14.095 Message concernant la loi fédérale sur les heures d'ouverture des magasins du 28 novembre 2014

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une loi fédérale sur les heures d'ouverture des magasins, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer l'intervention parlementaire suivante: 2013

M 12.3637

Force du franc. Harmonisation partielle des heures d'ouverture des magasins (E 17.9.12, Lombardi; N 19.3.13; E 17.6.13)

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

28 novembre 2014

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Didier Burkhalter La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2014-2735

711

Condensé Le projet de loi qui fait l'objet du présent message vise à faire en sorte que s'applique dans toute la Suisse un cadre général minimal identique pour les heures d'ouverture des magasins du commerce de détail.

Contexte Le 15 juin 2012, le conseiller aux Etats Filippo Lombardi a déposé la motion intitulée «Force du franc. Harmonisation partielle des heures d'ouverture des magasins» (12.3637). Celle-ci demande que soit mis en place à l'échelle nationale un même cadre minimal pour les heures d'ouverture des magasins, du lundi au samedi. La motion a été transmise le 17 juin 2013 au Conseil fédéral.

Contenu du projet Le projet de loi sur les heures d'ouverture des magasins met en oeuvre la motion Lombardi. Les entreprises du commerce de détail auront la possibilité de laisser leurs magasins ouverts entre 6 et 20 heures du lundi au vendredi et entre 6 et 19 heures le samedi. Le projet ne porte pas sur le travail du soir, de nuit ou du dimanche. Il n'entraîne pas non plus de modification de la loi sur le travail, et n'affecte donc pas les dispositions qui visent à protéger la santé des travailleurs.

Les cantons pourront, dans le respect des dispositions de la loi sur le travail, autoriser des heures d'ouverture plus longues ainsi que des ouvertures le soir en semaine et le dimanche. Les jours fériés cantonaux et leurs veilles sont exclus du champ d'application de la nouvelle réglementation.

712

Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Motion Lombardi (12.3637): Force du franc.

Harmonisation partielle des heures d'ouverture des magasins

Le 15 juin 2012, le conseiller aux Etats Filippo Lombardi a déposé, avec vingt cosignataires, la motion intitulée «Force du franc. Harmonisation partielle des heures d'ouverture des magasins» (12.3637), dont le texte est le suivant: Le Conseil fédéral est chargé de soumettre au Parlement une modification de la loi fédérale sur le marché intérieur et, le cas échéant, d'autres lois afin que, dans le cadre de la politique de croissance de la Confédération, les heures d'ouverture des commerces de détail soient partiellement harmonisées, au moins de la manière suivante: du lundi au vendredi de 6 à 20 heures et le samedi de 6 à 19 heures. On pourrait aussi imaginer une législation fondée sur la compétence de la Confédération de légiférer sur l'exercice des activités économiques lucratives privées (art. 95 de la Constitution), la souveraineté des cantons les autorisant à édicter des dispositions plus souples dans le cadre de la loi sur le travail étant réservée.

L'origine de cette motion et sa motivation sont à trouver dans les difficultés que rencontre le commerce de détail en raison de la force du franc et de l'augmentation du tourisme d'achat qui en résulte. Dans le développement de la motion, le conseiller aux Etats Lombardi relève les pertes que subit le commerce de détail, menaçant à la fois les emplois, les places de formation et les recettes fiscales (notamment celles qui proviennent de la taxe sur la valeur ajoutée). Partant du constat que le commerce de détail doit s'adapter aux besoins actuels des consommateurs dont les habitudes ont changé, il propose d'harmoniser les heures d'ouverture des magasins sous la forme d'un cadre minimal. Cette mesure devrait permettre de renforcer la compétitivité des magasins suisses vis-à-vis des commerces situés dans les pays voisins, qui ont des heures d'ouverture plus longues, tout en garantissant au niveau suisse des conditions minimales identiques à tous les magasins du commerce de détail. Ce dernier point vise notamment à réduire au moins en partie les discriminations entre le commerce de détail traditionnel d'une part et les magasins situés dans les gares, les aéroports et les stations-service d'autre part, qui bénéficient de dérogations. Il est à noter que la motion Lombardi ne concerne en rien la protection des travailleurs, régie par la loi sur le travail. Enfin, l'harmonisation uniquement partielle qui est proposée laisse une certaine marge de liberté aux cantons.

1.1.2

Position du Conseil fédéral

Dans son avis du 29 août 2012, le Conseil fédéral a proposé d'accepter la motion. Il admet que la diversité des réglementations cantonales concernant les heures d'ouverture du commerce de détail entraîne des distorsions de concurrence. Sou-

713

mettre tous les détaillants à un cadre identique en ce qui concerne les heures d'ouverture autorisées pendant les jours ouvrables rendrait les conditions de la concurrence plus équitables. Le Conseil fédéral relève toutefois que la motion ne tient pas compte de toutes les inégalités de concurrence (s'agissant par ex. de l'ouverture le dimanche). Par ailleurs, en se limitant à une harmonisation partielle des heures d'ouverture, celle-ci prend suffisamment en considération la diversité des conditions économiques, culturelles et géographiques de la Suisse. Un allongement mesuré des heures d'ouverture répondrait surtout à l'évolution de la société.

1.1.3

Transmission de la motion

Le 17 septembre 2012, le Conseil des Etats a adopté la motion Lombardi par 27 voix contre 11. Le Conseil national l'a suivi le 19 mars 2013 par 121 voix contre 56, mais en modifiant le texte de la motion afin d'exclure les jours fériés cantonaux de la nouvelle réglementation. Il a ainsi ajouté la phrase suivante: [...] 19 heures. Sont exclus de cette harmonisation les jours fériés cantonaux. On pourrait aussi [...]

Le Conseil des Etats a accepté cette modification le 17 juin 2013, avec l'aval du Conseil fédéral.

1.1.4

Autres interventions parlementaires

La motion Abate intitulée «Renforcer le tourisme suisse en adaptant l'ordonnance 2 relative à la loi sur le travail à ses besoins» (12.3791) n'a pas de lien direct avec la motion Lombardi, mais y est pourtant fréquemment associée dans le débat public.

Elle demande que l'art. 25 de l'ordonnance 2 du 10 mai 2000 relative à la loi sur le travail (OLT 2)1 soit modifié pour l'adapter aux besoins d'un secteur touristique moderne, en autorisant les centres commerciaux répondant à des critères particuliers à ouvrir le dimanche. Le Conseil fédéral a proposé de voter cette motion afin que le tourisme suisse, particulièrement touché par le franc fort, puisse s'adapter aux besoins de la clientèle internationale. Cette motion a été adoptée par les deux Chambres le 19 mars 2013. L'audition sur l'adaptation de l'OLT 2 s'est terminée le 31 janvier 2014. Le Conseil fédéral se prononcera avant la fin de l'année sur une possible révision de l'ordonnance.

En relation avec la motion Lombardi a été déposée le 21 juin 2013 la motion de Buman intitulée «Pour une table ronde sur les heures d'ouverture des magasins» (13.3617). Suite à l'adoption des motions Lombardi et Abate précitées, cet objet demande que soit organisée à l'échelle nationale une table ronde réunissant l'ensemble des acteurs concernés (cantons, villes, communes, organisations économiques et sociales, y compris milieux du tourisme et des consommateurs). La motion de Buman n'a pas encore été traitée au Conseil national, conseil prioritaire en l'occurrence. Dans son avis du 28 août 2013, le Conseil fédéral propose de rejeter la motion de Buman. Les deux motions, Lombardi et Abate, sont en effet mises en oeuvre indépendamment l'une de l'autre par des organes déjà en place (notamment 1

714

RS 822.112

par les Commissions de l'économie et des redevances et la Commission fédérale du travail) au sein desquels seront menés les débats et négociations nécessaires. Aussi le Conseil fédéral ne voit-il pas l'utilité de convoquer en plus une «table ronde». En outre, concernant la motion Lombardi, le contenu de la nouvelle législation a déjà été voté par le Parlement, ce qui laisse peu de marge de manoeuvre pour l'élaboration de dispositions particulières. Idem pour la motion Abate, qui ne concerne que le champ d'application restreint du travail dominical.

Le Parlement n'a pas encore examiné la motion intitulée «Heures d'ouverture des magasins. Garantir une concurrence équitable» (12.4268) que le Groupe vert'libéral a déposée au Conseil national le 14 décembre 2012. Elle demande que la loi du 13 mars 1964 sur le travail (LTr)2 soit modifiée de façon à autoriser les magasins et entreprises de service dont la superficie ne dépasse pas 120 mètres carrés à occuper des travailleurs le dimanche et la nuit.

La motion Buttet intitulée «Assurer l'approvisionnement des régions périphériques» (11.4086) a certes été adoptée par le Conseil national le 25 septembre 2013, mais elle a été rejetée par le Conseil des Etats le 16 juin 2014 et est donc réputée liquidée.

Elle chargeait le Conseil fédéral de modifier la législation sur le travail pour les commerces de proximité en zones périphériques, afin de permettre l'occupation de personnel le dimanche et les jours fériés.

En réponse à ces deux dernières motions, le Conseil fédéral s'est clairement exprimé en faveur d'un rejet, estimant que les dérogations à l'interdiction du travail du dimanche et de nuit devaient rester exceptionnelles. Il rappelle que cette interdiction constitue en effet la pierre angulaire d'une LTr qui a pour objet de protéger la santé des travailleurs.

1.1.5

Réglementation actuelle

Jusqu'à présent, en l'absence d'une réglementation fédérale, les heures d'ouverture des magasins sont régies par le droit cantonal, sous réserve des dispositions de la législation fédérale sur le travail applicables à l'emploi des travailleurs. Plusieurs cantons n'ont arrêté aucune réglementation quant aux heures d'ouverture autorisées des magasins, si ce n'est que les heures d'ouverture peuvent être réglées au niveau communal (voir ch. 3.2 et annexe). Le projet doit donc tenir compte de la diversité des situations que connaissent les cantons. Ainsi, d'un côté, il ne doit pas restreindre la marge de manoeuvre de ceux qui ont choisi une libéralisation complète des heures d'ouverture, de l'autre, conformément à ce que demande la motion, il doit, non pas forcer les cantons plus restrictifs à s'aligner sur un modèle unique, mais définir simplement un cadre général dans lequel tous les commerçants de Suisse pourront fixer librement leurs heures d'ouverture.

2

RS 822.11

715

1.2

Réglementation proposée

Le Parlement a chargé le Conseil fédéral d'élaborer une loi qui donne un même cadre d'heures d'ouverture autorisées à l'ensemble du commerce de détail en Suisse.

La réglementation proposée se fait au travers d'une nouvelle loi spéciale, dénommée loi fédérale sur les heures d'ouverture des magasins (LOMag). Les commerces visés par cette loi auront la possibilité d'ouvrir entre 6 et 20 heures du lundi au vendredi et entre 6 et 19 heures le samedi. Le dimanche n'est pas concerné. Les jours fériés cantonaux ainsi que les veilles de ceux-ci sont exclus du champ d'application de la LOMag. Sous réserve des dispositions de la LTr, les cantons pourront autoriser des heures d'ouverture plus longues et autoriser des ouvertures le soir en semaine et le dimanche. Les cantons qui n'ont pas adopté de réglementation relative aux heures d'ouverture des magasins n'ont pas à édicter de base légale ad hoc.

La LOMag n'entraîne aucune modification de la LTr. La LTr régit en effet les horaires de travail non soumis à autorisation, soit d'une part entre 6 et 20 heures (travail de jour), d'autre part entre 20 et 23 heures (travail du soir), en fixant de manière détaillée les temps de repos. Non seulement la LOMag ne concerne pas le travail du soir, mais elle ne porte atteinte ni à l'interdiction de travailler la nuit, ni à l'interdiction de travailler le dimanche.

1.3

Appréciation de la solution retenue

1.3.1

Nouvelle loi spéciale et délimitation du champ d'application

Contrairement à ce que prévoit la motion, il est proposé, non pas de modifier la loi du 6 octobre 1995 sur le marché intérieur (LMI)3, mais d'édicter une loi spéciale. La LMI consacrant en effet des principes généraux, il vaut mieux recourir à une loi spéciale lorsqu'il s'agit de réglementer un secteur particulier, en l'occurrence le commerce de détail, dans la mesure où celle-ci peut concéder aux cantons une certaine liberté.

Les incertitudes que pouvait receler le texte de la motion Lombardi ont été levées dans le cadre des débats parlementaires au point que le contenu de la nouvelle loi ne laisse plus place qu'à une faible marge de manoeuvre. Les heures d'ouverture autorisées sont comprises entre 6 et 20 heures en semaine, et entre 6 et 19 heures le samedi, ce qui ne déborde pas le cadre du travail de jour tel qu'il est fixé par la LTr. La Commission de l'économie et des redevances du Conseil national s'est interrogée sur le point de savoir s'il ne valait pas mieux fixer l'heure de fermeture du samedi à 18 heures au lieu de 19 heures4, mais cette proposition a été rejetée par 14 voix contre 8. Enfin, les deux Chambres ont approuvé l'idée d'exclure de la réglementation les jours fériés cantonaux. Au vu des résultats de la procédure de consultation, le Conseil fédéral propose même d'exclure du champ d'application de la LOMag les veilles desdits jours fériés cantonaux.

3 4

716

RS 943.02 BO 2013 N 154

1.3.2

Résultats de la procédure de consultation

Le Conseil fédéral a pris connaissance à sa séance du 20 août 2014 des résultats de la procédure de consultation, qui s'est déroulée du 19 février au 30 mai 2014. Il a confirmé sa décision de mettre en oeuvre la motion Lombardi. Le rapport rendant compte des résultats de la consultation a été publié suite à cette séance5.

Le projet de LOMag et son rapport explicatif ont suscité 78 prises de position. Les avis des 26 cantons, de la Conférence des chefs des départements cantonaux de l'économie publique (CDEP), de 6 partis politiques, de 8 associations faîtières oeuvrant au niveau national et de 37 organisations et milieux intéressés ont été prises en compte dans le rapport auquel la consultation a donné lieu.

La nouvelle loi fédérale a pour l'essentiel été accueillie favorablement. Il convient cependant de noter qu'un grand nombre d'entreprises de la branche du commerce de détail ont pris position directement, leurs avis s'ajoutant à ceux des associations faîtières. Plusieurs participants n'ont pas dit clairement s'ils étaient pour ou contre le projet, ou ont simplement émis quelques réserves. Une minorité importante s'y est dite hostile.

De manière générale, le commerce de détail, les représentants des consommateurs, les professionnels du tourisme, les associations des petites et moyennes entreprises ainsi que le Parti Démocrate-Chrétien, le PLR.Les Libéraux-Radicaux et l'Union démocratique du centre ont soutenu le projet.

La grande majorité des cantons, les milieux syndicaux, les représentants des employés ainsi que le Parti socialiste suisse, le Parti écologiste suisse et le Parti évangélique suisse s'y sont déclarés opposés.

Concernant les cantons, la plupart d'entre eux ont dit non pour des raisons liées au fédéralisme, le projet leur enlevant la compétence de légiférer dans ce domaine et empiétant donc sur leur souveraineté. Trois cantons se sont certes déclarés en faveur d'une harmonisation et d'une libéralisation, mais pas dans le cadre d'une loi fédérale. Deux cantons ont dit ne pas être opposés au projet, et un canton lui a exprimé son soutien.

Les principales critiques adressées au projet résidaient dans le fédéralisme et dans les conditions de travail des employés du commerce de détail. En ce qui concerne l'argument fédéraliste, les cantons se sont opposés à ce que la Confédération
légifère dans le domaine des heures d'ouverture des magasins, qu'ils estiment être de leur ressort. Or, si cette compétence est aujourd'hui exercée par les cantons, c'est uniquement parce que la Confédération a renoncé à ce jour à le faire: il ne s'agit donc pas d'un droit que les cantons pourraient revendiquer pour eux. En ce qui concerne les conditions de travail, il faut rappeler que la LOMag ne porte nullement atteinte au droit actuel du travail: les heures d'ouverture prévues ne débordent pas le cadre du travail de jour fixé par la LTr. Par ailleurs, ce n'est pas parce que la Confédération fixe un cadre général minimal que tous les commerces vont automatiquement faire usage de la totalité du champ de liberté qui leur est ainsi donné: la loi leur permettra simplement de s'adapter à la demande de consommateurs qui souhaitent davantage de souplesse dans ce domaine.

5

Disponible sous: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2014 > Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche

717

Plusieurs participants ont fait valoir qu'il n'était pas possible de lutter contre le tourisme d'achat en se contentant de libéraliser les heures d'ouverture, au motif que les consommateurs se rendraient à l'étranger principalement pour bénéficier de prix plus bas. Cependant, les sondages montrent que les heures d'ouverture jouent elles aussi un rôle dans les décisions d'achat (voir au ch. 3.3.2 les considérations sur le tourisme d'achat). Soumettre l'ensemble du commerce de détail à un même cadre général minimal permet de renforcer sa compétitivité aussi bien sur le plan intérieur que vis-à-vis de l'étranger. Il est d'ailleurs intéressant de constater que les associations de petits commerces soutiennent le projet.

De nombreux participants se sont opposés à la proposition d'assimiler le 24 décembre à un samedi et ont demandé, soit de prévoir une fermeture anticipée, soit d'exclure ce jour du champ d'application du projet. Certains participants ont souhaité que la même règle s'applique aux autres veilles de jours fériés cantonaux. Le Conseil fédéral répond à ces préoccupations en proposant de retrancher du champ d'application du projet les veilles de jours fériés cantonaux, ce qui permettra de prendre encore mieux en compte les besoins régionaux.

Enfin, plusieurs participants ont critiqué l'obligation qui était faite aux cantons dépourvus de législation sur les heures d'ouverture des magasins d'édicter une base légale ad hoc, qui ne manquerait pas d'alourdir leur charge financière et en personnel. Le Conseil fédéral a également tenu compte de cet aspect dans son projet.

1.4

Comparaison avec le droit des pays voisins

1.4.1

Heures d'ouverture des magasins

Dans le cadre d'un débat consacré aux heures d'ouverture du commerce de détail suisse, il est évidemment intéressant de se pencher sur les réglementations en vigueur dans les pays voisins. En effet, la taille réduite de la Suisse permet aux consommateurs suisses de se rendre sans difficulté dans les pays limitrophes pour y faire occasionnellement ou régulièrement leurs achats (voir également les considérations du ch. 3.3.2 sur le tourisme d'achat). Il faut cependant préciser d'emblée que la question de la libéralisation des heures d'ouverture des magasins ne peut être dissociée de la réglementation du travail en vigueur dans les différents pays (voir ch. 1.4.2 et, pour la Suisse, le point «Employés» au ch. 3.3.1).

Il n'existe pas de règles communautaires régissant les heures d'ouverture du commerce de détail. Par ailleurs, plusieurs pays ont abrogé dans le cadre de la mise en oeuvre de la directive 2003/88/CE6 les lois qu'ils avaient adoptées relativement aux heures d'ouverture des magasins.

En Allemagne, les heures d'ouverture des magasins sont régies par une loi fédérale, la Gesetz über den Ladenschluss (LadSchlG), en vigueur depuis le 28 novembre 1956. Dans sa version actuelle, elle autorise les magasins à ouvrir entre 6 et 20 heures du lundi au samedi, mais l'obligation de fermer le dimanche et durant les jours fériés est restée inchangée. Elle prévoit également des dérogations pour les pharmacies, les stations-service, les magasins situés dans les gares ou dans les 6

718

Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, JO L 299 du 18.11.2003, p. 9 à 19.

aéroports. Cependant, suite à la réforme du fédéralisme intervenue en 2006, la compétence en matière d'heures d'ouverture a été attribuée aux Länder. La LadSchlG reste certes formellement en vigueur, mais les Länder peuvent désormais décider librement des heures d'ouverture des magasins situés sur leur territoire.

Cette nouvelle répartition des tâches a pour conséquence que la réglementation est très différente d'un Land à l'autre. Alors que la Bavière n'a toujours pas édicté de loi ad hoc correspondante et s'en tient au cadre fixé par la loi fédérale, d'autres Länder ont opté pour une libéralisation: ainsi, à Berlin ou dans le Bade-Wurtemberg, Land limitrophe de la Suisse, les magasins peuvent ouvrir 24 heures sur 24, du lundi au samedi.

La France ne connaît pas de réglementation sur les heures d'ouverture du commerce de détail.

En Italie, une déréglementation des heures d'ouverture des commerces est entrée en vigueur au 1er janvier 2012, dans le cadre d'un paquet de mesures destiné à lutter contre la crise. Depuis cette date, tous les commerçants peuvent décider librement et sans demander d'autorisation des heures d'ouverture de leur magasin, qui peut donc rester ouvert 24 heures sur 24, y compris le dimanche.

En Autriche, les heures d'ouverture des magasins sont fixées par une loi fédérale, la Öffnungszeitengesetz (ÖZG). Celle-ci autorise les magasins à ouvrir entre 6 et 21 heures du lundi au vendredi et entre 6 et 18 heures le samedi. Des dérogations sont accordées notamment pour les boulangeries, les régions touristiques, les stations-service et les magasins situés dans les gares.

Dans ces quatre pays, les magasins n'exploitent pas toujours en totalité la plage horaire maximale autorisée. Si l'on considère les heures d'ouverture en vigueur dans certains centres commerciaux et magasins d'alimentation situés proches de la frontière suisse ­ Weil am Rhein et Lörrach pour l'Allemagne, Saint-Louis, Mulhouse et Epagny pour la France, Domodossola pour l'Italie et Dornbirn pour l'Autriche ­, on constate que ces derniers ouvrent généralement entre 8 et 9 heures et ferment entre 19 heures 30 et 22 heures du lundi au samedi (sauf en Autriche, puisqu'à Dornbirn les magasins ferment plus tôt que dans les autres villes qui ont servi de point de comparaison).

1.4.2

Conditions de travail

Les temps de travail sont plus strictement réglementés dans les pays voisins qu'en Suisse, au moyen aussi bien de lois que de conventions collectives de travail (CCT).

En Suisse, l'art. 9, al. 1, LTr fixe la durée maximale du temps de travail hebdomadaire à 45 heures pour les travailleurs occupés dans les entreprises industrielles, le personnel de bureau, le personnel technique et les autres employés, y compris le personnel de vente des grandes entreprises de commerce de détail, et à 50 heures pour tous les autres travailleurs. Des CCT peuvent prévoir des temps de travail plus courts. Ainsi la CCT cadre du commerce de détail dans le canton de Genève (version 2013­2018) fixe la durée maximale du travail à 42 heures répartie sur cinq jours. La CCT nationale du groupe Migros pour la période 2011­2014 ainsi que la CCT du groupe Coop entrée en vigueur le 1er janvier 2014 prévoient un temps hebdomadaire normal de travail de 41 heures. En revanche, il n'existe pas de CCT nationale déclarée de force obligatoire pour l'ensemble de la branche.

719

En Allemagne, la durée légale de travail est de 8 heures par jour (semaine de 40 heures sur 5 jours ou de 48 heures sur 6 jours). Le commerce de détail est couvert par des CCT au niveau des Länder. Des durées de travail entre 37 et 38 heures sont prévues dans la plupart des CCT. De plus, selon le § 87, al. 1, ch. 2 et 3, de la Betriebsverfassungsgesetz, les questions touchant les horaires de travail et l'augmentation provisoire du temps de travail doivent être tranchées en codécision avec le comité d'entreprise.

En France, le Code du travail prévoit que la durée du travail ne doit pas excéder 10 heures effectives par jour et 48 heures par semaine. Conformément à la «convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire» du 12 juillet 2001, la durée hebdomadaire effective de travail calculée sur une période quelconque de 12 semaines consécutives ne peut dépasser 42 heures en moyenne. Le salarié doit également disposer d'un repos hebdomadaire de 24 heures consécutives, correspondant généralement au dimanche. Dans le commerce de détail, le repos hebdomadaire peut cependant débuter le dimanche à 13 heures.

Concernant l'Italie, le Decreto Legislativo n. 66 du 8 avril 2003 fixe le temps de travail normal à 40 heures par semaine. Les CCT peuvent prévoir une limite hebdomadaire inférieure. La législation ne fixe pas de durée maximale pour la journée de travail, mais précise que le salarié doit bénéficier d'un repos hebdomadaire de 24 heures consécutives.

En Autriche, la Arbeitszeitgesetz (AZG) fixe la durée maximale du temps de travail à 8 heures par jour et à 40 heures par semaine. L'employé doit bénéficier d'un temps de repos hebdomadaire de 36 heures au minimum. La loi prévoit cependant que la durée de travail hebdomadaire du personnel de vente au sens de la ÖZG peut se prolonger jusqu'à 44 heures sur une période de quatre semaines pour autant que le temps de travail hebdomadaire moyen ne dépasse pas 40 heures ou la durée normale fixée dans la CCT. Le temps de travail journalier ne doit cependant pas dépasser 9 heures.

1.5

Classement d'interventions parlementaires

L'adoption par les Chambres du présent projet de LOMag permettra d'atteindre pleinement l'objectif visé par la motion Lombardi 12.3637. Il est donc possible de classer celle-ci.

2

Commentaire des dispositions

Titre et préambule Le titre indique que la réglementation porte sur les heures d'ouverture des magasins, à savoir des entreprises du commerce de détail.

Le préambule renvoie à l'art. 95 de la Constitution (Cst.)7, qui confère à la Confédération la compétence de légiférer sur l'exercice des activités économiques lucratives privées (al. 1) et de veiller à créer un espace économique suisse unique (al. 2).

7

720

RS 101

Art. 1

Heures d'ouverture

Le projet reprend les exigences concrètes énoncées dans la motion Lombardi à l'égard des heures d'ouverture des entreprises du commerce de détail. Celles-ci pourront ouvrir du lundi au vendredi de 6 heures à 20 heures, et le samedi, de 6 heures à 19 heures (al. 1). Cette règle constitue un cadre général minimal qui permet aux cantons de prévoir des heures d'ouverture plus longues (al. 2). Les cantons qui n'ont pas légiféré dans ce domaine sont assimilés aux cantons ayant prévu des heures d'ouverture plus longues et ils pourront donc eux aussi aller au-delà dudit cadre général minimal prévu sans avoir à édicter pour cela de dispositions ad hoc.

Les réglementations fédérales spécifiques relatives à l'emploi des travailleurs dans les points de vente situés dans les aéroports et les gares et dans les magasins des stations-service (art. 27, al. 1ter et 1quater, LTr) ne sont pas affectées par le présent projet. Il sera par contre nécessaire de modifier la loi fédérale du 20 décembre 1957 sur les chemins de fer (LCdF)8 (voir ci-dessous le commentaire ad art. 4).

Art. 2

Jours fériés cantonaux

Conformément à la précision que le Parlement a apportée à la motion Lombardi avant de la voter, les jours fériés cantonaux sont exclus du champ d'application de la loi. La réglementation des heures d'ouverture des magasins ces jours-là relève donc de la seule compétence des cantons. Parmi les jours fériés au sens de la LOMag, il y a d'une part les huit jours fériés par an au plus que les cantons peuvent assimiler au dimanche en vertu de l'art. 20a, al. 1, LTr, et d'autre part, les autres jours fériés cantonaux, régis uniquement par le droit cantonal. Les cantons sont également libres de prévoir des heures d'ouverture plus courtes pour les veilles de ces jours fériés.

Art. 3

Définitions

L'encadrement des heures d'ouverture demandé par la motion Lombardi concerne uniquement le commerce de détail: aussi le terme de «magasins», choisi parce que d'usage plus courant, désigne-t-il exclusivement les entreprises du commerce de détail. Par «entreprise du commerce de détail», il faut entendre un local commercial physique où des marchandises sont proposées à la vente. Le champ d'application de la loi ne couvre donc pas les entreprises de services comme les salons de coiffure ou les solariums, dont la réglementation des heures d'ouverture reste par conséquent l'affaire des cantons. Quant aux locaux commerciaux où sont à la fois vendues des marchandises et fournies des prestations de services (par ex. les garages ou les magasins de sport), ils sont à considérer comme des entreprises du commerce de détail lorsque la vente de marchandises forme l'essentiel de leur activité commerciale.

Art. 4

Modification d'un autre acte

La LOMag rend nécessaire une modification de la LCdF. En effet, comme la LOMag se substituera à des dispositions cantonales ou communales plus restrictives, il importe de préciser que les nouvelles dispositions n'auront pas, elles non plus, d'effet sur les heures d'ouverture des entreprises accessoires au sens de la LCdF.

8

RS 742.101

721

C'est pourquoi l'art. 39, al. 3, LCdF est modifié de manière à spécifier que ces entreprises accessoires ne seront pas plus soumises aux dispositions de la LOMag qu'elles ne le sont aux dispositions cantonales ou communales sur les heures d'ouverture et de fermeture.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

3.1.1

Conséquences financières

Le projet n'aura pas de conséquences financières directes sur la Confédération, puisque le cadre général minimal des heures autorisées ne contrevient pas au droit du travail et n'oblige donc pas à demander d'autorisations particulières. Au cas où la LOMag se traduirait par de retombées économiques positives, celles-ci ne manqueront pas de bénéficier aussi aux finances publiques de la Confédération, des cantons et des communes.

3.1.2

Conséquences sur l'état du personnel

La nouvelle loi est sans incidences sur l'état du personnel de la Confédération.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Jusqu'à présent, en l'absence d'une réglementation fédérale, les heures d'ouverture des magasins étaient régies par le droit cantonal. Or, la Confédération décide aujourd'hui de faire usage de la compétence qui la sienne dans ce domaine. Le vote d'une loi fédérale frappe de caducité toute loi cantonale qui n'est pas compatible avec le nouveau cadre général minimal, et cela est également vrai pour les dispositions communales en la matière lorsque les cantons ont délégué la compétence réglementaire concernée aux communes (notamment Vaud et les Grisons). Cantons et communes demeurent souverains pour tout ce qui se situe au-delà de ce simple cadre horaire. Les cantons restent ainsi maîtres des modalités d'exécution, de même qu'ils sont libres d'autoriser les commerces à ouvrir plus longtemps que ne le prévoit le cadre fédéral, à ouvrir en nocturne en semaine, à ouvrir le dimanche, les jours fériés cantonaux ou les veilles de ceux-ci, pour autant que ce ne soit pas contraire aux dispositions de la LTr. La LOMag heurtera le droit cantonal uniquement dans la mesure où elle se substituera aux dispositions qui imposaient précédemment aux entreprises du commerce de détail des heures d'ouverture plus courtes pendant les jours ouvrés (les jours fériés cantonaux et les veilles de jours fériés cantonaux n'étant pas concernés). En conséquence, dans les cantons qui, avant l'entrée en vigueur de la LOMag, prévoyaient des heures d'ouverture plus longues ou qui n'avaient pas légiféré en la matière, la situation demeurera inchangée.

722

L'annexe présente un aperçu de la situation qui prévaut aujourd'hui dans les cantons, en indiquant lesquels d'entre eux ont édicté une loi sur les heures d'ouverture ou de fermeture des magasins et quel sera l'impact pour les cantons concernés de l'allongement prévu des heures d'ouverture. Sur les 26 cantons, 16 ont légiféré, et 10 non. Le canton de Zurich a adopté pour sa part une loi qui affranchit les magasins de toute restriction. On constate que, parmi les cantons qui ont réglementé les heures d'ouverture, 5 ne sont pas concernés par le nouveau cadre général pour la semaine, et 2 pour le samedi, parce qu'ils ont déjà prévu des heures d'ouverture qui vont au-delà de 20 heures en semaine et de 19 heures le samedi. Autrement dit, la nouvelle loi devrait entraîner un allongement des heures d'ouverture des magasins en semaine pour 11 cantons et le samedi pour 14 cantons. Pour les cantons, le nouveau droit se traduira par un allongement maximal des heures d'ouverture d'une heure ou d'1 heure 30 en semaine, et d'une à trois heures le samedi. Il est cependant intéressant de noter que plusieurs cantons actuellement «restrictifs» en matière d'heures d'ouverture des magasins connaissent des dérogations à leur propre réglementation, notamment pour les zones touristiques ou frontalières, autorisant des heures d'ouverture plus longues ou en libéralisant totalement celles-ci.

L'imposition d'un même cadre général à l'ensemble du commerce de détail de Suisse aura également un impact sur la répartition interrégionale des chiffres d'affaires des magasins. Actuellement, certains magasins qui sont situés à la fois dans un canton libéral en termes d'heures d'ouverture et à proximité de la frontière avec un canton plus restrictif profitent de cette différence de régime juridique, car les résidents de ce dernier canton n'hésiteront pas à franchir la frontière cantonale pour faire leurs achats chez eux en soirée. La nouvelle loi permettra aux magasins de tous les cantons de bénéficier de conditions minimales identiques en termes d'heures d'ouverture et de lutter à armes égales ­ pour autant, toutefois, que le canton voisin n'ait pas mis en oeuvre une libéralisation allant au-delà du cadre fédéral.

Enfin, pour les cantons limitrophes d'un pays européen, un allongement des heures d'ouverture peut renforcer leur
compétitivité face à la concurrence des magasins géographiquement proches de la Suisse. Rappelons à cet égard que les conditions plus libérales qui en termes d'heures d'ouverture prévalent en Allemagne, en Italie, en France et en Autriche ont été présentées au ch. 1.4.

3.3

Conséquences économiques

Il est dressé ci-après un aperçu des conséquences économiques qu'un allongement des heures d'ouverture pourrait avoir pour les entreprises du commerce de détail qui sont situées dans les cantons connaissant aujourd'hui des réglementations plus restrictives que ce qui est prévu par le cadre général minimal de la LOMag. Pour ce qui est des commerces qui ne sont soumis à aucune contrainte réglementaire hormis les dispositions de la LTr ou qui évoluent dans un cadre plus libéral que celui de la LOMag, la situation changera uniquement dans la mesure où ils devront faire face à une concurrence accrue sur le marché suisse.

L'expérience des autres pays est d'une aide limitée lorsqu'il s'agit de déterminer les effets économiques d'une libéralisation des heures d'ouverture du commerce de détail. C'est du moins ce que montre une étude commandée par le Secrétariat d'Etat

723

à l'économie (SECO)9, qui s'appuie aussi bien sur l'expérience d'autres Etats (Suède, Pays-Bas, Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, Espagne, France, Allemagne et Autriche) que sur celle des cantons qui ont libéralisé leurs heures d'ouverture. Les auteurs de l'étude ont extrapolé ces résultats aux conséquences possibles d'un assouplissement des heures d'ouverture des magasins dans notre pays. Il faut préciser d'emblée que les répercussions de la force du franc et donc de l'aggravation du tourisme d'achat n'ont pas été prises en compte. Il faut également préciser que les effets économiques sont en grande partie déterminés par le cadre juridique et économique initial, comme le droit du travail ou la concurrence qui prévaut dans le secteur du commerce de détail, et par l'ampleur de la libéralisation des heures d'ouverture qui est mise en place.

3.3.1

Impact économique sur les différents acteurs économiques

Consommateurs Pour un ménage dont les partenaires travaillent tous deux hors domicile, pour un célibataire ou encore pour un ménage monoparental, il est parfois difficile de concilier les exigences de la vie professionnelle avec des horaires d'ouverture restrictifs.

Or, si ces personnes n'ont pas la possibilité d'effectuer leurs achats durant la journée, elles devront le faire en-dehors des heures de travail, soit tôt le matin, le soir ou le samedi. Certaines personnes, peu sensibles aux prix, se dirigeront vers les magasins des stations-service, des gares ou des aéroports, puisqu'ils sont soumis à des conditions plus libérales en matière d'heures d'ouverture et que leur assortiment ne cesse en outre de s'étoffer, dans les limites légales, pour répondre à la demande de la clientèle. Elles peuvent aussi se rendre dans les commerces des cantons limitrophes ou même des pays voisins qui connaissent des heures d'ouverture plus longues.

Il est difficile de contester qu'un allongement des heures d'ouverture des commerces bénéficie aux consommateurs10. Cette réalité est confirmée par l'étude réalisée en 2005 sur mandat du SECO11. Cet allongement réduit les coûts d'opportunité des consommateurs, qui peuvent mieux organiser le temps dévolu aux achats en fonction de leur disponibilité, ce qui se traduit par une diminution des conflits de temps avec d'autres activités, qu'il s'agisse des loisirs ou du travail. Une plus grande souplesse dans les horaires d'ouverture permet aussi une liberté accrue dans le choix du lieu où sera effectué l'acte d'achat.

Il est cependant intéressant de noter que l'étude commandée par le SECO montre que l'utilité supplémentaire pour le consommateur d'une ouverture plus longue croît significativement jusqu'à 20 heures, pour quasiment stagner ensuite. Le Crédit Suisse conclut lui aussi, dans sa dernière publication concernant le commerce de 9 10

11

724

Econcept, 2005, «Volkswirtschaftliche Auswirkungen flexibler Ladenöffnungszeiten» (non traduit), Politique du marché du travail no 12.

Crédit Suisse, 2014, Retail Outlook 2014, Faits et tendances, Swiss Issues Branches, Economic Research; Productivity Commission of the Australian Government, 2011, «Retail Trading Hours Regulation», Economic Structure and Performance of the Australian Retail Industry, Inquiry Report No. 56; Nooteboom B., 2006, «The Industrial and Social Dynamics of Retailing, and Effects of Opening Hours», Discussion Paper, Center of Economic Research, Tilburg University.

Voir référence en note de bas de page 9.

détail12, qu'une libéralisation complète n'apporterait que peu de bénéfices aux détaillants en raison de la diminution progressive de l'utilité marginale pour le consommateur. Dans le cadre d'une simulation de libéralisation des heures d'ouverture des magasins du lundi au vendredi, cette étude montre ainsi que, par rapport à un scénario de référence où tous les magasins seraient ouverts entre 8 et 19 heures, les heures consacrées aux achats augmenteraient de 1,2 % dans le cas où les entreprises du commerce de détail exploiteraient toutes en totalité la plage horaire maximale autorisée par la nouvelle loi. Par contre, une libéralisation complète de 24 heures sur 24 se traduirait uniquement par une augmentation supplémentaire de 0,5 % par rapport à ce que prévoit la motion Lombardi. C'est pourquoi, comme le demande précisément cette motion Lombardi et comme l'a proposé le Conseil fédéral lui-même, il n'est pas prévu de mettre en place au niveau fédéral une libéralisation totale des heures d'ouverture. Du reste, si le peuple s'est opposé à plusieurs reprises sur le plan cantonal à un allongement des heures d'ouverture des magasins, c'est surtout à des modifications allant au-delà des exigences de la motion Lombardi qu'il a dit non, comme cela est illustré par deux votations qui ont récemment eu lieu sur le sujet. Ainsi, en juin 2012, la population du canton de Zurich a certes refusé à 71 % une plus grande libéralisation des horaires d'ouverture des magasins, mais la proposition portait sur une ouverture 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, ce qui va bien au-delà de ce que prévoit la LOMag; et le 3 mars 2013, la population du canton de Bâle-Ville s'est opposée à 59,7 % à une modification législative permettant d'ouvrir les magasins et donc d'occuper du personnel deux dimanches par année (l'art. 19 LTr autorise les cantons à fixer jusqu'à quatre dimanches par année pendant lesquels le personnel peut être employé dans les commerces sans qu'une autorisation ne soit nécessaire), et de prolonger l'ouverture de deux heures le samedi, l'heure de fermeture passant de 18 heures à 20 heures, alors qu'en semaine la législation bâloise prévoit déjà une ouverture jusqu'à 20 heures: là encore, les dispositions mises au vote allaient donc, en tout cas pour une partie d'entre elles, au-delà du cadre minimal prévu
par la LOMag.

Détaillants Si les consommateurs ont plus de temps pour faire leurs achats, il est possible qu'ils consomment davantage, pour autant que leur budget le leur permette et que cela réponde à un besoin ou à une envie récréative. Le Crédit Suisse, comme dit plus haut, estime que le temps consacré aux achats augmentera de 1,2 % par rapport au scénario de référence, étant entendu que cette estimation repose sur l'hypothèse que toutes les entreprises du commerce de détail qui sont aujourd'hui ouvertes de 8 à 19 heures exploitent en totalité la liberté que leur laisse le nouveau cadre horaire autorisé. Les entreprises du secteur concerné peuvent ainsi escompter une légère progression de leur chiffre d'affaire. Si l'impact d'une libéralisation sur la croissance économique reste difficile à chiffrer, elle pourrait cependant la doper légèrement.

Une libéralisation bénéficiera cependant très inégalement aux petites et aux grandes surfaces. Un allongement des heures d'ouverture implique en effet des coûts variables plus élevés (ressources en personnel, charges de fonctionnement), qu'il devrait toutefois être possible de compenser à moyen et à long termes par des gains d'efficacité réalisés grâce à une allocation plus efficiente des ressources, comme une 12

Voir référence en note de bas de page 10.

725

meilleure utilisation du capital. D'autre part, les commerces peuvent exploiter plus longtemps les capacités existantes en termes d'infrastructures de vente et ainsi mieux répartir leurs coûts fixes. Ce sont donc avant tout les grands commerces, parce qu'ils ont plus de possibilités pour rationaliser leurs ressources, qui tireront profit des ouvertures prolongées en soirée et le samedi. Les petits commerçants ne disposent ni des mêmes possibilités ni de la même flexibilité en termes d'organisation du travail, ce qui pourrait conduire à une accélération du phénomène que l'on observe déjà, à savoir la disparition progressive des petits commerces au profit de surfaces commerciales plus importantes. Ce changement structurel que pourrait induire une libéralisation des heures d'ouverture des magasins a par ailleurs été relevé par plusieurs études13, et pourrait entraîner certains problèmes en termes de pouvoir de marché, avec une pression à la hausse sur les prix. Cependant, cette évolution peut être contrebalancée par la pression concurrentielle plus forte que les kiosques, les magasins de stations-service et ceux situés dans les gares et les aéroports subiront de la part du commerce de détail traditionnel, qui pourrait conduire à une baisse du prix des produits vendus dans ce type de commerces. Les effets d'une libéralisation des heures sur les chiffres d'affaires des commerces dépendent dans une grande mesure de leur emplacement (centre-ville, rues commerçantes, gares, magasins situés sur le trajet des pendulaires, etc.) et marché qu'ils visent (marché de niche ou marché de masse).

Il est important de rappeler ici que les entreprises familiales sont exclues du champ d'application de la LTr: l'interdiction d'occuper des employés la nuit et le dimanche ne leur est en effet pas applicable pour autant qu'il s'agisse des membres de la famille tels qu'ils sont définis par la loi. Par ailleurs, les avantages dont disposent actuellement les kiosques, les magasins de stations-service et les commerces situés dans les gares ou les aéroports par rapport aux entreprises traditionnelles du commerce de détail auront tendance à diminuer puisque ces dernières pourront rester ouvertes plus longtemps, mais ils ne disparaîtront pas entièrement. Les distorsions de concurrence ne seront donc pas toutes gommées. Enfin,
si le cadre général minimal qui est proposé laissera a priori aux commerçants le choix de rester ouverts ou non jusqu'à l'heure de fermeture maximale autorisée, il n'en demeure pas moins que le comportement des concurrents aura une influence sur leur décision.

Employés Le commerce de détail occupe une part importante de l'emploi en Suisse, puisqu'il représentait environ 317 400 emplois au deuxième trimestre 2014 (temps plein et temps partiel)14, ce qui correspond à environ 7,6 % de l'emploi en Suisse. La durée hebdomadaire normale de travail pour les salariés du commerce de détail à plein temps était de 41,8 heures en 2013, ce qui est légèrement supérieur à la moyenne du secteur tertiaire et de tous les secteurs confondus (41,7 heures).

13

14

726

Nooteboom B., op.cit.; BAKBASEL, 2010, Coûts, prix et performance: Le commerce de détail suisse en comparaison internationale, Bâle; Wenzel T., 2010, «Liberalization of Opening Hours with Free Entry», German Economic Review 11(4), Verein für Socialpolitik, p. 511­526.

Office fédéral de la statistique OFS, Statistique de l'emploi STATEM. Le commerce de détail, à l'exception des automobiles et des motocycles, correspond à la division 47 de la nomenclature générale des activités économiques de 2008 (NOGA 2008). Cette division comprend également le commerce électronique.

La protection de la santé des travailleurs est garantie par la LTr, et la LOMag n'affecte en rien le régime actuel. L'art. 10, al. 1, LTr définit en effet le travail de jour comme étant compris entre 6 et 20 heures, quelle que soit la branche, et précise qu'il n'est soumis à aucune autorisation. Il est vrai que dans certaines branches comme justement le commerce de détail, des réglementations cantonales de police fixent des limites inférieures au cadre maximal autorisé, non sans prévoir des dérogations pour les régions touristiques ou les régions frontalières.

Les conditions de travail sont par ailleurs régies par les art. 319 ss du code des obligations (CO)15, le cas échéant par des CCT (par ex. au niveau du canton ou de l'entreprise) et par le contrat de travail.

Les conséquences sur les conditions de travail d'un allongement des heures d'ouverture dépendront de la manière dont l'employeur réorganisera les processus de travail. Il pourra soit engager du personnel supplémentaire, soit modifier les conditions de travail du personnel en place. Dans ce dernier cas, il ne sera pas libre de faire tout ce qu'il veut. Ainsi, s'il prévoit d'augmenter la durée de travail, celle-ci ne pourra dépasser la durée maximale prévue à l'art. 9 LTr, qui est de 45 heures ou de 50 heures, suivant que le commerce occupe plus ou moins de 50 employés. De plus, lorsque le travail sur appel est possible, le temps mis à disposition doit être rémunéré même en l'absence de travail effectif, sauf convention contraire, et les contrats qui ne prévoient aucune durée de travail sont interdits. De même, un licenciement accompagné d'une proposition de réembauche avec modification du contrat précédent (congé-modification), s'il est autorisé, n'est possible qu'à certaines conditions. A cela s'ajoute qu'en vertu de l'art. 48, al. 1, let. b, LTr, l'employeur doit informer et consulter les travailleurs et leurs représentants sur les affaires concernant l'organisation du temps de travail et l'aménagement des horaires de travail. Il doit également tenir compte des responsabilités familiales des travailleurs lorsqu'il fixe les heures de travail et de repos (art. 36, al. 1, LTr). Les conditions de travail dépendront enfin de l'existence ou non d'une CCT, qui pourrait par exemple fixer une durée de travail hebdomadaire. Toutes ces garde-fous
existent déjà et ne seront affectées en rien par la LOMag, et les questions évoquées ici n'intéressent la présente problématique que dans la mesure où un allongement des heures d'ouverture pourra amener les employeurs à modifier les conditions de travail de leurs employés.

L'accueil que les employés du secteur du commerce de détail réserveront au nouveau dispositif dépendra essentiellement de leur situation. Les personnes actives ne sont pas toutes en faveur d'un assouplissement des heures d'ouverture. Pourtant, la durée maximale hebdomadaire fixée par la loi ne variera pas: simplement, l'allongement des heures d'ouverture conduira à une réorganisation des heures de travail. A l'inverse, certains employés seront satisfaits de pouvoir travailler tôt le matin ou tard le soir, comme par exemple les étudiants, qui pourront prendre un travail qui leur laissera le temps de se consacrer à leurs études pendant la journée. Le nouveau cadre se traduira par une souplesse accrue, dans les limites fixées par la LTr. Certes, il sera sans doute nécessaire de convenir des aménagements avec les personnes ayant charge de famille, en tenant compte notamment des heures d'ouverture des structures de garde. Pour ce qui est des demandeurs d'emploi, ils voient d'un oeil favorable le nouveau dispositif prévu, dans la mesure où celui-ci devrait se traduire par une augmentation du nombre des postes à temps partiel qui leur permettra de reprendre pied au moins partiellement sur le marché de l'emploi.

15

RS 220

727

3.3.2

Implications pour l'économie dans son ensemble

Situation du commerce de détail Le commerce de détail, commerce électronique inclus, est un secteur important de l'économie suisse. Sa contribution à la valeur ajoutée brute (VAB) totale (avant ajustements) de la Suisse s'élève en moyenne à environ 4,6 % sur la période comprise entre 1997 et 2012, même si cette part a peu à peu tendance à diminuer (voir graphique 1). Indicateur de performance économique, la VAB correspond pour le commerce de détail au chiffre d'affaires après déduction de l'approvisionnement et de la consommation intermédiaire (énergie, transport). La part à la VAB est passée d'environ 4,9 % en 1997 à environ 4,1 % en 2012 (chiffres provisoires de l'Office fédéral de la statistique, OFS). Le pic observé en 2009 peut s'expliquer par le fait que, durant la crise, certains secteurs, comme l'industrie, ont été particulièrement touchés, ce qui a eu pour conséquence de diminuer leur contribution à la VAB totale et, corrélativement, d'accroître la part du commerce de détail.

Depuis 2010, la VAB du commerce de détail a tendance à diminuer. Cette évolution est peut-être due au fait que les achats auparavant faits en Suisse sont en partie remplacés par des achats effectués à l'étranger. Mais il faut aussi relever que l'arrivée de nouveaux fournisseurs sur le marché suisse a conduit dans le commerce de détail à une pression à la baisse sur les prix.

Graphique 1 Valeur ajoutée brute du commerce de détail, entre 1997 et 2012

Source: OFS

Concurrence au sein du commerce de détail suisse La LOMag vise à créer un cadre concurrentiel identique pour toutes les entreprises du commerce de détail suisse. La réglementation proposée garantit à tout commerçant la possibilité d'ouvrir entre 6 et 20 heures en semaine et entre 6 et 19 heures le samedi. L'inscription dans la loi d'un tel cadre minimal reste une intervention 728

légère. Les commerçants n'ont en effet aucune obligation d'utiliser en totalité la plage horaire désormais autorisée, et pourront se déterminer en fonction de la clientèle, de l'assortiment proposé et de l'emplacement du magasin. Cette liberté reste toutefois limitée, comme il a été dit plus haut (voir partie «Détaillants» au ch. 3.3.1), par cette réalité qui veut que tous les commerces ne pourront faire face aux coûts supplémentaires liés à la réorganisation du travail qu'induira la nouvelle réglementation.

Il est également vrai que les conditions de concurrence ne seront cependant pas absolument identiques puisque le dimanche, les jours fériés désignés par le droit cantonal et leurs veilles sont exclus du champ d'application de la nouvelle réglementation. En outre, dans les cantons qui ont déjà supprimé toute réglementation sur les heures d'ouverture autorisées des magasins, les entreprises du commerce de détail pourront continuer de tirer parti intégralement de la latitude que leur laisse le droit du travail, et ouvrir de 6 à 23 heures. Enfin, les régimes spéciaux d'occupation du personnel sans autorisation prévus dans la LTr resteront en vigueur, ainsi les dérogations applicables aux magasins situés dans les gares, dans les aéroports ou dans les stations-service. Il n'en demeure pas moins que la nouvelle loi fédérale permettra de manière générale de rapprocher les conditions de concurrence.

Les détaillants suisses sont également soumis à la concurrence des régions frontalières, qui bénéficient de régimes d'heures d'ouverture plus libéraux que de nombreux cantons (voir ch. 1.4). Cette concurrence a été renforcée par l'appréciation du franc suisse, qui a conduit à une augmentation du tourisme d'achat de la part des consommateurs suisses (voir ci-dessous le point «Force du franc suisse»).

Il est d'autant plus judicieux de soumettre l'ensemble du commerce de détail à un même cadre général que celui-ci s'inscrit dans les limites définies par la LTr. La concurrence devrait s'en trouver renforcée, avec des conséquences positives pour l'ensemble de l'économie grâce à une augmentation de la productivité, mais les effets d'une libéralisation restent difficilement chiffrables. Ainsi, il n'est pas exclu qu'elle entraîne une diminution des prix à la consommation. Si les auteurs ne s'accordent pas sur
l'ampleur des gains de productivité, certaines études montrent cependant qu'un allongement des heures d'ouverture des magasins se traduit par une augmentation de l'offre, ce qui influe positivement sur la valeur ajoutée du commerce de détail et favorise la croissance économique16.

Il est probable toutefois que l'évolution du commerce électronique relativisera l'importance des heures d'ouverture des magasins pour la concurrence, en particulier pour les produits qui sont déjà pour beaucoup d'entre eux achetés en ligne. Sur l'ensemble des dépenses de consommation des ménages privés suisses en 2011, les achats ou commandes effectués par Internet restent certes modestes, avec une part d'environ 1,5 %17. Cependant, cette part ne cesse d'augmenter chaque année. Près de 27 % des achats en ligne sont liés aux vacances et à l'hébergement (voir graphique 2). Les livres représentent environ 2,1 % des achats sur Internet, mais cela représente environ 13 % des dépenses totales des ménages pour cette catégorie de produits. Pour les vêtements et les chaussures, les achats électroniques représentent environ 3 % des dépenses totales des ménages pour cette catégorie et, pour l'alimen16

17

Burda M.C., 2000, «Product Market Regulation and Labor Market Outcomes: How Can Deregulation Create Jobs?», Working Paper No. 230, CESifo Working Paper Series, Munich.

Voir OFS, Indicateurs de la société de l'information, E-commerce des ménages privés.

729

tation, 1,1 %. Au final, sur l'ensemble des dépenses des ménages pour chaque catégorie, les achats en ligne des billets d'avion, du matériel informatique, des livres, de l'équipement audiovisuel et photographique ainsi que des vacances et hébergement occupent une part supérieure à 10 %. Pour tous les autres biens et services, la proportion des dépenses effectuées en ligne reste inférieure. Par rapport à 2010, les dépenses des ménages sur Internet pour tous les types de marchandises ont augmenté en 2011 entre 0,1 et 0,7 point de pourcentage, et même de 3,2 pour l'équipement audiovisuel et photographique. Du côté des entreprises, en 2011, parmi celles qui utilisent Internet, 73 % ont passé commande pour leurs achats via le commerce électronique et 33 % y ont recouru pour la vente en ligne. Dans le secteur des services, ces parts s'élèvent à 73 % et 38 % respectivement.

Graphique 2 Commerce électronique: dépenses annuelles des ménages privés effectuées sur Internet, entre 2004 et 2011

Source: OFS

Force du franc suisse La force du franc suisse par rapport notamment à l'euro a un impact significatif sur le comportement d'achat consommateurs suisses. Selon deux études de l'institut Gesellschaft für Konsumforschung (GfK), les dépenses des Suisses à l'étranger sont passées de 8,9 milliards de francs en 2012 à 10 milliards de francs en 201318. Sur ces montants, 4,5 milliards de francs en 2012 et 5 milliards en 2013 sont dus à des déplacements effectués à l'étranger pour y faire des achats («tourisme d'achat»). Le reste se répartit entre l'argent dépensé par les Suisses à l'étranger durant les vacances ou à l'occasion de voyages d'affaires et les achats en ligne. Parmi les raisons qui en 2013 ont poussé les consommateurs suisses à se rendre à l'étranger 18

730

GfK, 2014, Achats à l'étranger en 2013, et 2013, Achats à l'étranger 2012, Hergiswil.

pour leurs achats, 79 % des personnes font valoir des prix meilleur marché et 22 % les heures d'ouverture des magasins plus longues en France, en Allemagne, en Italie et en Autriche. Si les prix constituent la raison principale qui pousse les Suisses à se rendre à l'étranger pour y faire des achats, il ne faut pas pour autant sous-estimer l'impact que pourra avoir un allongement des heures d'ouverture dans le cadre de la lutte contre le tourisme d'achat.

Le dispositif proposé ici relève de l'aménagement structurel et ne règle pas le problème de la force du franc suisse, qui reste un défi majeur pour le commerce de détail suisse. Il n'en demeure pas moins que LOMag devrait améliorer la situation de ce secteur en Suisse même comme vis-à-vis de la concurrence étrangère. Rappelons que pas moins de 2300 magasins d'alimentation étrangers sont situés dans un rayon de 20 minutes depuis la frontière suisse19, et 8500 dans un rayon de 60 minutes.

3.4

Conséquences sociales

Un allongement des heures d'ouverture peut avoir un impact positif sur l'emploi. Il pourrait en effet se traduire par l'insertion dans le marché du travail d'un nombre accru de personnes en recherche d'emploi et donc par une diminution du chômage.

Sous cet angle, la loi aurait des conséquences sociales heureuses.

Par ailleurs, un allongement des heures d'ouverture est de nature à faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, surtout si les deux parents travaillent. Il permet ainsi aux actifs qui font garder leurs enfants à la crèche de faire leurs achats après avoir été les chercher en fin de journée, puisque les magasins restent ouverts plus longtemps. Cette mesure peut donc se traduire par une augmentation de l'activité professionnelle notamment des mères, ce qui peut favoriser la mobilisation du potentiel de main d'oeuvre indigène que vise l'initiative du Conseil fédéral visant à combattre la pénurie de personnel qualifié.

Pour les employés du secteur du commerce de détail, les conséquences seront sans doute diverses. D'un côté, la possibilité de travailler en tout début ou en toute fin de journée crée des opportunités de revenus supplémentaires aussi bien pour les étudiants qui financent leurs études en travaillant à côté que pour les familles avec enfants, puisque la garde des enfants peut être assurée par le partenaire qui partira travailler plus tard ou qui sera rentré plus tôt. De l'autre côté, concilier vie familiale et vie professionnelle pourrait devenir plus difficile pour les familles monoparentales, par exemple si les crèches ferment avant les magasins.

3.5

Conséquences environnementales

Un allongement des heures d'ouverture des magasins peut avoir des conséquences sur l'environnement à plusieurs niveaux, sous l'angle notamment du trafic et, de façon marginale, de la consommation d'énergie.

19

Crédit Suisse, 2013, Retail Outlook 2013, Faits et tendances, Swiss Issues Branches, Economic Research.

731

D'abord, un allongement des heures d'ouverture peut avoir un effet positif sur l'environnement en réduisant le trafic d'achat et donc la pollution que celui-ci entraîne. Il permet en effet aux consommateurs de mieux étaler leurs achats, puisqu'ils ne sont plus contraints de se précipiter pour faire leurs achats en sortant du travail.

La simulation réalisée par le Crédit Suisse confirme du reste qu'une libéralisation conduirait à une meilleure répartition des achats sur la journée20. Les pendulaires pourraient optimiser leurs déplacements en s'arrêtant en chemin pour faire leurs achats, soit tôt le matin en partant, soit le soir en rentrant. Par ailleurs, la mise en place au niveau national d'un cadre général unique pour les heures d'ouverture se traduira par une réduction du trafic intercantonal, puisque les consommateurs n'auraient plus de raison de se rendre dans une région voisine pour profiter d'heures d'ouverture plus pratiques. Ce serait surtout vrai le samedi, puisque l'heure de fermeture autorisée constituera un allongement dans la plupart des de cantons. Du point du vue du trafic transfrontalier, on peut s'attendre à ce qu'un allongement des heures d'ouverture conduise à une légère diminution du tourisme d'achat et, partant, de la densité du trafic et de la pollution. Rappelons en effet que les Suisses ont parcouru en voiture 74 kilomètres en moyenne en 2013 contre 67 kilomètres en 2012 pour effectuer des achats ciblés à l'étranger21. Or, s'il est vrai que les parcours de moins de 26 kilomètres ont représenté en 2012 et en 2013 la plus grande part (35 %) des trajets concernés, il est vrai aussi que la part des trajets de plus de 100 kilomètres est passée de 17 % en 2012 à 22 % en 2013.

De l'autre côté, un allongement des heures d'ouverture pourrait également avoir un coût en termes de consommation d'énergie accrue (notamment d'électricité). Celuici reste cependant difficile à évaluer. Le groupe sectoriel «Commerce» a enregistré en 2013 une consommation d'électricité d'environ 3,8 térawattheures (TWh)22, et la consommation d'électricité du commerce pour l'éclairage s'élève à environ un TWh par année. Des heures d'ouverture plus longues le matin et le soir induiront évidemment une consommation supplémentaire. Cela dit, certains appareils appareils électriques tels que les congélateurs ou les réfrigérateurs fonctionnent de toute façon en continu.

4

Relation avec le programme de la législature

Le projet n'a été annoncé ni dans le message du 25 janvier 2012 sur le programme de la législature 2011 à 201523, ni dans l'arrêté fédéral du 15 juin 2012 sur le programme de la législature 2011 à 201524. Cela s'explique par le fait que la motion Lombardi a été transmise au Conseil fédéral le 17 juin 2013. Conformément à l'art. 122 de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement25, le Conseil fédéral dispose de deux ans pour traiter une motion.

20 21 22

23 24 25

732

Voir note de bas de page 10.

Voir études GfK, note de bas de page 18.

Office fédéral de l'énergie OFEN, 2014, Energieverbrauch in der Industrie und im Dienstleistungssektor 2013, p. 41; non traduit; OFEN, 2014, Analyse des schweizerischen Energieverbrauchs 2000­2013 nach Verwendungszwecken, p. 43; non traduit.

FF 2012 349 FF 2012 6667 RS 171.10

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et légalité

Aux termes de l'art. 95 Cst., la Confédération peut légiférer sur l'exercice des activités économiques lucratives privées; d'autre part, elle veille à créer un espace économique suisse unique. Elle est liée à cet égard au principe de la liberté économique prévu à l'art. 94 Cst.

Le commerce de détail est une activité économique lucrative au sens de l'art. 95 Cst.: la Confédération est donc autorisée à réglementer les heures d'ouverture des entreprises de ce secteur. En outre, le projet de loi sert la réalisation du marché intérieur, en contribuant à éliminer les distorsions de concurrence causée par la diversité des réglementations cantonales qui régissent les heures d'ouverture des magasins. La réglementation des heures d'ouverture des entreprises du commerce de détail par la Confédération constitue certes une restriction de la liberté économique, mais elle reste compatible avec les droits fondamentaux: elle est en effet justifiée par l'existence d'un intérêt public, à savoir le maintien de la tranquillité et de l'ordre publics, et elle est proportionnée à l'objectif poursuivi.

En faisant usage de sa compétence de réglementer les heures d'ouverture des magasins, la Confédération rend caduques les dispositions légales cantonales qui ne respectent pas le cadre minimal prévu au niveau fédéral. Par ailleurs, le projet proposé, loin de constituer une réglementation fédérale exhaustive, se borne à définir un standard minimal national: l'art. 1, al. 2, LOMag donne en effet la possibilité aux cantons de fixer des heures d'ouverture plus longues.

La solution retenue est également conforme au principe de subsidiarité inscrit à l'art. 43a, al. 1, Cst.: d'un côté, le cadre général minimal prévu sert la création d'un espace économique unique, de l'autre, la possibilité de prévoir des heures d'ouverture plus longues tient compte de la diversité des intérêts cantonaux.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales

Le projet est dépourvu de lien direct avec les obligations internationales de la Suisse.

5.3

Forme de l'acte à adopter

Le projet comporte des dispositions importantes qui fixent des règles de droit et qui, conformément à l'art. 164, al. 1, Cst., doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Il prévoit en effet de restreindre certains droits constitutionnels et fixe des droits et des obligations.

5.4

Délégation de compétences législatives

Le projet de loi ne prévoit pas de délégation de compétences législatives.

733

Annexe

Aperçu des heures d'ouverture des magasins au niveau cantonal

Pas de réglementation concernant les heures d'ouverture au niveau cantonal

Cantons Observations

Impact de la loi fédérale: allongement?

AG

Non

AI Dispositions au niveau communal

Oui, dans certaines communes

BL

Loi abrogée en 1997

Non

GL

Loi abrogée en 2000

Non

GR

Dispositions au niveau communal

Oui, dans certaines communes Par ex. Coire: Semaine: non Samedi: +2 h

NW

Non

OW

Non

SZ

Non

BE Loi réglant les heures d'ouverture des commerces ou BS le temps de travail26 FR

GE

734

Non

AR

VD

26

Loi abrogée en 2005

Dispositions au niveau communal

Oui, dans certaines communes Par ex. Lausanne: Semaine: +1 h Samedi: +1 h

Du lundi au vendredi: 6 h à 20 h Samedi: 6 h à 17 h

Semaine: non

Du lundi au vendredi: 6 h à 20 h Samedi: 6 h à 18 h

Semaine: non

Du lundi au vendredi: 6 h à 19 h Samedi: 6 h à 16 h

Semaine: +1 h

Du lundi au jeudi: jusqu'à 19 h Vendredi: jusqu'à 19 h 30 Samedi: jusqu'à 18 h

Lun-jeu: +1 h

Samedi: +2 h

Samedi: +1 h

Samedi: +3 h

Ven: +0 h 30 Samedi: +1 h

Concerne uniquement les heures normales d'ouverture et de fermeture prévues par les lois cantonales. Ne sont pas prises en compte les dérogations spéciales fixées par les cantons et les ouvertures nocturnes ou dominicales.

Cantons Observations

Impact de la loi fédérale: allongement?

JU

Du lundi au vendredi: 6 h à 18 h 30 Samedi: 6 h à 17 h

Semaine: +1 h 30

LU

Du lundi au vendredi: jusqu'à 18 h 30 Samedi: jusqu'à 16 h

Semaine: +1 h 30

NE

Du lundi au vendredi: de 6 h à 19 h Samedi: de 6 h à 18 h

Semaine: +1 h

Du lundi au vendredi: 6 h à 19 h Samedi: 6 h à 17 h

Semaine: +1 h

Du lundi au vendredi: 5 h à 22 h (en été)/ 6 h à 22 h (en hiver) Samedi: jusqu'à 18 h

Semaine: non

Du lundi au vendredi: 5 h à 18 h 30 Samedi: 5 h à 16 h

Semaine: +1 h 30

TG

Du lundi au samedi: 6 h à 22 h

Non

TI

Du lundi au vendredi: jusqu'à 18 h 30 Samedi: jusqu'à 17 h

Semaine: +1 h 30

UR

Du lundi au vendredi: jusqu'à 18 h 30 Samedi: jusqu'à 17 h

Semaine: +1 h 30

VS

Du lundi au vendredi: jusqu'à 18 h 30 Samedi: jusqu'à 17 h

Semaine: +1 h 30

Du lundi au vendredi: 6 h à 19 h Samedi: 6 h à 17 h

Semaine: +1 h

SG

SH

SO

ZG

ZH

Samedi: +2 h

Samedi: +3 h

Samedi: +1 h

Samedi: +2 h

Samedi: +1 h

Samedi: +3 h

Samedi: +2 h

Samedi: +2 h

Samedi: +2 h

Samedi: +2 h

Du lundi au samedi: aucune Non limitation

735

736