08.432 Initiative parlementaire La Suisse doit reconnaître ses enfants Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 30 octobre 2014

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons des projets de modification de la Constitution fédérale ainsi que de la loi fédérale sur la nationalité, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter les projets d'acte ci-joints.

30 octobre 2014

Pour la commission: La présidente, Cesla Amarelle

2014-2950

739

Condensé On entend par étrangers de la troisième génération les personnes dont les grandsparents ont immigré en Suisse et dont les parents ont eux-mêmes grandi dans notre pays. De par cette situation, ces gens ne sont, en réalité, plus des étrangers: ils se sentent généralement Suisses et sont d'ailleurs considérés comme tels. Aussi doivent-ils pouvoir obtenir la naturalisation facilitée.

Le présent projet de la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N) ne prévoit pas l'acquisition automatique de la nationalité du seul fait de la naissance sur sol suisse («droit du sol»), contrairement au projet que le peuple avait rejeté de justesse en 2004. L'obtention de la nationalité passe par le dépôt d'une demande, qui constitue une déclaration volontaire du requérant ou, le cas échéant, de ses parents.

Pour qu'une personne soit considérée comme étranger de la troisième génération, il faut que l'un de ses grands-parents au moins et l'un de ses parents au moins soient ou aient été au bénéfice d'un droit de séjour durable, et qu'elle-même soit titulaire d'un permis d'établissement (permis C) ou de séjour (permis B). En outre, les attaches du candidat à la naturalisation doivent avoir été en Suisse au moment de sa naissance. Au reste, les autorités fédérales ont la possibilité d'examiner dans quelle mesure le candidat respecte l'ordre juridique et ne porte pas atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse: en cas d'infractions prouvées à la législation suisse, elles peuvent refuser la naturalisation.

Même si la solution proposée exclut le «droit du sol», la naissance en Suisse reste tout de même le critère principal pour l'octroi de la nationalité. Aussi la modification de la loi sur la nationalité suppose-t-elle une adaptation de la Constitution fédérale en ce sens.

La commission a pour objectif de garantir une réglementation uniforme à l'échelle nationale pour ce qui est des privilèges en matière de naturalisation pour les étrangers de la troisième génération, sachant que les conditions imposées à cet égard à ces derniers, qui varient fortement d'un canton à l'autre, sont de plus en plus considérées comme choquantes parce qu'injustes, pour ne pas dire arbitraires.

740

Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Initiative parlementaire Marra du 9 juin 2008

La conseillère nationale Ada Marra (S, VD) a déposé une initiative parlementaire cosignée par 49 députés, visant à ce que les étrangers de la troisième génération établis en Suisse obtiennent la nationalité sur demande des parents ou des personnes concernées.

Mme Marra affirme qu'on ne peut plus considérer comme des étrangers les personnes qui, à l'instar de leurs parents, sont nées en Suisse, et dont les grands-parents ont émigré dans notre pays. Elle souligne que, dans la plupart des cas, les étrangers de la troisième génération n'ont plus que de vagues notions de la langue du pays de leurs aïeuls, avec lequel ils n'ont pratiquement plus que des liens symboliques. Elle conclut que c'est en Suisse que ces personnes ont leurs véritables racines, raison pour laquelle notre pays doit les «reconnaître comme ses enfants».

1.2

Examen préalable par la Commission des institutions politiques

Le 24 octobre 2008, la Commission des institutions politiques (CIP) du Conseil national a donné suite à l'initiative par 15 voix contre 8 et 1 abstention. Le 15 janvier 2009, son homologue du Conseil des États s'est ralliée à cette décision par 8 voix contre 1 et 1 abstention.

Après le rejet par le peuple, le 26 septembre 2004, de la base constitutionnelle qui prévoyait d'octroyer aux étrangers de la troisième génération la nationalité suisse à la naissance, les CIP ont approuvé l'idée de rédiger un projet à l'intention du Parlement. Elles ont estimé que l'approche choisie par Mme Marra était d'autant plus prometteuse que, contrairement au projet de 2004, il n'était plus question que les personnes concernées reçoivent la nationalité automatiquement à la naissance, mais que ce droit soit subordonné au dépôt d'une demande (directement à la naissance ou plus tard). Ainsi, l'initiative parlementaire va dans le même sens que les propositions défendues en vain par une forte minorité du Conseil national et par la majorité de la commission du Conseil des États lors des débats concernant le projet rejeté en 2004. Selon la commission, le mécanisme proposé ici aurait de meilleures chances d'être accepté par le peuple et les cantons.

Des minorités des deux commissions ont proposé le rejet de l'initiative, en invoquant le respect de la volonté populaire. Le peuple a en effet déjà refusé trois objets semblables en 20 ans (en 1983, en 1994 et en 2004). Elles ont également fait valoir que le dispositif légal actuel permettait de réaliser suffisamment de naturalisations.

En outre, comme la naissance sur sol suisse constituerait la condition essentielle de la naturalisation, ces mêmes minorités sont d'avis que celle-ci serait octroyée en réalité de manière automatique: il serait impossible de la refuser et les citoyens suisses seraient privés de la liberté de se prononcer à ce sujet. Enfin, elles ont estimé que chaque personne concernée devait pouvoir décider elle-même si elle veut acquérir ou non la nationalité suisse en suivant la procédure ordinaire.

741

1.3

Mise en oeuvre de l'initiative par la CIP

1.3.1

Institution d'une sous-commission

Le 20 février 2009, la CIP a décidé de confier la mise en oeuvre de l'initiative parlementaire à une sous-commission composée de 7 membres (Tschümperlin, Geissbühler, Hiltpold, Hodgers, Hutter Jasmin, Marra, Schmidt Roberto). Le Bureau du Conseil national a approuvé l'institution de cette sous-commission.

La sous-commission s'est réunie à trois reprises entre mai et septembre 2009. À sa première séance, le 4 mai 2009, elle a pris ses premières décisions de principe, qu'elle a concrétisées le 16 juin et le 10 septembre 2009. Le 10 septembre 2009, elle a adopté son projet à l'intention de la commission plénière, par 5 voix contre 1.

1.3.2

Adoption de l'avant-projet en vue de la procédure de consultation

Réunie le 5 novembre 2009, la commission plénière a approuvé provisoirement, par 16 voix contre 8 et 2 abstentions l'avant-projet de modification de la Constitution fédérale et de la loi sur la nationalité ainsi que l'avant-projet de rapport préparé par sa sous-commission. Elle a ouvert une procédure de consultation dont l'échéance a été fixée au 15 février 2010.

1.3.3

Résultats de la procédure de consultation et adoption du projet à l'intention du Conseil national

La CIP du Conseil national a reçu 51 réponses. La majorité des participants (39, dont 21 cantons, le PLR, le PDC, le PS et les Verts) approuvent le principe du projet. Ils saluent tout particulièrement l'abandon de l'automatisme par rapport au projet de 2004, l'acquisition de la nationalité devant rester un acte volontaire. De plus, les modifications proposées devraient garantir, contrairement à la pratique actuelle, une réglementation uniforme de la naturalisation des étrangers de troisième génération à l'échelle nationale. Une partie d'entre eux (12, dont 8 cantons, le PDC et le PLR) émettent toutefois des réserves. Outre que les conditions formelles à remplir pour bénéficier de la naturalisation facilitée leur semblent difficilement vérifiables, ils souhaiteraient que, dans la disposition légale, un accent particulier soit porté sur l'intégration.

De leur côté, 12 participants (dont 5 cantons, l'UDC et l'UDF) invoquent le respect de la volonté populaire pour s'opposer à l'avant-projet, le peuple ayant déjà refusé trois objets semblables. Ils font également valoir que le dispositif légal actuel, notamment le fait que le temps passé par le requérant en Suisse entre dix et vingt ans révolus compte double représente déjà une facilité. A leurs yeux, le projet fait de la naturalisation un acte purement administratif et porte gravement atteinte au pouvoir de décision des communes. En outre, il y aurait lieu de coordonner ces modifications avec la révision totale de la loi sur la nationalité.

La CIP du Conseil national a pris acte des résultats de la procédure de consultation à sa séance du 15 avril 2010. Elle a estimé, à la lumière des résultats de la consulta742

tion, que le rapport devrait être complété. Par 15 voix contre 10, elle a confié à la sous-commission le soin de le faire.

Réunie le 24 juin 2010, la sous-commission a modifié le projet. A l'al. 1, elle a adapté le texte allemand pour le rendre conforme aux versions française et italienne, lesquelles utilisaient toutes deux une formulation potestative pour l'octroi de la nationalité à la troisième génération. De ce fait, les autorités ont la possibilité d'examiner la demande de naturalisation de manière plus approfondie en cas de doute sur l'intégration. Concernant la preuve du droit de séjour d'un grand-parent, elle a estimé que le requérant devrait simplement rendre vraisemblable qu'un grandparent a été titulaire d'un droit de séjour en Suisse et modifié l'al. 1, let. a en conséquence, tout en signalant, dans le rapport, que les modalités seraient réglées par voie d'ordonnance.

De plus, la sous-commission a précisé certains points relatifs à la consultation des cantons, aux législations cantonales en matière de naturalisation facilitée et à la présomption d'intégration. Ainsi, le rapport mentionne que les cantons auront le droit d'être entendus pour toutes les naturalisations facilitées. Ceux qui accordent aujourd'hui déjà des facilités de naturalisation aux jeunes étrangers de la deuxième génération dans la procédure de naturalisation ordinaire pourront conserver leur législation en la matière, pour autant que les prescriptions fédérales existantes soient respectées. Le rapport indique également que les facilités de naturalisation ne s'appliquent non seulement à la troisième génération, mais également aux générations qui les suivront. Quant à la présomption d'intégration, le rapport précise que si elle peut être réfutée dans un cas d'espèce, ce cas devrait néanmoins relever de l'exception.

La commission a ensuite renoncé à poursuivre l'examen de l'initiative afin d'attendre le résultat de la révision totale de la loi sur la nationalité (11.022). Les Chambres fédérales ayant adopté la nouvelle loi sur la nationalité suisse le 20 juin 2014 (FF 2014 5001) et le délai référendaire ayant expiré sans que le référendum ait été demandé, la commission a décidé, le 30 octobre 2014, d'accepter les propositions de sa sous-commission et d'approuver les deux projets d'acte à l'intention de son conseil, respectivement par 14 voix contre 7 (projet 1) et par 15 voix contre 7 (projet 2).

1.4

Acquisition de la nationalité à la naissance et naturalisation facilitée: rappel des tentatives d'introduction

Depuis la fondation de l'État fédéral, en 1848, les conditions d'octroi de la nationalité suisse ont régulièrement fait l'objet de débats politiques souvent passionnels.

Sont retracés ci-après les principaux développements qu'a connus la législation en matière de naturalisation des jeunes étrangers.

743

1.4.1

Des origines au début des années 19801

Les premières tentatives visant à simplifier la naturalisation des jeunes étrangers remontent à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Jusqu'à la veille de la Première Guerre mondiale, la population étrangère résidant en Suisse a fortement augmenté (elle atteindra près de 15 % de la population totale en 1910), en raison de l'industrialisation croissante du pays. Pour contrer cette tendance perçue comme une menace par certaines franges de la population, la loi fédérale du 25 juin 1903 concernant l'acquisition et la renonciation à la nationalité suisse a prévu des mesures destinées à encourager l'acquisition de la nationalité par les enfants dits de la deuxième génération d'étrangers. Les cantons furent déclarés compétents pour octroyer le droit de cité par le seul effet de la loi aux enfants étrangers domiciliés dans le canton pour autant que la mère soit suisse d'origine ou que les parents aient été domiciliés pendant au moins cinq ans dans le canton lors de la naissance de l'enfant.

Comme aucun canton n'avait fait usage de cette compétence, le Conseil national, en 1910, a demandé au Conseil fédéral de faciliter la naturalisation des étrangers établis et nés en Suisse. Ce n'est qu'en 1920 que le Conseil fédéral a soumis son projet au Parlement: par une modification constitutionnelle, le législateur devait recevoir la compétence d'octroyer la nationalité suisse dès la naissance aux enfants de parents étrangers domiciliés en Suisse, pour autant que la mère soit suisse par filiation ou qu'un des parents soit né en Suisse.

Après le net rejet d'une initiative populaire qui prévoyait de rendre plus difficile la naturalisation en général, mais aussi de donner la compétence au législateur fédéral d'accorder la nationalité suisse à tous les étrangers nés et élevés en Suisse, le Conseil fédéral soumit au Parlement, en 1922, un nouveau projet qui se limitait à l'acquisition de la nationalité suisse par les enfants d'une mère suisse d'origine et d'un père étranger. Cette disposition constitutionnelle, acceptée en 1928, permettait à la législation fédérale de prévoir que l'enfant de parents étrangers était suisse dès la naissance pour autant que sa mère fût suisse par filiation et que les parents résidassent en Suisse au moment de la naissance. Cependant, on renonça provisoirement à préciser ladite
disposition sous la forme d'une loi, vu que le nombre d'étrangers diminuait de nouveau.

Avec l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 29 septembre 1952 sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (LN)2, la Confédération a utilisé en partie sa compétence constitutionnelle, en instituant pour les enfants d'une Suissesse qui a épousé un étranger une naturalisation facilitée lorsque la mère était suisse de naissance et que les enfants étaient domiciliés en Suisse depuis au moins dix ans. En outre, les jeunes étrangers ayant grandi en Suisse bénéficiaient d'un statut privilégié: la durée de résidence était réduite.

Avec la révision de 1976, la base constitutionnelle a été entièrement mise en oeuvre.

Ainsi, les enfants d'une mère suisse et de son époux étranger acquéraient à la naissance la nationalité suisse lorsque la mère était suisse de naissance et que les parents avaient leur domicile en Suisse lors de la naissance de l'enfant. Une disposition transitoire donnait aux enfants nés avant l'entrée en vigueur de la loi la possibilité de bénéficier des nouvelles dispositions dans la mesure où ils étaient âgés de moins de

1 2

744

Cf. FF 1982 II 139 à 141 RS 141.0

22 ans lors de l'entrée en vigueur de la loi et formulaient une demande y relative dans le délai d'une année. Plus de 45 000 enfants en firent usage.

1.4.2

Les modifications constitutionnelles rejetées en 1983 et en 1994

Après la révision totale de la loi de 1952 sur la nationalité, la naturalisation facilitée des jeunes étrangers ayant grandi en Suisse a continué à soulever les passions sous la Coupole, comme en témoignent les nombreuses interventions parlementaires déposées entre la fin des années 60 et les années 703. L'arrêté fédéral du 24 juin 1983 tendant à faciliter certaines naturalisations4 se fondait sur un projet que le Conseil fédéral avait soumis au Parlement en 19825; il prévoyait un nouvel article constitutionnel qui aurait permis à la Confédération de faciliter la naturalisation des jeunes étrangers élevés en Suisse ainsi que des réfugiés et des apatrides, à condition que ces personnes se soient bien intégrées. Le projet a cependant été rejeté lors de la votation populaire du 4 décembre 1983 par 55,2 % des votants, ainsi que par 16 cantons et 4 demi-cantons6.

Douze ans plus tard, le Conseil fédéral a présenté au Parlement un projet d'envergure moindre, car ne s'appliquant pas notamment aux réfugiés, mais allant dans le même sens7. La version définitive, adoptée en l'état par le législatif, prévoyait de compléter l'art. 44 de la Constitution fédérale par une disposition selon laquelle la Confédération facilite la naturalisation des jeunes étrangers ayant grandi en Suisse.

Lors de la votation populaire de juin 1994, le projet a été approuvé par la majorité du peuple (52,8 %), mais rejeté par la majorité des cantons (11 cantons et 4 demicantons).

1.4.3

Les projets constitutionnels de 2004

Répondant au voeu de nouvelles interventions parlementaires, le Conseil fédéral a soumis au Parlement, le 21 novembre 2001, un «Message concernant le droit de la nationalité des jeunes étrangers et révision de la loi sur la nationalité»8 (01.076); il s'agit, à ce jour, du dernier projet du gouvernement dans ce domaine. Il visait notamment à permettre aux étrangers de la deuxième génération d'acquérir la nationalité suisse selon une procédure simplifiée, et à accorder automatiquement la nationalité aux étrangers de la troisième génération.

3 4 5 6 7 8

FF 1982 II 148 à 149 FF 1983 II 721 82.019 Message sur la révision du droit de la nationalité dans la Constitution fédérale; FF 1982 II 137 FF 1984 I 621 92.079 Message sur la naturalisation facilitée des jeunes étrangers, FF 1992 VI 493 FF 2002 1815

745

1.4.3.1

Acquisition automatique de la nationalité par les étrangers de la troisième génération

Le Conseil fédéral et le Parlement considéraient que les étrangers de la troisième génération entretenaient des liens encore plus étroits avec notre pays que leurs parents qui avaient pourtant déjà grandi en Suisse. Par conséquent, ces personnes devaient pouvoir acquérir la nationalité suisse à la naissance par le seul effet de la loi. Le Conseil fédéral proposait d'introduire une version restrictive du «droit du sol» sous la forme d'une modification de l'art. 38 de la Constitution («Acquisition et perte de la nationalité et des droits de cité»), habilitant la Confédération à régler l'acquisition de la nationalité et des droits de cité par la naissance en Suisse (projet B1). Cette disposition était mise en oeuvre dans le projet de disposition d'exécution sur lequel portait également le message (projet B2), et qui en limitait la portée aux personnes dont l'un des parents avait accompli au moins cinq ans de scolarité obligatoire en Suisse et était titulaire d'une autorisation de séjour ou d'établissement depuis cinq ans au moment de la naissance de l'enfant.

Lors du débat d'entrée en matière au Conseil national, à la session d'automne 2002, des députés de différentes fractions ont souligné la nécessité de réformer en profondeur le droit de la nationalité. Ils ont indiqué que s'il y a moins de naturalisations en Suisse qu'ailleurs, c'est que les critères à remplir y sont particulièrement rigoureux et que la procédure est très longue. Plusieurs propositions de non-entrée en matière et de renvoi au Conseil fédéral ont été rejetées. Au vote sur l'ensemble, le Conseil national a adopté le projet par 111 voix contre 31. Le Conseil des États, qui a voté l'entrée en matière sans opposition, a fait de même par 23 voix contre 2.

Des propositions visant à octroyer la nationalité à la naissance ont fait l'objet d'intenses discussions lors des débats concernant le projet de dispositions d'exécution. Tandis que le Conseil fédéral et une minorité de la commission du Conseil national voulaient introduire un système largement automatique, une deuxième minorité souhaitait contraindre les parents à déposer une demande au nom de leurs enfants; enfin, la majorité de la commission souhaitait que les parents puissent déclarer au moment de la naissance qu'ils renoncent à ce que la nationalité suisse soit accordée à leur
enfant, celui-ci pouvant revenir sur cette décision parentale à sa majorité. Au final, le Conseil national a adopté d'extrême justesse ­ à 80 voix contre 80 et la voix prépondérante de la présidente ­ la proposition de la majorité; au vote sur l'ensemble, il a approuvé le projet par 117 voix contre 37.

À la session d'été 2003, ce fut au tour du Conseil des États de se déclarer favorable au principe d'accorder la nationalité à la naissance. Si la majorité de la commission entendait soumettre ce droit à une déclaration de consentement expresse que les parents devraient déposer dans l'année qui suit la naissance, le conseil a préféré opter, par 24 voix contre 13, pour une proposition de la minorité, qui se fondait sur une version légèrement remaniée de la déclaration de renonciation proposée par le Conseil national. Au cours de la procédure d'élimination des divergences, le Conseil national s'est rallié à cette solution.

Au vote final, le Conseil national a adopté le projet B1 par 149 voix contre 40 et le projet B2 par147 voix contre 40. Le Conseil des États les a même adoptés tous les deux à l'unanimité des votants, soit par 38 voix contre 0.

746

1.4.3.2

Naturalisation facilitée des étrangers de la deuxième génération

La naturalisation facilitée des étrangers de la deuxième génération est le deuxième point essentiel du message du Conseil fédéral du 21 novembre 2001. Là aussi, le gouvernement a soumis au Parlement un projet d'article constitutionnel (projet A1) assorti d'un projet de loi (projet A2).

Le projet A1 prévoyait de compléter l'art. 38 Cst. par un nouvel al. 2bis, visant à faciliter la naturalisation par les cantons des jeunes étrangers ayant grandi en Suisse; il a été adopté à 140 voix contre 41 par le Conseil national, et par 40 voix sans opposition par le Conseil des États. Quant aux dispositions d'exécution appelées à compléter la LN, elles avaient pour but d'uniformiser à l'échelle nationale les conditions nécessaires à la naturalisation des jeunes étrangers de la deuxième génération.

Elles prévoyaient que les jeunes étrangers entre 15 et 24 ans révolus pouvaient former une demande de naturalisation facilitée s'ils avaient accompli au moins cinq ans de scolarité obligatoire en Suisse, s'ils y résidaient depuis la fin de ladite scolarité obligatoire, et s'ils résidaient depuis deux ans au moins dans la commune où ils déposaient leur demande. La Chambre basse n'a apporté que des modifications mineures au projet: elle a notamment ajouté un critère supplémentaire de naturalisation ­ soit la maîtrise d'une langue nationale ­ conformément à une proposition de sa commission, et elle a avancé à 14 ans le délai à partir duquel le requérant pouvait déposer sa demande. Plusieurs propositions visant à durcir les conditions d'octroi de la nationalité ont été rejetées. Le Conseil national, suivi par le Conseil des États, a également ramené de douze à huit ans la durée de résidence requise pour toutes les demandes, comme le souhaitait le Conseil fédéral. Au vote final, le Conseil national a adopté le projet par 144 voix contre 42, et le Conseil des États par 40 voix contre 0.

1.4.3.3

Rejet des deux projets constitutionnels par le peuple et les cantons

En dépit du soutien massif des Chambres à l'octroi aux étrangers de la troisième génération de la nationalité suisse à la naissance et à la naturalisation facilitée pour ceux de la deuxième génération, les deux projets ont échoué lors de la votation populaire du 26 septembre 2004, après une campagne aussi longue que passionnée: l'arrêté fédéral sur l'acquisition de la nationalité par les étrangers de la troisième génération a été rejeté par 51,6 % des votants ainsi que par 14 cantons et 5 demicantons; quant au le projet de naturalisation facilitée des jeunes étrangers de la deuxième génération, il a été balayé par 56,8 % du peuple ainsi que par 15 cantons et 5 demi-cantons. Dès lors, les dispositions d'exécution élaborées par le Parlement, devenues caduques, n'ont pas été soumises au référendum.

747

1.4.4

La question de la naturalisation facilitée traitée dans le rapport de 2005 sur la nationalité: la position du Conseil fédéral

En décembre 2005, l'Office fédéral des migrations a publié un rapport concernant les questions en suspens dans le domaine de la nationalité9. Une partie de ce document était consacrée à un état des lieux des facilités de naturalisation pour les jeunes étrangers de la deuxième et de la troisième génération. Le Conseil fédéral a pris acte dudit rapport le 9 mars 2007 sans le modifier, approuvant ainsi de manière implicite les conclusions et les réflexions présentées.

Les auteurs du rapport ont estimé que, vu les résultats de la votation, il ne semblait pas opportun de présenter un nouveau projet de révision «dans un proche avenir», soulignant toutefois que la Confédération et les cantons pouvaient prévoir, dans le cadre de leur pouvoir de légiférer, des facilités d'ordre général qui contribueraient à simplifier la naturalisation des jeunes de deuxième et troisième génération.

Concernant la naturalisation facilitée des jeunes de troisième génération, le rapport a souligné que le droit fédéral en vigueur ne permettait pas aux cantons de prévoir l'acquisition automatique de la nationalité à la naissance par ces personnes. Il a toutefois montré de quelle manière les législations cantonales pouvaient se rapprocher de fait d'une telle réglementation en prévoyant une procédure aussi simple que possible au moment où ces enfants remplissent les conditions fédérales de résidence minimales, c'est-à-dire à l'âge de 11 ans révolus. C'est ainsi qu'étaient évoquées les possibilités d'acquérir le droit de cité cantonal et communal soit sur au moyen d'une déclaration unilatérale, soit automatiquement à l'obtention de l'autorisation fédérale de naturalisation, sachant que les cantons et les communes ne sont pas tenus de fixer des conditions de résidence ou d'aptitude en plus des conditions fédérales de naturalisation.

1.5

Le droit en vigueur

À l'exception de la disposition de l'art. 15, al. 2, LN, en vertu de laquelle le temps passé entre 10 et 20 ans révolus compte double dans le calcul de la période de résidence du requérant en Suisse, le droit fédéral en vigueur ne prévoit toujours pas de procédure de naturalisation facilitée pour les enfants de parents étrangers ­ qu'ils soient de deuxième ou de troisième génération ­, et encore moins l'octroi de la nationalité suisse à la naissance. Le droit suisse distingue trois types de naturalisation: la naturalisation ordinaire, la naturalisation facilitée et la réintégration.

La procédure de naturalisation ordinaire concerne les trois niveaux institutionnels que sont la commune, le canton et la Confédération; sa mise en oeuvre relève toutefois en grande partie des compétences des cantons et des communes. Les cantons établissent leurs propres dispositions en matière de résidence et d'aptitude; ils ont toute latitude pour définir eux-mêmes dans quelle mesure les communes peuvent prévoir des exigences supplémentaires. Si la Confédération n'a, quant à elle, aucun moyen de contraindre un canton ou une commune à procéder à une naturalisation, c'est elle qui octroie l'autorisation fédérale nécessaire avant toute naturalisation 9

748

Rapport du 20 décembre 2005 de l'Office fédéral des migrations concernant les questions en suspens dans le domaine de la nationalité.

définitive aux échelons cantonal et communal. Cette autorisation est refusée si les critères prévus aux art. 14 et 15 de la loi sur la nationalité (RS 141.0) ne sont pas satisfaits, autrement dit si le requérant ne peut justifier de 12 ans au moins de résidence en Suisse, s'il ne s'est pas accoutumé au mode de vie suisse, s'il ne respecte pas l'ordre juridique suisse, ou s'il compromet la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse. La législation favorise les jeunes, étant donné que lors du calcul de la durée du séjour préalable en Suisse, le temps passé entre 10 et 20 ans révolus compte double.

La naturalisation facilitée est possible notamment pour les conjoints étrangers d'un citoyen suisse ainsi que pour les enfants de nationalité étrangère d'un parent suisse.

Si cette procédure relève des compétences de la Confédération, le canton concerné est tout de même entendu avant la décision finale. La loi actuelle sur la nationalité ne prévoit pas de régime spécial pour les étrangers de la troisième génération, mais les cantons restent libres d'inscrire dans leur droit des dispositions moins strictes, pour autant qu'elles ne débordent pas le cadre juridique fédéral.

À l'issue du scrutin du 12 juin 1994, les cantons de Berne, de Fribourg, de Genève, du Jura, de Neuchâtel et de Vaud ont signé, le 16 décembre 1994, une convention de réciprocité sur les conditions cantonales requises pour la naturalisation des jeunes étrangers, à laquelle le canton de Zurich a adhéré par la suite. Les cosignataires se sont notamment engagés à prévoir une procédure simplifiée en matière de naturalisation des candidats âgés de 16 à 25 ans ainsi qu'à reconnaître les années de résidence des jeunes étrangers dans un autre canton signataire. Depuis, d'autres cantons ont adopté des dispositions facilitant la naturalisation des jeunes étrangers.

1.6

Naturalisation facilitée: les chiffres actuels

En application de l'art. 38, al. 1, Cst., la loi sur la nationalité prévoit une procédure de naturalisation facilitée pour les catégories de personnes suivantes: les conjoints étrangers de ressortissants suisses (art. 27 et 28 LN), les enfants étrangers dont l'un des parents est ressortissant suisse (art. 31a, 31b, 58a et 58c LN), les personnes dont la nationalité suisse a été admise par erreur (art. 29 LN) et les enfants apatrides (art. 30 LN).

Depuis 2003, le nombre annuel de naturalisations facilitées est resté plus ou moins stable. En 2008, il s'est élevé à 9425 au total, dont 7476 naturalisations de conjoints étrangers de ressortissants suisses. Ces personnes provenaient principalement d'Allemagne, d'Italie et de France.

Ces dernières années, le nombre de naturalisations facilitées de mineurs a varié entre 670 et 830 (dont 700 en 2008), et entre 10 000 et 15 000 pour ce qui est des naturalisations ordinaires (13 864 en 2008)10. Cette statistique ne permet toutefois pas d'établir quelle est la proportion d'étrangers de troisième génération.

Faute de relevés statistiques spécifiques, on ne peut que se livrer à des suppositions pour ce qui est du nombre de personnes qui pourraient bénéficier de ce nouveau régime de naturalisation. En 2008, 19 605 enfants de nationalité étrangère sont nés

10

Cf. statistique de l'ODM, tableau no 672_00CH_A_D_2002-12_12M R, du 13.08.2009.

749

en Suisse11, parmi lesquels 15 717 (soit le 80 %) sont issus de la population résidante permanente et disposent donc généralement d'un permis B ou C12. D'après une estimation sommaire, près de 40 % de ces enfants devraient remplir les conditions nécessaires au dépôt d'une demande, ce qui correspondrait à environ 5000 à 6000 requérants potentiels par année. Mais comme il n'y a pas d'âge limite pour faire une demande de naturalisation, quelque 100 000 personnes pourraient engager la procédure dès l'entrée en vigueur des nouvelles bases légales. Ces estimations tiennent compte autant que possible de l'évolution des effectifs de la population étrangère ces dernières années ainsi que des naturalisations ordinaires auxquelles il aurait pu être procédé entre-temps.

2

Grandes lignes du projet

Le projet présenté par la Commission des institutions politiques vise à garantir aux jeunes étrangers le droit d'acquérir, à certaines conditions, la nationalité à la naissance. À l'instar du projet présenté par le Conseil fédéral en 2001, il consiste en une modification de la loi sur la nationalité (projet 2) qui elle-même se fonde sur une modification de la Constitution (projet 1). Contrairement au gouvernement, la commission veut uniquement une procédure facilitée pour la naturalisation des jeunes étrangers de troisième génération en fonction de conditions spécifiques, l'acquisition automatique de la nationalité étant exclue.

La commission propose que la garantie du droit à la nationalité soit soumise au dépôt d'une demande (par les parents à la naissance de l'enfant, ou par l'enfant à sa majorité). Cette démarche permettrait en particulier d'attester avec certitude de la volonté du requérant de s'intégrer dans la société suisse, ou de l'engagement des parents à éduquer leur enfant en conséquence. La commission va ainsi dans la direction de la proposition formulée, lors des débats au Conseil national en 2002, par une forte minorité et qui avait été rejetée à la seule voix prépondérante de la présidente de l'époque.

Il est à noter que, pour prétendre à la nationalité suisse en vertu de la naissance sur le territoire helvétique, les requérants devront satisfaire à des critères formels stricts.

Ainsi, ne seront considérés comme étrangers de troisième génération que les personnes dont les grands-parents et les parents entretiennent des liens étroits avec la Suisse: l'un des grands-parents au moins devra être ou avoir été titulaire d'un droit de séjour et l'un des parents au moins être né en Suisse ou y avoir immigré avant l'âge de 12 ans. En outre, il faut que les attaches de l'enfant aient été en Suisse au moment de sa naissance et qu'il soit titulaire d'un permis de séjour (permis B) ou d'établissement (permis C), ce qui correspond généralement au permis des parents.

En résumé, le projet de la CIP ne prévoit pas de droit du sol à proprement parler (droit à l'acquisition de la nationalité à la naissance dans le pays) comme il existe par exemple aux États-Unis.

11 12

750

Cf. www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/01/06/blank/data/01.html, statistique «Naissances vivantes selon la nationalité par pays de l'enfant».

Cf. à ce sujet «Statistique des étrangers et de l'asile. Bulletin no 2: résultats rétrospectifs, 2008/2», de l'Office fédéral des migrations.

La notion d'étranger de la troisième génération au sens du présent projet est donc nettement plus restrictive que dans le projet rejeté en 2004, selon lequel il suffisait que l'un des parents ait accompli au moins cinq ans de scolarité obligatoire en Suisse et soit titulaire d'une autorisation de séjour ou d'établissement depuis cinq ans au moment de la naissance de l'enfant.

Si les exigences formelles fixées pour la naturalisation sont formulées de manière restrictive, les conditions matérielles à remplir correspondent à celles prévues pour la naturalisation facilitée. Comme l'on s'est abstenu de fixer une limite d'âge pour le dépôt de la demande, la réglementation est applicable à tout étranger en mesure de faire valoir ses droits de manière crédible. En liant l'octroi de la nationalité à la détention d'un permis B ou C, le législateur part de facto du principe que le requérant est intégré (présomption d'intégration). Cette présomption peut cependant être infirmée dans un cas d'espèce. C'est pourquoi les autorités fédérales ont la possibilité d'effectuer, en premier lieu, un examen portant sur le respect de l'ordre juridique et sur l'absence d'atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse. Elles conservent ainsi la compétence de refuser la nationalité à une personne appartenant à la troisième génération s'il est établi que celle-ci n'a pas respecté l'ordre juridique et que son intégration est de ce fait insuffisante.

Même si les étrangers de la troisième génération ne bénéficient pas d'un «droit du sol» à proprement parler (puisqu'ils ont l'obligation de déposer une demande de naturalisation et qu'ils doivent satisfaire à des critères sévères concernant les liens entretenus par leurs parents et grands-parents avec la Suisse), il faut souligner que c'est tout de même de par leur naissance en Suisse que le droit de cité leur est octroyé. C'est pour cela que la modification proposée de la loi sur la nationalité n'est possible que pour autant que l'on ajoute aux critères de filiation, de mariage et d'adoption énumérés à l'art. 38 Cst. celui de la naissance en Suisse.

3

Commentaire par article

3.1

Arrêté fédéral concernant la naturalisation facilitée des étrangers de la troisième génération (projet 1)

Art. 38

Acquisition et perte de la nationalité et des droits de cité

L'al. 1 de l'art. 38 Cst. est complété de sorte que l'acquisition de la nationalité par les étrangers de la troisième génération relève désormais de la compétence de la Confédération. L'actuel droit constitutionnel habilite la Confédération uniquement à régler l'acquisition de la nationalité par filiation, par mariage ou par adoption. Cet état de fait relève du principe de naturalisation du «droit du sang» prioritairement valable jusqu'à présent. Le projet de révision prévoit un léger élargissement de la possibilité de naturalisation, notamment en faveur de personnes appartenant à la troisième génération, ce qui relève du principe du «droit du sol». L'actuelle Constitution ne prévoyant pas ce principe, celle-ci doit être adaptée et révisée13. A cet effet, la disposition d'habilitation de l'art. 38, al. 1 Cst. doit être complétée de sorte que la Confédération peut régler non seulement l'acquisition de la nationalité par filiation, mariage ou adoption, ainsi que la perte de la nationalité et la réintégration, 13

Cf. René Rhinow/Markus Schefer, Schweizerisches Verfassungsrecht, 2e éd., Bâle 2009, ch. 299, p. 57.

751

mais désormais aussi l'acquisition de la nationalité par naissance en Suisse. Cet élargissement des éléments constitutifs permet de rattacher l'acquisition de la nationalité au fait de la naissance en Suisse.

À l'al. 2, le terme «dispositions minimales», trop restrictif, est remplacé par celui de «principes».

Par le passé, les dispositions de l'art. 38, al. 2, ont été interprétées de manière restrictive, eu égard à l'exigence de l'exercice raisonnable des compétences ainsi qu'à l'autonomie des cantons. Aujourd'hui, il est toutefois généralement admis que, en dépit de la teneur actuelle dudit alinéa, la Confédération est habilitée à édicter des principes impératifs applicables par les cantons, en vue d'uniformiser la pratique en matière de naturalisations à l'échelle nationale14. La Confédération a notamment usé de cette compétence lorsqu'elle a promulgué l'ordonnance sur les émoluments perçus en application de la loi sur la nationalité (RS 141.21), qui se fonde sur l'art. 38 LN et qui est applicable également pour les procédures ordinaires. Toutefois, il ressort de la doctrine que cette conception ne fait toujours pas l'unanimité: certaines voix dénoncent notamment le fait que la Confédération a outrepassé ses compétences lorsqu'elle a édicté sa réglementation sur les émoluments, qui contraint les communes à revoir leurs tarifs (parfois prohibitifs, il est vrai)15.

Le projet de 2004 prévoyait déjà d'adapter la Constitution en ce sens, comme l'atteste le message afférent: «Comme la Confédération dispose déjà d'une compétence de légiférer dans le domaine de la naturalisation ordinaire, à savoir celle d'édicter des lignes directrices fondamentales, il est indiqué, pour plus de clarté, de remplacer le terme de par celui de »16. Cette modification, dont nul n'avait remis la nécessité en question lors de la campagne précédant la votation, a pourtant été rejetée par le peuple le 26 septembre 2004, en même temps que le projet concernant la naturalisation des jeunes étrangers de la deuxième génération.

Mais même si l'on peut considérer que l'art. 38, al. 2, Cst. établit une compétence législative (sous forme de principes), il s'agit d'une compétence sui generis: elle exclut en particulier toute compétence exclusive de la Confédération au détriment des cantons s'agissant
de catégories de personnes données. En ce sens, le projet de réglementation fédérale applicable aux étrangers de la troisième génération a aussi des conséquences sur le domaine de la naturalisation ordinaire, conséquences qui ­ selon l'interprétation que l'on fait ­ peuvent dépasser largement celles que peuvent avoir de simples dispositions minimales édictées par la Confédération. Il faudrait profiter de la révision actuelle de la Constitution pour éliminer toute imprécision et pour adapter le texte de manière qu'il soit juridiquement correct, en ce qui concerne et le domaine de la naturalisation facilitée et celui de la naturalisation ordinaire, également touché par la nouvelle réglementation.

L'al. 3, let. a, prévoit que la procédure de naturalisation facilitée s'applique aux étrangers de la troisième génération. Étant donné que c'est la Confédération qui est compétente dans ce domaine, l'uniformité de la procédure à l'échelle nationale est

14 15 16

752

B. Ehrenzeller et al., Die schweizerische Bundesverfassung, Kommentar, Zurich 2008, ch.

7 ad art. 38, al. 2, Cst., p. 752; J.-F. Aubert, Bundesstaatsrecht der Schweiz, vol. I, p. 286.

Cf. ch. 13 ad art. 38 Cst., in: Giovanni Biaggini, Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Zurich 2007.

FF 2002 1830

garantie. L'al 3, let. b, reprend telle quelle la formulation de la lettre b utilisée jusqu'ici.

3.2 Art. 24a

Modification de la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (projet 2) Etrangers de la troisième génération

L'enfant né de parents étrangers peut être naturalisé s'il en fait la demande et s'il satisfait à certaines conditions. La présente loi n'a pas pour seule vocation de déterminer les conditions formelles de la demande ainsi que les effets de la naturalisation; elle doit aussi définir la notion d'étranger de la troisième génération. À ce titre, elle prévoit que seuls peuvent bénéficier de la naturalisation facilitée les personnes qui remplissent, ainsi que leurs grands-parents et leurs parents, des critères formels; en contrepartie, le candidat est présumé intégré et, partant, est dispensé de l'obligation d'apporter la preuve qu'il remplit les conditions matérielles de naturalisation. Une enquête approfondie n'est réalisée que si les indices d'un déficit d'intégration (par exemple une violation de l'ordre juridique) ont été constatés au cours de la procédure.

Les conditions d'octroi de la naturalisation facilitée énumérées à l'art. 20 LN sont applicables, ce qui signifie qu'une enquête concernant le respect de l'ordre juridique et la non atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de la Suisse reste possible et peut conduire au rejet de la demande, par exemple si le requérant a été condamné à plusieurs reprises ou si sa réputation financière est sujette à caution. Les modalités devront être réglées dans le cadre d'une ordonnance d'exécution.

Considérant que l'intégration d'une personne est en raison directe de la durée de son séjour en Suisse, aucune limite d'âge n'a été fixée pour le dépôt de demandes de naturalisation. Il est toutefois à noter que les conséquences d'une naturalisation peuvent être différentes selon le moment où le requérant l'obtient; ainsi, si celui-ci a moins de 25 ans, il aura l'obligation de servir dans l'armée ou dans la protection civile, comme celle de se présenter au recrutement. Tel n'est pas le cas s'il a plus de 25 ans, mais alors, il devra s'acquitter de la taxe d'exemption conformément aux dispositions légales correspondantes. Il en va de même de l'exercice des droits politiques. Pour autant, cette réalité ne saurait justifier à elle seule la fixation d'une limite d'âge.

En application de l'art. 31 LN, les personnes de moins de 16 ans ne peuvent demander la naturalisation que par l'intermédiaire de leur représentant légal. Si le requérant est âgé de plus de 16 ans,
il doit en outre joindre à la demande une déclaration écrite relative à son intention d'acquérir la nationalité suisse. Quant aux requérants âgés de 18 ans révolus, ils déposent eux-mêmes leur requête.

Le canton est consulté, comme c'est déjà le cas pour la naturalisation facilitée (art. 25 LN). La législation fédérale ne prévoit cependant pas de droit d'être entendu en faveur des communes. Les cantons sont néanmoins libres d'associer les communes à l'élaboration de leurs rapports d'enquête. Le cas échéant, ils fixent les modalités de cette collaboration et décident s'ils entendent consulter les communes.

Dans tous les cas, toutefois, tant le canton que les communes disposent de voies de droit contre les décisions rendues par la Confédération en matière de naturalisation.

753

Pour pouvoir prétendre à la naturalisation facilitée, les candidats doivent répondre aux exigences cumulatives énumérées ci-après.

L'al. 1, let. a, dispose qu'un des grands-parents du requérant au moins doit être ou avoir été titulaire d'un droit de séjour en Suisse ou y être né. Il doit impérativement attester d'un séjour stable en conformité avec les dispositions du droit des étrangers: un simple séjour éphémère, par exemple en tant que touriste, ne suffit pas. Les modalités y afférentes doivent être réglées par voie d'ordonnance. La preuve de la vraisemblance qu'un grand-parent est titulaire d'un droit de séjour doit être apportée en produisant par exemple une autorisation régie par le droit des étrangers, un certificat de résidence établi par la localité concernée ou un certificat AVS.

En vertu de la let. b, l'un des parents du requérant au moins doit être né en Suisse ou doit avoir été titulaire d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement en Suisse avant ses douze ans révolus. A l'âge de douze ans, l'enfant doit encore accomplir une partie considérable de sa scolarité obligatoire. Cette limite légale de douze ans se retrouve dans d'autres dispositions du droit des étrangers liées à des questions d'âge (par ex. dans la réglementation du regroupement familial, à l'art. 42, al. 4, et à l'art. 43, al. 3, de la loi fédérale sur les étrangers, LEtr, RS 142.20). Toutes ces dispositions reposent sur l'idée selon laquelle une intégration sera pour ainsi dire «automatiquement» réussie sur la base de la scolarité obligatoire, grâce à l'échange quotidien avec d'autres enfants du même âge.

Les let. c et d prévoient que le requérant doit être né en Suisse et être titulaire d'une autorisation de séjour ou d'établissement.

Les facilités de naturalisation ne sont pas seulement applicables à la troisième génération, mais également aux générations suivantes. Sont déterminants, à cet égard, les critères fixés à l'art. 24a, let. a à d.

À noter ici que, pour l'élément de faits du lieu de naissance, il peut être raisonnablement tenu compte du moment fortuit de la naissance.

Les effets de la naturalisation sont réglés à l'al. 2. La nationalité est bien acquise par la naissance, mais pas de manière automatique. Aussi est-il cohérent que le lieu d'origine ne soit pas le lieu de séjour ou
la commune de domicile de la personne au moment de sa naissance, mais celui qui est le sien au moment où la nationalité lui est octroyée (et qui, logiquement, est en règle générale identique à celui où est déposée la demande). Cette disposition se justifie d'autant plus que le requérant reçoit ainsi le droit de cité du canton et de la commune où il a généralement vécu la phase capitale de son intégration.

Les cantons dont la procédure de naturalisation ordinaire prévoit des facilités de naturalisation en faveur des jeunes étrangers des deuxième et troisième générations ont le loisir de conserver leurs réglementations parallèlement à la naturalisation facilitée visée à l'art. 24a LN, sous réserve de la primauté du droit fédéral, c'est-àdire des dispositions relatives à l'octroi de l'autorisation fédérale de naturalisation (art. 9 ss LN). Ainsi, les facilités de naturalisation que de nombreux cantons accordent aujourd'hui aux jeunes de la deuxième génération ne sont pas affectées et restent applicables.

754

4

Conséquences

4.1

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

Étant donné que les nouvelles dispositions ne prévoient aucun âge limite, on estime à 100 000 le nombre de personnes qui pourraient demander la nationalité suisse au titre des nouvelles dispositions dès l'entrée en vigueur de la loi révisée (auxquelles s'ajouteraient entre 5000 et 6000 cas par année, cf. ch. 1.6). Il faut dire que l'on compte quelque 700 000 personnes qui remplissent les conditions de naturalisation en vigueur (toutes procédures confondues), et dont une certaine proportion satisferait déjà aux dispositions prévues par le présent projet. On devrait toutefois observer une baisse du nombre de naturalisations ordinaires au profit de la naturalisation facilitée.

À relever enfin que, d'après les expériences passées, seule une petite proportion des personnes à même d'être naturalisées fait usage de cette possibilité. On ne devrait donc constater une augmentation du nombre de naturalisations que dans le courant des premières années suivant l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation; ce chiffre devrait ensuite revenir à la normale; en d'autres termes, il faudrait doter l'office fédéral compétent de personnel supplémentaire (trois personnes environ) principalement pour une période de trois à quatre ans. Sans cette augmentation d'effectif, il faudrait compter avec un allongement temporaire des délais de traitement des demandes, ce qui ne serait pas dans l'intérêt des personnes concernées.

4.2

Mise en oeuvre

Il convient de se demander si, et le cas échéant, comment il serait possible de mettre en place une procédure simple pour le contrôle des conditions d'octroi de la naturalisation facilitée, en particulier pour ce qui est du séjour minimum en Suisse des parents et des grands-parents. Les modalités pourront être définies ultérieurement par voie d'ordonnance.

D'une manière générale, il faut souligner qu'il appartient au requérant ­ ou, le cas échéant, aux parents ­ d'apporter la preuve que les personnes concernées remplissent les conditions visées à l'art. 24a, let. a à d, en particulier pour ce qui est du séjour en Suisse. Les principales difficultés devraient se poser pour attester que l'un des grands-parents au moins était titulaire d'un droit de séjour, en particulier si les aïeuls sont décédés ou ont à nouveau émigré; en revanche, il devrait être assez simple de prouver que l'un des parents au moins possédait un droit de séjour durable avant ses 12 ans révolus, et encore plus aisé d'attester que le requérant est né en Suisse et bénéficie d'un permis de séjour ou d'établissement.

5

Relation avec le droit européen et international

Les modifications de la Constitution fédérale et de la loi sur la nationalité se rapprochent du droit de la nationalité adopté par nombre d'États européens, sachant toutefois qu'il n'existe pas de droit uniforme à l'échelle européenne en la matière. La

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Convention européenne du 6 novembre 1997 sur la nationalité (STE 166)17, entrée en vigueur le 1er mars 2000 et à laquelle de nombreux États ont déjà adhéré (à noter que l'administration étudie actuellement la question de l'adhésion de la Suisse), constitue la première codification internationale des règles et principes fondamentaux dans le domaine du droit de la nationalité. Le présent projet va dans le sens de cette convention, ainsi que dans le sens de l'art. 24, al. 3, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques18, qui prévoit que tout enfant a le droit d'acquérir une nationalité.

6

Constitutionnalité et légalité

La modification de la loi sur la nationalité proposée dans le présent projet se fonde sur l'art. 38 Cst. Elle présuppose une révision préalable de la Constitution, soumise à votation populaire. Si ladite révision est adoptée par le peuple, la loi sur la nationalité pourra entrer en vigueur, sous réserve toutefois du référendum facultatif.

17 18

756

Convention européenne sur la nationalité, http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/166.htm RS 0.103.2; www.admin.ch/ch/f/rs/0_103_2/a24.html