à protéger, soit le fairplay dans le sport, il paraît en effet préférable de lier l'infraction à la manipulation de la manifestation sportive plutôt que d'établir un lien avec l'article du code pénal sur l'escroquerie (art. 146 CP) et d'étendre l'application des dispositions en la matière. Les dispositions pénales proposées ne protégeront pas en priorité les intérêts patrimoniaux des organisations sportives et des exploitants de paris, mais l'intégrité du sport.

La manipulation des compétitions est un délit propre au sens de l'art. 26 CP. Toutes les personnes qui exercent dans le cadre d'une compétition sportive une fonction qui leur permet d'en influencer le cours peuvent être les auteurs d'une telle infraction.

On pense aux compétiteurs (sportifs), aux arbitres et à leurs assistants, aux entraîneurs et à leurs assistants, à l'équipe d'encadrement (en fonction du type de sport, par ex. technicien du sport ou vétérinaire) ainsi qu'à d'autres auxiliaires. Comme les interruptions de jeu à des fins de manipulation peuvent également être provoquées par des incidents techniques (par ex. panne de projecteurs, manipulation des équipements sportifs, mise en route du dispositif d'arrosage), les techniciens des exploitants tomberont par exemple aussi sous le coup des dispositions. Ce n'est pas le cas des spectateurs ni de perturbateurs éventuels. Seules les compétitions pour lesquelles des paris sont offerts sont concernées. Les actes de corruption commis autour d'une compétition qui n'ont pas d'influence directe sur celle-ci ne seront pas couverts par ces dispositions. Par exemple, elles ne viseront nullement une personne qui verserait des dessous de table à un exploitant pour obtenir un emplacement pour son stand de saucisses.

L'auteur du délit devra agir intentionnellement. Cela ne devrait pas être difficile à prouver. Un sportif qui accepte de l'argent ou d'autres avantages pour modifier le cours ou l'issue d'une compétition doit obligatoirement se demander quelles sont les motivations du donateur, et notamment supposer qu'il existe un lien avec des paris sportifs.

7746

Le terme de compétition sportive au sens de ces dispositions couvre toute compétition réglementée, c'est-à-dire régie par le règlement d'une organisation sportive, qu'il s'agisse du sport amateur ou professionnel. Seront considérées comme compétitions toutes les manifestations sportives organisées par une association internationale, nationale ou régionale, ou encore par une antenne locale de cette dernière, ou qui se déroulent conformément aux règles fixées par une association sportive internationale ou nationale, quel que soit le statut juridique de l'organisateur.

Il faut interpréter l'«avantage indu» comme dans les infractions classiques de corruption. Est considéré comme avantage tout type de don gratuit, qu'il soit matériel ou immatériel. En règle générale, il s'agit d'un avantage patrimonial. Un avantage est indu s'il n'est pas dû pour un autre motif juridique, mais qu'il est conféré en échange du trucage d'une compétition. L'avantage peut être conféré à la personne corrompue elle-même ou à un tiers.

Le but de l'acte est de fausser le déroulement de la compétition. Il serait trop réducteur de se limiter au résultat de celle-ci. L'acte consiste à convenir au préalable d'actions en cours de compétition (par ex. changer un joueur, ne pas être offensif, feindre de mauvais choix) qui ne reposent pas sur des motivations sportives, mais justement sur cet accord et sur la promesse d'un avantage indu. Il importe peu de savoir si le comportement en question est conforme aux règles du jeu ou s'il y est contraire. La protection ne vise pas les règles du jeu.

Comme pour les infractions classiques de corruption, l'acte est soit passif ­ solliciter, se faire promettre ou accepter un avantage indu ­, soit actif ­ offrir, promettre ou octroyer un avantage indu.

Il doit y avoir un rapport d'équivalence entre l'avantage indu et le trucage de la compétition. Le comportement de l'auteur doit viser la conclusion d'un arrangement illégal. La forme et le contenu de la falsification doivent pouvoir être définis dans les grandes lignes. Il n'est pas exigé qu'on puisse prouver concrètement qu'il y a un arrangement illégal. Les éléments constitutifs de l'infraction seront réunis lorsque l'accord est conclu, peu importe que la manipulation soit mise à exécution ou que le déroulement visé du jeu se réalise.

Les éléments
constitutifs de la manipulation des compétitions sportives ne seront par contre pas réunis s'il n'y a pas d'accord préalable relevant de la corruption. Les dispositions concernées ne s'appliqueront pas au fait de prendre ou de faire prendre des produits qui augmentent la performance, d'avoir recours à des méthodes illégales ou de manipuler des équipements sportifs; ces actes peuvent néanmoins tomber sous le coup d'autres dispositions pénales (par ex. dopage, escroquerie, dommages à la propriété, protection des animaux).

L'infraction sera qualifiée et la peine plus sévère si l'auteur agit en bande ou s'il fait métier de manipuler des compétitions.

L'escroquerie aux paris continuera d'être poursuivie sur la base des art. 146 (escroquerie) ou 147 CP (utilisation frauduleuse d'un ordinateur). Il y a concours idéal, puisque plusieurs biens juridiques sont lésés. L'art. 49 CP s'applique. Le fait qu'il y ait différents biens juridiques à protéger donne à penser qu'il y a également concours idéal avec la corruption privée au sens de l'art. 4a LCD.

L'infraction ne sera pas considérée comme qualifiée si la personne corrompue manipule la compétition ou tente effectivement de la manipuler, mais le juge en tiendra compte lorsqu'il fixera la peine.

7747

Dans les dispositions pénales proposées, la manipulation des compétitions est un délit. La gamme des peines encourues lorsque l'infraction n'est pas qualifiée est la même que pour la corruption privée. Les peines encourues seront moins sévères que pour la corruption au sens de l'art. 322ter CP. Celles encourues pour l'infraction de base et l'infraction qualifiée correspondent aux peines fixées dans les dispositions sur le dopage de la LESp. La peine sera la même que la manipulation soit active ou passive.

Le lieu de commission de l'acte déterminera si les autorités de poursuite pénale suisses sont compétentes. L'infraction de corruption sera considérée comme commise à l'endroit où la personne qui corrompt fait son offre, à l'endroit où l'accord de corruption est scellé ou à l'endroit où l'avantage indu est remis, quel que soit le lieu où se déroule la compétition. Les dispositions ne protègent donc pas que les jeux qui se déroulent en Suisse. A contrario, si l'accord de corruption en rapport avec une compétition qui se déroule en Suisse est scellé à l'étranger et que l'octroi d'un avantage a lieu à l'étranger, l'existence d'un lieu de commission de l'acte en Suisse n'est pas exclu (art. 8 CP), dès lors qu'il existe un lien suffisamment étroit avec la Suisse.

Le sport tend à s'internationaliser et, comme l'ont montré les cas récents, le succès de la poursuite pénale dépend souvent de la coopération internationale. Celle-ci implique que l'infraction soit poursuivie tant dans l'Etat qui demande l'entraide judiciaire que dans celui qui l'octroie. La création d'une infraction spécifique de corruption en rapport avec la manipulation des compétitions suit l'évolution juridique rencontrée dans plusieurs autres pays et constitue la base de la coopération internationale en matière pénale dans ce domaine. C'est là le seul moyen de poursuivre efficacement les accords de corruption transfrontaliers.

Art. 25b et 25c Ces deux articles règlent la position de l'autorité intercantonale dans le cadre des poursuites pénales introduites en cas de violation de l'art. 25a. Ils s'inspirent largement de la disposition prévue à l'art. 132 du projet. Ainsi, bien que l'autorité intercantonale ne dispose d'aucune compétence de poursuite pénale, les autorités judiciaires compétentes pourront requérir son soutien dans le
cadre de leurs procédures.

En outre, elles l'informeront des procédures pénales ouvertes pour violation de l'art.

25a et lui notifieront leurs prononcés. Il est prévu que l'autorité intercantonale dispose de certains droits de procédure: elle pourra ainsi recourir contre les ordonnances de non-entrée en matière ou de classement, former opposition contre les ordonnances pénales et faire appel des jugements au pénal. De son côté, elle aura l'obligation de dénoncer les infractions à l'art. 25a aux autorités judiciaires compétentes et de leur communiquer les soupçons de manipulation d'une compétition sportive pour laquelle des paris sont offerts (soupçons de menaces, de contrainte ou d'extorsion et chantage).

7748

6. Loi du 12 juin 2009 sur la TVA (LTVA)103 L'art. 21, al. 2, ch. 23, LTVA prévoit que les opérations réalisées dans le domaine des paris, loteries et autres jeux de hasard avec mise d'argent sont exclues du champ de l'impôt pour autant qu'elles soient soumises à un impôt spécial ou à d'autres taxes. Cette formulation n'est pas adaptée à la réalité et particulièrement aux loteries et paris qui ne sont pas soumis, à proprement parler, à un impôt spécial mais dont les bénéfices doivent être reversés pour des buts d'utilité publique, selon la pratique constante de l'Administration fédérale des contributions. De plus, la notion de «jeux de hasard» n'est plus d'actualité avec la nouvelle loi. L'art. 21, al. 2, ch. 23, LTVA doit dès lors être adapté à la nouvelle terminologie, sans que la portée matérielle de cette disposition ne soit modifiée. Il en résulte que seules les opérations portant sur des jeux d'argent dont le produit va soit à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, soit à des buts d'utilité publique, sont exclues de la TVA. Les jeux d'adresse continueront d'être soumis à la TVA (voir l'art. 122, al. 4).

7, 8, 9. Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD), loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID), loi fédérale du 13 octobre 1965 sur l'impôt anticipé (LIA)104 L'art. 24, let. i, LIFD et l'art. 7, al. 4, let. l LHID prévoient que les gains provenant des jeux de hasard exploités dans les maisons de jeu sont exonérés de l'impôt sur le revenu. Par voie de conséquence, ils ne sont pas non plus soumis à l'impôt anticipé qui est principalement perçu pour assurer que le bénéficiaire déclare les revenus qu'il a obtenus dans le cadre de sa déclaration fiscale. Dans son message relatif à la LMJ105, le Conseil fédéral a justifié cette exonération en indiquant qu'une imposition des gains aurait désavantagé considérablement les maisons de jeu suisses par rapport à leurs concurrents étrangers puisque l'impôt anticipé n'existe pas dans les autres pays. La détermination du revenu imposable aurait par ailleurs été compliquée en raison de la difficulté à définir les mises engagées. Ces arguments restent valables aujourd'hui et ont une nouvelle importance dans la perspective de l'ouverture du marché suisse aux jeux de casino en ligne. Afin d'être attractif et concurrentiel (par rapport aux jeux en ligne étrangers non autorisés en Suisse), le marché des jeux en ligne devra en effet proposer des conditions avantageuses pour les joueurs. Sans cela, les joueurs suisses se tourneront vers l'offre étrangère et/ou illégale de jeu.

Ces considérations sont également pertinentes pour les loteries et paris, dont les gains sont aujourd'hui imposés à partir d'un montant de 1000 francs (art. 23, let. e, et 24, let. j, LIFD, art. 7, al. 4, let l, LHID a contrario et art. 1, al. 1, LIA).

Dans ces circonstances, le maintien du traitement fiscal différent des gains provenant de jeux de casino et des gains provenant des jeux de grande envergure entraînerait des distorsions de concurrence injustifiées entre ces types de jeux. C'est pourquoi le projet prévoit d'étendre l'exonération à tous les jeux d'argent autorisés. Les art. 24, let. i et j, LIFD et 7, al. 4, let. l et m, LHID doivent être modifiés en conséquence, de même que les dispositions pertinentes de la loi sur l'impôt anticipé.

103 104 105

RS 641.20 RS 642.21 FF 1997 III 137, ch. 235.2, 2e paragraphe.

7749

L'exonération s'appliquera donc désormais aux jeux de grande envergure, y compris aux jeux d'adresse exploités de manière automatisée, en ligne ou au niveau intercantonal. Bien qu'à l'heure actuelle, ces derniers ne se trouvent pas en concurrence directe avec les jeux dont le résultat dépend principalement du hasard, il semble opportun de les traiter de la même manière que les autres jeux de grande envergure.

Le maintien de l'imposition pour ces seuls jeux d'adresse s'avérerait en effet en disproportion par rapport aux gains limités de ce type de jeux. On doit en outre partir de l'idée que les gains provenant de ces jeux n'ont jusqu'ici pas été fiscalisés si bien que leur exonération n'entraînera pas de pertes de recettes fiscales. Elle s'appliquera aussi aux jeux de petite envergure dont les gains sont, par définition, limités. En revanche, les gains issus des loteries et jeux d'adresse destinés à la promotion des ventes, exclus du champ d'application de la loi en vertu de l'art. 1, al. 2, let. d, du projet ne seront pas exonérés et resteront assujettis à l'impôt. En effet, les gains issus de ces jeux ne sont pas négligeables, ce qui rend leur situation différente de celle des jeux d'adresse. De plus, le produit de ces jeux n'est affecté ni à des buts d'utilité publique, ni à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, mais bénéficie aux seuls exploitants, si bien qu'une exonération ne se justifie plus dans ces cas. La possibilité de participer gratuitement à ces jeux ne change pas cette appréciation.

Pour des raisons de simplification administrative, seuls les gains supérieurs à 1000 francs seront imposables, qu'il s'agisse de gains en espèce ou en nature. Ces gains seront également assujettis à l'impôt anticipé. La dispense d'impôt anticipé qui existe actuellement pour les gains en nature sera donc levée.

Dans tous les cas, seuls les gains issus de jeux d'argent exploités légalement en Suisse feront l'objet d'une exonération. Les gains issus de jeux exploités sans autorisation valable, et les gains issus de jeux exploités à l'étranger, ne bénéficieront pas de l'exonération et resteront sujets à l'impôt.

L'exonération ne s'applique pas non plus si les gains issus des jeux d'argent peuvent être assimilés au produit d'une activité lucrative indépendante. On vise là essentiellement la
situation du joueur de poker «professionnel» qui tire de cette activité des revenus réguliers qui remplacent, totalement ou partiellement, ceux d'une activité professionnelle.

Selon les estimations de l'administration fédérale des contributions (AFC), la généralisation de l'exonération fiscale aux gains générés par tous les jeux d'argent entraînera des pertes de recettes fiscales de l'ordre de 104 millions de francs par année pour la Confédération, les cantons et les communes106. Ces pertes seront compensées par des recettes supplémentaires en faveur des buts d'utilité publique. Les conséquences financières détaillées de cette modification sont décrites dans le chapitre 3.3.

L'art. 72t prévoit que les cantons adaptent leur législation conformément à la modification de l'art. 7, al. 4, let. l et m, LHID pour la date d'entrée en vigueur de la loi.

Ce mode de procéder permettra d'assurer que l'exonération fiscale des gains des joueurs sera applicable en même temps pour l'impôt fédéral direct et pour les impôts cantonaux et communaux. La disposition précise que si le droit cantonal n'a pas été adapté, l'art. 7, al. 4, let. l et m, LHID sera directement applicable. Cette solution 106

Administration fédérale des contributions, Einkommenssteuererträge aus der Besteuerung der Lotterie- und Wettgewinner nach der Erhöhung der Verrechnungssteuerfreigrenze auf CHF 1000, 16.02.2015; voir www.ofj.admin.ch > Economie > Projets législatifs en cours > Jeux d'argent.

7750

correspond à celle retenue dans la loi fédérale du 23 juin 2006 sur des modifications urgentes de l'imposition des entreprises107, dans la loi fédérale du 20 mars 2008 sur la simplification du rappel d'impôt en cas de succession et sur l'introduction de la dénonciation spontanée non punissable108 ou dans la loi fédérale du 17 décembre 2010 sur l'imposition des participations de collaborateurs109.

10. Loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent (LBA) La LBA est complétée de manière à tenir compte du fait que les exploitants de jeux de grande envergure seront dorénavant considérés comme des intermédiaires financiers au sens de cette loi (voir également le commentaire des dispositions du chapitre 5, section 4).

L'art. 17 LBA prévoit que, pour les maisons de jeu, les obligations de diligence prévues par la loi sur le blanchiment d'argent seront précisées dans une ordonnance de la CFMJ. Pour les jeux de grande envergure, ces obligations de diligence, qui découlent à la fois des dispositions générales de la loi sur le blanchiment d'argent et des dispositions spéciales contenues dans la législation sur les jeux d'argent, seront précisées dans une ordonnance du DFJP.

L'art. 17 se réfère également à une éventuelle autorégulation des maisons de jeu, d'une part, et des exploitants de jeux de grande envergure, d'autre part.

Comme pour tous les autres intermédiaires financiers mentionnés à l'art. 2, al. 2, LBA, l'existence d'une éventuelle autorégulation ne change rien au fait que les maisons de jeu et les jeux de grande envergure restent soumis à la surveillance directe de leur autorité de surveillance, à savoir la CFMJ pour les casinos, et l'autorité intercantonale pour les jeux de grande envergure (art. 12, let. b et bbis, LBA). En cela, leur situation diffère de celle des intermédiaires financiers visés à l'art. 2, al. 3, LBA, lesquels peuvent s'affilier à un organisme d'autorégulation (OAR) au sens des art. 24ss LBA, qui doit être reconnu par la FINMA; dans ce cas, la surveillance directe sur ces intermédiaires financiers est exercée par l'OAR (art. 12, let. c, ch. 1, LBA). Pour les intermédiaires financiers visés à l'art. 2, al. 2, LBA, notamment les casinos et les exploitants de jeux de grande envergure, la possibilité d'avoir une autorégulation ne se réfère donc pas à la création d'une OAR au sens des art. 24 ss LBA . Il s'agit au contraire d'autorégulations telles que celles typiquement pratiquées au sein d'organisations professionnelles.

Par ailleurs, la référence à l'autorégulation contenue à l'art. 17 LBA n'équivaut pas à une délégation de compétences législatives. Une délégation de compétences législatives à des particuliers nécessiterait en effet une base constitutionnelle. Une
éventuelle autorégulation n'a donc pas le même statut qu'une ordonnance de la CFMJ ou du DFJP, mais demeure en principe un standard de droit privé.

Ces standards de droit privé peuvent reprendre le contenu de l'ordonnance, éventuellement en des termes un peu différents, préciser celui-ci ou prévoir des obligations plus sévères que l'ordonnance. En revanche, ils ne sauraient aller moins loin que

107 108 109

FF 2006 5477 RO 2008 4453 RO 2011 3259

7751

l'ordonnance. Un standard privé qui ne serait pas conforme aux exigences minimales imposées par l'ordonnance ne serait pas applicable.

Il appartient aux autorités de surveillance de déterminer si elles veulent soumettre l'autorégulation dans leur domaine à une décision formelle constatant que les normes privées sont conformes à leur ordonnance.

Dans tous les cas, la surveillance exercée par la CFMJ sur les maisons de jeu ou par l'autorité intercantonale sur les exploitants de grande envergure se fondera sur les exigences minimales imposées par l'ordonnance et aura pour but de vérifier le respect de celles-ci.

3

Conséquences

On trouvera ci-après une description des conséquences du projet pour la Confédération et les cantons, notamment pour leurs finances et leurs effectifs. Le ch. 3.2 évoque par ailleurs les conséquences pour les cantons en ce qui concerne l'adaptation des bases légales, les mesures de prévention, la redistribution des ressources à des fins d'utilité publique, les autorisations et la surveillance. Le ch. 3.3 expose l'incidence financière du projet sur les recettes de la Confédération et des cantons.

3.1

Conséquences pour la Confédération

3.1.1

Conséquences financières

Le projet crée de meilleures conditions-cadres pour les maisons de jeu. Simultanément, il entraînera une hausse des ressources générées au profit de l'assurancevieillesse, survivants et invalidité. En revanche, l'exonération fiscale de tous les gains provoquera une baisse des recettes fiscales. Ces conséquences financières pour les recettes de la Confédération sont détaillées au ch. 3.3.

Le projet entraîne en outre une hausse des charges de personnel, détaillée dans le paragraphe qui suit.

3.1.2

Conséquences sur l'état du personnel

Le projet a des répercussions sur les effectifs. Pour assumer les nouvelles tâches d'exécution, la CFMJ aura besoin de sept postes nouveaux et l'OFJ de 4,5.

CFMJ Les nouvelles tâches qui seront confiée à la CFMJ en vertu du projet auront les effets suivants: ­

les possibilités offertes aux maisons de jeu existantes d'étendre leur concession aux jeux en ligne nécessiteront le recrutement de spécialistes et la création de 2,5 postes;

­

les normes pénales plus sévères, et plus particulièrement les nouvelles possibilités d'investigation et d'intervention visant à lutter contre les jeux en ligne

7752

illégaux sans surveillance systématique d'Internet, nécessiteront 2,5 postes d'enquêteurs supplémentaires; ­

enfin, la nouvelle répartition des compétences en matière de délimitation des jeux, et notamment l'obligation, en cas d'opposition en la matière, d'échanger systématiquement les informations avec l'autorité intercantonale, de même que les séances de l'organe de coordination (préparation et participation) nécessiteront selon les estimations deux postes supplémentaires.

La moitié environ du coût des sept postes supplémentaires pourra être mise à la charge des maisons de jeu concessionnaires, qui assumeront par ailleurs les coûts de la surveillance.

OFJ Les nouvelles tâches qui seront confiées à l'OFJ en vertu du projet auront les effets suivants: ­

en 2004, le Conseil fédéral a décidé de mettre un terme aux efforts de révision de la législation sur les loteries. Par conséquent, les trois postes affectés aux travaux législatifs et à la haute surveillance dans le domaine des loteries et des paris ont été supprimés. Pour leur part, les cantons ont élaboré un concordat entré en vigueur en 2006. Le projet regroupe auprès de la Confédération des travaux législatifs d'ampleur en matière de jeux d'argent, bien plus que dans la situation qui prévalait avant 2004. L'accomplissement de cette nouvelle tâche exige la création de deux postes;

­

le projet répond aux exigences de l'art. 106 Cst. et institue un organe de coordination, qui garantit en particulier une bonne coordination entre les autorités chargées de l'exécution de la présente loi. Ce nouvel organe doit être assisté d'un secrétariat doté de deux postes financés à parts égales par la Confédération et par les cantons;

­

le projet implique davantage de coordination entre les diverses autorités nationales et étrangères, notamment en matière de lutte contre l'offre de jeux non autorisés sur Internet et contre les manipulations de compétitions sportives. Globalement, ces nouvelles tâches nécessiteront un demi-poste supplémentaire.

Charges de personnel de la Confédération Sur les 11,5 postes nécessaires, 3,5 seront financés par la taxe de surveillance des maisons de jeu, 1 par les cantons et 7 par la Confédération. Les postes de la CFMJ et de l'OFJ seront occupés par des personnes de la classe de salaire 25.

Avant même son entrée en vigueur, le projet entraînera des charges de personnel supplémentaires. La surveillance des maisons de jeu en ligne devra être organisée et mise sur pied, et des travaux préparatoires sont attendus dans la perspective de la lutte contre le jeu illégal. Les processus y afférant devront être adaptés et de nouveaux instruments d'analyse devront être développés. De plus, il faudra élaborer la procédure d'octroi de concessions pour les jeux en ligne. Il faudra veiller à cet égard à ce que l'octroi de concessions ­ dont le coût sera imputé aux exploitants qui demandent une concession ­ puisse avoir lieu rapidement après l'entrée en vigueur de la loi, afin que ces fonds supplémentaires puissent aller dans les meilleurs délais à

7753

l'AVS et à l'AI. C'est pourquoi la CFMJ devra pourvoir déjà trois des postes supplémentaires avant même l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

3.2.1

Adaptation des bases légales

La nouvelle loi exigera des cantons qu'ils révisent entièrement leurs dispositions légales relatives aux jeux d'argent et les dispositions intercantonales en la matière avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale. La CILP, en particulier, devra faire l'objet d'une révision totale.

3.2.2

Mesures de prévention

L'art. 83 du projet impose aux cantons de prendre des mesures de prévention du jeu excessif, et d'offrir des possibilités de conseil et de traitement aux personnes dépendantes au jeu, ou présentant un risque de dépendance, ainsi qu'à leur entourage. Les cantons devront collaborer avec les maisons de jeu et les exploitants de jeux de grande envergure, de sorte que leurs programmes de mesures sociales puissent s'intégrer aux réseaux sociaux et de santé cantonaux.

Les mesures exigées des cantons sont déjà appliquées et sont financées en grande partie par la taxe de prévention de la dépendance au jeu prévue par la CILP et acquittée par les exploitants de loteries et de paris sportifs. Les besoins en la matière pourraient cependant augmenter avec le développement de l'offre sur Internet et les défis à relever du fait de cette évolution.

3.2.3

Redistribution à des fins d'utilité publique

Si les dispositions du chapitre 9 imposent certaines obligations aux cantons, ces dernières confirment pour l'essentiel le statu quo établi par le droit (inter)cantonal, de sorte qu'elles ne devraient pas avoir pour les cantons de conséquences significatives sur leurs finances et leur personnel.

3.2.4

Autorisations et surveillance cantonales

Globalement, les charges des cantons liées aux autorisations et à la surveillance devraient légèrement reculer dans le domaine intracantonal.

Certains cantons prélèvent des émoluments et des redevances pour les autorisations de jeu. Les réglementations diffèrent d'un canton à l'autre. Pour cette raison, et du fait que les prescriptions correspondantes devront être totalement révisées, il est impossible de prédire les conséquences financières du projet sur les recettes des cantons en la matière.

7754

Charges liées aux autorisations et à la surveillance des jeux de grande envergure: Le projet ne prévoit plus de procédure relative à l'autorisation d'exploitation au sens de l'art. 15 CILP, qui impose aux cantons de rendre une décision relative à l'exploitation de la loterie ou du pari sur leur territoire dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision d'homologation. Les charges administratives pesant sur les cantons dans ce domaine disparaîtront.

Pour ce qui est de l'autorisation et de la surveillance des jeux d'adresse exploités de manière automatisée, au niveau intercantonal ou en ligne, le projet en attribue nouvellement la compétence à l'autorité intercantonale. Cette tâche est actuellement assumée par les diverses instances cantonales chargées des autorisations. Or dans ce domaine justement, les bases légales cantonales et les systèmes d'autorisation diffèrent notablement. Dans la plupart des cantons, les charges administratives qui y sont liées devraient rester maîtrisables. En matière de jeux d'adresse de grande envergure, la nouvelle loi sur les jeux d'argent entraînera une centralisation de ces tâches auprès de l'autorité intercantonale et une formalisation des activités liées aux autorisations et à la surveillance.

Charges liées aux autorisations et à la surveillance des jeux de petite envergure: Le projet représente le statu quo pour les manifestations réputées tombolas au sens de l'art. 2 LLP. En particulier, il ne prévoit aucune obligation de soumettre les tombolas à autorisation. En revanche, sont soumises dans tous les cas à autorisation les petites loteries qui ne relèvent pas de la catégorie des tombolas. De telles manifestations sont toutefois généralement déjà soumises à autorisation en vertu des réglementations cantonales en vigueur. Par ailleurs, il faut relever que le nombre des procédures d'autorisation baissera du fait que les exploitants ne pourront plus organiser que deux petites loteries par an au plus. Globalement, la réglementation applicable aux petites loteries ne devrait pas avoir de répercussions significatives sur les charges liées aux autorisations et à la surveillance.

Dans le domaine des paris sportifs locaux, le projet confirme le statu quo.

De (petits) tournois de poker deviendront possibles, et chaque canton sera compétent pour
les autoriser et les surveiller. Les cantons supporteront immanquablement des charges supplémentaires à ce titre. Sur un marché de cette nature, une certaine autorégulation devrait cependant s'instaurer, car les exploitants bénéficiant d'une autorisation se contrôlent mutuellement et signalent à l'autorité de surveillance les concurrents qui ne respectent pas les règles.

Les nouvelles charges liées aux tournois de poker nécessiteront du personnel supplémentaire auprès des autorités chargées de délivrer les autorisations. Les frais pourront, du moins partiellement, être financés par des émoluments couvrant les coûts.

3.2.5

Autorisations et surveillance intercantonales

Les cantons ne seront pas obligés d'autoriser des jeux de grande envergure sur leur territoire. S'ils entendent le faire, ils devront adhérer à un concordat instituant une autorité de surveillance et d'exécution intercantonale. Eu égard à ce choix possible, on ne peut estimer avec exactitude les répercussions sur les finances et le personnel des cantons.

7755

Il semble néanmoins probable que les cantons autoriseront encore des jeux de grande envergure et conserveront la Comlot pour l'exécution. Le projet prévoit nombre de tâches et pouvoirs pour l'autorité intercantonale, que la Comlot exerce déjà pour la plupart. Toutefois, il en prévoit aussi un certain nombre qui complèteront ou étendront les tâches et pouvoirs déjà attribués à la Comlot par la CILP.

­

Autorisation et surveillance des jeux d'adresse exploités de manière automatisée, au niveau intercantonal ou en ligne: l'autorisation ou la qualification des jeux d'adresse pose souvent des problèmes techniques et juridiques complexes de délimitation. Ce nouveau groupe de tâches contraindra la Comlot à une réorganisation profonde, notamment du fait qu'elle devra traiter davantage de requêtes d'exploitants privés et qu'elle devra axer sa surveillance sur de nombreux exploitants de ce type ; or aujourd'hui, abstraction faite de la lutte contre les jeux non autorisés, elle est exclusivement compétente pour la surveillance des deux sociétés de loterie portées par les cantons (Swisslos et Loterie Romande).

­

Pouvoirs spéciaux en matière de lutte contre les offres de jeux non autorisés: ils incluent en particulier la conduite de procédures administratives, y compris la prescription de mesures provisionnelles, l'interdiction d'accès à des jeux en ligne non autorisés et la coopération avec les autorités de poursuite pénale.

­

Lutte contre les manipulations de compétitions sportives: le projet prévoit l'institution d'un bureau de communication. D'autres tâches concerneront par exemple la coopération et l'échange de données avec des acteurs suisses et étrangers, de même que l'assistance aux autorités de poursuite pénale.

­

Surveillance du respect des devoirs de diligence imposés aux exploitants de jeux de grande envergure par la législation sur le blanchiment d'argent.

­

Droits de partie dans toutes les procédures administratives ou pénales cantonales concernant les jeux d'argent, et dans les procédures d'autorisation de la CFMJ.

Dès l'entrée en vigueur de la loi, la Comlot devra vraisemblablement être dotée d'un budget nettement plus important qu'à l'heure actuelle (environ 4 à 6 millions de francs par an contre 2,2 millions actuellement). L'estimation de l'enveloppe budgétaire nécessaire reste cependant imprécise car les besoins financiers de la Comlot dépendront en grande partie des nouvelles règles cantonales relatives aux jeux d'adresse. En vertu de l'art. 28 du projet, les cantons pourront en effet légiférer pour interdire l'exploitation de toutes les loteries, de tous les paris sportifs et de tous les jeux d'adresse. Si une telle interdiction est peu vraisemblable en ce qui concerne les loteries et les paris sportifs, il est plus difficile de prévoir ce qu'il adviendra des jeux d'adresse. A l'heure actuelle, ceux-ci ne sont autorisés que dans 13 cantons.

3.3

Conséquences pour les recettes de la Confédération et des cantons

Les conséquences du projet pour l'économie et pour les recettes de la Confédération et des cantons ne peuvent être évaluées avec précision. Sur la base des chiffres de 2013, l'AFC a estimé les conséquences de l'exonération prévue des gains pour tous les jeux. Par ailleurs, sur mandat de l'OFJ, Baldauf / Brüsehaber ont mené une étude 7756

sur les répercussions financières de la LJAr110, en analysant l'évolution du marché d'ici à l'entrée en vigueur de la loi le 1er janvier 2018 et les conséquences de la loi jusqu'en 2023. Il va de soi que des projections à si long terme sont très incertaines, mais sur la base de divers scénarios, on peut identifier des tendances assez claires qui confirment d'ailleurs les résultats d'une étude antérieure111.

3.3.1

Hausse de l'impôt sur les maisons de jeu

En 2014, l'impôt sur les maisons de jeu a rapporté en tout 336 millions de francs, dont 286,6 millions ont été versés au Fonds de compensation AVS et 49,4 millions aux cantons percevant un impôt sur le produit brut des casinos B.

Le projet crée de meilleures conditions-cadres pour les maisons de jeu suisses. Le produit brut des maisons de jeu et, partant, les versements à l'AVS reculent depuis 2007. Selon l'étude citée plus haut, le projet renversera cette tendance. Les auteurs partent de l'idée que les recettes fiscales de 356 millions de francs en 2013 baisseront encore pour ne plus atteindre que 315 millions de francs en 2017. Après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, l'impôt sur les maisons de jeu devrait rapporter 343 millions de francs en 2020 et 372 millions en 2023. Les parts de l'AVS s'élèveront à 268,7 millions de francs en 2017, 292,6 millions en 2020 et 317,3 millions en 2023, et celles des cantons à 46,3 millions de francs en 2017, 50,4 millions en 2020 et 54,7 millions en 2023.

Grâce au projet, on pourra non seulement éviter que les recettes de l'impôt sur les maisons de jeu reculent davantage, mais encore les augmenter significativement dès l'entrée en vigueur de la loi: par rapport à 2017, les recettes supplémentaires en faveur de l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité sont estimées à 48,6 millions de francs pour 2023, et les cantons pourront compter sur des recettes supplémentaires de 8,4 millions de francs.

3.3.2

Perte de recettes fiscales suite à l'exonération de tous les gains des joueurs

Le projet prévoit d'étendre l'exonération des gains des joueurs à tous les types de jeux d'argent. Cette mesure entraînera des pertes de recettes annuelles au titre de l'impôt sur le revenu de l'ordre de 104 millions de francs pour les caisses générales de la Confédération, des cantons et des communes112. Selon les estimations de l'AFC, elles seront supportées à hauteur de 35 millions de francs par la Confédération et de 69 millions par les cantons.

110

Artur Baldauf / Thomas Brüsehaber, Abschätzung der finanziellen Auswirkungen des neuen Geldspielgesetzes, Berne, avril 2015; voir www.ofj.admin.ch > Economie > Projets législatifs en cours > Jeux d'argent (Baldauf / Brüsehaber) 111 Groupe de travail Imposition des jeux d'argent, rapport du 26 septembre 2012; voir www.ofj.admin.ch > Economie > Projets législatifs en cours > Jeux d'argent.

112 Administration fédérale des contributions, Einkommenssteuererträge aus der Besteuerung der Lotterie- und Wettgewinner nach der Erhöhung der Verrechnungssteuerfreigrenze auf CHF 1000, 16.02.2015; voir www.ofj.admin.ch > Economie > Projets législatifs en cours > Jeux d'argent.

7757

L'exonération des gains devrait inciter les joueurs à se tourner vers l'offre nationale de jeux légaux. On peut admettre qu'en cas de paiement intégral de leurs gains (sans retenue d'impôt), ils réinvestiront une part significative des montants perçus, ce qui augmentera le chiffre d'affaires et le bénéfice net des sociétés de loteries. Selon les estimations, les sommes perçues au titre de l'impôt sur les maisons de jeu, de l'impôt sur le bénéfice net des sociétés de loteries et des paris et de l'impôt sur le bénéfice des maisons de jeu augmenteront considérablement à moyen terme si l'on renonce à imposer les gains des joueurs. Une telle renonciation renforcera l'attrait de l'offre suisse de jeux légaux, qui générera ainsi davantage de recettes. L'étude de l'Université de Berne compare les conséquences financières avec et sans exonération. Elle conclut que les recettes perdues au titre de l'impôt sur le revenu en raison de l'exonération ne pourront encore être totalement compensées en 2020 par le produit supplémentaire des loteries. En 2023, dans tous les scénarios, l'exonération fiscale générera davantage de recettes pour la Confédération et les cantons que si l'on y renonçait. Dans le pire des cas, l'exonération devrait générer en 2023 39 millions de francs supplémentaires, dans le scénario médian 59 millions et dans le cas le plus favorable 78 millions. Selon les estimations, les sommes perçues au titre de l'impôt sur les maisons de jeu, du bénéfice net des sociétés de loteries et des paris, et de l'impôt sur le bénéfice des maisons de jeu seront nettement supérieures à ce qu'elles seraient si l'on renonçait à l'exonération des gains des joueurs.

3.3.3

Recettes en hausse pour les buts d'utilité publique

Le projet crée de bien meilleures conditions-cadres pour les exploitants de jeux de grande envergure et générera des recettes nettement plus importantes pour les buts d'utilité publique. Dans leur étude, Baldauf / Brüsehaber estiment que le produit brut des loteries reculera légèrement entre 2013 et 2017, passant de 571 millions de francs à 568 millions. Après l'entrée en vigueur de la loi, ce produit augmentera considérablement: entre 613 et 764 millions de francs de produit des loteries en 2020, entre 745 et 845 millions en 2023. En d'autres termes, et en fonction du scénario retenu, on peut tabler grâce au projet sur des ressources annuelles supplémentaires pour des buts d'utilité publique de 177 à 277 millions de francs.

3.3.4

Appréciation générale

Le projet entraînera une diminution des recettes de la Confédération, puisque celleci se verra privée d'environ 35 millions de recettes fiscales. Mais si l'on tient compte de l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, les conséquences financières seront plutôt favorables pour la Confédération et ses oeuvres sociales. Après une phase transitoire de moins de cinq ans, les ressources supplémentaires de 48,6 millions de francs générées par l'impôt sur les maisons de jeu au profit de l'assurancevieillesse, survivants et invalidité devraient dépasser nettement les pertes de recettes fiscales de 35 millions de francs. Globalement, sur la base des estimations pour 2023, on peut escompter pour la Confédération et ses institutions sociales des recettes annuelles supplémentaires de l'ordre de 13,6 millions de francs.

Pour les cantons, les conséquences financières de la nouvelle loi seront également positives, puisque le manque à gagner fiscal sera plus que compensé par l'augmen7758

tation prévue des ressources des fonds de loterie cantonaux. Les différentes mesures prévues par le projet, notamment le blocage des offres non autorisées sur Internet et un renforcement des sanctions pénales, permettront au produit brut des loteries et, surtout, des paris sportifs, de croître. La part du marché illégal diminuera au profit du marché légal.

Cet effet positif sur le produit brut des loteries et paris sportifs sera renforcé de manière importante par l'exonération fiscale des gains des loteries et paris. Il en résulte que, pour les cantons les pertes fiscales résultant de l'exonération seront à long terme largement compensées par l'augmentation du bénéfice net des loteries et paris, lequel est reversé à des buts d'utilité publique. L'augmentation la plus significative concernera les paris sportifs. Globalement, sur la base des estimations pour 2023, on peut s'attendre pour les cantons à des recettes annuelles supplémentaires de l'ordre de 116 à 216 millions de francs si l'on tient compte des fonds de loterie.

3.4

Conséquences économiques

3.4.1

Maisons de jeux

Les maisons de jeu suisses revêtent une importance économique considérable. La branche offre quelque 2300 emplois et génère un chiffre d'affaires total de quelque 1,3 milliard de francs. On notera en particulier le poids fiscal des casinos: ce secteur acquitte annuellement 387 millions de francs d'impôt sur les maisons de jeu et 22 millions de francs d'impôts ordinaires sur le bénéfice des entreprises (moyenne des années 2010 à 2014). L'impôt sur les maisons de jeu alimente principalement l'AVS et profite dans une moindre mesure aux cantons dans lesquels sont implantés des casinos B. La contribution des maisons de jeu à l'AVS, de 331 millions de francs en moyenne sur ces années, bénéficie à l'ensemble de la population; de plus, les maisons de jeu disposant d'une concession B ont versé en moyenne durant cette période 55 millions de francs à des actions d'utilité publique dans leurs cantons d'implantation.

Depuis 2007, le produit net des jeux et les taxes sur les maisons de jeu diminuent.

Cette tendance devrait se maintenir jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi. Les raisons du recul sont essentiellement la faiblesse persistante de l'euro, la multiplication des offres illégales dans les clubs de jeux, la croissance de l'offre en Italie, en France et en Allemagne, l'interdiction de fumer et la prolifération des offres étrangères sur Internet.

A long terme, le projet aura des effets positifs pour les maisons de jeu suisses, notamment dans le secteur en ligne. D'une part, l'accès à des jeux étrangers non autorisés par la Suisse sera bloqué. D'autre part, les maisons de jeu dont la concession sera étendue auront désormais le droit d'offrir également des jeux de casino en ligne.

Les moyens du droit pénal visant la poursuite des exploitants de jeux d'argent illégaux seront également renforcés.

7759

3.4.2

Sociétés de loteries

Points de vente Swisslos et la Loterie Romande distribuent leurs jeux au travers d'un réseau dense de 8600 points de vente constitué de commerces pour lesquels la vente de jeux constitue un revenu additionnel. Traditionnellement constitué de kiosques, de bars et de restaurants, le réseau de vente évolue et comprend désormais des boutiques de stations-services, des commerces de proximité, etc.

En moyenne, l'activité de vente des jeux de loterie et de paris sportifs représente quelque 30 à 40 % du chiffre d'affaires de ces points de vente. Sans loteries et paris sportifs, le nombre des petits points de vente du commerce de détail aurait reculé de façon nettement plus marquée.

Dans l'ensemble de la Suisse, les 8600 points de vente de Swisslos et de la Loterie Romande se partagent annuellement une somme de 165 millions de francs versés sous forme de commissions sur les ventes. En tenant compte d'une moyenne observée de 1,25 emploi plein temps généré par point de vente, environ 11 000 emplois dans le secteur du commerce de détail dépendent de l'offre de jeux de loterie et de paris sportifs.

Bénéficiaires Les bénéfices nets générés par Swisslos et la Loterie Romande sont exclusivement affectés à des buts d'utilité publique, notamment dans les domaines du sport, de la culture, de l'action sociale. Se montant à 565 millions de francs par année en moyenne sur les cinq derniers exercices, les bénéfices ainsi distribués contribuent considérablement à l'activité des associations, fondations et institutions d'utilité publique en Suisse.

Dans le domaine du sport, par exemple, ce sont quelque 35 millions de francs qui sont annuellement consacrés au soutien du sport d'élite au niveau national, au travers de Swiss Olympic, de l'Association suisse de football et de celle de hockey sur glace et de l'aide sportive. Au niveau du sport amateur, les 26 cantons suisses reçoivent de Swisslos et de la Loterie Romande un montant annuel de plus de 100 millions de francs.

La culture, l'action sociale, la protection de l'environnement et du patrimoine, l'éducation et la recherche figurent au nombre des domaines soutenus de façon permanente depuis plus de 70 ans par les loteries suisses. Quelque 430 millions de francs sont distribués à toutes ces institutions chaque année.

Le projet améliorera nettement les conditions-cadres
pour les exploitants de jeux de grande envergure, notamment en raison de l'exonération prévue pour les gains de tous les jeux d'argent et de la possibilité d'organiser des paris sportifs attractifs et concurrentiels. Le blocage de l'accès à des jeux en ligne non autorisés par la Suisse aura également des effets positifs, de même que le renforcement des moyens du droit pénal visant la poursuite des exploitants de jeux d'argent illégaux. Dans le domaine des paris sportifs, on peut même s'attendre à une très forte croissance après l'entrée en vigueur de la loi. En fonction du scénario retenu, le produit net des loteries pourrait atteindre en 2023 un montant compris entre 745 et 845 millions de

7760

francs113. Il en résultera une hausse des contributions en faveur de buts d'utilité publique.

Investissements et fonctionnement des loteries suisses De façon directe, Swisslos et la Loterie Romande emploient quelque 440 personnes auxquelles s'ajoutent les 11 000 emplois indirects générés dans les points de vente.

Dans le cadre de leur activité économique, Swisslos et la Loterie Romande acquièrent des biens et des services dans tous les domaines auprès de fournisseurs locaux, régionaux et suisses de biens et de services. Annuellement, ce sont environ 110 millions de francs qui sont ainsi injectés dans l'économie sous forme d'investissements ou de commandes destinés au fonctionnement des entreprises.

3.4.3

Jeux de petite envergure

Le projet n'aura pas de conséquences économiques significatives dans le domaine des jeux de petite envergure, si ce n'est que les petits tournois de poker seront autorisés. Les associations et autres organisations poursuivant des buts d'utilité publique pourront encore organiser des jeux de petite envergure pour alimenter leurs caisses.

3.4.4

Exploitants non autorisés et régions étrangères limitrophes

Selon les estimations, le marché des jeux d'argent illégaux pourrait croître fortement jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi, notamment dans le secteur des jeux en ligne. Il devrait en être de même de l'offre des jeux d'argent dans les régions étrangères limitrophes. La nouvelle loi devrait stimuler les segments de marché légaux, au détriment tout d'abord de l'offre illégale qui, toujours selon les estimations, devrait fortement baisser. Les joueurs suisses devraient moins utiliser l'offre disponible dans les régions étrangères limitrophes après l'entrée en vigueur de la LJAr114.

4

Relation avec le programme de la législature

Le projet a été annoncé dans le message du 25 janvier 2012 sur le programme de la législature 2011 à 2015115.

113 114 115

Estimation de Baldauf/Brüsehaber, p. V.

Baldauf / Brüsehaber, pp. 65 et 83.

FF 2012 349 481

7761

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et légalité

Base constitutionnelle Le projet se fonde sur l'art. 106, al. 1, Cst., qui habilite la Confédération à légiférer sur les jeux d'argent en tenant compte des intérêts des cantons.

Liberté économique L'exploitation de maisons de jeu et de loteries et paris sportifs est une activité économique relevant de la liberté économique garantie aux art. 27 et 94 Cst.

L'art. 106, al. 2, Cst., prévoit qu'une concession de la Confédération est nécessaire pour ouvrir et exploiter une maison de jeu. La présente loi concrétise cette exigence en prévoyant, à son chapitre 2, que les concessions sont en nombre limité (art. 5, al. 3) ainsi qu'en réglant les conditions d'octroi des concessions (art. 8 et 9). Un tel système de concessions constitue une dérogation au principe de la liberté économique au sens de l'art. 94, al. 4, Cst., puisqu'il n'autorise pas la libre concurrence.

Toutefois, dans la mesure où cette dérogation est prévue par la Constitution ellemême, elle respecte les conditions d'admissibilité imposées par l'art. 94, al. 4, Cst., et est donc conforme à la Constitution. Du point de vue matériel, cette dérogation se justifie car elle facilite le contrôle de l'offre et, partant, la protection des joueurs et de la société contre les dangers inhérents aux jeux d'argent.

Quant aux loteries et paris sportifs de grande envergure, l'art. 23 du projet prévoit que les cantons fixent un nombre maximum d'exploitants. Ce nombre maximum sera vraisemblablement fixé dans un concordat.

Ce système de limitation du nombre d'exploitants prendra le relai de l'art. 16 LLP, qui autorise les cantons à restreindre ou interdire l'exploitation de grandes loteries et paris sur leur territoire. En se basant sur cette disposition de la LLP, la plupart des cantons ont limité l'exploitation des grandes loteries et paris sportifs sur leur territoire à un seul opérateur (à l'heure actuelle, Swisslos pour les cantons alémaniques et le Tessin, ainsi que la Loterie Romande pour les cantons romands). Ce faisant, les cantons ont institué des exclusivités d'exploitation. L'art. 23 du projet vise à permettre la poursuite de ce système: les cantons limiteront le nombre d'exploitants et pourront même désigner en la forme légale les sociétés susceptibles d'obtenir une autorisation d'exploitant. Le secteur sera donc, là également, soustrait à la
libre concurrence, ce qui se justifie par les mêmes arguments que le système de concessions pour les casinos. Déjà sous l'ancien droit, l'admissibilité de telles exclusivités d'exploitation cantonales au regard de la liberté économique a été reconnue par la doctrine et la jurisprudence, notamment sous l'angle de la proportionnalité et de l'intérêt public, à condition cependant que l'exclusivité soit prévue par une base légale formelle dans le droit cantonal (concordat de niveau législatif ou délégation dans une loi au sens formel)116. Le cadre constitutionnel étant resté le même sur ce

116

Voir, parmi d'autres, Wiederkehr/Richli, Praxis des allgemeinen Verwaltungsrecht, Bern, 2014, Band II, nos 1154s. et 1257; arrêt du Tribunal fédéral du 30 mars 1999, Association environnement et développement c. Département de la justice, de la police et des affaires militaires du canton de Vaud (SJ 1999, vol.1, p. 433; Praxis 1999, 183, p. 950; ZBl, 101/2000, p. 215); arrêt du Tribunal fédéral 2C_859/2010 du 17 janvier 2012, spéc.

cons. 4.

7762

point, il n'y a pas de raison de s'écarter de cette appréciation. Le système prévu par l'art. 23 du projet doit donc être considéré comme conforme à la Constitution.

Imposition des maisons de jeu A l'heure actuelle, l'art. 43 LMJ prévoit, pour les casinos B, une réduction de l'impôt fédéral sur les maisons de jeux si le canton d'implantation prélève un impôt de même nature. La réduction ne peut cependant dépasser 40% du total de l'impôt sur les maisons de jeux revenant à la Confédération. Ce mécanisme sera reconduit dans la nouvelle loi (art. 119).

Cette possibilité offerte aux cantons d'implantation de casinos de type B de prélever un impôt cantonal sur le produit des maisons de jeu venant en réduction de l'impôt fédéral peut soulever des questions du point de vue de sa conformité à la Constitution. En effet, l'art. 106, al. 2, Cst. prévoit que la Confédération prélève un impôt «qui ne doit pas dépasser 80% du produit brut des jeux. Cet impôt est affecté à l'assurance vieillesse, survivants et invalidité». On peut se demander si la disposition constitutionnelle n'impose pas d'affecter la totalité de l'impôt calculé en fonction du produit brut des jeux à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, ce qui empêcherait de fait le prélèvement d'un impôt cantonal sur le produit brut des jeux.

Cette question s'était déjà posée au moment de l'adoption de la LMJ. Dans son message du 26 février 1997 relatif à la LMJ117, le Conseil fédéral était arrivé à la conclusion que la disposition constitutionnelle de l'époque autorisait une telle réglementation dans la mesure où elle ne prévoit qu'un taux maximum (80%). Ce faisant, elle laissait au législateur une large marge de manoeuvre dans la fixation du taux d'imposition. Celui-ci pouvait en particulier choisir de ne pas épuiser cette marge de manoeuvre afin de permettre aux cantons de percevoir leur propre impôt sur le produit des maisons de jeu. La situation juridique à l'échelon constitutionnel n'ayant pas fondamentalement changé depuis lors, il n'y a pas de motif objectif de modifier cette appréciation.

Les cantons d'implantation de casinos B peuvent donc, s'ils le souhaitent, prévoir le prélèvement d'un impôt sur les maisons de jeu calculé en fonction du produit brut des jeux. Cet impôt cantonal, s'il est prélevé, vient en réduction de l'impôt
fédéral jusqu'à concurrence de 40 % de celui-ci. Dans la pratique, c'est la CFMJ qui prélève l'impôt cantonal en même temps que l'impôt fédéral, les cantons ayant tous fait usage de la possibilité offerte par l'art. 44, al. 2, LMJ de déléguer à la CFMJ la taxation et la perception. Cette possibilité existera toujours avec la nouvelle loi.

Cependant, dans sa nature, l'impôt cantonal doit rester un impôt cantonal. Il faut veiller à ce que ce système ne se transforme pas en une rétrocession aux cantons d'une partie de l'impôt fédéral, ce qui irait à l'encontre de l'art. 106, al. 2.

Le 17 mai 2013, la Conférence des directeurs cantonaux des finances s'est prononcée à l'unanimité pour le maintien des casinos de type B et le prélèvement d'un impôt cantonal par les cantons d'implantation.

Taxe de prévention A l'heure actuelle, sur la base de l'art. 18 CILP, les entreprises de loteries et paris versent aux cantons une taxe de 0,5 % du revenu brut des jeux pour la prévention et la lutte contre la dépendance au jeu, ce qui représente un montant d'environ 117

FF 1997 III 189

7763

5 millions de francs par année. Une taxe de ce type n'existe pas pour les casinos.

Lors des débats parlementaires relatifs au nouvel article constitutionnel sur les jeux d'argent, l'introduction d'une taxe étendue à tous les jeux d'argent et destinée à financer la prévention et la lutte contre la dépendance au jeu, avait été discutée118.

La proposition de minorité correspondante avait cependant été rejetée, sans qu'on puisse déterminer exactement si ce rejet était dû à des motifs matériels (nécessité d'une taxe) ou à des motifs formels (rang de la norme). Lors d'une première phase des travaux préparatoires de la présente loi, l'idée d'une taxe de prévention prélevée à la fois sur le produit brut des jeux de grande envergure et sur le produit brut des jeux exploités par les maisons de jeu a été reprise. Le but de cette taxe aurait été d'assurer le financement des mesures de prévention de la dépendance au jeu et de traitement des joueurs pathologiques prises par les cantons. Par la suite, on a finalement renoncé à prévoir une telle taxe dans le projet, en raison des problèmes de constitutionnalité qu'elle soulèverait, bien qu'il s'agisse d'une exigence que les milieux de la prévention persistent à formuler. En effet, en droit fédéral, la perception d'impôts exige une base constitutionnelle expresse, à l'exception des contributions causales, pour lesquelles une base légale formelle est suffisante pour autant que la Constitution attribue à la Confédération la compétence de légiférer dans le domaine en question. Or, le fait de prévoir dans une loi fédérale l'obligation, pour les maisons de jeu et les exploitants de jeux de grande envergure, de verser une taxe permettant de financer des mesures de prévention, reviendrait à introduire une nouvelle contribution fédérale. Malgré la dénomination envisagée, la taxe proposée ne peut pas être qualifiée de taxe causale. En effet, les mesures de prévention financées grâce à la taxe ne bénéficieraient pas au cercle des assujettis (exploitants de jeux de grande envergure et maisons de jeu) mais à la collectivité dans son ensemble par le biais notamment de campagnes de prévention. Dès lors, elle devrait plutôt être considérée comme un impôt de couverture des coûts qui serait perçu auprès des maisons de jeu et des exploitants de jeux de grande envergure. La perception
par la Confédération d'une taxe de couverture des coûts devrait être expressément prévue dans la Constitution. Le constituant n'a toutefois pas prévu la perception d'une telle taxe, si bien qu'elle ne peut pas être introduite par la voie législative.

La situation est différente de celle qui prévaut pour l'impôt sur l'alcool. En effet, la perception d'un impôt sur l'alcool est explicitement prévue à l'art. 131, al. 1, Cst. et l'affectation d'un dixième de son produit à la lutte contre les causes et les effets des substances engendrant la dépendance est réglée à l'art. 131, al. 3, Cst., alors que rien de tel n'est prévu à l'art. 106 Cst. pour les jeux d'argent.

Cette appréciation de la constitutionnalité n'est cependant pas unanime; ainsi, dans le cadre d'un avis de droit rendu sur mandat d'un organisme privé, le prof. Etienne Grisel défend une opinion inverse119.

Si une taxe de prévention ne peut pas être introduite par la LJAr, il n'est cependant pas exclu que les cantons concernés décident d'affecter à la prévention une partie du produit de l'impôt cantonal qu'ils prélèvent sur les casinos B, comme l'art. 119 du projet les y autorise. De cette manière, la part dévolue à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité ne serait pas touchée. Si les cantons devaient aller dans cette direction, ils seraient libres de mettre en place, par voie concordataire, un mécanisme de répartition entre tous les cantons de la partie de l'imposition des casinos B 118 119

BO 2011 N 1746 ss.

www.grea.ch > Accueil > Révision de la loi sur les jeux d'argent et de hasard en Suisse.

7764

affectée à la prévention. Dans la mesure où leur droit constitutionnel le permet, les cantons auraient également la compétence de prélever, sur les casinos A et B, une contribution affectée à la prévention. Une telle contribution devrait être intégralement supportée par les casinos, qui ne pourraient pas la déduire de l'impôt fédéral sur les maisons de jeu dès lors que, en dehors du cas prévu à l'art. 119 du projet de loi, la part dévolue à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité ne doit pas subir de diminution. Il faudrait alors veiller à ce que la garantie d'une rentabilité minimale des casinos fixées à l'art. 117 du projet de loi soit respectée.

Exonération fiscale des gains des joueurs Selon le droit en vigueur, les gains provenant des jeux exploités dans les maisons de jeu sont exonérés fiscalement. Cette exonération fiscale est principalement motivée par le fait qu'il est impossible de déterminer les gains effectivement obtenus par les joueurs. Elle vise par ailleurs à garantir la compétitivité des maisons de jeu suisses.

Cette exonération est toutefois critiquée par la doctrine120 qui y voit, au sein même du domaine des jeux d'argent, une inégalité de traitement par rapport aux gains obtenus dans des loteries ou d'autres institutions semblables. Les auteurs en question considèrent que la situation juridique actuelle entraîne une violation des principes constitutionnels d'imposition, particulièrement de l'égalité de traitement et de l'imposition selon la capacité contributive (art. 127, al. 2, Cst.).

Le projet de loi prévoit d'étendre l'exonération fiscale aux gains provenant de tous les jeux d'argent, rétablissant ainsi l'égalité de traitement dans ce domaine. La question de la compatibilité de cette exonération fiscale avec les principes constitutionnels d'imposition, particulièrement au regard de l'égalité de traitement par rapport aux autres types de revenus, reste en revanche actuelle.

En concrétisation des principes constitutionnels d'imposition, le principe du revenu global net exige en principe d'appréhender tous les revenus dans la base de calcul de l'impôt. Les revenus exonérés sont énumérés expressément dans la loi et reposent principalement sur des considérations d'ordre social. Le respect des principes de l'égalité de traitement et de l'imposition selon la capacité
contributive n'est toutefois pas absolu. Ainsi, un traitement fiscal différent se justifie en présence d'un état de fait ou d'une constellation différents; c'est notamment le cas lorsque deux contribuables disposent de revenus de montants différents. Une distinction peut également être aménagée si elle est prévue expressément dans la Constitution (comme c'est le cas à l'art. 111, al. 4, Cst. qui permet l'exonération fiscale des institutions de prévoyance professionnelle). En l'absence d'une telle disposition constitutionnelle, un traitement fiscal différent peut enfin se justifier si le législateur, s'appuyant sur une compétence matérielle que lui attribue la Constitution, poursuit un objectif d'intérêt public pertinent (objectif extra-fiscal) et respecte, ce faisant, le principe de proportionnalité.

Les gains provenant des jeux d'argent ne se distinguent pas fondamentalement des autres types de revenus imposés ­ si ce n'est que les mises engagées en vue de l'obtention du gain sont globalement plus importantes que le gain effectivement réalisé et que le produit brut des jeux est en grande partie affecté à l'assurance120

Voir, parmi d'autres, Yersin/Noël (éd.), Commentaire romand de l'impôt fédéral direct, Bâle, 2008, ad art. 24, let. i, ch. 43 ss, et Zweifel/Athanas (éd.), Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, Bâle, 2008, I/2a DBG tome 1, 2ème édition, ad art. 24, let. I, ch. 33 et 33a.

7765

vieillesse, survivants et invalidité ou à des buts d'utilité publique. L'art. 106 Cst., approuvé en votation populaire le 11 mars 2012, est par ailleurs muet quant à une éventuelle exonération fiscale. Il fixe en revanche le cadre de l'exploitation des jeux d'argent. Ainsi, l'art. 106, al. 2, Cst. subordonne l'exploitation d'une maison de jeu à la perception d'un impôt sur le produit brut des jeux, impôt qui doit être affecté à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité. L'art. 106, al. 6, Cst. prévoit quant à lui que les cantons veillent à ce que les bénéfices nets des loteries et paris soient affectés à des buts d'utilité publique, notamment dans les domaines culturel, social et sportif.

L'obtention de recettes en faveur de buts d'utilité publique constitue un objectif important de l'art. 106 Cst., comme cela a été rappelé dans les explications de vote.

Cet argument a pesé lourdement dans le vote des citoyens. Le législateur se doit dès lors de prévoir des conditions-cadres qui permettent aux maisons de jeu et aux jeux de grande envergure de générer des recettes permettant d'atteindre l'objectif poursuivi par le constituant. Cela suppose une législation qui permette une offre de jeux attrayante. Dans un contexte de plus en plus globalisé, dans lequel les différents types de jeux sont également proposés en ligne, l'attractivité de l'offre n'est toutefois plus suffisante. Comme cela a déjà été relevé, la compétitivité des exploitants de jeu suisses dépend également de la (dé)fiscalisation des gains. Sachant que dans la plupart des pays les gains de loteries et paris sportifs ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu, le maintien de leur imposition en Suisse pousserait les joueurs à se tourner vers l'offre ­ légale ou illégale ­ proposée à l'étranger et remettrait en question, par là-même, l'objectif de lutte contre le jeu excessif poursuivi par le projet. Le même raisonnement s'impose pour les jeux de casinos qui seront proposés en ligne.

S'agissant des maisons de jeu, l'imposition des gains des joueurs entraînerait une fuite des joueurs vers les maisons de jeu situées dans les pays limitrophes dans lesquels les gains ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. Par ailleurs, il resterait impossible de déterminer les gains effectivement obtenus par les joueurs, en l'absence de moyens de
connaître les mises engagées (contrairement à ce qui se passe pour les loteries et paris sportifs, le joueur ne reçoit aucun reçu lorsqu'il joue à un automate ou à un jeu de table dans une maison de jeu). L'exonération fiscale des gains des joueurs, ainsi que les autres mesures portant sur l'attrait de l'offre et la lutte contre le jeu illégal, permettront, ensemble, de garantir la compétitivité de l'offre de jeux d'argent en Suisse et d'assurer dès lors des revenus en faveur de buts d'utilité publique.

5.2

Frein aux dépenses

Le projet ne contient pas de disposition concernée par le frein aux dépenses prévu à l'art. 159, al. 3, let. b, Cst.

7766

5.3

Délégation de compétences législatives

Le projet délègue des compétences législatives au Conseil fédéral dans les dispositions suivantes: art. 5, al. 3, 16, al. 4, 17, al. 3, 19, 25, al. 3, 34, al. 3, 35, al. 3, 36, al. 3, 41, al. 3, 42, al. 3, 48, al. 2, 59, 64, al. 3, 68, al. 4, 96, al. 4, 117, al. 1 et 3, 118, al. 1 et 3, 119, al. 1, et 120, al. 1. Une norme de délégation de compétences au Conseil fédéral figure également à l'art. 25c, al. 2, LESp. Les art. 66, al. 4, et 67, al. 4, du projet et l'art. 17 LBA dans la version du projet en délèguent au département responsable, tandis que l'art. 67, al. 3, du projet et l'art. 17 LBA dans la version du projet en délèguent à la CFMJ. Ces délégations sont nécessaires car elles visent des règles dont la densité normative serait excessive dans une loi. Elles portent en outre sur des domaines soumis à des changements rapides, dans lesquels il faut pouvoir adapter les règles avec célérité.

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