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Message du

Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant un projet de loi fédérale sur le contrôle des ouvrages d'or et d'argent.

(Du 28 novembre 1879.)

Monsieur le Président et Messieurs, Le 19 juin écoulé, le Conseil national a adopté la motion suivante de MM. Arnold Grosjean et consorts: « En exécution du postulat du Conseil des Etats, en date du «23 décembre 1876, n° 101, le Conseil fédéral est invité à présenter, «pour la session de décembre prochain, un rapport et des pro« positions au sujet d'une loi sur le contrôle et la garantie des «ouvrages d'or et d'argent.» Ce postulat n° 101 est ainsi conçu: «Le Conseil fédéral est invité à faire étudier s'il n'y a pas lieu de régler par des lois fédérales: 1° le contrôle de la fabrication et de la vente des matières d'or et d'argent; 2° la protection des marques de fabrique. > La question des marques de fabrique faisant l'objet d'un message spécial, nous traiterons uniquement ici celle du contrôle des matières d'or et d'argent.

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I.

La question d'une loi sur le contrôle des matières d'or el d'argent a été introduite devant l'autorité fédérale non seulement par les postulats cités plus haut, mais encore par une pétition comptant 2154 signatures de fabricants d'horlogerie, monteurs de boites et horlogers des Cantons de la Suisse romande. En outre, de nombreuses réunions publiques ont eu lieu dans les centres intéressés et se sont toutes prononcées dans le sens d'une loi fédérale sur la matière.

Le 24 février 1877, l'assemblée des délégués de la Société intercantonale des industries du Jura, assemblée dans laquelle se trouvaient représentées les sections de Genève, Ste-Croix, Neuchâtel, Chaux-de-Fonds, Locle, district do Courtelary, Bienne, a demandé à une grande majorité sinon à l'unanimité: 1° qu'il soit élaboré une loi fédérale sur le contrôle; 2° que l'application et l'administration de cette loi soient réservées aux Cantons; 3° qu'elle n'ait pas un caractère fiscal. -- D'autres voeux de détail ont également été formulés, En présence de ces manifestations concordantes, notre Département de l'Intérieur n'a pas hésité à ouvrir une enquête minutieuse sur leu mobiles d'un tel mouvement, ainsi que sur les moyens de donner satisfaction aux intéressés pour autant que la Confédération est compétente à cet effet.

Les origines du mouvement doivent être cherchées en premier lieu dans l'état de crise intense où se trouve l'industrie horlogère.

Parmi les causes qui ont amené cet état et favorisé grandement la concurrence américaine et française, il faut certainement signaler les nombreuses fraudes commises dans la fabrication suisse sur le métal des boites de montres. On a vendu pour des boites d'or au 18 karats, soit à 750 millièmes de fin, des boites à 14 karats, à 9 karats, à 3 karats, et même des boîtes d'argent doré et de cuivre poli ; on a insculpé de faux titres sur l'or et l'argent, ou des indications de nature à, tromper l'acheteur, indications qu'il ne serait pas facile d'énumérer, tellement la liste en est longue; on a aussi fraudé en établissant certaines parties de la boite à un titre inférieur à celui indiqué ou en les faisant d'un autre métal. Il en est résulté un notable préjudice pour la réputation de l'horlogerie suisse, sans que d'ailleurs le fabricant suisse ait retiré lui-même, dans beaucoup de cas, le principal bénéfice de ces fraudes, attendu qu'elles ont été commises le plus souvent pour satisfaire aux commandes venant du marchand étranger.

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II est évident que les fabricants qui se livrent à ces fraudes plus ou moins bien dissimulées, peuvent vendre leurs produits à 4es prix bien inférieurs à ceux de.s. fabricants qui ne veulent pas se prêter à ce métier. Aussi, pour ces derniers, la situation devientelle bientôt intenable, et il ne faut pas être surpris si beaucoup se laissent entraîner à leur tour par le torrent, et mettent leur conscience à l'aise en se disant: Si je n'accepte pas telle commande qui me répugne, mon voisin se chargera de l'exécuter. Après tout, le véritable coupable, c'est le marchand qui réalise le bénéfice illicite, et non pas moi.

Ces fraudes ont en outre deux sortes de conséquences extrêmement fâcheuses pour les ouvriers eux-mêmes. On sait que les ouvriers qui s'occupent de l'ornementation, du polissage et du finissage de la boite, sont payés en tout ou en partie avec le déchet tombé pendant le travail ; il leur est impossible, à moins de frais très-élèves, de constater ou de faire constater dans chaque cas si la pièce qu'on leur remet est réellement au titre indiqué; ce n'est que lorsqu'ils réunissent leurs déchets à la fonte, c'est-à-dire bien souvent après plusieurs mois, qu'ils s'aperçoivent des fraudes dont ils ont été victimes, mais dont il ne peuvent plus, dans la plupart des cas, prouver l'origine exacte.

L'antre conséquence fâcheuse, c'est la dépréciation qui en résulte par contre-coup pour le prix de la main-d'oeuvre des ouvriers horlogers proprement dits, c'est-à-dire de ceux qui s'occupent du mouvement. Dans cette coucurrence malsaine qui a pour objet de vendre au meilleur marché possible tout en réalisant par la fraude de gros bénéfices, toutes les conditions d'une fabrication normale et honnête se trouvent bouleversées, et en définitive tout le monde en pâtit plus ou moins.

En résumé, au dehors, perte de la réputation des produits suisses, confondus, bons ou mauvais, dans le même discrédit; au dedans, démoralisation, concurrence illicite, avilissement des prix, préjudice notable causé à la classe ouvrière, voilà les conséquences du régime dans lequel travaille actuellement l'industrie horlogère; voilà la cause des plaintes à peu près unanimes qui se font jour.

De l'avis des intéressés, les législations cantonales sont impuissantes à porter remède au mal. D'une part, le plus grand nombre des
Cantons ne possèdent pas de lois spéciales et n'éprouvent pas le besoin d'en édicter, en sorte que les dispositions sévères prises dans quelques Cantons peuvent être facilement éludées par les industriels qui veulent frauder et qui n'ont pour cela qu'à s'établir dans le Canton voisin. D'autre part, à supposer que tous les Cantons fissent des lois, le défaut de concordance qu'elles ne manqueraient pas

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d'offrir, serait des plus préjudiciables dans une matière où les détails en apparence les plus simples peuvent avoir une grande portée.

La voie du concordat ne peut pas non plus conduire au but.

Très-peu de Canton? voudraient s'y associer à cause des frais qu'entraînerait pour chacun d'eux une bonne organisation du contrôle, et, par conséquent, les fraudes se commettraient librement sur le territoire non concordataire. · Guidés par ces considérations, les intéressés ont donc été conduits à s'adresser à la Confédération, seule en état de prendre des mesures efficaces pour ramener l'ordre et assurer la loyauté des transactions dans une de nos industries les plus importantes.

Notre Département de l'Intérieur ayant retiré de cette première partie de l'enquête la conviction qu'il s'agissait en effet d'une question vitale pour la fabrique suisse d'horlogerie, réunit, en avril 1877, une Commission composée de MM. Besançon, chef d'atelier de graveurs à la Chaux-de-Fonds ; Francillon, fabricant d'horlogerie à St-Imier; Hess, marchand-horloger et bijoutier à Genève; Montandon, fabricant d'horlogerie à Ste-Croix, et Thommen, conseiller natioual, fabricant d'horlogerie à Waldenbnrg.

Les questions soumises à cette Commission furent les suivantes : 1° , Etat actuel de l'enquête sur la nécessité du contrôle fédéral et sur les conditions dans lesquelles il doit être organisé.

Mesures à prendre pour la compléter dans toutes les directions (renseignements sur les législations en vigueur dans les Cantons et à l'étranger, sur les avantages et les inconvénients des divers systèmes, sur les usages et les besoins du commerce dans les pays d'exportation, sur .les questions techniques relatives au contrôle des différents titres, etc.).

2° Plan général d'une loi fédérale sur le contrôle, spécialement au point de vue de l'organisation (principes généraux, répartition des attributions entre la Confédération et les Cantons, conditions pour la création de bureaux, preuves de capacité à exiger des essayeurs-jurés, nombre et forme des poinçons, tarifs, sanction pénale, etc.).

3° Y a-t-il lieu, comme la motion Bodenheimer le prévoit, d'introduire également dans la loi des prescriptions relatives au commerce des matières d'or et d'argent?

La discussion fit ressortir la nécessité d'une loi fédérale, et le Département fut
prié d'élaborer un projet de loi sur les bases fournies par la discussion, et de prendre, pour les questions purement- techniques, l'avis d'une Commission d'experts, qui fut composée de MM. le Dr Lunge, professeur de chimie industrielle à l'Ecole

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polytechnique, Eugène Tissot, essayeur-juré an bureau de contrôle de la Chaux-de-Fonds, et Frutiger, essayeur-juré à Genève.

Pour compléter son enquête, le Département se procura les ·dispositions des lois cantonales, ainsi que des lois étrangères, concernant les matières d'or et d'argent; et c'est entouré de tous ces renseignements qu'il a publié au mois d« juin 1877, une brochure de 80 pages, intitulée: Contrôle, garantie et commerce des matières d'or et d'argent; enquête générale, avant-projet de loi et motifs à ·l'appui.

Ce travail a été soumis à l'appréciation des Gouvernements des Cantons horlogers, de la Société internationale des industries du Jura et de ses sections, ainsi que de nombreux intéressés.

Les Gouvernements cantonaux n'ont fait parvenir aucune observation sur le projet.

Là Société intercantonale des industries du Jura a tenu plusieurs assemblées de délégués pour traiter la question. Un point surtout ·divisait les esprits: l'avant-projet, pour se conformer en partie aux voeux du plus grand nombre des pétitionnaires, prescrivait que toute boîte de montre d'or ou d'argent, quel qu'en fût le titre, devait passer au bureau de contrôle pour y recevoir le poinçon avec indication du titre exact. (Les pétitionnaires allant plus loin, demandaient que toute boite, quel qu'en fût le métal, fût présentée au contrôle). Cette mesure, même atténuée, a été envisagée comme trop gênante et contraire à la liberté du travail; et après de longues discussions, les sections ont fini par se mettre d'accord, à l'unanimité, sur les principes qu'elles demandent de mettre à la base de la loi.

Ces principes, arrêtés dans l'assemblée -du 1er octobre 1878 à Neuchâtel, sont formulés comme suit: 1° II sera élaboré une loi fédérale sur le contrôle, la garantie et le commerce des matières d'or et d'argent.

·2° L'application et l'administration de cette loi seront réservées aux Cantons.

3° Elle ne pourra, en aucun cas, avoir un caractère fiscal.

4° Le contrôle sera obligatoire pour les boites de montres et lu bijouterie, portant l'indication des titres 14 et 18 karats pour l'or, et 800, 900 millièmes et au-dessus, ou une désignation équivalente pour l'argent.

-5° II sera permis de travailler les métaux précieux à tous les degrés de fin, pourvu que les objets confectionnés ne portent aucune indication de titre, ni autre marque analogue pouvant tromper l'acheteur.

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6° La tolérance sera de g/,000 pour l'or et de */1000 pour l'argent.

7° Le contrôle aura lieu sur les boites à l'état brat.

8° Le poinçon sera appliqué dans les fonds, sur la carrure et sur les cuvettes. Le mot « métal » devra être frappé dans les cuvettes de crisot.

9° La Confédération prendra les mesures nécessaires pour faire connaître à tous les intéressés au dedans et au dehors les.

dispositions de cette loi.

Parmi les particuliers intéressés, une seule personne, un fabricant d'horlogerie, a fait opposition en principe à une loi fédérale..

Avec la fin de l'année 1878, la question a passé du Département fédéral de l'Intérieur au Département du Commerce et de l'Agriculture. Ce dernier a élaboré un second avant-projet de loi en tenant compte des observations dont le premier avait été l'objet,, et l'a soumis, en date du 15 février 1879, à une Commission composée de MM. Besançon, Francillon, Montandon et Thommen déjà nommés, et en outre de MM. Arnold Grosjean, conseiller national, fabricant d'horlogerie à la Chaux-de-Ponds, Etienne, président de la Société intercantonale des industries du Jura à Neuchâtel, Bodenh'cimer, auteur de la motion au Conseil des Etats, Dncret, président de la Chambré de commerce à Genève, et Fol, horloger et bijoutier à Genève. M. Hess, membre de la première Commission, avait demandé, pour cause de santé, à être remplacé.

Diverses modifications ont été apportées au nouveau travail du Département, et le troisième avant-projet qui en est résulté a encore été soumis à l'examen des sociétés industrielles et des Chambres decommerce.

^M. Schelhaas, bijoutier à Zurich, tout en appelant de ses voeux une loi fédérale sur le contrôle des matières d'or et d'argent, a cru devoir présenter un contre-projet basé sur un système tout différent de celui réclamé par l'unanimité des sections de la Société des industries du Jura. Le motif principal invoqué par M. Schelhaas est la difficulté pour les fabricants d'ouvrages d'or et d'argent, éloignés des Cantons horlogers, de faire contrôler leurs ouvrages.

En effet, dans les grandes agglomérations d'industriels horlogers et bijoutiers qui existent dans la Suisse romande, l'organisation des bureaux de contrôle est chose facile et même rémunératrice. Il n'en est pas de même pour la Suisse orientale; ici, les Cantons ne voudront pas faire
les frais de semblables bureaux qui seraient fort peu occupés, et les horlogers et bijoutiers établis dans cette partie de la Suisse n'auront d'autre ressource que d'envoyer leurs ouvrages

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aux bureaux très-occupés de la Suisse romande, ce qui occasionnera des dépenses et une perte de temps. Pour obvier à cet inconvénient, M. Schelhass proposait de remettre le poinçon officiel à chaque fabricant, qui l'appliquerait scus sa responsabilité; il résultait de ce système la création d'un inspectorat fédéral, des visites domiciliaires, un impôt fédéral perçu sur les opérations de chaque fabricant, etc.

Le Département du Commerce, voulant que toutes les opinions et tous les intérêts fussent sérieusement examinés, a également transmis le projet et l'exposé des motifs de M. Schelhaas aux sociétés industrielles et aux Chambres de commerce.

Le résultat de l'enquête, tant sur le troisième avant-projet que sur les propositions Schelhaas, a été le suivant: Toutes les sections de la Société intercantonale des industries du Jura, savoir: Genève, la Vallée de Joux, Ste-Croix, Chanx-de-Fonds, Locle, Neuchâtel, Bienne, St-Imier, Porrentruy, se sont prononcées pour l'avant-projet du Département et ont repoussé le projet Schelhaas, toutefois en demandant, pour donner légitime satisfaction a«x intérêts des fabricants de la Suisse orientale, qu'il soit créé un bureau fédéral à Zurich, lequel pourrait contrôler les ouvrages de ces fabricants, tout en étant un bureau scienlifique dans lequel se formeraient les essayeurs-jurés et qui réviserait en dernière analyse les essais des autres bureaux en cas de contestation.

L'Union suisse du commerce et de l'industrie (Vorort Zurich) s'est aussi prononcée en faveur d'une loi fédérale basée essentiellement sur l'avant-projet du Département.

La Commission ci-dessus désignée, complétée par MM. H. Du Bois, président de la Chambre de commerce du Locle, Borel-Courvoisier, secrétaire de la Société intercantonale des industries du Jura, à Neuchâtel, Eugène Tissot et Louis Frutiger, essayeurs-jurés, ces deux derniers déjà nommés, et par M. Jaccard, fabricant d'horlogerie à Lausanne, remplaçant M. Montandon, empêché, s'est encore réunie les 14 et 15 octobre écoulé et a revu une dernière fois l'avantprojet de loi, ainsi que discuté un projet de règlement d'exécution de la future loi fédérale.

Tel est le résumé de l'enquête préliminaire qui a eu lieu. On pourra se convaincre par là que la question a fait l'objet d'une sérieuse étude et que l'unanimité presque constante avec
laquelle les intéressés se sont prononcés, témoigne du besoin pressant d'une loi fédérale basée sur les principes déjà indiqués.

Nous nous en référons d'ailleurs, pour les détails de l'enquête, au volumineux dossier annexé au présent message.

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IL La question de savoir si la Confédération a le droit de légiférer sur la matière est à nos yeux complètement hors de doute. Aux termes de l'art. 64 de la Constitution fédérale, la législation fédérale est prévue pour «toutes les matières du droit se rapportant au commerce et aux transactions mobilières. » Evidemment, les conditions auxquelles doit être soumise la vente des ouvrages d'or et d'argent, .rentrent dans les matières du droit commercial, aussi bien que les conditions relatives au commerce des bestiaux (voir Projet de Code fédéral des obligations, art. 276), et par exemple aussi, celles concernant l'emploi des marques de fabrique. On ne peut demander que ces matières spéciales soient réglées par le Code fédéral des obligations, car ce Code doit renfermer uniquement les principes généraux du droit; par conséquent, une loi spéciale est nécessaire aussi bien pour la vente des ouvrages d'or et d'argent que pour les autres matières que nous venons de mentionner.

La réglementation de la vente des ouvrages d'or et d'argent n'a pas de base solide si elle ne s'appuie pas sur des prescriptions de police industrielle. La règle ordinaire de droit que «la facture fait preuve entre parties, » même complétée par la présomption légale «qu'en l'absence de facture, l'ouvrage est vendu au titre supérieur, » -- cette règle, disons-nous, est tout à fait impuissante à remédier aux abus, comme une longue expérience faite en Suisse et ailleurs le prouve irréfutablement. Aussi tous les Etats qui ont voulu mettre un peu d'ordre dans cette branche de commerce, ontils prescrit que les ouvrages en question, pour pouvoir être mis en vente, devaient passer au préalable devant les employés du contrôle et être munis par eux d'un poinçon officiel constatant que la matière précieuse est au titre indiqué. Une telle masure limite évidemment la liberté absolue de commerce et d'industrie. Cette liberté est garantie par l'art. 31 de la Constitution fédérale, mais sous réserve entre autres, litt, c : «· des dispositions touchant l'exercice des professions commerciales et industrielles. » De telles dispositions, la Confédération a le droit d'en prendre aussi bien que les Cantons. (Comparer, pour s'en convaincre, le texte de la Constitution fédérale de 1848, qui portait art. 29, 6: «les dispositions des Cantons touchant la
police du commerce et de l'industrie;» les mots « des Cantons » ont été supprimés dans la constitution de 1874, d'où résulte la compétence fédérale.)

Cette compétence étant ainsi clairement établie, il reste encore un point à élucider; La Confédération a-t-elle le droit de donner à la loi sur le contrôle des ouvrages d'or et d'argent une sanction pénale? De nombreux précédents permettent de répondre affirmative-

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ment. Bien que la législation pénale soit d'une manière générale réservée aux Cantons, la Confédération a édicté des dispositions pénales dans «ne série de lois telles que: loi sur les épizooties, loi sur l'état civil et le mariage, loi sur les poids et mesures, loi sur la chasse, loi sur la pèche, loi sur la police des forets, loi sur la police des eaux, loi sur les fabrique^, loi sur la police des chemins de fer, etc. Cela est une conséquence logique, souvent nécessaire, du droit de légiférer, et l'on conçoit difficilement comment il est possible, dans un Etat bien ordonné, que lorsque l'ordre ou la défense de faire telle ou. telle chose procède d'une règle uniforme, la punition en cas de désobéissance soit sévère ici, insignifiante là, nulle ailleurs. L'égalité devant la répression est au. moins aussi légitime que l'égalité devant la règle de droit.

Dans le cas particulier, nous ne concevrions pas comment il serait possible de faire une loi fédérale sur le contrôle sans créer \me sanction pénale pour les contraventions tout à fait spéciales qui se produiront à la suite de la loi. Mais pour tout ce qui revêt un caractère nettement frauduleux, tombant sous les règles ordinaires du code pénal, nous estimons qu'on peut réserver purement et simplement le domaine de la législation cantonale, et se borner à prévoir une certaine limite minima et maxima de pénalité pour le cas où les législations cantonales ne permettraient pas une répression dans l'espèce. Cette proposition ralliera sans doute toutes les opinions. Eu outre et dans tous les cas, la Confédération doit pouvoir faire protéger par des dispositions spéciales émanant d'elle le poinçon officiel qu'elle aura décidé de créer; cela ne sera sans doute contesté par personne.

HT.

Au point de vue d'une saine économie politique, une législation sur la fabrication et la vente des ouvrages d'or et d'argent se justifie-t-elle ou bien faut-il appliquer à cet objet, comme quelquesuns le pensent, la maxime du laissez-faïre? Telle est la question qu'il s'agit maintenant d'examiner.

Les partisans du laissez-faire motivent leur doctrine comme suit ; ils disent : II n'y a pas de raison de traiter la production des ouvrages d'or et d'argent autrement que d'autres industries. Il faut laisser simplement agir les lois de la libre concurrence ; elles sauront bien mettre un terme aux abus sans que l'Etat s'en môle; la production honnête sera toujours recherchée, la production déloyale sera vite écartée du marché. Le consommateur doit savoir se protéger lui-même et ne doit pas s'habituer à compter sur la protection de l'Etat. La liberté complète du commerce et de l'industrie, voilà ce qu'il y a de mieux; c'est la lance d'Achille guérissant) les blessures qu'elle a faites.

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Ces théories, qui appartiennent à l'école dite de Manchester,, pèchent par ce qu'eues ont de trop absolu, et l'expérience qui en a été faite un peu partout dans la seconde moitié de notre siècle en a fait suffisamment ressortir les côtés défectueux. Il n'est pas vrai que le commerce et l'industrie n'aient en général nul besoin de l'intervention de l'Etat, soit dans leur propre intérêt, soit dans celui du public. Si l'on a bien fait de se débarrasser des gênes étroites mises trop longtemps et jusque assez avant dans notre siècle, à l'exercice des professions commerciales et industrielles, il faut se garder de tomber dans l'extrême contraire, qui n'offre pas moins d'inconvénients. De la mêlée confuse des intérêts particuliers, le droit ne peut se dégager et prendre la place souveraine qui lui appartient, qu'avec l'aide de l'Etat neutre, représentant de l'intérêt général. Dans tous les pays civilisés, même ceux où, comme en Angleterre, les théories de l'école de Manchester ont le plus fait tortune, des limites ont été mises par l'Etat au principe de la liberté de commerce et d'industrie. Citons pour exemple le service des poids et mesures, la police dos aliments, la surveillance sur le travail dans les fabriques, etc., etc. Toutes ces mesures ont été prises parce que l'Etat s'est convaincu que livrer les ouvriers et les consommateurs sans protection aux seules lois de la concurrence, c'était les exposer à être presque inévitablement écrasés sous ce nouveau char de Jaggernauth.

Au nombre des mesures de ce genre se place le contrôle des matières d'or et d'argent. Depuis fort longtemps les Etats ont reconnu la nécessité d'intervenir dans ce domaine, d'abord à cause de la monnaie qui était exposée trop souvent à des altérations et à des falsifications, ensuite afin de protéger le public contre les fraudes des orfèvres et bijoutiers.

On peut soutenir sans exagération qu'il n'y a pas de branche du commerce et de l'industrie où la surveillance direetes de l'Etat soit aussi nécessaire. En effet, il est plus facile au consommateur d'apprécier approximativement par ses propres ressources si on lui sert le poids ou la contenance demandée d'una marchandise, si un vin est frelaté, si une viande est malsaine, que de juger non seulement si le métal précieux qu'il achète est au titre indiqué, mais même si ce métal
est bien réellement de l'or ou de l'argent.

La valeur des métaux précieux étant très grande, il s'en suit que les fraudes commises dans ce commerce ont aussi une beaucoup plus grande importance que pour d'autres marchandises.

La preuve est ainsi dès longtemps faite que, nonobstant les théories de l'école de Manchester, l'intérêt individuel de l'ouvrier ou de l'acheteur n'est pas suffisant à le protéger contre les fraudes si faciles dans l'alliage des métaux, tandis que l'intérêt individuel

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du producteur ou du marchand est merveilleusement habile à trouver toute sorte do moyens de tromper le client. Quand une ménagère achète des comestibles ou des étoffes, son habitude d'apprécier ces choses la dirige presque toujours sûrement. Elle touche, elle täte, elle goûte. Mais que peut faire l'ouvrier appelé à travai 1er les métaux précieux ou l'acheteur d'ouvrages d'or et d'argent, ce dernier surtout en présence des chefs-d'oeuvre de tromperie livrés par l'industrie, de ces montres et de ces bijoux artistcment travaillés, brillamment polis, imitant à s'y méprendre les métaux les plus riches, et portant qui plus est des indications mensongères? Peut-il avoir sur lui ou à sa disposition immédiate les appareils chimiques nécessaires pour se livrer à des essais toujours très difficiles ? Évidemment non. Par conséquent, puisqu'il ne peut lui-même contrôler ce qu'où lui vend, l'Etat doit y pourvoir, l'Etat, protecteur naturel de- ceux qui, malgré leur bonne volonté, sont impuissants à se protéger eux-mêmes.

C'est pour répondre à un semblable besoin que par exemple la. Confédération suisse a institué à l'Ecole polytechnique une station d'essais chimiques pour le contrôle des engrais et des semences, ainsi que des éprouvettes pour le vin. Si les agriculteurs et les viticulteurs ont dû faire appel à l'Etat dans ce but, à plus forte raison comprendra-t-on que les industriels et le public aient besoin de protection dans le commerce encore beaucoup plus trompeur des matières d'or et d'argent.

En Suisse, les quelques adversaires avoués d'une loi fédérale sur le contrôle font valoir qu'elle gênera le développement de la production horlogère et bijoutière et fermera des débouchés à notre fabrique. Nous estimons que cette objection est mal fondée. Il est vrai que la Suisse produisant de l'horlogerie et de la bijouterie beaucoup plus pour l'exportation que pour la consommation intérieure (ce qui par parenthèse est le contraire en France et ailleurs), la difficulté est grande de faire une loi qui ne froisse aucun intérêt légitime. Cette difficulté ressort avec la plus grande clarté du tableau ci-après, qui indique les titres obligatoires ou facultatifs en usage d.ms les divers pays civilisés.

Il est certain que si la moine législation, quant aux titres et à la tolérance admise, régissait tous les Etats du
monde, notre fabrication se ferait dans des conditions beaucoup plus rationnelles et les fraudes de toute nature ne seraient presque plus à redouter.

Mais tant qu'il n'en sera pas ain.-i, la Suisse devra s'efforcer de réaliser le piogramme suivant: Rendre possible l'exécution loyale de toute commande lionnête. Et nous croyons, d'accord avec les intéressés, qu'il est possible d'y arriver par les dispositions contenues dans notre projet de loi.

380

Tableau synoptique des déterminations des deniers de fin de tous les pays civilisés.

Obligatoire.

Facultatif.

Déniera de fin en inillièmes.

Or.

| Argani Or. | Argent.

Amérique centrale . .

» du Sud . .

Etats-Unis Eépublique d'Andorre .

Belgique . .

. .

» Danemark . . . .

Empire allemand : Anhalt Bade Bavière Bi-aunschweig . .

Brème Alsace-Lorraine . .

. .

. .

. .

. .

. .

. .

»

3>

.

.

.

.

»

»

.

.

.

.

Hambourg Hess« Laueabourg Lippe Lnbeck Mecklenbonrg- Schwerin .

Mecklenbourg-Strélitz . .

Oldenbourg Prusse Principautés de Reuss . .

Sache-Altenbourg . . .

Sachse-Gotha Sache- Meinigen . . . .

Sachse- Weimar . . . .

Schaurnbpurg- Lippe. . .

Schwarzbourg-Rudolstadt .

920 840 750

950 800 729«/6

750 750 750

800 750

900 800

580

800

881 Obligatoire.

Facultatif.

Deniers de fin en iuillièm 33.

Or.

| Argent.

Or.

Irgent.

Sehwarzbg.- Sondersbansen Principauté de Waldeek .

Wurtemberg Principautés danubiennes .

France

» Grèce Grande-Bretagne . . .

» » . . .

» » . . .

» f> . . .

» » . . .

Colonies et Possessions Hollande » » » Italie » Monténégro Norvège » Autriche-Hongrie » » » » » » Portugal . . .

Russie . . . .

» Suède . . . .

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

920 840 750

.

916% .

750 . .625 . 500 . 375

950 800 958'/3 925

916 833 750 583 900 750 500

.

.

.

.

.

.

. . .

750 583'/3 920 840 750 580 840'/4 583'/3 750 854' /o 947«'/ la 9752a/36

950 900 800 750 843% 875 9162/8 947»/12 826VIB

934 833 950 900 800

882

Obligatoire.

Facultatif.

Denier i de fin en iaillièintÌS.

Or.

Suède » . . . .

Suisse :

. . .

Appenzell R.-Intérieures » E.-Extérieures Baie- Ville Bàie-Campagne . . .

Berne Fribourg . .

. .

Genève Glaris .

.

. .

Grisons Lucerne Neuchatel » Schaffbouse Schwyz Soleure S'-Gall Tessin Thurgovie Uri Unterwaiden le Haut .

Untervalden le Bas . .

Vand Valais '.

Zurich . . . .

Zona Serbie Espagne » Turquie

|

Argent.

Or.

Argeit.

750

800

750 583

800

750

800

847«/, 763«/9

.

.

750

.

781-/4

.

.

750 750

812V,

.

.

.

916a/3 833V, 750 /3

916V, 750 900

883

Quant aux commandes deloyales, ce n'est pas un malheur si elles ne trouvent plus le chemin de la Suisse, car ce sont elles qui ont discrédité nos produits; elles auront du reste peine à se satisfaire ailleurs, en sorte qu'à ce point de vue même, une loi fé lérale ne nous fera pas perdre de débouchés, mais elle nous en ouvrira sans doute qui s'étaient fermés en raison de l'incertitude des transaction asvec notre pays.

IV.

Sur quelles bases doit reposer la loi fédérale?

C'est une tendance caractéristique et qui a existé de tout temps que celle de fabriquer des ouvrages d'or et d'argent à plusieurs titres, afin de les mettre à la portée de toutes les bourses. Le ·désir de paraître, si général dans notre époque, fait que ceux qui ne peuvent se payer le luxe de bijoux véritables veulent au moins avoir l'air de les posséder. L'or à 18 k. étant trop cher pour beaucoup de personnes, les bijoutiers leur en ont fabriqué à 14 k., à 9 k. et même au dessous. A l'oeil la différence peut être rendue imperceptible, et les porteurs de semblables bijoux peuvent ainsi à peu de frais éblouir et tromper leur entourage. Mais suivant le vieux proverbe français: «Tel cuide engeigner autrui qui souvent s'engeigne soi-même», il arrive aussi que ceux qui achètent sans garantie de l'or à un titre bas, n'en reçoivent pas pour leur argent.

Comme pays de production, la fabrique suisse doit pouvoir fabriquer ce qu'on lui demande, mais elle doit livrer ses produits pour ce qu'ils sont réellement et ne pas aider sciemment le marchand indigène ou étranger à tromper ses clients. Précédemment, dans les Cantons de principale production horlogère, Neuchàtel et Genève, on avait édicté des lois très-sévères dans le but de protéger l'ouvrier à l'intérieur et d'assurer la bonne réputation des produits suisses au dehors. A cet effet, en imitation de la loi française, on avait institué le contrôle obligatoire de tous les ouvrages d'or et d'argent, ces ouvrages ne pouvant être établis à un titre inférieur à 750 millièmes de fin pour l'or, et à 800 millièmes pour l'argent. Mais ces dispositions n'étaient pas observées à cause de la tendance irrésistible que nous venons de signaler. A réitérées fois, des voix s'élevèrent dans ces deux Cantons pour demander que la loi autorisât d'autres titres; on constatait officiellement qu'il était impossible d'en assurer la stricte exécution, et cependant la majorité des intéressés se prononçait toujours contre toute modification.

C'est dans les années 1865 et 1866, à la suite de très-vives agitations. Que fut introduite dans ces deux Cantons la liberté de Veuille fédérale suisse. Année XXXI. Vol. III.

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884% travailler les métaux précieux à tous les titres avec contrôle facultatif. Mais on a passé alors d'un extrême à l'antre, d'un excès de réglementation à un excès de liberté, et aujourd'hui les intéressés demandent utie conciliation entre les deux principes de la liberté de travail à tous les titres et du contrôle obligatoire.

Cette conciliation n'a pas été chose facile à obtenir. Tant d'intérêts différents étaient en jeu qu'il n'est pas surprenant que l'entente n'ait pu se faire dès le premier jour; mais maintenant les intéressés se déclarent d'accord k l'unanimité et il en résulte une très-forte présomption que la combinaison adoptée est bonne. Voici sur quoi elle repose.

Les titres maintenant usuels pour les ouvrages d'or et d'argent sont: pour l'or, 18 karats ou 750 millièmes et 14 karats ou 58a millièmes; -- au dessous, c'est-à-dire lorsque l'alliage domine la quantité d'or, on ne peut pins guère donner le nom d'or au métal en question, mais il serait plus exact de dire que c'est du cuivre, etc. allié à telle proportion d'or ; -- pour l'argent 875 millièmes et au dessus, et 800 millièmes.

Le projet de loi prévoit que quand ces titres sont insculpés, dans une langue quelconque, en entier ou en abrégé, sur un ouvrage, il faut faire passer pelui-ci au contrôle officiel. Le fabricant est évidemment libre de ne rien insculper et dans ce cas, il n'a pas l'obligation d'envoyer au contrôle ; mais j'il vent revendiquer le bénéfice d'une telle indication, il faut qu'il fasse la preuve que l'indication n'est pas mensongère. Par là on coupera court à la fraude qui consistait, par exemple, à insculper dans une boite un titre supérieur, alors que la facture faite au marchand étranger portait le métal à sa valeur réelle, si le fabricant lui-mêiue ne cédait pas à la tentation, de frauder à son tour. Le contrôle obligatoire de ces titres supérieurs ne gênera point notre commerce avec les autres pays, car nous avons pu nous convaincre par l'enquête à laquelle s'est livrée notre Département de l'Intérieur que nuile part la présence du poinçon suisse ne sera une cause de prohibition. Plusieurs pays y ajouteront le leur, mais si nos taxes sont modérées comme nous le proposons, il n'en résultera pas pour nos produits un renchérissement appréciable. D'ailleurs, nous laissons aux industriels la faculté de faire
contrôler leurs ouvrages à l'état brut dans le pays de destination, auquel cas le poinçon suisse n'est plus exigé.

Pour tous les titres inférieurs, la loi ne défend pas de les indiquer, mais le contrôle n'en est pas obligatoire, pour le moment du moins. En effet, sauf en Angleterre, on ne connaît pas légalement ces titres inférieurs (voir le tableau ci-dessus). 11 peut arriver ue'par la suite on reconnaisse la nécessité de leur donner aussi

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une garantie officielle, et dans cette prévision on peut soit donner par la loi au Conseil fédéral la compétence d'en organiser le contrôle, soit réserver implicitement ou explicitement que la question sera soumise à l'Assemblée fédérale si l'on cruint de nous remettre cette attribution.

En revanche, ce que la loi défend, c'est de mettre sur les métaux précieux d'autres indications, quant à leur composition ou alliage, que celle de leur titre exact et elle prescrit que si cette dernière indication est faite, elle doit ótre accompagnée, comme garantie, de la marque régulièrement déposée du producteur. C'a été en effet une grande occasion de fraude que la faculté qui existait jusqu'ici de pouvoir insculper sur les ouvrages d'or ou d'argent ou soi-disant tels des indications vagues, générales, telles que: or fin, or riche, fine gola, fine silver, argent fin, or, argent, or las. etc., etc. Si le fabricant ou le marchand est loyal, il n'a qu'à indiquer le titre exact sous sa propre responsabilité; on le laisse même libre de ne rien mettre du tout; mais il ne doit pas lui être permis de marquer la marchandise d'une désignation qui inévitablement conduit à la fraude. Ces indications vagues sont plus trompeuses que celles de faux titres, parce qu'elles prêtent à des acceptions et à des interprétations fallacieuses.

Un autre genre de fraudes largement pratiqué a été la confection d'ouvrages dont une partie seulement était au titre indiqué, tandis" que d'autres parties étaient à un titre inférieur ou même ['un autre métal, l'ouvrage étant d'ailleurs vendu comme s'il était ;out entier au titre supérieur ou du métal le plus riche indiqué.

\ faut établir dorénavant comme règle qu'aucune partie des on'rages d'or et d'argent ne peut être à un titre inférieur à celui >oinçonné ou indiqué. Ce sera l'affaire du règlement fédéral d'exéeution de statuer à cet égard les quelques exceptions nécessaires.

)n pourra ainsi tenir compte, plus facilement que si on réglait la question en détail par la loi, des exigences variables qui se produisent dans l'industrie, surtout en ce qui concerne l'ornementation des montres et bijoux.

Généralement, les législations étrangères accordent une légère lOlérance sur les titres pour tenir compte des différences qui peuvent le produire soit dans les essais, soit dans le travail à
cause de la loudure; quelques Etats seulement exigent des titres pleins. Nous proposons d'accorder la tolérance normale, mais il est bien entendu que c'est aux fabricants qui travaillent pour ces derniers Etats à se précautionner pour que leurs ouvrages soient au titre plein.

Ce qui précède est destiné à motiver l'art. 1er du projet de loi.

Avec l'art. 2, nous arrivons à l'organisation du contrôle. Cette

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organisation, telle qu'elle est prévue, répond aux voeux des intéressés qui demandent que les Cantons en soient chargés; mais il va sans dire que les règles générales émaneront de la Confédération, qui exercera sur les bureaux de contrôle nne surveillance directe pour tout ce qui concerne les questions techniques. Les essayeurs devront avoir un diplôme fédéral. Dès l'instant que la Confédération prête son nom et son autorité au poinçonnement des ouvrages d'or et d'argent, elle doit avoir la haute main pour assurer à ce contrôle toutes les garanties de sérieux et de régularité désirables, et, pour cela, il est nécessaire que tous les bureaux soient placés sous la même discipline.

En revanche, l'entretien des bureaux, la rétribution des employés et toutes les questions administratives proprement dites incombent aux Cantons, qui disposeront des recettes des bureaux. Il n'y a aucun inconvénient pratique à ce qu'il en soit ainsi, mais il y en aurait, au contraire, si la Confédération voulait instituer ellemême les bureaux et retirer les recettes. Bien loin d'y trouver du profit, elle n'en aurait que des déficits, attendu que la plupart des bureaux existants ne font pas leur frais, mais doivent être subventionnés par les communes intéressées. Une élévation des taxes grèverait l'industrie d'un assez lourd impôt; aussi est-ce une demande très-instante que la loi fédérale sur le contrôle n'ait pas un caractère fiscal. Les taxes doivent aussi être uniformes pour toute la Suisse, car sans cela les bureaux qui font de bonnes affaires pourraient réduire le tarif au grand détriment des industriels qui habitent dans le rayon de bureaux moins occupés. G'et-i pourquoi la loi prévoit que les taxes seront fixées par le règlement fédéral.

Dans ce système, c'est donc aux Cantons, soit aux communes qu'incombé le soin d'établir les bureaux jugés nécessaires, et de supporter les déficits tout comme de disposer des bénéfices éventuels.

En revanche, pour que les industriels isolés qui n'auraient pas de bureaux à leur disposition immédiate soit dans leur commune, soit même dans leur Canton, ne se trouvent pas dans l'impossibilité de faire contrôler leurs ouvrages, la loi prescrit que les bureaux « ont «l'obligation d'essayer et de poinçonner, dans l'ordre de réception, -«les ouvrages d'or et d'argent qui leur sont envoyés,
de quelque « partie de la Suisse qu'ils proviennent. » ' Un dernier principe contenu dans l'art. 2 et qui n'a pas besoin de plus ample justification, c'est celui « que les bureaux sont « responsables do leurs essais et poinçonnements. » L'art. 3 a déjà été motivé plus haut (voir pages 6 et 7).

L'art. 4 n'a pas besoin de commentaires.

A l'art. 5, se rattache la question constitutionnelle déjà exa-

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minée plus haut, du droit de la Confédération d'édicter des dispositions pénales pour les contraventions à la loi, faites ou non dans un but frauduleux. La sanction pénale pour les délits spéciaux créés par la loi est expressément indiquée, vu que l'on ne peut s'en remettre aux Cantons de statuer ou de ne pas statuer à cet égard les peines nécessaires. Quant au reste, afin de ménager les susceptibilités des Cantons, nous avons prévu que ce serait leur législation pénale qui serait appliquée dans la règle, et seulement pour le cas où les dispositions nécessaires n'existeraient pas du tout dans un Canton, la loi fédérale indique un minimum et un maximum entre lesquels le juge pourra se mouvoir suivant la gravité des circonstances. Si l'on faisait totalement abstraction de telles dispositions, la loi n'aurait pas d'antre sanction que celle des dommages-intérêts ,qui pourraient être réclamés par la partie lésée; mais la partie publique, intéressée au bon ordre et à l'observation de la loi, pourrait se trouver complètement désarmée, ce qui rendrait la loi bientôt inutile.

L'art. 6 contient les dispositions nécessaires pour la protection du poinçon fédéral et contre les abus dont les employés de la Confédération pourraient se rendre coupables.

L'art. 7 renferme des règles de procédure nécessaires à introduire dans la loi et dont la justification vient d'elle-même à l'esprit.

Il en est de même à l'égard de l'art. 8.

L'art. 9 contient dans ses deux derniers alinéas une disposition de nature transitoire. Il peut se faire, en effet, que des fabricants aient en fabrication ou en vente des ouvrages qui ne répondent pas 'complètement aux prescriptions nouvelles sans porter d'ailleurs d'indications de nature à tromper ; on accorderait à ces fabricants un moyen de faire admettre en tolérance les ouvrages en question.

Quant à l'art. 10, il a en vue de sauvegarder certains intérêts légitimes qui méritent d'être étudiés spécialement, ce que l'autorité administrative est seule en mesure de faire en tenant compte des conditions nécessairement variables dans lesquelles de telles questions se présentent.

De divers côtés on a aussi demandé que la loi s'occupe de régler le commerce des matières d'or et d'argent (lingots, déchets, etc.). On allègue à cet effet que la police sur le commerce est faite d'une manièi-e
défectueuse par les Cantons ; que des abus nombreux ont été signalés et pas toujours réprimés; que les Cantons qui travaillent les métaux précieux sont exploités par des espèces de commis-voyageurs ayant leur domicile dans d'autres Cantons ou à l'étranger, et sur lesquels, par conséquent, la justice et la police ont peu de prise, etc.

·888 Tous ces motifs ne nous paraissent pas justifier suffisamment l'admission de dispositions spéciales dans une loi fédérale sur le contrôle. En régularisant la question du contrôle, la Confédération rend à l'industrie horlogère et bijoutière un service que les Cantons ne peuvent lui procurer. Mais les Cantons sont assez forts, s'ils le veulent bien, pour contraindre les acheteurs et les vendeurs de lingots, déchets, cendres, balayures, etc., ainsi que les fondeurs et en général tous ceux qui font le commerce des métaux précieux, à se soumettre à certaines règles, à demander certaines autorisations, à tenir certains registres. Il peuvent aussi exercer une surveillance efficace sur les faits et gestes des marchands ambulants.

La difficulté n'est pas de fixer des règles législatives ou autres sur la matière. Plusieurs Cantons, Neuchâtel entre autres, possèdent de fort bonnes dispositions dans leurs lois; il suffirait de les exécuter strictement ou de les compléter, s'il y a lieu, pour mettre fin à la plupart des abus dont on se plaint.

Arrivés au terme de ce message, il nous reste à examiner une dernière question, c'est celle de savoir si la nouvelle tâche qu'on demande à la Confédération d'entreprendre n'entraînera pas pour elle des dépenses plus ou moins élevées. Nous croyons qu'à cet égard on peut, être sans crainte. Le bureau fédéral prévu à l'art. 3 fera très-probablement ses frais, et sera l'organe naturel de surveillance technique sur les autres bureaux; ensorte que si la Confédération venait à être mise à contribution pour quelque chose, ce serait pour une somme à peu près insignifiante. A ce propos, il est utile de rappeler que l'on a mis au budget fédéral une somme annuelle de fr. 8000 pour le contrôle des engrais et semences. Ce qu'on fait pour l'agriculture, il ne serait que juste de le faire aussi pour l'industrie importante dont nous nous occupons, à supposer, ce que nous ne croyons pas, qu'il y eût de notre part quelques frais à supporter pour le contrôle des ouvrages d'or et d'argent.

En vous recommandant l'adoption du projet de loi ci-après dans l'intérêt d'une des industries les plus importantes de la Suisse, nous saisissons cette occasion, Monsieur le Président et Messieurs, pour vous renouveler l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 28 novembre 1879.

· · · · · ·

Au nom du Conseil fédéral suisse, Le Président de la Confédération: HAMMER.

Le Chancelier de la Confédération :

SOHIESS.

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Projet.

Loi fédérale concernant

le contrôle et la garantie du titre des ouvrages d'or et d'argent.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE

de la CONFÉDÉRATION SUISSE, en application des articles 31, lettre c, et 64, de la Constitution fédérale ; vu le message du Conseil fédéral du 28 novembre 1879, arrête : Article 1er. La fabrication des ouvrages d'or et d'argent à tous les titres est autorisée en Suisse, sous réserve des dispositions suivantes : Les ouvrages d'or et d'argent (horlogerie, orfèvrerie et bijouterie) fabriqués ou vendus en Suisse et portant, dans une langue quelconque, en entier ou en abrégé, l'une des indications suivantes ou toute autre correspondante, savoir : pour l'or : 18 karats ou 750 millièmes et au dessus, 14 karats ou 583 millièmes; pour l'argent : 875 millièmes et au dessus, 800 millièmes,

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doivent ótre munis, suivant les prescriptions du règlement fédéral, du poinçon fédéral de contrôle, à moins qu'ils ne portent le poinçon officiel, reconnu équivalent, d'un autre Etat.

Si par la suite le besoin se fait sentir de contrôler d'autres titres, le Conseil fédéral édictera à cet effet les dispositions nécessaires.

Les ouvrages d'or et d'argent à un titre différent de ceux contrôlés officiellement, ne peuvent porter d'antre indication, quant à leur composition ou alliage, que celle de leur titre réel. S'ils portent cette indication, ils doivent en outre être munis de la marque ou signe du producteur, conformément aux prescriptions réglementaires.

Il est accordé, pour les essais, une tolérance de 3 millièmes pour l'or et de 5 millièmes pour l'argent, quel qu'en soit le titre.

Aucune partie des ouvrages d'or et d'argent ne peut être à un titre inférieur à celui poinçonné ou indiqué. Le règlement précisera cette disposition en statuant les exceprtions nécessaires.

Il est interdit d'insculper, sur des ouvrages d'un autre métal ou sur des objets plaqués, des indications tendant à faire croire qu'ils sont composés d'or ou d'argent.

Art. 2. L'organisation des bureaux de contrôle est l'affaire des Cantons, sous réserve des dispositions suivantes : Les essayeurs-jurés doivent avoir un diplôme fédéral.

Ils sont soumis, pour la partie technique de leur art, aux directions et à la surveillance de l'autorité fédérale.

Les bureaux doivent être pourvus d'un nombre suffisant d'essayeurs et d'autres employés, ainsi que des installations et du matériel nécessaires pour les essais, suivant les prescriptions fédérales.

Ils ont l'obligation d'essayer et de poinçonner, dans l'ordre de réception, les ouvrages d'or et d'argent qui leur sont envoyés, de quelque partie de la Suisse qu'ils proviennent.

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Les taxes à percevoir pour les essais et poinçonnements sont fixées par le règlement fédéral. Elles ne peuvent avoir un caractère fiscal.

Les recettes appartiennent aux Cantons, soit aux communes qui ont à subvenir à l'entretien et aux charges des bureaux.

Les bureaux de contrôle sont responsables de leurs essais et poinçonnements et des objets qui leur sont remis.

Art. 3. Il sera institué, à l'Ecole polytechnique suisse, un bureau fédéral de contrôle, spécialement destiné à former des essayeurs-jurés, ainsi qu'à réviser, lorsque la demande lui en sera faite, les essais d'autres bureaux.

Le bureau fédéral pourra aussi être chargé des essais et poinçonnements ordinaires.

Art. 4. Le Département fédéral du Commerce et de l'Agriculture exerce la surveillance réservée à l'autorité fédérale par l'art. 2.

Il fournit aux bureaux de contrôle les poinçons fédéraux, contre remboursement des frais.

Art. 5. Ceux qui auront fabriqué, vendu ou mis en vente des ouvrages d'or on d'argent portant l'indication de titres légaux sans poinçon officiel, auront à payer cinq fois la valeur de la taxe de poinçonnement si l'essai officiel démontre que l'indication n'est pas frauduleuse.

Ceux qui auront fabriqué, vendu ou mis en, vente des ouvrages d'or ou d'argent portant l'indication d'autres titres sans la marque ou signe du producteur, auront à payer une amende de fr. 10, plus un vingtième de la valeur intrinsèque de l'objet si l'essai officiel démontre que l'indication n'est pas frauduleuse.

Dans les deux cas ci-dessus, le total de l'amende ne pourra cependant excéder la somme de fr. 500.

Ceux qui dans un but frauduleux, auront fabriqué, vendu ou mis en vente des objets contrevenant aux dispositions de la présente loi, seront punis suivant les prescriptions des lois pénales des Cantons et, dans tous les cas, d'une amende de fr. 20 à fr. 1000.

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Sont réputées frauduleuses: a. en ce qui concerne les ouvrages d'or ou d'argent: 1° toute indication autre, quant à leur composition on alliage, que celle de leur titre réel, faite soit sur les ouvrages, soit à l'occasion de leur vente on mise en vente; 2° la présence dans un ouvrage de parties à un titre inférieur à celui poinçonné ou indiqué ; b. en ce qui concerne les ouvrages d'un autre métal ou les objets plaqués, toute indication tendant à faire croire qu'ils sont composés d'or on d'argent, faite soit sur les ouvrages, soit à l'occasion de leur vente ou mise en vente.

Art. 6. Toute personne qui aura contrefait, morne d'une manière partielle, les marques officielles, ou qui aura appliqué sciemment les marques contrefaites, ou qui aura dénaturé ou fait dénaturer, dans un but frauduleux, les marques officielles, sera condamnée à un emprisonnement de un mois à une année et à une amende de 100 à 1000 francs.

Toute personne qui, en connaissance de cause, aura fait un usage illicite des poinçons officiels sera condamnée à un emprisonnement de 15 jours à une année et à une amende de 50 à 1000 francs. Si c'est un employé du contrôle, il s'en suivra en outre la destitution et le retrait du diplôme fédéral.

Toute personne attachée à l'administration d'un bureau de contrôle qui copierait ou laisserait copier les ouvrages ·déposés au contrôle sera puni d'une amende de 20 à 200 francs, et s'il y a eu, de sa part dol ou négligence grave, il s'en suivra en outre la destitution et le retrait du diplôme fédéral.

Art. 7. En cas de récidive, la condamnation pénale pourra ótre portée au double de celle prononcée la fois précédente.

Les amendes non payées seront transformées en emprisonnement à raison d'un jour de prison par 3 francs.

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Le produit des amendes et confiscations entre dans les caisses désignées par le Canton.

Art. 8. Les poursuites sont intentées à Ja demande de l'autorité de surveillance locale, cantonale ou fédérale ou ·de la partie lésée.

Les tribunaux ordonneront les perquisitions et mesures ·conservatoires nécessaires. Ils pourront prononcer la confiscation des objets saisis jusqu'à concurrence des dommagesintérêts dûs à la partie lésée et des amendes dues. Ils pourront aussi ordonner aux frais du condamné l'insertion du jugement dans les feuilles publiques.

Dans tous les cas, les faux poinçons seront confisqués et détruits, et les objets portant des insculpations frauduleuses seront coupés.

Art. 9. La présente loi entrera en vigueur le 1er janvier 1880. Elle abrogera, dès cette date, les lois et ordonnances cantonales de même nature.

Dans les quatre mois qui précéderont cette date, les fabricants, orfèvres et bijoutiers pourront faire marquer d'un poinçon ad hoc ou plomber, par les bureaux de contrôle, les ouvrages qui, sans porter d'indications de nature à tromper, ne répondraient pas aux conditions de la pré.sente loi et des règlements d'exécution.

Dès l'entrée en vigueur de la loi, tout ouvrage non plombé ou non marqué de ce poinçon ad hoc sera traité à teneur, des dispositions des articles 1er et 5 à 8 ; toutefois, les objets qui, au moment de la promulgation de la loi, se "trouvent à l'étranger, mais seraient plus tard renvoyés en Suisse, pourront être admis à recevoir le poinçon ad hoc ou le plombage, moyennant la preuve que le détenteur de . cette marchandise était empêché de se conformer à la loi au moment voulu. Cette faculté exceptionnelle prendra fin après un délai de cinq ans dès l'entrée en vigueur de la loi.

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Art. 10. Un arrêté du Conseil fédéral réglera les facilités à accorder aux ouvrages terminés, venant de l'étranger et destinés à être réexportés.

Art. 11. Le Conseil fédéral est chargé de publier la présente loi, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant la votation populaire sur les lois et arrêtés fédéraux.

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Projet.

(Annexe.).

Règlement fédéral concernant

le contrôle et la garantie du titre des ouvrages d'or et d'argent.

LE CONSEIL FÉDÉRAL SUISSE, en exécution de l'art. 3 de la loi fédérale du concernant le contrôle et la garantie du titre des ouvrages d'or et d'argent, arrête :

I. Essais et poinçonnements.

Article 1er. Les poinçons pour le contrôle des différents titres sont les suivants : (On reproduira ici, avec le grossissement nécessaire, les dessins des poinçons qui auront été adoptés.)

Art. 2. Les ouvrages envoyés au bureau de contrôle pour être essayés et contrôlés doivent être classés et séparés par titre. Chaque parti doit être accompagné d'une déclaration signée du producteur, indiquant le nombre et la nature des objets, le poids, le titre et les numéros.

La bijouterie, l'orfèvrerie et toutes pièces sans numéros devront porter la marque du fabricant pour être contrôlées.

896 Art. 3. Les ouvrages d'or et d'argent présentés pour être contrôlés seront essayés dans toutes leurs parties par la conpellation. Pour éviter de les détériorer par la prise d'essai, ils seront apportés entièrement montés, non achevés, mais assez avancés dans leur fabrication pour qu'au finissage les marques insculpées, ainsi que les ouvrages, ne puissent subir aucun changement ni altération.

Une instruction spéciale du Département fédéral du Commerce et de l'Agriculture pourra préciser davantage cette disposition en ayant égard aux différentes catégories d'ouvrages.

Art. 4. Toutes les parties composant un ouvrage d'or ou d'argent doivent être au même titre, quelle que soit la couleur des alliages employés à sa fabrication ou à sa décoration. Sont exceptés les appliques et ornements en platine ou en argent placés extérieurement.

Art. 5. Le poinçon sera appliqué sur toutes les parties essentielles de l'ouvrage, savoir: 1. pour les boites de montre : (t. sur les fonds ; b. sur la cuvette ; c. sur la carrure ; A la demande du fabricant, le poinçon pourra aussi être apposé sur le pendant et la boucle.

Si la cuvette est d'un autre métal que celui poinçonné, elle devra porter en toutes lettres l'indication exacte de ce métal ; 2. pour l'orfèvrerie et la bijouterie, le poinçon sera appliqué sur le corps de l'ouvrage. Cette application se fera dans l'endroit le plus convenable et le plus solide pour supporter l'empreinte du poinçon.

Art. 6. Les ouvrages d'or et d'argent contenant extérieurement des parties à un titre inférieur à celui énoncé

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dans la déclaration (art. 2) seront coupés par l'essayeur-juré en présence d'un délégué de la Commission de surveillance^ sans préjudice aux pénalités prévues par la loi.

Art. 7. Sont déclarés fourrés les ouvrages d'or ou d'argent contenant à l'intérieur des parties à des titres inférieurs, un excès de soudure, des métaux, alliages ou substances étrangères à ceux composant le corps de l'ouvrage.

Les objets présumés fourrés seront coupés par l'essayeurjuré en présence d'un délégué de la Commission de surveillance, sans préjudice aux pénalités prévues par la loi.

Art. 8. Lorsque les ouvrages soumis au poinçonnement sont destinés à un pays qui exige des titres pleins on légèrement supérieurs à ceux fixés par la loi fédérale, c'est art producteur à prendre à cet égard les précautions nécessaires.

Le bureau de contrôle suisse n'encourt aucune responsabilité si, ayant apposé le poinçon fédéral en tenant compte de la tolérance légale, les ouvrages en question étaient ensuite coupés ou refusés par le bureau de contrôle étranger.

Art. 9. Le tai'if pour le poinçonnement est fixé commesuit : 1° pour l'or, à raison de fr. 15 par kilogramme.

2° pour l'argent » » » 5 » » En outre, il est payé pour l'essai : 1° de l'or, fr. 1. 50 jusqu'à concurrence d'un kilogramme, et fr. l par 500 grammes en sus; 2° de l'argent, 80 centimes par kilogramme.

Ces taxes doivent être strictement observées. Cependant,, le Conseil fédéral pourra autoriser une légère élévation en faveur des bureaux qui ne couvriraient pas leurs frais annuels.

La réexpédition des ouvrages doit avoir lieu sans frais d'emballage.

Art. 10. A côté du poinçon officiel, chaque bureau de contrôle appose une marque particulière, fournie parle

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Département fédéral du Commerce et de l'Agriculture et qui établit le droit de recours contre le bureau on question.

II. Organisation des bureaux de contrôle.

Art. 11. Les Cantons règlent ce qui a trait à l'organisation administrative des bureaux de contrôle. Il y aura, dans la règle, une commission de surveillance pour chaque bureau.

Les Cantons doivent pourvoir à ce que des locaux convenables soient mis à la disposition des bureaux, de manière que les employés puissent travailler commodément et que le public n'ait pas accès dans les laboratoires et les bureaux des essayeurs.

Le Département fédéral du Commerce et de l'Agriculture, donne aux Cantons les instructions nécessaires quant aux installations, matériel, registres et formulaires, appareils, outils, produits chimiques, etc., dont "les bureaux de contrôle doivent être pourvus.

Art. 12. Les Cantons doivent accorder l'autorisation d'ouvrir un bureau de contrôle à toute commune ou à toute association de communes qui fournit la preuve qu'elle est en mesure de se conformer strictement à la loi et aux règlements sur la matière, et qui s'engage à supporter le déficit éventuel que le bureau pourrait procurer.

L'autorité fédérale peut s'opposer à l'ouverture ou ordonner la fermeture d'un bureau qui ne serait pas organisé dans des conditions offrant des garanties suffisantes.

Art. 13. Les Cantons soit les communes, qui ont à subvenir à l'entretien et aux charges des bureaux, déterminent librement l'emploi des excédants de recette que les bureaux peuvent produire, toutefois, en affectant ces bénéfices en première ligne à l'amélioration, tant des installations du bureau que du traitement des employés, et à la création d'un fonds de réserve.

899, Art. 14. Les bureaux transmettent chaque trimestre au Département fédéral du Commerce et de l'Agriculture un rapport sur le nombre d'objets contrôlés, sur les recettes -et les dépenses du bureau, ainsi qu'en général sur la manière dont la loi est exécutée dans l'arrondissement industriel pour lequel le bureau travaille principalement.

Art. 15. Le Département fédéral du Commerce et de l'Agriculture a le droit de faire procéder, quand il le .juge convenable, à l'inspection des bureaux de contrôle.

III. Essayeurs-jurés.

Art. 16. Le titre d'essayeur-juré appartient exclusivement aux essayeurs porteurs du diplôme fédéral.

Le diplôme fédéral est délivré à la suite d'examens.

Exceptionnellement, il pourra être délivré sur titre, d'après le préavis conforme de la commission d'examens.

Le Département fédéral du Commerce et de l'Agriculture nomme cette commission et fixe le programme des ·examens.

Les examens n'ont lieu que pour répondre aux besoins des bureaux de contrôle et les frais en sont supportés par le ou les bureaux intéressés.

Les diplômes sont délivrés au nom du Département.

Des autorisations spéciales pour desservir à titre temporaire et sans diplôme un poste d'essayeur, ne peuvent être accordées que par le Département fédéral du Commerce et de l'Agriculture et dans des circonstances tout à fait exceptionnelles.

Art. 17. Les bureaux doivent être pourvus d'un nombre suffisant d'essayeurs et d'autres employés, afin que le service du bureau soit fait convenablement et ne subisse jamais d'interruption.

La nomination des essayeurs et antres employés a lieu -d'après les règles fixées par le Canton.

Feuille fédérale suisse. Année XXXI. Vol. III.

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900

Le Canton détermine également le mode de rétribution des essayeurs et employés, le cautionnement à exiger d'eux, ainsi que les obligations qui leur incombent quant à la durée et à la répartition du travail.

Les essayeurs et employés du contrôle ne peuvent, dans aucun cas, s'occuper du commerce, soit d'ouvrages,, soit de matières d'or et d'argent.

Le Département fédéral du Commerce et de l'Agriculture peut exiger la suspension ou la 'révocation d'un essayeur ou d'un employé qui ne s'acquitterait pas régulièrement de ses fonctions. Dans le cas de négligence grave de la part d'un essayeur-juré, le Département a le droit de lui retirer son diplôme, sous réserve du recours au Conseil fédéral.

Art. 18. Il est expressément interdit aux essayeurs et employés, ainsi qu'aux membres des commissions de surveillance de prendre et de donner des calques, des indications verbales ou écrites, de copier ou laisser copier des types, dessins et décorations des ouvrages envoyés au bureau pour être soit simplement essayés, soit essayés et contrôlés.

IV. Dispositions diverses.

Art. 19. Dans chaque bureau de contrôle sont déposées deux planches métalliques destinées à recevoir, suivant un numéro d'ordre, l'empreinte des marques ou signes distinctifs des producteurs d'ouvrages d'or ou d'argent (art. 1er, 4e alinéa, de la loi). Le Département fédéral du Commerce et de l'Agriculture édictera les dispositions d'après lesquelles ces marques seront admises.

Tout producteur appelé à faire le dépôt de sa marque est tenu de déclarer en même temps son domicile et son industrie. Cette déclaration est consignée sur un registre ad hoc, lequel contient aussi l'indication du numéro d'ordre de l'empreinte.

901

Art. 20. Lorsqu'un bureau de contrôle relève une contravention, il est tenu d'en faire immédiatement rapport à la commission locale, qui en réfère à l'autorité judiciaire cantonale pour qu'il soit donné satisfaction à la loi.

Art. 2l. Les essais dits de commerce (lingots, etc.)

peuvent avoir lieu dans un bureau de contrôle, mais il ne doit pas en résulter de retai d pour les essais et les poinçonnements d'ouvrages d'or et d'argent.

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Message du Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant un projet de loi fédérale sur le contrôle des ouvrages d'or et d'argent. (Du 28 novembre 1879.)

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Bundesblatt

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1879

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54

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06.12.1879

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869-901

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