15.032 Rapport concernant le classement des motions 05.3473 CER-E du 6 septembre 2005: Accords bilatéraux.

Faciliter l'accès pour les PME suisses aux marchés des pays membres de l'UE et 10.3279 PLR du 19 mars 2010: Accord sur la libre circulation des personnes. Halte à la discrimination frappant les services transfrontaliers du 6 mars 2015

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs Par le présent rapport, nous vous proposons de classer les interventions parlementaires suivantes: 2005

M 05.3473

Accords bilatéraux. Faciliter l'accès pour les PME suisses aux marchés des pays membres de l'UE (E 27.09.2005, CER-E; N 01.12.2005)

2010

M 10.3279

Accord sur la libre circulation des personnes. Halte à la discrimination frappant les services transfrontaliers (N 18.06.2010, CPE-E; E 01.12.2010)

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

6 mars 2015

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2014-2643

2779

Aperçu Les citoyens et entreprises suisses disposent d'un cadre clair pour travailler et fournir des services dans les pays de l'UE. Les mesures prises par le Conseil fédéral ont permis de régler certaines difficultés évoquées par les milieux économiques suisses. Les enquêtes récentes ont démontré que les accords bilatéraux fonctionnaient à satisfaction; plus aucun problème d'accès aux marchés de l'UE n'a été signalé au cours de ces dernières années. C'est pourquoi le Conseil fédéral demande le classement des deux motions.

Les deux motions se penchent sur les possibilités qu'offre l'accord sur la libre circulation des personnes d'accéder aux marchés de l'UE. Elles visent à améliorer les droits des citoyens et entreprises suisses dans ce domaine, posant le postulat que ces droits ne seraient pas toujours entièrement garantis dans les pays limitrophes.

Le cadre juridique qui régit l'accès aux marchés de l'UE offre un certain nombre de facilités pour les citoyens et entreprises suisses, mais il ne libéralise pas entièrement le domaine. Les contacts pris avec les associations professionnelles et économiques depuis le dépôt des motions ont permis d'améliorer l'échange d'information entre les parties concernées; l'évolution législative en 2013 en matière de prestations de services dans des professions réglementées a mis les prestataires suisses sur un pied d'égalité avec leurs concurrents européens.

Les différents rapports mandatés par le Conseil fédéral en 2010 et en 2012 démontrent que les accords bilatéraux avec l'UE fonctionnent correctement; les milieux économiques et professionnels n'ont plus signalé de problèmes concrets ces dernières années, preuve que le cadre a évolué de manière positive. Vu ces éléments, le Conseil fédéral estime que les problèmes soulevés par les motions sont réglés, respectivement que les contacts en Suisse mais aussi avec les autorités étrangères permettront de régler d'éventuels problèmes futurs. Il propose en conséquence de classer les deux motions.

2780

Table des abréviations AELE ALCP

CE CER Convention AELE CPE DEFR DFAE Directive 2005/36/CE EPF FMH JO OFSP PLR RS SECO SEFRI SIA SUPSI TVA UE ULAK USAM USI USPL

Association européenne de libre échange Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (RS 0.142.112.681) Communauté européenne Commission de l'économie et des redevances (E: Conseil des Etats; N: Conseil national) Convention du 4 janvier 1960 instituant l'association européenne de libre échange (AELE) (RS 0.632.31) Commission de politique extérieure (E: Conseil des Etats; N: Conseil national) Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche Département fédéral des affaires étrangères Directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles Ecoles polytechniques fédérales Fédération des médecins suisses Journal officiel de l'Union européenne Office fédéral de la santé publique Parti libéral-radical Recueil systématique du droit fédéral Secrétariat d'Etat à l'économie Secrétariat d'Etat à la formation, à la recherche et à l'innovation Société suisse des ingénieurs et des architectes Scuola universitaria professionale della Svizzera italiana (Haute école spécialisée de la Suisse italienne) Taxe sur la valeur ajoutée Union européenne Urlaubskasse (caisse de congés payés allemande) Union suisse des arts et métiers Università della Svizzera italiana (Université de la Suisse italienne) Union suisse des professions libérales

2781

Rapport 1

Introduction

Le présent rapport se penche sur deux motions connexes, déposées en 2005 et 2010, qui visent toutes deux à améliorer l'accès aux marchés de l'UE pour les entreprises suisses, et à résoudre les problèmes que ces entreprises rencontreraient.

Le rapport se penche sur la portée des motions, explique les démarches effectuées par les autorités compétentes et les progrès réalisés en termes d'information et de résolution de problèmes lorsqu'ils peuvent survenir. Il fournit des explications sur les possibilités qu'offrent les accords entre la Suisse et l'UE ainsi que sur les outils à disposition pour résoudre les problèmes qui pourraient survenir ultérieurement.

Il propose finalement le classement des deux motions.

2

Le contenu des deux motions

Le contenu des deux motions se penche sur une même préoccupation, à savoir les possibilités qu'offre l'Accord sur la libre circulation des personnes1 d'accéder aux marchés de l'UE. Elles partent du postulat que les accords seraient mal mis en oeuvre ou incomplètement appliqués aux citoyens et entreprises suisses, ce qui conduirait à des entraves économiques. Elles appellent la Confédération à prendre des mesures pour les régler.

2.1

La motion CER-E 05.3473

2.1.1

Le texte de la motion et de la réponse du Conseil fédéral

La motion est libellée de la manière suivante: «Accords bilatéraux. Faciliter l'accès pour les PME suisses aux marchés des pays membres de l'UE Les accords bilatéraux permettent aux PME suisses (ex.: architectes, ingénieurs, installateurs, menuisiers, poseurs de revêtements de sol, etc.) de proposer biens ou services dans les pays voisins, sous réserve d'apporter la preuve qu'ils exercent effectivement le métier concerné en Suisse.

En conséquence, le Conseil fédéral est invité à prendre les mesures propres à simplifier autant que possible la procédure permettant aux PME d'apporter la preuve précitée.»

1

Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP, RS 0.142.112.681).

2782

Le Conseil fédéral a rendu l'avis suivant le 23 septembre 2005: «L'accord relatif à la libre circulation des personnes prévoit la possibilité d'effectuer des prestations de service transfrontalières pendant 90 jours au maximum par année civile. Ce droit est soumis à l'obligation d'obtenir une reconnaissance de diplôme si la profession est réglementée dans le pays d'accueil. A cette fin, les prestataires de service ont donc tout intérêt, comme ceux provenant des autres Etats membres de l'UE, à effectuer les démarches nécessaires suffisamment à l'avance.

Outre la reconnaissance des diplômes, le pays d'accueil peut exiger des documents complémentaires. Ces exigences doivent toutefois être proportionnelles et non discriminatoires, et correspondre au droit national. S'ils exigent de tels documents, les Etats membres sont tenus d'accepter les documents valables dans le pays d'origine.

Néanmoins, le Conseil fédéral a connaissance de problèmes pratiques rencontrés par des prestataires de service suisses dans différents pays de l'UE, et va examiner les moyens de les résoudre.» La motion a été adoptée par le Conseil des Etats le 27 septembre 2005 et par le Conseil national le 1er décembre 2005.

2.1.2

Le traitement de la motion

La motion a fait l'objet de diverses analyses et concertations dont les résultats sont présentés plus bas (cf. ch. 4.1). Par ailleurs, les démarches suivantes ont été entreprises: ­

Deux séances ont été organisées en 2006 avec les partenaires concernés, notamment l'Union suisse des arts et métiers (USAM) et l'Union suisse des professions libérales (USPL).

­

Dès l'année 2006, un groupe de travail placé sous l'égide de l'USPL a analysé les problèmes invoqués par la motion. Ces travaux ont duré jusqu'en 2009 et ont fait l'objet d'un séminaire important présidé par M. le Conseiller aux Etats Urs Schwaller, auquel ont participé de nombreuses associations professionnelles et des représentants de la presse, le 12 mai 2009.

Chaque année depuis lors, le SEFRI et l'USPL, ainsi que des représentants de l'USAM, se réunissent pour échanger des informations sur la mise en oeuvre de l'Accord sur la libre circulation des personnes.

Dans son rapport du 4 mars 2011 sur les motions et postulats des conseils législatifs 20102, le Conseil fédéral a proposé de classer la motion. Le 18 avril 2011, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national a refusé le classement de la motion, notamment au motif que le SECO avait donné à un prestataire privé un mandat visant à accompagner les entreprises suisses dans leurs démarches visant à être actives dans l'UE3.

2 3

FF 2011 2463 Il s'agit d'un rapport dont les résultats sont désormais connus; cf. ch. 4.1.3.

2783

2.1.3

La portée de la motion

Prise dans son sens premier, la motion vise à examiner dans quelle mesure les entreprises suisses peuvent apporter la preuve de leur expérience professionnelle en Suisse, de manière à pouvoir proposer des biens ou des services dans les pays voisins. La motion porte donc sur un aspect interne à la Suisse, à savoir comment les entreprises et citoyens collaborent avec les autorités de manière à apporter la preuve qu'ils exercent effectivement leur métier en Suisse. Le Conseil fédéral s'est basé sur cette interprétation lorsqu'il a proposé le classement de la motion dans son rapport du 4 mars 2011 concernant les motions et postulats des conseils législatifs 2010.

Il est cependant apparu lors des débats de la CER-E le 18 avril 2011 qu'au centre des préoccupations se trouvait le thème, bien plus général, des difficultés que rencontreraient des entreprises suisses pour accéder aux marchés de l'UE. Etaient invoqués non plus la preuve de l'établissement en Suisse ou de la pratique professionnelle, mais les prétendus obstacles placés par les autorités des pays limitrophes à l'encontre des entreprises et citoyens suisses souhaitant fournir une prestation de services à l'étranger.

Dans cette mesure, les membres du Parlement et les partenaires politiques du Conseil fédéral donnent à la motion CER-E 05.3473 une portée très semblable à celle de la motion PLR 10.3279 présentée ci-dessous.

2.2

La motion PLR 10.3279

2.2.1

Le texte de la motion et de l'avis du Conseil fédéral

La motion est libellée de la manière suivante: «Accord sur la libre circulation des personnes. Halte à la discrimination frappant les services transfrontaliers Le Conseil fédéral est chargé de presser la suppression des discriminations frappant les prestataires de services suisses dans l'accès aux marchés européens. A cet effet, il cherchera notamment des solutions aux problèmes suivants avec le Comité mixte de l'ALCP et, bilatéralement, avec les Etats concernés: ­

obligation faite par la France aux prestataires de services dans le domaine du bâtiment de conclure une assurance contre les défauts de construction pendant dix ans;

­

obligation de verser des contributions aux caisses de congés payés allemandes et italiennes pour les services transfrontaliers, même si des contributions ont déjà été versées en Suisse;

­

obligation de verser une caution de TVA pour l'importation temporaire de machines de chantier en Italie;

­

procédure d'annonce prévue par l'Allemagne pour les missions de courte durée des monteurs.

2784

Développement Une enquête publiée au début du mois de février 2010 par le Bureau de l'intégration sur l'application des accords bilatéraux Suisse-UE montre des discriminations potentielles dans le domaine des services transfrontaliers, en particulier, étant donné que ces services peuvent entrer en conflit par ex. avec les règles nationales de protection des travailleurs ou des règles visant à protéger des intérêts financiers dans le pays de destination. Certains de ces problèmes sont connus depuis des années. Le Conseil fédéral est dès lors prié de presser les Etats concernés, dans le cadre de l'ALCP, de supprimer les discriminations frappant les prestataires de services suisses pour l'accès au marché européen.» Le Conseil fédéral a rendu l'avis suivant le 26 mai 2010: «Le Conseil fédéral est au courant des problèmes mentionnés concernant le domaine de la prestation de services transfrontalière. Il est d'avis qu'il convient d'agir avec détermination sur la question de ces règlements en partie discriminatoires. Pour cette raison, il est intervenu à plusieurs reprises durant les dernières années que ce soit au sein des divers Comités mixtes ou auprès des gouvernements concernés.

Il faut en outre évoquer le fait que les cas cités sont relativement complexes d'un point de vue juridique. Ils découlent notamment du fait qu'avec l'accord sur la libre circulation des personnes la Suisse a adhéré à une partie seulement du règlement interne à l'UE sur la libre prestation de services et non à l'ensemble des dispositions y relatives. La Suisse ne fait par ailleurs pas partie de l'union douanière européenne.

Trouver une solution à ce problème s'avère d'autant plus ardu pour l'administration qu'elle dispose à peine de quelques cas concrets. Au cours de ces deux dernières années, le Conseil fédéral a procédé de manière pragmatique en oeuvrant davantage à la recherche d'une solution interétatique entre les experts des Etats concernés.

Des amorces de solutions apparaissent dans certains domaines: dans le cadre d'une table ronde tenue à Paris le 19 mars consacrée à l'assurance décennale des constructeurs, des produits d'assurance ­ en développement ­ destinés aux entreprises suisses travaillant en France ont été présentés afin de leur permettre de souscrire à l'avenir une telle garantie. La possibilité de trouver
un accord bilatéral avec l'Allemagne dans le domaine des caisses de congé est actuellement en évaluation. Toutefois, les systèmes sont très différents. Dans le contexte des caisses italiennes, des contacts ont eu lieu entre les autorités fédérales, tessinoises et italiennes. A cette occasion, les partenaires sociaux italiens se sont déclarés prêts à négocier un accord avec les partenaires suisses. En ce qui concerne la caution de TVA pour les machines de chantier et la procédure d'annonce pour les monteurs, il convient de mentionner que ces problèmes ont aussi été relevés par la Suisse respectivement dans les Comités mixtes Suisse-UE compétents et dans le cadre de discussions bilatérales. Depuis, aucun nouveau cas n'a été porté à notre connaissance dans ces deux domaines.

Les démarches entreprises jusqu'à présent correspondent à la demande formulée dans la motion. Le Conseil fédéral continuera à défendre cette position. Il propose dès lors l'acceptation de la motion.» La motion a été adoptée par le Conseil national le 18 juin 2010 et par le Conseil des Etats le 1er décembre 2010.

2785

2.2.2

Le traitement de la motion

Afin de donner suite à la motion, une étude a été lancée afin de déterminer quels problèmes rencontrent concrètement les entreprises suisses désirant fournir des services dans l'UE. Ses résultats définitifs sont connus depuis 2013 (cf. ch. 4.1.3).

Les résultats de cette étude n'ont pas permis de mettre en évidence une violation, par les Etats limitrophes, des règles en vigueur. Le SECO a toutefois examiné certains problèmes dont il avait eu connaissance de manière répétée. Il a pris des mesures afin que ces problèmes puissent être réglés. La question des casse edili et de la caisse de congés payés allemande (ULAK) a été plusieurs fois abordée dans le cadre de réunions économiques bilatérales et de réunions binationales ou trinationales. La société suisse des entrepreneurs a été consultée et est informée. En ce qui concerne la garantie décennale contre les défauts de construction, un produit d'assurance a été trouvé pour les entreprises suisses qui fournissent des prestations en France dans le domaine de la construction. En outre, ces thèmes ont aussi été mis à l'ordre du jour des dernières séances du comité mixte Suisse-UE sur la libre circulation des personnes. Les partenaires sociaux suisses ont été informés de ces démarches et des résultats obtenus et n'ont plus relevé de problèmes concrets. Ils ont désormais la possibilité, aussi bien pour les casse edili que de l'ULAK, de négocier des solutions avec les partenaires sociaux allemands et italiens.

Les résultats de ces démarches, ainsi que les solutions trouvées avec les pays limitrophes, sont décrits plus bas (cf. ch. 4.2.1).

3

Accès aux marchés de l'UE: rappel des règles du jeu

3.1

Le principe de non-discrimination

Avant d'aborder les problèmes soulevés par la motion, il convient d'expliquer quelles possibilités sont offertes par les accords bilatéraux avec l'UE, spécialement par l'ALCP. Cet accord règle en effet certaines questions mais en laisse d'autres ouvertes.

Alors que l'accord de libre-échange du 22 juillet 1972 conclu entre la Suisse et la Communauté économique européenne4 crée une zone de libre-échange pour les produits industriels, l'ALCP permet aux citoyens et entreprises notamment de fournir des prestations de services individuelles transfrontalières jusqu'à concurrence de 90 jours par année civile au maximum.

Il existe d'autres accords qui prévoient, sous certaines modalités, la possibilité de fournir une prestation de services, mais il s'agit de situations spécifiques qu'il n'y a pas lieu d'aborder ici5.

L'ALCP est basé sur le principe de non discrimination (art. 2 ALCP). Appliqué à la libre prestation de services (art. 5 ALCP), ce principe signifie en substance que 4 5

RS 0.632.401 Il s'agit de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics (RS 0.172.052.68), de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur le transport aérien (RS 0.748.127.192.68), et de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur le transport de marchandises et de voyageurs par rail et par route (RS 0.740.72).

2786

l'Etat d'accueil ne peut pas exiger du prestataire suisse plus de conditions que celles qu'il pose à ses propres nationaux. Il ne signifie donc pas que la prestation soit entièrement libre, ou puisse s'effectuer aux conditions posées par la législation suisse; il signifie que la prestation s'effectue aux conditions de l'Etat d'accueil, fixées librement par ce dernier (art. 19 Annexe I ALCP). Ceci peut impliquer plusieurs exigences à charge du prestataire de services suisse, comme par exemple: ­

l'obligation de faire reconnaître ses qualifications professionnelles si l'Etat d'accueil réglemente la profession;

­

l'obligation de s'inscrire, fût-ce provisoirement, dans un ordre professionnel ou dans un registre comme les Handwerkskammer allemandes;

­

l'obligation de s'assurer en responsabilité civile, si cette assurance est obligatoire pour les nationaux.

Ces exigences peuvent être posées par l'Etat d'accueil indépendamment de la réglementation suisse. Ce système a pour conséquence que les prestataires de services peuvent être soumis, dans le pays étranger, à des conditions qui ne sont pas posées pour l'exercice de la même profession en Suisse. Ces conditions sont licites au regard de l'ALCP, tant qu'elles ne sont pas discriminatoires.

La situation est naturellement la même pour les prestataires de l'UE, qui ne peuvent fournir des services en Suisse qu'aux conditions fixées par la législation suisse. Ils peuvent donc eux aussi être amenés à devoir remplir des conditions auxquelles ils ne sont pas soumis dans leur pays d'origine. La Suisse connaît en effet des régimes d'exercice de la profession qui sont parfois plus stricts que dans les pays limitrophes; on peut citer le domaine de l'électricité, plus fortement réglementé notamment qu'en France, qu'en Allemagne ou qu'en Autriche, et qui contraint les électriciens étrangers à compléter leur formation ou obtenir des autorisations qui ne sont pas prévues dans leur pays d'origine.

Les explications ci-dessus démontrent que les accords ne confèrent pas de réciprocité, en ce sens que les prestataires de services ne peuvent pas forcément intervenir à l'étranger aux conditions posées par la législation suisse. L'ALCP n'uniformise donc pas les conditions d'exercice des différentes activités professionnelles.

3.2

L'accès aux activités réglementées

L'accès aux marchés qui, dans les pays de l'UE, sont sujets à des conditions telles que celles mentionnées ci-dessus (exigence de qualifications professionnelles, obligation de s'inscrire à un ordre ou à une chambre, obligation d'assurance, etc.) est réglé par l'annexe III ALCP. Cette annexe renvoie aux règles de l'UE, notamment à la directive 2005/36/CE sur la reconnaissance des qualifications professionnelles6.

Cette directive règle non seulement la question de la reconnaissance des qualifications professionnelles, mais aussi celles des autres entraves mentionnées ci-dessus, que les Etats peuvent placer à l'accès aux marchés. Elle prévoit par exemple l'obligation, pour une chambre ou ordre professionnel, d'accepter automatiquement un professionnel souhaitant fournir des services (art. 6, let. a, de la directive). Le

6

Directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, JO L 255 du 30.9.2005, p. 22.

2787

fonctionnement de cette directive est expliqué plus en détail ci-dessous (cf.

ch. 4.2.4).

3.3

Relations suisses-UE en matière de prestations de services

La Suisse et l'UE n'ont conclu aucun accord spécifique sur les services. Les négociations en ce sens ont été suspendues d'un commun accord en 2004. En conséquence, la Suisse ne participe par exemple pas au système de la directive 2006/123/CE sur les services dans le marché intérieur7.

La directive 2006/123/CE a vocation d'écarter des obstacles injustifiés ou disproportionnés, qu'ils soient juridiques ou économiques (par ex. la protection d'offreurs nationaux, la garantie de normes de protection du droit du travail, des exigences de nationalité ou de domicile, le contrôle du besoin économique, l'obligation d'obtenir une caution d'une entreprise nationale). Ces obstacles sont souvent posés pour qu'un prestataire de service puisse être actif à l'étranger. La directive 2006/123/CE vise aussi à écarter les restrictions à la prestation de services passive, à savoir celles auxquelles sont soumises les consommateurs et les entreprises qui voudraient se rendre dans un autre pays pour y bénéficier de services. Elle vise à renforcer leurs droits et augmenter la qualité des prestations.

L'entrée en vigueur de la directive 2006/123/CE au sein de l'UE n'a pas péjoré la situation des citoyens et entreprises suisses qui souhaitent fournir des services dans l'UE, par exemple parce que leurs concurrents de l'UE bénéficieraient de facilités en application de cette directive.

En octobre 2009, le Conseil fédéral a mandaté les offices compétents d'examiner à nouveau l'opportunité d'un accord sur les services avec l'UE. Lors de sa séance du 24 février 2010, le Conseil fédéral a décidé de ne pas examiner cette question plus en détail. Les différences juridiques et institutionnelles entre la Suisse et l'UE auraient conduit à des négociations trop complexes. A l'heure actuelle, il n'est pas question de reprendre des discussions au sujet d'un accord sur les services.

4

Démarches entreprises par le Conseil fédéral pour régler les problèmes soulevés par les deux motions

Le Conseil fédéral a tout d'abord souhaité analyser plus finement la situation des entreprises et citoyens suisses dans l'UE (cf. ch. 4.1) de manière à déterminer les mesures propres à faire comprendre les possibilités et procédures prévues par les accords bilatéraux (cf. ch. 4.2).

7

Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, JO L 376 du 27.12.2006, p. 36.

2788

4.1

Une meilleure vue d'ensemble de la situation

4.1.1

Les contacts avec les associations professionnelles faîtières

Le traitement des motions et leur mise en oeuvre a permis l'intensification des contacts avec de nombreuses associations professionnelles. Ces contacts ont permis d'expliquer le fonctionnement des accords bilatéraux avec l'UE et de mieux comprendre les difficultés et les besoins des partenaires concernés.

Depuis le dépôt de la motion CER-E 05.3473, les associations suivantes ont été contactées: ­

SwissEngineering;

­

la SIA;

­

la Fédération suisse des architectes;

­

l'union suisse des professions libérales;

­

l'Union suisse des arts et métiers;

­

Swiss Snowsports.

Le DEFR entretient par ailleurs des contacts réguliers avec la FMH quand il s'agit de veiller à la bonne reconnaissance des diplômes suisses dans l'UE. Il rencontre une fois par année des représentants de l'USAM et de l'USPL, ce qui permet un échange sur le développement de l'ALCP et sa mise en oeuvre par les pays de l'UE.

Les problèmes rencontrés sont traités soit par le SEFRI, soit par le SECO, qui interviennent auprès des Etats concernés.

Les problèmes soulevés par ces organisations ont tous pu être résolus, dans la mesure où ils étaient couverts par les accords existants.

4.1.2

L'enquête sur l'application des accords bilatéraux Suisse-UE

Le DFAE a procédé, en 2009, à une enquête portant sur l'application des accords bilatéraux Suisse-UE (accord de libre échange, accord sur les assurances, accords bilatéraux I et II, accord sur la facilitation et la sécurité douanières) dans le but de mettre en exergue les problèmes et difficultés recensés dans leur application8.

L'enquête se base sur un sondage auprès des offices fédéraux concernés, de la Mission de la Suisse auprès de l'UE, des ambassades de Suisse auprès des pays membres de l'UE, de la Conférence des gouvernements cantonaux (CDC) ainsi que des principales associations et organisations du secteur privé telles qu'economiesuisse, l'Union suisse des paysans, les syndicats et les chambres de commerce bilatérales.

Le rapport constate que, en comparaison avec les autres accords bilatéraux, l'ALCP fait l'objet de nombreuses remarques, ce qui est naturel vu l'importance que cet accord revêt pour l'économie et les ressortissants suisses. Les expériences faites avec cet accord sont très largement positives, ce qu'a notamment souligné l'USAM.

8

«Enquête sur l'application des accords bilatéraux Suisse-UE, Rapport d'évaluation et analyse des problèmes», janvier 2010.

2789

Le rapport relève toutefois un potentiel de discrimination, en particulier en matière de prestation de services transfrontalière, car cette dernière peut entrer en conflit avec des réglementations nationales sur la protection des travailleurs ou des intérêts financiers dans le pays de destination. Le rapport relève également que la portée de l'ALCP a pu parfois susciter des attentes excessives. Certains problèmes soulevés, comme la garantie décennale exigée en France ou l'obligation de cotiser à des caisses de vacances allemandes ou italiennes figurent depuis longtemps sur la liste des problèmes en discussion avec nos voisins et à Bruxelles. Certaines solutions trouvées par le Conseil fédéral sont décrites plus bas.

Les difficultés que le rapport souligne en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles9 sont parfois basées sur des pratiques qui se sont révélées conformes à l'ALCP; on pense en particulier aux procédures déclarations introduites notamment par l'Allemagne10, et qui reposent sur la nouvelle directive 2005/36/CE que la Suisse a également mise en oeuvre au 1er septembre 2013, ou à des problèmes qui ont pu être réglés entre temps11.

4.1.3

Le rapport du SECO «Grenzüberschreitende Dienstleistungserbringung in Deutschland, Frankreich, Österreich und Italien in der Bauwirtschaft und bei Montageleistungen»12

Le SECO a mandaté en 2010 un prestataire externe pour analyser la situation d'entreprises effectuant des prestations de services dans le domaine de la construction ou du montage. Le but était d'examiner concrètement quelles étaient les conditions à remplir, les problèmes concrets rencontrés dans les démarches, les coûts de la procédure et de proposer d'éventuelles mesures d'amélioration.

Le mandataire a contacté douze entreprises et a rendu son rapport final en mai 2012.

Il arrive à la conclusion que les conditions d'exercice de l'activité sont parfois difficiles à comprendre, puisque chaque Etat reste compétent pour définir lui-même les conditions d'exercice des activités professionnelles13. Les conditions auxquelles une entreprise suisse peut fournir une prestation de services ne sont pas déraisonnables dans l'ensemble, elles sont simplement différentes de celles qui prévalent en Suisse. Le mandataire n'a relevé aucun cas de discrimination légale mais voit dans les différences de réglementations nationales un désavantage de fait qui péjore la situation du prestataire de services, quelle que soit son origine.

Les auteurs du rapport n'ont pas pu trouver de cas concret dénotant une violation des accords en vigueur à l'encontre d'un prestataire suisse.

9 10 11 12

13

Rapport, p. 12.

Voir les cas 14 et 15 du rapport.

Voir le cas 35 du rapport.

«Prestations de services transfrontalières en Allemagne, France, Autriche et Italie dans l'industrie de la construction et du montage», non traduit en français. Le rapport est disponible sur demande auprès du SECO.

Voir les explications ci-dessus sous ch. 3.1.

2790

4.1.4

L'accès des citoyens et entreprises suisses dans l'UE ­ données statistiques

Monitoring du SEFRI En application de la directive 2005/36/CE, les Etats collaborent étroitement et se prêtent une assistance mutuelle afin de faciliter l'application de la directive (art. 56, par. 1, de la directive). Les points de contact ont notamment pour fonction d'assister les citoyens dans la réalisation de leurs droits (art. 57, par. 1, let. b, de la directive).

Le point de contact suisse est géré par le SEFRI.

Pendant la période 2006 à 2010, le SEFRI a régulièrement procédé à une enquête auprès de toutes les personnes ayant fait appel à ses services, en leur envoyant un questionnaire quelques mois après avoir préparé une attestation. Cette démarche visait en substance à savoir si le diplôme avait été reconnu dans le pays d'accueil, combien de temps avait duré la procédure et si des difficultés étaient survenues.

Les réponses ont toujours été très largement positives. Certes, des cas problématiques, très peu nombreux, ont été rencontrés, et figurent d'ailleurs dans le rapport du DFAE cité plus haut. Mais dans l'ensemble, les réponses à l'enquête du SEFRI ont révélé que les diplômes suisses étaient très largement reconnus dans l'UE, y compris lorsque la structure de formation suisse présente des spécificités. On peut citer les exemples suivants: ­

Les diplômes d'architecture (Master des EPF, diplômes de l'USI, etc.) sont systématiquement et automatiquement reconnus et permettent l'exercice direct de la profession, comme le prévoit la directive 2005/36/CE, même lorsque l'Etat d'accueil connaît des exigences particulières comme un examen d'Etat en Italie.

­

Les diplômes de la formation professionnelle, notamment les examens professionnels supérieurs, ont aussi été reconnus, également dans des pays exigeant des formations universitaires.

Statistiques sur la reconnaissance des diplômes suisses dans les pays de l'UE Dans le cadre de la directive 2005/36/CE, chaque pays doit fournir des statistiques concernant les diplômes étrangers reconnus. Il est dès lors possible d'extraire du site Internet de la Commission européenne (Direction générale Marché intérieur et services14) des données très détaillées, à savoir pour chaque profession et chaque pays.

Le tableau ci-dessous indique la manière dont l'ensemble des qualifications professionnelles suisses ont été reconnues dans l'UE (période de 2003 à 2013):

14

www.europa.eu, Commission européenne > Marché Intérieur et Services > Qualifications professionnelles > Base de données des professions réglementées

2791

On constate que les cas de refus (6 % des cas) sont très rares; ils peuvent par ailleurs être justifiés. Parmi les motifs de refus possibles, on peut citer les personnes qui auraient échoué à une mesure de compensation (épreuve d'aptitude ou stage d'adaptation), ou qui ne pouvaient pas se prévaloir de l'ALCP pour travailler dans un pays de l'UE. Dans 74 % des cas en revanche, les qualifications suisses ont été reconnues.

Les cas «neutres» constituent des dossiers en cours d'instruction ou des examens complémentaires en cours.

Le tableau ci-dessous indique quels sont les pays de l'UE qui ont reconnus le plus de diplômes suisses pendant la période de 2003 à 2013:

2792

On trouve ci-dessous les valeurs de tous les pays de l'UE (nombre de diplômes suisses reconnus dans le pays indiqué, période de 2003 à 2013): Pays qui prononce la reconnaissance des qualifications suisses

Nombre de reconnaissances prononcées

Allemagne Autriche Belgique Chypre Danemark Espagne Finlande France Grèce Hongrie Irlande Islande Italie Lettonie Lichtenstein Lituanie Luxembourg Malte Norvège Pays-Bas Pologne Portugal République tchèque Roumanie Royaume-Uni Slovaquie Slovénie Suède

917 214 82 11 30 84 16 148 14 9 30 3 354 1 93 3 3 1 44 55 25 13 39 2 387 4 16 83

On remarque à la lumière de ces chiffres que les qualifications professionnelles suisses sont reconnues en nombre dans l'UE. Les pays de destination sont les Etats limitrophes ainsi que le Royaume-Uni, pays qui accueille au niveau européen le plus de migrants.

Concernant la mobilité des professions, les diplômes suisses qui ont fait l'objet du plus grand nombre de demandes de reconnaissance dans l'UE sont les suivants (période 2003 à 2013):

2793

Le système statistique de l'UE permet également d'extraire des données profession par profession (les chiffres ci-dessous se réfèrent à la période 2003 à 2013).

Pour la profession de médecin, 346 diplômes suisses ont été reconnus dans l'UE. Les qualifications ont été reconnues dans les pays suivants:

2794

Pour la profession de dentiste, les diplômes reconnus se montent à 54:

Les vétérinaires ont été 76 à être reconnus, les pharmaciens 28. Toutes les procédures ont abouti à la reconnaissance du titre. Les architectes suisses sont également reconnus dans l'UE (198 reconnaissances au total):

2795

Les psychologues ont vu 66 de leurs diplômes reconnus dans l'UE (période 2003 à 2013):

Les autres professions sont représentées dans les statistiques de l'UE de manière assez marginale, raison pour laquelle toutes ne sont pas citées ici. Il est cependant possible, au moyen du lien cité ci-dessus, d'avoir accès à ces données.

Il ne faut pas oublier que ces chiffres ne tiennent pas compte des professions non réglementées, car elles ne sont pas soumises à la la directive 2005/36/CE. Les professionnels suisses qui ont librement accès aux marchés de l'UE, parce que la profession n'est pas réglementée dans le pays d'accueil, ne font pas l'objet de ces 2796

statistiques. Ces résultats démontrent que les diplômes suisses sont très largement reconnus dans l'UE, et que les Suisses font valoir et bénéficient de la directive 2005/36/CE dans les pays de l'UE.

4.1.5

Synthèse: l'accès aux marchés de l'UE est garanti

Les explications qui précèdent laissent apparaître une situation claire en ce sens que les professionnels suisses ont accès à la reconnaissance de leurs qualifications professionnelles, donc aux marchés des Etats membres de l'UE. Dans les rares cas où un diplôme n'est pas reconnu, des contacts bilatéraux entre autorités permettent dans la plupart des cas de régler la situation. Selon les explications du Conseil fédéral, il est apparu que les difficultés que rencontrent les citoyens et entreprises suisses dans l'UE peuvent s'articuler autour de trois axes: ­

La complexité des accords est très certainement la source principale de difficultés. Les attentes sont parfois excessives par rapport aux possibilités réellement offertes. Les prestataires de services suisses ignorent parfois que les autorités étrangères peuvent maintenir des conditions d'accès à leur marché et qu'ils doivent s'y soumettre.

­

Il existe un fort besoin d'information de la part des citoyens et des entreprises suisses. Ces informations se rapportent à la réglementation des professions, aux autorités compétentes (adresses, contacts, etc.) et aux documents à produire. Il est à ce titre intéressant de constater que les entreprises contactées dans le cadre du rapport du SECO (cf. ch. 4.1.3) n'ont à aucun moment contacté les autorités compétentes de l'Etat d'accueil; elles tiraient un constat d'échec sans tenter d'obtenir des explications sur la manière de mener la procédure au succès.

­

Les plaintes démontrant des violations réelles des accords avec l'UE, et spécialement de l'ALCP, sont pratiquement inexistantes. Cela ne signifie naturellement pas qu'il faille s'en désintéresser ou que l'accès aux marchés de l'UE soit d'emblée facile, mais cela indique que les Etats de l'UE font leur travail correctement et qu'il n'y a pas de discrimination ou de traitement illégal des citoyens ou des entreprises suisses.

Les démarches à accomplir pour accéder aux marchés de l'UE ne sont généralement pas excessives mais elles déroutent souvent les prestataires suisses qui ont l'habitude, en Suisse, de formalités somme toutes relativement simples. L'obligation d'effectuer à l'avance des démarches administratives dans un pays étranger à la culture différente dissuade souvent les citoyens et les entreprises suisses et contribue ainsi à répandre l'impression que les accords bilatéraux ne fonctionnent pas.

4.2

Les mesures prises par le Conseil fédéral

Le Conseil fédéral a pris diverses mesures destinées à mieux informer et à faciliter, dans les limites posées par les accords, l'utilisation des droits conférés aux citoyens et entreprises suisses. Ces mesures visent à répondre aux diverses critiques émises à l'encontre du fonctionnement de l'ALCP, que ce soit en relation avec la garantie 2797

décennale, des contributions à l'ULAK et aux casse edili (motion PLR 10.3279, cf.

ch. 4.2.1) qu'en terme de qualifications professionnelles (motion CER-E 05.3473, cf. ch. 4.2.2 à 4.2.4). Finalement, les évolutions législatives récentes (cf. ch. 4.2.5) améliorent notablement la situation des prestataires de services suisses dans l'UE.

4.2.1

Interventions des autorités suisses auprès des administrations étrangères

Les actions entreprises par le Conseil fédéral pour lutter contre les obstacles frappant les services transfrontaliers ont été couronnées de succès ou ont permis de trouver une solution pour les partenaires sociaux. En ce qui concerne l'ULAK et les casse edili, le feu vert aux négociations a été donné tant du côté allemand qu'italien. Au niveau européen, il a agi par le biais des comités mixtes. Le Conseil fédéral a également thématisé les questions soulevées par ses partenaires économiques et politiques suisses lors de rencontres bilatérales avec les pays voisins et encouragé les partenaires sociaux à nouer des contacts. Le Conseil fédéral les soutient dans leurs efforts.

Caisse de congés payés allemande (ULAK) En ce qui concerne la caisse de congés payés allemande (ULAK), la Suisse et l'Allemagne ont discuté de la conclusion d'une convention internationale. L'objectif est d'éviter que les entreprises suisses du bâtiment soient désavantagées lorsqu'elles fournissent un service en Allemagne en cotisant sur place pour des prestations auxquelles elles cotisent déjà en Suisse. Les autorités allemandes ont cependant refusé de conclure une convention internationale sur cette question. Elles se sont plutôt référées à l'ancien accord, dont une nouvelle mouture serait pour elles la solution. L'ULAK se dit prête à conclure un nouvel accord avec les partenaires sociaux suisses de la branche du bâtiment. Ces derniers peuvent maintenant faire usage de cette possibilité pour autant qu'ils l'estiment nécessaire et opportune.

Caisses de congés payés italiennes (casse edili) Des discussions ont également eu lieu entre la Suisse et l'Italie, dans le cadre des dialogues économiques, à propos des casse edili (caisses de congés payés italiennes pour la branche du bâtiment). Les partenaires sociaux italiens se sont déclarés prêts à négocier avec les partenaires sociaux suisses dans le domaine du bâtiment. Il appartient dès lors aux partenaires sociaux suisses d'agir. En outre, la question des casse edili a été portée à la connaissance du comité d'experts de l'UE pour les travailleurs détachés le 28 juin 2013 qui a décidé de l'examiner plus à fond. Le dossier est en cours. Début 2014, des échanges directs ont eu lieu entre les partenaires sociaux suisses et italiens afin de trouver un accord qui puisse régler la
question. Ces discussions ne sont pas encore terminées.

Garantie décennale En ce qui concerne la garantie décennale contre les défauts de construction, il existe désormais un produit d'assurance pour les entreprises suisses qui fournissent des prestations en France dans le domaine de la construction. Lors d'une rencontre

2798

bilatérale à Lyon le 7 novembre 2013, essentiellement consacrée aux mesures d'accompagnement, la partie française a confirmé de son côté le règlement du sujet.

Autres problèmes Par ailleurs, les informations à disposition du Conseil fédéral semblent n'indiquer aucun problème général en matière de procédure d'annonce pour les monteurs en Allemagne et aucun nouveau cas n'est apparu quant à la caution de TVA pour l'importation temporaire de machines de chantier en Italie.

4.2.2

Intensification des contacts avec les associations professionnelles

Les contacts avec les associations économiques faîtières vont se poursuivre à l'avenir. Ils offrent une plate-forme de discussion idéale et permettent d'échanger des informations très utiles pour toutes les parties. Les représentants des associations et de l'économie peuvent faire part de leurs besoins et de leurs préoccupations, tandis que les services de l'administration peuvent expliquer le fonctionnement des accords et intervenir à l'étranger en cas de violation présumée des règles applicables.

Les contacts avec les associations professionnelles faîtières ont démontré que la difficulté principale, en termes d'accès aux marchés de l'UE, résidait dans la difficulté d'obtenir des informations sur le déroulement de la procédure, ainsi que sur les adresses de contact à l'étranger.

Fort de ce constat, le SEFRI a préparé des vademecum pour sept professions proposées par l'USPL, et fourni les réglementations, procédures et adresses de contact chaque fois pour cinq pays (la France, l'Italie, l'Allemagne, l'Autriche et le Royaume-Uni).

En substance, ces fiches ont une structure commune qui indique les bases légales, la réglementation de la profession en question dans le pays concerné, l'adresse de l'autorité compétente (parfois directement avec le formulaire à remplir), les documents annexes à fournir, auprès de quelle autorité suisse ces documents peuvent être obtenus, ainsi que quelques conseils pratiques.

Ce sont ainsi 35 fiches qui ont été adressées à l'USPL et qui permettent aux professionnels concernés de savoir comment préparer au mieux la procédure d'accès aux marchés de l'UE et de trouver facilement à qui s'adresser, sans tracasserie administrative et sans être renvoyé sans cesse d'une autorité à l'autre.

Cet exercice se renouvelle régulièrement sur demande des partenaires concernés.

Récemment, le SEFRI a été contacté par le canton du Tessin afin de reconnaître une nouvelle filière de la SUPSI. Grâce aux contacts avec les autorités italiennes, la procédure a pu être décrite dans le détail et les premiers diplômes suisses ont été reconnus à la fin de l'année 2013.

2799

4.2.3

Preuve de la pratique professionnelle en Suisse ­ nouvelle procédure

Comme précisé plus haut (cf. ch. 2.1.3), la motion CER-E 05.3473 vise en premier lieu à garantir que les entreprises suisses puissent apporter la preuve de leur établissement légal en Suisse sans bureaucratie. Le SEFRI a donc instauré un système facilitant l'obtention d'une attestation certifiant l'établissement légal en Suisse; il certifie également dans ce cadre l'expérience professionnelle acquise. Accessible sur Internet15, un formulaire permet de produire à l'autorité compétente les informations requises. L'attestation est délivrée en l'espace d'une semaine environ.

Le SEFRI délivre ainsi plusieurs centaines d'attestations par année. Ces documents sont présentés aux autorités compétentes conformément à la directive 2005/36/CE, qui savent ainsi à quelle activité professionnelle elles doivent donner accès.

Ces attestations fournissent toujours les informations suivantes: ­

une confirmation de l'authenticité des qualifications professionnelles;

­

une classification du diplôme à l'un des niveaux de l'art. 11 de la directive 2005/36/CE;

­

les activités professionnelles que la personne peut exercer en Suisse.

Le tableau ci-dessous indique le nombre d'attestations que le SEFRI a délivré, depuis 2007, à des Suisses (citoyens ou entreprises) se rendant dans l'UE afin de faire reconnaître leurs qualifications pour accéder aux marchés de l'UE.

Ces attestations certifient que la personne ou l'entreprise qui y est mentionnée est légalement établie en Suisse; elles mentionnent également l'expérience professionnelle du demandeur, lorsque cette mention est requise. Ce sont les informations demandées par la directive 2005/36/CE et que vise la lettre de la motion CER-E 05.3473. A noter que les autres autorités compétentes, notamment l'OFSP pour les professions médicales universitaires, délivrent leurs propres attestations16. La nouvelle procédure est largement utilisée et bien acceptée, tant par les citoyens et les entreprises suisses que par les autorités administratives étrangères.

15 16

www.sbfi.admin.ch/e4.

Le SEFRI est l'autorité qui délivre le plus d'attestation, puisque son domaine de compétence couvre l'entier de la formation professionnelle et des hautes écoles. Il n'a toutefois pas été possible de comptabiliser les attestations des autres autorités, car elles ne tiennent pas de statistiques. Elles délivrent toutefois le même genre de documents selon une procédure similaire à celle en vigueur au SEFRI.

2800

4.2.4

Reprise de la directive 2005/36/CE dans l'ALCP: une modernisation des règles d'accès aux marchés de l'UE

Historique Depuis 2002, date de l'entrée en vigueur de l'ALCP, les qualifications professionnelles suisses bénéficient dans l'UE des mêmes règles de reconnaissance que celles qui prévalent entre les pays de l'UE eux-mêmes.

La directive 2005/36/CE a été adoptée dans l'UE en 2005; elle modernise tout le système européen de reconnaissance des qualifications professionnelles. Elle apporte des nouveautés importantes dans le cadre des prestations de services. Elle est devenue effective dans l'UE après la fin du délai de transposition de deux ans, soit en septembre 2007. Les négociations entre la Suisse etl'UE visant à reprendre cette directive à l'annexe III ALCP ont été bloquées par les questions institutionnelles et ce n'est qu'en septembre 2011 que les parties ont pu s'entendre sur la reprise de la directive 2005/36/CE17. La Suisse a, dès ce moment, bénéficié d'un délai de transposition de deux ans, comme tout Etat membre, pour procéder à la mise en oeuvre de la directive dans sa législation interne; les travaux législatifs ont porté sur la nouvelle procédure de déclaration pour les prestataires de services. Pendant ce délai, la directive 2005/36/CE était applicable à titre provisoire, à l'exception des dispositions relatives à la libre prestation de services, qui devaient précisément faire l'objet d'une transposition en droit interne18.

La Suisse a notifié à l'UE le 31 août 2013 l'accomplissement de ses procédures internes de transposition. La directive 2005/36/CE est intégralement applicable à la Suisse depuis le 1er septembre 2013.

Les professions réglementées selon la directive 2005/36/CE L'ALCP vise à lever les obstacles législatifs posés à l'accès au marché du travail. Il offre donc des solutions lorsqu'un Etat décide de réglementer l'accès aux professions par l'exigence de qualifications professionnelles spécifiques (professions réglementées).

Lorsque l'accès à une profession spécifique n'est pas soumis à une exigence de qualification (professions non réglementées), le professionnel ne rencontre pas d'obstacle légal pour accéder au marché du travail. Il peut donc fournir des services directement avec son titre national, sans devoir subir une procédure préalablement à l'exercice de sa profession.

La réglementation des professions dépend de chaque pays. Un Etat peut donc choisir de réglementer
une profession, alors que son voisin aura décidé de la laisser libre.

Cet élément rend le système compliqué car l'obligation de faire reconnaître ses qualifications varie dès lors d'un pays à l'autre. A titre d'exemple, la profession de 17 18

Voir, pour plus de précisions, les réponses du Conseil fédéral à la question Tschümperlin (10.1058) et à l'interpellation Schwaller (08.3143).

L'Assemblée fédérale a adopté le 14 décembre 2012 la loi fédérale portant sur l'obligation des prestataires de services de déclarer leurs qualifications professionnelles dans le cadre des professions réglementées et sur la vérification de ces qualifications (LPPS, RS 935.01). Cette loi est entrée en vigueur le 1er septembre 2013.

2801

poseur de sols est réglementée en Allemagne mais pas en France; le prestataire suisse devra, aux conditions posées par la directive 2005/36/CE, d'abord obtenir son inscription à la Handwerkskammer du Land allemand concerné, alors qu'il aura directement accès au marché du travail en France.

La nouvelle procédure applicable aux prestations de services Déroulement La directive 2005/36/CE prévoit une procédure de vérification des qualifications accélérée et facilitée pour les personnes qui fournissent un service temporairement et occasionnellement (pendant 90 jours de travail effectifs au maximum) dans un autre Etat membre.

Aux termes de l'art. 7 de la directive, les Etats de l'UE peuvent instaurer une procédure de déclaration afin de vérifier les qualifications professionnelles des prestataires de services. Si un Etat choisit de ne pas instaurer cette procédure, les prestataires de services étrangers peuvent exercer leur activité librement même si la profession est réglementée. Après réception de la déclaration, seules peuvent être vérifiées les qualifications des professions qui ont des implications pour la santé ou la sécurité publique. En cas de différence substantielle entre les qualifications professionnelles du prestataire et la formation exigée dans l'Etat membre d'accueil, l'accès à l'activité professionnelle dépend de la réussite d'une épreuve d'aptitude selon l'art. 7, par. 4, de la directive 2005/36/CE. Les Etats de l'UE sont liés par des délais très stricts.

Application aux citoyens et aux entreprises suisses dans l'UE Depuis le 1er septembre 2013, les citoyens et les entreprises suisses qui entendent fournir un service dans un pays de l'UE/AELE peuvent bénéficier de la récente libéralisation des prestations de services. Les Etats de l'UE, tout comme la Suisse, ont mis en place une procédure de déclaration. Celle-ci est tantôt centralisée, tantôt de la compétence des autorités locales. On rencontre ici aussi des disparités selon les pays dues à des différences dans l'organisation territoriale de chaque pays.

La procédure est simple. Ses caractéristiques principales sont les suivantes: ­

Les délais sont dynamiques et la procédure est relativement rapide.

­

Une vérification des qualifications professionnelles, à savoir une comparaison de la formation suisse avec le diplôme exigé par l'Etat d'accueil, n'est possible que si la profession a un impact sur la santé ou la sécurité publique.

Si la profession en question n'a pas d'impact sur la santé ou la sécurité publique, l'Etat d'accueil doit autoriser la prestation de services sans condition, même si la profession est réglementée et même si le cursus suisse diffère de la formation du pays d'accueil.

­

Si la prestation doit avoir lieu plusieurs années de suite, la déclaration doit être renouvelée chaque année.

2802

Les délais de traitement que l'autorité compétente du pays d'accueil doit respecter sont les suivants: Profession

Délai

Professions non réglementées dans le pays d'accueil

Exercice direct de la profession; pas de déclaration.

Professions réglementées mais sans impact sur la santé ou la sécurité publique

Si l'Etat d'accueil n'exige pas de déclaration, la profession peut être directement exercée.

Si l'Etat d'accueil exige une déclaration, il doit donner la possibilité de commencer l'activité en principe sans délai.

Professions réglementées avec impact sur la santé ou la sécurité publique

Dans le délai d'un mois dès le dépôt de la déclaration, l'autorité compétente de l'Etat d'accueil doit communiquer si elle a constaté des différences dans les formations et si elle exige une épreuve d'aptitude.

Si elle exige une épreuve d'aptitude, l'autorité doit, dans le même délai d'un mois, indiquer quand et où l'épreuve a lieu.

Celle-ci doit avoir lieu dans le mois qui suit la décision. La procédure peut donc durer deux mois au plus.

Si l'autorité ne respecte pas ces délais, le prestataire a le droit de commencer son activité.

Les détails pratiques, comme les adresses de contact dans les pays limitrophes à la Suisse, les différents documents à produire ainsi que l'endroit où les obtenir en Suisse a fait l'objet d'une note d'information qui a été transmise à l'USPL et à l'USAM en août 2013.

Synthèse: la prestation de services est facilitée depuis septembre 2013 La directive 2005/36/CE apporte des innovations bienvenues en termes d'accès aux professions réglementées dans le cadre d'une prestation de services. La nouvelle réglementation répond donc aux préoccupations soulevées par les deux motions, à savoir faciliter l'exercice d'une activité lucrative dans l'UE dans le cadre d'une prestation de services.

5

Conclusions et motifs plaidant en faveur d'une radiation des motions

L'accès aux marchés de l'UE a toujours représenté un enjeu économique important que le Conseil fédéral prend au sérieux. La complexité des accords requiert une bonne information des partenaires concernés et le Conseil fédéral a intensifié son action dans ce domaine depuis plusieurs années. Ces contacts ont porté leurs fruits et 2803

les problèmes constatés dans l'UE ont progressivement pu être réglés, souvent par des contacts bilatéraux. Depuis deux ans, le Conseil fédéral n'a plus reçu de preuves liées à des problèmes d'application des accords bilatéraux dans l'UE.

Les récentes évolutions du cadre législatif permettent aussi d'affirmer que les améliorations demandées par les motions sont désormais effectives. La libéralisation des prestations de services instaurée depuis septembre 2013 par la directive 2005/36/CE offre de réelles possibilités aux entreprises et citoyens suisses qui souhaitent être actives dans l'UE. Elles les mettent en particulier au bénéfice des mêmes avantages que leurs concurrents des autres pays de l'UE. Il appartient désormais aux milieux économiques d'utiliser ce nouveau cadre législatif pour fournir leurs services dans l'UE.

Pour le surplus, les efforts du Conseil fédéral se poursuivront à l'avenir, par les contacts qu'il entretient avec les associations professionnelles et les démarches qu'il entreprend lorsque les accords bilatéraux ne sont pas appliqués correctement.

Actuellement, tous les problèmes présumés d'entrave dans l'accès aux marchés de l'UE sont clarifiés, si bien que les deux motions peuvent être classées.

2804