11.036 Message relatif à l'approbation de la Convention sur les armes à sous-munitions ainsi qu'à la modification de la loi sur le matériel de guerre du 6 juin 2011

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons, par le présent message, le projet d'arrêté fédéral portant approbation de la Convention du 30 mai 2008 sur les armes à sous-munitions, ainsi qu'une modification de la loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre.

Par ailleurs, nous vous proposons de classer les interventions parlementaires suivantes: 2008

M

08.3308

Interdiction des bombes à sous-munitions (N 03.10.2008, Hiltpold; E 08.12.2008)

2008

M

08.3321

Interdiction des bombes à sous-munitions (E 18.09.2008, Maury Pasquier; N 23.09.2009)

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

6 juin 2011

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2011-0830

5495

Condensé L'objectif de la présente proposition est la ratification de la Convention sur les armes à sous-munitions et la modification connexe de la loi fédérale sur le matériel de guerre. Les armes à sous-munitions devraient donc être l'objet d'une interdiction complète.

La Convention sur les armes à sous-munitions (Convention on Cluster Munitions, CCM) a été adoptée le 30 mai 2008 par la Conférence internationale de Dublin et signée par le Conseil fédéral le 3 décembre 2008 à Oslo, sur la base de sa décision du 10 septembre 2008.

La convention établit le principe d'une interdiction complète de l'utilisation, du développement et de la production, de l'acquisition et du transfert ainsi que du stockage d'armes à sous-munitions. Elle interdit également tout acte facilitant ou favorisant toute activité précitée.

Le développement et l'utilisation d'armes à sous-munitions remontent à la Seconde Guerre mondiale. Depuis lors, les vastes dégâts que ces armes ont entraînés en Asie du Sud-Est (au Laos et au Vietnam) dans les années 1960 et 1970 ont eu un grand retentissement dans l'opinion publique internationale. Au cours des vingt dernières années, elles ont été largement utilisées dans le cadre de conflits armés, notamment en Irak (1991, 2003) et au Koweït (1991), en ex-Yougoslavie (1999), en Afghanistan (2001/2002) ainsi qu'au Liban (2006). En outre, des indices laissent supposer l'utilisation d'armes à sous-munitions en Géorgie (2008) et au Sri Lanka, (2008/2009), en Thaïlande et au Cambodge (2011) ainsi qu'en Libye (2011). La question des engins non explosés a été identifiée comme préoccupante. Leur pourcentage élevé pose en effet un grave problème humanitaire car ils font des victimes parmi la population civile tout comme parmi les membres des missions internationales de nombreuses années après la fin d'un conflit, ce qui constitue un obstacle considérable pour la gestion de l'après-guerre et la reconstruction du pays.

La convention ne prévoit pas uniquement de simples limitations de l'emploi des armes à sous-munitions, elle soumet ce type d'armement à une interdiction globale en raison des lourdes conséquences humanitaires qu'entraîne leur utilisation. A cet égard, les dispositions relatives à la coopération et à l'aide internationales jouent également un rôle important; les Etats parties à la
convention s'engagent à s'assister mutuellement dans la destruction des stocks, l'enlèvement des armes et l'aide aux victimes. Sont également prévus des rapports réguliers des parties contractantes sur les mesures prises par celles-ci pour mettre en oeuvre la convention, ainsi que des mesures d'arbitrage en cas de différends. Enfin, les Etats ne sont pas seulement tenus d'intervenir pour mettre en oeuvre la convention au niveau national; ils doivent également contribuer activement à l'universalisation et à la mise en oeuvre à travers le monde de cet instrument.

La CCM s'inscrit dans l'esprit de la Convention du 18 septembre 1997 sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction (Convention d'Ottawa), que la Suisse est l'un

5496

des premiers Etats à avoir signée, le 3 décembre 1997, et qu'elle a ratifiée le 24 mars 1998.

La CCM est entrée en vigueur le 1er août 2010. Jusqu'à présent, 108 Etats l'ont signée et 57 l'ont ratifiée (état au 12 mai 2011).

L'armée suisse possède elle aussi des munitions d'artillerie qui tombent sous l'interdiction, notamment celles connues sous le nom de «projectiles cargos». En ratifiant la convention, la Suisse s'engage notamment à détruire ces munitions dans un délai de huit ans après l'entrée en vigueur de celle-ci.

Par ailleurs, la ratification de la convention s'accompagne d'une révision de la loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre (loi sur le matériel de guerre, LFMG). La modification de la LFMG prévoit une interdiction complète des armes à sous-munitions qui est complétée par les sanctions appropriées.

Au niveau national, les conditions d'une adhésion de la Suisse à la CCM sont donc remplies.

En réponse aux interventions parlementaires sur la question, la LFMG est complétée par une interdiction expresse de financer des armes prohibées, et par des dispositions pénales correspondantes.

Enfin, le projet prévoit une déclaration du Conseil fédéral affirmant que la Suisse appliquera, à titre provisoire, l'art. 1, par. 1, let. a, de la convention, jusqu'à son entrée en vigueur pour la Suisse.

5497

Table des matières Condensé

5496

1 Présentation de l'objet 1.1 Contexte 1.2 Armes à sous-munitions 1.3 Droit international humanitaire 1.4 Impact humanitaire des armes à sous-munitions 1.5 Situation en Suisse 1.5.1 Systèmes d'armement et types de munitions 1.5.2 Acquisition et développement des projectiles cargos (KaG) 1.5.3 Fonctionnement technique des projectiles cargos de l'armée suisse 1.5.4 Doctrine d'engagement militaire 1.5.5 Instruction 1.6 Résultats de la procédure de consultation

5500 5500 5501 5501 5502 5503 5503 5504 5504 5505 5505 5506

2 Genèse de la convention 2.1 Convention sur certaines armes classiques (CCAC) 2.2 Principaux objets parlementaires déposés avant le début du Processus d'Oslo 2.3 Le Processus d'Oslo et l'adoption de la CCM 2.4 Signature de la CCM par la Suisse

5507 5507

3 Appréciation 3.1 Renforcement du droit international humanitaire 3.2 La convention dans le cadre de la politique extérieure et de la politique de sécurité ainsi que de la politique en matière de maîtrise des armements et de désarmement de la Suisse 3.3 Exclusion des munitions à dispositif de recherche 3.4 Utilisation des armes à sous-munitions dans de futurs conflits 3.5 Effet stigmatisant 3.6 Assistance aux victimes

5509 5510 5512 5512 5512

5513 5514 5514 5514 5515

4 Explications sur certaines dispositions de la convention

5515

5 Conséquences 5.1 Consolidation de la tradition humanitaire de la Suisse dans la politique de maîtrise des armements et de désarmement 5.2 Conséquences pour la politique de sécurité et de défense 5.3 Conséquences pour l'armée suisse 5.4 Maintien des capacités pour le feu indirect 5.5 Conséquences financières de la destruction des stocks d'armes à sousmunitions 5.5.1 Destruction des stocks d'armes à sous-munitions 5.5.2 Conséquences financières

5523

5498

5523 5523 5523 5524 5525 5525 5525

5.6 Conservation d'armes à sous-munitions 5.7 Coopération internationale

5526 5527

6 Liens avec le programme de la législature

5527

7 Modification de la loi sur le matériel de guerre 7.1 Présentation de la modification 7.2 Les nouvelles dispositions proposées 7.2.1 Adaptations concernant le titre précédant l'art. 7 LFMG 7.2.2 Adaptations concernant l'art. 8 LFMG 7.2.3 Introduction d'un nouvel art. 8a et d'un nouvel art. 35a LFMG 7.2.4 Interdiction de l'utilisation d'armes à sous-munitions 7.2.5 Introduction d'une interdiction de financement dans la LFMG 7.2.6 Adaptations des art. 34 et 35 LFMG 7.3 Modification du CPP

5527 5527 5529 5529 5529 5529 5531 5532 5536 5536

8 Universalisation

5536

9 Aspects juridiques 9.1 Constitutionnalité 9.2 Forme de l'acte à adopter 9.3 Application à titre provisoire

5537 5537 5538 5538

10

Classement d'interventions parlementaires

5538

Loi fédérale sur le matériel de guerre (LFMG) (Projet)

5539

Arrêté fédéral portant approbation de la Convention sur les armes à sous-munitions (Projet)

5543

Convention sur les armes à sous-munitions

5545

5499

Message 1

Présentation de l'objet

1.1

Contexte

Le développement et l'utilisation des armes à sous-munitions remontent à la Seconde Guerre mondiale, époque à laquelle elles ont notamment servi à bombarder des villes. Depuis lors, elles ont trouvé leur place dans de nombreux conflits, le recours massif à ce type d'armes ayant été le plus marquant en Asie du Sud-Est (Laos et Vietnam) dans les années 1960 et 1970. Au cours des vingt dernières années, elles ont été assez largement utilisées dans le cadre de conflits armés, notamment en Irak et au Koweït (1991), en ex-Yougoslavie (1999), en Afghanistan (2001/2002), en Irak (2003) et au Liban (2006). En outre, des indices laissent supposer l'utilisation d'armes à sous-munitions en Géorgie (2008) et au Sri Lanka (2008/2009), en Thaïlande et au Cambodge (2011), ainsi qu'en Libye (2011).

Cet emploi des armes à sous-munitions en de nombreuses occasions au cours des deux dernières décennies montre que ce type d'armement est aujourd'hui encore répandu, parfois en grandes quantités, dans les forces armées régulières. Selon les rapports de plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), il semblerait que quelque 85 Etats disposent d'armes à sous-munitions au niveau mondial, qu'une trentaine d'Etats en aient produit (en partie ou en totalité), qu'au moins une douzaine en exportent et qu'au moins 16 Etats en aient déjà utilisé dans quelques 30 pays et territoires depuis la Seconde Guerre mondiale1.

A notre connaissance, les types d'armes à sous-munitions les plus variés ont été utilisés durant les conflits précités. Du fait de stocks importants, les conflits les plus récents ont parfois donné lieu à l'utilisation de munitions relativement anciennes.

Des sous-munitions du même type que celles déjà utilisées lors de la guerre du Vietnam ont été employées dans le conflit au sud Liban en 2006. Outre les dommages excessifs causés à la population civile lors des attaques, des milliers de ces sousmunitions n'ont pas explosé comme prévu, contaminant ainsi de larges zones de territoire. Ces restes explosifs entravent durablement le développement dans les régions touchées et empêchent l'accès du personnel humanitaire international aux populations concernées.

Le pays le plus affecté à ce jour reste toutefois le Laos où on estime le nombre de sous-munitions tirées lors de la guerre du Vietnam à plus de 260 millions
avec un taux de ratés allant jusqu'à 30 %, soit 78 millions de sous-munitions non explosées.

L'impact de ces dernières sur la population civile se fait ainsi toujours sentir près de 40 ans après la fin des hostilités.

Dès les années 1970, la communauté internationale a voulu se saisir de la question d'une utilisation des armes à sous-munitions qui soit conforme aux règles et aux principes généraux du droit international humanitaire. A l'issue des hostilités d'août

1

Cf. A Guide to Cluster Munitions, Second Edition, Centre international de déminage humanitaire Genève, 2009, p. 20, ainsi que les informations de la Coalition contre les armes à sous-munitions (CMC), qui constitue actuellement le principal réseau d'ONG oeuvrant dans le domaine des armes à sous-munitions (www.stopclustermunitions.org).

5500

2006 en Israël et au Liban, la problématique des armes à sous-munitions s'est imposée sur l'agenda international du désarmement.

1.2

Armes à sous-munitions

Quelque 85 Etats, répartis dans toutes les régions du monde, stockent des armes à sous-munitions dans leurs arsenaux. Les armes à sous-munitions (également appelées projectiles cargos, en anglais cluster munitions) représentent un type de projectiles qui, après le tir d'une «munition mère», répandent un certain nombre de bombes de petit calibre ou bombelettes (sous-munitions, ou en anglais bomblets) afin d'attaquer un objectif sur une grande étendue. Selon le type d'armes à sousmunitions utilisé, plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de sous-munitions peuvent ainsi être dispersées à la fois. L'utilisation d'armes à sous-munitions est possible aussi bien en l'air, par l'emploi de bombes ou de conteneurs fixés aux avions, qu'au sol au moyen de tirs d'artillerie, de fusées ou d'engins téléguidés. Les sous-munitions explosent, suivant leur mécanisme de mise à feu, avant, pendant ou après l'impact. Dans un délai très court, ces munitions sont capables de créer un tapis d'explosions couvrant plusieurs hectares, pouvant obtenir le même effet que les munitions conventionnelles, mais avec nettement moins de tirs et en moins de temps. Les armes à sous-munitions sont utilisées en particulier pour limiter la liberté de mouvement de formations de véhicules blindés ou de troupes ennemies, de même que pour la destruction de routes ou de pistes d'atterrissage. Il s'agit d'une munition qui nécessite une technologie complexe tant pour sa fabrication que pour son utilisation, contrairement aux mines antipersonnel. C'est pourquoi les armes à sousmunitions sont surtout utilisées par les forces armées régulières ou par des acteurs non étatiques lourdement équipés.

Il existe de nombreux types d'armes à sous-munitions et de sous-munitions: explosifs conventionnels, charges creuses, mines antivéhicules et antipersonnel, ainsi que d'autres explosifs visant à détruire des objectifs par détonation ou par fragmentation2.

Il existe également des armes à sous-munitions apparentées telles que les accélérateurs d'incendie et les conteneurs d'agents chimiques ou biologiques. Il existe encore des munitions mères qui peuvent lancer des bombes de petit calibre non explosives. Nous n'aborderons pas ces catégories de munitions, car elles ne font pas l'objet de la convention et l'armée suisse n'en possède pas.

1.3

Droit international humanitaire

L'emploi d'armes à sous-munitions est, de manière générale et au-delà de la Convention sur les armes à sous-munitions (CCM)3, régi par les règles et les principes généraux du droit international humanitaire qui s'appliquent à la conduite des hostilités. Le droit international humanitaire impose des restrictions à l'usage des 2

3

Selon Human Rights Watch, 33 pays auraient jusqu'ici produit plus de 208 types différents d'armes à sous-munitions; pour une description spécifique des armes à sousmunitions stockées en Suisse, voir ch. 1.5 ci-après.

Pour: Convention on Cluster Munitions, sigle communément adopté pour désigner la convention.

5501

armes à sous-munitions, comme à toute utilisation d'armes au cours d'un conflit armé. Il prévoit, en particulier, des mesures qui doivent être prises pour limiter l'impact des armes sur la population civile et les objets civils. Les principales règles du droit international humanitaire applicables à l'emploi d'armes à sous-munitions sont l'obligation de distinguer entre les objectifs civils et miliaires, l'interdiction de mener des attaques indiscriminées, l'obligation de respecter le principe de proportionnalité ainsi que l'obligation de prendre les précautions nécessaires pour minimiser les effets d'une attaque sur la population civile. Ces règles relèvent du droit international coutumier et, dès lors, s'appliquent à toute partie à un conflit ­ gouvernement ou groupe armé non étatique ­ indépendamment du fait qu'un Etat ait ratifié un traité international en la matière, comme la convention dont il est ici question.

1.4

Impact humanitaire des armes à sous-munitions

L'emploi d'armes à sous-munitions comporte généralement de sérieux dangers pour la société civile et entraîne des problèmes humanitaires majeurs. Ces armes ont des conséquences encore plus graves lorsqu'elles sont larguées au-dessus ou à proximité d'une zone densément peuplée.

L'impact humanitaire direct des armes à sous-munitions durant une attaque est lié au manque de précision de la frappe. En effet, comme ces armes sont destinées à combattre plusieurs cibles individuelles dans une zone donnée, une telle frappe provoque une zone d'impact de la taille de plusieurs terrains de football où plusieurs centaines de sous-munitions peuvent exploser. De telles frappes touchent ainsi régulièrement la population civile, en particulier lorsqu'elles sont utilisées dans des zones habitées ou à proximité de celles-ci.

Mais le problème humanitaire principal vient des conséquences à long terme de l'utilisation d'armes à sous-munitions dans un conflit armé. Les ratés, c'est-à-dire des bombelettes qui, une fois tirées n'explosent pas comme prévu, ont un impact tout aussi grave sur la population civile que les mines antipersonnel. Toutefois, à l'inverse des mines antipersonnel qui sont des armes «d'attente» conçues pour exploser du fait du contact d'une personne, les sous-munitions sont destinées à exploser au moment de l'impact sur une cible donnée. Celles qui restent sur le sol sont donc celles qui n'ont pas explosé en raison d'un dysfonctionnement. On estime que le taux de ratés varie entre 1 % et plus de 20 %, un pourcentage qui peut dépendre de facteurs tels que la rigueur des contrôles lors de la production et de l'assemblage, les conditions de stockage, le respect des critères d'utilisation (p. ex.

altitude de largage) ou encore les conditions climatiques.

Certaines sous-munitions sont équipées de mécanismes d'autodestruction, d'autoneutralisation ou d'autodésactivation. Le premier mécanisme cité est censé réduire le nombre de sous-munitions n'ayant pas explosé lors de l'impact et du même coup les conséquences humanitaires. Si ce mécanisme contribue effectivement à réduire le taux de ratés, il est lui-même souvent confronté à des problèmes de fiabilité et ne constitue pas pour autant une solution durable à la contamination des zones affectées par des sous-munitions. Il en va de même des deux autres
mécanismes mentionnés qui ont pour but de neutraliser ou de couper la chaîne pyrotechnique. Ces mécanismes ne rendent pas les sous-munitions non explosées sûres mais minimisent toutefois le risque que celles-ci explosent lors d'un maniement accidentel.

5502

Cependant, même un taux de ratés faible peut avoir des conséquences graves si le nombre de sous-munitions employées est élevé. Dans une étude globale de 2006, Handicap International a conclu que 98 % des victimes d'armes à sous-munitions sont des civils. Les enfants sont particulièrement touchés, car l'apparence souvent attractive des sous-munitions, qui sont de la taille d'une petite balle, les pousse à les ramasser et à jouer avec.

Au-delà de l'impact humanitaire des armes à sous-munitions, les conséquences socio-économiques sont également significatives. Des zones résidentielles peuvent par exemple être contaminées par un large nombre de sous-munitions non explosées.

Ces dernières peuvent en outre empêcher les populations affectées de rentrer chez elles, ralentir les actions de secours, empêcher le travail de réhabilitation des communautés et, de manière générale, compromettre les efforts de reconstruction de la région touchée. Cet impact socio-économique est particulièrement marqué dans les zones de pauvreté. Le fait que des sous-munitions non explosées gisent sur le sol pendant des années, voire des décennies, a pour effet de restreindre l'emploi des terres arables et d'augmenter les coûts des projets d'infrastructure.

Enfin, dans le cadre de la gestion de l'après-guerre, les armes à sous-munitions non explosées ainsi que les mines et autres ratés constituent également une menace pour les membres de missions internationales et peuvent retarder durablement le processus de stabilisation et de développement d'une ancienne région de conflit.

1.5

Situation en Suisse

1.5.1

Systèmes d'armement et types de munitions

L'armée suisse dispose d'armes à sous-munitions au sens de la convention, sous forme de projectiles cargos pour l'artillerie à tube, comprenant aujourd'hui les systèmes suivants: les obusiers blindés de 15,5 cm (M-109 et M-109 KAWEST), les canons de forteresse 15,5 cm (BISON) ainsi que les lance-mines de forteresse de 12 cm. Les lance-mines de char de 12 cm, actuellement mis au rebut, ne seront plus évoqués.

L'armée suisse dispose des projectiles cargos suivants pour ces systèmes: ­

Projectiles cargos 88 obusier blindé (ob) 15,5 cm (KaG 88, 63 bombelettes, portée 23 km)

­

Projectiles cargos 90 obusier blindé 15,5 cm (KaG 90, 49 bombelettes, portée 30 km)

­

Projectiles cargos 88/99 obusier blindé 15,5 cm (KaG 88/99, 84 bombelettes, portée 23 km)

­

Projectiles cargos 98 lance-mines (lm) 12 cm (KaG 98, 32 bombelettes, portée 7 km)

L'armée suisse dispose d'autres munitions à impact pour les obusiers blindés de 15,5 cm et les canons de forteresse, à savoir les obus d'acier (St G 66) ainsi qu'un stock modeste de munitions à dispositif de recherche (munitions de 15,5 cm

5503

SMArt 1554) comportant chacune deux sous-munitions. Pour les lance-mines de 12 cm, des STRIX 12 cm5 ne contenant aucune sous-munition ont été acquis en plus des obus de lancement conventionnels.

L'armée suisse ne possède plus d'armes à sous-munitions à vecteur aérien. Les bombes à sous-munitions6 conventionnelles de 300 kg des Forces aériennes suisses ont été totalement détruites entre 1997 et 2000.

1.5.2

Acquisition et développement des projectiles cargos (KaG)

Les projectiles cargos de l'armée suisse ont été achetés dans le cadre de quatre programmes d'armement (PA). Le programme d'armement de 1988 avait introduit l'acquisition de projectiles cargos de 15,5 cm pour l'artillerie, avec des munitions de type KaG 88 et KaG 90. Les achats de ces deux types de munitions ont été réalisés ensuite dans le cadre des PA 1991 et 1993. Le contrat d'approvisionnement en KaG 88/99 améliorés s'inscrit dans le cadre du PA 1999 (et d'un contrat de production fin 2004). Le même PA 1999 a également donné lieu à l'achat de projectiles cargos 98 pour lance-mines 12 cm. Le montant total des acquisitions s'élève à 652 millions de francs.

Tous les types de projectiles sont mis au point par la société Israel Military Industries (IMI) qui, en tant qu'entrepreneur général, assume la responsabilité globale de la fabrication et de la livraison des munitions. RUAG Munition, anciennement Entreprise suisse de munitions SA (SM), a fabriqué des pièces pour les projectiles cargos 88, 90 et 88/99 de 15,5 cm sur la base d'un contrat de licence avec IMI, et effectué pour l'armée suisse le montage final des projectiles cargos 98 pour les lance-mines 12 cm. En dépit des efforts concluants déployés pour réduire les taux de ratés, les projectiles à sous-munitions de l'armée suisse tombent sous l'interdiction prévue par la convention (cf. ch. 5.3).

1.5.3

Fonctionnement technique des projectiles cargos de l'armée suisse

Après leur expulsion du projectile cargo, un essaim de bombelettes se répand dans l'air et tombe au sol selon une trajectoire balistique libre. Les sous-munitions d'un seul projectile cargo peuvent couvrir une zone d'un rayon d'environ 100 à 150 m.

L'objectif visé par une unité de feu (batterie d'artillerie) s'étend sur environ 300 × 300 m. De par leur manchon brisant et leur charge creuse, les sous-munitions ont un impact mortel d'environ 10 m contre les cibles molles. A leur point de chute, elles transpercent le blindage du toit de la plupart des véhicules de guerre grâce à leur charge creuse et les détruisent en quelques impacts. Il suffit donc de quelques projectiles pour que le fauchage combiné au moyen de projectiles cargos ait d'ores et déjà un effet destructeur sur les cibles molles. Son efficacité contre les cibles 4 5 6

Projectiles intelligents 01 SMArt (ob int G 01 SMArt, 15,5 cm) comportant chacun deux sous-munitions DM-702.

Projectiles intelligents lm 12 cm STRIX (12 ob int G STRIX, lm 12 cm).

Bombe aérienne 79 de 300 kg avec sous-munitions BL-755.

5504

dures et semi-dures dépend de la densité des impacts de sous-munitions dans la zone de l'objectif.

1.5.4

Doctrine d'engagement militaire

La doctrine d'engagement militaire dérive d'une image conventionnelle de la menace: dans l'armée suisse, des projectiles cargos d'une portée pouvant atteindre 30 km seraient principalement utilisés contre des objectifs étendus de 300 × 300 m à 400 × 400 m pour leur effet de dispersion (vaste répartition des sous-munitions).

Comparés aux obus explosifs et à éclats, les projectiles cargos permettent une répartition nettement améliorée de l'effet d'éclatement ainsi qu'une plus grande probabilité d'impact dans la zone ciblée. Les munitions des projectiles cargos augmentent considérablement la puissance de feu indirect, notamment parce qu'elles permettent d'attaquer en très peu de temps et avec nettement moins de munitions des objectifs mobiles à blindage léger.

Conformément à la doctrine d'engagement, les projectiles cargos sont utilisés tant dans le cadre du combat par le feu que dans celui de l'appui immédiat par le feu. Ils sont également très efficaces pour l'attaque des installations et des positions adverses, la mise hors d'usage des routes et pistes d'atterrissage ainsi que l'appui des formations de combat.

Les munitions d'artillerie conventionnelles (obus d'acier à fragmentation) n'offrent qu'une efficacité réduite contre les objectifs blindés. Même en augmentant le nombre de pièces d'artillerie et donc de munitions conventionnelles utilisées, leur effet reste limité. La durée de la position de tir requise est ainsi prolongée, ce qui accroît la vulnérabilité des pièces d'armement (feux de contrebatterie). De plus, avec les munitions explosives conventionnelles, la portée passe de 30 km à 23 km au maximum.

En revanche, la munition à dispositif de recherche de l'armée (SMArt 155) exclue de la convention a un effet important ainsi qu'une probabilité d'impact élevée dans la zone ciblée tout en réduisant sensiblement le risque de ratés grâce à des caractéristiques techniques aux effets cumulatifs (cf. ch. 3.3 et 5.3).

1.5.5

Instruction

Les munitions sont stockées pour être utilisées exclusivement en cas de guerre et ne sont pas tirées en Suisse par manque d'emplacements adéquats dont l'accès est durablement bloqué.

Sur le plan de l'instruction, le maniement des projectiles cargos est simulé sur les pièces d'artillerie au moyen de munitions factices. Les commandants de tir compétents pour la conduite des tirs sont formés exclusivement sur des simulateurs pour les opérations de tir avec des projectiles cargos, qui diffèrent des opérations de tir avec les autres types de munitions de l'artillerie.

La possibilité d'utiliser les projectiles cargos a été intégrée dans les systèmes de conduite et de simulation de l'armée. Cela vaut pour le Système intégré de conduite et de direction du feu de l'artillerie (SICODIFA), le système de direction des feux de l'artillerie FARGO, le simulateur de conduite (sim. cond.) de l'Ecole d'état-major 5505

général de Kriens, le simulateur électronique tactique pour les formations mécanisées (ELTAM), l'installation électronique d'instruction au tir pour les commandants de tir (ELSA cdt tir) ainsi que l'installation d'instruction au tir pour obusiers blindés (SAPH).

1.6

Résultats de la procédure de consultation

Par décision du 17 novembre 2010, le Conseil fédéral a ouvert la consultation relative à la ratification de la Convention du 30 mai 2008 sur les armes à sous-munitions et à la modification correspondante de la loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre. La consultation s'est achevée le 25 février 2011.

Dans le cadre de la consultation, 25 cantons, 6 partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale, 6 associations économiques faîtières (y compris des sections locales) ainsi que de nombreuses autres organisations intéressées ont donné leur avis. Au total, 59 prises de position ont été enregistrées, dont 46 étaient favorables à la ratification et à la modification correspondante de la loi sur le matériel de guerre.

Au vu des conséquences désastreuses de ces armes sur la population civile, la grande majorité des participantes et participants à la procédure de consultation souhaitent la ratification de la convention, qu'elle considère comme une avancée majeure s'inscrivant dans le droit fil de la tradition humanitaire de la Suisse. Parmi les partisans de la ratification figurent tous les cantons qui se sont prononcés, ainsi que la majorité des partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale. Cependant, un parti politique et certaines associations et organisations proches de l'armée continuent à voir dans cette arme un moyen indispensable au regard de la mission de défense de l'armée.

Les consultations ont essentiellement porté sur l'abandon par la Suisse des armes à sous-munitions et sur la réduction de sa capacité de défense qui peut en résulter, sur la destruction des stocks, ainsi que sur l'interdiction du financement d'armes prohibées.

Il a été tenu compte de ces avis dans le présent message. Aussi explore-t-il en détail les conséquences humanitaires de l'emploi de cette arme, le renforcement du droit international humanitaire et de la tradition humanitaire de la Suisse du fait de la ratification, mais aussi l'insertion de la convention dans la politique extérieure et la politique de sécurité, ainsi que la politique de maîtrise des armements et de désarmement de la Suisse. Il s'exprime également, en particulier, sur le maintien futur des capacités pour le feu indirect (cf. ch. 5.4). Les doutes formulés au sujet d'une réglementation claire de l'interdiction globale de
l'assistance financière à des activités liées à des armes prohibées sont prises en compte par l'interdiction expresse du financement prévue par le projet de modification de la loi sur le matériel de guerre.

Le rapport de consultation a été publié dans son intégralité par la Chancellerie fédérale le 6 juin 20117.

7

http://www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/23236.pdf

5506

2

Genèse de la convention

2.1

Convention sur certaines armes classiques (CCAC)

La conformité de l'utilisation d'armes à sous-munitions avec les règles et les principes généraux du droit international humanitaire a toujours constitué un défi auquel la communauté internationale a tenté de répondre depuis les années 1970. Les premières tentatives de réglementation de l'emploi des armes à sous-munitions remontent aux conférences d'experts gouvernementaux qui s'étaient réunies sous les auspices du CICR, la première à Lucerne en 1974 et la seconde à Lugano en 1976. Les représentants de plus de 50 Etats s'étaient alors penchés sur l'emploi de certaines armes pouvant avoir des effets indiscriminés ou causer des souffrances inutiles. Le débat sur les armes à sous-munitions n'avait cependant débouché sur aucun accord; un groupe de treize pays, dont la Suisse, avait critiqué le caractère indiscriminé et inhumain des armes à sous-munitions et plaidé pour leur interdiction. Ce groupe avait toutefois été tenu en échec par les Etats qui avaient fait valoir qu'elles sont nécessaires, car elles couvrent une large zone et ne nécessitent qu'un dispositif logistique simplifié. A l'époque, ils avaient encore argué avec succès que sans elles, il faudrait utiliser un nombre accru de charges à haut pouvoir explosif, qui ont des effets plus destructeurs encore sur les personnes et les bâtiments.

Dans les années qui avaient suivi, l'attention internationale s'était alors surtout concentrée sur la problématique des mines antipersonnel et sur leur interdiction dans les conflits armés, laquelle se concrétisera par l'adoption de la Convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel. Il faudra attendre l'utilisation d'armes à sous-munitions par l'OTAN au Kosovo en 1999 pour que cette thématique suscite un regain d'intérêt au niveau international et c'est à la suite de l'utilisation d'armes à sousmunitions au Liban en août 2006 que la question sera finalement à nouveau inscrite à l'agenda international.

En tant qu'Etat partie à la Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination8 de 1980 (ci-après CCAC), la Suisse s'est engagée dès la fin des années 1990 en faveur de mesures destinées à réduire les risques liés aux restes explosifs de guerre et, en
particulier, pour des mesures techniques préventives visant à diminuer les taux de ratés. A la même époque, le CICR et des ONG ont remis sur la table la question des armes à sous-munitions, en tant que catégorie particulière de restes explosifs de guerre, et sensibilisé les Etats parties à la CCAC à l'impact humanitaire de ces armes et à la nécessité de les interdire dans le cadre du développement du droit international humanitaire.

La Deuxième Conférence d'examen de la CCAC en 2001 a ensuite adopté un mandat chargeant un groupe d'experts gouvernementaux de discuter des mesures à prendre pour réduire l'impact humanitaire des restes explosifs de guerre (armes à sous-munitions comprises), tout en minimisant autant que faire se peut l'apparition de restes explosifs de guerre. Ces travaux aboutirent en novembre 2003 à l'adoption du Protocole V sur les restes explosifs de guerre annexé à la CCAC. Le protocole V 8

RS 0.515.091; le sigle CCW fréquemment utilisé pour désigner cette convention renvoie à son titre anglais 1980 Convention on Prohibitions and Restrictions on the Use of Certain Conventional Weapons Which May be Deemed to Be Excessively Injurious or to Have Indiscriminate Effects.

5507

prévoit, entre autres, des mesures préventives destinées à réduire le risque d'apparition de restes explosifs de guerre, ainsi que des mesures à prendre après un conflit afin de réduire autant que faire se peut les risques inhérents aux restes explosifs de guerre et les effets de tels résidus (nettoyage des zones affectées, ainsi que enregistrement, archivage et communication des renseignements sur les armes utilisées, afin de faciliter leur marquage, leur enlèvement et leur destruction).

L'adoption du protocole V a marqué une étape importante dans la réglementation des restes explosifs de guerre, mais ce texte n'offre pas une protection suffisante à la population civile en ce qui concerne l'impact humanitaire de l'utilisation d'armes à sous-munitions. En conséquence, un grand nombre d'Etats et d'organisations ont demandé l'ouverture de négociations en vue de la conclusion d'un instrument juridiquement contraignant portant sur ce type d'armes.

Du point de vue de la Suisse, la priorité devait aller à des mesures préventives destinées à protéger les populations civiles, et donc à des mesures techniques visant à améliorer la fiabilité des munitions. Dans ce contexte, elle a organisé en 2004 avec l'Allemagne un atelier international, dans le cadre duquel les mesures techniques de prévention, et en particulier les mécanismes d'autodésactivation, d'autoneutralisation et d'autodestruction ont été examinés. Aujourd'hui encore, la Suisse soutient des initiatives multilatérales qui vont dans ce sens.

Lors de la Troisième Conférence d'examen des Etats parties à la CCAC en novembre 2006 à Genève, ces derniers ont décidé de se saisir de la question des sousmunitions et de celle de l'adoption d'un mandat de discussion pour 2007. La Suisse a soutenu la proposition d'un mandat visant à créer un groupe de travail pour engager des négociations dans le cadre de la CCAC relatives à un instrument juridiquement contraignant traitant des problèmes humanitaires posés par certaines armes à sous-munitions. Au vu des conséquences sur la vie des populations civiles ainsi que la reconstruction des pays touchés, la Suisse était en effet d'avis que les principes fondamentaux et les règles du droit international humanitaire n'étaient pas suffisants. Cette proposition s'est heurtée à l'opposition d'un petit nombre d'Etats
importants, qui possèdent les stocks les plus fournis d'armes à sous-munitions, notamment la Chine, les Etats-Unis, l'Inde, Israël, le Pakistan et la Russie.

Aucun consensus n'ayant été trouvé entre les Etats parties à la CCAC sur le démarrage de négociations d'un nouveau traité international sur les armes à sousmunitions, la Suisse s'est associée à une déclaration politique commune signée par 26 Etats, réaffirmant leur reconnaissance de la menace humanitaire grave et urgente que constituent les armes à sous-munitions et appelant à ce que débutent, sans délai, des négociations en vue de la conclusion d'un accord international visant l'interdiction des armes à sous-munitions qui présentent une menace humanitaire grave.

En février 2007, la Norvège a organisé une conférence qui a consacré ses travaux, fondés sur cette déclaration, à la problématique des armes à sous-munitions et a fait progresser hors du cadre de l'ONU le processus alors dans l'impasse au sein de la CCAC. Le Processus d'Oslo, qui aboutira à l'adoption de la CCM en 2008, est né à la suite de cette conférence.

Depuis 2007, des négociations sont de nouveau menées au sein de la CCAC, avec la participation d'Etats qui n'avaient pas rejoint le Processus d'Oslo, en vue de définir une réglementation internationale des armes à sous-munitions s'inscrivant dans le cadre d'un protocole additionnel à la CCAC. Le dernier mandat en date, adopté dans ce cadre, charge le groupe d'experts de présenter à la Quatrième Conférence 5508

d'examen de la CCAC, fin 2011, un projet de règlementation des armes à sousmunitions assorti de recommandations. En raison de fortes divergences, ce processus n'a débouché sur aucun résultat substantiel à ce jour et rien ne permet de dire que cela sera le cas dans la perspective de la prochaine conférence d'examen. Cependant, là encore, de nombreux Etats qui se sont impliqués dans le Processus d'Oslo, dont la Suisse, défendent activement l'idée d'un instrument international incluant les principaux fabricants d'armes à sous-munitions. La Suisse a toujours souligné, à cet égard, qu'elle considère que les deux processus, aussi bien les négociations menées dans le cadre de la CCAC que les activités visant à la mise en oeuvre de la CCM, se complètent et se renforcent mutuellement.

2.2

Principaux objets parlementaires déposés avant le début du Processus d'Oslo

a) L'initiative parlementaire Dupraz L'initiative parlementaire Dupraz9, déposée le 7 décembre 2005 au Conseil national, a pour but de modifier la loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre (LFMG)10, principalement le chap. 2 sur l'interdiction de certaines armes. L'objectif principal de l'initiative vise l'interdiction totale de développer, de fabriquer, de procurer à titre d'intermédiaire, d'acquérir, de remettre à quiconque, d'importer, d'exporter, de faire transiter, d'entreposer des armes à sous-munitions ou d'en disposer d'une autre manière. Le Conseil national a accepté d'y donner suite alors que le Conseil des Etats a d'abord refusé. L'initiative est retournée à la Commission de politique de sécurité du Conseil des Etats (CPS-E) le 10 juin 2008.

Lors de ce nouvel examen de l'initiative Dupraz, la CPS-E a déposé une nouvelle motion le 23 juin 2008 intitulée «Consensus de Dublin»11. La CPS-E y prend acte de l'adoption de la CCM à la fin mai 2008 et fait part de son soutien à la nouvelle convention. Elle invite en outre la Suisse à ratifier celle-ci au plus vite et à adapter sa législation nationale en conséquence. La CPS-E a ainsi repoussé l'examen de l'initiative parlementaire Dupraz afin d'éviter de lancer deux processus législatifs ayant le même objectif. Elle estime que la ratification de la CCM répondra largement aux objectifs de l'initiative parlementaire Dupraz.

b) La motion Glanzmann-Hunkeler La motion Glanzmann-Hunkeler12, déposée le 11 décembre 2006 et acceptée par les deux Chambres, chargeait le Conseil fédéral d'inscrire dans la LFMG une interdiction des armes à sous-munitions qui présentaient un risque humanitaire sérieux en raison de leur manque de fiabilité ou de leur imprécision. L'évolution rapide du Processus d'Oslo a finalement rendu de facto la mise en oeuvre de cette motion sans objet, mais cette dernière avait largement déterminé la position de la Suisse au début de ce processus.

9 10 11 12

05.452 RS 514.51 08.3444 06.3661

5509

2.3

Le Processus d'Oslo et l'adoption de la CCM

En février 2007, 46 Etats, dont la Suisse, ont signé une déclaration politique par laquelle ils s'engageaient à conclure en 2008 un instrument international juridiquement contraignant visant à interdire l'utilisation, la production, le transfert et le stockage des armes à sous-munitions qui causent des dommages inacceptables aux populations civiles, et prévoyant des ressources adéquates pour l'assistance aux victimes et l'enlèvement des restes d'armes à sous-munitions dans les zones contaminées. Le Processus d'Oslo était conduit par un noyau de six pays: le «core group», formé de l'Autriche, de l'Irlande, du Mexique, de la Norvège, de la Nouvelle-Zélande et du Saint-Siège. Partisan d'une interdiction complète des armes à sousmunitions, ce groupe avait notamment l'appui de pays d'Afrique et d'Amérique du Sud. Il avait face à lui le «like minded group»13, un groupe réunissant surtout des pays produisant ou stockant des armes à sous-munitions. Ce groupe minoritaire d'Etats partageant les mêmes vues, dont faisait partie la Suisse, était plutôt réticent à une interdiction complète des armes à sous-munitions; il voulait restreindre l'interdiction aux seules armes causant des dommages inacceptables aux populations civiles. Il s'agissait d'exclure de la convention les sous-munitions dites «intelligentes»14, voire celles équipées d'un mécanisme d'autodestruction, d'autodésactivation ou d'autoneutralisation. La Suisse s'est engagée en faveur de l'exclusion du champ d'application de la convention des types de sous-munitions dites «sensor fused», c'est-à-dire des munitions autodirectrices, équipées de différents systèmes de guidage de haute technologie pouvant corriger la précision en phase terminale sur la cible (munitions à effet dirigé).

Dans le cadre de ce processus, la Suisse a toujours recherché l'équilibre entre les exigences humanitaires et les nécessités militaires. Très sensible à la question des définitions, et donc du champ d'application des armes visées par la convention, ainsi qu'à celle des exceptions, la Suisse s'est engagée en faveur de l'inclusion de dispositions qui reflètent les progrès accomplis au niveau international au cours de la dernière décennie en matière d'assistance aux victimes. Elle souhaitait notamment que ces dispositions attachent une importance primordiale au principe de
non discrimination des victimes selon la cause de l'accident et à la prise en compte de l'assistance aux victimes comme partie intégrante des politiques nationales de santé publique, de services sociaux et de droits de l'homme. Parmi les buts poursuivis par la Suisse figuraient également, outre l'inclusion d'une période de transition pour certains types de sous-munitions et dans certaines circonstances, la conservation d'un nombre limité et réaliste de sous-munitions interdites par la convention, à des fins, notamment, d'entraînement et de développement de techniques de détection, de tests, de nettoyage des zones affectées, de destruction et de mise au point de contremesures.

Lors de la Conférence de Wellington en février 2008, qui a confirmé et concrétisé les engagements pris à Oslo, les divergences entre le «like minded group» et le «core group» se sont encore accentuées. Les propositions de la Suisse et des Etats partageant ses vues ont par la suite été compilées dans un document séparé. Ce compen13

14

Le groupe des Etats «like-minded» s'était constitué avant la Conférence de Vienne en décembre 2007 à l'initiative de la France et se composait notamment, outre cette dernière et la Suisse, de l'Allemagne, de l'Autriche, du Canada, de la France et du Royaume-Uni.

C'est à dire les sous-munitions équipées d'un système de guidage et conçues pour toucher un objectif ponctuel au-dessus d'une zone donnée (sensor-fused submunitions).

5510

dium a été adopté, avec le projet de convention qui en constituait la proposition de base, par plus de 100 Etats et transmis à la Conférence diplomatique de Dublin.

L'adoption de cette déclaration politique (Déclaration de Wellington) a constitué une avancée décisive vers l'ouverture des négociations de Dublin.

111 Etats provenant des cinq continents, dont une vingtaine de pays producteurs et stockeurs d'armes à sous-munitions (y compris l'Allemagne, la France, le Japon et le Royaume-Uni) ont participé aux négociations qui ont abouti au succès de la Conférence diplomatique de Dublin (mai 2008). L'adoption de la convention lors de cette rencontre a marqué l'aboutissement du processus. Outre le CICR et l'ONU, plus de 250 représentants de la société civile ont pris part à la conférence. Les pays considérés comme les principaux producteurs d'armes à sous-munitions dans le monde, et dont certains utilisent d'ailleurs de telles armes, à savoir la Chine, les Etats-Unis, l'Inde, Israël, le Pakistan et la Russie, étaient en revanche absents.

Lors des négociations, la Suisse a été chargée de mener des consultations sur l'une des questions particulièrement litigieuses, à savoir les relations des Etats parties à la convention avec les Etats non parties dans le cadre d'opérations militaires multinationales (interopérabilité). Sur cette question, qui constituait une condition impérative pour de nombreux Etats, la cheffe de la délégation suisse, l'ambassadrice Christine Schraner Burgener, a réussi à trouver l'équilibre entre, d'une part, la nécessité de créer une réglementation contraignante concernant la coopération et, d'autre part, le maintien des obligations centrales découlant du premier article de la convention.

En tant qu'Etat neutre n'appartenant à aucune alliance militaire, la Suisse a pu ainsi apporter une contribution constructive et décisive à l'émergence d'un consensus final.

Malgré les divergences de vue importantes au commencement des négociations, la conférence a finalement adopté par consensus, à Dublin, un traité fort, innovateur et ambitieux qui interdit toutes les armes à sous-munitions qui causent des dommages inacceptables à la population civile et prévoit un cadre légal détaillé pour l'assistance aux victimes. La Suisse a réussi à faire prévaloir ses vues en ce qui concerne l'exemption
prévue par l'art. 2 sur les définitions (cf. infra, ch. 4, art. 2), la conservation de sous-munitions à des fins d'entraînement ainsi qu'une règlementation forte en matière d'assistance aux victimes. L'interdiction générale prévue par la convention bannira désormais toutes les armes à sous-munitions qui ont été utilisées à ce jour au cours de conflits armés. Elle a également restreint de manière significative le développement futur d'armes à sous-munitions.

La Chine, les Etats-Unis, l'Inde, Israël, le Pakistan et la Russie n'ont pas participé à l'adoption de la convention, alors qu'ils possèdent la grande majorité des stocks d'armes à sous-munitions dans le monde. Même s'ils reconnaissent que ces armes peuvent causer des dommages humanitaires, ils continuent de les considérer sous l'angle de leur utilité militaire qu'ils estiment essentielle.

5511

2.4

Signature de la CCM par la Suisse

Le 10 septembre 2008, le Conseil fédéral a décidé d'approuver la CCM, sous réserve de ratification, abondant ainsi, notamment, dans le sens des initiatives parlementaires consacrées à cette question15.

Il a qualifié la nouvelle convention de forte et ambitieuse et s'est félicité de ce nouveau développement historique du droit international humanitaire. Il a également souligné l'importance, pour la réussite du Processus d'Oslo, du partenariat privilégié entre les Etats, les organisations internationales et la société civile, et de la solidarité entre les Etats possédant des armes à sous-munitions et ceux affectés par le fléau de ces armes. Lors de l'ouverture de la CCM à la signature les 3 et 4 décembre 2008 à Oslo, 93 Etats, dont la Suisse, ont signé la convention.

3

Appréciation

3.1

Renforcement du droit international humanitaire

La CCM comporte 23 articles. L'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des armes à sous-munitions constitue le coeur de la CCM. Elle est complétée par l'obligation de détruire les stocks existants et de dépolluer les zones contaminées par des armes à sous-munitions dans des délais déterminés. Dans le même temps, la CCM propose pour la première fois une définition des armes à sousmunitions universellement reconnue et donne en outre une définition des armes qui ne sont pas considérées comme des armes à sous-munitions selon des critères cumulatifs très précis. La convention contient également des dispositions sur la coopération et l'assistance internationales pour sa mise en oeuvre, sur l'interopérabilité, ainsi que sur l'assistance aux victimes. Elle prévoit aussi des mesures de transparence dans le cadre de sa mise en oeuvre par les Etats, de même que l'obligation de sanctionner pénalement les infractions à ses dispositions.

La CCM constitue ainsi un développement substantiel du droit international humanitaire qui vient renforcer le premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève et la Convention d'Ottawa, ainsi que le Protocole II amendé sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs et le Protocole V relatif aux restes explosifs de guerre de la CCAC. Les armes à sous-munitions feront désormais partie de la catégorie des armes illicites au regard de ce droit en raison des souffrances inacceptables qu'elles causent notamment à la population civile.

De plus, la CCM a certainement contribué à redynamiser les discussions au sein de la CCAC à Genève puisque les grandes puissances militaires y négocient depuis fin 2007 un Protocole sur les armes à sous-munitions. Comme mentionné ci-dessus (cf.

ch. 2.1), la Suisse participe activement à ces négociations. En effet, au-delà du phénomène de stigmatisation que devrait créer la CCM, elle reste convaincue de la nécessité de renforcer et d'universaliser les normes juridiques afin que les Etats qui détiennent la majorité des stocks d'armes à sous-munitions dans le monde soient aussi soumis à des dispositions interdisant leur utilisation et visant à empêcher leur

15

Motion Hiltbold: Interdiction des bombes à sous-munitions (08.3308); motion Maury Pasquier: Interdiction des bombes à sous-munitions (08.3321); motion CPS-E: Consensus de Dublin (08.3444); voir aussi chap. 10 ci-après.

5512

prolifération. Il faudrait veiller à ce que ces interdictions soient complémentaires à celles prévues par la CCM.

3.2

La convention dans le cadre de la politique extérieure et de la politique de sécurité ainsi que de la politique en matière de maîtrise des armements et de désarmement de la Suisse

La CCM contient des mesures de désarmement essentielles à sa mise en application effective sur le terrain. La ratification de ce traité a pour conséquence que les Etats concernés doivent détruire l'intégralité de leurs stocks d'armes à sous-munitions.

Les efforts en matière de désarmement, lesquels atténuent ou éliminent les conséquences humanitaires et socio-économiques de certaines armes ainsi que leurs effets sur la politique de la paix, sont une priorité de la politique extérieure de la Suisse.

Celle-ci a pour objectif d'accroître la sécurité humaine dans des situations de conflit et d'après-conflit. La ratification de la CCM devrait renforcer la position de la Suisse dans un domaine dans lequel elle jouit d'ores et déjà d'un important crédit et possède des compétences internationalement reconnues. Les effets des armes à sousmunitions ne sont pas uniquement d'ordre humanitaire: ils entravent le développement durable et économique et représentent un danger pour les forces de maintien de la paix et les activités de promotion de la paix; enfin, ils empêchent ou retardent le retour des déplacés internes et des réfugiés en limitant considérablement la liberté de mouvement des personnes. Il s'agit là d'aspects importants de la politique extérieure de la Suisse, que seule l'élimination des armes à sous-munitions et d'autres restes de matériel de guerre permettra de mettre en oeuvre. L'adhésion de la Suisse à la CCM devrait également accroître la crédibilité de notre pays dans le domaine du désarmement en général et lui offrirait la possibilité d'intervenir plus efficacement dans les enceintes internationales pertinentes.

Aux termes du rapport 2008 du Conseil fédéral sur la politique de la Suisse en matière de maîtrise des armements et de désarmement, la Suisse a adopté une politique pragmatique de maîtrise des armements et de désarmement visant un niveau d'armement national et international le plus bas possible. Elle est partie prenante à tous les instruments juridiquement contraignants qui lui sont accessibles en matière de maîtrise des armements et de désarmement et s'engage en faveur du développement du droit international humanitaire et de son adaptation aux nouvelles technologies d'armement et méthodes de conduite des hostilités. Dans le cadre des négociations portant sur les armes conventionnelles,
elle s'engage notamment en faveur de l'interdiction des armes à sous-munitions, car le droit international humanitaire interdit ou restreint l'utilisation d'armes afin d'atténuer les conséquences des guerres sur la population civile16.

La CCM est en adéquation avec ces principes. Elle est juridiquement contraignante et représente un développement important du droit international humanitaire s'agissant de la protection des populations civiles.

16

RAPOLSEC 2010, pp. 33 à 34.

5513

3.3

Exclusion des munitions à dispositif de recherche

La définition des armes à sous-munitions que propose la convention s'appuie sur cinq critères cumulatifs pour exclure les types les plus modernes de munitions mères. Les munitions à dispositif de recherche (p. ex. SMArt, cf. ch. 1.5.1) constituent une évolution: recherche active de la cible, précision accrue, nombre moins important de sous-munitions, et sécurités électroniques contre les tirs ratés.

Les principales caractéristiques des armes à sous-munitions qui, de par leur combinaison, sont problématiques, à savoir le désassurage mécanique, la fusée à percussion, la sensibilité aux frottements, ne sont plus présentes dans les munitions à dispositif de recherche sous forme combinée, voire n'y sont plus présentes du tout.

Les composants électroniques en général, ainsi que les mécanismes intégrés d'autodestruction et d'autodésactivation en particulier, réduisent ainsi considérablement le risque de tirs ratés. Nous manquons toutefois jusqu'à présent de chiffres concrets et d'études indépendantes sur les taux de tirs ratés de munitions à dispositif de recherche provenant d'opérations militaires.

Cependant, du fait de leur degré de technicité élevé, les munitions à dispositif de recherche sont plus coûteuses et sont pour l'instant loin d'être accessibles à toutes les forces armées. Dans ce contexte, la question se pose de savoir si l'absence de caractéristiques qualitatives des types de munitions exclus de la convention favoriserait à l'avenir la production de munitions moins coûteuses et de qualité inférieure impliquant, dans le pire des cas, un risque plus élevé de tirs ratés. Mais au stade actuel, rien ne laisse entrevoir une évolution en ce sens.

3.4

Utilisation des armes à sous-munitions dans de futurs conflits

Etant donné que les principaux producteurs et utilisateurs d'armes à sous-munitions (entre autres le Brésil, la Chine, la Corée du Nord, les Etats-Unis, l'Inde, Israël, le Pakistan et la Russie) ne soutiendront pas la convention à court ni à moyen terme, nul ne saurait exclure l'utilisation de ce type d'armement dans des conflits futurs.

Cela s'applique en particulier aux conflits entre forces armées conventionnelles, mais également à ceux qui font intervenir des acteurs non étatiques lourdement équipés. A cet égard, on peut s'attendre à ce que l'efficacité militaire et économique de ces munitions continue d'être invoquée pour justifier leur utilisation. Certains Etats font également valoir que l'emploi d'armes à sous-munitions (et de munitions à dispositif de recherche) renforce la sécurité de leurs forces armées en permettant d'attaquer des objectifs avec moins de matériel et de personnel.

3.5

Effet stigmatisant

L'interdiction globale des mines antipersonnel a entraîné une stigmatisation de ce type d'armement. Bien au-delà du cercle des Etats parties, des forces armées se sont vues retirer toute légitimité quant à l'emploi de mines antipersonnel. On peut même évoquer une forme de condamnation; de ce fait, un lien s'établit entre l'utilisation de mines antipersonnel et un important dommage politique.

5514

Dans ce contexte, ce sont la stigmatisation ainsi qu'une véritable condamnation qui sont recherchées à travers l'interdiction des armes à sous-munitions. Cette stigmatisation a été à l'oeuvre, pour la première fois, dans le conflit qui a opposé la Géorgie et la Russie en août 2008: les deux parties en conflit se sont mutuellement accusées d'avoir fait usage d'armes à sous-munitions et ont immédiatement démenti leur emploi.

Comme l'indiquent également les expériences réalisées avec l'interdiction des mines antipersonnel, l'effet stigmatisant n'empêchera pas totalement à lui seul l'utilisation d'armes interdites. A ce jour, les mines antipersonnel sont encore utilisées par des acteurs étatiques et surtout non étatiques17. On peut donc penser que la condamnation des armes à sous-munitions réduira certes leur utilisation à l'échelle mondiale, mais ne parviendra pas à y mettre un terme définitif.

3.6

Assistance aux victimes

Les dispositions de la convention concernant l'assistance aux victimes (préambule, art. 2, par. 1, et art. 5) représentent un modèle en la matière. La coopération internationale en est renforcée et la mention d'assistance aux familles et aux communautés permet d'avoir une base juridique pour le développement de programmes consolidés et non discriminatoires.

L'art. 5 prévoit des obligations pour les Etats responsables, qui ont pour but d'améliorer l'impact et la coordination de l'assistance aux victimes. L'élaboration d'un plan et d'un budget nationaux, la désignation d'un point de contact sont autant de dispositions pratiques qui visent à faciliter la mise en oeuvre des normes générales.

La ratification d'un tel instrument permet à la Suisse non seulement de participer à l'évolution de l'interprétation de ces dispositions fondamentales pour l'amélioration des conditions de vie des personnes les plus vulnérables mais aussi de mieux coordonner au niveau international la mise en oeuvre et sa politique de coopération internationale.

4

Explications sur certaines dispositions de la convention

Ci-dessous, les dispositions centrales de la convention seront détaillées et passées en revue.

Préambule Dans le préambule, les Etats parties à la convention expriment la volonté d'assurer la pleine réalisation des droits de toutes les victimes d'armes à sous-munitions, et reconnaissent leur dignité inhérente. Ils soulignent en outre la nécessité d'avoir, en matière d'assistance aux victimes, une approche évitant toute discrimination, qui

17

Voir également International Campaign to Ban Landmines (ICBL): Landmine Monitor Report 2010.

5515

prenne en considération l'âge et les sexospécificités et aborde les besoins particuliers des groupes vulnérables.

Art. 1

Obligations générales et champ d'application

L'art. 1 contient une interdiction absolue des armes à sous-munitions. L'utilisation, le développement, la production, l'acquisition, le stockage, la conservation ou le transfert d'armes à sous-munitions sont prohibés en toute circonstance, de même que l'assistance, l'encouragement ou l'incitation de quiconque à s'engager dans des activités contraires à la convention. Cette interdiction inclut la vente, à des Etats ou à des groupes, de stocks nationaux d'armes à sous-munitions.

Des exceptions spécifiques sont prévues en matière de conservation d'un nombre limité d'armes à sous-munitions à des fins d'entraînement et de recherche en matière de techniques d'enlèvement ou de destruction de même qu'à des fins de développement de contre-mesures à l'art. 3 (cf. commentaire de l'art. 3).

Pour les Etats préoccupés par la question de l'interopérabilité, le par. 1, let. b et let. c posait problème puisqu'il interdit, respectivement, «de stocker, conserver ou transférer à quiconque directement ou indirectement des armes à sous-munitions» (par. 1, let. b) et d'assister d'autres Etats dans «toute activité interdite à un Etat partie en vertu de la (...) Convention» (par. 1, let. c). Ce point a toutefois été réglé par un article spécifique consacré aux relations avec les Etats non parties à la convention (cf. commentaire de l'art. 21).

Selon les termes de la convention (art. 1, par. 1, let. c), tout acte consistant à assister une activité interdite en vertu de la convention est interdit. Sous l'impulsion de la société civile, la notion d'assistance, en particulier, a suscité, après l'adoption de la convention, des débats à différents niveaux concernant l'interprétation correcte de ce terme et les actes qu'il recouvre en matière de financement. Ce point sera abordé plus en détails au ch. 7.2.5.

Art. 2

Définitions

L'art. 2 commence avec une définition de la notion de «victimes d'armes à sousmunitions». Cet aspect sera traité ci-dessous dans le cadre de l'explication sur l'art. 5 (Assistance aux victimes) (voir aussi ch. 3.6).

L'art. 2 définit divers termes techniques utilisés dans la convention. Il définit les armes à sous-munitions comme «une munition classique conçue pour disperser ou libérer des sous-munitions explosives dont chacune pèse moins de 20 kilogrammes et comprend ces sous-munitions explosives». Cette définition couvre la grande majorité des armes à sous-munitions qui ont été produites à ce jour et toutes celles qui ont été utilisées jusqu'à présent.

L'art. 2, par. 2, exclut certains types de munitions de la définition, et donc du champ d'application de la convention. Les effets de ces armes, en particulier leurs conséquences humanitaires, ont été passés en revue et analysés dans le cadre de négociations détaillées portant notamment sur l'art. 2, par. 2, let. c. Il en est ressorti que les munitions qui satisfont aux cinq critères cumulatifs ci-après ne sont pas considérées comme des armes à sous-munitions et ne tombent donc pas sous le coup de l'interdiction:

5516

­

moins de 10 sous-munitions explosives par munition;

­

chaque sous-munition explosive pèse plus de 4 kg;

­

chaque sous-munition explosive est conçue pour détecter et attaquer une cible constituée d'un objet unique18;

­

chaque sous-munition explosive est équipée d'un mécanisme électronique d'autodestruction;

­

chaque sous-munition explosive est équipée d'un dispositif électronique d'autodésactivation.

Art. 3

Stockage et destruction des stocks

Dans le cadre de la destruction exigée des stocks existants, les armes à sousmunitions conservées doivent être triées et marquées aux fins de leur destruction (art. 3, par. 1).

Le par. 2 de l'article exige la destruction des stocks d'armes à sous-munitions dans un délai de huit ans après l'entrée en vigueur de la convention pour l'Etat partie concerné. Si, dans des cas dûment justifiés, ce délai ne peut être respecté, une demande de prolongation du délai fixé, allant jusqu'à quatre ans, peut être présentée, conformément au par. 3. Dans des circonstances exceptionnelles, une prolongation additionnelle de quatre ans au maximum peut encore être demandée. Ces possibilités de prolongation du délai représentent une concession aux Etats possédant d'énormes stocks afin de faciliter leur adhésion à la convention. Elles visent également à favoriser l'universalisation de la convention. Les conditions strictes que doivent remplir ces demandes, décrites au par. 4, ainsi que les dispositions procédurales mentionnées au par. 5, montrent clairement que ces prolongations constituent des exceptions.

L'acquisition, la conservation ainsi que le transfert d'un nombre limité d'armes à sous-munitions, notamment à des fins de formation et de développement de contremesures, est autorisée (par. 6). Cette dérogation permet par exemple l'entraînement du personnel et le développement de matériel de déminage humanitaire ainsi que le développement de la technologie de protection. De plus, le transfert aux fins de destruction est également autorisé.

Art. 4

Dépollution et destruction des restes d'armes à sous-munitions et éducation à la réduction des risques

Même si les dispositions suivantes ne concernent pas directement la Suisse, l'exigence de dépollution des zones contaminées représente, d'un point de vue général, un autre élément déterminant de la convention. Aux termes du par. 1, chaque Etat partie est tenu d'enlever les restes explosifs des armes à sous-munitions ou de les faire enlever ou détruire. A cet égard, le principe pollueur-payeur ne s'applique pas, la responsabilité étant assumée par l'Etat partie sous la juridiction ou le contrôle duquel la zone contaminée se trouve. Cependant, les Etats parties qui ont utilisé des armes à sous-munitions, avant l'entrée en vigueur de la convention, dans des zones placées sous la juridiction ou le contrôle d'un autre Etat, sont tenues d'assister les travaux de dépollution de l'Etat concerné, conformément au par. 4.

18

Comprend aussi les munitions appelées «point target» ou «sensor-fuzed».

5517

Le délai fixé pour l'enlèvement couvre les dix années suivant l'entrée en vigueur de la convention pour l'Etat concerné. Si de nouveaux restes explosifs d'armes à sousmunitions devaient résulter de combats armés ultérieurs, un délai d'enlèvement dans les dix ans suivant la fin des hostilités serait applicable.

Art. 5

Assistance aux victimes

L'art. 2, par. 1, donne une définition large des «victimes d'armes à sous-munitions» puisqu'il inclut non seulement les individus mais aussi leur famille et leur communauté.

L'art. 5 prévoit des obligations pour les Etats concernés, qui ont pour but d'améliorer l'impact et la coordination de l'assistance aux victimes. L'élaboration d'un plan et d'un budget nationaux, la désignation d'un point de contact au sein du gouvernement sont autant de dispositions pratiques qui visent à faciliter la mise en oeuvre.

L'assistance aux victimes telle que prévue par la CCM représente un modèle en la matière et permet d'avoir, grâce à une définition extensive, une base juridique pour le développement de programmes consolidés et non discriminatoires.

Art. 6

Coopération et assistance internationales

L'art. 6 souligne le droit de chaque Etat partie «de chercher à obtenir et de recevoir une assistance» dans le cadre de l'accomplissement de ses obligations au titre de la convention (par. 1) ainsi que le droit de participer à l'échange aussi large que possible d'équipements et de renseignements scientifiques et technologiques concernant l'application de la convention (par. 3).

L'assistance peut s'opérer soit bilatéralement soit par le biais d'organisations régionales, nationales, non gouvernementales ou internationales, en particulier par le biais de l'ONU (par. 2). Les Etats parties qui sont en mesure de le faire doivent en outre fournir une assistance technique, matérielle et financière aux Etats parties affectés par les armes à sous-munitions. Ils s'engagent par ailleurs à ne pas imposer de restrictions indues à la fourniture et à la réception, à des fins humanitaires, d'équipements de dépollution ou autre, ainsi qu'à des renseignements technologiques relatifs à ces équipements (par. 2 et 3).

Chaque Etat partie en mesure de le faire doit notamment fournir une assistance en matière d'éducation à la réduction des risques, de dépollution et de destruction des restes d'armes à sous-munitions et de destruction des stocks de ces armes (par. 4 à 6). Ces Etats doivent également fournir une assistance aux victimes des armes à sous-munitions et contribuer au redressement économique et social nécessaire suite à l'emploi de ces armes sur le territoire des Etats parties affectés (par. 7 et 8). Afin de faciliter la fourniture de l'assistance, les Etats parties en mesure de le faire peuvent en outre alimenter des fonds d'affectation spéciale (par. 9).

Le par. 10 prévoit les mesures que devrait prendre un Etat bénéficiaire de l'assistance pour faciliter la mise en oeuvre de cette assistance, par exemple en accordant des régimes favorables de visas pour le personnel international impliqué dans les programmes d'assistance. Lors des négociations sur cet article, la Suisse a plaidé pour que les lois nationales ainsi que les meilleures pratiques internationales soient respectées.

5518

L'art. 6 prévoit encore que, dans le but d'élaborer un plan d'action national, chaque Etat partie peut demander de l'aide aux organismes des Nations Unies, aux organisations régionales, à d'autres Etats parties ou à d'autres institutions intergouvernementales ou non gouvernementales compétentes (par. 11). Enfin, les Etats contributeurs et les Etats bénéficiaires doivent coopérer «en vue d'assurer une mise en oeuvre rapide et intégrale des programmes d'assistance convenus» (par. 12).

Art. 7

Mesures de transparence

Selon l'art. 7, les Etats parties doivent soumettre au Secrétaire général des Nations Unies des rapports réguliers sur divers points liés aux engagements pris (p. ex. le type et le nombre d'armes à sous-munitions détruites, l'étendue et la localisation des zones contaminées par des armes à sous-munitions, l'état des programmes de dépollution, les mesures prises pour l'éducation à la réduction des risques, l'assistance aux victimes, etc.). Ces mesures de transparence ont pour but de favoriser et de contrôler le respect de la convention.

Le premier rapport doit être remis au Secrétaire général au plus tard 180 jours après l'entrée en vigueur de la convention pour l'Etat concerné.

Art. 8

Aide et éclaircissements relatifs au respect des dispositions de la convention

Le principe de base de l'art. 8 est que les Etats doivent se consulter et coopérer (par. 1). Les diverses étapes de la vérification débutent par une demande d'éclaircissements qu'un ou plusieurs Etats adressent au Secrétaire général des Nations Unies (par. 2). Si aucune réponse satisfaisante n'est fournie, l'Etat demandeur peut soumettre l'affaire à la prochaine Assemblée des Etats parties (par. 3). En attendant la tenue de cette Assemblée, l'Etat en question peut demander au Secrétaire général d'exercer ses bons offices pour faciliter la présentation des éclaircissements demandés (par. 4). L'Assemblée des Etats parties peut quant à elle recommander des mesures appropriées et adopter des procédures générales ou des mécanismes spécifiques pour clarifier la situation (par. 5 et 6).

Dans l'optique d'éventuelles implications concernant des Etats non parties à la convention, une solution de compromis a pu être trouvée, en ce sens que «l'Assemblée des Etats parties peut, en vue de clarifier le respect, y compris les faits adopter toute procédure générale ou mécanisme spécifique jugés nécessaires» (par. 6).

Art. 9

Mesures nationales d'application

L'art. 9 impose aux Etats parties de prendre toutes les mesures appropriées sur le plan national pour prévenir et réprimer les activités interdites par la convention qui seraient commises par des personnes ou sur un territoire relevant de leur juridiction ou de leur contrôle.

Afin de répondre aux exigences de l'art. 9, une modification de la LFMG et du code de procédure pénale (CPP)19 est nécessaire (cf. ch. 7).

19

RS 312.0

5519

Art. 10

Règlement des différends

En cas de différend entre deux Etats parties, ces derniers devront faire en sorte de régler ce problème par voie de négociation ou de tout autre moyen pacifique de leur choix, comme par exemple le recours à l'Assemblée des Etats parties ou à la Cour internationale de justice.

Art. 11 à 13

Conférences et assemblées des Etats parties

Le Secrétaire général des Nations Unies peut convoquer des conférences ou assemblées sur différents objets de sa propre initiative ou à la demande d'un ou plusieurs Etats parties. Les Etats non parties, de même que les Nations Unies, d'autres organisations ou institutions internationales, des organisations régionales, le CICR et des organisations non gouvernementales concernées ainsi que le Centre international de déminage humanitaire de Genève (CIDHG) peuvent y participer comme observateurs. Le règlement intérieur applicable doit déterminer la forme de leur participation.

L'art. 11 dispose qu'une assemblée des Etats parties doit se tenir chaque année jusqu'à la première Conférence d'examen, pour examiner toute question concernant l'application ou la mise en oeuvre de la convention. Cette enceinte peut se prononcer sur des questions générales (par. 1, let. a à d), sur les demandes des Etats parties dans le cadre de l'application de la convention en vertu des art. 8 à 10 de celle-ci (par. 1, let. e) et sur les demandes de prolongation du délai fixé pour l'enlèvement et la destruction des armes à sous-munitions (par. 1, let. f).

La première Conférence des Etats parties a eu lieu au Laos, en novembre 2010. Le deuxième sommet doit se tenir à Beyrouth en septembre 2011. La Suisse avait jusqu'à présent statut d'observateur.

La première Conférence d'examen décidera si et avec quelle fréquence se tiendront d'autres assemblées des Etats parties. Elle doit avoir lieu en 2015, cinq ans après l'entrée en vigueur de la convention (art. 12), et traitera du fonctionnement et de l'état de la convention (par. 2, let. a). D'autres conférences d'examen peuvent être convoquées dans un intervalle d'au moins cinq ans, qui, comme les Assemblées des Etats Parties, pourront aussi se prononcer sur les demandes de prolongation du délai fixé pour l'enlèvement et la destruction des armes à sous-munitions (par. 2, let. c).

Enfin, selon l'art. 13, tout Etat partie peut proposer des amendements à la convention. Sur demande, et pour autant que la majorité des Etats parties y consente, le Secrétaire général des Nations Unies convoque une conférence d'amendement en sa qualité de dépositaire (par. 1). Les amendements sont adoptés par une majorité des deux tiers des Etats parties présents et votants (par. 4). Ils entrent en vigueur
pour tous les Etats parties qui les ont acceptés dès que la majorité des Etats parties ont déposé leurs instruments d'acceptation auprès du dépositaire. Ils entreront par la suite en vigueur pour tout Etat partie le jour où celui-ci aura déposé son instrument d'acceptation (par. 5).

Art. 14

Coûts et tâches administratives

L'art. 14 dispose que les coûts des assemblées et conférences des Etats parties sont pris en charge par les Etats parties, ainsi que par les Etats non parties prenant part à ces réunions, selon le barème, dûment ajusté, des quotes-parts du budget ordinaire

5520

des Nations Unies. Les coûts liés aux prestations particulières du dépositaire sont pris en charge par les Etats parties selon ce même barème.

Le Suisse ne devrait pas avoir de frais élevés à assumer compte tenu de la clé de répartition applicable. Ces frais devraient ainsi pouvoir être prélevés sur le budget ordinaire et les crédits-cadres existants des offices concernés.

Art. 15 et 16

Signature, ratification, acceptation, approbation ou adhésion

Les art. 15 et 16 reproduisent, pour la convention, les dispositions habituelles des traités internationaux sur la signature, la ratification, l'acceptation, l'approbation et l'adhésion.

Art. 17

Entrée en vigueur

La convention est entrée vigueur le 1er août 2010 après 30 ratifications.

Art. 18

Application à titre provisoire

Selon l'art. 18, les Etats peuvent déclarer, au moment de ratifier la convention ou d'y adhérer, qu'ils appliqueront provisoirement l'art. 1 jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention. La portée fondamentale des interdictions consacrées par l'art. 1 (cf. ch. 9.3) est ainsi soulignée une nouvelle fois.

La Suisse fera une déclaration à cet effet et l'art. 1, al. 1, de la CCM s'appliquera provisoirement en attendant son entrée en vigueur.

Quoi qu'il en soit, il convient de rappeler que les Etats qui n'ont pas formulé une déclaration au sens de l'art. 18 de la convention sont tenus, conformément à l'art. 18 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969, de s'abstenir, jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention, d'actes qui priveraient celle-ci de son objet et de son but.

Art. 19

Réserves

L'art. 19 exclut la formulation de réserves portant sur les dispositions de la convention.

Art. 20

Durée de la convention et retrait

L'art. 20 dispose que la convention a une durée illimitée mais comporte des dispositions sur le retrait. Le par. 3 dispose qu'un retrait ne prend pas effet aussi longtemps que l'Etat qui se retire est engagé dans un conflit armé. Cette disposition correspond à la règle consacrée par l'art. 99 du Protocole I additionnel aux Conventions de Genève de 1949. Elle empêche que le droit international humanitaire cesse de s'appliquer précisément au moment où il revêt la plus grande importance.

Art. 21

Relations avec les Etats non parties à la convention

L'art. 1 prévoit l'interdiction expresse d'assister d'autres Etats dans des activités prohibées par la convention. Il remet ainsi en question l'interopérabilité, c'est-à-dire la collaboration militaire entre de futurs Etats parties à la convention et leurs partenaires au sein d'alliances qui, selon toute vraisemblance, ne sont guère susceptibles 5521

d'adhérer à la convention dans un avenir proche mais pourraient, au contraire, recourir à des armes à sous-munitions interdites dans le cadre d'opérations militaires conjointes.

En tant que pays neutre, sans aucune alliance militaire, la Suisse a été choisie pour faciliter la résolution du problème de l'interopérabilité. Agissant au titre d'«Amie du Président», l'ambassadrice Christine Schraner Burgener, s'est acquittée de cette mission.

Pour la grande majorité des pays de l'OTAN, les proches alliés des Etats-Unis et d'autres Etats engagés dans des opérations internationales de maintien de la paix, il était essentiel de pouvoir créer un cadre juridique sûr pour les décideurs politiques et leur personnel militaire. Ces pays, appartenant principalement au like-minded group, ont avancé qu'ils pouvaient certes prendre des engagements pour eux-mêmes, mais en aucun cas assumer la responsabilité des actions d'autres pays. Les Etats accueillant sur leur territoire des bases américaines ou des stocks d'armes à sous-munitions des Etats-Unis20, en particulier, avaient un intérêt manifeste à voir la question de l'interopérabilité résolue, tandis que d'autres Etats (surtout des pays africains, asiatiques et sud-américains, ainsi que la Norvège et l'Autriche) craignaient l'ouverture d'une brèche dans la CCM.

L'art. 21, par. 3, permet désormais aux Etats parties de s'engager dans des coopérations et des opérations militaires avec des Etats non parties à la convention qui utilisent des armes à sous-munitions. Elément central de cette disposition, la formulation qui a été retenue énonce le principe selon lequel, nonobstant l'interdiction totale énoncée à l'art. 1, les Etats parties peuvent poursuivre une coopération militaire avec des Etats non parties à la convention et s'engager dans des opérations militaires avec eux. En contrepartie, les Etats parties se sont vus imposer l'obligation d'encourager les Etats non parties à adhérer à la convention et de les inciter à renoncer aux armes à sous-munitions (par. 1 et 2). L'Etat partie lui-même reste dans tous les cas lié par l'interdiction de développer, de produire, d'acquérir, de stocker, de transmettre ou d'utiliser des armes à sous-munitions. Un Etat partie ne peut non plus demander à des partenaires d'utiliser de telles armes dans le cadre d'une opération commune,
pour autant que le choix des munitions employées soit sous son contrôle exclusif (par. 4).

Cette disposition offre aux alliances militaires telles que l'OTAN ou aux programmes de coopération comme le Partenariat pour la Paix (PPP) et le Conseil de Partenariat Euro-Atlantique (CPEA) ­ et donc à la Suisse ­ des marges de manoeuvre pour poursuivre leur coopération militaire internationale.

Du fait de l'engagement international actuel de l'armée suisse, la question de la collaboration directe avec des forces armées utilisant des armes à sous-munitions ne pose aucun problème pour les raisons suivantes: d'une part, les principaux partenaires européens de la Suisse ont également signé, voire déjà ratifié, la convention, et d'autre part, la loi du 3 février 1995 sur l'armée (LAAM)21 exclut la participation à des actions de combat destinées à imposer la paix (art. 66a, al. 2, LAAM). Enfin, les services suisses de promotion de la paix sur mandat de l'ONU ou de l'OSCE ne seront pas limités à l'avenir, même si des Etats utilisant des armes à sous-munitions sont engagés.

20 21

Allemagne, Australie, Canada, France, Italie, Japon et Royaume-Uni.

RS 510.10

5522

Art. 22 et 23

Dépositaire et textes authentiques

L'art. 22 désigne le Secrétaire général des Nations Unies comme dépositaire de la convention. L'art. 23 dispose que les textes, rédigés dans les six langues officielles des Nations Unies, sont également authentiques.

5

Conséquences

5.1

Consolidation de la tradition humanitaire de la Suisse dans la politique de maîtrise des armements et de désarmement

Comme mentionné au ch. 3.1, la CCM représente un développement substantiel du droit international humanitaire qui vient renforcer le premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève, la Convention d'Ottawa, ainsi que les protocoles II amendé et V annexés à la CCAC.

La Suisse ayant déjà une politique active et reconnue dans la mise en oeuvre de ces instruments, la ratification de la CCM constituerait un signal positif par lequel elle marquerait sa volonté de contribuer à la lutte contre les armes à sous-munitions et ainsi renforcer sa politique humanitaire. La ratification de la CCM consoliderait en outre la Genève internationale en tant que centre international du désarmement et de l'aide humanitaire et permettrait de satisfaire aux attentes de la communauté internationale envers la Suisse et sa tradition humanitaire. La ratification de la CCM par la Suisse pourrait également contribuer à promouvoir le Centre international de déminage humanitaire ­ Genève (CIDHG), qui est un acteur clé dans la mise en oeuvre de la convention.

5.2

Conséquences pour la politique de sécurité et de défense

Le Conseil fédéral considère que la probabilité d'une attaque militaire contre la Suisse dans un futur prévisible est faible. Par conséquent, on peut considérer que la probabilité d'un recours au feu indirect et à l'artillerie en réaction à une attaque militaire est faible elle aussi. Il faut toutefois conserver la compétence-clé liée à l'usage du feu indirect en réaction à une attaque militaire22. Pour les deux autres tâches de l'armée (appui aux autorités civiles, promotion de la paix), il n'est pas prévu d'engager l'artillerie.

5.3

Conséquences pour l'armée suisse

La mise en oeuvre de la convention ne concerne en Suisse que les projectiles cargos évoqués précédemment (voir ch. 1.5). Ceux-ci devraient être détruits dans un délai de huit ans après l'entrée en vigueur de la convention pour la Suisse (avec une possibilité de prolongation ordinaire de quatre ans, complétée par une éventuelle prolongation extraordinaire de quatre années supplémentaires). Les types de muni22

RAPOLSEC 2010.

5523

tions tels que les SMArt 155 à tête chercheuse disponibles dans l'armée suisse, qui reposent sur une autre technologie, demeurent autorisés. Sont également autorisés les obus d'acier et obus de lancement ainsi que les STRIX, qui ne sont pas non plus visés par la convention. La mise hors service des projectiles à sous-munitions va considérablement réduire la capacité de l'artillerie à lutter avec des armes antichars en cas d'attaque militaire. Cependant, une capacité partielle restera assurée au travers des types de munitions qui demeureront autorisées, comme les obus d'acier, les SMArt 155 et les STRIX. L'acquisition et le développement de nouveaux types de munitions exclus de l'interdiction seront également possibles.

La mise hors service des projectiles cargos imposera pour les appareils électroniques, les règlements ainsi que les simulateurs et installations d'exercice, des ajustements techniques nécessitant un investissement relativement faible.

De même, l'instruction pratique devra subir de légères adaptations qui n'auront toutefois pas d'influence globale sur son contenu, puisque les tirs de projectiles cargos dans le cadre de l'instruction sont interdits en Suisse pour des raisons de sécurité. Les projectiles cargos ont été stockés exclusivement pour le cas d'une défense contre une attaque militaire.

Concernant les plates-formes de lancement, les obusiers blindés M-109 de 15,5 cm arriveront à la fin de leur durée de vie normale dans les 10 à 15 prochaines années, à moins de mettre en place des investissements supplémentaires et des programmes de préservation de leur valeur. Or, rien n'est prévu en ce sens pour l'instant. En l'état actuel des décisions, il est envisagé de mettre hors service le canon de forteresse 15,5 cm (BISON) et les lance-mines de forteresse de 12 cm.

5.4

Maintien des capacités pour le feu indirect

La ratification de la CCM affaiblit pour le moment notablement, même si ce n'est que quantitativement, la puissance de feu indirect. Mais le rôle futur de l'artillerie ne s'en trouve pas pour autant hypothéqué.

Dans le cadre de la réaction à une attaque militaire, le feu indirect reste d'une importance capitale. Il constitue un moyen décisif de riposte à une attaque militaire, lorsqu'il est acheminé rapidement vers le théâtre des opérations et utilisé avec une grande précision de tir. La possibilité de fournir à temps un appui par le feu indirect en profondeur permet de constituer des axes tactiques et opératifs et d'accroître la liberté d'action à tous les niveaux. Dans le cadre des travaux en cours en vue du développement de l'armée, il faudra déterminer quel spectre de plateformes d'action est le mieux adapté pour obtenir des possibilités d'engagement et les portées décisives avec la précision requise. La question fondamentale se pose aussi du développement de capacités de feu opératif à l'aide de systèmes basés au sol ou aériens.

A l'avenir, les opérations de défense seront surtout menées en zone construite.

L'agresseur cherchera comme le défenseur à tirer parti des forces et des avantages du terrain urbanisé, d'autant plus que l'urbanisation progresse très rapidement en Suisse. Il convient donc d'accorder une haute priorité à la précision de frappe du feu indirect. Or les armes à sous-munitions ne satisfont pas à ces exigences futures. Les conceptions qui prévalaient jusqu'ici en matière d'artillerie étaient fondées sur des zones exposées au feu ou de tir libre. Le recours à des projectiles cargos était donc particulièrement approprié. Mais ces tactiques sont aujourd'hui nettement dépassées 5524

car la probabilité de les utiliser sur des cibles valables est faible et elles risquent de causer des atteintes à la population civile (dommages collatéraux).

Dans son rapport sur la politique de sécurité 201023, le Conseil fédéral a déjà relevé que le maintien des compétences est une priorité de la «défense» en tant que tâche de l'armée. Du point de vue de la politique de sécurité, il n'est donc pas nécessaire que l'armée puisse mener un combat défensif dans un avenir prévisible. L'artillerie se voit donc elle aussi confrontée à la nécessité de maintenir et de développer son savoir-faire, le but étant de disposer de capacités atteignant un haut niveau technologique, mais ne dépassant pas le minimum requis sur le plan quantitatif.

Si l'on considère les exigences futures auxquelles il faudra satisfaire, les normes générales fixées par la présente convention ne compromettent ni les effectifs de l'artillerie ni son développement. Vu les plateformes de lancement existantes et les munitions encore en stock (dont des SMArt à tête chercheuse), il est possible d'assurer un maintien des compétences en matière d'appui terrestre, et éventuellement aérien, qui soit en phase avec les évolutions futures.

5.5

Conséquences financières de la destruction des stocks d'armes à sous-munitions

5.5.1

Destruction des stocks d'armes à sous-munitions

En principe, les armes à sous-munitions peuvent être détruites dans le pays même comme à l'étranger. Jusqu'ici, elles n'ont été éliminées à l'étranger que lorsque ce n'était pas technologiquement possible ou économiquement pertinent de le faire en Suisse.

Le Conseil fédéral recommande au Parlement de limiter les opérations de destruction des stocks aux projectiles et d'opter pour leur élimination en Suisse. Cette solution satisfait pleinement aux conditions prévues à l'art. 3 de la convention, tout en étant bien moins dispendieuse en ressources que l'élimination des projectiles avec l'ensemble des composants (charges explosives, fusées, cartouches d'allumage, modèles d'armes, munitions factices, etc.). Les ressources disponibles en Suisse pour détruire les stocks de projectiles étant de toute façon insuffisantes actuellement, une telle démarche nécessiterait des investissements d'infrastructure, ce qui exigerait un délai supplémentaire. Il faudrait en tenir compte pour pouvoir respecter les délais fixés dans la convention pour la destruction des stocks.

L'élimination en Suisse permet de préserver les emplois existants et d'en créer éventuellement de nouveaux. Elle garantit en outre le respect de toutes les normes environnementales et de sécurité pertinentes.

5.5.2

Conséquences financières

L'élimination en Suisse du stock de projectiles, recommandée par le Conseil fédéral, engendre des coûts totaux compris entre 25 et 35 millions de francs. Comme les quatre types de munitions à détruire (KaG 88, KaG 90, KaG 88/99 et KaG 98) sont 23

FF 2010 4681

5525

fondées sur des technologies diverses et contiennent un nombre variable de sousmunitions, il faut prévoir différentes mesures de sécurité lors du démontage. Le coût d'élimination par projectile devrait cependant être plus ou moins le même pour les quatre types de munitions.

Les 25 à 35 millions de francs indiqués englobent les coûts supplémentaires d'infrastructure et de production qui seraient nécessaires, vu les ressources limitées dont dispose la Suisse actuellement.

Le montant exact des coûts ne pourra toutefois être établi que lorsque des entreprises spécialisées auront soumis des offres concrètes. Selon le système, le mode de financement et l'entreprise choisis pour la destruction physique de ces armes, il faut compter avec un délai de six à huit ans.

Les coûts totaux mentionnés peuvent s'inscrire dans le plafond de dépenses du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), mais il faut adapter le calendrier actuellement prévu pour l'élimination des munitions, afin de tenir compte des délais fixés par la convention.

La modification des installations électroniques (calculateurs de conduite de tir, système pour la conduite et la direction du feu, simulateurs, etc., cf. ch.1.5.5) peut être réalisée dans le cadre de travaux périodiques de maintenance et de mise à jour.

Ces activités sont financées sur les crédits de fonctionnement annuels, ce qui exclut tout besoin de ressources financières supplémentaires.

5.6

Conservation d'armes à sous-munitions

L'art. 3, par. 6, de la convention autorise la conservation d'armes à sous-munitions pour l'entraînement de personnel et la mise au point de matériel destiné au déminage, ou pour le développement de contre-mesures (cf. ch. 4, art. 3). Une disposition semblable est contenue dans la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel et dans ses dispositions d'exécution énoncées dans la LFMG (art. 8, al. 2).

Des projectiles à sous-munitions ou des éléments de ceux-ci doivent être conservés pour qu'une solide formation soit assurée dans le domaine de la destruction des ratés et des restes de munitions de guerre en Suisse et à l'étranger, par l'armée suisse, et pour que le savoir-faire d'Armasuisse en matière d'analyses techniques soit préservé.

Le nombre en sera limité au strict minimum, afin d'empêcher toute utilisation opérationnelle des projectiles dans le cadre d'une opération militaire. La convention ne définit aucun chiffre maximum. A l'instar d'autres partenaires européens, la Suisse pourra toutefois conserver quelques centaines de projectiles à sous-munitions.

Conformément à l'art. 3, al. 8, de la convention, un rapport détaillé devra être présenté chaque année sur le nombre et l'affectation des projectiles à sous-munitions conservés.

5526

5.7

Coopération internationale

Dans le cadre de la Stratégie anti-mines de la Confédération 2008 à 2011, la Suisse participe déjà aux efforts de déminage humanitaire (mines et restes explosifs de guerre, y compris les restes d'armes à sous-munitions non explosés) et d'assistance aux victimes. Le renforcement de la protection de la population civile face aux conséquences humanitaires des mines et restes explosifs de guerre, le nettoyage des zones affectées, l'aide aux victimes et la prévention figurent comme objectifs de cette stratégie. L'engagement de la Suisse comprend aussi bien des activités politiques et diplomatiques que des contributions financières, personnelles et matérielles aux programmes de déminage et d'assistance aux victimes.

Conformément aux objectifs de la Stratégie anti-mines, la Suisse engage environ 16 millions de francs par année dans des projets d'action contre les mines et les restes explosifs de guerre. Elle remplit ainsi déjà les dispositions de l'art. 6. Concrètement, le DDPS engage environ 4 millions de francs suisses au travers de la mise à disposition de personnel, d'expertise et d'équipement spécifique pour les programmes de déminage de l'ONU, des Etats concernés ou des organisations actives dans des programmes anti-mines. De son côté, le DFAE engage jusqu'à 6 millions de francs suisses répartis notamment dans des programmes d'assistance aux victimes, de déminage, de plaidoyer et d'éducation à la réduction des risques. Des activités telles que l'évacuation des zones affectées ou l'assistance intégrale aux victimes sont effectuées sans distinguer les différents types de munitions.

En outre, jusqu'en 2010, le DDPS et le DFAE ont fourni ensemble un soutien financier annuel de 9 millions de francs au CIDHG, qui oeuvre à l'élimination des mines antipersonnel et à la réduction de l'impact humanitaire des autres mines terrestres et des restes explosifs de guerre. A partir de 2011, le DFAE prendra à sa charge l'intégralité de la contribution versée par la Suisse pour le financement du CIDHG, qui abrite l'unité de soutien à la mise en oeuvre de la Convention d'Ottawa (Implementation Support Unit, ISU, APMBC).

6

Liens avec le programme de la législature

Le projet n'est annoncé ni dans le message du 23 janvier 2008 sur le programme de la législature 2007 à 201124, ni dans l'arrêté fédéral du 18 septembre 2008 sur le programme de la législature 2007 à 201125. Au moment où ce programme a été établi, il n'était en effet pas possible de prévoir si la convention serait ratifiée ni, le cas échéant, à quel moment elle le serait.

7

Modification de la loi sur le matériel de guerre

7.1

Présentation de la modification

La LFMG, en vigueur depuis le 1er avril 1998, a pour but de «veiller au respect des obligations internationales et des principes de la politique étrangère de la Suisse, par le contrôle de la fabrication et du transfert de matériel de guerre et de la tech24 25

FF 2008 639 FF 2008 7745

5527

nologie y relative, tout en permettant le maintien en Suisse d'une capacité industrielle adaptée aux besoins de sa défense» (art. 1 LFMG). Le projet de cette loi avait été élaboré à l'époque en parallèle à l'initiative populaire «Pour l'interdiction d'exporter du matériel de guerre»26. Il constituait ainsi un contre-projet indirect à cette initiative. L'objectif consistait à réviser la loi fédérale du 30 juin 1972 sur le matériel de guerre alors en vigueur, dans le but d'en combler les lacunes et d'établir une certaine compatibilité avec l'ordre juridique d'Etats comparables à la Suisse, ainsi qu'avec les règles de conduite de la communauté internationale, fixées à des fins de réglementation du commerce de matériel de guerre. Cette révision devait aussi faciliter la collaboration de l'industrie suisse avec ses partenaires étrangers.

Le chap. 2 de la LFMG concerne l'interdiction de certaines armes et porte actuellement sur les armes nucléaires, biologiques et chimiques (armes ABC, art. 7) et sur les mines antipersonnel (art. 8). Contrairement à ce que laisse supposer son titre, le chap. 2 ne porte pas uniquement sur des armes, mais également sur des types de munitions. La formulation «Interdiction de certains matériels de guerre» permet d'élargir la portée du titre, par analogie à l'art. 5, al. 1, LFMG.

La LFMG interdit de développer, de fabriquer, de procurer à titre d'intermédiaire, d'acquérir, de remettre à quiconque, d'importer, d'exporter, de faire transiter ou d'entreposer des matériels de guerre visés au chap. 2, ou d'en disposer d'une autre manière. L'art. 7 LFMG prévoit en outre l'interdiction d'inciter quiconque à commettre les actes susmentionnés (al. 1, let. b) ou de favoriser l'accomplissement de tels actes (al. 1, let. c). Il faut relever que ces deux dispositions n'existent pas dans l'art. 8, al. 1, LFMG sur les mines antipersonnel bien que des sanctions pénales soient prévues pour de telles infractions à l'art. 35, al. 1, let. b et c, LFMG (Infractions à l'interdiction des mines anti-personnel). L'absence des dispositions concernées à l'art. 8, al. 1, LFMG constitue une lacune improprement dite de la loi, à laquelle il convient de remédier à l'occasion de cette modification législative.

A l'heure actuelle, la LFMG ne comporte aucune disposition portant interdiction des armes à
sous-munitions. L'art. 9 CCM prévoit que chaque Etat partie prend toutes les mesures législatives, réglementaires et autres qui sont appropriées pour mettre en oeuvre la convention, y compris l'imposition de sanctions pénales pour prévenir et réprimer toute activité interdite à un Etat partie en vertu de la convention. La LFMG doit donc être complétée d'une interdiction des armes à sous-munitions et des dispositions pénales correspondantes, qui sera contenue dans les nouveaux art. 8a (Armes à sous-munitions) et 35a (Infractions à l'interdiction des armes à sous-munitions).

Avec ces modifications, la législation suisse sera en conformité avec les obligations prévues par la convention.

La loi est en outre complétée d'un art. 8b (Interdiction de financement), qui interdit de financer directement le développement, la fabrication ou l'acquisition de matériels de guerre prohibés, ainsi que les transactions visant à contourner la loi par la voie du financement indirect. Cette disposition crée une lex specialis destinée à concrétiser l'interdiction déjà posée en ce qui concerne les matériels de guerre prohibés, à savoir celle de l'encouragement des actes eux-mêmes interdits. La disposition pénale correspondante est énoncée à l'art. 35b (Infractions à l'interdiction de financement).

26

Rejetée le 8 juin 1997 par 77,5 % des votants.

5528

La modification de la LFMG offre également l'occasion d'harmoniser ses dispositions avec le code pénal (CP)27, révisé dans l'intervalle, en remplaçant, aux art. 34 et 35 LFMG, les termes «réclusion» et «emprisonnement» par le terme «peine privative de liberté».

7.2

Les nouvelles dispositions proposées

7.2.1

Adaptations concernant le titre précédant l'art. 7 LFMG

Le libellé actuel du titre du chap. 2 de la loi, qui précède l'art. 7 LFMG, se limite à l'interdiction de certaines «armes». Or, conformément à l'art. 5, al. 1, LFMG, les armes ne constituent qu'une catégorie de matériel de guerre parmi d'autres, à savoir les systèmes d'arme, les munitions, les explosifs militaires et les équipements spécifiquement conçus ou modifiés pour un engagement au combat ou pour la conduite du combat et qui, en principe, ne sont pas utilisés à des fins civiles. Afin de tenir compte de la portée de la notion de «matériel de guerre», le titre du chap. 2 a été adapté. Outre les armes, le nouvel intitulé «Interdiction de certains matériels de guerre» couvre les systèmes d'arme et les munitions, conformément à l'art. 5 LFMG.

7.2.2

Adaptations concernant l'art. 8 LFMG

Comme mentionné au ch. 7.1, il existe une lacune en ce qui concerne les actes interdits à l'art. 8 LFMG consacré aux mines antipersonnel, dans la mesure où l'art. 35, al. 1, let. b, LFMG, réprime l'incitation à commettre les actes interdits à la let. a, et la let. c l'encouragement à accomplir de tels actes, sans qu'on ait prévu ces deux infractions à l'art. 8 LFMG. Il s'agit maintenant de remédier à cette lacune.

La loi doit être complétée de telle manière que, par analogie à la structure de l'art. 7 (Armes nucléaires, biologiques et chimiques), les actes interdits concernant les mines antipersonnel figurent dorénavant à l'art. 8, al. 1, let. a, sans modification de substance. Par ailleurs, il est maintenant expressément prévu à l'art. 8, al. 1, let. b et c, que l'incitation comme l'encouragement des actes prohibés à la let. a sont interdits.

Par ailleurs, l'art. 8, al. 2, LFMG, fait l'objet d'une révision rédactionnelle. Aucune modification n'est faite quant au fond.

7.2.3

Introduction d'un nouvel art. 8a et d'un nouvel art. 35a LFMG

Pour être en mesure d'assurer le contrôle de la fabrication et du transfert d'armes à sous-munitions et de la technologie y relative, conformément aux obligations qui lui incombent en vertu de la convention, la Suisse prendra les mesures législatives appropriées à cet effet dans la LFMG. Concrètement, il conviendrait d'insérer un 27

RS 311.0; modification du 13 décembre 2002 (RO 2006 3459).

5529

nouvel art. 8a, qui prévoie une interdiction des armes à sous-munitions, au chap. 2 de la LFMG portant sur l'interdiction de certains matériels de guerre ainsi qu'un nouvel art. 35a sous les dispositions pénales correspondantes, au chap. 6. Par leur structure, ces deux art. devraient s'inspirer des dispositions relatives aux armes ABC (art. 7 et 34 LFMG) et des dispositions désormais complétées sur les mines antipersonnel (art. 8 et 35 LFMG; cf. ch. 7.2.2).

L'art. 8a, al. 1, LFMG devrait prévoir l'interdiction des armes à sous-munitions conformément au champ d'application de la convention pertinent pour la LFMG en ce qui concerne le contrôle, la fabrication et le transfert d'armes à sous-munitions. A ce titre, la structure de l'art. 7, al. 1, let. a, et du nouvel art. 8, al. 1, let. a, LFMG peut être reprise par analogie pour les armes à sous-munitions. Il sera ainsi interdit «de développer, de fabriquer, de procurer à titre d'intermédiaire, d'acquérir, de remettre à quiconque, d'importer, d'exporter, de faire transiter, d'entreposer des armes à sous-munitions ou d'en disposer d'une autre manière».

Par analogie aux art. 7 et 8 et à leur al. 1, let. b et c, LFMG, il faudrait interdire, outre les actes précités, le fait d'inciter quiconque à commettre de tels actes ou de favoriser leur accomplissement. Ces dispositions sont ainsi en conformité avec l'art. 1, al. 1, let. c, CCM, qui interdit «d'assister, d'encourager ou d'inciter quiconque à s'engager dans toute activité» visée à la let. b. L'art. 8a, al. 1, let. b et c, LFMG interdit donc toute forme de réalisation indirecte des actes décrits à la let. a, tenant ainsi compte de l'exigence d'une interdiction complète.

La notion d'assistance (existant dans la convention) ou celle d'encouragement des actes interdits (que l'on retrouve dans la LFMG), ont donné lieu, à la suite de la signature de la convention, à des débats portant sur leur interprétation correcte en ce qui concerne le financement des armes prohibées et des investissements effectués à cette fin. Ces discussions ont abouti à la création d'un nouvel art. 8b assorti des dispositions pénales correspondantes, énoncées à l'art. 35b LFMG, et qui interdit expressément le financement de matériels de guerre prohibés compte tenu de l'interdiction de l'encouragement des actes eux-mêmes prohibés
(voir ch. 7.2.5).

L'art. 2, par. 2, CCM sert de référence pour la définition des armes à sous-munitions et autres termes pertinents employés28. Selon ces définitions, ne seront pas considérées comme armes à sous-munitions les munitions conçues pour lancer des artifices éclairants ou pyrotechniques, des fumigènes, des leurres ou conçues exclusivement à des fins de défense anti-aérienne, de même que les munitions conçues pour produire des effets électriques ou électroniques. Les munitions amorcées par capteur ou équipées de systèmes de guidage («sensor fused») tomberont également hors du champ de la définition de la notion «d'arme à sous-munitions» (cf. ch. 4, art. 2).

En conformité avec l'art. 3, par. 6 et 7, CCM, le nouvel art. 8a LFMG prévoit la possibilité de la conservation, de l'acquisition ou du transfert d'un nombre limité d'armes à sous-munitions et de sous-munitions explosives à des fins bien précises.

Ces exceptions concernent la mise au point et la formation en matière de techniques de détection, d'enlèvement ou de destruction, ou le développement de contremesures relatives à ces armes et le transfert d'armes à sous-munitions aux fins de leur destruction. Une fois encore, la structure de l'art. 8, al. 2, LFMG est reprise, 28

«Armes à sous-munitions» (art. 2, al. 2, CCM), «sous-munition explosive» (art. 2, al. 3, CCM), «mécanisme d'autodestruction» (art. 2, al. 9, CCM), «autodésactivation» (art. 2, al. 10, CCM), «petite bombe explosive» (art. 2, al. 13, CCM) et «disperseur» (art. 2, al. 14, CCM).

5530

avec une adaptation concernant l'exception en matière de développement de contremesures relatives aux armes à sous-munitions.

A l'instar du chap. 2 de la LFMG, le chap. 6 sur les dispositions pénales doit faire l'objet d'un amendement afin de prévoir des sanctions pénales aux infractions au nouvel art. 8a. Un nouvel art. 35a intitulé «Infractions à l'interdiction des armes à sous-munitions» devrait ainsi être inséré sur la base des dispositions existantes relatives aux armes ABC et aux mines antipersonnel (art. 34 et 35 LFMG). Avec ce nouvel art. 35a LFMG, les personnes ayant intentionnellement enfreint l'interdiction décrite au nouvel art. 8a LFMG seront punies d'une peine privative de liberté de dix ans au plus. Cette peine pourra en outre être assortie d'une amende allant jusqu'à 5 millions de francs. Les personnes ayant agi par négligence se verront infliger soit une peine privative de liberté de douze mois au plus, soit une amende de 500 000 francs au maximum.

Enfin, il convient de noter que, contrairement aux art. 34 et 35 LFMG (cf. ch. 7.1 in fine), les termes de «réclusion» et «d'emprisonnement» sont remplacés par celui de «peine privative de liberté» dans le nouvel art. 35a. Cette modification a pour but d'harmoniser le nouvel art. 35a LFMG avec le CP révisé.

7.2.4

Interdiction de l'utilisation d'armes à sous-munitions

En ratifiant la convention, la Suisse déclare, sous une forme contraignante, être liée par les dispositions de la convention et par les obligations qui en découlent. Dans le système moniste, dont se réclame la Suisse, le droit international et le droit national participent du même système normatif, de sorte que les traités internationaux ratifiés sont applicables dans l'ordre juridique interne sans qu'il soit nécessaire en principe de les incorporer dans le droit national par une loi spécifique29.

Si un traité international contient des normes directement applicables, comme c'est le cas de l'interdiction d'utiliser des armes à sous-munitions prévue à l'art. 1, par. 1, let. a, CCM, elles sont juridiquement contraignantes pour l'Etat mais aussi pour les particuliers. L'interdiction d'employer des armes à sous-munitions, énoncée à l'art. 1, par. 1, let. a, CCM, prendra ainsi effet dès sa publication au recueil officiel après la ratification.

L'interdiction de l'utilisation de ces armes n'est pas intégrée dans la LFMG, car celle-ci règle, conformément à son objet, le contrôle, la fabrication et le transfert de matériels de guerre prohibés (art. 1 LFMG), et non pas leur affectation et leur utilisation.

Conformément à l'art. 18 de la convention un Etat peut déclarer, lors de sa ratification ou de son adhésion, qu'il appliquera l'art. 1 de la convention en attendant son entrée en vigueur (voir ch. 4, art. 18). A l'occasion de la ratification, la Suisse fera une déclaration dans ce sens et appliquera provisoirement, en attendant son entrée en vigueur, l'art. 1, par. 1, let. a, de la convention qui concerne l'interdiction de l'utilisation des armes à sous-munitions (voir ch. 9.3).

29

Häfelin/Haller/Keller, Bundesstaatsrecht, N. 1913 ss.

5531

Les infractions à l'interdiction d'utiliser des armes à sous-munitions (art. 1, par. 1, let. a, CCM) commises dans le contexte d'un conflit armé sont sanctionnées conformément à l'art. 264j CP. Cette clause générale relative aux crimes de guerre réprime de manière générale toute violation, lors d'un conflit armé, d'une norme du droit international humanitaire reconnue comme contraignante par la Suisse.

7.2.5

Introduction d'une interdiction de financement dans la LFMG

a) Motions et procédure de consultation Les motions de contenu identique intitulées «Contre le financement des armes interdites» et qui ont été soumises le 11 juin 2009 par la Conseillère aux Etats Liliane Maury-Pasquier (09.3618) et par le Conseiller national Hugues Hiltpold (09.3589) demandent, dans le cadre de la ratification de la CCM, l'inscription dans la LFMG d'une disposition interdisant le financement d'armes qui ne sont pas autorisées en vertu de cette même loi. Ces motions s'appuient sur l'interdiction de soutenir une activité prohibée par la convention. Par financement, on comprend toute forme d'assistance financière, tant des crédits et des garanties bancaires que l'acquisition, pour son propre compte, d'instruments financiers de certaines entreprises. Cette définition inclut le financement indirect des armes interdites. Il s'agit en particulier d'éviter que la production d'armes illégales soit financée, par exemple, avec de l'épargne ou des fonds de caisses de pension provenant de Suisse.

Dans sa réponse du 2 septembre 2009, le Conseil fédéral a indiqué qu'une modification de la LFMG allait être soumise aux Chambres fédérales en vue de la ratification de la CCM, mais qu'il allait également falloir déterminer, dans le cadre de ces travaux, si les opérations de financement visées par les motions sont déjà intégrées dans la loi ou s'il y a lieu de le préciser dans la loi ou de compléter cette dernière en conséquence. En outre, le Conseil fédéral a indiqué dans sa prise de position qu'une éventuelle interdiction de financement des activités illégales en relation avec les armes à sous-munitions et les mines antipersonnel concernerait dans tous les cas exclusivement le financement direct (p. ex. crédits). Il ne serait en effet guère possible, ne serait-ce que pour des raisons purement pratiques, d'examiner avec des moyens raisonnables si, notamment, de l'argent placé dans des actions étrangères ne sert pas indirectement à financer une activité interdite par la loi sur le matériel de guerre.

Les deux Chambres ont accepté les motions et les ont transmises au Conseil fédéral.

Celui-ci a ainsi été chargé d'inscrire une interdiction dans la loi, à l'occasion de la révision de la LFMG en vue de la ratification de la CCM, afin de rendre punissable le financement de transactions illégales de
matériel de guerre.

Dans le cadre de la procédure de consultation, tous les avis qui se sont exprimés sur la question de l'interdiction de financement étaient favorables à l'édiction d'une interdiction expresse en la matière dans la LFMG. Les divergences étaient cependant importantes sur la forme que doit prendre cette interdiction. Plusieurs avis estimaient que l'art. 1, par. 1, let. c, CCM couvre tous les modes de financement, directs ou indirects, et que cette interdiction doit être explicitement reprise dans la législation suisse. D'autres préconisaient en revanche l'adoption d'une formulation qui réprime le financement en connaissance de cause et qui renonce donc à établir une différen5532

ciation entre financement direct et financement indirect. D'autres encore souhaitaient l'adoption d'une disposition interdisant expressément le financement direct, mais pas le financement indirect.

b) Aucune disposition sur l'interdiction de financement dans la CCM La convention elle-même ne contient aucune interdiction expresse du financement.

Dans le cadre d'une interprétation au sens de l'art. 31 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités30, la doctrine pertinente considère que, eu égard à son large champ d'application, l'art. 1, par. 1, let. c, CCM couvre toute forme d'assistance à des actes interdits et peut donc couvrir également les actes de financement accomplis à cette fin31. Le modèle de législation proposé par le CICR pour les Etats de Common law32 ne comprend pas non plus d'interdiction expresse du financement, mais se contente de reprendre les termes de la CCM. Seuls la Belgique, l'Irlande, le Luxembourg et la Nouvelle-Zélande ont prévu, sous des formes diverses, dans leur législation une interdiction expresse du financement d'armes à sous-munitions. S'agissant de la Belgique, elle n'a pas encore mis en oeuvre la loi ambitieuse qu'elle a adoptée en la matière. Les autres Etats parties ont jusqu'ici renoncé à la conception d'une interdiction explicite du financement et s'appuient uniquement, à cet égard, sur le texte de la convention et sur une interprétation conforme à sa lettre. Dans ce sens, la question se pose de savoir si la législation suisse doit prévoir une interdiction expresse du financement d'armes à sousmunitions et de matériels de guerre prohibés.

L'exigence de l'inscription d'une telle interdiction dans la LFMG se fonde en partie sur l'hypothèse selon laquelle ladite loi ne contient pas de dispositions interdisant le financement d'activités elles-mêmes interdites en vertu de la LFMG. Or, cette hypothèse n'est pas pertinente. Tant les dispositions pénales concernant les infractions à l'interdiction des armes ABC (art. 34, al. 1, let. c, LFMG) que celles concernant les infractions à l'interdiction des mines antipersonnel (art. 35, al. 1, let. c, LFMG) et la disposition prévue sur les armes à sous-munitions (art. 35a, al. 1, let. c, LFMG) répriment toute forme d'encouragement des actes eux-mêmes interdits. La notion d'encouragement présente dans la
LFMG correspond, d'une part, à la notion d'assistance utilisée dans la convention et assure, d'autre part, une certaine cohérence avec la notion d'interdiction de l'encouragement que l'on trouve dans d'autres dispositions. Tout acte facilitant effectivement une activité elle-même interdite relève de l'encouragement. L'interdiction de l'encouragement couvre donc aussi l'acte de financement accompli à cette fin et soumet ce dernier à une interdiction correspondante. Dans la législation suisse, l'interdiction du financement de matériels de guerre prohibés est donc prévue dans le cadre de l'interdiction de l'encouragement d'activités liées à de tels matériels, de sorte qu'il n'était pas nécessaire d'introduire dans la loi une interdiction expresse du financement.

De plus, l'encouragement tombe sous le coup des dispositions pénales relatives à la participation au sens de l'art. 25 CP. La structure, non usuelle, retenue dans la LFMG au chapitre de l'interdiction de certains matériels de guerre trouve son origine dans les conventions internationales dont sont issues ces interdictions et qui 30 31 32

RS 0.111 Nyusten/Casey-Maslen, The Convention on Cluster Munitions, A Commentary, N. 172 concernant l'art. 1 CCM, Oxford 2010.

ICRC Model Law Convention on Cluster Munitions (modèle de législation relative à la CCM pour les Etats de Common Law).

5533

mentionnent explicitement l'encouragement. Cela signifie donc que non seulement l'impunité de la tentative de complicité, érigée ailleurs en principe, n'a pas sa place dans les art. 34, 35 et désormais 35a LFMG, mais aussi que, dans le cas de l'encouragement des actes interdits, la complicité par négligence est également réprimée par la LFMG, particularité qui mérite d'être soulignée33.

c) Art. 8b et 35b LFMG Afin de tenir compte des demandes exprimées en vue de la concrétisation de l'interdiction de financement au travers de l'interdiction d'encourager des actes liés à des matériels de guerre prohibés, il convient maintenant d'introduire dans la loi une interdiction expresse du financement de matériels de guerre prohibés, par la création d'un nouvel art. 8b assorti des dispositions pénales correspondantes, énoncées à l'art. 35b.

L'art. 8b, al. 1, LFMG interdira maintenant explicitement de «financer directement le développement, la fabrication ou l'acquisition de matériels de guerre prohibés par les art. 7 à 8a». Il faut également interdire le financement indirect du développement, de la fabrication ou de l'acquisition de matériels de guerre prohibés, s'il sert à contourner l'interdiction du financement direct (al. 2).

L'art. 35b doit prévoir, sous réserve des exceptions prévues dans la loi, une peine privative de liberté de cinq ans au plus, assortie d'une amende de 5 millions de francs au plus, pour une infraction à l'interdiction de financement commise intentionnellement.

d) Eléments constitutifs objectifs de l'infraction Tout financement direct d'actes ayant pour but de développer, de fabriquer ou d'acquérir des matériels de guerre prohibés est constitutif de l'infraction nouvellement créée. Le financement indirect de ces actes est également interdit, s'il vise à contourner l'interdiction du financement direct.

Est considéré comme financement direct au sens de cette disposition l'octroi direct de crédits, de prêts, de donations ou d'autres avantages financiers en vue du développement, de la fabrication ou de l'acquisition de matériels de guerre prohibés. Le financement peut servir à couvrir ou à avancer des frais et des dépenses liés au développement, à la fabrication ou à l'acquisition de matériels de guerre prohibés.

Est notamment considéré financement indirect au sens de cette disposition
la participation dans des sociétés qui développent, fabriquent ou acquièrent du matériel de guerre prohibé, ainsi que l'achat d'obligations ou d'autres produits de placement émis par de telles sociétés, si ces émissions ont pour but de contourner l'interdiction de financer directement du matériel de guerre prohibé. Il convient ainsi, en particulier, de qualifier un financement indirect de contournement de l'interdiction de financement lorsque, par exemple, une entreprise qui fabrique différents produits et qui ne trouve pas de bailleur de fonds pour un projet de développement de matériel de guerre prohibé procède à l'émission d'un emprunt pour pouvoir néanmoins réunir les fonds nécessaires au financement du projet en question. Le même principe doit s'appliquer, par exemple, à un groupe de militants qui veut soutenir une partie belligérante par la fourniture de matériel de guerre prohibé et qui fonde, à cet effet, 33

Cf. au sujet d'une question similaire Niggli, Rassendiskriminierung, Ein Kommentar zu Art. 261bis StGB und Art. 171 MStGB, ch. marg.1231 et 1235, 2. A. 2007.

5534

une société dans laquelle il veut injecter des capitaux pour l'achat de matériel de guerre prohibé.

S'agissant des armes à sous-munitions qui sont l'objet de la convention soumise à ratification dans le cadre du présent message, est constitutif de l'infraction tout acte lié aux armes à sous-munitions désignées à l'art. 8a LFMG, y compris leurs sousmunitions et leurs composants-clés. Sont considérés comme composants-clés les composants qui sont exclusivement utilisés dans la production d'armes à sousmunitions. En l'état actuel des connaissances, relèvent exclusivement de cette catégorie la fusée d'une sous-munition en tant que dispositif complet et la sous-munition complète.

Les composants qui sont utilisés à des fins licites, en particulier dans la production de matériel de guerre licite, ne tombent pas sous le coup de l'infraction tant que la personne chargée du financement ne peut pas se rendre compte que celui-ci sert à la fabrication de matériel de guerre prohibé. Le même principe doit s'appliquer à tous les biens à double usage (dual use goods), qui peuvent être utilisés à des fins militaires comme civiles.

e) Eléments constitutifs subjectifs de l'infraction L'art. 35b rend exclusivement punissable l'auteur d'un acte qui agit intentionnellement. Par analogie avec la législation sur le financement du terrorisme, le dol éventuel est ici expressément exclu du champ des infractions intentionnelles (art. 35b, al. 2)34.

Dès l'introduction de la norme pénale contre le financement du terrorisme, le législateur suisse35 a exprimé la volonté que la criminalisation d'un acte en tant que tel neutre (en l'occurrence la mise à disposition de fonds), qui va de pair avec la répression en amont, soit abordée avec circonspection et avec la réserve nécessaire. Il faut donc poser des critères de qualification plus stricts en ce qui concerne la conscience et la volonté de l'auteur. Une personne qui ne fait que s'accommoder de l'éventualité d'une infraction (dol éventuel) n'est donc pas punissable36.

f) Auteur de l'infraction L'acte délictuel se limite à des infractions commises par des personnes physiques.

L'auteur est passible d'une peine privative de liberté de douze mois au plus, qui peut être assortie d'une peine pécuniaire de 5 millions de francs au plus.

Si un acte de financement de matériels de guerre
prohibés interdit par la loi est commis au sein d'une entreprise dans l'exercice d'activités commerciales conformes à ses buts, cette infraction est imputée à l'entreprise si elle ne peut être imputée à aucune personne physique déterminée en raison du manque d'organisation de l'entreprise. Dans ce cas, l'entreprise est punie d'une amende de 5 millions de francs au plus37.

34 35 36 37

Art. 260quinquies, al. 2, CP; FF 2002 5066 Art. 260quinquies CP; FF 2002 5066 Al. 2 de l'art. 35b LFMG.

Art. 102 CP et art. 6 de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA); RS 313.0.

5535

7.2.6

Adaptations des art. 34 et 35 LFMG

Comme déjà mentionné au ch. 7.1, les termes de «réclusion» et «d'emprisonnement» sont remplacés par celui de «peine privative de liberté» aux art. 34 et 35 LFMG. Cette modification a pour but d'harmoniser les deux articles ainsi que le nouvel art. 35a LFMG avec le CP révisé.

7.3

Modification du CPP

Le CPP, qui est en vigueur depuis le 1er janvier 2011, comprend en son art. 269, al. 2, une liste des actes punissables pouvant motiver une surveillance de la correspondance par poste et télécommunication. L'art. 286, al. 2, CPP comprend en outre une liste des infractions pénales pour la poursuite desquelles l'investigation secrète peut être ordonnée.

Ces listes contiennent déjà les infractions visées à l'art. 33, al. 2, LFMG (Infractions graves au régime de l'autorisation et aux déclarations obligatoires aux termes de la LFMG), à l'art. 34 LFMG (Infractions à l'interdiction des armes nucléaires, biologiques et chimiques) et à l'art. 35 LFMG (Infractions à l'interdiction des mines antipersonnel) (art. 269, al. 2, let. d, CPP, art. 286, al. 2, let. d, CPP), ainsi que les infractions à l'interdiction du financement du terrorisme (art. 260quinquies CP) (art. 269, al. 2, let. a, CPP, art. 286, al. 2, let. a, CPP).

Du fait de la présente modification de la LFMG, les infractions à l'interdiction des armes à sous-munitions (art. 35a LFMG) et les infractions à l'interdiction du financement de matériels de guerre prohibés (art. 35b LFMG) doivent également être intégrées dans les listes des infractions dont la gravité justifie qu'elles puissent donner lieu à une surveillance particulière ou à des investigations secrètes.

8

Universalisation

L'adoption de la CCM constitue un pas important vers la résolution des problèmes humanitaires causés par les armes à sous-munitions. L'interdiction complète de ces armes et les obligations découlant de la convention, notamment en matière de dépollution des zones affectées, d'assistance aux victimes et de coopération internationale, sont renforcées par des mesures de transparence et de mise en oeuvre qui devraient être efficaces.

Mais pour que la convention soit mise en oeuvre de manière effective et durablement efficace sur le terrain, des efforts doivent être accomplis en vue de son universalisation. La ratification de cette convention par la Suisse constitue un pas dans cette direction, un pas d'autant plus important que sa longue tradition humanitaire et son statut de dépositaire des Conventions de Genève lui confèrent une stature particulière dans le monde. Une ratification large et dans les plus brefs délais de la CCM pourrait contribuer à renforcer la stigmatisation de l'emploi d'armes à sousmunitions et ainsi contribuer à cette universalisation.

Avec la modification de la LFMG accompagnant la ratification de la convention, la Suisse aura une législation exemplaire en matière d'interdiction d'armes causant de graves problèmes humanitaires. Aux côtés des armes nucléaires, biologiques et 5536

chimiques ainsi que des mines antipersonnel, les armes à sous-munitions seront ainsi bannies. De plus, le financement de matériels de guerre prohibés sera clairement interdit et poursuivi pénalement.

La Suisse poursuivra en outre ses efforts en matière de déminage humanitaire et d'assistance aux victimes.

9

Aspects juridiques

9.1

Constitutionnalité

La constitutionnalité de l'arrêté fédéral relatif à l'approbation de la CCM repose sur l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)38, aux termes duquel les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération, ce qui implique la compétence de conclure des traités de droit international public. En vertu de l'art. 166, al. 2, Cst., l'Assemblée fédérale approuve les traités internationaux, à l'exception de ceux dont la conclusion relève de la seule compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité international. Or, dans le domaine ici considéré, aucune loi fédérale ni aucun traité ne prévoit une telle délégation en faveur du Conseil fédéral. La convention doit donc être soumise à l'approbation du Parlement.

Aux termes de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., les traités internationaux sont sujets au référendum facultatif s'ils sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables (ch.1), s'ils prévoient l'adhésion à une organisation internationale (ch. 2) ou s'ils contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales (ch. 3). La présente convention peut être dénoncée en tout temps (art. 20) et ne prévoit pas l'adhésion à une organisation internationale. En revanche, elle contient des dispositions importantes dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales, au sens de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst., à savoir la modification de la LFMG. Par conséquent, l'arrêté fédéral relatif à l'approbation de la CCM est soumis au référendum facultatif conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. L'Assemblée fédérale peut y intégrer les modifications de loi liées à la mise en oeuvre de la convention en vertu de l'art. 141a, al. 2, Cst.

Reste à savoir si elle contient des dispositions importantes fixant des règles de droit ou si sa mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales. Par disposition fixant des règles de droit, il faut entendre selon l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement39, les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Sont, par ailleurs, importantes les dispositions qui, en droit interne, doivent, à la lumière de l'art. 164, al. 1, Cst., être édictées
dans une loi au sens formel. L'art. 1 de la convention contient une interdiction absolue des armes à sous-munitions. Cette disposition interdit, en effet, aux Etats parties l'utilisation d'armes à sous-munitions et prohibe en toute circonstance notamment le développement, la production, l'acquisition et le stockage d'armes à sous-munitions. Elle constitue donc une règle de droit puisqu'elle confère des obligations aux Etats parties. Elle doit, par ailleurs, être considé-

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RS 101 RS 171.10

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rée comme étant importante, car si elle devait être intégrée dans le droit interne, elle le serait au niveau de la loi au sens formel.

La présente convention comprend par ailleurs des dispositions dont la mise en oeuvre nécessite une modification de la LFMG. En conséquence, l'arrêté fédéral portant approbation de la Convention sur les sous-munitions est sujet au référendum facultatif conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

9.2

Forme de l'acte à adopter

Etant donné que la convention est sujette à référendum, son approbation doit prendre la forme d'un arrêté fédéral conformément à l'art. 24, al. 3, de la loi sur le Parlement. La modification de la LFMG n'est pas limitée à la mise en oeuvre de la convention et ne pourra donc pas être intégrée dans l'arrêté d'approbation en vertu de l'art. 141a, al. 2, Cst. Elle fait donc l'objet d'un acte législatif séparé.

9.3

Application à titre provisoire

L'art. 18 de la convention prévoit qu'un Etat peut, au moment de la ratification de la convention ou de l'adhésion à celle-ci, déclarer qu'il en appliquera l'art. 1, à titre provisoire, en attendant qu'elle entre en vigueur (voir ch. 4, art. 8).

La Suisse remettra une déclaration à cet effet lors du dépôt des instruments de ratification et appliquera, à titre provisoire, l'art. 1, par. 1, let. a, de la convention dans cet esprit, jusqu'à son entrée en vigueur.

10

Classement d'interventions parlementaires

Les motions Hiltpold (08.3308) et Maury Pasquier (08.3321) chargent le Conseil fédéral de signer la Convention sur les sous-munitions le 3 décembre 2008 et d'engager dans les meilleurs délais le processus de ratification. Le présent message répond à ce mandat, c'est pourquoi ces motions peuvent être classées.

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