11.071 Message concernant l'approbation du traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la Suisse et la Colombie du 23 novembre 2011

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'approuver, un projet d'arrêté fédéral concernant le traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la Confédération suisse et la République de Colombie, signé le 27 janvier 2011.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

23 novembre 2011

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2011-1360

8525

Condensé Dans sa lutte contre la criminalité internationale, la Suisse s'emploie à développer le réseau de traités d'entraide judiciaire qu'elle a tissé dans toutes les régions du monde. Le traité conclu avec la République de Colombie, qui est soumis à l'approbation des Chambres fédérales par le présent message, ajoute une maille à ce réseau. La République de Colombie est un partenaire important pour la Suisse, notamment dans la lutte contre le trafic international des stupéfiants.

Point de la situation Dans le sillage de la mondialisation croissante et des développements technologiques dans les domaines des télécommunications et de la transmission des données, la criminalité prend de plus en plus une dimension internationale. Pour être efficace, la lutte contre cette criminalité doit par conséquent s'appuyer sur la collaboration internationale, car un Etat ne parvient plus guère à en maîtriser seul les enjeux. La mise en place d'un réseau mondial d'instruments juridiques dans le domaine de l'entraide judiciaire en matière pénale doit permettre de contrecarrer le déficit de sécurité qui peut en résulter. Le traité conclu avec la Colombie constitue une maille supplémentaire de ce réseau. La Colombie est déjà le septième Etat d'Amérique latine avec lequel la Suisse a mené à bien des négociations dans ce domaine.

Ce pays d'Amérique latine représente pour la Suisse un Etat-clé dans la lutte contre la criminalité internationale liée à la drogue. La conclusion de ce traité d'entraide contribue par conséquent grandement à l'efficacité de cette lutte. Celle-ci inclut d'autres infractions également, telles que la criminalité organisée, le blanchiment d'argent, la corruption ou le terrorisme.

Teneur du traité Cet instrument établit une base de droit international public permettant aux autorités judiciaires des deux Etats de coopérer dans la recherche et la poursuite des infractions. Il s'inscrit dans la droite ligne des traités d'entraide conclus récemment par la Suisse. A l'instar de ces accords, il reprend les principes fondamentaux de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ; RS 0.351.1) et de la loi sur l'entraide pénale internationale (EIMP; RS 351.1), lesquels sont complétés par des dispositions tirées d'accords du Conseil de l'Europe et de l'ONU pertinents dans ce domaine. Le traité intègre les développements récents intervenus dans l'entraide judiciaire en matière pénale.

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Il règle notamment la notification d'actes de procédure, la transmission de moyens de preuve, la remise d'objets et de valeurs confisqués ou encore la déposition de témoins. Les dispositions régissant la désignation d'autorités centrales et la dispense de légalisation ainsi que l'énumération des exigences auxquelles doit satisfaire une demande d'entraide ont toutes pour objet de simplifier et d'accélérer la procédure. Le traité autorise en outre les livraisons surveillées et statue le partage de valeurs confisquées. Précisons enfin que différentes dispositions accordent une importance toute particulière aux droits de l'homme.

Le traité n'exige aucune modification du droit en vigueur.

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Table des matières Condensé

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1 Présentation du projet 1.1 Contexte 1.2 Déroulement et résultats des négociations 1.3 Aperçu du contenu du traité 1.4 Appréciation du traité

8529 8529 8530 8530 8531

2 Commentaire

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3 Conséquences 3.1 Conséquences pour les finances et le personnel de la Confédération et des cantons 3.2 Conséquences économiques

8543 8543 8544

4 Liens avec le programme de la législature

8544

5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité et forme 5.2 Procédure de consultation

8544 8544 8545

Arrêté fédéral portant approbation du traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la Suisse et la Colombie (Projet)

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Traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la Confédération suisse et la République de Colombie

8549

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Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

Par le passé, la Colombie a demandé à réitérées reprises à la Suisse d'engager avec elle des négociations en vue de la conclusion d'un traité d'entraide judiciaire en matière pénale. En 2006, la Suisse s'est finalement déclarée disposée à engager des négociations dans ce but. Les raisons qui ont déterminé ce choix étaient les suivantes: la Colombie constitue pour la Suisse un important partenaire dans la lutte contre le trafic international des stupéfiants, d'où l'importance éminente de conclure avec elle un instrument de droit international propre à accroître l'efficacité de la lutte contre la criminalité. La propension des deux Parties à conclure un tel instrument découlait du constat suivant: la lutte contre l'internationalisation croissante du crime constitue un défi que les Etats sont de moins en moins en mesure de relever seuls. La Suisse et la Colombie ont d'ores et déjà instauré une coopération régulière entre leurs polices, notamment en matière de lutte contre le trafic international de stupéfiants1. Aussi, la conclusion d'un traité bilatéral visant à rendre plus efficace la coopération des autorités judiciaires dans la répression de la criminalité internationale en mettant à leur disposition les instruments nécessaires à cette fin, apparaît-elle comme la suite logique de la collaboration existant entre les polices. La négociation d'un traité d'entraide judiciaire en matière pénale avec la Colombie fait aussi partie intégrante de la stratégie suivie par la Suisse ces dernières années: soucieuse d'accroître l'efficacité de la lutte contre le crime, notamment dans le but de renforcer sa sécurité intérieure, la Suisse s'est tournée essentiellement vers l'Amérique latine, concluant avec un nombre non négligeable d'Etats de cette région des traités d'entraide judiciaire en matière pénale2.

Par ailleurs, un tour d'horizon des relations aussi nombreuses que diverses existant déjà entre la Suisse et la Colombie, a amené les deux Parties à constater que l'engagement de négociations en vue de la conclusion d'un traité d'entraide judiciaire s'imposait comme une évidence. Ces négociations ont du reste été expressément souhaitées et soutenues par les milieux diplomatiques suisses. On notera qu'à l'époque la Suisse avait également fait valoir son intérêt à la conclusion d'un accord en matière de
protection des investissements et d'une convention contre les doubles impositions3.

Pour tenir compte de la situation assez difficile qui continue de régner en Colombie, la Suisse a voulu se montrer, durant les négociations, intransigeante s'agissant des clauses du traité qui avaient trait aux droits de l'homme et tendaient à garantir le respect de ceux-ci.

1 2

3

Les compétences de l'officier de liaison détaché par la Suisse au Brésil s'étendent à la Colombie.

Traités d'entraide judiciaire avec le Pérou (RS 0.351.964.1), l'Equateur (RS 0.351.932.7), le Brésil (RS 0.351.919.81), le Mexique (RS 0.351.956.3), le Chili (FF 2008 103) et l'Argentine (FF 2011 583).

Des accords ont depuis été conclus dans ces deux domaines. L'accord concernant la promotion et la protection réciproque des investissements (RS 0.975.226.3) tout comme la convention en vue d'éviter les doubles impositions (RS 0.672.926.31) sont entrés en vigueur.

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1.2

Déroulement et résultats des négociations

Une première session de négociations s'est déroulée en Colombie en juin 2007. Elle faisait suite aux premiers entretiens exploratoires qui ont eu lieu en mai 2006. Les deux Parties ont négocié sur la base d'un texte s'inspirant des instruments bilatéraux conclus jusqu'alors par la Suisse dans le domaine de l'entraide judiciaire en matière pénale, ce qui peut être qualifié de succès; a fortiori, lorsque l'on sait qu'antérieurement aux négociations, la Colombie avait transmis à la Suisse son propre projet s'inspirant fortement du droit anglo-américain. Au cours de la première session, divers points de divergence sont apparus qu'il n'a pas été possible d'éliminer dans l'immédiat ou qui nécessitaient un examen plus approfondi de la part des deux Etats4, de sorte qu'il a fallu organiser une seconde session de négociations. Elle s'est déroulée en Suisse en février 2008. Elle a permis d'éliminer les divergences et a débouché le 28 février 2008 sur un texte finalisé agréé par les deux Parties.

Approuvé par le Conseil fédéral le 22 décembre 2010, le traité d'entraide judiciaire a été signé le 27 janvier 2011 par la présidente de la Confédération, Micheline CalmyRey, et par le président colombien, Juan Manuel Santos Calderón, en marge du Forum économique mondial de Davos.

1.3

Aperçu du contenu du traité

Le traité d'entraide judiciaire conclu entre la Confédération suisse et la République de Colombie établit une base de droit international public permettant aux autorités judiciaires des deux Etats de coopérer dans la recherche et la poursuite des infractions. Les Parties contractantes s'engagent à s'accorder, dans les limites fixées par le traité, l'entraide judiciaire la plus large possible, dans toute enquête et procédure pénale. Jusqu'ici, la Suisse ne pouvait accorder l'entraide aux autorités colombiennes que sur la base et dans les limites de sa législation nationale.

Le traité s'inspire des instruments conclus par la Suisse dans le domaine de l'entraide pénale internationale, notamment ceux qui la lient à plusieurs Etats d'Amérique latine5. A l'instar de ces derniers, il reprend les principes essentiels consacrés par la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 (CEEJ)6 et par la loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale (EIMP)7. Enfin, il prend en compte les derniers développements intervenus dans le domaine de l'entraide judiciaire, tels qu'ils apparaissent notamment dans le deuxième protocole additionnel du 8 novembre 2001 à la CEEJ8.

Les dispositions suivantes méritent d'être détaillées: ­

4 5

6 7 8

Dès le préambule, puis dans les dispositions matérielles du traité, il est expressément question des droits de l'homme. Les deux Etats expriment leur Il s'agissait entre autres des mesures provisoires, de la restitution d'objets et de valeurs, du partage de valeurs confisquées et des exigences liées aux livraisons surveillées.

Traités d'entraide judiciaire avec le Pérou (RS 0.351.964.1), l'Equateur (RS 0.351.932.7), le Brésil (RS 0.351.919.81), le Mexique (RS 0.351.956.3), le Chili (FF 2008 103) et l'Argentine (FF 2011 583).

RS 0.351.1 RS 351.1 RS 0.351.12

8530

volonté de tenir compte, lors de la mise en oeuvre du traité, des principes statués dans les conventions internationales relatives aux droits de l'homme (préambule). En outre, parmi les motifs de refuser l'entraide judiciaire (art. 4) figure la crainte sérieuse d'une violation des droits de l'homme (par. 1, let. d et f à h).

­

La collaboration prévue par le traité peut aussi être refusée si la demande d'entraide se rapporte à une infraction considérée comme un délit politique, tombant sous le coup de la législation militaire ou relevant de la fiscalité (art. 4, par. 1, let. a à c).

­

Sur demande expresse de l'Etat requérant, des mesures provisoires peuvent être ordonnées par l'Etat requis en vue de maintenir une situation existante, de protéger des intérêts juridiques menacés ou de mettre en sûreté des éléments de preuve (art. 8).

­

Les objets et valeurs qui ont été saisis par mesure de sûreté peuvent être restitués à l'Etat requérant en vue de leur confiscation ou de leur remise à l'ayant droit (art. 13).

­

Le traité prévoit explicitement le partage des valeurs confisquées dans le cadre d'une procédure d'entraide judiciaire soulignant qu'il s'agit-là d'un moyen de rendre plus efficace la coopération entre les Parties (sharing; art. 14).

­

Les autorités d'une Partie peuvent ordonner des livraisons surveillées en réponse à une demande d'entraide judiciaire de l'autre Partie pour assurer la surveillance et une meilleure traçabilité des envois interdits ou suspects (art. 23). Cette méthode d'enquête s'est avérée judicieuse tout spécialement dans la lutte contre la criminalité internationale liée à la drogue.

­

Les demandes d'entraide judiciaire transitent par une autorité centrale dans chacun des Etats parties (art. 25). Cette disposition vise à faciliter et à accélérer notamment la complémentation ou la rectification de demandes lacunaires ou viciées. L'énumération détaillée des exigences auxquelles doit satisfaire une demande (art. 27) doit permettre de limiter autant que faire se peut les cas où une demande doit être retournée à l'Etat requérant pour être complétée ou rectifiée.

­

Les dossiers et documents afférant aux demandes ne requièrent aucune formalité spécifique ni ne doivent être authentifiés (art. 29). Cette simplification de la procédure devrait permettre d'accélérer considérablement le déroulement de l'entraide judiciaire bilatérale.

1.4

Appréciation du traité

Le projet de traité doit être considéré dans le cadre de la politique suisse visant à étendre le réseau d'accords bilatéraux régissant la coopération internationale en matière pénale afin d'améliorer la lutte contre la criminalité et partant de renforcer la sécurité intérieure. Il s'agit d'empêcher que la Suisse ne se transforme en plaque tournante du crime organisé, où les criminels trouveraient refuge en toute impunité.

Le traité s'inscrit dans la droite ligne des traités d'entraide judiciaire déjà conclus par la Suisse. Il repose sur les principes du droit suisse en la matière; ainsi, certaines 8531

dispositions de l'EIMP y ont été reprises, formant une base de droit international public reconnue au même titre par les deux Parties. Différentes réglementations permettent ainsi de simplifier et d'accélérer la procédure d'entraide judiciaire. Par l'inclusion de dispositions nouvelles, par exemple au sujet des livraisons surveillées ou du partage des valeurs confisquées (sharing), le traité tient compte des évolutions les plus récentes dans le domaine de l'entraide judiciaire internationale en matière pénale.

Il s'agit d'un instrument moderne et efficace, qui répond aux exigences de la pratique. Par ses dispositions visant à améliorer la collaboration entre les autorités de justice pénale des deux Etats, il assoit les bases d'une lutte renforcée contre le crime.

En outre, la délégation suisse a réussi à intégrer dans le traité des préoccupations essentielles de la Suisse dans le domaine des droits de l'homme. Les Parties y affirment ainsi expressément leur volonté d'appliquer les dispositions en tenant compte des conventions internationales relatives aux droits de l'homme et dans l'intention de coopérer bilatéralement en vue de les promouvoir. Qui plus est, il est prévu dans les motifs de refus que l'Etat requis peut décliner une demande d'entraide si la personne poursuivie risque des violations des droits de l'homme dans l'Etat requérant.

Le traité n'exige aucune adaptation du droit suisse.

2

Commentaire

Art. 1

Obligation d'accorder l'entraide judiciaire en matière pénale

L'art. 1 oblige les Etats contractants, sur la base du droit international public, à s'accorder l'entraide judiciaire en matière pénale la plus large possible. Une demande d'entraide doit par conséquent être exécutée dans le cadre du traité s'il n'y a pas de motif d'inapplicabilité (art. 3) ou de refus (art. 4).

Art. 2

Etendue de l'entraide

L'art. 2 énumère les mesures d'entraide envisageables. Il s'agit en l'occurrence de mesures classiques en la matière, qui sont déjà bien établies dans la législation suisse. La localisation et l'identification de personnes, que la Colombie a fait inscrire à la let. f, n'est pas non plus inconnue à la Suisse: une telle disposition est intégrée dans les traités bilatéraux d'entraide judiciaire conclus avec les Etats-Unis9, l'Australie10 et le Canada11. Il convient de distinguer clairement une telle localisation des cas d'inapplicabilité visés à l'art. 3, lequel exclut explicitement l'arrestation ou la détention de personnes poursuivies ou condamnées pénalement ou la recherche de ces personnes en vue de leur extradition.

Une clause prévoit que des mesures autres que celles qui sont explicitement énumérées peuvent être ordonnées (let. k), à condition qu'elles soient conformes aux objec9 10 11

Traité du 25 mai 1973 entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale (RS 0.351.933.6); art. 1, par. 4, let. a.

Traité du 25 nov. 1991 entre la Suisse et l'Australie sur l'entraide judiciaire en matière pénale (RS 0.351.915.8); art. 1, par. 2, let. c.

Traité d'entraide judiciaire en matière pénale du 7 oct. 1993 entre la Suisse et le Canada (RS 0.351.923.2); art. 1, par. 3, let. a.

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tifs du traité et compatibles avec le droit de l'Etat requis. Cette disposition permet de faire preuve de souplesse dans le cas particulier, de répondre à des besoins spécifiques et d'intégrer de futures évolutions.

Art. 3

Inapplicabilité

Le champ d'application du traité exclut non seulement la recherche, l'arrestation et la détention d'une personne poursuivie ou condamnée pénalement en vue de son extradition (let. a), mais encore l'exécution de jugements pénaux, y compris le transfèrement de personnes condamnées (let. b). Il s'agit là d'une délimitation classique du champ d'application d'un traité d'entraide judiciaire.

Art. 4

Motifs de refuser ou de différer l'entraide judiciaire

Le par. 1 énumère les motifs qui peuvent justifier le refus de l'entraide judiciaire ou l'ajournement des mesures demandées. La liste contient des motifs de refus classiques, lesquels sont présentés sous la forme potestative afin de garantir l'entraide judiciaire la plus large possible et de conserver une certaine marge d'action face à l'évolution du droit. Lorsque, dans un cas d'espèce, il existe un motif de refus au sens du traité, l'Etat requis détermine, à la lumière de son droit interne, s'il convient de rejeter la demande d'entraide. Pour la Suisse, ce sont spécialement les dispositions des art. 1a, 2, 3 et 5 EIMP qui sont pertinentes.

Les motifs de refus que peut faire valoir l'Etat requis sont les suivants:

12

­

Il n'y a pas d'obligation d'accorder l'entraide si la procédure pénale ouverte à l'étranger se rapporte à une infraction politique ou militaire (let. a et b).

­

L'Etat requis n'est pas tenu non plus d'accorder l'entraide si la demande concerne une infraction fiscale (let. c). Il convient de souligner la forme potestative utilisée dans cette disposition, par laquelle la délégation suisse tenait à prendre en compte la future évolution de la politique de notre pays en matière fiscale. La formulation retenue est suffisamment large pour assurer la souplesse nécessaire dans l'application de ce traité bilatéral; elle serait compatible avec les éventuels développements dans le domaine de la coopération fiscale que le législateur pourrait décider d'inclure ultérieurement dans le droit national.

­

L'entraide judiciaire pourra également être refusée si l'Etat requis estime que l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels (let. d).

Selon la conception juridique suisse, la notion d'ordre public couvre également le respect des droits fondamentaux, dont font notamment partie le droit à la vie, l'interdiction de la torture ou de tout autre traitement ou peine cruel, inhumain ou dégradant et les garanties élémentaires de procédure. Au niveau mondial, ces garanties sont en particulier statuées par le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II)12.

­

L'entraide pourra également être refusée si la demande vise des faits pour lesquels la personne prévenue a été acquittée ou condamnée par l'Etat requis, à condition que la sanction éventuellement prononcée soit en cours RS 0.103.2

8533

d'exécution ou ait déjà été exécutée (let. e). Ce motif de refus découle du principe ne bis in idem, selon lequel nul ne peut être poursuivi pénalement deux fois pour les mêmes faits.

­

L'Etat requis peut invoquer différents motifs de refus s'il craint des violations des droits de l'homme. Outre l'atteinte à l'ordre public susmentionnée, il peut également refuser l'entraide s'il existe des raisons sérieuses de croire que la demande a été déposée dans le but de poursuivre ou de punir une personne pour des raisons liées à sa race, à son sexe, à sa religion, à son origine ethnique ou à ses opinions politiques ou que faire droit à la demande porterait préjudice à la personne concernée pour ces mêmes motifs (let. f). Un autre motif de refus a été prévu pour le cas où la procédure pénale menée à l'étranger ne respecterait pas des garanties statuées par les instruments internationaux en matière de protection des droits de l'homme, en particulier le Pacte ONU II, auquel tant la Colombie que la Suisse sont Parties (let. g).

L'entraide judiciaire peut enfin être refusée si la demande concerne une infraction pour laquelle la peine de mort est prévue selon le droit de l'Etat requérant et que ce dernier n'a pas donné à l'Etat requis des assurances suffisantes que la peine de mort ne sera pas prononcée ou, si elle l'est, qu'elle ne sera pas exécutée (let. h)13.

Le par. 2 donne à l'Etat requis la faculté de différer l'entraide judiciaire lorsque l'exécution de la demande serait préjudiciable à une procédure pénale en cours dans cet Etat. Si, dans le cadre d'une procédure d'entraide judiciaire, l'Etat requérant demandait par exemple la remise de moyens de preuve dont l'Etat requis a besoin dans le cadre d'une procédure pénale conduite sur son territoire, ce dernier Etat pourrait surseoir à la remise jusqu'à ce que cette procédure soit close.

Les par. 3 et 4 règlent la procédure à suivre lorsque l'Etat requis entend refuser ou différer l'entraide judiciaire. En pareil cas, l'Etat requis est tenu d'informer l'Etat requérant des motifs de sa décision (par. 3, let. a). Simultanément, il doit examiner si l'entraide judiciaire peut néanmoins être accordée aux conditions qu'il estime nécessaires. La précision selon laquelle l'Etat requérant devra respecter ces conditions va en fait de soi (par. 3, let. b). Tout refus total ou partiel de l'entraide judiciaire doit être motivé (par. 4).

Art. 5

Droit applicable

Le par. 1 consacre le principe selon lequel les demandes sont exécutées conformément au droit de l'Etat requis. En Suisse, elles le seront conformément à l'EIMP et au droit procédural déterminant, en particulier du code de procédure pénale14.

Le par. 2 permet de déroger au principe susmentionné: l'Etat requérant peut expressément exiger que la demande d'entraide judiciaire soit exécutée selon une procédure particulière; l'Etat requis ne doit donner suite à cette exigence que si son droit national ne s'y oppose pas. Cette disposition a pour but d'éviter que l'Etat requérant ne puisse pas utiliser des informations obtenues dans le cadre de l'entraide judiciaire 13

14

Cette disposition n'est actuellement pas pertinente en ce qui concerne la Colombie, celleci ayant aboli la peine de mort dès 1910 pour tous les délits. Elle est toutefois maintenue afin de s'assurer contre d'éventuelles modifications du droit dans ce domaine et pour mettre en exergue les principes humanitaires que poursuit la Suisse dans sa politique extérieure en rapport avec l'abolition de la peine de mort.

RS 312.0

8534

comme moyens de preuve dans sa procédure pénale, pour le motif qu'une procédure exigée par son droit n'a pas été prise en compte.

Une disposition similaire figure à l'art. 65 EIMP et à l'art. 8 du deuxième protocole additionnel à la CEEJ.

Art. 6 et 7

Double incrimination; mesures de contrainte

S'agissant de l'exigence de la double incrimination, l'art. 6 arrête clairement que l'entraide doit d'une manière générale être accordée également lorsque les faits auxquels se rapportent la procédure dans l'Etat requérant ne constituent pas une infraction dans l'Etat requis. Il est entendu que cette réglementation ne vaut qu'à condition qu'il n'y ait pas de motifs d'inapplicabilité ou de refus selon les art. 3 et 4 respectivement. Elle a été inscrite dans le traité à la demande expresse de la Colombie, par souci de clarté et de transparence. Elle correspond aux dispositions du droit suisse en vigueur15. Les mesures de contrainte constituent une exception importante à cette renonciation à la double incrimination. En effet, lorsque l'exécution d'une demande d'entraide implique le recours à de telles mesures, l'Etat requis ne renonce pas à l'exigence de la double incrimination.

L'art. 7 arrête explicitement qu'une demande d'entraide judiciaire dont l'exécution implique des mesures de contrainte peut être refusée si les faits qui sont à l'origine de la demande ne sont pas punissables dans les deux Etats contractants (par. 1). La Suisse ne peut ordonner des mesures de contrainte que si les faits donnant lieu à poursuite pénale correspondent aux éléments objectifs d'une infraction réprimée par le droit suisse. La règle selon laquelle toute mesure coercitive exige préalablement la double punissabilité de l'infraction pour laquelle l'entraide est demandée est une règle-clef du droit suisse en matière d'entraide judiciaire. Elle découle de l'art. 64 EIMP16 et de la déclaration de la Suisse relative à l'art. 5, par. 1, de la CEEJ.

La Colombie a demandé, par souci de clarté, à inclure dans le traité une liste illustrant ce qu'il faut entendre par mesures de contrainte (par. 2). Cette liste correspond à ce que la Suisse conçoit comme des mesures coercitives. Une énumération analogue se trouve dans l'accord entre la Suisse et l'Italie en vue de compléter la CEEJ17 et dans le traité d'entraide judiciaire conclu avec le Chili18.

Art. 8

Mesures provisoires

Un Etat contractant peut exiger de l'autre que soient ordonnées des mesures provisoires en vue de maintenir une situation existante, de protéger des intérêts juridiques menacés ou de préserver des moyens de preuve. L'autorité compétente de l'Etat 15

16

17

18

Art. 64, al. 1, EIMP et déclaration de la Suisse relative à l'art. 5, par. 1, de la Convention européenne d'entraide judiciaire e contrario; voir notamment arrêts du Tribunal fédéral 1C_138/2007 du 17 juillet 2007, consid. 2.3.2, et 1A.69/2006 du 28 juillet 2006, consid. 2.1.2.

L'art. 64, al. 2, EIMP prévoit deux exceptions en présence desquelles des mesures de contraintes peuvent être ordonnées même si l'acte n'est pas puni par les deux Etats. Il s'agit de mesures qui tendent à disculper la personne poursuivie ou à poursuivre un acte d'ordre sexuel avec des mineurs.

Art. X, par. 2, de l'accord du 10 sept. 1998 entre la Suisse et l'Italie en vue de compléter la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et d'en faciliter l'application (RS 0.351.945.41).

Art. 5, par. 2, du traité d'entraide judiciaire en matière pénale du 24 nov. 2006 entre la Suisse et le Chili (FF 2008 103).

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requis ordonne des mesures provisoires, telles que le blocage de comptes bancaires, si la procédure à laquelle se rapporte la demande ne semble pas manifestement inadmissible ou inopportune en vertu du droit interne. Il ne doit y avoir aucun motif évident de refuser l'entraide, et la mesure doit être conforme au principe de la proportionnalité19. Cette réglementation s'appuie sur l'art. 18, al. 1, EIMP et son principe est inscrit également à l'art. 24 du deuxième protocole additionnel à la CEEJ.

Il n'a pas été possible d'inclure une disposition permettant d'ordonner, en cas de péril imminent et sous certaines conditions, des mesures provisoires avant même le dépôt de la demande d'entraide formelle. Contrairement au droit en vigueur en Suisse, le droit colombien n'autorise les mesures provisoires que lorsque la demande correspondante a été effectivement déposée et non pas déjà après qu'elle a été annoncée.

Art. 9

Présence de personnes participant à la procédure

Cette disposition permet aux personnes qui participent à une procédure ouverte dans l'Etat requérant (par ex. un juge d'instruction, un procureur ou un défenseur) d'assister à l'exécution de la demande d'entraide dans l'Etat requis. Encore faut-il que l'Etat requis y ait consenti expressément. Une disposition analogue figure à l'art. 4 CEEJ.

En Suisse, la mise en oeuvre de cette disposition est régie par l'art. 65a EIMP. La présence de personnes qui participent à la procédure ouverte à l'étranger, lors d'actes d'entraide, ne doit pas déboucher sur une participation active de ces personnes à la procédure d'entraide dans l'Etat requis ni avoir pour conséquence que des faits ressortissant au domaine secret soient prématurément portés à leur connaissance. Il incombe au juge chargé d'exécuter la demande d'entraide de diriger la procédure. Il doit en particulier prendre les mesures appropriées, en fonction des circonstances, pour empêcher que des informations ainsi obtenues ne soient utilisées de façon anticipée ou illicite dans une procédure étrangère20. L'association de personnes étrangères à la procédure ne doit pas revenir de facto à contourner la procédure d'entraide judiciaire.

Art. 10

Dépositions de témoins sur le territoire de l'Etat requis

Cette disposition définit la procédure à suivre lorsqu'une personne doit être entendue en qualité de témoin sur le territoire de l'Etat requis. L'audition est régie par le droit de cet Etat. S'agissant du droit de refuser de témoigner, la personne concernée peut invoquer le droit aussi bien de l'Etat requis que de l'Etat requérant (par. 1). Si le témoin refuse la déposition en invoquant le droit de l'Etat requérant, les autorités de ce dernier doivent arrêter une décision dûment motivée statuant sur la licéité du refus de déposer, décision qu'ils communiquent aux autorités de l'Etat requis (par. 2). En tout état de cause, la personne qui fait valoir le droit de refuser de témoigner n'encourt aucune sanction légale (par. 3).

19 20

Voir ATF 130 II 329, consid. 3 ss.

Jugement du Tribunal fédéral 1A.259/2005 du 15 nov. 2005, consid. 1.2, et les références citées.

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Art. 11 et 12

Remise d'objets, de documents, de dossiers ou d'éléments de preuve, de dossiers de tribunaux ou d'instruction

L'art. 11 touche à ce qui constitue le coeur même de l'entraide judiciaire. L'Etat requis remet à l'Etat requérant les documents, dossiers, objets ou éléments de preuve dont celui-ci a demandé la production pour les besoins d'une procédure pénale. Les modalités de la remise correspondent en substance à la réglementation figurant à l'art. 74 EIMP.

L'art. 12 précise que, sur demande, des actes de tribunaux ou d'instruction doivent également être mis à disposition, si ces pièces sont nécessaires à l'exécution d'une procédure judiciaire. Toutefois, ces actes ne peuvent être remis que s'ils se rapportent à une procédure close. S'ils se rapportent à une procédure pendante, l'autorité compétente de l'Etat requis décide si la remise est néanmoins admissible.

Art. 13

Restitution d'objets et de valeurs

Dans le cadre de la lutte contre la criminalité internationale, il est capital non seulement de pouvoir transmettre des moyens de preuve en vue de la poursuite des auteurs d'infractions, mais encore de soustraire à leur possession les objets ou valeurs acquis délictueusement. La remise des biens provenant de l'infraction constitue en effet un autre volet essentiel de l'entraide judiciaire, qui vient s'ajouter à la transmission d'éléments de preuve au sens des art. 11 et 12. La réglementation prévue est en harmonie avec l'art. 74a EIMP.

Le par. 1 constitue la base juridique permettant à l'Etat requis de remettre à l'Etat requérant les biens saisis provenant d'une infraction en vue de leur restitution à l'ayant droit ou de leur confiscation. La disposition s'applique aussi bien aux instruments qu'aux produits de l'infraction, lesquels englobent également d'éventuelles valeurs de remplacement. Avant que la restitution n'ait lieu, il importe de satisfaire les tiers qui feraient valoir de bonne foi des droits sur les objets ou valeurs séquestrés.

Le par. 2 prévoit que la restitution n'est généralement possible que si l'Etat requérant produit une décision de confiscation définitive et exécutoire. Dans des cas exceptionnels, l'Etat requis peut cependant déroger à cette norme et restituer les objets et les valeurs à un stade antérieur de la procédure. Cette manière de procéder peut se justifier lorsqu'il existe des indices qui donnent clairement à penser que les objets et valeurs saisis ont été acquis délictueusement et que ceux-ci peuvent être attribués sans réserve à une personne ou à un groupe de personnes déterminés. En pareil cas, la jurisprudence du Tribunal fédéral établit qu'il n'est pas indiqué que la Suisse attende la clôture de la procédure pénale pour restituer à l'Etat requérant les biens provenant de l'infraction21.

Art. 14

Partage de valeurs confisquées

Le partage des valeurs confisquées entre les Etats requis et requérant est de plus en plus admis comme moyen d'améliorer l'efficacité de la collaboration. La participation au fruit d'une procédure de confiscation doit encourager l'Etat coopérant à garantir un soutien efficace à l'avenir également.

21

ATF 131 II 169, consid. 6 (entraide judiciaire avec le Nigeria).

8537

Le par. 1 arrête le principe du partage des valeurs confisquées. Un accord régissant les modalités du partage ­ telles que les conditions ou la clé de répartition (par. 2) ­ est conclu dans chaque cas particulier. Cette réglementation correspond aux exigences formulées dans les art. 11 à 13 de la loi fédérale du 19 mars 2004 sur le partage des valeurs patrimoniales confisquées22.

Art. 15

Utilisation restreinte de renseignements, de documents et d'objets

L'art. 15 définit la règle de la spécialité, à laquelle la Suisse attache une grande importance. Il précise l'utilisation qui peut être faite dans l'Etat requérant des informations et des moyens de preuve obtenus par voie d'entraide.

Le par. 1 précise la portée de ladite règle: les informations et moyens de preuve obtenus par voie d'entraide judiciaire ne peuvent, dans l'Etat requérant, être utilisés que dans des procédures pénales relatives aux poursuites d'infractions pour lesquelles l'entraide judiciaire peut être accordée. En conséquence, tant que la collaboration de la Suisse se limite en matière fiscale aux escroqueries, la Colombie n'a pas le droit d'utiliser les informations obtenues de la Suisse pour d'autres délits fiscaux23.

L'interdiction d'exploiter les informations transmises s'applique également aux faits qualifiés d'infractions politiques ou militaires.

L'Etat requérant doit solliciter le consentement de l'Etat requis s'il entend utiliser les pièces obtenues à la faveur de l'entraide à des fins autres ou dans le cadre d'une procédure autre que celles qui avaient donné lieu à la demande (par. 2). En Suisse, l'autorité compétente pour donner ce consentement est l'Office fédéral de la justice.

Ce paragraphe énumère exhaustivement (let. a à c) les trois cas-types dans lesquels l'Etat requérant peut se dispenser de demander ce consentement. Il s'agit de situations où les informations, documents ou objets transmis sont utilisés dans le cadre d'une procédure qui se trouve en étroite relation avec la procédure pénale pour laquelle l'entraide judiciaire a été accordée et qui concerne des délits pour lesquels l'entraide est admissible.

Art. 16 à 20

Notification d'actes de procédure et de décisions judiciaires; comparution de témoins ou d'experts sur le territoire de l'Etat requérant

Ces dispositions sont, dans une large mesure, reprises de la CEEJ (art. 7 à 10 et 12).

Toutefois, elles s'en écartent sur les points qui suivent.

Art. 16

Notification d'actes de procédure et de décisions judiciaires

La demande tendant à la notification d'une citation à comparaître d'une personne faisant l'objet de poursuites pénales dans l'Etat requérant et se trouvant sur le territoire de l'Etat requis doit parvenir à l'autorité centrale de cet Etat au plus tard 45 jours avant la date fixée pour la comparution (par. 4). Dans le cadre de l'entraide judiciaire entre Etats parties à la CEEJ, celle-ci prévoit un délai de 30 jours24, délai

22 23 24

RS 312.4 Cf. art. 3, al. 3, EIMP.

Cf. la déclaration formulée par la Suisse à propos de l'art. 7, par. 3, CEEJ (RS 0.351.1).

8538

qui s'est révélé trop court lorsque la demande de notification émane d'Etats extraeuropéens25.

Art. 20

Sauf-conduit

En vertu des par. 1 et 2, en relation avec le par. 4, la personne citée à comparaître jouit, pendant 30 jours, sur le territoire de l'Etat requérant, d'une immunité contre toute poursuite ou restriction de sa liberté individuelle pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ de l'Etat requis. Si elle a été citée à comparaître dans l'Etat requérant pour répondre pénalement de faits qui lui sont reprochés, cette protection se limite aux faits et aux condamnations antérieurs à son départ de l'Etat requis et qui ne sont pas visés par la citation. Le délai de 30 jours est plus long que celui qui est prévu dans les relations avec les Etats européens (15 jours), ce qui correspond aux modalités prévues dans différents traités d'entraide judiciaire avec des Etats extra-européens26.

La disposition sur le sauf-conduit a été complétée dans le but de protéger la personne citée à comparaître: dans l'Etat requérant, celle-ci ne peut être incitée à témoigner en qualité d'accusé, de témoin ou d'expert dans une procédure autre que celle qui est visée par la demande d'entraide. Un témoignage dans le cadre d'une autre procédure requiert son consentement écrit (par. 3). Une disposition analogue a déjà été inscrite dans le traité d'entraide judiciaire avec le Mexique27.

Art. 21

Etendue du témoignage dans l'Etat requérant

Cette disposition, qui est le pendant de l'art. 10, règle le cas du témoin qui, résidant sur le territoire de l'Etat requis, doit être entendu dans l'Etat requérant. Le par. 1 dispose que la personne qui comparaît à titre de témoin sur le territoire de l'Etat requérant à la suite d'une citation est tenue de témoigner ou de produire des moyens de preuve à moins qu'elle ne jouisse du droit de refuser de témoigner en vertu de la législation de l'un des Etats contractants.

Le par. 2 a trait aux modalités de l'audition de témoins.

Art. 22

Remise temporaire de personnes détenues

Cette disposition, qui s'inspire de l'art. 11 CEEJ, est complétée par un par. 4 qui règle l'imputation de la détention subie dans l'Etat requérant. Ajoutée dans l'intérêt de la personne remise, elle oblige l'Etat requis à prendre en compte la détention que celle-ci a subie sur le territoire de l'Etat requérant et à en imputer la durée sur celle de la peine. On retrouve des clauses de même teneur dans d'autres traités bilatéraux d'entraide judiciaire conclus par la Suisse28.

25

26

27 28

Cf. les traités d'entraide judiciaire conclus par exemple avec le Brésil (RS 0.351.919.81; art. 14, par. 4), le Mexique (RS 0.351.956.3; art. 15, par. 4) ou l'Argentine (FF 2011 583; art. 14, par. 4) Cf. par ex. l'art. 18, par. 4, du traité d'entraide judiciaire conclu avec le Mexique (RS 0.351.956.3) ou l'art. 18, par. 3, de ceux qui ont été conclus avec le Brésil (RS 0.351.919.81), le Chili (FF 2008 103) et l'Argentine (FF 2011 583).

RS 0.351.956.3; art. 18, par. 3.

Par ex. art. 21, par. 4, du traité d'entraide avec les Philippines (RS 0.351.964.5); art. 20, par. 4, du traité d'entraide avec le Chili (FF 2008 103).

8539

Art. 23

Livraisons surveillées

Cette disposition vise à conférer un cadre normatif à la collaboration entre les deux Etats dans le domaine des livraisons surveillées. Il s'agit là d'une méthode d'investigation qui s'est révélée particulièrement efficace dans la lutte contre le trafic de stupéfiants et d'autres formes de criminalité grave. Concrètement, les autorités peuvent ordonner par exemple qu'un envoi illicite ou suspect ne soit pas saisi mais qu'il soit surveillé jusqu'à sa destination dans un autre Etat, soit avec son contenu initial intact, soit après soustraction ou remplacement de tout ou partie de celui-ci.

Cet instrument aide les autorités concernées à identifier plus rapidement les auteurs d'une infraction.

La livraison surveillée n'est possible que si l'un des Etats contractants a présenté une demande d'entraide. Elle suppose le consentement de l'Etat requis et se déroule conformément à son droit.

Chaque Etat contractant est tenu de créer les conditions garantissant que lorsque l'autre partie le lui demande, il puisse autoriser une livraison surveillée sur son territoire dans le cadre d'une enquête pénale relative à une infraction susceptible de donner lieu à une extradition (par. 1). Cette réglementation n'oblige cependant pas l'Etat à approuver une livraison surveillée. La décision d'accepter ou de refuser la demande est laissée à la libre appréciation de la partie requise. Elle est prise dans chaque cas d'espèce par les autorités compétentes, dans le respect du droit national de cet Etat (par. 2). C'est la procédure prévue dans l'Etat requis qui détermine le déroulement des livraisons surveillées. Au besoin, il incombe donc aux autorités compétentes de ce dernier d'agir, en particulier de prendre les mesures qui s'imposent et d'en contrôler l'application (par. 3).

La méthode des livraisons surveillées ne constitue pas une nouveauté pour la Suisse.

Cette disposition s'appuie en effet sur l'art. 18 du deuxième protocole additionnel à la CEEJ, qui autorise cette pratique pour des infractions susceptibles de donner lieu à une extradition. En vertu du droit suisse, il s'agit d'infractions frappées d'une sanction privative de liberté d'un maximum d'au moins un an aux termes des législations des deux Parties29.

Art. 24

Casier judiciaire et échange d'avis de condamnation

Cette disposition, qui s'inspire des art. 13 et 22 CEEJ, oblige les Etats contractants à se communiquer des données du casier judiciaire. Lorsque l'un des Etats contractants est saisi par l'autre d'une demande de renseignements relatifs à son propre casier judiciaire, il est tenu de les lui fournir. Par ailleurs, chacun des Etats contractants doit informer l'autre, à intervalles réguliers, des sentences pénales prononcées contre des ressortissants de cette autre Partie. Les détails sont régis par le droit national.

Le par. 1 a trait aux demandes d'informations du casier judiciaire présentées dans le cadre d'une procédure pénale. Les informations à communiquer sont celles que l'Etat requis transmet à ses propres autorités judiciaires dans une procédure nationale.

29

Art. 35 EIMP (RS 351.1). Une disposition identique figure dans le traité d'entraide judiciaire avec le Chili (FF 2008 103).

8540

Le par. 2 prévoit que des extraits du casier judiciaire peuvent également être transmis dans un cadre autre que pénal, par exemple aux fins d'une procédure civile ou administrative revêtant certains aspects civils. En l'occurrence, la transmission est régie par le droit interne de l'Etat requis. En Suisse, la communication d'extraits du casier judiciaire à des autorités étrangères est réglée à l'art. 23 de l'ordonnance VOSTRA du 29 septembre 200630.

Le par. 3 porte sur la communication automatique à l'autre Etat contractant des sentences pénales prononcées contre des ressortissants de cet Etat. L'obligation d'informer une fois par année se limite aux inscriptions telles qu'elles figurent dans le casier judiciaire. Dans la pratique, ces informations sont transmises au moyen d'un formulaire. On ne saurait inférer de cette disposition une quelconque obligation de transmettre des jugements complets.

Art. 25 à 31

Autorité centrale; forme de la demande et voies de transmission; contenu et exécution de la demande; légalisation; langue; frais liés à l'exécution de la demande

Les modalités applicables à la procédure d'entraide judiciaire sont pratiquement identiques à celles que prévoient d'autres instruments bilatéraux en la matière. Elles s'inspirent de la CEEJ (art. 14 à 17 et 20) et du deuxième protocole additionnel à cette convention (art. 4 et 5). Il convient de mentionner en particulier les dispositions qui suivent.

Art. 25 et 28

Autorité centrale; exécution de la demande

L'autorité centrale désignée par chacune des Parties est chargée de transmettre, de recevoir et de traiter les demandes d'entraide. Au nombre de ses multiples tâches figurent la réception des demandes d'entraide étrangères et la transmission à l'autorité centrale de l'autre Partie des demandes émanant des autorités nationales (art. 25, par. 1 et 2). Elle est en outre responsable de l'examen préalable des demandes entrantes et de leur transmission aux autorités nationales compétentes, tout comme elle assure la coordination de l'exécution (art. 25, par. 3, et art. 28, par. 2).

Si une demande ne satisfait pas à toutes les exigences contractuelles, elle invite l'Etat requérant à apporter les rectifications ou compléments nécessaires (art. 28, par. 1). Avant de transmettre à l'autorité centrale de l'Etat requérant les informations et les éléments de preuve réunis aux fins de l'entraide, l'autorité centrale de l'Etat requis doit s'assurer que la demande a été exécuté complètement et fidèlement (art. 28, par. 3). L'autorité centrale remplit en outre une fonction de médiation lorsque l'ampleur de la collaboration demandée donne lieu à des difficultés ou à des malentendus entre les autorités requérante et requise ou que la demande doit être complétée.

Pour la Suisse, c'est l'Office fédéral de la justice qui a été désigné comme autorité centrale (art. 25, par. 1, 1re phrase), car c'est à lui qu'incombent les tâches visées; celles-ci découlent de ses fonctions d'examen, de transmission et de contrôle inscrites dans la loi (p. ex. art. 17, par. 2 à 4, 29 ou 78 et 79 EIMP). La compétence décisionnelle dont dispose l'office dans les limites de l'art. 79a EIMP n'est pas sans importance dans ce contexte, puisqu'il peut, dans certaines circonstances, statuer luimême sur l'exécution d'une demande d'entraide judiciaire.

30

RS 331

8541

La Colombie, quant à elle, a désigné deux autorités en raison de sa répartition interne des compétences; c'est le stade auquel se trouve la procédure qui détermine laquelle des deux intervient (art. 25, par. 1, 2e phrase). Avant qu'un tribunal ne soit saisi de l'affaire, c'est le Ministère Public de la Nation qui remplit cette fonction; après, c'est le Ministère de l'intérieur et de la justice. Il est entendu que l'autorité qui, dans le cas concret, n'est pas compétente transmet sans délai le dossier à l'autorité compétente.

Art. 27

Contenu de la demande

L'art. 27 dresse la liste détaillée des indications devant figurer dans une demande d'entraide judiciaire. Il s'agit en l'occurrence des exigences habituelles formulées dans les traités d'entraide conclus par la Suisse. Cette énumération a été rajoutée par souci de clarté afin d'éviter autant que possible les pertes de temps liées au renvoi des demandes à l'Etat requérant pour qu'il les complète ou les rectifie.

Art. 29

Dispense de légalisation, d'authentification et d'autres formalités

La dispense de légalisation constitue un important progrès dans les relations avec les Etats d'Amérique latine, puisque ces derniers attachent une grande importance au respect des formalités de procédure. Selon la réglementation convenue, les moyens de preuve recueillis en Suisse et transmis par le canal de l'Office fédéral de la justice seront acceptés comme tels par la Colombie sans autre formalité, justification ou attestation d'authenticité. Cette disposition vise à simplifier et à accélérer la procédure.

Art. 30

Langue

Les demandes d'entraide judiciaire doivent être rédigées dans la langue de l'Etat requis. Lorsque la Suisse est l'Etat requis, la demande d'entraide judiciaire émanant de la Colombie doit être traduite dans l'une des trois langues officielles, déterminée de cas en cas par l'Office fédéral de la justice. La traduction, y compris celle des documents afférant à l'exécution de la demande, incombe à l'Etat requérant.

Art. 31

Frais liés à l'exécution de la demande

La réglementation prévue s'agissant des frais correspond à celle qui est usuelle dans le domaine de l'entraide judiciaire internationale: en règle générale, les Etats s'accordent gratuitement assistance. Ils ne peuvent déroger à ce principe que pour les frais expressément énumérés dans le traité.

Art. 32

Transmission spontanée d'informations

Dans le cadre de la lutte contre la criminalité transnationale, il peut arriver que les autorités d'un Etat contractant recueillent, au cours de leurs investigations, des informations qui peuvent également présenter un intérêt pour les autorités judiciaires de l'autre Etat contractant. En pareils cas, il est dans l'intérêt de la poursuite pénale que de telles informations puissent, à certaines conditions, être transmises aux autorités de l'autre Etat, sans qu'il ait à présenter préalablement une demande d'entraide judiciaire. Un échange d'informations qui intervient le plus tôt et le plus rapidement possible peut jouer un rôle décisif dans la lutte contre la criminalité.

8542

Cette disposition s'inspire de l'art. 11 du deuxième protocole additionnel à la CEEJ et figure également dans les instruments bilatéraux que la Suisse a récemment conclus en matière d'entraide judiciaire31.

Le par. 1 définit les conditions auxquelles la transmission spontanée d'informations qu'une Partie a obtenues dans le cadre de ses propres investigations est admissible en dehors de toute procédure d'entraide judiciaire: il faut que la transmission des informations soit de nature à permettre à l'autre Etat de présenter une demande d'entraide judiciaire (let. a) ou d'ouvrir une procédure pénale (let. b) ou encore à faciliter, dans cet autre Etat, le déroulement d'une instruction pénale en cours (let. c). Les informations doivent être échangées par le canal des autorités centrales et dans les limites fixées par le droit national. Comme il s'agit d'une disposition potestative, les Etats contractants ne sont pas tenus d'en faire application. L'art. 67a EIMP définit les modalités à suivre lorsque la Suisse est l'Etat qui communique spontanément des informations.

En vertu du par. 2, l'autorité centrale qui transmet les informations peut en restreindre l'utilisation, en la soumettant aux conditions prévues par son droit national. Ces conditions auront force obligatoire pour les autorités de l'Etat destinataire.

Art. 33 à 36

Compatibilité avec d'autres traités ou d'autres formes de coopération; échanges de vues; règlement de différends; entrée en vigueur et dénonciation

Les dispositions finales contiennent les clauses usuelles. L'art. 33 règle, dans le sens du principe du maintien des situations plus favorables, les relations entre le traité et d'autres dispositions légales, internationales ou nationales. En cas de difficultés quant à l'application du traité ou à sa mise en oeuvre, en général ou dans le cas d'espèce, les autorités centrales des Etats contractants procèdent à un échange de vues conformément aux dispositions de l'art. 34. Si elles ne parviennent pas à éliminer elles-mêmes le différend, l'art. 35 statue qu'il faut trouver un règlement par la voie diplomatique. Cette solution de compromis se retrouve dans différents traités d'entraide judiciaire conclus par la Suisse32 avec des Etats qui ne peuvent ou ne veulent pas accepter qu'un tribunal arbitral soit chargé du règlement des différends.

L'art. 36 définit la procédure à laquelle obéissent l'entrée en vigueur et la dénonciation du traité.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour les finances et le personnel de la Confédération et des cantons

Le traité élargit les tâches incombant aux autorités chargées de l'entraide judiciaire.

Cette affirmation vaut spécialement pour l'Office fédéral de la justice, qui est l'autorité centrale par laquelle transiteront les demandes d'entraide judiciaire entre la 31

32

Voir notamment les traités d'entraide avec le Brésil (RS 0.351.919.81; art. 29), le Mexique (RS 0.351.956.3; art. 30); le Chili (FF 2008 103; art. 32) et l'Argentine (FF 2011 583; art. 30).

Voir notamment les traités d'entraide avec Hong-Kong (RS 0.351.941.6; art. 37), les Philippines (RS 0.351.964.5; art. 32), le Chili (FF 2008 103; art. 37); et de façon analogue avec l'Argentine (FF 2011 583; art. 35).

8543

Suisse et la Colombie, dans une moindre mesure pour le Ministère public de la Confédération et pour l'Office fédéral de la police, qui peut être chargé des actes d'exécution.

La charge de travail supplémentaire qui en résultera pour les autorités suisses compétentes en matière d'entraide judiciaire dépendra du nombre de demandes à traiter et de la complexité des cas. Sur la base des éléments à disposition actuellement, nous pouvons estimer que le traité n'induira pas de coûts supplémentaires ni n'exigera un accroissement des effectifs au niveau de la Confédération.

Au niveau des cantons, on ne saurait exclure totalement que le traité impose des charges supplémentaires à certaines autorités chargées d'exécuter les demandes d'entraide judiciaire.

3.2

Conséquences économiques

Sur le plan économique, la conclusion du traité n'aura pas d'effets pour la Suisse.

4

Liens avec le programme de la législature

Le projet est inscrit dans le message du 23 janvier 2008 sur le programme de la législature 2007 à 201133.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et forme

En vertu de l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.), la Confédération est compétente en matière d'affaires étrangères. La conclusion de traités internationaux est donc de son ressort. Le corollaire de cette compétence est que le Conseil fédéral signe les traités internationaux et les soumet à l'approbation de l'Assemblée fédérale (art. 184, al. 2, Cst.). En vertu de l'art. 166, al. 2, Cst., l'approbation de traités internationaux incombe en effet à l'Assemblée fédérale.

En vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., les traités internationaux sont sujets au référendum lorsqu'ils sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables (ch. 1), qu'ils prévoient l'adhésion à une organisation internationale (ch. 2), qu'ils contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales (ch. 3).

Dans le cas du traité d'entraide judiciaire avec la Colombie, les deux premières conditions ne sont pas réunies. En effet, l'art. 36, par. 2, prévoit que cet instrument est dénonçable. Par ailleurs, le traité ne prévoit pas l'adhésion à une organisation internationale.

Il reste à déterminer si la troisième condition est remplie, autrement dit si le traité contient des dispositions importantes qui fixent des règles de droit ou si sa mise en oeuvre nécessite l'adoption d'une loi fédérale. Selon l'art. 22, al. 4, de la loi du 33

FF 2008 639 710

8544

13 décembre 2002 sur le Parlement34, sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Sont importantes les dispositions qui doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale selon les critères énoncés à l'art. 164, al. 1, Cst.

Le traité d'entraide judiciaire conclu avec la Colombie contient des dispositions importantes qui fixent des règles de droit. Il crée pour les Etats contractants l'obligation de s'accorder une entraide judiciaire aussi large que possible ­ obligation qui a des incidences sur les droits et les devoirs des individus ­ et attribue des compétences aux autorités chargées de son application. Ces dispositions doivent être qualifiées d'importantes dans la mesure où, si elles devaient être édictées sur le plan national, elles le seraient sous la forme d'une loi fédérale, en vertu de l'art. 164, al. 1, Cst. En conséquence, l'arrêté de l'Assemblée fédérale portant approbation du traité est sujet au référendum, conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

5.2

Procédure de consultation

Dans le cas du présent traité, la procédure de consultation au sens de l'art. 2 de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation35 n'a pas été nécessaire. En effet, le contenu du traité correspond, pour l'essentiel, à celui des traités déjà conclus en la matière. Le traité avec la Colombie ne s'écarte pas de manière substantielle de l'EIMP, ni des traités bilatéraux ou multilatéraux que la Suisse a conclus par le passé. Au contraire, il étend le réseau des traités dans le domaine de l'entraide judiciaire en matière pénale et poursuit, par la coopération internationale, la politique du Conseil fédéral en matière de sécurité intérieure. Jusqu'à présent, le bien-fondé de ces traités n'a, sous l'angle politique, jamais été remis en cause.

34 35

RS 171.10 RS 172.061

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