11.400 Initiative parlementaire Nombre de postes de juges au Tribunal fédéral à partir de 2012 Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 8 avril 2011

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons le projet d'une ordonnance de l'Assemblée fédérale que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet de l'acte ci-joint.

8 avril 2011

Pour la commission: La présidente, Anita Thanei

2011-0824

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Rapport 1

Genèse du projet

L'ordonnance de l'Assemblée fédérale du 23 juin 2006 sur les postes de juges au Tribunal fédéral1 a effet jusqu'au 31 décembre 2011. Par conséquent, l'Assemblée fédérale doit déterminer le nombre de juges valable à partir du 1er janvier 2012, soit par une modification de l'ordonnance actuelle, soit en édictant une nouvelle ordonnance. La présidente de la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N) et le président de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats (CAJ-E) sont convenus que la CAJ-N entreprendrait ce travail législatif par le biais d'une initiative parlementaire. Le 6 décembre 2010, les deux commissions ont prié le Tribunal fédéral de leur transmettre un avis concernant le nombre de postes de juge nécessaires à l'avenir; elles lui ont également demandé de les informer de l'évolution de la charge de travail depuis 2006, du rapport entre le nombre d'affaires liquidées et les effectifs, ainsi que de la situation relative au contrôle de gestion introduit par le tribunal et de ses effets.

Le 21 janvier 2011, la CAJ-N a décidé une initiative parlementaire visant à fixer le nombre de postes de juge au Tribunal fédéral à partir de 2012. Cette initiative précisait que le projet d'ordonnance devait lier la planification des effectifs à des indicateurs déterminants, établis en comparaison annuelle par un contrôle de gestion selon des critères quantitatifs et qualitatifs. L'ordonnance actuelle expirant bientôt, la CAJ-E s'est ralliée à l'unanimité, le 31 janvier 2011, à la décision de son homologue du Conseil national. Elle s'est toutefois montrée sceptique quant au projet de lier la planification des effectifs à un contrôle de gestion quantitatif et qualitatif.

A sa séance du 8 mars 2011, la CAJ-N a poursuivi ses travaux relatifs à l'initiative précitée. Sur la base de l'avis que le Tribunal fédéral avait adressé aux deux commissions le 31 janvier 2011, elle a décidé de maintenir les dispositions actuelles régissant le nombre de postes de juge et le contrôle de gestion au Tribunal fédéral.

Le 8 avril 2011 la CAJ-N a approuvé, à l'unanimité, les présents projets de rapport et d'acte, qui seront donc soumis au Conseil national pour examen.

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Grandes lignes du projet

2.1

Evolution de la charge de travail depuis 2006

Ces cinq dernières années, la charge de travail du Tribunal fédéral est restée élevée, mais relativement stable2. En 2006, 7860 affaires ont été portées devant le Tribunal fédéral (Tribunal fédéral des assurances inclus); 7195 l'ont été en 2007, 7147 en 2008, 7192 en 2009 et 7367 en 2010. Il convient toutefois de préciser ici ­ afin de permettre une comparaison exacte entre l'année 2006 et les années suivantes ­ que le 1er janvier 2007, la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ) a été remplacée par la loi sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110). Or, sous le régime de la LTF, de 1 2

RS 173.110.1 Cf. les rapports de gestion du Tribunal fédéral, en particulier le rapport de gestion 2010, pour toute cette partie.

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nombreuses affaires sont jugées en une seule procédure, alors que, sous le régime de l'OJ, elles auraient dû être portées devant le Tribunal fédéral par deux recours.

Ainsi, si l'OJ était toujours en vigueur, il faudrait ajouter 612 cas aux statistiques 2010, qui afficheraient un total de 7979 affaires. Le nombre de cas portés devant le Tribunal fédéral a donc légèrement augmenté depuis 2006.

En 2006, le Tribunal fédéral a liquidé 7626 affaires; il en a liquidé 7995 en 2007, 7515 en 2008, 7242 en 2009 et 7424 en 2010. Dans son avis, le Tribunal fédéral a souligné que, s'agissant de ces chiffres également, il y avait lieu de tenir compte du changement de base légale, autrement dit du passage de l'OJ à la LTF. Le tribunal ne dispose d'aucune statistique permettant de comparer directement le nombre de cas liquidés sous le régime de l'OJ et ce même nombre sous le régime de la LTF.

Afin d'établir néanmoins une comparaison entre le volume d'affaires liquidées en 2006 et ce même volume pour 2010, il convient d'intégrer dans le calcul ­ à titre indicatif ­ le supplément susmentionné de 612 affaires: en se fondant sur l'OJ, le nombre d'affaires liquidées en 2010 serait donc de quelque 8000. Ainsi, le nombre d'affaires liquidées a lui aussi légèrement progressé depuis 2006.

Quant au nombre de cas en suspens (nombre de cas non liquidés à la fin d'une année), il est passé de 3455, à la fin 2006, à 2174, à la fin 2010. A ce jour, il n'y a quasiment plus d'affaires qui sont en suspens depuis plus de deux ans au Tribunal fédéral. Leur nombre est en effet passé de 68, en 2006 (Tribunal fédéral et Tribunal fédéral des assurances), à 5, en 2010.

2.2

Evolution des effectifs

En 2006, le Tribunal fédéral (Tribunal fédéral des assurances inclus) comptait 41 juges ordinaires et 39 juges suppléants; en 2010, il en comptait respectivemenent 38 et 19. Dans l'intervalle, le nombre de postes de greffier, soit 127, est demeuré inchangé. Enfin, 148 postes étaient dévolus au personnel administratif en 2006, et 146,6 en 2010. A l'exception des postes de juge, les effectifs du Tribunal fédéral sont donc restés très stables ces cinq dernières années.

2.3

Evolution du nombre de dossiers liquidés par juge

Se fondant sur ses propres données, issues du contrôle de gestion, le Tribunal fédéral a pu fournir à la CAJ-N plusieurs indications concernant l'évolution du nombre de dossiers liquidés par juge. Ainsi, en 2006, chaque juge ordinaire du Tribunal fédéral a rédigé 175 comptes rendus en moyenne, ce qui représente 0,79 compte rendu par jour si l'on considère que l'année compte 220 jours de travail. En 2010, chaque juge ordinaire a rédigé 190 comptes rendus en moyenne, voire 205 si l'on établit une comparaison avec le régime de l'OJ. Sur ces 190 comptes rendus, chaque juge ordinaire en a écrit 12 lui-même et 178 avec le concours des greffiers. Par ailleurs, chaque juge ordinaire a participé au traitement de 300 autres cas en moyenne par an.

Par jour de travail, un juge fédéral rédige donc aujourd'hui 0,8 compte rendu ­ ce qui correspond à 0,93 compte rendu en comparaison du régime de l'OJ ­ et participe au traitement de 1,36 cas en moyenne. S'agissant de la participation au traitement de dossiers d'autres juges, il est impossible d'établir une comparaison avec l'année 2006, car aucune statistique n'existait alors à ce sujet.

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En 2010, les 19 juges suppléants du Tribunal fédéral ont élaboré 193 rapports et propositions, activité à laquelle ils ont consacré 531 jours de travail. Ils avaient liquidé 200 cas en 2009, en un total de 554 jours de travail. En 2008, le Tribunal fédéral comptait encore 30 juges suppléants, qui avaient établi 365 rapports et propositions.3 Si l'on établit une moyenne annuelle du nombre de cas liquidés par juge suppléant et que l'on compare les chiffres de ces trois dernières années, force est de constater que la moyenne en question est en léger recul.

2.4

Contrôle de gestion

Lors de l'élaboration de l'ordonnance de l'Assemblée fédérale du 23 juin 2006 sur les postes de juges au Tribunal fédéral, la CAJ-E avait constaté que le tribunal disposait certes d'un programme statistique spécifique qui lui permettait de répartir au mieux le travail en fonction des charges de travail respectives et des types d'affaire, des langues, des cours, des juges et des greffiers, mais que le temps consacré par un juge ou par un greffier au traitement de chaque dossier ne faisait l'objet d'aucun relevé statistique. Aux termes de l'art. 2 de l'ordonnance actuellement en vigueur, le Tribunal fédéral a donc été tenu d'établir une procédure de contrôle de gestion qui permette au Parlement de disposer d'indications précises concernant la charge de travail dudit tribunal. Les résultats du contrôle de gestion sont censés servir de base au Parlement pour exercer la haute surveillance et déterminer le nombre de juges.

Le 5 mars 2007, le Tribunal fédéral et les Commissions de gestion (CdG) sont convenus d'un système de contrôle de gestion qui fournirait notamment des indications quantitatives concernant la charge de travail moyenne des juges (cf. ch. 2.3).4 Les programmes statistiques nécessaires ont alors été élaborés, puis rendus opérationnels. Depuis, les CdG reçoivent chaque année toute une série de statistiques non publiques, qui sont établies en avril pour la discussion du rapport de gestion et de l'exploitation. De plus, en fonction des besoins, le Tribunal fédéral est en mesure de fournir certaines données spécifiques.

Dans son avis adressé à la CAJ-N, le Tribunal fédéral a confirmé que, à ses yeux, le système élaboré avec les CdG était un instrument de gestion adéquat et efficace.

Dans le cadre de l'examen du rapport de gestion 2009 du Tribunal fédéral par les conseils, les rapporteurs des CdG ont relevé pour leur part que les commissions recevaient tous les renseignements dont elles avaient besoin, et ce, grâce au système de contrôle de gestion qui avait été mis en place, lequel permettait d'avoir une bonne vue d'ensemble du travail du Tribunal fédéral.5

3 4 5

Données selon les rapports de gestion du Tribunal fédéral des années 2008, 2009 et 2010.

Cf. 08.004 Rapport annuel 2007 des Commissions de gestion et de la Délégation des Commissions de gestion des Chambres fédérales, FF 2008 4579, p. 4637 s.

BO 2010 E 570 s. et BO 2010 N 788 s. Les conseils n'ont pas encore examiné le rapport de gestion 2010 du Tribunal fédéral.

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2.5

Nombre de postes de juge nécessaires à l'avenir: avis du Tribunal fédéral

Dans son avis du 31 janvier 2011, le Tribunal fédéral indique que, avec 38 juges ordinaires et les autres collaborateurs dont il dispose, il est actuellement en mesure d'assumer sa charge de travail, tout en respectant les délais impartis et en garantissant dans l'ensemble une qualité adéquate. S'agissant du nombre de juges dont il aura besoin à l'avenir, il estime difficile d'établir une prévision, en particulier parce qu'il n'est pas encore possible d'évaluer les conséquences des nouvelles tâches qui lui incombent et qu'il assume déjà en partie. Les tâches concernées découlent notamment des nouvelles procédures fédérales, pénale et civile, qui sont en vigueur depuis le 1er janvier 2011. Ces procédures impliquent pour le Tribunal fédéral un examen supplémentaire, en fait et en droit, de la conformité au droit de procédure.

Elles ont en outre étendu les droits des personnes lésées concernant les recours en matière pénale et prévoient la possibilité d'exercer un recours direct auprès du Tribunal fédéral contre les jugements des tribunaux arbitraux inférieurs. Le Tribunal fédéral estime que ces deux domaines constitueront pour lui une charge supplémentaire à l'avenir.

Par ailleurs, les Chambres fédérales ont adopté, le 10 juin et le 17 décembre 2010, une motion6 chargeant le Conseil fédéral d'étendre le pouvoir de cognition du Tribunal fédéral aux recours introduits contre les arrêts du Tribunal pénal fédéral, de façon à permettre un réexamen des faits. Or, le Tribunal fédéral n'est pas certain que les effectifs de juges et de collaborateurs dont il dispose à l'heure actuelle lui permettront d'assumer les tâches supplémentaires découlant de cette motion; il indique donc expressément qu'il n'exclut pas l'éventualité de devoir solliciter la création de nouveaux postes de juge. Le tribunal souligne toutefois qu'il n'entend pas demander des postes de réserve. Pour remplir sa mission première, qui est de garantir l'unité de la jurisprudence et le développement de l'application du droit, le Tribunal fédéral juge en effet préférable de ne pas s'agrandir.

3

Considérations de la commission

La CAJ-N partage l'avis du Tribunal fédéral selon lequel il n'est pas possible, à l'heure actuelle, d'évaluer de manière fiable l'impact réel de l'unification des procédures civile et pénale sur la charge de travail du tribunal. La commission considère qu'il est encore plus difficile d'estimer la forme que prendront les effets de la motion concernant une extension du pouvoir de cognition du Tribunal fédéral aux recours introduits contre les arrêts du Tribunal pénal fédéral et, surtout, le moment où ils se manifesteront: le Conseil fédéral n'a encore élaboré aucun projet visant à mettre en oeuvre la motion et, d'ici à ce que les Chambres fédérales adoptent un projet définitif, la procédure devrait encore durer un certain temps. Il convient par conséquent de se baser sur la charge de travail actuelle du Tribunal fédéral pour déterminer le nombre de postes de juge qui seront nécessaires. Etant donné que cette charge est restée stable ces cinq dernières années et eu égard aux propos du tribunal indiquant qu'il est en mesure d'assumer ses tâches avec les effectifs dont il dispose, il y a lieu, estime la CAJ-N, de maintenir le nombre actuel de juges.

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10.3138 Mo. Janiak. Etendre le pouvoir de cognition du Tribunal fédéral aux recours introduits contre un arrêt du Tribunal pénal fédéral.

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Disposer d'un effectif de juges qui soit stable sans être trop important constitue un double atout pour le Tribunal fédéral: cela facilite l'accomplissement de sa mission principale, tout en renforçant son crédit du point de vue politique. Aussi la commission se refuse-t-elle à introduire dans l'ordonnance une disposition prévoyant une certaine flexibilité quant au nombre de juges, flexibilité qui existe notamment dans le cas du Tribunal administratif fédéral7.

Le Tribunal fédéral peut d'ores et déjà réagir aux fluctuations de sa charge de travail en faisant appel aux juges suppléants. Si, dans les faits, la charge qu'assument ces juges peut varier sensiblement d'une personne à l'autre, les statistiques indiquent que le volume moyen de travail effectué par les juges suppléants a légèrement reculé ces trois dernières années. La CAJ-N est d'avis que, en cas de surcharge de travail, le Tribunal fédéral pourrait avoir davantage recours aux juges suppléants.

A supposer que la charge de travail du Tribunal fédéral augmente de façon particulièrement importante, l'Assemblée fédérale pourrait réagir à tout moment en décidant d'adapter le nombre de postes de juge. Les différentes expériences que la commission a faites en la matière ont montré que, en cas de nécessité, modifier une ordonnance pouvait se faire rapidement, c'est-à-dire en l'espace de quelques mois.

La CAJ-N s'est en outre demandé s'il y avait lieu de compléter l'ordonnance par une disposition prévoyant que le contrôle de gestion du Tribunal fédéral livre des indicateurs quantitatifs et qualitatifs à prendre en considération pour déterminer le nombre de postes de juge. Elle a toutefois renoncé à cette idée. En effet, le contrôle de gestion du Tribunal fédéral fournit aujourd'hui déjà des indicateurs quantitatifs concernant l'évolution de la charge de travail et le volume de travail moyen des juges.

Quant à exiger dudit tribunal qu'il fournisse également des indicateurs qualitatifs concernant la charge de travail, la commission estime qu'une telle démarche n'irait pas sans poser des problèmes: outre le fait qu'il serait extrêmement compliqué de déterminer les critères qualitatifs à prendre en considération, il n'y aurait qu'un pas de l'introduction d'un contrôle de gestion selon des critères qualitatifs au contrôle de la qualité du travail
proprement dit du Tribunal fédéral. Un tel scénario étant en totale contradiction avec la Constitution, son rejet pur et simple s'impose du point de vue de l'Etat de droit.

Pour des raisons de transparence, il convient d'édicter une nouvelle ordonnance en remplacement de l'ordonnance actuelle, dont le titre et le numéro au Recueil systématique du droit fédéral (RS) pourront cependant être repris.

La commission juge qu'il n'est pas nécessaire de limiter la validité de la nouvelle ordonnance, ce qui évitera à l'Assemblée fédérale de devoir se pencher à date fixe, indépendamment de l'évolution de la situation, sur la question du nombre de postes de juge.

7

L'art. 1 de l'ordonnance de l'Assemblée fédérale du 17 juin 2005 relative aux postes de juge près le Tribunal administratif fédéral (ordonnance sur les postes de juge; RS 173.321) dispose que le Tribunal administratif fédéral comprend au plus 65 postes de juge.

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4 Art. 1

Commentaire par article Effectif des juges

L'art. 1 est repris intégralement de l'ordonnance actuelle, selon laquelle le Tribunal fédéral se compose de 38 juges ordinaires et de 19 juges suppléants.

Art. 2

Contrôle de gestion et rapport

Depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance actuelle, le Tribunal fédéral a introduit une procédure de contrôle de gestion, procédure qui doit être maintenue telle quelle.

L'unique modification apportée à l'art. 2 consiste donc à remplacer la formule «établit une procédure de contrôle de gestion» ­ qui met l'accent sur l'introduction de ladite procédure ­ par «procède à un contrôle de gestion».

Art. 3

Entrée en vigueur

L'ordonnance actuelle a effet jusqu'au 31 décembre 2011. A son échéance, elle sera remplacée par la nouvelle ordonnance, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2012 et dont la durée de validité ne sera pas limitée.

5

Conséquences

Par rapport au statu quo, la nouvelle ordonnance n'a aucune incidence en termes de finances ou de personnel.

6

Bases légales

L'art. 1, al. 5, LTF dispose que l'Assemblée fédérale fixe l'effectif des juges dans une ordonnance.

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