15.056 Message concernant l'approbation d'un protocole modifiant la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et l'Italie du 12 août 2015

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation d'un protocole modifiant la convention entre la Suisse et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, en vous priant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

12 août 2015

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2015-1635

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Condensé La Convention entre la Confédération suisse et la République italienne en vue d'éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune a été conclue à Rome le 9 mars 1976.

Conformément à la pratique suisse au moment de sa conclusion, elle contient un article sur l'échange de renseignements limité aux cas d'application régulière et à la lutte contre l'utilisation abusive de la convention.

Les négociations ont permis de conclure un protocole de modification introduisant une disposition sur l'échange de renseignements en conformité avec la norme de l'OCDE. Le protocole de modification a été signé le 23 février 2015 à Milan.

Les cantons et les milieux économiques intéressés ont bien accueilli la conclusion de ce protocole de modification.

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Message 1

Considérations générales sur l'évolution de la politique conventionnelle suisse contre les doubles impositions

Les conventions contre les doubles impositions constituent un élément essentiel de la politique fiscale. De bons accords dans ce domaine facilitent l'activité de l'économie suisse d'exportation, favorisent l'investissement étranger en Suisse et contribuent par là même à la prospérité de la Suisse et de ses pays partenaires.

La politique conventionnelle de la Suisse en la matière est guidée depuis toujours par la norme de l'OCDE, la mieux à même de nous permettre d'atteindre la prospérité. Elle vise principalement à une répartition claire des compétences en matière d'imposition des personnes physiques et des personnes morales, à un impôt résiduel à la source aussi bas que possible sur les intérêts, les dividendes et les redevances, et de manière générale, à prévenir tout conflit fiscal qui serait préjudiciable aux contribuables exerçant une activité internationale. De tout temps, la Suisse a dû manier le compromis pour pouvoir à la fois maintenir chez elle des conditions fiscales avantageuses et faire accepter son système fiscal par ses partenaires internationaux. En effet, en l'absence d'une légitimité internationale, la meilleure des fiscalités perdrait tout intérêt.

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Contexte, déroulement et résultats des négociations

L'Italie est le troisième partenaire commercial de la Suisse après l'Allemagne et les Etats-Unis. Elle est notre deuxième fournisseur et constitue notre quatrième marché d'exportation. En 2014, le volume des échanges était de 32,5 milliards CHF. Le montant total des investissements directs suisses en Italie se montait fin 2013 à 26,8 milliards CHF, en hausse de 4,3 % par rapport à l'année précédente. Avec environ 500 000 personnes, les Italiens constituent la principale communauté d'étrangers de Suisse.

La Convention entre la Confédération suisse et la République italienne en vue d'éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune1, signée, avec son protocole, le 9 mars 1976, est entrée en vigueur le 27 mars 1979 (ci-après CDI-I).

Conformément à la pratique suisse au moment de sa conclusion, elle contient un article sur l'échange de renseignements limité aux cas d'application régulière et à la lutte contre l'utilisation abusive de la CDI-I. Depuis la décision du Conseil fédéral de mars 2009 de retirer la réserve à l'art. 26 de la convention modèle de l'OCDE, la Suisse a pu inclure la norme internationale dans plus de 50 conventions contre les doubles impositions révisées et dans neuf accords sur l'échange de renseignements en matière fiscale (AERF).

Le 9 mai 2012, la Suisse et l'Italie ont relancé leur dialogue bilatéral en matière fiscale et financière. Le 29 août 2012, le Conseil fédéral a adopté le mandat de 1

RS 0.672.945.41

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négociation correspondant. De façon générale, le but recherché est celui de la normalisation des relations fiscales avec l'Italie. Les discussions menées en 2014 se sont focalisées sur une feuille de route en matière fiscale et financière, un document juridiquement non contraignant mais contenant des lignes politiques claires, avec des éléments de solutions réciproques pour les dossiers qui font l'objet de discussions bilatérales, ainsi que sur un protocole de modification à la convention.

Ces négociations ont conduit au paraphe, le 19 décembre 2014, d'un protocole de modification à la CDI-I. Celui-ci a été signé le 23 février 2015 à Milan. Il adapte l'échange de renseignements sur demande à la norme de l'OCDE et sera applicable dès son entrée en vigueur pour des faits et/ou des circonstances existantes ou réalisés à partir de sa signature. En pratique, la signature du protocole de modification permet aux clients italiens des instituts financiers suisses d'être traités comme des clients ayant leurs comptes auprès d'instituts financiers situés dans des Etats qui ne figurent pas sur les listes noires italiennes. Par conséquent, ces clients italiens pourront, le cas échéant, régulariser leurs avoirs aux mêmes conditions, en termes de sanctions pénales et administratives, que les clients avec des comptes non déclarés, au moment de la régularisation, auprès d'instituts financiers situés en Italie ou dans des Etats qui ont une clause sur l'échange de renseignements sur demande en vigueur avec l'Italie.

Outre le protocole de modification, les négociations ont permis de finaliser une feuille de route qui contient un engagement politique de la Suisse et de l'Italie sur des aspects importants des relations fiscales et financières bilatérales. La feuille de route a aussi été signée le 23 février 2015 à Milan. Compte tenu du fait que celle-ci n'exprime aucune obligation juridique pour les parties, elle ne constitue pas un traité dont l'approbation relèverait de l'Assemblée fédérale.

Les éléments principaux de la feuille de route peuvent être résumés comme suit. Les développements intervenus en matière d'échange automatique de renseignements au niveau international sont reconnus; en particulier, il est relevé que l'échange automatique va faire l'objet d'un instrument juridique séparé par rapport à la CDI-I. En
ce qui concerne la régularisation du passé, les paramètres de la future coopération en matière administrative, qui se fondera sur le nouvel art. 27 de la CDI-I (échange de renseignements sur demande), sont fixés. Outre l'échange de renseignements, la CDI-I devra être revue dans une deuxième phase des négociations afin de convenir certaines modifications. Les paramètres de la future solution en matière d'imposition des travailleurs frontaliers font partie des thèmes principaux de la feuille de route, laquelle contient aussi un calendrier sur la sortie de la Suisse des listes noires italiennes. Certains aspects liés à la fiscalité indirecte de l'enclave de Campione d'Italia devront aussi encore faire l'objet de discussion. Enfin la feuille de route prévoit un dialogue continu afin de traiter de sujets importants comme la taxe sur les transactions financières italienne, l'amélioration des accès aux marchés respectifs pour les instituts financiers et les régimes en matière d'imposition des entreprises.

Les discussions sur la mise en oeuvre du contenu de la feuille de route ont continué au cours de la première partie de 2015. En particulier, plusieurs rencontres ont eu lieu afin de concrétiser le nouvel accord en matière d'imposition des travailleurs frontaliers. Les discussions en matière d'amélioration de l'accès au marché pour les fournisseurs de prestations financières et sur la fiscalité indirecte de Campione d'Italia ont aussi été poursuivies.

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Appréciation

Les négociations avec l'Italie se sont déroulées en étroite collaboration avec les milieux bancaires et la place financière tessinoise. Les autorités des cantons du Tessin, des Grisons et du Valais ont été aussi associées aux discussions concernant l'imposition des travailleurs frontaliers. D'une façon générale, le contenu du protocole de modification et la feuille de route reflètent les objectifs fixés et ceci a été reconnu aussi lors de la procédure d'audition.

Les solutions convenues dans le protocole de modification à la CDI-I et dans la feuille de route permettront d'avancer sensiblement dans le processus de normalisation des relations avec un partenaire économique et politique important. Une fois le protocole de modification en vigueur, la Suisse sera retirée des listes noires italiennes qui ont comme seul critère le manque d'échange de renseignements sur demande. Dans l'ensemble, celui-ci contribue au maintien et au développement des relations économiques bilatérales, permet de faciliter la régularisation pour les clients italiens des banques suisses ainsi que d'éviter un exode massif de capitaux.

Les résultats obtenus dans le protocole de modification ont été soumis à la procédure d'audition en la forme d'un rapport adressé aux cantons et aux milieux économiques intéressés à la conclusion des conventions contre les doubles impositions. Ce rapport explicatif présentait aussi une vue d'ensemble détaillée du contenu de la feuille de route. Le protocole de modification a été bien accueilli.

La CDI-I fera l'objet d'une révision partielle ultérieure sur d'autres sujets qui ne sont désormais plus adaptés aux évolutions intervenues dans le domaine de la fiscalité internationale. Néanmoins, il a été décidé de dissocier la question de l'échange de renseignements sur demande des autres thèmes, afin de permettre d'une part aux clients italiens des instituts financiers suisses d'être traités, dans le contexte de la procédure d'auto-régularisation, comme des clients ayant leurs comptes auprès d'instituts financiers situés dans des Etats qui ne figurent pas sur les listes noires italiennes et, d'autre part, d'attendre la fin des travaux de l'OCDE sur certains sujets importants comme les dispositions anti-abus et l'arbitrage.

Enfin, la nouvelle disposition concernant l'échange de renseignements est
conforme à la norme internationale et correspond à l'objectif de politique conventionnelle de la Suisse en la matière. Ainsi la Suisse sera à même d'invoquer la mise à jour d'une convention supplémentaire contre les doubles impositions, avec un partenaire important, dans le cadre des examens effectués par les pairs du Forum Mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales, ce qui corroborera sa position dans ce domaine.

Pour les raisons mentionnées ci-dessus il est donc souhaitable que cette modification puisse entrer en vigueur dans les meilleurs délais possibles.

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Commentaires des dispositions du protocole de modification

Les nouvelles dispositions qui règleront l'assistance administrative entre les deux pays se fondent, tant sur le plan formel que matériel, sur le Modèle de convention fiscale de l'OCDE (ci-après par «Modèle de convention de l'OCDE») ainsi que sur la politique conventionnelle de la Suisse dans ce domaine.

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Art. I du protocole de modification concernant l'art. 27 CD-I (Echange de renseignements) Le protocole de modification contient une disposition sur l'échange de renseignements conforme à la norme internationale. Le commentaire qui suit ne porte que sur quelques points.

L'art. 27 dans la version du protocole de modification à la CDI-I reprend la teneur de l'art. 26 du Modèle de l'OCDE. La disposition sur l'échange de renseignements s'applique à l'ensemble des impôts.

La Suisse n'accordera pas l'assistance administrative en matière fiscale à l'Italie, si la demande d'assistance administrative se fonde sur des données acquises de manière illégale. La délégation suisse a communiqué cette position à la délégation italienne dans le cours des négociations.

Art. II du protocole de modification relatif à la let. ebis du protocole additionnel (Echange de renseignements) Les dispositions de l'art. 27 CDI-I sont précisées à la let. ebis du protocole additionnel.

Cette disposition règle notamment en détail les exigences auxquelles doit satisfaire toute demande de renseignements (ch. 2). Sont requis l'identification du contribuable concerné ainsi que, s'ils sont connus, les nom et adresse de la personne (par ex. une banque) présumée être en possession des renseignements demandés. Le protocole additionnel précise en outre que ces exigences ne doivent pas être interprétées avec un formalisme faisant obstacle à l'échange efficace des renseignements (ch. 3).

D'après la norme internationale en la matière, l'échange de renseignements est limité à des demandes concrètes. Selon la norme révisée de l'OCDE, font également partie de ces demandes les demandes qui visent un groupe de contribuables définis précisément, dont on peut déduire qu'ils n'ont pas satisfait à leurs obligations fiscales dans l'Etat requérant. Le protocole de modification permet de donner suite à ces demandes (ch. 3). L'identification peut se faire par le nom et l'adresse de la personne concernée, mais aussi par d'autres moyens comme par exemple la description d'un comportement. Cette interprétation se fonde sur la clause d'interprétation (ch.

3, en relation avec le ch. 2 de l'art. II du protocole de modification), qui oblige les Etats contractants à interpréter les exigences d'une demande de manière à permettre un échange de renseignements qui
soit aussi étendu que possible, sans pour autant autoriser la pêche aux renseignements. Les conditions procédurales pour répondre en Suisse aux demandes groupées sont réglées dans la loi du 28 septembre 2012 sur l'assistance administrative fiscale2 complétée par l'ordonnance du 20 août 2014 sur l'assistance administrative fiscale3.

Le nouvel art. 27 de la CDI-I ne prévoit pas l'échange de renseignements spontané ou automatique. Le droit suisse ne contient pas de base légale suffisante pour ces formes d'échange de renseignements au moment de la conclusion du protocole de modification. Ces formes d'échanges de renseignements feront l'objet d'autres instruments juridiques qui seront soumis séparément à l'approbation du Parlement.

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RS 672.5 RS 672.51

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Art. III du protocole de modification (Entrée en vigueur) S'agissant de l'échange de renseignements, la CDI-I sera applicable aux demandes de renseignements présentées à partir de la date d'entrée en vigueur du protocole de modification, ou après cette date, pour les renseignements fondés sur des faits et/ou des circonstances qui existaient ou ont été réalisés le jour de la signature du protocole de modification ou après cette date. Cette disposition est similaire aux clauses convenues notamment avec le Etats-Unis, la Suède, les Pays-Bas et l'Allemagne.

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Conséquences financières

L'inclusion d'une disposition sur l'échange de renseignements dans la CDI-I n'entraîne aucune diminution directe des recettes fiscales. Une telle clause peut générer, le cas échéant, des recettes fiscales supplémentaires étant donné qu'elle permet à la Suisse d'adresser des demandes de renseignements à l'Italie. Il n'est toutefois pas possible de faire des estimations à ce sujet.

D'autre part, la nouvelle clause pourrait contribuer à accroître la charge administrative des autorités fédérales. Néanmoins, il est difficile de faire des prévisions quant à l'augmentation de la charge administrative, surtout à long terme.

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Constitutionnalité

Le protocole de modification se fonde sur l'art. 54 de la Constitution (Cst.)4 qui attribue à la Confédération la compétence en matière d'affaires étrangères. En vertu de l'art. 166, al. 2, Cst., l'Assemblée fédérale est compétente pour l'approuver.

Lorsqu'il aura été approuvé par les Chambres fédérales, le protocole deviendra partie intégrante de la convention de 1976. Conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., les traités d'une durée indéterminée qui ne sont pas dénonçables, qui prévoient l'adhésion à une organisation internationale ou qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre nécessite l'adoption de lois fédérales sont sujets au référendum en matière de traités internationaux.

Conclue pour une durée indéterminée, la convention peut être dénoncée en tout temps pour la fin d'une année civile moyennant un préavis de six mois. Elle n'implique pas d'adhésion à une organisation internationale. Conformément à l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement5, sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences.

L'échange de renseignements sur demande est accordé de manière étendue, conformément à la norme internationale en la matière, ce qui correspond à la politique conventionnelle suisse récente dans ce domaine. Le protocole de modification contient donc un nouvel engagement important pour la Suisse. En conséquence, l'arrêté fédéral portant approbation du protocole modifiant la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et l'Italie est sujet au référendum, conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

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