10.111 Rapport sur la politique extérieure 2010 du 10 décembre 2010

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons le rapport sur la politique extérieure 2010, en vous priant de bien vouloir en prendre connaissance.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

10 décembre 2010

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2010-1525

961

Condensé Le rapport sur la politique extérieure 2010 donne une vue d'ensemble de la politique extérieure de la Suisse. L'engagement international est un moyen pour notre pays de défendre ses intérêts vis-à-vis de l'étranger et de rechercher des solutions pour relever les défis régionaux et globaux de notre temps. Le présent rapport montre comment la Suisse peut exercer son influence dans un contexte international fortement marqué par l'interdépendance et de quels instruments elle dispose pour ce faire. Il relate en outre les principales activités de politique extérieure menées entre mi-2009 et mi-2010.

Conformément au postulat (06.3417) de la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats, qui demandait que tous les rapports périodiques concernant la politique extérieure soient regroupés en un seul document, le présent rapport constitue une unité et comprend deux annexes, l'une consacrée aux activités de la Suisse au Conseil de l'Europe, l'autre à la politique extérieure suisse dans le domaine des droits de l'homme.

Défis et tendances (ch. 1) Les développements et les défis globaux dont le Conseil fédéral a traité dans son rapport sur la politique extérieure 2009 se sont révélés pertinents et ont balisé également les activités dans ce domaine durant l'année sous revue: ­

La modification des rapports de force économiques et politiques en faveur de l'Asie s'est poursuivie, au même titre que les efforts d'intégration régionaux en Europe et sur d'autres continents.

­

La complexité et la corrélation entre les crises qui secouent le monde et qui sont de nature économique et financière mais qui affectent également le climat, l'énergie, la santé ou la formation ne cessent de croître. Il en va de même des controverses concernant les solutions pour y remédier.

­

Les bouleversements environnementaux planétaires affectent les ressources naturelles vitales d'une grande partie de l'humanité et aggravent la pauvreté dans de nombreuses régions du globe. La résolution de problèmes d'une telle ampleur requiert un dispositif normatif et des organisations internationales efficaces.

­

Les grandes économies émergentes telles que la Chine, le Brésil ou l'Inde jouent un rôle-clé pour le développement de leur région.

Face à ces nouveaux défis, le travail et la communication en matière de politique extérieure prennent un nouveau visage. Les sujets débattus dans des forums multilatéraux sont toujours plus nombreux. De ce fait, la distinction entre diplomatie bilatérale et multilatérale s'estompe.

A bien des égards, la Suisse a réagi judicieusement à ces nouvelles tendances. Elle s'est profilée comme actrice au sein de la communauté internationale et a poursuivi la consolidation de son réseau relationnel. Elle a oeuvré à l'élaboration de solutions

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à des problèmes qui se posent dans plusieurs régions du globe, renforçant ainsi son engagement politique à l'étranger, lequel se fonde sur la sauvegarde de ses intérêts et sur la prise d'influence aux niveaux bilatéral et multilatéral.

Priorités géographiques de la politique étrangère suisse (ch. 2) Dans ses relations diplomatiques, la Suisse poursuit une politique d'universalité, à savoir qu'elle s'efforce d'entretenir des liens étroits avec tous les Etats. Ce principe appliqué depuis des décennies permet à la Suisse, qui ne fait partie ni de l'Union européenne ni d'une alliance militaire, de sauvegarder ses intérêts dans le monde entier, dans tous les domaines.

L'universalité ne signifie pas pour autant que la Suisse ne définit pas de priorités.

Elle accorde en effet une importance toute particulière à ses partenaires stratégiques et à ses pays voisins. En outre, elle tient compte des changements qui s'opèrent actuellement dans le monde, notamment du rôle croissant que jouent les pays émergents. Elle réoriente sa politique extérieure en conséquence et adapte la répartition de ses ressources en personnel et financières en fonction de cette nouvelle donne.

Europe La Suisse, qui se situe au coeur du Vieux Continent, est directement concernée par les développements en Europe.

L'Union européenne (UE) réagit aux modifications actuelles des rapports de force internationaux en premier lieu en intensifiant ses efforts d'intégration. Elle n'a cessé ces dernières années d'élargir ses capacités dans les domaines de la politique étrangère, de la sécurité et de la défense. Il devient aussi de plus en plus évident qu'elle cherche à définir des critères de référence au plan international, en élaborant de nouvelles normes juridiques acceptées par le plus grand nombre.

Etant donné les relations étroites qu'entretiennent la Suisse et l'UE, il est essentiel que notre pays suive de près la dynamique intégrationniste de l'Union et se positionne en conséquence. Parallèlement, elle doit mettre à profit les instruments supplémentaires qui sont à sa disposition en matière de politique extérieure. A cet égard, elle peut s'appuyer sur des organisations telles que le Conseil de l'Europe, l'OSCE ou l'AELE, dont elle est membre, tout comme sur des relations bilatérales bien structurées avec les pays européens.

Autres régions
du monde Dans le contexte d'une redéfinition des rapports de force internationaux et d'une prise de conscience accrue des pays émergents, les relations de la Suisse avec des Etats extra-européens ne cesseront de gagner en importance. Sur la base des directives adoptées par le Conseil fédéral en 2005, les relations avec des pays partenaires importants en dehors du continent européen ont été approfondies durant l'année sous revue. L'accent a été mis spécialement sur la coopération avec les Etats-Unis et le Brésil sur le continent américain, avec la Chine, l'Inde et le Japon sur le continent asiatique ainsi qu'avec l'Afrique du Sud.

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Il est dans l'intérêt de la Suisse de continuer à entretenir des relations bilatérales intensives ayant un caractère universel. Le réseau des représentations dont dispose la politique étrangère suisse joue un rôle primordial dans ce contexte. Il doit satisfaire aux différentes exigences dans les domaines politiques importants pour notre pays, ce qui suppose une grande souplesse afin de permettre les adaptations nécessaires au contexte international.

Organisations et enceintes mondiales et régionales (ch. 3) Face à la globalisation, les organisations multilatérales se sont muées de plus en plus en forums dans le cadre desquels des solutions aux défis mondiaux sont proposées et débattues. Les questions d'ordre politique sont généralement le domaine réservé du système onusien, tandis que les grandes impulsions en matière économique sont généralement données par le G20.

Dès lors, les organisations multilatérales jouent un rôle croissant pour la politique étrangère de la Suisse. Elles offrent une tribune structurée pour débattre de sujets d'intérêt global ou régional et pour rechercher des solutions qui soient approuvées par le plus grand nombre de pays.

La crise économique et financière qui a frappé le monde entier a souligné l'importance des organes internationaux qui se penchent sur des questions de réglementation dans le contexte économique mondial. La Suisse a un intérêt tout particulier à intervenir dans ce domaine pour influer sur les développements et les décisions. Il est tout aussi primordial qu'elle soit active au sein du système de l'ONU, au sein de laquelle sont prises des décisions qui se répercutent sur la Suisse et sur ses intérêts en matière de politique étrangère. Parallèlement, sa participation à des organisations régionales ou thématiques doit lui permettre de faire valoir ses préoccupations spécifiques et d'élargir son réseau de contacts en matière de politique étrangère.

Il est dès lors important que la Suisse s'associe davantage encore au dialogue multilatéral, en particulier à des forums servant à la formation d'opinions au plan international. Elle s'assure ainsi de nouvelles possibilités d'influence dans des domaines importants pour sa politique extérieure.

Principaux thèmes de la politique étrangère suisse (ch. 4) L'internationalisation et l'interconnexion croissantes de
domaines politiques thématiques appellent une harmonisation entre les nombreuses politiques sectorielles dans le cadre de la politique extérieure. La majeure partie des problèmes de politique étrangère qui se posent dans le monde actuel dépassent les capacités d'un seul Etat et doivent par conséquent être abordés conjointement avec d'autres Etats et avec la communauté internationale. Le présent rapport met en lumière les défis à relever dans différents domaines et les solutions proposées par la politique étrangère suisse.

Politique économique et financière internationale Une action ferme en matière de politique économique au cours des deux dernières années a permis d'enrayer la crise économique et financière mondiale courant 2009. La Suisse a relativement bien surmonté la crise. Des adaptations se sont toutefois imposées dans le domaine de la gestion de fortunes transfrontière, et il est

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fort probable que la pression internationale ne faiblira pas à cet égard. Le chapitre consacré à ce thème explique l'engagement de politique extérieure qui a permis à la Suisse de maîtriser la crise et recense les moyens qu'elle a mis en oeuvre pour lutter contre une utilisation abusive de sa place financière.

Sécurité humaine et migration Depuis les années 90, une acception plus large de la notion de sécurité humaine s'est imposée au niveau international. Ce terme désigne la sécurité de l'individu et le besoin qui est le sien de vivre à l'abri de la peur. La Suisse s'engage dans ce contexte notamment par ses bons offices, par la médiation dans les conflits, par la prévention des conflits, par la lutte contre divers types d'armes et par le renforcement des droits de l'homme. Sur ces points, les défis se sont multipliés également ces dernières années pour atteindre une dimension internationale. Cette affirmation est vraie également pour la migration, qui fait partie aujourd'hui des questions-clés sur les plans politique et sociétal. D'où le choix de consacrer un chapitre séparé à la migration dans le présent rapport (ch. 4.3).

Coopération au développement Sous l'effet de la globalisation, le développement économique mondial est caractérisé par de nombreuses inégalités, aussi bien entre sociétés qu'au sein de celles-ci. Si les pays industrialisés s'efforcent de préserver leurs acquis économiques internationaux, les pays émergents en forte croissante sont intéressés surtout à rattraper rapidement leur retard en matière de développement. La crise financière internationale et ses conséquences directes sur les budgets publics de nombreux Etats industriels ne manqueront pas de se répercuter sur les pays en développement. Les dettes intérieure et extérieure doivent être maîtrisées et le développement des marchés financiers locaux doit se poursuivre de sorte à réduire la dépendance vis-à-vis des marchés des capitaux internationaux. Le message concernant la poursuite de la coopération technique et de l'aide financière en faveur des pays en développement, adopté par le Parlement en décembre 2008, arrête pour la première fois une stratégie en matière de développement s'appliquant uniformément à tous les services fédéraux concernés. Sur la base de cette nouvelle orientation, le rapport sur la politique
extérieure 2010 présente la contribution de la Suisse à la résolution des problèmes se posant à l'échelle internationale en matière de développement. Il aborde également le débat sur la nouvelle répartition des droits de vote en faveur des pays en développement et en transition au sein des institutions de Bretton Woods.

Autres priorités thématiques Le rapport traite également de toute une série d'autres thèmes qui sont importants pour la politique extérieure de la Suisse et dont la dimension internationale prend une importance croissante. En font partie la politique de désarmement et de nonprolifération ainsi que la politique extérieure de la Suisse dans les domaines de l'environnement, de l'énergie, de la santé, de la formation, de la recherche et de l'innovation. Ce chapitre est complété par un paragraphe sur la politique de neutralité de la Suisse.

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Affaires consulaires (ch. 5) Dans l'ensemble, le volume des services consulaires fournis par les représentations suisses à l'étranger continue à augmenter. Si la mise en oeuvre de l'Accord de Schengen a entraîné une baisse des demandes de visas, les procédures sont devenues plus complexes. La protection consulaire, c'est-à-dire l'aide aux ressortissants suisses en situation de détresse à l'étranger, sollicite toujours considérablement les représentations. En l'occurrence, le défi consiste à assurer une assistance permanente dans le monde entier. Le DFAE estime qu'il faut davantage tenir compte de cette exigence et envisage la création d'un service aux citoyens accessible 24 heures sur 24. Notons enfin que le DFAE a modernisé et professionnalisé son dispositif de gestion des crises au cours des dernières années. Une cellule de crise a été créée à cet effet; elle est dotée d'un pool de collaborateurs qui peuvent renforcer temporairement une représentation à l'étranger en cas de crise.

Politique étrangère et relations publiques (ch. 6) Dans notre société d'information mondialisée, la communication à l'étranger joue un rôle de plus en plus important dans la sauvegarde des intérêts d'un pays, ce qui explique que le présent rapport contienne un chapitre consacré spécifiquement aux questions de communication liées à la politique étrangère. Durant l'année sous revue, les activités dans ce domaine ont été dominées par l'information concernant la procédure d'entraide administrative dans l'affaire UBS, la votation sur l'initiative contre les minarets et les problèmes bilatéraux avec la Libye. La Suisse jouit d'une manière générale d'une bonne réputation à l'étranger, image qui est restée globalement préservée malgré ces controverses. Si une détérioration a pu être évitée, c'est grâce notamment au travail médiatique mené sur des thèmes positifs, tels que l'engagement de la Suisse en faveur d'un rapprochement entre l'Arménie et la Turquie ou la contribution de la Suisse à l'élargissement de l'UE à l'Est.

Conduite de la politique étrangère (ch. 7) Les conséquences économiques et politiques de la mondialisation modifient les conditions-cadres de la politique étrangère. Les défis à relever sur le plan international sont d'une complexité croissante et de plus en plus interdépendants. Il est dès lors essentiel
que la Suisse définisse des stratégies cohérentes pour l'engagement de ses moyens afin de parvenir à une efficacité maximale. Le DFAE s'efforce donc d'utiliser au mieux ses ressources en personnel et financières et d'adapter régulièrement ses structures aux nouvelles circonstances. Il a d'ailleurs entrepris une réforme interne, qui vise une conduite de l'administration davantage axée sur l'efficacité. Outre les changements à la DDC, à la Direction des ressources et au Secrétariat général, le DFAE examine la création d'une Direction consulaire pour répondre à la demande croissante dans le domaine des services consulaires.

Conclusions: exercer son influence pour défendre ses intérêts nationaux (ch. 8) Le rapport sur la politique extérieure 2010 relève les possibilités pour la Suisse d'exercer une influence dans le contexte international et indique comment celles-ci ont été exploitées durant l'année sous revue. Le pari dans ce contexte est de trouver

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un équilibre entre l'autonomie du pays et la nécessité de la coopération internationale. La souveraineté nationale et la prise d'influence internationale ne doivent pas être contradictoires. La coopération internationale n'implique pas avant toute chose la dépendance et la perte de souveraineté. Elle est avant tout une chance d'agir de manière responsable en tenant compte de ses propres intérêts. Les institutions et les conventions internationales nées dans le contexte de la mondialisation ont multiplié les possibilités d'intervention, offrant une large palette d'options pour un exercice partagé ou commun de la souveraineté Cela étant, il est important que la Suisse s'efforce d'exercer autant que possible son influence dans le cadre de ses activités internationales. Elle peut y parvenir en créant de la valeur ajoutée au moyen d'actions conjointes avec d'autres, par exemple en prenant des initiatives ou en faisant valoir des préoccupations dans des organisations internationales, en s'engageant pour des solutions réalistes ou en soumettant des propositions de réforme fondées. Pour réussir dans ces entreprises, elle doit faire connaître ses intérêts, les concentrer et les intégrer dans des processus de décision internationaux. Enfin, la prise d'influence souveraine englobe une gestion active de la communication. Dans ce domaine, nous devons encore multiplier nos efforts afin d'être entendus comme il se doit sur la scène internationale.

Enfin, la Suisse doit, pour sauvegarder ses intérêts dans le cadre actuel de la mondialisation, poursuivre des objectifs diversifiés, sur les plans tant géographique, institutionnel que thématique. En outre, il ne faut pas perdre de vue la cohérence des actions de politique extérieure. Les instruments de cette politique doivent être suffisamment souples pour pouvoir être adaptés à un contexte international en constante évolution.

967

Table des matières Condensé

962

Liste des abréviations

971

1 Introduction: Défis et tendances

976

2 Priorités géographiques de la politique étrangère de la Suisse 2.1 Remarques liminaires 2.2 Politique à l'égard de l'Europe 2.2.1 Union européenne 2.2.2 Conseil de l'Europe 2.2.3 OSCE 2.2.4 AELE 2.2.5 Relations avec les Etats européens 2.3 Politique à l'égard du continent américain 2.4 Politique à l'égard de l'Asie et de l'Océanie 2.5 Politique à l'égard du Proche-Orient, du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord 2.6 Politique à l'égard de l'Afrique subsaharienne

978 978 979 980 989 993 996 997 1008 1016 1024 1029

3 Organisations et enceintes mondiales et régionales 3.1 Multilatéralisme touchant à la politique, à la sécurité et au droit 3.1.1 ONU 3.1.2 Conseil de partenariat euro-atlantique et Partenariat pour la Paix 3.1.3 Francophonie 3.1.4 Unions, associations et coopérations entre pays hors de l'Europe 3.1.5 Organisation de la Conférence islamique (OCI) 3.1.6 Organismes internationaux de justice pénale 3.2 Multilatéralisme touchant à l'économie 3.2.1 G20 3.2.2 Conseil de stabilité financière 3.2.3 OCDE 3.2.4 Organisation mondiale du commerce (OMC) 3.3 Multilatéralisme touchant à la culture et à la science 3.3.1 Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) 3.3.2 Organisation européenne pour la recherche en physique des particules (CERN) 3.3.3 Agence spatiale européenne (ESA) 3.3.4 Comité des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique de l'ONU (UN COPUOS)

1067

4 Principaux thèmes de la politique étrangère suisse 4.1 Politique économique et financière internationale 4.1.1 Résolution de la crise financière et économique 4.1.2 La place financière suisse

1068 1069 1069 1071

968

1035 1035 1035 1051 1053 1054 1056 1057 1059 1059 1062 1062 1064 1064 1064 1065 1067

4.1.3 Lutte contre la corruption 4.1.4 Problématique des avoirs d'origine illicite de potentats 4.2 Sécurité humaine 4.2.1 Les défis 4.2.2 Promotion de la paix 4.2.3 Politique en matière de droits de l'homme 4.2.4 Politique humanitaire 4.2.5 Consolidation du droit international humanitaire 4.3 Politique extérieure de la Suisse en matière de migration 4.3.1 Intérêts en matière de politique migratoire extérieure 4.3.2 Défis actuels 4.3.3 L'approche suisse 4.3.4 Perspectives 4.4 Réduction de la pauvreté et aide humanitaire 4.4.1 Crise économique et politique de développement 4.4.2 Evolution de la situation dans le monde et politique de développement 4.4.3 Contribution de la Suisse à la réduction de la pauvreté 4.4.4 Institutions de Bretton Woods et réduction de la pauvreté 4.4.5 Banques régionales de développement et réduction de la pauvreté 4.4.6 Aide humanitaire 4.5 Politique de désarmement et de non-prolifération 4.5.1 Défis 4.5.2 Politique et actions de la Suisse 4.5.3 Vers une politique plus active en matière de la maîtrise des armements, de désarmement et de non-prolifération 4.6 Politique extérieure en matière d'environnement 4.6.1 Biodiversité 4.6.2 Politique extérieure en matière climatique 4.7 Politique énergétique extérieure 4.8 Politique extérieure en matière de santé 4.9 Politique extérieure en matière de formation, de recherche et d'innovation 4.10 Neutralité

1074 1078 1081 1081 1088 1097 1102 1103 1105 1106 1107 1108 1110 1111 1112 1114 1118 1128 1131 1132 1135 1135 1136 1143 1144 1144 1145 1147 1152 1155 1158

5 Service public 5.1 Tâches consulaires 5.2 Protection consulaire 5.3 Prévention et gestion des crises 5.4 Suisses de l'étranger

1160 1160 1163 1164 1166

6 Politique étrangère et relations publiques 6.1 Travail médiatique 6.2 Communication internationale stratégique 6.3 Défis et perspectives

1168 1168 1170 1173

969

7 Conduite de la politique étrangère 7.1 Défis 7.2 Réorganisation du DFAE

1174 1174 1175

8 Conclusions: exercer son influence pour défendre ses intérêts nationaux

1179

Annexes 1 Informations complémentaires concernant le Conseil de l'Europe (2009 à mai 2010) 2 Rapport sur la politique extérieure de la Suisse en matière de droits de l'homme (2007­2011)

970

1188 1210

Liste des abréviations 3G

Groupe pour la gouvernance mondiale

AELE

Association européenne de libre-échange (European Free Trade Association)

AID

Association internationale du développement (International Development Association)

AIE

Agence internationale de l'énergie

AIEA

Agence internationale de l'énergie atomique (International Atomic Energy Agency)

APEC

Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (Asia-Pacific Economic Cooperation)

ASE

Agence spatiale européenne (European Space Agency)

ASEAN

Association des nations du Sud-Est asiatique (Association of South-East Asian Nations)

ASEM

Asia Europe Meeting

BCAH

Bureau de la coordination des affaires humanitaires (ONU) (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs)

BERD

Banque européenne de développement (European Bank for Reconstruction and Development)

BIRD

Banque internationale pour la reconstruction et le développement (International Bank for Reconstruction and Development)

BNS

Banque nationale suisse

BRIC

Groupe de grands pays émergents: Brésil, Russie, Inde et Chine

CAD

Comité d'aide au développement de l'OCDE (Development Assistance Committee)

CCNUCC

Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques

CE

Traité instituant la Communauté économique européenne

CEDEAO

Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Economic Community of West African States)

CEDH

Cour européenne des Droits de l'Homme

CEDH

Convention européenne des droits de l'homme

CEI

Communauté des Etats Indépendants

CERN

Organisation européenne pour la recherche nucléaire

CFM

Commission fédérale pour les questions de migration

CFT

Lutte contre le financement du terrorisme (Combating Financing Terrorism)

971

CGIAR

Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (Consultative Group on International Agricultural Research)

CICR

Comité international de la Croix-Rouge

CIJ

Cour internationale de justice de La Haye (International Court of Justice ­ ICJ)

CJUE

Cour de justice de l'Union européenne

CNUCC

Convention des Nations Unies contre la corruption (United Nations Convention against Corruption)

Comco

Commission de la concurrence

COPUOS

Comité des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique Committee on the Peaceful Uses of Outer Space)

CPE

Commission de politique extérieure

CPEA

Conseil de partenariat euro-atlantique

CPI

Cour pénale internationale (International Criminal Court)

CPT

Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (Committee for the Prevention of Torture)

CSA

Corps suisse d'aide humanitaire

CSCE

Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe

DCAF

Centre pour le contrôle démocratique des forces armées ­ Genève (Geneva Centre for the Democratic Control of Armed Forces)

DDC

Direction du développement et de la coopération

DDPS

Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports

DFAE

Département fédéral des affaires étrangères

DFE

Département fédéral de l'économie

DFF

Département fédéral des finances

DFI

Département fédéral de l'intérieur

DFJP

Département fédéral de justice et police

ECOSOC

Conseil économique et social (Economic and Social Council)

EEE

Espace économique européen

EPU

Examen périodique universel

EUFOR

Force de l'Union européenne (troupes multilatérales de l'UE) (European Union Force)

EULEX

Mission Etat de droit de l'Union européenne

FAO

Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (Food and Agriculture Programme)

972

FCE

Traité sur les forces conventionnelles en Europe

FEM

Fonds pour l'environnement mondial (Global Environment Fund)

FIE

Forum international de l'énergie

FIPOI

Fondation des immeubles pour les organisations internationales

FMI

Fonds monétaire international (International Monetary Fund ­ IMF)

FNUAP

Fonds des Nations Unies pour la population (United Nations Population Fund)

FSB

Conseil de stabilité financière (Financial Stability Board)

G20

Groupe des vingt (Etats-Unis, Allemagne, Japon, Chine, Grande-Bretagne, France, Italie, Canada, Brésil, Russie, Inde, Corée du Sud, Australie, Mexique, Turquie, Indonésie, Arabie Saoudite, Afrique du Sud, Argentine, Union européenne)

G24

Groupe intergouvernemental des 24 pour les questions monétaires internationales et le développement (Algérie, Argentine, Brésil, Colombie, République démocratique du Congo, Côte d'Ivoire, Egypte, Ethiopie, Gabon, Ghana, Guatemala, Inde, Iran, Liban, Mexique, Nigeria, Pakistan, Pérou, Philippines, Afrique du Sud, Sri Lanka, Syrie, Trinidad & Tobago, Venezuela)

G8

Groupe des huit (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie et Japon (G7) + Russie)

GATT

Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (General Agreement on Tariffs and Trade)

GCSP

Centre de politique de sécurité de Genève (Geneva Centre for Security Policy)

GRECO

Groupe d'Etats contre la corruption

HCDH

Haut-Commissariat aux droits de l'homme (High Commissioner for Human Rights)

HCR

Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (United Nations High Commissioner for Refugees)

HRC

Conseil des droits de l'homme de l'ONU (Human Rights Council)

IBW

Institutions de Bretton Woods

IFC

Société financière internationale (International Finance Corporation)

ISAF

Force internationale d'assistance à la sécurité en Afghanistan (International Security Assistance Force)

KFOR

Kosovo Force 973

MDP

Mécanisme de développement propre

MERCOSUR Marché commun d'Amérique du Sud (Mercado Común del Sur) MoU

Protocole d'accord (Memorandum of Understanding)

NAFTA

Zone de libre-échange d'Amérique du Nord (North American Free Trade Agreement)

NSG

Groupe des fournisseurs nucléaires (Nuclear Suppliers Group)

OCDE

Organisation de coopération et de développement économiques (Organisation for Economic Cooperation and Development)

OCI

Organisation de la Conférence islamique

OCS

Organisation de coopération de Shanghai

ODM

Office fédéral des migrations

OEA

Organisation des Etats américains (Organisation of American States)

OFAG

Office fédéral de l'agriculture

OFCOM

Office fédéral de la communication

OIF

Organisation internationale de la Francophonie

OIT

Organisation internationale du travail

OMC

Organisation mondiale du commerce (World Trade Organisation)

OMD

Objectifs du Millénaire pour le développement (Millennium Development Goals)

OMM

Organisation météorologique mondiale

OMS

Organisation mondiale de la santé (World Health Organisation)

ONG

Organisation non gouvernementale

ONU

Organisation des Nations Unies (United Nations Organisation)

ONUDC

Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (United Nations Office on Drugs and Crime)

OSCE

Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

OSE

Organisation des Suisses de l'étranger

OTAN

Organisation du traité de l'Atlantique Nord (North Atlantic Treaty Organisation)

PAM

Programme alimentaire mondial (World Food Programme)

PITH

Présence internationale temporaire à Hébron (Temporary International Presence in the City of Hebron)

974

PNUD

Programme des Nations Unies pour le développement (United Nations Development Program)

PNUE

Programme des Nations Unies pour l'environnement (United Nations Environment Program)

PPP

Partenariat pour la paix (Partnership for Peace)

PSDC

Politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne (Common Security and Defence Policy)

SADC

Communauté de développement de l'Afrique australe (Southern African Development Community)

SECO

Secrétariat d'Etat à l'économie

Swisscoy

Swiss Company (Contingent volontaire de l'armée suisse au Kosovo)

TAP

Trans-Adriatic Pipeline

TFA

Tribunal fédéral administratif

TICE

Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (Comprehensive Test Ban Treaty)

TNP

Traité de non-prolifération nucléaire (Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons)

TPIR

Tribunal pénal international pour le Rwanda

TPIY

Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie

UA

Union africaine

UE

Union européenne

UNASUR

Union des nations sud-américaines

UNESCO

Organisation des Nations Unies pour éducation, la science et la culture (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization)

UNICEF

Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (United Nations Children's Fund)

UNIOGBIS

Bureau intégré de la mission de l'ONU pour la paix en GuinéeBissau (United Nations Integrated Peacebuilding Office in Guinea-Bissau)

UNMIL

Mission des Nations Unies au Libéria (United Nations Mission in Liberia)

UNRWA

Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East)

975

Rapport 1

Introduction: Défis et tendances

L'opinion publique suisse a surtout perçu l'actualité politique extérieure de l'année écoulée par le prisme des trois affaires qui ont occupé une large place dans l'agenda politique du pays: les relations avec la Libye; les discussions internationales sur la place financière, le secret bancaire et la politique fiscale; et enfin les réactions suscitées à l'étranger par le résultat de la votation sur les minarets. Cela a pu susciter parfois l'impression que notre pays était isolé au sein de la communauté internationale, et contraint, sous la pression extérieure, d'agir contre ses intérêts nationaux.

Mais à y regarder de plus près, on constate que la Suisse a surmonté ces trois défis en sauvegardant ses intérêts au mieux, avec souvent le soutien actif de la communauté internationale. Ainsi, ces exemples montrent-ils bien à quel point il est difficile de concilier le point de vue intérieur et la perspective extérieure. Le cas de la Libye est symptomatique: du point de vue de la politique intérieur, il est perçu comme un dossier délicat de nos relations extérieures; en termes de politique extérieure, en revanche, il a montré comment l'engagement international de la Suisse peut bénéficier aux intérêts nationaux. En effet, la Suisse ayant adhéré aux accords de Schengen, elle a été en mesure d'imposer des restrictions de visas valables dans l'ensemble de l'espace Schengen, et elle a ainsi pu obtenir de ses partenaires européens, notamment l'Allemagne mais aussi l'Espagne, qui assurait alors la présidence de l'UE, un soutien direct qui a joué un rôle important dans la résolution de la crise.

On observe le même fossé entre perspective intérieure et extérieure dans les discussions avec les Etats-Unis sur les dossiers fiscaux. A l'intérieur, on a très vite commencé à parler de «diktat»; mais au niveau international, la Suisse a réussi à faire respecter son ordre juridique et à proposer la meilleure solution possible à un problème complexe, à savoir un accord international à titre de règlement extrajudiciaire de la procédure contre UBS, que le Tribunal fédéral n'a pas encore rendu son jugement.

La Suisse a fait face aux réactions suscitées à l'étranger par l'initiative anti-minarets en mettant en oeuvre une stratégie de débat constructif. Par une communication ciblée, en particulier avec les Etats musulmans,
et l'intensification des échanges avec la communauté musulmane de Suisse, mais aussi grâce à sa volonté manifeste de mener une politique étrangère fondée sur un dialogue critique entre les civilisations, elle a pu mieux faire comprendre à l'extérieur le résultat de la votation.

Ces exemples de défis extérieurs ne font pas qu'illustrer le clivage entre les sensibilités intérieures et l'opinion publique internationale. Ils montrent aussi que l'arbitrage entre l'actualité politique intérieure et extérieure devient de plus en plus complexe et que la Suisse ­ comme tout autre pays ­ est exposée à des influences sur lesquelles elle n'a, isolément, que peu de prise. En conséquence, pour défendre ses intérêts, elle doit aborder les problèmes de politique étrangère conjointement et en concertation avec des partenaires internationaux.

Mis à part ces sujets liés à l'actualité, les évolutions et les défis mondiaux relevés par le Conseil fédéral dans le rapport sur la politique extérieure 2009 se sont confirmés. Ils ont donc continué d'orienter son action extérieure pendant l'année sous revue: 976

­

La montée en puissance économique et politique de l'Asie s'est poursuivie, de même que les efforts d'intégration régionale, en Europe et sur d'autres continents.

­

La complexité des crises mondiales et leurs interdépendances ­ pas seulement en matière économique et financière mais aussi dans des domaines comme le climat, l'énergie, la santé et l'éducation ­ ont encore pris de l'ampleur, de même que les controverses sur les solutions possibles. Suite à la crise financière, les interdépendances mondiales se sont accentuées, montrant clairement que le cloisonnement des espaces économiques et financiers est largement illusoire. Le ralentissement de l'économie mondiale a été immédiatement suivi de tensions sociales, d'un accroissement des pressions migratoires et de conflits politiques. La disponibilité des ressources énergétiques est désormais un facteur crucial dans la vie politique mondiale, ce qui crée un risque latent de conflits sur leur répartition.

­

Les changements environnementaux à l'échelle planétaire ont des répercussions sur les ressources naturelles d'une grande partie de l'humanité, aggravant la pauvreté dans de nombreuses régions du globe. Or, ils touchent en particulier les pays en développement. Etant donné les interdépendances mondiales, la coopération au développement est un instrument important dans la recherche de solutions pour une mondialisation stable et équitable.

La pauvreté, l'effondrement d'Etats et de sociétés et les fondamentalismes religieux se renforçant les uns les autres, l'avenir du monde dépendra pour une bonne part des efforts déployés pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement adoptés par la communauté internationale.

­

Les grands défis tels que la lutte contre la pauvreté et l'exploitation durable des ressources requièrent des dispositifs normatifs efficaces et des organisations internationales performantes. Ils accroissent la pression sur les instances nationales et multilatérales, de même que la nécessité de réformes institutionnelles. Cela impose de clarifier les questions de gouvernance internationale.

­

Les pays connaissant une croissance économique rapide, comme la Chine, le Brésil ou l'Inde, sont des acteurs clés dans le développement de leur région.

Leur poids leur confère un rôle particulièrement important dans la résolution des problèmes mondiaux. Les stratégies de concrétisation du développement durable doivent donc impérativement englober la coopération avec eux.

Ces défis modifient les modes de travail et de communication en politique étrangère.

Un nombre croissant de sujets étant examinés dans des enceintes multilatérales, les limites entre diplomatie bilatérale et multilatérale s'estompent. Les contacts bilatéraux traditionnels restent importants, mais les questions bilatérales sont de plus en plus souvent discutées en marge de rencontres multilatérales, par téléphone, en vidéoconférence ou au fil des échanges auxquels donnent lieu les alliances thématiques.

Sur bien des plans, la Suisse a su accompagner cette évolution. Elle a joué un rôle actif au sein de la communauté internationale, notamment dans les enceintes multilatérales, et a continué de renforcer son réseau de relations. Elle noue des contacts privilégiés avec les gouvernements pour lesquels elle assume des mandats de puissance protectrice ­ fonction pour elle traditionnelle de représentation des intérêts de certains pays, dont les Etats-Unis et la Russie. Il convient en outre de mentionner ici 977

sa médiation dans le processus de rapprochement entre l'Arménie et la Turquie, et sa contribution au maintien des canaux de communication entre les parties au conflit du Proche-Orient.

La Suisse a participé aux efforts de stabilisation déployés dans divers pays et régions, comme les Balkans occidentaux, le Caucase, l'Asie centrale, la région africaine des Grands Lacs, le Népal ou la Colombie. Son aide humanitaire souple et efficace a également contribué à atténuer les souffrances de la population après le tremblement de terre de janvier 2010 en Haïti. Dans le cadre de ses activités de coopération au développement, la Suisse participe à la lutte contre la pauvreté et à l'amélioration des perspectives de vie des catégories les plus pauvres de la population. Elle participe en outre aux efforts consacrés à des problèmes d'ampleur planétaire, comme le changement climatique, l'insécurité alimentaire, la pénurie des ressources en eau et les flux migratoires. Elle a pu donner un relief particulier à son engagement multilatéral à la fois en Europe, en accédant à la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, et à l'ONU, en obtenant pour la première fois la présidence d'une commission importante et avec la nomination de l'ancien conseiller fédéral Joseph Deiss à la présidence de l'Assemblée générale des Nations Unies en 2010 à 2011.

L'action extérieure multiforme de la Suisse repose sur une politique globale de défense de ses intérêts et d'influence. Cette politique se reflète dans ses contributions actives et innovantes à la recherche de solutions aux problèmes mondiaux, sa participation aux charges financières qui en découlent, sa coopération pragmatique avec les Etats partageant ses vues, ses échanges particulièrement étroits avec ses partenaires européens et l'exploitation constructive des instruments multilatéraux à sa disposition. Le rapport sur la politique extérieure 2010 donne une vue d'ensemble des divers volets de cette action.

2

Priorités géographiques de la politique étrangère de la Suisse

2.1

Remarques liminaires

La Suisse poursuit une politique d'universalité dans ses relations diplomatiques: elle cherche à entretenir des relations étroites avec tous les Etats et toutes les organisations internationales, quelles que soient leurs positions et orientations politiques.

Cette approche pratiquée depuis des décennies permet à la Suisse, qui n'est membre ni de l'Union européenne ni d'aucune alliance militaire, de défendre ses intérêts dans le monde entier et dans tous les secteurs.

Universalité ne signifie cependant pas absence de priorités. La Suisse attache ainsi une importance particulière à ses partenaires stratégiques, de même qu'aux Etats voisins. Elle prend également en compte l'actuelle modification des rapports dans le monde, notamment la montée des pays émergents et la création d'un nouvel ordre mondial, en adaptant en conséquence l'affectation de ses ressources personnelles et financières.

Dans les pages qui suivent, tous les Etats et toutes les organisations internationales ne seront pas nécessairement mentionnés. Ils conservent cependant toute leur importance pour la Suisse et les uns ou les autres peuvent devenir prioritaires selon les enjeux et les circonstances. De même, les différents pays et régions ne sont pas 978

nécessairement traités proportionnellement à l'intensité de leurs relations avec la Suisse. Les paragraphes suivants portent bien plus sur les points forts de l'engagement qui ont dominé la politique extérieure de la Suisse durant l'année sous revue.

2.2

Politique à l'égard de l'Europe

La principale réponse du continent européen au changement des rapports de force mondiaux est caractérisée par un resserrement des liens entre les Etats européens.

L'approfondissement de l'intégration européenne dans le cadre de l'Union Européenne (UE) s'est ainsi poursuivi, notamment à travers l'adoption, non sans heurts il est vrai, du Traité de Lisbonne. Malgré la perte d'influence relative de l'Europe par rapport à d'autres régions du monde, l'UE, avec ses Etats membres, demeure ainsi à la fois la première puissance économique au monde et la puissance continentale dominante, qui endosse de plus en plus le rôle de porte-parole du Vieux Continent dans le monde.

A cet effet, l'UE a continuellement renforcé ses capacités et moyens dans les domaines de la politique étrangère, ainsi que de la politique de sécurité et de défense. A cela s'ajoute l'ambition croissante manifestée par l'UE d'apparaître comme une référence internationale, à commencer par le plan continental européen, en termes de création de normes juridiques communément acceptées. Ceci se traduit par un phénomène de prise d'influence croissante de l'UE, en tant que telle ou par l'intermédiaire de ses Etats membres agissant de façon coordonnée, sur d'autres organisations internationales singulièrement à vocation européenne, telles l'OSCE ou le Conseil de l'Europe.

La Suisse, située géographiquement au coeur du continent, mais institutionnellement en dehors de sa principale organisation, se doit de porter une attention particulière à ces deux évolutions apparemment contradictoires: la perte relative d'influence du continent européen dans le monde d'une part, et l'affirmation de l'UE en tant que puissance dominante et porteuse d'harmonisation normative sur le continent européen de l'autre. Du fait des relations très étroites qu'elle entretient avec l'UE, la Suisse a tout intérêt à suivre de près la dynamique de la politique d'intégration de l'Union et à se positionner en conséquence. Parallèlement, elle doit également utiliser la palette d'instruments de politique extérieure dont elle dispose et s'appuie notamment sur des organisations telles que le Conseil de l'Europe, l'OSCE ou l'AELE, dont elle est membre, et sur les relations étroites qu'elle entretient avec les pays européens.

979

2.2.1

Union européenne

Sur la base du chapitre du rapport sur la politique extérieure 2009 (FF 2009 5673) correspondant, les évolutions les plus importantes d'un point de vue suisse sont examinées ci-dessous et évaluées à l'aune de leur importance pour la Suisse et de sa politique européenne. Ce chapitre est également consacré aux évolutions intervenues dans les relations de la Suisse avec l'UE. Enfin, les orientations de politique européenne décidées par le Conseil fédéral le 18 août 2010 sur la base du rapport sur l'évaluation de la politique européenne de la Suisse (FF 2010 6615) (en réponse au postulat Markwalder [09.3560]), sont également rappelées.

Conséquences pour la Suisse des évolutions au sein de l'UE Au cours des derniers mois, l'Union européenne a réalisé, au terme d'un long et difficile processus, son objectif de se doter d'un cadre institutionnel lui permettant de pérenniser son fonctionnement tout en améliorant sa légitimation démocratique et ses capacités d'action dans le monde. Paradoxalement, elle a également été confrontée à une crise extrêmement grave, liée à la situation budgétaire de la Grèce et d'autres pays de la zone euro, dont les conséquences pourraient marquer durablement l'avenir de la monnaie unique et, au delà, de l'Union elle-même.

Entrée en vigueur du Traité de Lisbonne: afin de doter l'UE élargie des instruments nécessaires à son bon fonctionnement, les chefs d'Etat et de gouvernement ont signé le Traité de Lisbonne le 13 décembre 2007, après l'échec du projet précédent de Constitution européenne, qui avait été rejeté par les électeurs français et néerlandais.

Ce traité établissant les futurs domaines de compétence et les règles de fonction980

nement de l'Union est entré en vigueur près de deux ans plus tard, le 1er décembre 2009.

Les principales nouveautés qu'il introduit sont les suivantes: ­

L'UE est dotée d'une personnalité juridique qui lui est propre.

­

L'Union européenne succède à la Communauté européenne.

­

L'ancien modèle des trois piliers est supprimé.

­

Une nouvelle fonction de président du Conseil européen est créée. Nommé par le Conseil européen pour une durée de deux ans et demi (renouvelable une fois), il préside les sommets européens. Cette fonction vise à assurer la continuité et la stabilité des travaux du Conseil européen.

­

Un nouveau poste de haut représentant pour la politique extérieure et de sécurité, couplé avec la fonction de vice-président de la Commission européenne, est créé. Un service diplomatique spécifique de l'UE (Service européen pour l'action extérieure ­ SEAE), qui doit être opérationnel le 1er décembre 2010, travaillera à ses côtés.

­

En ce qui concerne le processus décisionnel au sein du Conseil européen, la majorité qualifiée remplace le principe d'unanimité dans la plupart des domaines (par ex. en matière de coopération policière et judiciaire1 ou d'agriculture et de pêche). Toutefois, le principe d'unanimité continue de s'appliquer aux domaines de la fiscalité, de la politique extérieure, de la défense et de la sécurité sociale.

­

A partir de 2014, le principe de la double majorité remplacera celui de la majorité qualifiée. Le calcul sera fonction des Etats membres et de la population. La double majorité requiert un vote favorable d'au moins 55 % des Etats membres (15 Etats au minimum) réunissant au moins 65 % de la population de l'Union. Un minimum de quatre membres du Conseil de l'UE est nécessaire pour constituer une minorité de blocage.

­

Le Parlement européen est renforcé et voit ses compétences étendues en matière de législation, de budget et d'accords internationaux. En outre, la procédure de codécision permettant de placer le Parlement sur un pied d'égalité avec le Conseil devient l'instrument décisionnel habituel pour la majeure partie des actes législatifs européens. Restent exclus de la procédure de codécision les domaines politiques de la sécurité sociale, du droit de la famille, de la politique de sécurité et de défense, de la fiscalité et des mouvements de capitaux impliquant des Etats tiers. A l'avenir, les accords internationaux devront également être approuvés par le Parlement européen.

Le 9 février 2010, le Parlement européen a confirmé les 26 commissaires désignés par le président de la Commission José Manuel Barroso. Leur mandat s'étend jusqu'au 31 octobre 2014.

La forme que prendra la collaboration entre les différents et en partie nouveaux acteurs de l'UE demeure incertaine pour l'instant et ne sera connue qu'après un certain laps de temps. On peut supposer que la collaboration entre les différents organes s'intensifiera sur le plan institutionnel, ce qui devrait certes permettre à la 1

Toutefois, le principe d'unanimité n'a pas été supprimé dans le domaine Schengen, qui est contraignant pour la Suisse (cf. art. 87, al. 3, TFUE).

981

Suisse d'avoir en l'UE une partenaire plus prévisible en matière de négociation et de conclusion des traités, mais pourrait réduire la marge de manoeuvre de la Suisse.

La personnalité juridique que le traité de Lisbonne confère à l'UE devrait simplifier quelque peu les procédures de négociation et de conclusion des traités. Mais, comme indiqué précédemment, le Parlement européen doit désormais approuver les accords internationaux, ce qui pourrait rendre la conclusion des traités nettement plus longue, voire impossible dans certains cas.

Ces nouveautés sont importantes également pour la relation entre la Suisse et l'UE, sans pour autant la modifier fondamentalement. On relève notamment de nombreux signes indiquant depuis un certain temps que l'UE se montre moins souple face à la question de la reprise de l'acquis communautaire, et revendique de plus en plus le parallélisme. Le renforcement du rôle du Parlement européen signifie toutefois que la Suisse doit, dans certains domaines, suivre les travaux des commissions du Parlement avec davantage de constance et de précision. Il sera également essentiel d'exercer un lobbying ciblé auprès de certains parlementaires de l'UE, non seulement en matière législative, mais également dans le cadre de la négociation de nouveaux accords, pour lesquels le Parlement européen voit ses compétences considérablement élargies par la procédure de codécision. Pour assurer ces tâches d'observation et de lobbying, les ressources en personnel ont été renforcées dans la mesure du possible. Néanmoins, elles demeurent modestes par rapport à des Etats comparables à la Suisse.

Perspectives de l'UE en matière de sécurité collective sur le continent: sur le plan de la politique de sécurité également, l'Union européenne se veut un intervenant assumant une responsabilité à l'échelle mondiale, comme l'indique explicitement la stratégie européenne de sécurité adoptée en 2003. La politique européenne de sécurité et de défense (PESD) est le principal instrument dont dispose l'UE pour s'imposer comme un acteur qui compte à l'échelle mondiale en matière de politique de sécurité. Depuis son lancement opérationnel en 2003, l'UE a déjà effectué plus de vingt missions civiles et militaires de promotion de la paix, dépassant rapidement le périmètre d'intervention européen qu'elle s'était fixé
(Balkans occidentaux). Selon l'UE, l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne renforce non seulement la PESD, mais également la cohérence et par conséquent la capacité de mise en oeuvre de sa politique extérieure. A cet égard, une haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a été nommée. Elle est parallèlement vice-présidente de la Commission européenne. Un Service européen pour l'action extérieure, autrement dit un service diplomatique européen, a également été créé.

Le renforcement des structures de politique extérieure, qui ne sont cependant pas communautarisées ni soumises au principe de la majorité qualifiée, est indispensable pour l'UE si elle tient à exister face aux Etats qu'elle considère comme ses partenaires naturels (notamment les Etats-Unis, la Chine, la Russie et l'Inde) et à obtenir une écoute et une influence plus grandes au niveau international. Différents acteurs continuent d'intervenir en matière de politique extérieure et de sécurité malgré le Traité de Lisbonne (avec notamment, outre la haute représentante, le nouveau président permanent du Conseil européen et les Etats membres, ces derniers affichant souvent des positions divergentes sur certaines questions de politique extérieure et de sécurité), ce qui risque à l'avenir d'handicaper fortement l'UE dans sa volonté de s'imposer face à d'autres grands acteurs internationaux. Par ailleurs, la haute représentante et vice-présidente devant rendre des comptes à la fois aux Etats membres et

982

à la Commission, l'efficacité de cette nouvelle fonction reste à démontrer dans la pratique.

Dans le domaine de la politique de sécurité, l'UE dispose d'un atout particulier dans sa double capacité à intervenir dans la promotion internationale de la paix et à mobiliser des compétences et des capacités civiles et militaires. Le Traité de Lisbonne renforce cette coopération et cette coordination entre les domaines civil et militaire, qui se résument dans le Service européen pour l'action extérieure. Combiné aux efforts d'augmentation des capacités militaires, cela devrait accroître la marge de manoeuvre et l'efficacité des interventions de l'UE en matière de gestion des crises.

A cela s'ajoutent d'autres éléments du Traité de Lisbonne visant à donner plus d'impact à la politique de défense et de sécurité de l'UE: la possibilité d'introduire une collaboration permanente structurée entre Etats membres souhaitant aller plus loin en matière de sécurité et de défense; l'ancrage d'une obligation d'assistance réciproque en cas d'attaque contre un Etat membre, cette clause tenant compte des différents engagements particuliers (appartenance à l'OTAN, absence d'alliance); l'établissement d'une clause de solidarité au cas où un Etat membre de l'UE serait frappé par un attentat terroriste ou une catastrophe d'origine naturelle ou humaine.

Perspectives en matière d'élargissement et de politique de voisinage: la position clé de l'Union européenne que le rapport sur la politique extérieure 2009 a constatée, sur le continent européen mais également à l'échelle internationale, demeure inchangée. De même, l'Union continue d'exercer sa force d'attraction sur les Etats tiers en Europe: depuis le dernier rapport sur la politique extérieure, la Serbie a soumis une demande d'adhésion et la Bosnie-Herzégovine envisage d'en faire autant avant fin 2010. Actuellement, plus de dix Etats souhaitent intégrer l'UE. Les pays des Balkans occidentaux ont une perspective d'adhésion officielle, confirmée à plusieurs reprises. Cependant, seule la Croatie en est actuellement au stade des négociations, vraisemblablement dans la dernière ligne droite. En revanche, les discussions avec la Turquie avancent au ralenti. Et la Commission a recommandé au Conseil européen d'engager les négociations d'adhésion dans le cas de l'Islande, durement
malmenée par la crise économique et financière. Le Conseil a suivi cette recommandation en juin 2010 et les négociations ont été ouvertes le 27 juillet.

D'autres pays tels que l'Ukraine ou la Moldavie ont déclaré que l'adhésion à l'UE représentait un objectif à long terme de leur politique extérieure et européenne.

Malgré l'adaptation des structures institutionnelles permise par l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, ces nombreux nouveaux membres avérés, probables ou potentiels représentent un défi de taille pour l'UE car les pays visant l'adhésion connaissent des situations économiques et politiques parfois très différentes. Par conséquent, au vu des expériences réalisées lors des cycles d'élargissement de 2004 et 2007, l'UE souhaite accorder une plus grande attention au respect des critères d'adhésion par les Etats candidats, et ce avant leur adhésion effective. A cela s'ajoute le fait que les 27 Etats membres actuels défendent des positions différentes sur les nouveaux élargissements. Si la perspective d'adhésion des pays des Balkans occidentaux n'est pas remise en question au sein de l'UE, le cas de la Turquie ne suscite pas un tel consensus. Plusieurs Etats membres, dont la France, l'Allemagne et l'Autriche, se sont exprimés plus ou moins ouvertement contre une adhésion de plein droit de la Turquie. Et le problème de Chypre, toujours en suspens, agit comme un frein dans les négociations avec Ankara.

983

Si l'UE est bien consciente qu'elle ne pourra poursuivre indéfiniment son élargissement, elle n'a actuellement aucune réponse interne à la question des limites, notamment géographiques, de ce processus. En outre, l'une des principales interrogations à cet égard réside dans le mode de relations que l'UE devrait entretenir à l'avenir avec la Russie. Enfin, il faut attendre les éventuels effets des mesures ayant permis de surmonter la crise budgétaire grecque sur le processus d'élargissement.

Sachant qu'il ne peut être question que l'UE élargie crée de nouvelles divisions en Europe, l'Union soutient ses nouveaux voisins à l'Est et au Sud par diverses politiques qui peuvent parfois se recouper et affecter les mêmes pays: la Politique européenne de voisinage (PEV), le Partenariat oriental (PO) et l'Union pour la Méditerranée (UPM). Ces politiques permettent aux pays qu'elles concernent une collaboration politique et économique certes approfondie, mais d'un niveau néanmoins inférieur à une adhésion à l'UE. Seule l'UPM implique également quatre pays qui négocient déjà leur adhésion avec l'UE (Croatie, Turquie) ou qui ont déjà obtenu de l'UE en 2003 la perspective d'une adhésion (Bosnie-Herzégovine, Monténégro).

Se pose toutefois la question de savoir si les politiques susmentionnées concernant les Etats tiers peuvent répondre aux attentes à long terme des pays partenaires. Il y a lieu de douter à cet égard, car plusieurs de ces pays (par ex. l'Ukraine) ont déjà clairement affiché leur volonté d'intégrer un jour l'UE. Reste à savoir si la PEV, le PO et l'UPM peuvent exercer un attrait suffisant pour inciter les pays concernés à réaliser des réformes politiques, juridiques et économiques durables.

L'UE devra tôt ou tard se consacrer aux facteurs évoqués précédemment ­ finitude géographique du processus d'élargissement de l'UE, divergences internes quant à l'avenir de ce processus, niveau d'attrait à long terme des politiques existantes à l'égard des pays tiers ­ afin de faire face au risque d'apparition de nouvelles tensions sur le continent européen. L'UE devra donc vraisemblablement étudier la possibilité ou la nécessité de créer avec certains Etats tiers d'Europe de nouvelles formes de coopération qui, quoique d'un niveau inférieur à celui d'une adhésion, offriraient une intégration plus étroite que
la PEV, le PO et l'UPM, notamment sur le marché intérieur européen. En d'autres termes, la création de formes de collaboration comparables à l'Espace économique européen (EEE) ou d'un nouveau type d'adhésion à l'UE. De telles réflexions internes ne seraient pas nouvelles puisque l'on a déjà parlé, à la fin des années 1990, du modèle des cercles concentriques ou de l'intégration différenciée (adhésion avec exceptions permanentes). De telles formes de collaboration pourraient être dans l'intérêt de l'UE comme des Etats tiers européens. L'UE pourrait toujours contribuer à la promotion de la paix, de la stabilité et de la prospérité sur tout le continent européen tout en évitant une sollicitation et une extension excessives de ses structures et de ses institutions. Les Etats tiers intéressés disposeraient ainsi d'instruments de coopération attrayants et créateurs de valeur ajoutée par rapport à la politique actuelle.

De tels modèles de coopération différenciés avec l'UE pourraient également intéresser la Suisse s'ils venaient à se concrétiser. C'est pourquoi notre pays a toutes les raisons de rester attentif à la politique de l'UE concernant les Etats tiers et l'élargissement.

Crise de l'euro: depuis le printemps 2010, la monnaie commune des seize Etats membres constituant la zone euro connaît une crise qui, onze ans après son introduction, soulève de nombreuses questions concernant son avenir.

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Les turbulences de la crise financière mondiale de 2007 et 2008 ont renforcé la perception du risque par les marchés de capitaux et aiguisé le regard porté sur les zones de tension internes à la zone euro, cette dernière devant imposer une politique monétaire axée sur la stabilité pour asseoir des économies tout aussi hétérogènes qu'auparavant. Cette tâche est loin d'être aisée car les divergences en termes de compétitivité, de taux d'intérêt réels et de discipline budgétaire ont introduit des déséquilibres dans les balances des paiements et augmenté l'endettement au sein de la zone euro. Après que les marchés ont perdu confiance dans la capacité de paiement de certains Etats membres, l'UE a mis en place des mesures de sauvetage sans précédent afin de combler temporairement ou de relancer la liquidité des marchés qui fait défaut, parallèlement à l'action du FMI.

Dans le même temps, l'Union a ouvert un débat sur les réformes à long terme allant au-delà de ces mesures décidées dans l'urgence. Les propositions actuellement à l'étude, visent principalement une application plus stricte de la discipline budgétaire, mais également une coordination renforcée des politiques fiscales ainsi que la convergence des politiques économiques des Etats membres de la zone euro. Reste à savoir dans quelle mesure ces idées seront converties en changements concrets pour la zone euro et, le cas échéant, pour toute l'UE. Quoi qu'il en soit, cette évolution va bien dans le sens d'une intégration approfondie. La monnaie unique constitue une finalité de l'UE régie par un traité international. Un échec de sa stabilisation, voire de l'Union économique et monétaire, pourrait dans le pire des cas ébranler jusque dans ses fondements le projet jusqu'ici réussi de l'Union européenne.

La Suisse n'a aucune prise sur cette problématique interne à l'UE. Toutefois, les exportations helvétiques sont confrontées à des incertitudes supplémentaires liées en particulier au taux de change du franc suisse face à l'euro, ainsi qu'à la dynamique économique de l'un de nos principaux débouchés. La tâche dont l'UE doit s'acquitter mobilisera probablement un engagement politique conséquent et poussera l'Union à tourner son regard davantage vers l'intérieur. Des dissonances ne sont pas à exclure entre les Etats membres, même si les débats au sein
de l'UE peuvent déboucher sur une collaboration communautaire renforcée. Les impondérables qui sont liés à cette situation pourraient placer la Suisse face à de nouveaux défis dans la relation étroite qu'elle entretient avec l'UE.

En effet, l'intensité des échanges économiques et commerciaux entre la Suisse et l'UE rendent notre économie d'autant plus dépendante des fluctuations du dynamisme économique de son principal partenaire, y compris s'agissant des fluctuations du taux de change du franc suisse par rapport à l'euro. C'est du reste afin de lutter contre la pression persistante à la hausse du franc suisse que la BNS a effectué d'importants achats d'euros. L'importance de ces réserves en euros, à son tour, rend d'autant plus manifeste l'intérêt de la Suisse à voir la monnaie unique européenne stabilisée.

La voie bilatérale face à de nouveaux défis Lors de sa retraite du 18 août 2010, le Conseil fédéral a confirmé sa volonté de poursuivre sur la voie bilatérale.2 L'un des avantages de la voie bilatérale réside 2

Rapport du Conseil fédéral sur l'évaluation de la politique européenne de la Suisse (en réponse au postulat Markwalder [09.3560] «Politique européenne. Evaluation, Priorités, mesures immédiates et prochaines étapes d'intégration») du 17 septembre 2010 (FF 2010 6615 ss).

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dans le fait qu'elle concerne des coopérations sectorielles dans des domaines clairement délimités, tout en permettant, dans ceux où n'existe aucune relation contractuelle avec l'UE, des marges de manoeuvre pour mener des politiques autonomes pouvant au besoin s'écarter du droit européen. Or, on constate au sein de l'UE des évolutions tendant à limiter ces marges de manoeuvre3. Il importe donc en conséquence de tirer tout le profit possible de ces espaces d'autonomie ­ notamment dans les domaines des politiques fiscale, économique et commerciale ­ tout en évaluant avec lucidité les limites4.

C'est également en ces termes que doit être examinée la prise d'influence par la Suisse sur les décisions qui peuvent l'affecter directement ou indirectement. Il convient en effet de garder à l'esprit que la préservation d'espaces d'autonomie par rapport au droit de l'UE que permet la voie bilatérale et sectorielle, si elle peut apporter des avantages, notamment dans les relations avec des Etats tiers, recèle un potentiel de discrimination croissant s'agissant notamment de l'accès au marché intérieur du partenaire économique et commercial principal5. Indépendamment du degré réel de compatibilité entre l'acquis communautaire et le droit suisse dans certains domaines, on constate généralement que le droit de l'UE, en constante évolution, constitue un paramètre central de l'activité législative de la Suisse, notamment pour maintenir et améliorer la compétitivité de son économie sur le marché européen. Si en outre la Suisse désire conclure des accords bilatéraux dans de nouveaux secteurs, l'acquis communautaire deviendra un principe directeur dans les domaines concernés. L'intégration de la Suisse dans l'espace juridique de l'UE devrait donc se renforcer encore à l'avenir, même si la voie bilatérale suivie à ce jour est maintenue sur le plan institutionnel.En outre, sur le plan politique, ces mêmes marges de manoeuvre doivent être analysées en lien, d'une part, avec les possibilités d'action autonome en matière de politique étrangère, notamment en matière de médiation et de bons offices6, et, d'autre part, avec la solidarité qui prévaut entre Etats membres de l'UE. L'actualité récente démontre que cette dernière peut s'avérer utile, voire déterminante en situation de crise. Or, la Suisse s'en est à ce jour
volontairement privée dans une large mesure. A titre d'exemple, la discipline croissante dont font preuve les Etats membres de l'UE s'agissant du soutien à des candidatures de leurs ressortissants à des postes importants au sein d'organisations internationales illustre ce phénomène, au détriment des candidatures suisses.

L'implication des partenaires de l'UE dans les efforts déployés par la Suisse afin d'obtenir la libération de ses ressortissants arbitrairement retenus en Libye peut également être mentionnée dans ce contexte. C'est en effet notamment grâce à sa participation aux règles en matière d'entrée et de séjour sur le territoire de la zone Schengen que la Suisse a pu bénéficier de l'engagement de ses partenaires Schengen, et tout particulièrement de la présidence espagnole et de la République fédérale d'Allemagne en tant que médiateurs. Ce soutien de partenaires européens de poids, lesquels se sont engagés à haut niveau au cours des nombreuses négociations qui ont

3 4 5 6

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Rapport sur la politique extérieure 2009 du 2 septembre 2009, FF 2009 5712 ss.

Rapport sur l'évaluation de la politique européenne de la Suisse, du 17 septembre 2010.

Rapport sur la politique extérieure 2009 du 2 septembre 2009, FF 2009 5714.

Rapport du Conseil fédéral sur l'évaluation de la politique européenne de la Suisse, du 17 septembre 2010, ch. 2.2, FF 2010 6654.

Rapport du Conseil fédéral sur l'évaluation de la politique européenne de la Suisse, du 17 septembre 2010, ch. 2.2, FF 2010 6654.

eu lieu à Madrid et à Berlin, a contribué considérablement à la libération des deux Suisses retenus en otage en Libye.

Plus que jamais, il s'agit donc pour la Suisse d'évaluer les avantages et les inconvénients liés à une intégration européenne certes très développée, mais sectorielle, et ce dans un contexte de plus en plus marqué par des revendications croissantes de l'UE s'agissant du maintien et du développement de la voie bilatérale ainsi que par un potentiel croissant de difficultés dans l'accès au marché intérieur au détriment des opérateurs économiques suisses.

Perspectives En ce qui concerne les développements futurs des relations entre la Suisse et l'Union européenne, il convient de garder à l'esprit ce qui suit: ­

La politique européenne est un instrument au service des objectifs constitutionnels: la difficulté de la politique européenne ne réside en effet pas en la fixation de ses objectifs, mais plutôt dans la détermination de la meilleure façon d'atteindre ces objectifs. En d'autres termes, la question n'est pas de savoir s'il est opportun ou non d'adhérer à l'Union européenne. Le défi consiste bien plutôt à déterminer la politique la plus efficace à l'égard de cette dernière.

­

Un bilan positif en matière de prospérité, de sécurité et de développement durable: sur ce plan et jusqu'à présent, la voie bilatérale a permis de réaliser largement les objectifs du pays. De surcroît, elle bénéficie d'un grand soutien de la population, confirmé par plusieurs votations populaires relativement récentes.

­

Un bilan mitigé en matière d'indépendance et de souveraineté: dans des domaines toujours plus nombreux, la Suisse est amenée à reprendre le droit de l'Union européenne, sans avoir participé à son élaboration7. En tant qu'Etat non-membre de l'UE, la Suisse est de plus exposée à un risque élevé de discrimination tant politique qu'économique. Par ailleurs, l'UE souhaite étendre le droit européen à des pays tiers tels que la Suisse: c'est pourquoi elle souhaite que la conclusion d'accords futurs soit associée à un engagement supplémentaire de la Suisse quant à la reprise des évolutions de l'acquis communautaire correspondant. Côté suisse, il est clair que nos accords doivent être adaptés à l'évolution des besoins, mais l'adoption automatique du droit européen est exclue. Il convient d'observer ces évolutions d'un oeil d'autant plus critique qu'elles ont pour effet une réduction de fait de notre champ de souveraineté et d'autonomie.

Le principal enjeu de la politique européenne consiste à maintenir les conditions de notre prospérité, tout en préservant autant que possible notre liberté d'action et de décision. Ainsi, plus que dans tout autre domaine, la difficulté de concilier l'exercice de la souveraineté nationale et la nécessité de la coopération internationale se fait sentir avec acuité dans les relations Suisse-UE. Cet enjeu est d'autant plus important que l'influence de l'UE s'accroît continuellement en regard des capacités de déci7

Selon diverses études (par ex. Emilie Kohler 2009, Influences du droit européen sur la législation suisse: analyse des années 2004 à 2007; Ali Arbia 2006, The Road not Taken ­ Europeanisation of Laws in Austria and Switzerland 1996­2005), le taux d'adaptation (au moins partielle) de la législation fédérale récente au droit européen se situe entre 40 % et 60 %.

987

sion nationales, et ce sur toute une série de thèmes. Ceci étant, l'on constate également que la dynamique de l'intégration a amélioré la capacité de s'imposer des Etats membres de l'UE. Ainsi, hors Union européenne, les prises de position nationales tendent à avoir plus de résonance que de poids. Si, en adhérant à l'UE, les Etats membres transfèrent des canaux de décision des institutions nationales à celles de l'Union, ils y gagnent en influence par la mise en commun de leurs intérêts et de leurs prises de position, ce qui leur permet d'exercer leur souveraineté avec plus de force face au monde extérieur.

De fait, la question de la perte d'indépendance et de l'abandon de souveraineté est souvent liée à une coopération internationale accrue, tout particulièrement en politique européenne. Elle mérite un vrai débat, qui dépasse les concepts manichéens peu adaptés à la situation d'aujourd'hui. Il s'agit de mesurer en termes de coûts et d'avantages la participation ou non à des institutions et des organismes internationaux. En faire partie, participer à la gouvernance européenne, augmenterait notre capacité à peser sur le cours des choses mais ne résolverait pas les tensions entre exercice de la souveraineté nationale et impact international. A l'inverse, agir isolément comporte aussi le risque de réactions hostiles ou de mesures de rétorsion et a parfois un prix qui peut s'avérer supérieur à celui de la coopération. A cet égard, il serait faux de croire qu'un pays de la richesse de la Suisse peut s'offrir le luxe de refuser d'apporter sa contribution à la résolution des problèmes sur le continent.

Aujourd'hui, pareille attitude a en effet un coût de plus en plus élevé. C'est la raison pour laquelle le Conseil fédéral est persuadé que la solution de l'isolement et du repli doit être écartée, particulièrement en politique européenne8.

Concilier la préservation de notre souveraineté et de notre autonomie avec notre intérêt à peser sur les décisions qui nous touchent directement ou indirectement, c'est tout l'enjeu des discussions actuellement menées avec l'UE afin de rechercher un moyen d'adapter nos relations aux nouveaux besoins. Il s'agit notamment de faire en sorte que toute prise en compte de l'évolution du droit de l'UE dans les accords bilatéraux soit assortie d'une participation appropriée
à l'élaboration de ces normes.

En conclusion, si le Conseil fédéral entend poursuivre et développer la voie bilatérale, il estime que, pour ce faire, les conditions institutionnelles doivent être revues, afin de concilier au mieux accès au marché et préservation de notre autonomie de décision. C'est à cette aune qu'il faudra évaluer les résultats du groupe de travail chargé de discuter des questions institutionnelles avec l'UE. A plus long terme, la réflexion devra être poursuivie pour déterminer si l'exercice effectif de notre souveraineté ainsi que les avantages matériels qu'apportent les accords bilatéraux continuent de compenser les déficits en termes de participation à la prise de décision inhérents à la voie bilatérale.

8

988

Rapport sur l'évaluation de la politique européenne de la Suisse, du 17 septembre 2010, ch. 3.2.1, FF 2010 6662.

2.2.2

Conseil de l'Europe

Généralités Le Conseil de l'Europe est la seule organisation intergouvernementale d'envergure paneuropéenne, à laquelle appartiennent la quasi-totalité des pays européens9. Dans la mesure où les Etats d'Europe de l'Est ­ en premier lieu la Russie et l'Ukraine ­ ainsi que la Turquie ne devraient pas intégrer l'UE dans un avenir proche, le Conseil de l'Europe restera à long terme un forum important pour la coopération à l'échelle européenne. A cet égard, il se porte garant des valeurs essentielles de notre continent, dans lesquelles se reconnaissent tous les Etats membres indépendamment de leurs intérêts particuliers. Parallèlement, les divers organes du Conseil de l'Europe10 mettent de précieux instruments de collaboration à la disposition des décideurs nationaux situés à différents échelons. Un rôle important revient également au caractère juridiquement contraignant des normes établies dans les conventions internationales, parfois complétées par des mécanismes de contrôle11, qui distinguent le Conseil de l'Europe de l'OSCE (cf. ch. 2.2.3).

9

10

11

Le Bélarus, le Kosovo et le Saint-Siège ne font pas partie du Conseil de l'Europe à ce jour mais ­ à l'exeption de Kosovo ­ sont membres de l'OSCE (cf. ch. 2.2.3), dont font également partie les Etats-Unis, le Canada, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l'Ouzbékistan.

Le Comité des Ministres au niveau gouvernemental, l'Assemblée parlementaire pour les représentants des parlements nationaux, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux pour les collectivités locales, ainsi que diverses commissions pour les experts nationaux, gouvernementaux et non gouvernementaux.

Parmi ces mécanismes, citons la Cour européenne des droits de l'homme, le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), le Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO), le Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) ainsi que la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI). Ces mécanismes contribuent non seulement à la bonne mise en oeuvre des conventions au niveau national, mais également à la création d'un espace juridique uniforme en Europe. De par la grande autorité dont il dispose, le Commissaire aux droits de l'homme joue également un rôle important à cet égard, en communiquant dans ses rapports aux Etats membres des problèmes liés aux droits de l'homme.

989

Pour la Suisse, le Conseil de l'Europe revêt une double importance: d'une part, ses priorités (droits de l'homme, Etat de droit et démocratie) se recoupent largement avec les principes ancrés dans la Constitution fédérale, ce qui contribue à les diffuser dans l'environnement stratégique de la Suisse. D'autre part, les domaines qu'il couvre offrent à notre pays des possibilités de participation à la politique européenne.

Le Conseil de l'Europe représente donc pour la Suisse une plate-forme de dialogue à l'échelle européenne, qui favorise la recherche de réponses à un certain nombre de problèmes internationaux en tenant compte des aspects liés au respect des droits de l'homme, à l'application de l'Etat de droit et à la promotion de la démocratie. La Suisse peut apporter au Conseil de l'Europe son expérience particulière dans ces domaines, expérience que lui confèrent son système institutionnel, sa structure fédérale et sa culture politique.

Présidence suisse du Comité des Ministres La Suisse a assumé la présidence tournante du Comité des Ministres du 18 novembre 2009 au 11 mai 2010. Cette mission s'accompagnait d'une augmentation des activités diplomatiques ainsi que d'événements supplémentaires, parfois ouverts à un large public. La présidence suisse a profité de cette occasion pour donner quelques impulsions ciblées au Conseil de l'Europe. A cet égard, la principale aspiration concernait le lancement d'un processus de réforme de la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg, qui souffre d'une surcharge de travail chronique et se voit actuellement confrontée à quelque 120 000 plaintes en suspens, ce qui limite fortement sa capacité d'action. C'est pourquoi la Suisse s'est engagée, durant sa présidence du Comité des Ministres au Conseil de l'Europe, pour faire avancer cette réforme de manière énergique. Un premier succès a pu être enregistré dans le cadre de la conférence ministérielle organisée par la Suisse à Interlaken, les 18 et 19 février 2010, sur le thème de l'avenir de la Cour européenne des droits de l'homme. A cette occasion, la Russie a ratifié le 14e Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), ouvrant ainsi la voie à d'importantes mesures en faveur de la Cour de Strasbourg.

Par ailleurs, la présidence suisse a présenté aux Etats membres le
projet d'une déclaration assortie d'un plan d'action, que cette conférence de haut niveau a permis d'adopter à l'unanimité le 19 février 2010. Les Etats membres confirment ainsi leur engagement politique en faveur de la Cour européenne des droits de l'homme et établissent les bases ainsi qu'un calendrier pour la poursuite du processus de réforme. La «Déclaration d'Interlaken» et le «Processus d'Interlaken» qui en est résulté influenceront fortement les débats de ces prochaines années sur la réforme. Ce qui confortera durablement la réputation d'une Suisse fortement engagée en faveur des droits de l'homme et de leur mise en oeuvre concrète.

En sa qualité de présidente du Comité des Ministres, le chef du DFAE s'est engagée personnellement pour faire progresser différentes questions politiques auxquelles le Comité des Ministres s'intéresse régulièrement. Elle s'est ainsi rendue en Géorgie en janvier 2010, puis en Bosnie-Herzégovine en avril 2010, afin d'observer la mise en oeuvre des réformes sur place et de soutenir le travail du Conseil de l'Europe dans ces pays. En Géorgie, elle a notamment soutenu le travail du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe et a particulièrement oeuvré pour un meilleur accès des organisations internationales aux populations en souffrance dans les provinces sécessionnistes. En Bosnie-Herzégovine, elle a encouragé les autorités à 990

appliquer rapidement les réformes ordonnées par la Cour européenne des droits de l'homme en faisant appel à l'expertise du Conseil de l'Europe et notamment de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise).

La présidente a également déployé des efforts considérables en faveur d'un rapprochement du Bélarus avec le Conseil de l'Europe, et rencontré à cette fin les plus hauts représentants de ce pays. Cette démarche a toutefois connu un échec avec l'exécution de deux condamnés à mort. Après la fin de sa présidence, la Suisse a continué de soutenir ce processus important et mis un expert à la disposition du Secrétariat général du Conseil de l'Europe.

Par ailleurs, la présidente s'est engagée en faveur d'une collaboration plus étroite entre le Conseil de l'Europe et d'autres organisations internationales, ainsi que d'une amélioration de l'efficacité et de la transparence de l'institution strasbourgeoise.

Pour cela, elle a travaillé étroitement avec le Secrétaire général du Conseil de l'Europe, élu fin septembre 2009. A la demande de celui-ci, la Suisse a mis un diplomate expérimenté à la disposition de l'organisation en tant que conseiller pour les réformes du Conseil.

Les relations entre l'Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres, les deux principaux organes du Conseil de l'Europe, ont été mises à rude épreuve au cours du processus d'élection du nouveau Secrétaire général en 2009. La présidence suisse s'est investie pour approfondir la collaboration entre le Comité des Ministres et l'Assemblée parlementaire, ce qui s'est révélé d'autant plus fructueux que les relations sont traditionnellement étroites et intensives, en Suisse, entre la délégation parlementaire du Conseil de l'Europe et les services compétents au sein de l'administration fédérale.

En tant que pays présidant le Comité des Ministres, la Suisse a organisé ou fait organiser près d'une douzaine de manifestations dans tout le pays, en collaboration avec le Conseil de l'Europe et avec différents services et institutions helvétiques.

Citons notamment la Conférence d'Interlaken sur l'avenir de la Cour européenne des droits de l'homme, déjà évoquée, mais également la Conférence «Démocratie et décentralisation» de Saint-Gall (3 et 4 mai 2010), qui a suscité un vif intérêt en

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Suisse comme à l'étranger et a contribué à alimenter le débat sur le développement de la démocratie12.

Globalement, la présidence du Comité des Ministres a permis à la Suisse d'aiguiser son profil politique dans l'environnement européen et de démontrer son expérience et ses capacités de résolution de problèmes importants. Elle est parvenue, tant à l'étranger qu'en Suisse, à donner au Conseil de l'Europe davantage d'attention et de visibilité.

Au cours des prochaines années, les réformes introduites par la présidence suisse joueront un rôle marquant dans le Conseil de l'Europe. Cela vaut tant pour le processus de suivi à long terme de la Conférence d'Interlaken que pour les adaptations et modifications institutionnelles et administratives mises en avant par le Secrétaire général. En outre, l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne entre les Etats membres de l'Union européenne (UE), qui prévoit notamment l'adhésion de l'UE à la CEDH, devrait également se répercuter sur la relation institutionnelle entre le Conseil de l'Europe et l'UE. Nul doute que ces questions, d'une importance égale pour les Etats membres et non membres de l'UE, occuperont particulièrement l'organisation strasbourgeoise dans un avenir proche.

Perspectives Les changements rapides et parfois profonds de l'environnement socio-économique n'affectent pas seulement les hommes, les sociétés et les Etats: de par la montée des tensions sociales, ils mettent également le modèle de valeurs européen sous pression.

Le Conseil de l'Europe, chargé de garantir les principes des droits de l'homme, de l'Etat de droit et de la démocratie, se trouve donc face à une mission de plus en plus ardue dont il doit s'acquitter avec les moyens inchangés, voire réduits («croissance zéro»).

12

992

Autres manifestations: ­ Réunion du Bureau et du Comité permanent de l'Assemblée parlementaire, Berne, 19 à 20 novembre 2009.

­ Réunion du Comité permanent de la Convention de Berne (Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe), 30e anniversaire, Berne, 23 à 26 novembre 2009.

­ Cités interculturelles / Rencontre internationale à Neuchâtel: «Diversité culturelle en Suisse: quelle gouvernance?», allocution de la présidente du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, Neuchâtel, 27 novembre 2009.

­ Réunion du Bureau du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, Lugano, 15 janvier 2010.

­ Rencontre d'experts culturels européens dans le cadre du projet Compendium du Conseil de l'Europe, Zurich, 9 à 10 avril 2010.

­ Réunion du réseau des Tribunaux référents de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice du Conseil de l'Europe, Genève, 12 à 14 avril 2010.

­ Conférence internationale sur la préparation de la mise en oeuvre pratique de la Convention du Conseil de l'Europe concernant la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (Convention MEDICRIME), Bâle, 15 à 16 avril 2010.

­ Colloque sur la Suisse et les relations transfrontalières, Montreux, 22 avril 2010.

­ Journée d'information sur l'apport du Conseil de l'Europe à la politique de la jeunesse et la pratique en Suisse, Berne, 28 avril 2010.

­ Séminaire sur le droit international des minorités, allocution de la présidente en exercice, Zurich, 29 à 30 avril 2010.

­ Célébration de la Journée de l'Europe à l'Université de Fribourg, conférence et débat, Fribourg, 5 mai 2010.

Dans ce contexte, les réformes poursuivies conjointement par le Secrétaire général et les Etats membres visent un renforcement de la pertinence politique et de l'efficacité du Conseil de l'Europe. Un élément essentiel à cet égard réside dans l'adhésion prochaine de l'UE à la Convention européenne des droits de l'homme: en adhérant à la CEDH, l'Union européenne fera partie d'un espace juridique global et ne concurrencera plus le Conseil de l'Europe, du moins de manière implicite, dans ses domaines clés.

Le Conseil de l'Europe va faire face à un autre défi consistant à combler les brèches géographiques qui émaillent son espace juridique. Il s'agit d'une part du Bélarus, non membre, ainsi que du Kosovo, non reconnu par tous les Etats membres, et d'autre part de zones en conflit sur le territoire de l'ancienne Union soviétique, telles que la Transnistrie, l'Abkhazie, l'Ossétie du Sud et le Haut-Karabagh.

Les premières approches d'un rôle politique plus fort du Conseil de l'Europe dans ce domaine s'expriment dans la création d'une cellule de planification politique au sein du Secrétariat, ainsi que dans les efforts de médiation du Secrétaire général entre le gouvernement et l'opposition en Moldavie. Du point de vue suisse, il est important que ces activités n'entraînent aucun doublon avec d'autres organisations.

Jusqu'ici, la crise d'adaptation évoquée a été moins durement ressentie en Suisse que dans d'autres pays d'Europe. Néanmoins, notre pays est concerné comme eux par ces défis sociopolitiques. Certes, la Suisse reste souvent citée en modèle, y compris au Conseil de l'Europe. Mais les décisions politiques telles que l'interdiction des minarets suscitent des critiques et un large rejet, ainsi qu'une attention généralement plus grande qu'auparavant. Pour la politique extérieure de la Suisse, il en résulte un besoin d'explications accru, y compris à Strasbourg, ainsi que des répercussions sur le débat public en Suisse. On peut globalement prévoir que le Conseil de l'Europe jouera un rôle croissant d'interface pour les discussions sociopolitiques avec l'étranger.

2.2.3

OSCE

L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) se trouve à la croisée des chemins: si elle parvient à briser la formation actuelle de blocs, avec d'un côté les Etats de l'OTAN et de l'autre la Russie et certains pays de mêmes 993

dispositions, l'organisation régionale pourrait à nouveau se rapprocher du rôle dont elle a le potentiel en matière de politique internationale de sécurité. D'une part, l'OSCE constitue une plate-forme de discussion combinant les espaces euroatlantique et euro-asiatique, et d'autre part, l'organisation s'appuie sur un concept unique et multidimensionnel selon lequel la sécurité à long terme repose non seulement sur des aspects militaires, mais également économiques et environnementaux, ainsi que sur les principes de l'Etat de droit, de la démocratie et des droits de l'homme.

En raison de divergences considérables dans la mise en oeuvre de ces principes, et suite à un transfert du potentiel militaire européen au profit de l'OTAN, une crise de confiance de plus en plus forte est apparue entre les Etats membres de l'OSCE, empêchant l'organisation de remplir toutes ses promesses. L'OSCE dépend particulièrement de la confiance qui unit ses Etats membres car ses décisions, qui sont prises exclusivement de manière consensuelle, ne sont généralement que politiques, sans caractère juridiquement contraignant. En outre, le fonctionnement de l'OSCE se fonde souvent sur l'adoption de meilleures pratiques, ce qui suppose la disposition des Etats à apprendre les uns des autres. Etant dépourvue de charte et dotée de capacités institutionnelles relativement faibles, l'OSCE est encore plus dépendante de la volonté politique des Etats à coopérer que d'autres organisations comparables.

Par ailleurs, sa marge de manoeuvre a été quelque peu réduite par l'élargissement de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et de l'Union européenne (UE) en Europe de l'Est. En outre, le règlement d'un nombre croissant de questions majeures relevant de la politique de sécurité et de désarmement se fait de plus en plus de manière bilatérale et directement entre les Etats-Unis et la Russie. Cette évolution affaiblit le multilatéralisme, ce qui pose particulièrement problème pour les petits pays indépendants tels que la Suisse.

Les priorités des Etats membres au sein de l'organisation ainsi que leur conception de son avenir diffèrent fortement, ce qui complique encore la situation de l'OSCE.

D'une part, la Russie place la dimension politico-militaire au premier plan, en particulier les aspects liés à la maîtrise des
armements. D'autre part, de nombreux pays de l'UE et de l'OTAN ainsi que la Suisse continuent d'insister en faveur d'une mise en oeuvre plus efficace des engagements de l'OSCE concernant les principes des droits de l'homme, de l'Etat de droit et de la démocratie. En outre, les Etats-Unis ainsi que le Canada et la Grande-Bretagne accordent une grande importance à une action accrue de l'OSCE en Afghanistan. Le Kazakhstan, dont la présidence de l'OSCE en 2010 reflète le poids croissant pour l'organisation de l'Asie centrale, s'efforce également d'approfondir la collaboration avec l'Afghanistan, principalement dans les domaines de la lutte contre le trafic de drogue et le terrorisme. Ces dernières années, ces éléments constitutifs d'un concept élargi de sécurité non militaire ont gagné en importance. Toutefois, l'approche manque de cohérence car certains Etats membres ont accordé la priorité à des intérêts particuliers et mis en avant différents aspects au travers de financements extrabudgétaires. Ces intérêts antagonistes contribuent à une dispersion de l'OSCE dans des champs d'intervention toujours plus étendus.

Le projet russe visant à modifier le statu quo établi par les traités autour de la politique européenne de sécurité représente un défi de taille pour l'OSCE. Les propositions de la Russie vont d'une entrée en vigueur aussi rapide que possible du Traité modifié sur les forces armées conventionnelles en Europe (Traité FCE) et de ses évolutions à un projet ambitieux du président Medvedev pour un «Nouveau Pacte 994

européen de sécurité», qui règlerait toutes les questions relatives à la sécurité et à la maîtrise des armements en Europe.

Dans le contexte du blocage de l'OSCE, de l'initiative du président Medvedev et du conflit russo-géorgien de 2008, les Etats membres se sont réunis lors de la Conférence de Corfou, en 2009, pour initier un vaste dialogue sur la réforme. Le processus de Corfou doit permettre de renforcer la confiance réciproque des Etats en abordant les divergences politiques de manière ouverte et en traitant les lacunes de l'OSCE.

Parallèlement, les engagements pris avec la Charte d'Helsinki et ses documents de suivi doivent être confirmés, et de ce processus doivent naître des propositions de réforme permettant une sécurité plus globale, plus uniforme et indivisible dans toute la région euro-atlantique et euro-asiatique.

La Suisse est intéressée par un renforcement de l'OSCE car celle-ci est la seule organisation européenne de sécurité dont elle soit membre à part entière, sur un pied d'égalité avec les autres pays. En outre, la Suisse partage les objectifs et les valeurs de l'OSCE, qui comprend en tant qu'organisation régionale un espace géographique important pour la politique de sécurité de la Suisse (notamment les Balkans, le Caucase et l'Asie centrale). A cet égard, il convient de noter que différents risques sécuritaires tels que la traite des êtres humains, le trafic de drogue et le crime organisé qui touchent la Suisse ont leurs racines dans cette zone. Mais celle-ci abrite également divers foyers de crise réels et potentiels qu'une OSCE efficace peut contribuer à résoudre.

Sur le plan de la politique d'armement, l'activité de vérification dans le cadre des mesures de confiance et de sécurité de la Suisse offre un aperçu de l'évolution des forces armées d'autres Etats membres de l'OSCE. Historiquement, la Suisse a apporté d'importantes impulsions lors de la naissance de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), de laquelle est issue l'OSCE. Dans cette optique, un succès durable de l'OSCE contribuerait à la réussite de la politique extérieure de la Suisse.

La Suisse participe au processus de Corfou en vue d'un renforcement de l'OSCE.

Elle travaille à réorienter de plus en plus l'OSCE vers ses compétences clés, c'est-àdire vers les domaines dans lesquels
ses activités apportent une valeur ajoutée indéniable. Les redondances avec d'autres organisations internationales doivent être évitées, ce qui s'applique en particulier pour les dimensions économique et environnementale, sur lesquelles d'autres acteurs sont souvent mieux positionnés. La Suisse s'efforce en outre de contribuer de manière significative au processus de Corfou, avec des discussions sur des thèmes spécifiques tels que la prévention des crises, la question des minorités transnationales et la participation à des missions d'observation électorale.

En complément du processus de Corfou, la Suisse a déjà organisé deux tables rondes afin de réunir des experts pour des débats informels. Les dernières évolutions de la politique européenne de sécurité ont ainsi été abordées à Chambésy, près de Genève, le projet russe de Nouveau Pacte européen de sécurité ayant fait l'objet à cette occasion d'une attention particulière. Des experts issus de différents pays, organisations internationales et groupes de réflexion ont pris part aux débats avec l'objectif de mesurer la marge de compromis dans un cadre informel et de contribuer ainsi à rapprocher les différentes positions.

995

2.2.4

AELE

En mai 2010, l'Association européenne de libre-échange (AELE) a fêté sa 50e année d'existence. Créée en 1960, après la signature du Traité de Rome et la création d'une union douanière par les Etats fondateurs de l'actuelle Union européenne, elle comprenait initialement sept membres: Autriche, Danemark, Grande-Bretagne, Norvège, Portugal, Suède et Suisse. La composition de l'organisation a ensuite évolué avec l'élargissement continu de l'UE, que d'anciens Etats membres de l'AELE ont peu à peu intégrée. Depuis 1995, elle se compose de l'Islande, du Liechtenstein, de la Norvège et de la Suisse. L'organisation vise à promouvoir le libre-échange, tant entre ses membres qu'avec des Etats tiers extérieurs à l'UE.

L'AELE entretient et continue de développer un réseau de plus de vingt accords de libre-échange avec des Etats ou territoires du monde entier. En tant que membres de l'Espace économique européen (EEE), l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège sont intégrés dans le marché intérieur de l'UE. De son côté, la Suisse n'appartient pas à l'EEE et suit une politique européenne différente des autres membres de l'AELE.

L'organisation regroupe donc des missions et des intérêts commerciaux hétérogènes.

Le Conseil de l'AELE, premier organe politique de l'organisation, se réunit généralement deux fois par an et établit de manière consensuelle les lignes directrices de la politique suivie par l'AELE. Entre chacune de ces rencontres ministérielles se tiennent des séances mensuelles qui rassemblent les ambassadeurs des pays membres.

En tant que membre de l'AELE à part entière, la Suisse dispose dans ces organes des mêmes droits et obligations que les autres pays, à l'exception des questions relevant de l'EEE. Tous les deux ans, la Suisse assume la présidence pour une durée de six mois. Par ailleurs, elle est représentée dans les nombreux comités et groupes d'experts subordonnés au Conseil, et elle participe activement aux processus décisionnels. La Suisse est très présente dans l'administration de l'organisation, notamment au travers de l'un de ses deux secrétaires généraux adjoints, qui officie au siège genevois.

996

L'Islande a soumis une demande d'adhésion à l'UE en juillet 2009. Après la recommandation, en février 2010, de la Commission européenne concernant l'ouverture des négociations d'adhésion et le feu vert du Conseil européen en juin de la même année, les discussions ont été entamées en juillet 2010. Il est difficile de prévoir l'issue de ce processus dans la mesure où les résultats des négociations seront soumis à un référendum. Les conséquences d'un éventuel retrait de l'Islande sur le fonctionnement de l'organisation devront être étudiées en temps voulu.

L'appartenance de la Suisse à l'AELE représente un instrument efficace pour appliquer la politique commerciale helvétique. L'AELE entretient en outre une structure institutionnelle pour encadrer l'adhésion à l'EEE de l'Islande, du Liechtenstein et de la Norvège. La Suisse possède le statut d'observatrice au sein de cette structure, qui constitue pour elle une précieuse fenêtre sur le fonctionnement quotidien du marché intérieur européen.

2.2.5

Relations avec les Etats européens

La Suisse entretient des liens politiques, économiques, culturels et migratoires extrêmement et durablement étroits avec les pays d'Europe, qui sont d'ailleurs ses principaux partenaires commerciaux: 70 % des exportations suisses sont destinées à l'UE, d'où proviennent 73 % de ses importations. La balance commerciale des pays de l'UE affiche régulièrement un excédent considérable, qui s'est élevé à 20 milliards de francs en 2009. Et les entreprises helvétiques emploient 900 000 personnes dans les pays européens, tandis que plus d'un million de ressortissants de l'UE vivent et travaillent en Suisse. Il existe par ailleurs un potentiel significatif de développement de la collaboration politique et économique avec la Turquie, la Russie et d'autres Etats de la région.

Les paragraphes suivants visent à présenter les intérêts et les évolutions qui, dans les différentes régions, génèrent pour la politique extérieure de la Suisse des défis mais également des possibilités d'influence. Ils s'attachent également à montrer comme la Suisse peut relever ces défis.

Pays voisins Les relations avec les pays voisins, une «lentille grossissante politique»: ce qui s'applique aux relations de la Suisse avec les Etats de l'UE se révèle encore plus pertinent pour les pays voisins, avec lesquels elle entretient les relations les plus étroites et intensives qui soient, et ce dans tous les domaines. Ainsi, près de la moitié du commerce extérieur helvétique concerne l'Allemagne, l'Italie, la France et l'Autriche (importations suisses des pays voisins en 2009: 96 033 millions de francs, sur un total de 180 287 millions; exportations suisses des pays voisins en 2009: 72 818 millions de francs, sur un total de 160 123 millions). L'interdépendance est particulièrement forte dans les régions limitrophes, où la coopération transfrontalière se situe à différents niveaux (cf. paragraphe sur la coopération transfrontalière).

Durant l'année sous revue, une série de rencontres de haut niveau avec l'ensemble de nos voisins ont permis de résoudre des problèmes actuels. En septembre 2010 a eu lieu la visite d'Etat du nouveau Président de la République fédérale d'Allemagne.

De par cette concentration des relations, les problèmes que les évolutions mondiales ou européennes entraînent pour la Suisse sont souvent et le plus fortement abordés en relation avec les pays voisins. Cet effet de lentille grossissante est apparu claire997

ment dans le cadre de la controverse entourant le secret bancaire, qui a parfois entravé les relations bilatérales avec l'Italie, la France et l'Allemagne (avec par exemple des mesures italiennes pour imposer le bouclier fiscal, obtention par la France de données bancaires volées à HSBC, achat par l'Allemagne d'informations volées sur les clients de banques suisses). Parallèlement, le partenariat fiscal avec l'Autriche, qui repose sur des valeurs et des intérêts similaires, a été renforcé.

Il est par conséquent indispensable que la Suisse gagne en influence auprès de ses voisins, afin de surmonter les défis qu'elle rencontre à l'échelle mondiale ou européenne. Dans cette optique, un dialogue est nécessaire à tous les niveaux et avec toutes les parties prenantes. En outre, il est essentiel que ce dialogue soit également mené dans la sphère médiatique.

Coopération transfrontalière ­ créer des conditions favorables à la prospérité des régions et surmonter les obstacles au développement: les espaces transfrontaliers de vie et d'activité économique telles que la région du Rhin supérieur, entre l'Allemagne, la France et la Suisse, celle du lac de Constance entre l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse, celle de Genève avec la France, ou encore les centres frontaliers du Tessin, près de l'Italie, forment de véritables pôles de croissance, dont l'élément essentiel réside dans une coopération transfrontalière directe entre les cantons et les collectivités locales étrangères concernées. Les autorités fédérales soutiennent cette collaboration directe, et la privilégie en particulier par la politique extérieure. Cela implique de créer des conditions favorables à sa réussite et de dégager ensemble les obstacles au développement des régions concernées. Les travaux entrepris avec la France pour l'EuroAirport Bâle-Mulhouse-Freiburg, ainsi qu'avec l'Allemagne pour l'aéroport de Zurich, illustrent bien ce fonctionnement.

EuroAirport Bâle-Mulhouse-Freiburg ­ négociations avec la France: il s'agit d'adapter avec la France le traité de 194913 aux réalités actuelles. Le secteur suisse de l'aéroport s'est ainsi développé en un espace dynamique pour les entreprises opérant dans la transformation et l'entretien des avions. Grâce à ces sociétés suisses, l'EuroAirport est aujourd'hui le deuxième employeur de la région Alsace,
avec plus de 4000 employés domiciliés en France. Des solutions doivent maintenant être trouvées en toute urgence en matière de droit social et du travail. La Suisse vise, avec le gouvernement français, à préserver l'attractivité, l'activité et l'emploi qui sont liés à l'aéroport et aux sociétés suisses qui y opèrent. Comme dans d'autres processus de négociation, la coordination interne en Suisse est primordiale pour que tous les partenaires helvétiques affichent des positions cohérentes face à la France, et agissent en conséquence.

Aéroport de Zurich ­ une analyse commune du bruit pour parvenir à une solution: l'aéroport de Zurich constitue la principale infrastructure aéroportuaire de Suisse et représente un apport essentiel, tant pour l'économie helvétique que pour cette région transfrontalière. Les restrictions de survol imposées par l'Allemagne affectent depuis des années les relations avec notre voisin. Cette inégalité de traitement limite l'aéroport de Zurich par rapport à ses concurrents de Francfort et de Munich, bien que son trafic aérien soit clairement lié à l'Allemagne. Ainsi, environ 70 % des vols de l'aéroport de Zurich sont opérés par des compagnies allemandes ou en possession allemande (dont Swiss, Lufthansa et Air Berlin). Près d'un quart du trafic a lieu en provenance ou à destination de l'Allemagne. La publication en novembre 2009 des 13

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Convention franco-suisse du 4 juillet 1949 relative à la construction et à l'exploitation de l'aéroport de Bâle-Mulhouse, à Blotzheim, RS 0.748.131.934.92.

résultats de l'analyse du bruit, convenue en avril 2008 avec la chancelière Angela Merkel et effectuée conjointement par nos deux pays, a montré que le niveau des émanations sonores de l'aéroport de Zurich sur le territoire allemand se situe en deçà des valeurs limites prévues par les législations suisse et allemande. Les ministres des transports se sont accordés le 22 mars 2010 sur la suite des démarches, mandatant un groupe de travail commun sous la direction des autorités aéronautiques pour finaliser jusqu'à fin 2010 les éléments clés d'un nouvel accord. Celui-ci reposera sur l'analyse du bruit réalisée en commun. C'est ce qui a été confirmé une fois encore lors d'une rencontre entre la présidente de la Confédération, Mme Doris Leuthard, et la chanceleière allemande, Mme Angela Merkel, en mai 2010.

Les échanges transfrontaliers intensifs permettent de révéler les divergences en termes de régime douanier, de normes juridiques et de systèmes sociaux, que ce soit au niveau de la Suisse ou de l'UE. Cela implique souvent de difficiles adaptations et des formalités supplémentaires de la part des citoyens, mais également des entreprises. Le développement des espaces transfrontaliers de vie et d'activité économique serait facilité si l'on pouvait trouver ensemble des modèles de solution limités au niveau local afin d'appliquer les conditions les plus avantageuses, que ce soient celles de la Suisse ou d'un Etat voisin. Les démarches visant à cette libéralisation requièrent toutefois des lignes directrices claires en matière de politique intérieure, comme le montre le débat sur les mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes. Un dumping social ou salarial serait particulièrement inacceptable dans les prestations de services transfrontalières.

Europe occidentale et centrale Préserver nos intérêts en tant que pays non membre de l'UE: autour de la Suisse, tous les pays d'Europe occidentale et centrale appartiennent à l'UE, à l'exception de la Norvège, de l'Islande et des micro-Etats. Ce fait constitue un défi pour la politique étrangère suisse. Au sein des institutions de l'UE, les représentants des gouvernements et les parlementaires élus par ces Etats se rencontrent très fréquemment et, tout en travaillant conjointement, confrontent leurs intérêts en recherchant les compromis permis
par une vision à long terme. Quant à la Suisse, afin d'assurer la défense de ses intérêts, elle doit sans relâche expliquer ses positions dans les capitales européennes et redoubler d'efforts par exemple à chaque changement de gouvernement pour créer un climat de compréhension mutuel. Car c'est dans les capitales et pas seulement à Bruxelles que se dessinent les futures orientations de l'UE et que se prennent les décisions qui affectent également directement les intérêts de la Suisse.

Dans les enceintes multilatérales, la Suisse ressent aussi les effets des concertations entre membres des groupes d'Etats qui l'entourent, par exemple dans le domaine des droits de l'homme, où la Suisse présente ses positions et crée des alliances pour atteindre les objectifs de sa politique étrangère, ou pour parvenir à placer les candidats suisses dans les organisations internationales; là encore, les échanges de vues avec les capitales européennes constituent des outils indispensables.

Les échanges bilatéraux avec les partenaires de l'UE sont facilités dans les domaines techniques, à l'exemple de ceux où la Suisse participe à la comitologie européenne, dans celui de Schengen/Dublin et de la politique des transports, car la Suisse est présente dans les discussions au niveau européen. En politique extérieure et de sécurité par contre, la Suisse n'a pas de dialogue institutionnel avec l'UE et les

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contacts bilatéraux qu'elle entretient aussi systématiquement que la disponibilité des représentants du DFAE le permet sont donc d'autant plus importants.

La Suisse participe aux discussions menées dans les instances européennes de politique extérieure au cas par cas, lorsque l'UE est intéressée par son travail diplomatique et y voit une plus-value à ses propres actions. Il en va de même d'autres partenaires majeurs, comme les Etats-Unis. C'est ainsi que la médiation suisse entre l'Arménie et la Turquie a conduit à des négociations et des rencontres avec les autorités turques et arméniennes au niveau ministériel et du Secrétariat d'Etat de plus de 100 heures pour la seule année 2009, ou à des contacts subséquents avec les Etats-Unis ­ y compris avec le Président ­ et l'UE, qui à certaines périodes ont été hebdomadaires, voire quotidiens. S'agissant du Moyen-Orient, la Suisse est invitée aux réunions des ministres des affaires étrangères organisées par l'UE ainsi qu'aux réunions dites transatlantiques mises sur pied par les Etats-Unis. De même, la gestion commune des crises bilatérales et internationales multiplie les échanges et la connaissance mutuels. Utiliser ces plateformes pour faire avancer des causes bilatérales paraît aller de soi, si ce n'est que cette approche change le travail d'explication et de recherche d'influence en donnant un rôle accru à la centrale et aux ministres eux-mêmes.

Problématique fiscale et financière: les défis auxquels la place financière suisse est confrontée sont traités en détails au chap. 4.1.2 du présent rapport. Rappelons simplement que le contexte de la crise financière en 2009 a mené à des attaques constantes contre la Suisse et son secret bancaire. Les pressions se sont manifestées au niveau multilatéral ­ OCDE et G20 en particulier ­, ainsi qu'au niveau bilatéral.

Certains des partenaires d'Europe occidentale sont représentés au G20 (et à l'OCDE) et, à ce titre, ont été à la pointe des manoeuvres visant à affaiblir la place financière. Dans la foulée, la Suisse s'est attelée à la tâche de renégocier les conventions contre les doubles impositions en intégrant les standards de l'OCDE en matière d'assistance administrative. Bon nombre des révisions déjà signées ou paraphées concernent les pays d'Europe occidentale et centrale (Allemagne, Autriche, Danemark,
Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Suède). Les premiers traités révisés sont entrés en vigueur en novembre 2010 (Danemark, France, Luxembourg). Les grands voisins se trouvent au coeur de la polémique fiscale avec la Suisse (voir paragraphe sur les pays voisins ci-dessus). Le Royaume-Uni est un cas spécial, car Londres est en concurrence directe avec la place financière suisse. Le Luxembourg et l'Autriche restent momentanément des alliés objectifs pour la Suisse compte tenu de la convergence des intérêts en jeu (défense du secret bancaire); cependant, la situation pourrait changer en fonction des développements au sein de l'UE dans le domaine de la fiscalité. Il convient donc de continuer à mettre en oeuvre la stratégie du Conseil fédéral pour la place financière et de prendre les mesures qui s'imposent en matière de communication, en particulier à l'égard des Etats d'Europe occidentale et centrale.

Contribution à l'élargissement: les secteurs prioritaires de collaboration dans ce cadre sont la sécurité, la justice, les infrastructures, la protection de l'environnement, le secteur privé, la recherche et les bourses ainsi que les partenariats institutionnels.

Actuellement, des projets concrets pour plus de 500 millions de francs ont été approuvés par la DDC et le SECO. En fonction du type de projet, soit des partenariats institutionnels sont établis entre des institutions des pays partenaires et de la Suisse, soit des institutions du secteur public suisse offrent leur expertise en coopé1000

ration avec des institutions similaires dans les pays partenaires. L'approbation en décembre 2009 du crédit-cadre pour la Bulgarie et la Roumanie étend naturellement le champ d'action de la Suisse à ces deux pays.

En plus, grâce à la visibilité des projets, la contribution à l'élargissement crée une dynamique favorable aux intérêts suisses, en promouvant les relations bilatérales avec les pays partenaires. La bonne réputation de la Suisse y gagne à coup sûr, et les représentations suisses sur place peuvent se fonder sur la coopération ainsi menée pour mettre en valeur les relations bilatérales entre les pays de résidence et la Confédération. Les entreprises suisses peuvent également profiter des possibilités qui s'offrent à elles par l'ouverture de marchés, que ce soit dans le cadre de la contribution à l'élargissement ou dans celui de projets financés par l'UE.

Dans une perspective d'avenir, l'impact des projets sera évalué et les résultats obtenus diffusés tant en Suisse qu'à l'étranger; les projets seront également accompagnés, si possible par des acteurs suisses, afin d'en garantir l'effet sur les groupes cibles. Enfin, il conviendra de mettre en valeur le goodwill politique ainsi créé dans les nouveaux pays membres de l'UE.

L'Europe du Sud-Est Balkans occidentaux: une vocation européenne. Les Balkans occidentaux représentent une région prioritaire pour la politique extérieure de la Suisse. Comme le décrit la «Stratégie du Conseil fédéral pour les Balkans occidentaux» acceptée en 2005, les intérêts de la Suisse dans ou en relation avec cette région sont pour l'essentiel de quatre ordres différents: premièrement, la stabilité de la région, dans une logique de prévention de conflits qui auraient à nouveau des impacts directs sur la Suisse aussi; deuxièmement, la sécurité, entendue à la fois comme celle du continent tout entier et celle de la Suisse; troisièmement, l'économie, dans l'idée de tirer le meilleur parti possible du potentiel à moyen terme de la région; et quatrièmement, les migrations, puisque cette région continue de revêtir une importance certaine de ce point de vue.

Malgré les changements intervenus dans la région depuis 2005, notamment la déclaration d'indépendance du Kosovo et les progrès accomplis par plusieurs pays tendant à leur intégration dans l'OTAN (Albanie, Croatie)
et l'UE, ces priorités restent d'actualité. Il est en plus dans l'intérêt de la Suisse de voir les Etats des Balkans occidentaux poursuivre leur processus d'adhésion à l'Union européenne, qu'ils appellent tous de leurs voeux et à laquelle, selon l'expression consacrée, ils ont vocation. Ce processus d'adhésion est synonyme de développement socio-économique et politique, et donc de stabilité. Sur le plan «technique», il est fonction des conditions fixées par l'UE qui rythment le calendrier de la progression de chacun des Etats concernés. Le cadre stratégique général d'action est ainsi fixé.

Fondamentalement, c'est une triple transition que doivent accomplir ces Etats: transition post-conflictuelle, transition démocratique et transition économique: ­

Transition post-conflictuelle: les conflits et crises (Croatie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Serbie, Macédoine) consécutifs à la désintégration de l'exYougoslavie ou à la sortie de la dictature (Albanie) ont à l'évidence laissé des traces profondes, qu'elles soient matérielles ou dans les esprits. C'est là le facteur significativement aggravant qui distingue les Balkans du reste de l'Europe orientale, où les transitions démocratique et économique ont aussi dû être menées.

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Transition démocratique: la culture politique et démocratique ne correspond pas encore entièrement aux standards européens. L'Etat de droit et la bonne gouvernance doivent encore y être renforcés. La société civile y est encore trop faible. La situation des droits de l'homme et des minorités n'est pas satisfaisante.

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Transition économique: le passage à une économie de marché ne représente pas le moindre des défis. Les infrastructures, le cadre juridique, la culture économique ­ tout est objet de réforme. L'impact socio-économique de ces réformes est très important, en particulier pour les personnes les plus défavorisées, et aggravé encore par la crise économique et financière actuelle.

L'engagement de la Suisse tend à soutenir cette triple transition, en répondant de manière ciblée aux besoins, en fonction aussi des intérêts et objectifs de politique extérieure de la Suisse. Des programmes de coopération technique et économique sont ainsi mis en oeuvre dans les domaines de la décentralisation et de la bonne gouvernance locale, du développement social (éducation, santé, formation professionnelle), des infrastructures (eau ou électricité), du soutien à l'emploi et à la création de revenus et du soutien aux petites entreprises. Les efforts de coopération régionale sont également soutenus, dans les domaines de la coopération policière, de la culture et dans celui de la recherche. C'est également dans cette perspective que la Suisse apporte son soutien au Conseil de coopération régionale qui, basé à Sarajevo, s'affirme comme un acteur important pour promouvoir la coopération entre les Etats de la région, et entre eux et leurs partenaires européens. La Suisse met également en oeuvre des partenariats migratoires avec plusieurs Etats de la région, afin de pouvoir gérer avec eux, et dans le respect des intérêts mutuels en la matière, les défis liés à ces phénomènes.

En matière de politique de paix, la Suisse déploie ses activités selon trois axes prioritaires: des activités de «transformation des conflits» et de promotion de la confiance (confidence building) entre différentes communautés ou entre différents Etats, par la facilitation et la promotion du dialogue politique et du dialogue inter-communautaire; ensuite des activités de traitement du passé et de justice transitionnelle devant permettre la mise en oeuvre du droit de savoir, du droit à la justice, du droit à des réparations et de la garantie de non répétition; puis des activités de promotion des droits des minorités, afin de promouvoir une meilleure participation politique de celles-ci et de favoriser l'établissement d'un cadre constitutionnel, légal et institutionnel à même de garantir la protection et l'égalité sociale des membres de minorités. La Suisse participe en outre aux opérations civiles et militaires de l'OTAN et de l'UE au Kosovo (KFOR/Swisscoy; EULEX; ICO) et en Bosnie-Herzégovine (EUFOR).

Cet engagement s'effectue sur un plan bilatéral, avec chacun des Etats de la région, mais aussi d'une manière multilatérale. Il
offre ainsi également des possibilités de renforcer la coopération et les relations avec des partenaires internationaux importants pour la Suisse (UE, USA, Turquie), avec lesquels la Suisse harmonise ses politiques de soutien à la transition et dialogue de manière croissante sur les enjeux concernant cette région d'une importance prioritaire pour la Suisse. La visite d'Etat du président turc fin novembre 2010 a elle aussi montré la qualité des liens qui unissent nos deux pays.

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La Turquie: candidate à l'adhésion et acteur régional: candidate déterminée à l'Union européenne dont la Suisse soutient les aspirations à rejoindre la communauté de valeurs du continent européen, 19e économie mondiale, membre du G20, se montrant active sur différents théâtres dans son voisinage, la Turquie s'affirme comme un acteur à l'importance croissante, sur le plan régional comme, de plus en plus, sur la scène internationale. La Turquie est à maints égards un partenaire important de la Suisse. Sur le plan économique, la Suisse figure parmi les 20 premiers partenaires commerciaux de la Turquie et, même si la récente crise n'a pas été sans avoir un impact significatif, le volume total des échanges se monte à 2,5 milliards de francs. Avec 2 milliards de dollars environ (selon les statistiques turques disponibles), la Suisse est également un important investisseur en Turquie, ou près de 450 firmes suisses sont présentes ou représentées, pour 14 000 emplois environ. Les relations sont donc déjà intenses ­ il faut à cet égard aussi mentionner le tourisme (280 000 touristes suisses en Turquie par an) ­, avec un potentiel encore important.

Cela est valable en particulier dans le domaine de l'énergie, pour lequel un protocole d'accord (MoU) a été signé entre les deux pays en novembre 2009.

Son rôle actif dans les Balkans, au Moyen-Orient et dans le Caucase du Sud ­ autant de régions prioritaires pour la Suisse ­ fait en outre de la Turquie un interlocuteur privilégié pour la Suisse, qui peut tirer profit de l'engagement, de l'expertise et des réseaux d'Ankara. A l'inverse, la Turquie est également intéressée à pouvoir bénéficier de l'expertise et du positionnement suisses dans ces mêmes régions, comme en a témoigné tout particulièrement la médiation menée par la Suisse entre l'Arménie et la Turquie, qui a abouti le 10 octobre 2009 à la signature des deux protocoles bilatéraux, à Zurich.

Les relations étroites avec la Turquie sont d'autant plus utiles alors même que la votation sur les minarets a suscité la plus grande incompréhension en Turquie.

Compte tenu à la fois de l'importante communauté d'origine turque en Suisse et de l'influence croissante de la Turquie auprès des pays à majorités musulmanes, au Moyen-Orient tout particulièrement, il est en effet manifestement dans l'intérêt de la Suisse
de maintenir un dialogue qui soit le plus étroit possible et d'approfondir la coopération sur ces questions, comme c'est déjà le cas par exemple au sein de l'Alliance des civilisations. Après la votation du 29 novembre 2009, les contacts politiques ont ainsi été nombreux avec la partie turque et ont permis d'aborder ces questions sensibles sans qu'elles aient un impact négatif sur les relations bilatérales.

La Turquie apparaît donc comme un partenaire important, en raison à la fois de son positionnement stratégique, de son poids croissant sur la scène internationale et de son riche potentiel économique. Les relations bilatérales avec la Turquie font l'objet, depuis plusieurs années déjà, d'une consolidation qui reflète le caractère important et stratégique des liens entre les deux pays et, parallèlement, permet de gérer dans la sérénité d'éventuelles différences d'approche et d'appréciation. Sur le plan politique, les divers contacts entretenus dans le cadre du MoU sur les mécanismes de consultations politiques permettent d'aborder les dossiers ­ parfois sensibles ­ dans les domaines consulaire, de l'entraide policière et judiciaire ou encore migratoire.

L'Europe orientale et l'Asie centrale Russie: ces dernières années, le Conseil fédéral a accordé une importance stratégique à une intensification des relations bilatérales avec la Russie, qu'il a activement encouragée. La Suisse fait aujourd'hui partie des dix principaux pays investisseurs dans ce pays émergent riche en matières premières, tandis que les flux de capitaux et 1003

les participations des sociétés russes jouent un rôle indéniable pour l'économie helvétique. Le protocole d'accord du 9 novembre 2007 a permis d'intensifier les consultations avec la Russie dans différents domaines. Outre le dialogue aux niveaux économique et diplomatique, des discussions sont également menées sur des thèmes comme la recherche, la culture, les droits de l'homme, les transports, l'énergie, la politique de sécurité ou la coopération policière et judiciaire. Les consultations effectuées à Berne et à Moscou fournissent également une occasion d'aborder les engagements relatifs à l'Etat de droit, et la Suisse salue les réformes entreprises par la Russie à cet égard. Les contacts entretenus, souvent à haut niveau, ont culminé en septembre 2009 avec la première visite d'Etat d'un président russe en Suisse. La réponse à cette invitation ne s'est pas faite attendre et, en août déjà, le président russe a convié la présidente de la Confédération à une rencontre à Sotchi.

En outre, l'intérêt de Moscou pour une nouvelle architecture européenne de sécurité ainsi que le dialogue à ce sujet dans le cadre de l'OTAN et de l'OSCE ont abouti à des débats d'experts, auxquels la Suisse peut également contribuer (cf. ch. 2.2.3).

Membre permanent du Conseil de sécurité, membre du G8 et du G20, et partie prenante à la plupart des débats relatifs à l'avenir du continent européen, la Russie est pour la Suisse un partenaire politique incontournable dont la contribution à la sécurité mondiale, tant dans le domaine militaire qu'en matière d'approvisionnement, ne doit pas être sous-estimée. Pour les négociations multilatérales sur le climat par exemple, l'entrée en jeu de la Russie a représenté un avantage décisif. Faire valoir les positions suisses envers la Russie et comparer avec elle les points de vue sur les questions internationales participe donc de l'effort général pour renforcer l'influence de la Suisse sur la scène mondiale.

Autres pays d'Europe de l'Est: six pays issus de l'ex-Union soviétique ­ l'Ukraine, le Bélarus, la Moldavie, la Géorgie, l'Azerbaïdjan, l'Arménie ­ sont exposés de manière plus ou moins intense à la politique de voisinage de l'UE, aux politiques bilatérales de la Russie, à l'intérêt des Etats-Unis ainsi qu'à la présence accrue de la Turquie. La Suisse consacre des ressources
significatives à ces régions et Etats qui sont importants pour elle à de multiples égards (sécurité, énergie, migrations, potentiel économique). A l'instar d'autres acteurs, la Suisse s'engage au niveau bilatéral (présence diplomatique sur place, contacts politiques, coopération, relations économiques) et sur le plan multilatéral (au sein de l'OSCE et du Conseil de l'Europe) en faveur de la démocratisation, de l'Etat de droit et du développement économique et social dans ces pays.

La Suisse y a établi des représentations officielles depuis le milieu des années 1990, notamment pour y dispenser de l'aide humanitaire en faveur de victimes de conflits ou de catastrophes naturelles et pour coordonner la mise en oeuvre de l'assistance technique et financière. La coopération économique a été développée dans un contexte encore marqué par une longue période de gestion centralisée. Dans ses programmes de coopération et au travers de ses consultations politiques avec ces Etats, la Suisse a élargi son champ d'intérêt notamment à la politique de sécurité, aux migrations, à la lutte contre différentes formes de criminalité ou de violence transnationales, à la science et la recherche, à l'environnement et au climat, ou encore la sécurité de l'approvisionnement énergétique.

Même si l'action de la Suisse dans la région passe aussi par le partenariat avec d'autres bailleurs de fonds, elle veille à garder son autonomie. L'avantage en ressort dans le Sud-Caucase où la stabilité reste une préoccupation, en raison des champs de

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tension encore vifs, entre la Géorgie et la Russie mais aussi entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.

L'autonomie de la position suisse envers le Bélarus, l'Ukraine et la Moldavie se traduit notamment par le fait que l'appartenance ou non de ces Etats à des alliances militaires n'est pas considéré comme un élément déterminant de nos relations. Le respect des valeurs fondamentales communes aux Etats européens, telles qu'elles sont fixées par la Convention européenne des droits de l'homme et ses protocoles, est par contre pour la Suisse une condition élémentaire du renforcement des relations politiques. Pour cette raison, le Bélarus, non membre du Conseil de l'Europe, reste encore en retrait dans le panorama des bons contacts que la Suisse s'efforce de poursuivre. Située sur la frontière extérieure de l'UE, région charnière entre elle et la Russie, l'Ukraine en particulier a vocation de devenir pour la Suisse un partenaire plus important que son instabilité politique des dernières années ne l'a permis jusqu'ici.

Asie centrale: parmi les pays voisins de la région offrant un potentiel de coopération, un Etat comme le Kazakhstan revêt également une certaine importance pour la Suisse, notamment pour son potentiel économique, son appartenance à l'OSCE et ses relations avec la Russie, la Chine, l'Inde et l'Occident. Citons également le Kirghizistan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistan, qui appartiennent au groupe de vote de la Suisse au sein des institutions de Bretton Woods (IBW), du Fonds pour l'environnement mondial (FEM) et de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Depuis la constitution de ce groupe de vote à son entrée dans les IBW en 1992, la Suisse a contribué à former les représentants des ministères des finances et des banques centrales de ces Etats. Par son assistance technique et ses conseils, elle y a aussi encouragé l'amélioration de la gouvernance financière. Les contacts au sein du groupe de vote offrent à la Suisse un accès à une région émergente avec laquelle elle approfondit ses relations en permanence. C'est notamment dans cette optique que le réseau diplomatique est renforcé par l'ouverture d'ambassades dans la région.

Il convient cependant de noter que la paix est indispensable pour tirer parti du grand potentiel de la région. En ce sens,
les violences contre la population ouzbèke du Sud du Kirghizstan, survenues en juin 2010 dans le contexte de fragilité intérieure consécutif au renversement du président Bakiev en avril et à l'installation d'un gouvernement provisoire, ont constitué une menace grave à la stabilité de la région. La Suisse a non seulement apporté sa contribution à l'aide humanitaire multilatérale en faveur des populations ouzbèkes déplacées et des réfugiés en Ouzbékistan voisin, mais elle a agi sur place et dans les enceintes internationales pour que soit apportée au nouveau gouvernement kirghize, engagé à rompre avec les pratiques du précédent régime, l'aide nécessaire à la consolidation pacifique de son autorité. En particulier, la Suisse a encouragé l'élaboration d'une nouvelle constitution et soutient l'organisation d'élections parlementaires destinées à instaurer une pleine légitimité démocratique au Kirghizistan.

Sécurité énergétique La Russie, et dans une certaine mesure les pays producteurs d'Asie centrale ainsi que la Turquie, jouent un rôle clé de pays de transit pour l'approvisionnement de l'Europe en énergie. Deuxième producteur mondial de gaz naturel et de pétrole, la Russie constitue un pays de transit presque incontournable pour les énergies fossiles d'Asie centrale. Le développement des canaux qui alimentent déjà l'Europe en 1005

énergies fossiles provenant de Russie, d'Asie centrale et de la région de la mer Caspienne implique une coopération politique et économique établie sur des bases stables.

Comme l'indique la stratégie énergétique 2009 du Conseil fédéral, la Suisse a besoin dans ce domaine d'une sécurité à long terme, tenant compte de manière équilibrée des intérêts des fournisseurs, des pays de transit et des consommateurs, ainsi que de la protection de l'environnement. L'approvisionnement en pétrole peut changer assez rapidement de nos jours, comme le montre l'exemple du Kazakhstan qui est devenu en peu de temps l'un des principaux fournisseurs de la Suisse. Ce qui n'est en revanche guère possible avec le gaz, en raison de son acheminement par gazoducs.

Il est par conséquent important que la politique extérieure de la Suisse à l'égard de la Russie, de la Turquie et de l'Asie centrale continue d'appliquer la stratégie énergétique du Conseil fédéral et crée un cadre bilatéral favorable à celle-ci. Le détachement de personnel du DFAE pour le traitement des affaires énergétiques internationales à l'Office fédéral de l'énergie et à Bruxelles répond à ce besoin. Par ailleurs, les ambassades de Suisse contribuent avec persévérance à la conclusion des accords nécessaires pour ancrer la coopération énergétique de la Suisse, comme cela a été démontré par la signature en novembre 2009 du protocole d'accord avec la Turquie mentionné plus haut.

Engagement en faveur de la paix, bons offices, médiation de la Suisse La région du Sud-Caucase avec ses conflits interétatiques et ses tensions entre voisins illustre diverses possibilités qu'a la Suisse de promouvoir la paix. Le soutien à l'activité des organisations internationales dont elle est membre est l'un des moyens privilégiés par la Suisse. L'OSCE, avec les négociateurs du groupe de Minsk, joue ainsi le premier rôle dans les tentatives de mettre fin au conflit du HautKarabagh entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. En Géorgie, les missions de l'OSCE et des Nations Unies ont dû cesser leurs opérations en 2009, mais les représentants de ces deux organisations, avec celui de l'Union européenne, président les «discussions de Genève», consécutives au cessez-le-feu, qui mettent en présence toutes les parties au conflit de 2008. La Suisse, sans assister à ces réunions, accomplit pour
les faciliter tout ce qui est à sa mesure en tant qu'Etat hôte. Non représentée dans la mission de l'UE, l'EUMM, la Suisse apporte par contre un soutien marqué à la délégation du Conseil de l'Europe en Géorgie et aux activités humanitaires qu'y mène le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe: cet appui a trouvé une expression particulière pendant la présidence suisse du Comité des ministres de cette organisation.

En assumant depuis mars 2009 la représentation croisée des intérêts russes et géorgiens, la Suisse facilite les communications entre les deux Etats qui ont rompu leurs relations et contribue à la protection des personnes, en permettant aux services consulaires de fonctionner. Elle met aussi ses canaux à disposition pour d'autres améliorations ponctuelles des conditions de vie des populations, comme la réouverture d'un poste frontière ou la reprise de liaisons aériennes. Les charges à assumer par les ambassades de Suisse à Tbilissi et à Moscou sont fixées dans les mandats établis par échanges de notes avec les deux gouvernements: tout le travail consulaire normal est mené par les «sections des intérêts» russe et géorgienne, dotées de personnel envoyé par l'Etat mandant. Ce personnel est juridiquement considéré comme faisant partie de l'Ambassade de Suisse, qui accomplit toutes les formalités administratives à son sujet 1006

vis-à-vis de l'Etat d'accueil. Pour les activités à caractère diplomatique, les deux parties ont convenu de recourir à l'intermédiaire de l'Ambassadeur de Suisse ou de son suppléant: les notifications et courriers à caractère diplomatique sont à leur remettre afin qu'ils en assurent la transmission aux destinataires.

Il est possible de citer ici encore une fois le processus de rapprochement entre l'Arménie et la Turquie, où la médiation suisse a permis de fixer les termes de deux protocoles signés à Zurich le 10 octobre 2009, textes qui restent dans l'attente de la ratification parlementaire de part et d'autre. L'ambassade établie à Tbilissi en 2001 ainsi que la représentation diplomatique ouverte en 2009 à Erevan se sont révélées précieuses dans les deux cas susmentionnés.

Au Kirghizistan, en proie à de graves troubles internes en juin 2010, la Suisse contribue à la paix civile en poursuivant son programme de coopération au développement dans les domaines d'intervention prioritaires tels que la santé primaire, l'aménagement de l'eau, le développement du secteur privé, la gestion des finances publiques ou encore l'énergie. Comme mentionné plus haut, la Suisse agit aussi pour que soit apportée au nouveau gouvernement kirghize, engagé à rompre avec les pratiques du précédent régime, l'aide nécessaire à la consolidation pacifique de son autorité. Un Suisse a ainsi été nommé par l'OSCE à la tête de la mission de police mise sur pied par cette organisation au Kirghizistan.

Défis et perspectives Les intérêts que poursuit la Suisse en Europe ne se distinguent pas des grandes catégories établies par l'art. 54 de la Constitution fédérale. Il convient néanmoins de répéter que l'indépendance et la prospérité de la Suisse, dans son voisinage immédiat, sont particulièrement fonction de l'évolution, de la cohésion politique et de la prospérité des Etats membres de l'Union européenne, en particulier de sa zone Euro, ainsi que de celles des membres de l'OTAN, avec leur capacité de protéger la position de l'Europe occidentale au sein de leur alliance et vis-à-vis d'autres organisations de sécurité collective. La Suisse poursuit des politiques favorables à l'élargissement de l'UE pour autant que celle-ci soit encore désireuse de s'élargir. Elle n'est pas hostile à l'existence des alliances militaires dont elle
s'interdit de devenir membre, mais est soucieuse d'éviter que le continent européen ne redevienne théâtre ou acteur d'une conflagration militaire générale. Pour favoriser la coexistence pacifique des peuples, la Suisse soutient, en Europe aussi, la lutte contre la pauvreté et la préservation des ressources naturelles. Elle s'engage particulièrement pour que le respect des droits de l'homme et la démocratie prévalent partout où leur mise en oeuvre laisse encore à désirer. Les organisations politiques multilatérales dont elle est membre, Conseil de l'Europe et OSCE, jouent à cet effet un rôle irremplaçable.

L'influence que peut prendre la Suisse sur le continent européen se mesure en effet à sa participation solidaire aux affaires du continent et à son interconnexion avec d'une part les Etats qui la composent, individuellement, et d'autre part avec les nombreuses institutions internationales régissant les rapports entre Etats.

Ainsi, la Suisse est présente dans cet hémisphère avec un réseau serré de représentations. Elle entretient de bonnes relations avec tous les Etats européens ­ à des niveaux plus ou moins élevés d'intensité selon les affinités, les intérêts en jeu et la proximité géographique. Elle est liée avec l'UE et ses membres par un réseau très développé d'accords bilatéraux et entretient de surcroît avec ses voisins un dialogue transfrontalier nourri. Avec les pays européens non membres de l'UE, la Suisse 1007

entretient des relations tout aussi diversifiées, en particulier avec la Russie et la Turquie. Elle participe aux travaux d'organisations régionales et internationales, au sein de l'ONU, dans les Institutions de Bretton Woods et à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à l'OCDE, à l'OSCE ou au Conseil de l'Europe, sans oublier l'AELE. Elle s'implique dans le renforcement du rôle spécifique de ces organisations, sécurité diversifiée pour l'OSCE, protection des droits de l'homme et promotion des institutions démocratiques pour le Conseil de l'Europe. Non membre de l'UE ni de l'OTAN, elle garde une marge d'autonomie dans la définition de ses politiques. Au final cependant, elle travaille à consolider la cohésion de l'ensemble du continent et met les instruments de sa coopération au service du même idéal que l'UE et ses membres: la stabilité et la prospérité de toute l'Europe, dans le respect des libertés individuelles et la suprématie de l'Etat de droit.

Depuis longtemps, la Suisse est engagée dans la région en s'affirmant comme un partenaire crédible et fiable, indépendant et neutre, disponible et actif. La coopération multilatérale s'impose dans certains contextes où l'ampleur et la complexité des enjeux rendent impossible ou presque leur règlement par un seul acteur, et où au contraire une intervention coordonnée apporte une forte valeur ajoutée. C'est en effet précisément en s'engageant dans le règlement de conflits et de problèmes, en étant présente sur le terrain et en développant et en renforçant les relations politiques avec les acteurs multiples avec lesquels elle coopère que la Suisse parvient à renforcer ses capacités d'influence ­ et donc aussi sa souveraineté.

2.3

Politique à l'égard du continent américain

Tendances actuelles dans la région L'avènement d'un monde multipolaire et la nouvelle constellation internationale qui en découle ont également des conséquences sur le continent américain où, parallèlement aux Etats-Unis, le Brésil gagne en confiance et se développe en un acteur qui compte au niveau international, que ce soit sur le plan politico-économique ou en matière de sécurité.

A son entrée en fonction au début de 2009, le président américain Barack Obama a suscité de grandes attentes. Ce changement de gouvernement a été l'occasion de donner de nouvelles impulsions aux relations entre la Suisse et les Etats-Unis: en politique extérieure, le gouvernement Obama mise davantage sur la coopération internationale et les initiatives multilatérales, ce qui ouvre des champs de coopération supplémentaires à la Suisse. En même temps, la Suisse se voit confrontée à des enjeux politiques susceptibles de peser sur les relations bilatérales, notamment dans le domaine fiscal, qui doivent être gérés dans le respect des intérêts réciproques. A cet égard, l'accord d'entraide administrative concernant UBS a contribué à éviter un litige juridique et un conflit de souveraineté avec les Etats-Unis.

Au regard de leur poids économique et de leur importance politique, les Etats-Unis sont un partenaire incontournable de la Suisse. Les problèmes mondiaux tels que la crise économique et financière, le changement climatique, les menaces de la prolifération nucléaire et du terrorisme ne peuvent être résolus sans l'engagement des Etats-Unis. Dans son rapport avec ce pays, la Suisse doit veiller à sauvegarder des intérêts importants, notamment dans les domaines économique et financier. Aussi, la 1008

Suisse doit-elle dans sa stratégie politique à l'égard des Etats-Unis se fixer pour objectif de renforcer la coopération dans des domaines d'intérêt commun.

L'Amérique latine quant à elle a connu des changements politiques importants.

Ceux-ci donnent à la région une signification nouvelle et suscitent un regain d'intérêt de la part de divers partenaires. Dans l'ensemble, la mise en oeuvre de politiques macro-économiques stabilisatrices depuis une dizaine d'années, voire plus, ainsi qu'une bonne tenue relative face à la crise économique et financière contribuent à une modernisation partielle des sociétés et à une croissance du pouvoir d'achat. De nombreux pays de la région ont d'autre part réussi à consolider la démocratie et l'Etat de droit. Mais la pauvreté, l'exclusion, voire la discrimination raciale, perdurent, minant la cohésion sociale et l'émergence de projets de développement nationaux.

Alors que des efforts remarquables sont réalisés dans la lutte contre la pauvreté et notamment en vue de restituer leur place aux groupes sociaux exclus du développement (populations rurales, indigènes, d'origine africaine), des forces contradictoires sont à l'oeuvre dans la région et les acquis restent fragiles dans certains pays: nombre de gouvernements latino-américains se voient confrontés à des problèmes tels que la corruption ­ un phénomène portant préjudice à l'Etat et à l'administration publique, la fragilité des institutions ­ notamment la justice ­ et leur incapacité de fournir les prestations attendues, la criminalité organisée ­ surtout en rapport avec la problématique du narcotrafic ­ et la violence armée qui est d'ailleurs de moins en moins liée à des revendications de nature politique et de plus en plus d'ordre criminelle. Enfin, un risque de dérive populiste et autoritaire se manifeste dans certains pays d'Amérique latine.

En dépit de très importants défis qui subsistent en matière de distribution équitable des revenus et propriétés ainsi que des dividendes de la croissance, l'on constate une modification des rapports dans la région: de sociétés bénéficiaires de programmes de coopération au développement, les pays de la région se muent progressivement en partenaires économiques importants et en destinations d'investissements directs étrangers, notamment dans les domaines énergétique et
minier, mais également agro-industriel. De nouveaux acteurs comme la Chine, l'Inde ou la Russie s'y intéressent dans le cadre de la course globale aux ressources pour assurer un développement de leur appareil industriel.

Quant à la coopération et à l'intégration régionales, les efforts respectifs se poursuivent avec des résultats jusqu'ici plutôt modestes, freinés à la fois par une vision encore fortement marquée par les nationalismes ainsi que par une polarisation croissante du débat idéologique en cours. Les projets d'intégration qui se multiplient sans véritablement se concrétiser sont traversés par une velléité d'émancipation à l'égard des puissances oeuvrant traditionnellement dans la région, en particulier les EtatsUnis. A cette prise de conscience régionale s'ajoute une ouverture à de nouveaux acteurs, notamment d'Asie, qui offre la perspective de marchés d'exportation intéressants et d'importants investissements soutenant les projets de développement industriel des pays d'Amérique latine (domaines énergétiques et de l'infrastructure notamment) ainsi que l'établissement de nouveaux partenariats Sud-Sud sur la base d'intérêts convergents des pays dits émergents.

Se basant sur les liens historiques et culturels qui la lient aux pays de l'Amérique latine ainsi que sur ses intérêts politiques et économiques, la Suisse a pour objectif de promouvoir la stabilité politique, l'intégration sociale et la défense de valeurs 1009

communes telles que l'Etat de droit et les droits de l'homme. En même temps, elle cherche à favoriser l'accès aux marchés sud-américains et à multiplier les opportunités de commerce et d'investissement en facilitant la mise en place d'un climat économique favorable et d'un cadre juridique adéquat. En raison des progrès économiques de la région, l'engagement de la Suisse dans la coopération au développement diminue au profit d'une coopération qui est davantage orientée vers les échanges économiques. La DDC coopère néanmoins avec les pays les plus pauvres de la région, en particulier avec Haïti, la Bolivie et des pays d'Amérique centrale ainsi que dans le cadre de programmes dits globaux.

Sur l'ensemble du continent, la Suisse s'engage dans le domaine de la promotion de la paix et des droits de l'homme et suit attentivement les questions de gouvernance.

Le changement climatique et l'environnement figurent également parmi les thèmes d'engagement. La coopération scientifique constitue un autre domaine de coopération bilatérale qui se développe de manière dynamique. Les liens avec les Etats-Unis sont particulièrement intenses dans ce contexte, mais de nouveaux partenaires scientifiques surgissent aussi en Amérique latine.

Pays prioritaires de la région Les Etats-Unis et le Brésil sont les principaux pays de coopération de la Suisse sur le continent américain. Ces deux pays figurent parmi les partenaires prioritaires tels que le Conseil fédéral les a identifiés en 2005 dans sa stratégie de politique extérieure. Ils sont aussi les pays avec lesquels la Suisse a intensifié le plus ses relations bilatérales au cours des dernières années pour promouvoir et défendre au mieux ses intérêts.

Etats-Unis d'Amérique: superpuissance politique, économique et militaire, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, membre du G8 et du G20, les EtatsUnis sont un partenaire incontournable sur l'échiquier international. Ils constituent un homologue important pour nombre de pays et sont, de ce fait, beaucoup sollicités.

La Suisse, pour laquelle les Etats-Unis ont une grande importance dans de nombreuses activités de politique extérieure, doit ainsi s'efforcer d'être un partenaire crédible et utile afin de s'assurer l'accès aux décideurs américains.

Sur le plan bilatéral, les Etats-Unis sont le second marché
d'exportation pour les produits suisses et la principale destination des investissements suisses hors de l'Europe. Avec 350 000 places de travail (fin 2008) dans les filiales américaines des entreprises suisses, la Suisse est une importante source d'emplois et un acteur technologique majeur sur le marché américain, où elle est en position dominante dans plusieurs secteurs industriels et dans le secteur des services. 70 000 ressortissants suisses se sont en outre établis aux Etats-Unis, ce qui crée des liens intenses et entraîne des flux d'échanges importants.

Dans l'autre sens, les investissements américains en Suisse, où l'activité des firmes américaines se multiplie, contribuent de manière substantielle au produit national suisse et au rayonnement de la place économique et de ses centres de recherche. La volonté du président américain de créer des emplois, en particulier dans les technologies de l'environnement, les énergies renouvelables et les transports publics, représente un potentiel supplémentaire pour le développement des relations économiques entre les deux pays.

Les défis principaux, auxquels le gouvernement américain se voit confronté, se situent avant tout sur le plan de la politique intérieure et concernent les effets de la 1010

crise économique, la promotion de l'emploi, la mise en oeuvre d'une politique de la santé réformée et une nouvelle orientation de la politique énergétique. Le chômage s'élève à plus de 10 % et le déficit budgétaire s'amplifie. Le pays continue par ailleurs à être engagé avec beaucoup de ressources dans deux guerres, en Afghanistan et en Irak. Il est ainsi compréhensible que les efforts du président américain se concentrent tout d'abord sur les questions de politique intérieure.

En politique extérieure, le gouvernement américain s'engage dans une coopération internationale intensifiée avec un accent mis sur le domaine multilatéral. Les instruments diplomatiques sont privilégiés et la force est utilisée de manière plus réservée.

Le dialogue et la coopération sont devenus prioritaires, même avec des partenaires difficiles. L'ouverture américaine s'est notamment manifestée par une nouvelle ère de coopération à l'égard de la Russie et une intensification des relations avec la Chine. Quant à l'Iran, la politique américaine s'est illustrée par un contact direct lors des Geneva Talks14 d'octobre 2009 et la volonté d'avancer dans le dossier nucléaire.

Vu les résultats limités de ces efforts, Washington mise sur le renforcement du système de sanctions.

Le président américain s'est également distingué par des actes symboliques forts en direction du monde arabo-islamique et des actions globales prometteuses, comme l'adhésion des Etats-Unis au Conseil des droits de l'homme de l'ONU, une aide américaine au développement plus conséquente et une politique de l'environnement plus axée vers la coopération internationale. Pour la Suisse, ces développements constituent des opportunités supplémentaires de coopération, notamment en vue de convergences sur le plan des intérêts communs.

Sur le plan bilatéral, les relations entre la Suisse et les Etats-Unis ont été fortement marquées ces dernières années par la recherche de solutions relatives aux questions concernant la place financière et à la négociation d'un protocole modifiant la convention bilatérale contre les doubles impositions de 1996. L'accord d'entraide administrative conclu avec les Etats-Unis dans le domaine des informations sur les clients de la banque UBS joue un rôle central à cet égard.

Dans d'autres domaines, la coopération entre les deux pays a
produit des résultats prometteurs. Ceci est vrai pour les efforts communs dans le cadre du processus de négociation en vue d'une réconciliation entre la Turquie et l'Arménie, dans le contexte de la contribution suisse en vue de la fermeture du centre de détention de Guantanamo et, dans un cadre plus général, pour les mandats de protection des intérêts américains en Iran et à Cuba.

Un effort particulier a été réalisé pour intensifier les réseaux de contact à tous les niveaux de l'administration américaine et du Congrès, et pour travailler à la bonne atmosphère des relations bilatérales. Cet effort est à poursuivre aussi dans les années à venir. Un réseau de contacts dense et développé permet de stimuler la disposition au dialogue du côté américain, en particulier dans les situations où des divergences de points de vue apparaissent.

Au niveau parlementaire, deux associations réunissent, depuis 2003, sur une base régulière des parlementaires fédéraux des deux pays: l'Association parlementaire Suisse ­ Etats-Unis et, du côté américain, le Friends of Switzerland Caucus. Elles permettent d'entretenir les contacts avec des représentants du Congrès américain, 14

Entretiens entre E3 + 3 (Allemagne, Grande Bretagne, France et Etats-Unis, Russie, Chine) avec l'lran, organisés par la Suisse à Genève en juillet 2008 et octobre 2009.

1011

auquel incombe une importance non négligeable en matière de politique extérieure, et de sensibiliser ainsi les parlementaires américains aux préoccupations et aux intérêts de la Suisse.

Brésil: au bénéfice d'une remarquable croissance économique et d'une stabilité institutionnelle renouvelée à partir de la moitié des années 1990, le Brésil, à l'instar des autres pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), s'est érigé au niveau d'acteur global et de leader régional. Il exerce une influence croissante au sein des principales instances internationales (ONU, G20, OMC, développement durable, climat). Il y agit en sa qualité de puissance économique et politique mondiale pour promouvoir une réforme de l'ordre international, faire progresser la cause du désarmement et de la non-prolifération nucléaire et mener une diplomatie commerciale offensive. Le Brésil conclut d'autre part des partenariats stratégiques avec les grands pays émergents et s'engage de manière de plus en plus résolue dans la coopération Sud-Sud. Il se positionne ainsi en porte-parole des pays émergents et en développement, qui revendiquent le droit de poursuivre leurs objectifs et intérêts de manière autonome et sur un pied d'égalité avec les acteurs du monde dit «industrialisé».

En même temps, le Brésil s'est mué progressivement en leader régional autant pour son poids politique accru que pour ses caractéristiques de moteur économique de l'Amérique du Sud. Dans ce contexte, il soutient activement des projets d'intégration régionale avec le lancement, par exemple, de l'Union des nations sudaméricaines, UNASUR, à Brasilia en mai 2008 ou du projet de Communauté des Etats latino-américains et caribéens lors du 21e Sommet annuel du Groupe de Rio, réunis à Playa del Carmen (Mexique) en 2010. Par ailleurs, il cherche à jouer de plus en plus un rôle de médiateur dans les crises régionales. Observant ces développements, la Suisse intensifie ses relations avec le Brésil, avec lequel elle a établi un partenariat stratégique en signant, en 2008, un protocole d'accord. Le premier cycle du dialogue politique dans le cadre de ce partenariat stratégique s'est tenu au mois de juin 2009 à Berne.

Sur la base de valeurs et d'intérêts largement partagés, la Suisse et le Brésil cherchent, à travers le partenariat stratégique, à renforcer et à structurer
leurs relations bilatérales, à promouvoir leur coopération dans un spectre élargi de domaines, allant de la coopération scientifique et technique à la lutte contre la criminalité organisée, notamment à l'aide du traité d'entraide judiciaire en matière pénale, entré en vigueur en 2009, et d'une collaboration policière. La Suisse et le Brésil renforcent d'autre part leur dialogue sur les questions mondiales d'intérêt commun. A cet égard, un échange de vues régulier et une collaboration se sont nouées dans les domaines du désarmement et de la lutte contre la prolifération nucléaire, des questions de gouvernance globale dans les domaines politique, économique et financier, ainsi qu'environnemental. Une collaboration en matière de coopération conjointe au développement se met en place, et plus particulièrement dans les domaines des problématiques dites globales, par exemple le changement climatique, ainsi que dans le domaine de l'aide humanitaire et de la coopération régionale, notamment en Afrique subsaharienne.

Coopération avec d'autres partenaires régionaux En plus des relations avec les grands partenaires, la Suisse entretient des contacts approfondies avec d'autres pays du continent qui jouent un rôle international ou régional de premier plan ou occupent une place importante dans les relations politiques et économiques extérieures de la Suisse.

1012

L'un de ces pays est le Canada, qui appartient à nombre d'instances internationales et régionales, enceintes dans lesquelles ce pays mène une politique traditionnellement active et tendant à favoriser une coopération multilatérale, tout en y exerçant son influence sur les grandes questions internationales. En 2010, le Canada a utilisé ces enceintes avec détermination, en particulier dans le cadre de sa présidence du G-8 et de sa participation aux travaux du G20, afin de contribuer au développement de la gouvernance globale dans un monde multipolaire. De même, le succès des Jeux Olympiques de Vancouver a eu son importance. En ce qui concerne les Nations Unies, le Canada est candidat à un siège au Conseil de sécurité qu'il aimerait occuper pour la sixième fois. Dans la décennie passée, l'économie du Canada s'est distinguée par une forte croissance continue, jusqu'à la crise économique et financière qui l'a affectée moins en raison de la faillite du secteur financier que de par ses relations commerciales avec les Etats-Unis.

Ces dernières années, les relations entre la Suisse et le Canada se sont intensifiées sur le plan économique, évolution couronnée par l'entrée en vigueur de l'accord de libre échange AELE-Canada en juillet 2009. Le Canada est notre deuxième partenaire commercial sur le continent américain. Un potentiel d'intensification de la coopération entre les deux pays existe également dans d'autres secteurs, comme par exemple sur des thèmes ciblés de la sécurité humaine et les droits de l'homme, dans les domaines scientifiques ou encore de l'énergie et de l'environnement. Sur le plan multilatéral, la Suisse et le Canada défendent souvent des positions convergentes et coopèrent étroitement, en particulier au sein du système de l'ONU ou dans la succession à la présidence de l'organisation internationale de la francophonie. La première visite d'un premier ministre canadien en Suisse, en octobre 2010, a permis de confirmer les points communs de nos deux pays.

Une place importante est également occupée par le Mexique, puissance régionale à cheval entre l'Amérique du Nord et l'Amérique latine. Tout en étant d'une part intégré au Nord ­ en tant que membre de l'OCDE et partenaire au sein de l'ALENA (Association de libre-échange nord-américaine) ­ le Mexique se considère comme appartenant politiquement
et culturellement à l'Amérique latine. Il occupe dès lors une position charnière entre le Nord et le Sud et valorise ainsi sa fonction d'intermédiaire. Sur le plan mondial, il affirme sa présence au sein du G20 et réussit à déployer son influence sur la politique mondiale. Il reste néanmoins confronté, dans certaines régions plus fortement que dans d'autres, à des défis importants en matière de développement et de gouvernance.

Après le Brésil, le Mexique constitue le principal partenaire commercial de la Suisse en Amérique latine. C'est avec ce pays que la Suisse a conclu le premier accord de libre échange sur le continent américain dans le cadre de l'AELE (en vigueur depuis 2001) et qu'une stratégie de politique économique a été adoptée fin 2007. Au-delà du renforcement des relations économiques, des progrès ont été faits dans la négociation d'un accord sur la coopération dans le transfert de biens culturels, entamée en 2008, ainsi que dans les discussions en vue d'une lettre d'intention pour la collaboration dans la technologie environnementale. Depuis 2007, des consultations politiques à haut niveau sont organisées régulièrement. Le Mexique est également un partenaire important pour la Suisse dans le domaine multilatéral, comme cela a été illustré dans la coopération pour la création du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, dans le Groupe de l'intégrité environnementale (Environmental Integrity Group, EIG) pour les négociations climatiques ou lors de la gestion par l'OMS de la pandémie mondiale de grippe qui s'est déclarée au printemps 2009 à Mexico.

1013

La Colombie est un autre partenaire sur le continent américain avec lequel la Suisse entretient des relations à la fois intenses et diversifiées. Ce pays, qui a enregistré ces dernières années des progrès sur le plan politique et de la sécurité intérieure, présente un potentiel économique important. Le conflit interne armé persiste néanmoins toujours dans certaines régions du pays, ce qui a pour corollaire un nombre croissant de personnes déplacées à l'intérieur du territoire national et en dehors de ses frontières.

Dans ce contexte, les relations bilatérales entre la Suisse et la Colombie se sont renforcées et diversifiées, notamment par la conclusion d'une palette complète d'accords économiques. En raison du niveau de développement économique atteint et de l'amélioration des conditions cadre, la Colombie figure à présent parmi les sept nouveaux pays prioritaires de la coopération suisse au développement économique.

Compte tenu de la poursuite du conflit interne armé, la Suisse continue néanmoins à considérer comme pertinent son engagement dans les domaines de la promotion de la paix, de l'aide humanitaire et des droits de l'homme. A travers son aide humanitaire, la Suisse oeuvre au soulagement des souffrances des victimes du conflit interne. Elle déploie un programme varié de promotion de la paix et des droits de l'homme, notamment dans le domaine du traitement du passé. Dans le cadre de son engagement pour la paix en Colombie, la Suisse a d'ailleurs assumé pendant le premier semestre 2010 la présidence du G24 (groupe tripartite réunissant les pays donateurs, le Gouvernement colombien et la société civile). Ce groupe accompagne depuis 2003 la Colombie dans sa recherche d'une paix durable.

Outre les pays avec lesquels des relations plus intenses ont été développées ces dernières années, la Suisse maintient tout une série d'échanges avec d'autres partenaires sur le continent américain. Des consultations politiques régulières ont lieu avec l'Argentine, le Venezuela et le Pérou. Avec le Venezuela, un Mémoire d'entente établissant formellement l'instrument des consultations politiques a été signé en février 2010 à l'occasion d'une ronde de discussions célébrée à Caracas. A travers l'établissement formel de ce mécanisme, la Suisse entend favoriser l'échange de vues et la compréhension mutuelle en
abordant les convergences autant que les divergences d'opinion. Ces rencontres favorisent également les discussions sur le climat d'investissement et les problématiques concrètes des entreprises suisses.

En plus des points forts géographiques, la Suisse s'est fixée un certain nombre de priorités thématiques sur le continent américain: elle s'engage dans l'aide au développement dans les pays les plus pauvres, notamment en Bolivie et en Amérique centrale, ainsi que dans l'aide humanitaire dans des régions où les besoins sont les plus urgents. Les défis en matière de développement deviennent de plus en plus globaux et demandent une action coordonnée. Ainsi en Amérique latine, la Suisse s'engage dans les domaines du changement climatique et de l'eau en adoptant une approche régionale.

La Suisse s'engage également en faveur des Etats fragiles. Sur le continent américain, elle soutient en particulier Haïti, le pays le plus pauvre de la région, à travers différents projets de développement et d'aide humanitaire. Cet engagement a permis à la Suisse de réagir rapidement et efficacement suite au tremblement de terre qui a gravement touché le pays en janvier 2010. La Suisse oeuvre également à assurer la restitution des fonds Duvalier à travers l'établissement d'un cadre juridique approprié (cf. ch. 4.1.4.).

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Avec Cuba, la Suisse dispose d'une relation solide basée sur un programme de coopération au développement de longue date. Elle réalise régulièrement des consultations politiques à haut niveau et y aborde de nombreux sujets d'intérêt réciproque.

La bonne qualité des relations a permis d'étendre l'éventail thématique en développant un dialogue relatif aux droits de l'homme et à des questions de migration et de visas, qui est poursuivi avec intérêt des deux côtés.

Défis et perspectives La Suisse se doit d'entretenir de bonnes relations avec ses partenaires étrangers, en particulier avec les Etats-Unis et le Brésil en tant que pays prioritaires, et de resserrer ses liens au moyen de partenariats dans les domaines d'intérêt commun. Pour cela, une forte présence sur place s'impose, qui passe par un bon réseau de représentations.

Dans ce contexte, la Suisse doit trouver un compromis avec les Etats-Unis pour régler les différends actuels en matière fiscale et appliquer l'accord d'entraide administrative négocié dans l'affaire UBS. Il convient en outre de continuer à entretenir notre solide réseau de contacts au sein de l'administration américaine et de conserver notre accès privilégié aux principaux décideurs. Pour cela, il est important d'identifier des domaines de coopération susceptible d'intéresser les Etats-Unis et dans lesquels la Suisse pourrait s'investir. A plus long terme, notre pays doit s'efforcer d'optimiser les conditions cadre pour l'échange et la collaboration avec les Etats-Unis, dans tous les domaines pertinents, qu'il s'agisse de l'économie, des sciences, du transport de personnes ou d'autres secteurs d'intérêt mutuel. Il est à noter dans ce contexte que les mandats de protection des intérêts américains qu'assume la Suisse en Iran et à Cuba exercent une influence positive sur les relations bilatérales avec les Etats-Unis. En tout état de cause, la disponibilité du gouvernement du Président Obama à une coopération internationale intensifiée ouvre à la Suisse l'accès à de nouveaux domaines d'activité commune. La Suisse est ainsi en mesure d'améliorer son positionnement et d'intensifier davantage ses relations avec le gouvernement et l'administration américains.

En ce qui concerne l'Amérique latine, il est crucial pour la Suisse de cultiver les liens profonds existants et de les développer
davantage encore. Pour ce faire, elle doit tenir compte de la prospérité croissante des pays de la région et du rôle de plus en plus important qu'ils jouent au niveau international. Elle devra, en particulier avec les pays qui partagent ses vues, s'efforcer de trouver des partenariats et des alliances dans les domaines d'intérêt commun.

Dans le cadre de ces partenariats politiques et économiques, la Suisse doit par ailleurs privilégier un dialogue franc, ouvert et constructif sur l'Etat de droit, le respect des droits de l'homme, des libertés fondamentales et des minorités, la participation démocratique et l'indépendance de la justice. Ce dialogue est indispensable au bon développement des relations bilatérales. A cet égard, les risques auxquels sont confrontées les entreprises suisses, notamment en matière d'investissements, constituent un défi certain. Le contact avec les gouvernements concernés doit être maintenu afin de trouver conjointement des solutions. Dans ce contexte, la Suisse appuie le renforcement de la gouvernance et doit continuer à mettre en place les différents instruments dont elle dispose pour contribuer à une résolution pacifique des conflits.

1015

2.4

Politique à l'égard de l'Asie et de l'Océanie

Tendances actuelles dans la région L'essor économique et social de l'Asie, irrésistible depuis une vingtaine d'années, a passé le cap 2009 de façon remarquable. En effet, à l'exception du Japon, qui se verra vraisemblablement détrôné fin 2010 par la Chine comme deuxième économie au niveau mondial, les puissances du continent ont tenu bon devant la crise et continuent de progresser. Certes, la mondialisation comporte à la fois des opportunités et des risques: avec une économie axée sur l'exportation, et donc profondément mondialisée, l'Asie orientale doit mobiliser davantage son marché intérieur. Moins intégrés dans le commerce mondial, des pays comme l'Inde ou l'Indonésie ont été préservés de la crise grâce à leur important vivier de consommateurs. L'approche régionale de la Suisse continuera à miser sur le renforcement des relations économiques, ce dont témoigne l'accord de partenariat et de libre-échange avec le Japon entré en vigueur en 2009. Elle portera également sur des domaines qui connaissent une expansion similaire, tels la science et la recherche.

Ainsi, le bilan 2009 de l'Asie est en contraste notoire avec le reste du monde, que ce soit sur le plan de la diminution de la pauvreté, de la montée des classes moyennes ou de la part prise dans le commerce mondial et dans l'investissement. Bien sûr, la géométrie politique, sociale et économique de l'Asie est toujours aussi diversifiée.

On y trouve des pays complètement intégrés au système mondial, qui bénéficient des acquis de la démocratie, mais aussi des Etats qui ouvrent leur marché tout en verrouillant leur opinion publique. D'anciennes démocraties en côtoient de nouvelles, tout en jouxtant des dictatures d'un autre âge. Dans un même pays, des institutions politiques ou financières solides et modernes peuvent côtoyer des structures tribales ou de caste. Mais il est devenu évident que le grand espace asiatique, des confins de l'Hindoukouch à l'archipel nippon, des steppes mongoles jusqu'aux multiples insularités indonésiennes et à son vaste appendice océanien, contient les ferments et les dynamiques essentiels du XXIe siècle.

Toutefois, les défis environnementaux, démographiques, sécuritaires et liés aux inégalités grandissantes à l'intérieur des sociétés relativisent encore fortement les acquis de la croissance et l'influence positive
que l'on serait en droit d'attendre du continent. Ainsi, les blocages constatés lors du Sommet environnemental de Copenhague ont mis en exergue le dilemme de puissances émergentes, hésitant encore à relever pleinement le défi de la durabilité, en dépit de dangers croissants pour le milieu ambiant. Ces puissances sont généralement rétives à se lier par des mécanismes et instruments juridiques internationaux contraignants. Par ailleurs, les arsenaux militaires développés par les principaux protagonistes asiatiques, sans véritable garantie d'architecture sécuritaire et dans des conditions de tensions existantes ou latentes, menacent la stabilité des deux principales régions du continent. Enfin, l'intolérance religieuse (islamiste, bouddhiste ou hindouiste) émanant de groupes armés ou de régimes autoritaires, constitue un facteur de tensions dans de nombreux pays d'Asie, de même que les disparités sociales, exacerbées par les réformes économiques, terreau fertile pour la montée d'extrémismes déstabilisateurs.

En ce qui concerne les intérêts de la Suisse dans la région, trois puissances se détachent du lot, par le volume, la complexité et la dynamique des relations bilatérales.

La Chine, l'Inde et le Japon, les trois plus grandes économies d'Asie, acteurs globaux qui concentrent leur engagement dans l'espace asiatique et s'y livrent à une lutte d'influence, sont des partenaires d'une importance croissante pour la Suisse, 1016

tant au niveau de l'intensité des relations économiques que des relations intergouvernementales. C'est l'orientation soutenue par le Conseil fédéral en 2005 qui leur accorde son attention en priorité. Toutefois, de nombreux autres pays de la région pèsent aussi dans l'équation; moins omniprésents dans l'ensemble des relations bilatérales, ils sont autant de partenaires de choix dans des domaines variés allant du commerce à l'investissement, la science, le tourisme, le développement, la sécurité humaine, l'environnement ou les affaires multilatérales.

Pays prioritaires de la région Chine: selon la stratégie du Conseil fédéral de juin 2007 relative à la Chine, quatre domaines thématiques de coopération sont visés: politique et droits de l'homme, économie, science/technologie/formation, et enfin environnement et énergie. En outre, les relations bilatérales englobent aujourd'hui de nombreuses autres thématiques telles que la santé, la migration, la culture ou la sécurité.

Le principal instrument politique réside dans le dialogue régulier ancré dans le protocole d'accord de septembre 2007, qui tient compte de la politique d'une seule Chine appliquée par la Suisse depuis sa reconnaissance de la République populaire de Chine en 1950. La Chine continue de témoigner sa confiance à l'égard de la Suisse, avec la visite du vice-premier ministre chinois en janvier 2010, en ouverture de l'anniversaire des 60 ans de relations diplomatiques sino-helvétiques, ainsi que celle du président du Congrès national du peuple (juillet 2010), qui occupe le deuxième rang dans la hiérarchie du pays. Il a été décidé lors de la visite d'Etat de la présidente de la Confédération en juillet 2010 d'entamer des négociations sur un accord de libre-échange. Dans le cadre du dialogue sur les droits de l'homme, entamé en 1991 à la demande de Pékin, il a été possible d'aborder des sujets brûlants tels que les réformes juridiques, le droit pénal, l'exécution des peines, la liberté religieuse et les droits des minorités (y compris dans les zones du Xinjiang et du Tibet). Le onzième cycle de dialogue est prévu au second semestre 2010 et pourrait inclure cette année des discussions sur les migrations.

Sur le plan économique, la Chine (avec la région administrative spéciale de Hong Kong) représente depuis 2002 le principal partenaire
commercial de la Suisse en Asie, devant le Japon. Et la Suisse fait partie des rares pays occidentaux qui dégagent un excédent commercial avec la Chine (depuis 2003). En 2009, le volume des échanges bilatéraux s'est élevé à près de 10,7 milliards de francs et les investissements directs helvétiques en Chine ont représenté quelque 6,8 milliards de francs fin 2008. Au vu de la crise financière mondiale, le dialogue avec Pékin dans ce domaine doit être intensifié et étendu car la Chine est un acteur important du G20 et de l'architecture financière internationale.

Comme auparavant, les questions économiques en suspens sont principalement traitées au sein de la Commission économique mixte. Quelques dossiers ont avancé tandis que des progrès doivent encore être réalisés concernant d'autres questions importantes.

Cela vaut par exemple pour la protection de la propriété intellectuelle au sens large.

La Chine constitue un pays incontournable en matière de science, de technologie et de formation, et la vitrine swissnex Shanghai inaugurée en août 2008 représente un élément central à cet égard.15 La coopération scientifique et technologique entre 15

Cf. Message du 24 janvier 2007 relatif à l'encouragement de la formation, de la recherche et de l'innovation pendant les années 2008 à 2011, FF 2007 1149.

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universités et instituts de recherche a également débuté en 2008 dans ce cadre, et a été étendue l'année dernière à de nouveaux domaines, avec une participation accrue de l'industrie.

La DDC opère en Chine un programme soutenant la formation de cadres administratifs supérieurs; l'aide humanitaire contribue à la formation des corps chinois d'aide en cas de catastrophes (Urban Search and Rescue) qui ont déjà démontré leurs compétences lors du séisme qui a dévasté le Sichuan en 2008.

Dans le domaine de l'environnement et de l'énergie, les Jeux olympiques de Pékin ont donné de la visibilité à certains problèmes que les autorités ont érigés en nouvelles priorités. De même que les projets de développement durable (économie hydraulique et sylvicole), les initiatives helvétiques en faveur d'une industrie et d'une gestion des déchets plus propres méritent d'être poursuivies. En matière d'environnement, un premier MoU sur la coopération économique dans les technologies vertes a été signé en février 2009, avant d'être suivi en avril 2009 par un second protocole portant sur la gestion des eaux et la prévention des risques. La collaboration en matière climatique est également renforcée en 2010.

Tous les domaines de la coopération resteront à l'avenir au centre de notre collaboration bilatérale. La Suisse conserve une excellente image et la Chine est très intéressée par ses connaissances techniques et par la poursuite d'échanges dans presque tous les domaines politiques. De leur côté, nos institutions politiques et sociales ainsi que nos entreprises, c'est-à-dire la place économique suisse avec l'ensemble de la société civile, doivent faire en sorte de renforcer les connaissances de la Chine, en cultivant les échanges avec ce partenaire asiatique émergent. Après les Jeux olympiques 2008 de Pékin, qui ont profité à l'image de la Suisse avec la House of Switzerland et le stade Nid d'oiseau, le pavillon suisse de l'Exposition universelle de Shanghai exerce à son tour un véritable effet magnétique sur le public. Ces prochaines années, nous aurons à coeur d'approfondir les contacts existants entre nos deux pays, d'étendre nos réseaux, et en même temps de coordonner notre action envers la Chine et d'exploiter un nombre croissant de synergies. Au vu de l'influence rapidement grandissante de l'empire du Milieu sur
la scène internationale, la collaboration avec des Etats partageant nos vues doit également être renforcée afin d'impliquer la Chine, en tant que partenaire responsable, dans la résolution des problèmes et des défis de notre époque.

Inde: la politique de la Suisse à l'égard de l'Inde présente des similarités croissantes avec sa politique chinoise. Les domaines de coopération sont similaires (politique, économie, science/technologie/formation et environnement/énergie). Après avoir été pendant près de cinq décennies l'un des pays prioritaires de la coopération au développement, l'Inde perd ce statut au profit de programmes plus réduits et ciblés. Non sans certaines difficultés, la Suisse cherche à renforcer son réseau de représentations en Inde ainsi que le cadre institutionnel de consultations bilatérales.

Au niveau politique, les ministères des affaires étrangères se consultent tous les ans sur l'ensemble des questions bilatérales et sur d'importants dossiers régionaux ou multilatéraux. Ces entretiens visent à garantir une approche cohérente et coordonnée des multiples dossiers bilatéraux (y compris des traités), dont la portée et la complexité augmentent en même temps que la circulation des personnes, des biens et des idées. L'importance du rôle joué par l'Inde sur le plan multilatéral (commerce, environnement, nucléaire, etc.) renforce encore l'intérêt de ce type de consultations et des visites et entretiens bilatéraux de niveau ministériel.

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L'économie indienne a globalement bien résisté au choc des crises financière et économique. Les échanges et investissements ont continué de se développer. Le volume du commerce bilatéral, qui a fortement augmenté dans les années 2000 pour atteindre 3,5 milliards de francs en 2008, a baissé en 2009 (2,97 milliards) avant de remonter en 2010. Le solde commercial est positif pour la Suisse. A la fin 2008, les investissements suisses en Inde se montaient à 2,38 milliards CHF. Le potentiel reste considérable et un renforcement des conditions cadres est nécessaire. En effet, un accord de large portée sur le commerce et les investissements est en cours de négociation dans le cadre de l'AELE. Un groupe de travail sur la propriété intellectuelle a été constitué en 2007. La Commission économique mixte demeure le forum clé pour aborder les sujets en suspens.

Dans le domaine de la science et de la technologie, l'Inde est l'un des huit pays prioritaires de la Suisse.16 En fait, des programmes bilatéraux ambitieux sont en place et le lancement d'un swissnex est prévu à Bangalore (le 5e du genre et le 3e en Asie), parallèlement à l'ouverture d'un Consulat général. La Suisse s'est mobilisée pour faire accélérer l'octroi des autorisations nécessaires. En plus, les hautes écoles suisses et les institutions indiennes coopèrent dans le cadre du programme de coopération bilatérale de recherche du Secrétariat d'Etat à l'éducation et à la recherche.

Enfin, les questions énergétiques et environnementales constituent des domaines de coopération appelés à se développer. Troisième émettrice mondiale de gaz à effet de serre, l'Inde est au défi de gérer efficacement sa consommation et ses ressources. Le développement de son programme nucléaire civil, problématique au regard des critères de non-prolifération, en est l'une des conséquences. La prise en compte des préoccupations de la Suisse dans le forum du Groupe des pays fournisseurs nucléaires (NSG) reste l'une des priorités à cet égard. C'est toutefois la promotion des énergies propres et des nouvelles technologies qui figure à l'agenda de la coopération future. Ainsi, les questions climatiques (relatives à la mitigation et à l'adaptation) et le fédéralisme constitueront des champs privilégiés pour la coopération au développement. La DDC cherche à la fois à capitaliser et
à développer l'expérience de la Suisse dans ces secteurs, tout en développant des collaborations régionales et trilatérales en Asie du Sud. De cette manière, les investissements de l'aide publique suisse pourront être valorisés et leurs acquis ancrés à long terme dans la réalité indienne, où la lutte contre la pauvreté demeure une priorité, notamment en vue d'éradiquer les causes de la violence et des discriminations.

Japon: le Japon occupe toujours une place prépondérante dans nos relations bilatérales, en raison de convergences systémiques profondes. En ce qui concerne les chiffres du commerce extérieur, le Japon a certes été dépassé par la Chine et par Hong Kong il y a quelques années, mais il demeure la destination principale des investissements helvétiques en Asie. Fin 2008, les investissements directs d'origine suisse au Japon s'élevaient à quelque 15 milliards de francs, soit 1,8 % du total de nos investissements directs à l'étranger. Selon des données japonaises, en 2009, 2,5 % des investissements directs étrangers au Japon provenaient de Suisse, ce qui plaçait notre pays au huitième rang. Les entreprises helvétiques emploient environ 64 000 personnes au Japon. En 2009, le volume des échanges bilatéraux entre les deux pays s'élevait à plus de 10,7 milliards de francs, après que la crise a provoqué un repli de quelque 4,3 % par rapport à 2008.

16

Message du 24 janvier 2007 relatif à l'encouragement de la formation, de la recherche, et de l'innovation pendant les années 2008 à 2011, FF 2007 1149.

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Le Japon, toujours considéré comme l'un des pays les plus innovants bien qu'il ait cédé le pas à la Chine en termes de pouvoir économique, est également un partenaire important dans les domaines scientifique et technologique. L'accord bilatéral du 10 juillet 2007 sur la coopération scientifique et technologique17 est l'un des reflets de ces échanges.

Ces dernières années, l'événement central de ces relations bilatérales est survenu le 1er septembre 2009 avec l'accord du 19 février 2009 de libre-échange et de partenariat économique18, qui constitue pour la Suisse le principal accord bilatéral de libreéchange depuis celui conclu avec la Communauté européenne. Il s'agit du premier arrangement de ce type que le Japon ait pris avec un pays industrialisé occidental.

Cet accord, qui revêt un caractère exemplaire pour de nombreux autres pays industrialisés, est l'expression de nos nombreux intérêts économiques communs et souligne les relations bilatérales étroites et structurées qui unissent nos deux pays.

Nos intérêts conjoints ont également généré des synergies au niveau des forums multilatéraux, notamment au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Sur ce plan, les aspirations communes qui seront mises en avant à l'avenir concernent principalement l'environnement, après Kyoto et Copenhague, la poursuite et l'intensification de la coopération scientifique et technologique, les réformes du système de l'ONU, les convergences en matière de coopération au développement (par ex. Banque asiatique de développement) et la non-prolifération des armes nucléaires. Cette collaboration bilatérale renforcée se situe également sur le terrain des échanges culturels, ou encore sur celui du dialogue régulier mené autour de questions régionales (presqu'île coréenne, Afghanistan, Pakistan), ou encore sur la démocratie, l'établissement d'institutions et la bonne gestion des affaires publiques dans les Etats tiers.

Par ailleurs, la Suisse reste le pays le plus apprécié des touristes nippons alors que, le Japon représente la deuxième destination asiatique préférée des Suisses, après la Thaïlande. Cette perception concordante, qui a des répercussions positives sur l'économie et le déplacement des personnes (tourisme, recherche, stages), a aussi indirectement débouché sur un important accord économique.

Sur la
base de la convergence et du mémorandum établissant le cadre d'une meilleure collaboration entre le Département fédéral des affaires étrangères de la Confédération suisse et le Ministère des affaires étrangères du Japon signé le 5 juillet 2010, il a été convenu de mettre en place un dialogue politique équilibré et différencié qui tienne compte de la vision perspicace du Japon dans ce domaine. Une approche politique commune entre les deux ministères doit permettre d'atteindre cet objectif ainsi que de systématiser et d'institutionnaliser les contacts bilatéraux au plus haut niveau.

En 2014, la Suisse et le Japon fêteront le 150e anniversaire de leur premier accord bilatéral: le traité d'amitié et de commerce de 1864. Ces prochaines années, et surtout celle que marquera cet événement, offriront l'occasion de développer la coopération avec un Japon proche de nous à de nombreux égards, dans un contexte asiatique en pleine métamorphose.

17 18

RS 0.420.463.1 RS 0.946.294.632

1020

Coopération avec d'autres partenaires régionaux La présence et les intérêts de la Suisse en Asie ne se résument toutefois pas à ces trois partenaires principaux. Ainsi, l'attention que la Suisse accorde aux pays musulmans, dans le cadre de sa politique extérieure (dialogue, sécurité), ne se limite pas au Moyen-Orient, puisque c'est en Asie du Sud et en Asie du Sud-Est que vivent les plus grandes communautés islamiques du monde: Indonésie, Pakistan, Malaisie notamment.

Dans la période récente, on a constaté dans plusieurs pays asiatiques, outre la permanence problématique de systèmes archaïques (castes, tribus), une aggravation de la violence religieuse et des clivages sociaux. Parallèlement, des avancées remarquables ont récemment été opérées ou sont en cours en matière de démocratie, notamment au Bhoutan, aux Maldives ou au Bangladesh. Un conflit interne sanglant a pris fin au Sri Lanka, tandis que le processus de réconciliation et de paix se poursuit au Népal. Au plan économique, ce sont aussi d'autres membres du G20, tels la Corée du Sud ou l'Australie, qui dégagent de fortes dynamiques que la Suisse peut mettre à profit. Ces divers développements amènent la Confédération à proposer et à mettre en oeuvre les instruments de sa politique extérieure, pour répondre à des nécessités et à des opportunités nouvelles.

On relève quatre catégories de pays, ni absolues ni contraignantes, mais laissant place aux évolutions propres des partenaires de la Suisse, dans cet espace Asie­ Pacifique: ­

Les pays systémiquement comparables (démocraties établies, niveau de développement similaire, bailleurs bilatéraux ou multilatéraux, pays partageant la même sensibilité, membres de l'OCDE, pays exposés aux mêmes défis de société).

­

Les partenaires essentiellement économiques (échanges économiques substantiels, investissements importants, systèmes politiques à tendance démocratique, destinations touristiques).

­

Les partenaires de développement (engagements bilatéraux forts, soutiens à la transition ou à la mondialisation, échanges économiques encore modestes).

­

Les destinataires de l'aide humanitaire et micro-Etats du Pacifique (pays généralement marginalisés, systémiquement vulnérables ou menacés dans leur existence par le changement climatique).

La catégorie des pays systémiquement comparables comprend notamment la République de Corée (Corée du Sud) ou l'Australie, deux puissances économiques parmi les quinze premières au niveau mondial, que la Suisse rencontre dans les forums multilatéraux, alors même que les rares problèmes bilatéraux sont gérés en courant normal. Ces pays sont pour la Suisse des points d'appui potentiels au sein du G20, et le profil des relations bilatérales, même s'il est d'une moindre intensité, est semblable à celui du Japon. Une intensification des contacts bilatéraux est en cours, de même qu'un travail plus conséquent sur l'image de la Suisse. La part des échanges économiques est solide, les investissements augmentent. Les avancées de ces pays dans les domaines de la recherche scientifique, de l'environnement et de la nonprolifération présentent des convergences significatives, avec la Nouvelle-Zélande notamment. La décision du Conseil fédéral d'une participation de la Suisse à l'Expo 2012 à Yeosu (Corée du Sud) est tout aussi emblématique dans ce contexte.

1021

Le groupe des partenaires essentiellement économiques comprend la plupart des membres de l'ASEAN, en particulier les pays fondateurs que sont la Thaïlande, l'Indonésie, les Philippines, la Malaisie et Singapour. Les relations économiques avec ces pays sont stables ou en hausse, et les investissements y sont bien implantés.

Les priorités de la Suisse à leur égard incluent un renforcement du cadre institutionnel, notamment par la conclusion d'accords de libre-échange. En outre, la majorité de ces Etats représentent des destinations appréciées des voyageurs suisses. Dans le contexte de l'adoption de l'initiative du 29 novembre 2009 sur les minarets, le maintien d'une bonne image de la Suisse revêt une importance accrue, en particulier dans les pays d'Asie du Sud-Est à population majoritairement musulmane. La Suisse continue de partager des intérêts économiques essentiels avec la Thaïlande, deuxième partenaire commercial de la Suisse dans la région et principale communauté helvétique en Asie. Ces liens présentent encore un potentiel de développement.

Singapour, notre premier partenaire commercial en Asie du Sud-Est, conserve une importance de premier plan pour notre pays en raison de son marché financier stratégique. Dans le cas de l'Indonésie, son appartenance au G20 et la présence du Secrétariat de l'ASEAN à Djakarta ouvrent des opportunités, qui ont été saisies, avec la nomination d'un ambassadeur suisse. Il a été décidé lors de la visite d'Etat de la présidente de la Confédération en juillet 2010 d'entamer des négociations sur un accord de libre-échange. Hors de l'ASEAN, le Pakistan et le Vietnam sont aussi d'importants partenaires économiques (commerce, investissements), tout en restant des partenaires de développement. Si les relations avec le Vietnam relevaient jusqu'ici surtout de la politique de développement, sa croissance économique constante ainsi que ses belles réussites en matière de lutte contre la pauvreté font évoluer les revenus du pays vers la moyenne supérieure. Cette progression confère au Vietnam un nouveau statut de pays prioritaire de la coopération économique au développement du SECO, parallèlement à la coopération bilatérale au développement de la DDC et au dialogue institutionnel en matière de droits de l'homme. C'est aussi ce qu'a montré la visite du président vietnamien
en Suisse en mai 2010.

Partenaires de développement: dans ces pays, les instruments de développement de la DDC et du SECO sont largement utilisés, de manière ciblée, pour la lutte contre la pauvreté et l'amélioration de la gouvernance (par ex. lutte contre la corruption).

Malgré leurs performances économiques hétérogènes, ces pays affichent néanmoins des perspectives intéressantes. Le bilan socio-économique de partenaires tels que le Vietnam, le Bangladesh ou le Pakistan se reflète fortement sur les ensembles sousrégionaux en raison des chiffres démographiques et de relations de voisinage difficiles. La présence locale de la Suisse est importante car le potentiel économique de ces pays est avéré, même s'il est soumis à des risques sécuritaires (Pakistan), institutionnels (Pakistan, Bangladesh) ou climatiques (Bangladesh, Vietnam). Comme dans le cas de l'Inde, la DDC procède à des adaptations au Pakistan dans le cadre de sa restructuration générale, afin d'exploiter au mieux les expériences tirées de plus de quarante années de coopération suisse au développement. Les conséquences des inondations d'août 2010 rendent en effet nécessaire une réévaluation de l'engagement car les investissements réalisés jusqu'ici peuvent difficilement être consolidés à long terme dans les circonstances actuelles. Enfin, le programme de la DDC au Mékong a pour but d'utiliser les expériences vietnamiennes fructueuses dans le travail de développement réalisé au Laos. En ce qui concerne les instruments du dialogue politique (paix, droits de l'homme), ils interviennent souvent en parallèle à des mesures de développement, par exemple au Népal ou au Sri Lanka.

1022

Destinataires de l'aide humanitaire: la problématique évoquée précédemment concernant l'hétérogénéité des progrès du développement en Asie est particulièrement visible dans trois pays qui jouent un rôle charnière: l'Afghanistan, le Myanmar et la République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord) influencent fortement leurs ensembles sous-régionaux, avec des répercussions plus ou moins directes sur la sécurité de ceux-ci, et de ce fait des conséquences pour la Suisse sur le plan du terrorisme, de la prolifération nucléaire, de la sécurité humaine ou du trafic de drogues. Poursuivant son engagement humanitaire dans ces pays, principalement en Afghanistan, la Suisse confirme ainsi sa solidarité avec la communauté internationale. Au Myanmar, notre pays intervient depuis 1998 déjà au travers d'une action humanitaire qui sera maintenue ces prochaines années et orientée en priorité vers les victimes du cyclone Nargis. Si les élections annoncées au Myanmar en 2010 aboutissent à des évolutions favorables, une extension de l'engagement humanitaire dans le pays sera envisagée.

Quant aux micro-Etats du Pacifique, leurs revendications sont dûment prises en compte par la Suisse, notamment dans les forums multilatéraux et régionaux traitant du changement climatique ou encore en facilitant leur présence sur la place de Genève, partant du principe que leur bienveillance envers les intérêts suisses peut y trouver sa réciproque.

Défis et perspectives Sur un continent aussi disparate que l'Asie-Pacifique, les grandes tendances doivent aussi être nuancées. Certes, les facteurs dynamiques représentés par la Chine et, dans une moindre mesure, par l'Inde et la Corée du Sud, présenteront toujours des opportunités de coopération importantes pour la Suisse. Mais on ne sous-estimera pas le Japon, car ce partenaire reste des plus solides, ne serait-ce que par la richesse des coopérations concrètes et accords qui le lient à la Suisse, ni l'Australie, où la présence de la Suisse est en constante expansion. Le potentiel de l'Indonésie, mutatis mutandis du Vietnam et, si elle règle son imbroglio politique, de la Thaïlande, vont continuer d'attirer l'attention des entreprises et à terme des milieux scientifiques suisses. C'est peut-être là, en effet, que réside l'atout majeur de la Suisse, au-delà des excédents commerciaux
récurrents avec ces pays: la plus value du savoir faire helvétique dans les domaines technologique, environnemental et énergétique (on pense à la force de traction d'un projet comme Solar Impulse par exemple) assurent à la Suisse des avantages comparatifs ainsi que des points d'entrée majeurs dans toute la région. La densification et le renforcement du réseau diplomatique et consulaire constituent des priorités essentielles pour assurer une meilleure visibilité de la Suisse. Une mise en réseau plus pointue avec les communautés de professionnels suisses à l'étranger y gagnera également, ainsi que l'élargissement et la diversification de la panoplie d'accords dans les domaines économique, financier, scientifique ou technologique.

Simultanément, les risques majeurs découlant des fragilités écologiques, démographiques, de sécurité et de prolifération dans cette région rappellent l'importance du maintien d'autres engagements, notamment dans les soutiens à la transition démocratique, la lutte contre le réchauffement et l'appui à la mise en place d'architectures de coopération et de sécurité. Continent de tous les espoirs et de toutes les croissances, l'Asie-Pacifique est aussi celui de tous les extrêmes et de tous les dangers. D'où l'importance de l'intensification de partenariats avec les institutions spécialisées (instituts de recherche, think tanks, banques de développement etc.) et de la mise en 1023

place de collaborations, bilatérales ou multilatérales, dans les domaines du changement climatique notamment. Forte du capital de confiance que lui confère à sa neutralité, la Suisse doit poursuivre ses bons offices dans le domaine de la sécurité humaine, à l'image de son engagement au Népal.

2.5

Politique à l'égard du Proche-Orient, du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord

Tendances actuelles dans la région Située à la croisée de différentes cultures, la grande région qui va du Maroc au golfe arabo-persique est un lieu de rencontre traditionnel entre l'Orient et l'Occident, une zone névralgique de passage, de communication et d'échanges. Cette région recèle également des réserves très importantes de pétrole et de gaz, un bien précieux pour le développement économique. De nombreux conflits armés essaiment cette région du monde. Au grave antagonisme israélo-arabe, vieux de plus de 60 ans et qui connaît une recrudescence de la violence, se superposent les événements d'Irak ainsi que la question du nucléaire iranien, ces facteurs étant susceptibles d'entraîner, à terme, un «remodelage» des équilibres régionaux. Une forte insécurité perdure, ce qui constitue une menace non seulement pour les pouvoirs en place, mais également pour l'ensemble de la communauté internationale. Cela va du risque de décomposition d'Etats aux frontières fréquemment artificielles et contestées, au développement d'un «islamisme» politique visant à remettre en cause l'ordre international établi et à la dislocation de l'autorité des pouvoirs étatiques au profit de groupes violents, bien organisés et armés, en passant par la prolifération des armes de destruction massive.

Les équilibres existants sont fragiles et des développements inattendus pourraient rapidement les remettre en cause. Se mêlent à la fois des volontés de changement, voire de rupture, et des tendances visant au maintien du statu quo. Les élites politiques locales peinent, dans ce contexte, à assumer leur rôle et leurs responsabilités tant chez elles que face à leurs voisins.

Les intérêts de la Suisse dans cette région, qui lui est proche géographiquement, sont multiples. Sur un plan stratégique tout d'abord, il s'agit pour la Suisse, comme pour l'ensemble de la communauté internationale d'ailleurs, d'y assurer une atmosphère de paix et de stabilité. Celle-ci est un élément important de sa propre sécurité, raison pour laquelle la Suisse contribue à l'amélioration des conditions économiques et du respect des droits de l'homme, de la promotion de la démocratie et de l'instauration d'un climat de paix et de dialogue dans l'ensemble de cette région. D'autre part, cette région est un grand producteur d'énergie à l'échelle mondiale,
énergie dont la Suisse a besoin pour sa propre expansion économique. C'est aussi un lieu d'origine ou de transit pour de nombreux requérants d'asile en direction du continent européen. Enfin, les marchés en développement dans cette partie du monde sont importants pour l'économie d'exportation et la place financière suisses.

Proche-Orient et Moyen-Orient Les priorités de la Suisse au Proche-Orient et Moyen-Orient sont la promotion de la paix ainsi que du respect du droit international public et humanitaire. Elles s'inscrivent dans des actions visant en particulier à soutenir les efforts des EtatsUnis et de l'Union européenne dans l'ensemble de la région. Le gouvernement Obama soutient en effet la solution à deux Etats dans le conflit israélo-palestinien et 1024

s'efforce de développer une politique de dialogue avec l'Iran et la Syrie, approche partagée par l'Union européenne. Dans ce contexte, les initiatives suisses visent à privilégier la voie diplomatique pour réduire les tensions prévalant dans la région.

La Suisse met ainsi en oeuvre une stratégie de dialogue avec l'ensemble des acteurs, en s'efforçant de promouvoir les négociations et la recherche de solutions. Pour mettre en oeuvre cette politique, elle travaille en étroite collaboration avec l'ONU et le CICR, avec des ONG nationales et internationales, mais aussi avec l'ensemble des acteurs concernés. De plus, la Suisse inscrit son action d'aide dans un cadre régional, tout en adaptant ses activités aux conditions locales et nationales.

Dans les domaines de l'aide humanitaire et de la coopération au développement, la Suisse s'investit en priorité dans la protection des droits de la population civile et des groupes vulnérables. De même, elle s'efforce de garantir l'infrastructure de base au travers de réseaux sociaux efficaces, ainsi que de promouvoir un développement socio-économique durable. A cet égard, les principaux groupes cibles sont constitués par les réfugiés palestiniens, les personnes déplacées et les réfugiés en Irak et dans les pays voisins, ainsi que d'autres groupes vulnérables sur un plan social et économique.

Pour réduire les dangers liés aux risques naturels dans toute la région, l'aide humanitaire de la Confédération fournit aux gouvernements des pays concernés une assistance pour mettre en oeuvre le «Cadre d'action» décidé par la conférence internationale de Hyogo de 2005 sur la réduction des risques naturels, par exemple en lançant des campagnes de sensibilisation sur le thème des séismes, en renforçant les capacités techniques des organisations partenaires ou encore en mettant sur pied des mécanismes de coordination nationale. Au cours des prochaines années, la Suisse s'occupera en priorité du thème de l'eau dans la région. L'accès à l'eau revêt une dimension à la fois sanitaire (satisfaction de besoins élémentaires), technique (agriculture) et sécuritaire.

Relations bilatérales: la Suisse et Israël mènent un dialogue politique régulier et étendu, la prochaine rencontre étant prévue dans la deuxième moitié le courant de l'année 2010. Les relations politiques sont ainsi
activées et bien développées. Ceci est surtout le cas pour les liens économiques, ce qui s'illustre par un volume d'exportations de la Suisse vers Israël s'élevant à CHF 927,4 millions en 2009 (Israël est le troisième partenaire commercial de la Suisse au Moyen-Orient) ainsi que par un volume d'investissements directs suisses en Israël de CHF 1,1 milliard et d'investissements directs israéliens en Suisse de CHF 1 milliard fin 2008. Près de 15 000 ressortissants suisses, dont une très grande majorité de doubles nationaux, résident en Israël. C'est la plus grande communauté suisse de la région.

Certaines divergences de vue existent sur le règlement du conflit israélo-arabe et sur les moyens de promouvoir une résolution des conflits affectant la région du MoyenOrient. Comme le reste de la communauté internationale, la Suisse ne reconnaît pas l'annexion israélienne de territoires (Jérusalem-Est et Golan) et elle considère les implantations israéliennes sur ces territoires, ainsi que celles qui se trouvent en Cisjordanie, comme illégales.

La Suisse note que dans la bande de Gaza en particulier, la situation humanitaire et les besoins de la population pour la reconstruction et le développement économique demeurent sans réponse tangible. La situation s'est détériorée depuis le récent conflit armé (de décembre 2008 à janvier 2009). La Suisse appelle régulièrement toutes les parties dont Israël, en tant que puissance occupante, à respecter leurs obligations. La 1025

sécurité d'Israël est un élément de grande importance pour la Suisse. Pour assurer cette sécurité, il est dès lors essentiel d'aboutir à un règlement durable du conflit israélo-arabe. Elle demande en particulier l'ouverture des points de passage vers la bande de Gaza, la cessation immédiate de la politique de colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire occupé palestinien, de même que celle de destruction d'habitations palestiniennes.

En outre, la Suisse maintient la nécessité d'assurer l'accès à Gaza pour l'aide humanitaire et la reconstruction, et elle a présenté devant le Conseil de sécurité des Nations Unies un projet pour la mise en place d'un mécanisme indépendant de gestion de l'aide humanitaire à Gaza. Finalement, répondant à la demande de l'Assemblée générale des Nations Unies, la Suisse, en tant qu'Etat dépositaire des Conventions de Genève, a engagé les démarches nécessaires auprès des Hautes Parties contractantes en vue de la tenue d'une éventuelle conférence visant à faire appliquer les Conventions dans le Territoire palestinien occupé. Elle a mené toute une série de consultations, afin de mieux connaître les positions des Etats parties sur la tenue d'une telle conférence, notamment en ce qui concerne les modalités et les résultats escomptés.

La République islamique d'Iran revêt une importance suprarégionale: d'une part, il s'agit de l'un des grands fournisseurs énergétiques potentiels, et d'autre part, le gouvernement iranien joue un rôle central dans la constellation politique de la région, exerçant une influence certaine dans les zones de conflit d'Afghanistan/ Pakistan, en Irak et en Palestine.

Depuis les élections présidentielles contestées du 12 juin 2009, l'Iran a été ébranlé par plusieurs vagues de protestations massives. En outre, le gouvernement iranien poursuit depuis fin 2002 un programme nucléaire dont la mise en place reste très floue pour l'opinion publique mondiale, mais qui a amené le Conseil de sécurité de l'ONU à adopter cinq résolutions assorties de mesures de sanctions contre le pays.19 C'est donc dans ce contexte tendu que se situent les relations bilatérales entre la Suisse et l'Iran, et ce cadre ne devrait pas évoluer ces prochaines années. En principe, ces relations sont fondées sur le dialogue. Même si leurs positions diffèrent souvent largement,
la Suisse comme l'Iran souhaitent poursuivre ces relations mutuelles. Depuis 2003, les deux pays mènent un dialogue relatif aux droits de l'homme.

Un autre élément essentiel des relations helvético-iraniennes réside dans le mandat de protection que la Suisse remplit en Iran depuis plus de 30 ans pour les Etats-Unis Ce mandat vise à assurer une protection consulaire aux citoyens américains en Iran.

Il représente aussi un canal de communication à disposition des deux pays. De bonnes relations avec l'Iran sont indispensables pour remplir cette mission, qui offre également à la Suisse un accès privilégié aux décideurs politiques américains et iraniens.

Concernant la question nucléaire, la Suisse a appliqué les résolutions susmentionnées du Conseil de sécurité de l'ONU. Néanmoins, et en l'absence de progrès entre l'Iran et la communauté internationale, la Suisse s'est efforcée de dialoguer avec toutes les parties impliquées, le but étant d'arriver à sortir de la défiance mutuelle.

19

Résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008), 1835 (2008) et 1929 (2010) du Conseil de sécurité de l'ONU.

1026

Elle a organisé, en étroite collaboration avec les UE 3+320 et l'Iran, les pourparlers de Genève 1 et 2 qui se sont tenus en juillet 2008 et octobre 2009. Ces débats ont permis d'aborder les fondements et les principes qui ont mené à la Déclaration commune de Téhéran en 2010. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté, le 9 juin 2010, de nouvelles sanctions contre l'Iran en raison de son programme nucléaire controversé, et le Conseil fédéral a décidé de mettre ces sanctions en application. La Suisse continue néanmoins de promouvoir le dialogue afin de favoriser une solution diplomatique.

Au Liban, la Suisse a appuyé le dialogue réunissant tous les partis importants durant la longue crise politique qu'a connue ce pays. Elle continue de soutenir les réformes menées par le gouvernement actuel, tant sur le plan interne que sur le plan régional.

En plus, la Suisse s'engage en faveur de l'aide aux réfugiés palestiniens vivant sur ce territoire, du soutien de migrants vulnérables et des projets de réduction des risques de catastrophes.

La chute du régime de Saddam Hussein, consécutive à l'intervention armée de la coalition internationale en Irak, en mars 2003, a bouleversé les données de la politique irakienne. Un «Gouvernement d'unité nationale» a été investi en mai 2006, mais celui-ci n'a pas cessé de s'effriter face aux défis à relever. Des élections législatives se sont déroulées avec succès le 7 mars 2010. Elles devraient être une étape cruciale dans le processus de reconstruction du pays, actuellement toujours en proie à de nombreuses incertitudes. L'avenir politique du pays reste en effet exposé à des risques de nouvelles flambées de violences, qui sont un sujet d'inquiétude pour la Suisse. Elle est représentée en Irak par son ambassade en Syrie.

Le Yémen est le plus instable et le plus pauvre des Etats arabes de la péninsule arabique. Son gouvernement est aujourd'hui confronté à plusieurs défis majeurs, dont celui de rétablir la stabilité interne suite à un fort mouvement de rébellion déclenché dans le Nord-Ouest par des rebelles se réclamant du zaïdisme, une branche du chiisme. Des éléments de l'organisation terroriste Al-Qaida sont aussi actifs sur le territoire yéménite. La Suisse est préoccupée par ces événements, qui menacent la sécurité internationale. C'est pourquoi elle a lancé
le programme «Protection dans la région», qui vise à octroyer le plus rapidement possible une protection efficace aux réfugiés dans la région. Cette action doit également contribuer à réduire les flux migratoires irréguliers, par exemple à destination de la Suisse. En outre, notre pays soutient les activités du Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR). Au niveau politique, la Suisse a entamé en mars 2009 un dialogue avec les autorités de Sanaa, ce qui a permis d'aborder d'éventuels domaines de coopération institutionnelle bilatérale. Elle se propose de continuer sur cette lancée et de poursuivre le dialogue.

Les Etats du Conseil de coopération du Golfe (Arabie Saoudite, Oman, Koweït, Qatar, Bahreïn, Emirats arabes unis) constituent l'un des groupes de pays les plus riches du monde. Etant donné les immenses réserves de pétrole et de gaz de cette région, l'expansion économique et l'investissement y sont considérables. La Suisse y renforce ses relations. Elle a ainsi élaboré une stratégie en matière d'affaires économiques extérieures pour les pays de cette région et a contribué à la préparation d'un accord de libre échange entre l'AELE et le Conseil de coopération du Golfe, qui a été signé le 22 juin 2009. De même, la Suisse et les Etats du Golfe discutent 20

Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie.

1027

des moyens de créer des synergies par la mise en place d'un réseau commun, à l'image de l'action menée dans le cadre de la coopération au développement et de l'aide humanitaire.

Afrique du Nord Les relations de la Suisse avec les pays de la région du Maghreb se sont intensifiées ces dernières années, exception faite de la Libye, avec laquelle la Suisse a connu de graves tensions. A l'origine de l'affaire, la détention d'un fils du leader de la révolution au cours de l'été 2008 à Genève, lorsque deux employés ont porté plainte contre le couple Kadhafi pour mauvais traitements. Le régime de Tripoli a alors réagi à l'arrestation du fils de son dirigeant par d'importantes sanctions contre la Suisse et par la détention de citoyens helvétiques séjournant en Libye. Deux d'entre eux n'ont pu quitter le pays qu'en 2010, après un long processus de négociations dans lequel le soutien apporté par différents gouvernements européens à la Suisse a joué un rôle primordial.

La politique suisse en Afrique du Nord repose sur quatre piliers: le dialogue politique, la coopération économique, l'approvisionnement en énergie, la migration. Le dialogue politique est entretenu avec tous les Etats riverains du Sud de la Méditerranée, hormis la Libye. Le dernier dialogue a eu lieu avec le Maroc en novembre 2009. Des accords de promotion et de protection réciproque des investissements sont par ailleurs en vigueur avec tous les pays du Maghreb; les plus anciens seront prochainement adaptés aux nouveaux besoins. Des accords de libre-échange AELE, favorisant les échanges commerciaux, sont déjà en place avec l'Egypte, le Maroc et la Tunisie, alors qu'un tel accord est en cours de négociation avec l'Algérie.

Le Maghreb est en première ligne en ce qui concerne le transit des personnes migrantes. Les candidats à l'émigration en provenance d'Afrique subsaharienne et d'Afrique orientale font peser une énorme pression sur le Maghreb. Beaucoup échouent dans cette région: ils ne peuvent pas continuer leur périple vers l'Europe et ne veulent pas rentrer dans leur pays d'origine. Les migrants en transit sont relativement mal protégés dans les Etats du Maghreb. La Suisse aide ces pays et les personnes concernées en organisant des projets visant à améliorer les conditions de vie et le statut juridique des migrants et à encourager leur
retour volontaire.

En outre, la Suisse s'engage au Maroc pour la sensibilisation de tous les acteurs aux risques de catastrophes naturelles et elle soutient les autorités aux niveaux national et régional pour l'élaboration de plans d'urgence.

Défis et perspectives Le conflit israélo-arabe, les situations de crises au Yémen et en Irak ainsi que les préoccupations concernant l'Iran mobiliseront l'attention de la Suisse au ProcheOrient et au Moyen-Orient au cours des prochaines années. La pression migratoire qui s'exerce sur le Maghreb ainsi que la possible radicalisation de groupements islamistes dans la région sont également des facteurs à ne pas négliger. Les relations avec la Libye se sont certes apaisées depuis l'entente sur une procédure d'arbitrage et le départ des derniers citoyens suisses retenus, mais il faudra encore un certain temps pour parvenir à une normalisation bilatérale pleine et entière.

La Suisse fait face à ces défis en agissant activement en faveur de la promotion de la paix et de la stabilité dans la région. Son action se concentre de manière prioritaire sur les questions humanitaires et le respect du droit international humanitaire. Et, 1028

bien que partageant pour une très grande part les objectifs de sécurité et de stabilité des Etats-Unis et de l'Union européenne dans cette partie du monde, la Suisse mise sur une stratégie de niche reposant notamment sur le dialogue et sur la médiation. A cette fin, elle s'engage pour la promotion du droit international et pour l'inclusion de toutes les parties au conflit dans les processus devant conduire à une paix durable.

Elle soutient des projets d'aide humanitaire, de coopération au développement et de coopération économique (accords de libre-échange et de protection des investissements).

2.6

Politique à l'égard de l'Afrique subsaharienne

Tendances actuelles dans la région En 2009, l'importance stratégique de l'Afrique subsaharienne a continué à croître, tant au niveau économique que sécuritaire.

Au niveau économique, la crise globale des deux dernières années et la chute des cours des matières premières ont, dans un premier temps, provoqué de fortes diminutions des recettes des Etats exportateurs. Toutefois, la rapide remontée des cours a démontré qu'en dépit d'une diminution de l'activité économique mondiale, les marchés restent fortement demandeurs de matières premières et demeurent donc dépendants des ressources du continent africain.

Au niveau sécuritaire, la fragilité institutionnelle de certains Etats, le manque de contrôle étatique sur de vastes zones géographiques, les tensions interethniques, ainsi que la pauvreté et l'absence de perspectives économiques génèrent de forts mouvements migratoires et favorisent le développement d'associations criminelles.

La détérioration de la situation sécuritaire dans certaines régions d'Afrique a un impact, non seulement sur les échanges économiques globaux, mais également sur la sécurité internationale. La recrudescence des actes de piraterie, notamment au large des golfes d'Aden et de Guinée, en est un exemple frappant. Il en est de même au Sahel, avec l'augmentation des enlèvements de ressortissants étrangers et de l'extorsion de rançons par des associations criminelles ayant, pour certaines d'entre elles, fait allégeance à Al-Qaïda.

L'importance stratégique de l'Afrique au niveau environnemental est peu thématisée en dépit des conséquences mondiales d'une détérioration accélérée des ressources naturelles du continent. La forêt tropicale du centre de l'Afrique constitue en effet l'un des poumons de la planète et le continent africain, dans son ensemble, abrite une diversité végétale et animale exceptionnelle. L'instabilité politique de certains pays, la pauvreté, la pression démographique et la forte demande internationale pour les ressources naturelles de l'Afrique mettent en danger l'équilibre environnemental régional et, au-delà, celui de la planète. L'impact négatif des catastrophes naturelles, telles que les sécheresses et les inondations, en est ainsi accru.

L'Afrique compte à elle seule près d'un milliard d'habitants, soit près d'un sixième de la population mondiale. Néanmoins,
elle ne contribue qu'à hauteur de 4 % au produit intérieur brut mondial. Au niveau économique, les échanges entre la Suisse et les pays d'Afrique sont très faibles, puisqu'ils ne représentent que 2 % de l'ensemble des échanges commerciaux de la Suisse en 2009. Le potentiel de développement des échanges dans cette partie du monde est par conséquent considérable.

1029

Les investisseurs suisses sont peu présents sur le continent africain, en raison notamment d'une perception négative de ses conditions cadres. L'existence de systèmes judiciaires fiables et transparents, l'absence de corruption et l'établissement de règles de procédure simples en matière d'investissements sont autant d'éléments qui devraient être renforcés pour favoriser l'essor des affaires. Mais ce sont avant tout la paix et la garantie d'une stabilité politique à long terme qui pourraient inciter les entrepreneurs suisses à investir davantage en Afrique.

L'Afrique compte actuellement 33 des pays les plus pauvres du monde, 300 millions d'habitants vivent avec moins d'un dollars par jour. Un environnement politique stable et paisible permettrait de développer pleinement le potentiel considérable du continent africain et de générer ainsi l'espoir d'un avenir meilleur pour les populations défavorisées. Portées par une vision d'avenir positive, les populations de pays tels que le Nigeria, l'Erythrée, la Somalie ou la République démocratique du Congo (RDC) seraient moins incitées à se lancer dans les circuits périlleux de l'immigration illégale.

La Suisse a donc intérêt à contribuer au développement durable et à la stabilité tant politique qu'économique du continent. Elle soutient activement plusieurs pays dans leurs efforts pour atteindre les Objectifs du Millénaire. Sept des douze pays prioritaires de la coopération au développement de la Confédération se trouvent en Afrique, ainsi que 2 programmes spéciaux21. L'action de promotion de la paix de la Suisse s'est aussi fortement intensifiée au cours des dernières années (voir également ch. 5.2). L'aide suisse est présente lors de chaque crise humanitaire pour soulager les souffrances des populations affectées.

L'engagement actif de la Confédération en Afrique subsaharienne lui a permis de développer de bonnes relations avec la majorité de la région. Ces relations sont importantes dans le monde globalisé et multipolaire d'aujourd'hui. Elles permettent de défendre les intérêts de la Suisse sur un continent qui prend de plus en plus d'importance sur la scène internationale. Elles ont également permis d'obtenir des aides précieuses de la part du Burkina Faso et du Mali pour la libération des otages kidnappés au Sahel. La présence de la Suisse, qui se
traduit par un réseau dense de représentations (15 ambassades et 26 consulats), permet également d'apporter un soutien efficace aux 14 000 ressortissants suisses établis sur le continent.

Afrique australe L'Afrique du Sud représente un interlocuteur stratégique de la Suisse, ainsi que son principal partenaire commercial en Afrique subsaharienne et le premier client des exportateurs suisses sur le continent. Après le succès de la Coupe du monde de football de l'été 2010, le pays affiche sa nouvelle assurance. C'est pourquoi la Suisse s'engage en faveur d'une coopération dans tous les domaines présentant un intérêt commun pour les deux pays. En mars 2008, un protocole d'accord (MoU) a été signé à l'occasion d'une visite de travail officielle de la ministre sud-africaine des affaires étrangères, afin de renforcer la collaboration sur le plan de la politique, de l'économie, du développement, de la promotion de la paix, de la formation, de la science et de la culture. De même, ce protocole a également débouché sur un dialogue politique régulier entre représentants de haut rang des deux pays ainsi que sur la mise en place, en mai 2008, d'une commission mixte bilatérale chargée des ques21

Cf. Message du 14 mars 2008 concernant la continuation de la coopération technique et de l'aide financière en faveur des pays en développement, FF 2008 2595.

1030

tions économiques. En outre, le Conseil fédéral a adopté en 2007 une Stratégie de politique économique extérieure pour l'Afrique du Sud.

En 2009, les relations avec l'Afrique du Sud étaient placées sous le signe de la concrétisation et de la consolidation de la coopération institutionnalisée par le MoU.

En décembre 2009, Pretoria a accueilli les secondes consultations de haut niveau sous la direction du Secrétaire d'Etat du DFAE. Lors de la rencontre, la coopération trilatérale au développement, la promotion de la paix et le désarmement ont été identifiés comme des domaines dans lesquels la collaboration pouvait être intensifiée.

Dans sa volonté de nouer de plus étroites relations scientifiques avec les nations émergentes, la Suisse a conclu fin 2007 un accord de coopération scientifique et technologique avec l'Afrique du Sud. Celle-ci est l'un des huit pays non européens avec lesquels les relations scientifiques doivent être étendues et approfondies en priorité et de manière ciblée. Début 2009, une deuxième série de huit projets communs de recherche a été lancée dans les domaines de la santé publique et de la biomédecine, des biotechnologies et des nanotechnologies, ainsi que des sciences humaines et sociales.

En matière de coopération au développement, la Suisse opère en Afrique australe un programme régional orienté vers les grands défis de la Southern African Development Community (Communauté de développement de l'Afrique australe ­ SADC): insécurité alimentaire, lutte contre le VIH/SIDA et problèmes de gouvernance. Dans le cadre de la coopération bilatérale, des programmes sont menés en Afrique du Sud, en Tanzanie, au Mozambique et au Zimbabwe. En 2009, l'accent était mis dans la région sur l'élaboration d'un programme relatif au changement climatique. D'autres projets sont consacrés à l'accès au système judiciaire ou à la formation professionnelle. En Tanzanie et au Mozambique, qui sont des pays prioritaires, la coopération suisse au développement intervient aux niveaux de la santé, du développement économique et de la gouvernance. Au Zimbabwe, la Confédération fournit une aide humanitaire à la population sous forme d'assistance alimentaire et au travers d'un programme de relance de la production agricole dans le Sud du pays. Elle apporte également son soutien dans le domaine de la santé
avec des actions destinées à décentraliser les traitements anti-rétroviraux et à prévenir des épidémies de choléra.

Région des Grands Lacs Les années 2010 à 2011 seront cruciales pour l'évolution politique et la stabilité des pays de la région des Grands Lacs, lesquels s'acheminent tous vers des échéances électorales (République démocratique du Congo (RDC), Rwanda, Burundi, Ouganda). Si les contextes nationaux sont différents, les enjeux de ces prochaines élections sont identiques. Le risque que les rivalités politiques soient sources d'instabilité dans des environnements sécuritaires déjà très fragiles existe. Les tensions pourraient être exacerbées par un éventuel durcissement des autorités à l'égard des partis d'opposition et par la persistance des problèmes structurels des pays de la région des Grands Lacs: faiblesse de l'Etat de droit, violations des droits de l'homme et impunité, dégradation de l'environnement, problèmes fonciers, exploitation illégale des ressources naturelles et extrême pauvreté.

La Suisse poursuit son programme régional de coopération au développement au Burundi, au Rwanda et en RDC, en mettant l'accent sur la santé et sur la consolidation de la paix. La stratégie 2009 à 2012 du DFAE pour la région des Grands Lacs 1031

renforce l'approche complémentaire et coordonnée dans les domaines de la coopération au développement, de la politique de paix et de l'aide humanitaire. L'objectif de la Suisse est de promouvoir la paix, la stabilité et la sécurité dans la région, en contribuant à l'intégration régionale ainsi qu'au développement institutionnel et social de ces trois pays. Un accent particulier est mis sur le renforcement de la société civile et sur le suivi des processus électoraux.

La Suisse assure, depuis juin 2009, la présidence de la Configuration Burundi de la Commission de consolidation de la paix des Nations Unies. Elle met ainsi ses connaissances approfondies de la situation politique et sociale du Burundi au profit des institutions onusiennes.

La RDC succédera à la Suisse à la présidence de la Conférence ministérielle de la francophonie en 2011 et sera appelée, à ce titre, à organiser le 14e Sommet de la francophonie en 2012. Le voyage du chef du DFAE en RDC, en février 2010, a permis d'amorcer un dialogue sur les contours d'une future collaboration entre les deux pays dans le cadre de la francophonie.

Afrique orientale et Corne de l'Afrique Corne de l'Afrique: la Corne de l'Afrique est une région fortement déstabilisée en raison de conflits interétatiques récurrents (notamment entre l'Ethiopie et l'Erythrée), des velléités indépendantistes de plusieurs régions et de l'incapacité du gouvernement fédéral de transition somalien à imposer son contrôle sur le territoire somalien, malgré le soutien de la force de l'Union africaine.

L'instabilité de la Corne de l'Afrique en général et plus spécifiquement la faiblesse des institutions étatiques en Somalie ont trois conséquences majeures pour la communauté internationale: premièrement, les nombreux déplacements de populations affectées par la guerre civile au Sud et au centre de la Somalie génèrent de fortes pressions migratoires dans les pays de la région, mais également au Moyen-Orient et en Europe; deuxièmement, l'absence d'Etat de droit constitue un terreau fertile pour le développement de la piraterie dans le golfe d'Aden, route maritime d'importance stratégique pour les échanges commerciaux internationaux; troisièmement, le renforcement du contrôle du territoire somalien par les milices Al-Shabaab et la progression de l'extrémisme en général font craindre
une exportation du conflit somalien sous la forme d'actes terroristes dans la région et en Occident.

L'engagement de la Suisse dans la Corne de l'Afrique repose sur deux piliers: l'aide humanitaire et la promotion de la paix. Au vu des besoins croissants des populations déplacées, le DFAE a renforcé son engagement humanitaire en Somalie, en Ethiopie et au Kenya. Le Département développe aussi des activités en faveur de la promotion de la paix, notamment dans la lutte contre l'impunité et dans le soutien au processus d'élaboration de la constitution somalienne. Le DFJP et le DFAE collaborent également en faveur du développement et de la mise en oeuvre d'instruments pour la protection des populations civiles déplacées. En 2009, les Chambres fédérales se sont prononcées contre une participation de la Suisse à l'opération Atalante de l'UE visant à lutter contre la piraterie dans le golfe d'Aden. Le DFAE a par conséquent décidé de renoncer à l'élaboration d'un programme spécial de la DDC dans la Corne de l'Afrique.

Soudan: le Soudan s'apprête à vivre le référendum de 2011 sur la question de l'indépendance du Sud-Soudan. Ce scrutin comporte un risque considérable de conflit car les modalités d'une éventuelle sécession du Sud ne sont pas clairement 1032

établies, notamment en ce qui concerne la répartition des réserves de pétrole ou l'établissement des frontières. En outre, de par la faiblesse de ses structures étatiques, le Sud-Soudan a besoin d'aides massives pour assurer la capacité de maintien d'un Etat indépendant. La Suisse contribue aux négociations entre le Nord et le Sud dans le cadre de l'accord global de paix de 2005. Elle offre, entre autres, un soutien à la préparation de l'après-référendum.

L'aide humanitaire de la Confédération fournit une assistance depuis 2004 aux populations du Darfour, notamment dans les domaines de la protection des civils, de l'aide d'urgence et de la sécurité alimentaire ainsi que des services sanitaires de base. Des contributions sont également apportées en matière de droits de l'homme et de soutien au processus de paix.

Afrique centrale et occidentale L'Afrique centrale et occidentale compte parmi les régions les plus pauvres et les plus instables du monde. La paupérisation croissante et la forte insécurité alimentaire sont encore aggravées par le changement climatique, la croissance démographique et la crise économique mondiale. Une mauvaise gouvernance, des Etats fragiles, des crises politiques et des conflits armés menacent par ailleurs la stabilité de la région. L'accès aux matières premières (minerais) attise également les convoitises et les conflits.

Après les conflits sanglants qui ont déchiré le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée Bissau, ces pays traversent une phase fragile de reconstruction. Dans certains Etats comme la Mauritanie, la Guinée et le Niger, les atteintes gouvernementales à la démocratie ont provoqué des putschs militaires ces deux dernières années. En Côte d'Ivoire, la démocratie et la stabilité n'ont pas encore pu être rétablies après la fin de la guerre civile.

A l'instabilité politique s'ajoutent la propagation du terrorisme et du crime organisé.

La présence grandissante d'Al-Qaïda dans certaines régions du Sahel (Mauritanie, Nord du Mali, Nord du Niger) affecte également la stabilité de cette zone. Touristes comme travailleurs humanitaires sont la cible d'enlèvements, qui ont notamment frappé deux Suisses l'année dernière. Les pays du Sahel laissent ainsi échapper de précieuses recettes touristiques et compromettent par ailleurs les activités des organisations humanitaires. En
outre, le crime organisé prospère dans les zones ou l'Etat ne peut assurer son monopole sur la sécurité, avec à la clé trafics de drogues et d'armes, ou encore traite d'êtres humains.

Il convient toutefois de relever certaines évolutions positives. Le Ghana a par exemple connu un changement de pouvoir pacifique et démocratique en 2008. En de nombreux endroits, on observe une montée en puissance de la société civile, qui n'hésite plus à se protéger contre les prises de pouvoir abusives et à défendre ses droits démocratiques. Par ailleurs, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) joue un rôle croissant en encourageant par exemple le développement d'une politique agricole régionale, ou en soutenant des programmes d'investissement régionaux. En outre, la CEDEAO oeuvre pour la paix dans de nombreuses zones en crise. La Suisse coopère actuellement avec la CEDEAO dans le renforcement de la composante civile des opérations africaines de soutien à la paix.

La Suisse a renforcé son engagement pour la politique de paix dans la région, en particulier au Mali, au Niger et au Tchad. Elle apporte son savoir-faire aux institu1033

tions nationales et régionales afin de renforcer les compétences locales en matière de résolution des conflits. La promotion de la paix dans la région prend en compte sa dimension largement francophone et les besoins spécifiques que cela implique. En outre, des experts policiers et douaniers sont envoyés dans des missions de l'ONU dans le cadre du Pool d'experts pour la promotion civile de la paix, notamment en Côte d'Ivoire (ONUCI), en Guinée Bissau (ONUGBIS) et désormais au Liberia (MINUL). Par ailleurs, le DFAE étudie l'ouverture d'un nouveau dialogue relatif aux droits de l'homme avec un pays d'Afrique de l'Ouest. De plus, le DFJP et le DFAE collaborent dans la concrétisation d'un partenariat migratoire avec le Nigeria qui prendrait en compte les intérêts migratoires des deux pays (migration et développement par exemple).

Défis et perspectives L'Afrique dispose de richesses et de potentiels immenses: une population jeune, des ressources en matières premières abondantes, de vastes terres arables faiblement exploitées, une diversité géographique impressionnante, de nombreuses opportunités pour le développement économique et touristique, etc.

Sollicités de toute part par les grandes puissances qui s'intéressent à leurs ressources, les pays africains voient leur influence grandir sur la scène internationale. Les visites bilatérales se succèdent, les aides publiques augmentent. Tout le monde veut contribuer au développement de l'Afrique et, pourtant, la croissance est relativement faible (bien que le continent récupère plus rapidement qu'une grande partie du monde de la crise économique de l'année dernière), les guerres fratricides se succèdent, le continent ne trouve toujours pas la clé de son développement.

En effet, certains pays africains se développent, tandis que d'autres stagnent ou régressent, mais tous sont encore loin du dynamisme économique observé en Asie au cours des deux dernières décennies. Si la diversité socio-politique du continent ne permet pas d'apporter des explications simples à cet état de fait, il est néanmoins possible de souligner certains facteurs déterminants, tels que l'impuissance des institutions étatiques ou le faible niveau de scolarisation.

L'intérêt accru pour l'Afrique sur la scène internationale apporte de nouveaux défis pour la Suisse. Face à l'entrée en
jeu de nouvelles puissances telles que la Chine, le Brésil ou l'Inde, le poids relatif de l'engagement suisse sur le continent diminue et, avec lui, sa capacité d'influence. Pour un pays prioritaire de l'aide au développement suisse comme la Tanzanie, le montant octroyé par la Confédération correspond à 1,5 % de l'aide globale. En matière d'investissements et de relations commerciales, la Suisse perd chaque année un peu de terrain par rapport à ses nouveaux concurrents.

Pour être sûre de rester un partenaire intéressant pour les pays phares du continent, la Suisse ne doit pas seulement compter sur ses contributions en matière de développement et de promotion de la paix, elle doit aussi renforcer les liens politiques de haut niveau avec les dirigeants des pays africains. La plupart d'entre eux se rendent régulièrement à Genève dans le cadre de conférences internationales. Le DFAE profite de ces occasions pour les inviter de manière bilatérale et pour développer un dialogue constructif permettant de nous communiquer nos attentes respectives.

Sur le terrain, la Suisse renforce la collaboration avec les groupes d'intérêts qui lui sont proches et participe activement aux discussions internationales organisées au sujet de différents pays africains. Ces réunions permettent de contribuer aux efforts 1034

de la communauté internationale en mettant à disposition au niveau politique l'expertise suisse sur le terrain en matière de coopération au développement ou de promotion de la paix. Ainsi, c'est grâce à la mise en valeur de l'ensemble de ces instruments que la Suisse a obtenu la présidence de la Configuration Burundi de la Commission de consolidation de la paix à New York.

Dans le contexte des changements qui bouleversent les rapports de force internationaux et de la montée en puissance des pays émergents, le maintien de relations bilatérales établies sur une base universelle restera essentiel pour permettre à la Suisse d'exercer une influence internationale dans les domaines qui concernent sa politique extérieure et la sauvegarde de ses intérêts. L'autodétermination nationale restant plus que jamais un facteur déterminant de la politique internationale, il conviendra encore à l'avenir d'entretenir et de développer des contacts directs efficaces avec des centres décisionnels nationaux. Face à une mondialisation croissante, ce réseau de contacts permettra à la Suisse de consolider sa position sur le terrain très compétitif des échanges internationaux. De plus, elle pourra mieux s'affirmer dans les processus multilatéraux, pour lesquels les décisions sont généralement prises dans les capitales nationales. Enfin, la qualité de ses contacts constituera également un atout dans les affaires litigieuses, comme les débats fiscaux avec nos voisins européens et les Etats-Unis, ou encore le dossier libyen. Dans de tels cas, il est important de pouvoir compter sur le soutien de partenaires avec lesquels nous sommes unis par des relations bilatérales étroites et de qualité.

Il est donc dans l'intérêt de la Suisse de continuer à entretenir des relations bilatérales intenses et universelles. La politique extérieure helvétique dispose pour cela d'un précieux instrument, à savoir son réseau de représentations. Celui-ci doit satisfaire les différentes exigences des domaines politiques prioritaires pour la Suisse et offrir une souplesse suffisante pour nous permettre de nous adapter à l'évolution du contexte international.

3

Organisations et enceintes mondiales et régionales

3.1

Multilatéralisme touchant à la politique, à la sécurité et au droit

3.1.1

ONU

Constellation générale, développements récents et défis Au sommet mondial de 2005, les chefs d'Etat et de gouvernement avaient adopté toute une panoplie de réformes visant à mettre l'ONU mieux à même de relever les défis du XXIe siècle: remplacement de la Commission des droits de l'homme par le Conseil des droits de l'homme, mise en place d'une architecture onusienne de consolidation de la paix, réaffirmation des Objectifs du Millénaire pour le développement, amélioration de la coordination et de la cohérence des activités opérationnelles de terrain de l'ONU («cohérence de l'ensemble du système»), reconnaissance du principe de la «responsabilité de protéger», consolidation des institutions, des instruments et des processus internationaux de protection de l'environnement («gouvernance internationale de l'environnement»), et réforme du Secrétariat de l'ONU.

Le consensus durement acquis s'est toutefois révélé fragile: les vieux conflits d'intérêts sont ressortis et l'édifice soigneusement équilibré a vacillé dès que l'on est 1035

passé à la mise en oeuvre et à la négociation distincte des réformes. Outre les processus de réforme proprement dits, de nombreuses résolutions à récurrence annuelle de l'Assemblée générale ont été utilisées pour remettre en cause les acquis de 2005 ou les renégocier. Vue de l'extérieur, l'ONU est ainsi de plus en plus apparue ces dernières années comme une organisation figée, largement centrée sur elle-même.

Le réveil a été brutal quand la crise économique et financière mondiale est venue jeter une lumière crue sur les interdépendances et leur corollaire de vulnérabilités nées de la mondialisation. Un puissant acteur s'est alors dressé sur la scène multilatérale: le Groupe des 20 (G20), qui dès 1997, lors de la crise financière asiatique, avait rassemblé de grands pays industrialisés et en développement au rôle systémique, a pris les choses en main en déployant un ample train de mesures, s'imposant promptement comme l'enceinte maîtresse de la coopération économique internationale.

Ce développement avait bien fait ressortir les forces et les faiblesses de l'ONU: contrairement au G20, elle peut s'appuyer sur son universalité thématique et géographique pour prendre des décisions d'une légitimité incontestée, qui ont ainsi de bonnes chances d'être mises en oeuvre au niveau national. Mais c'est cette même universalité qui l'empêche aussi de prendre des décisions rapides et concrètes. La situation de 2009 a été symptomatique à cet égard: alors que les membres de l'ONU passaient beaucoup de temps à s'interroger sur la question de savoir si l'enceinte multilatérale compétente en matière économique était l'ONU ou le G20, ce dernier s'affirmait de facto par son action prompte et résolue. La solution de compromis pourrait consister à ce que le G20 et l'ONU prennent désormais de concert les mesures opérationnelles qui s'imposent. Depuis, un groupe suprarégional de pays n'appartenant pas au G20 ­ dont la Suisse ­ a formé le 3G («groupe de gouvernance globale») pour proposer des formules de structuration de la coopération entre l'ONU et le G20.

La crise économique et financière aura aussi pour conséquence à l'ONU que les pays donateurs, sous la pression des contraintes financières, auront tendance à ouvrir moins généreusement leurs budgets aux contributions volontaires destinées aux fonds et programmes de
l'organisation.

L'ONU est actuellement toujours en chantier. Elle l'est d'abord au sens propre, puisque son siège de New York fait l'objet jusqu'en 2013 de sa première rénovation complète depuis sa création, avec une enveloppe de quelque 1,9 milliard de dollars.

Mais aussi au sens figuré, car les réformes ci-dessus se poursuivent en 2010, et toute une série de processus prévus dans le document final du sommet de 2005 doit démarrer, notamment le réexamen du fonctionnement de la Commission de consolidation de la paix et du Conseil des droits de l'homme. 2010 est donc une année de réformes; mais contrairement à ce qui s'était passé en 2005, les divers processus de réforme doivent être abordés séparément, au moins en théorie, et il sera plus difficile d'arriver à un ensemble équilibré.

Les intérêts contradictoires des pays industrialisés et en développement donnent toujours lieu aux mêmes épreuves de force, mais des dissensions apparaissent et la situation devient plus complexe. Les négociations climatiques, en particulier, ont montré que les pays en développement ne forment plus un bloc soudé. Les pays particulièrement menacés par les changements climatiques, comme les petits Etats insulaires, adoptent sur de nombreux points des positions très proches de celles des pays occidentaux. En entrant au G20, certains pays en développement démographi1036

quement lourds ont par ailleurs acquis un statut spécial qui ne favorise pas nécessairement la cohésion parmi les pays en développement. Quant à l'UE, malgré le Traité de Lisbonne, elle peine toujours à définir des positions communes, notamment sur le Proche-Orient ou la réforme du Conseil de sécurité, pour ne citer que les cas les plus manifestes. Cela pourrait avoir l'avantage de casser la mentalité de bloc à l'ONU, au moins dans une certaine mesure.

L'arrivée au pouvoir de Barak Obama a été accueillie avec soulagement au sein de l'ONU, mais elle a aussi éveillé des attentes. Le nouveau gouvernement des EtatsUnis est initialement parvenu à rendre crédibles les changements proclamés: l'annonce de la fermeture du camp de Guantanamo; l'élection au Conseil des droits de l'homme, jusque-là très critiqué, au printemps 2009; une attitude bienveillante à l'égard de la Cour pénale internationale (CPI); des positions constructives dans les négociations sur le climat; un nouveau départ dans les relations avec la Russie et une disposition générale au dialogue ­ même avec l'Iran. Ces signes les plus visibles du changement ont détendu l'atmosphère à l'ONU. Mais il est rapidement devenu clair qu'il ne fallait attendre aucun recentrage radical de la politique extérieure des EtatsUnis, surtout sur la question du Proche-Orient.

Engagement de la Suisse Depuis son adhésion, la Suisse est un membre actif et innovant à l'ONU. Elle a su faire entendre sa voix sur de nombreuses questions, comme la création du Conseil des droits de l'homme, la réforme du Conseil de sécurité, la politique environnementale ou la promotion de l'Etat de droit. L'ONU donne à la Suisse la possibilité de contribuer à la solution de problèmes globaux, d'assumer sa part de responsabilité et de promouvoir ses intérêts nationaux.

L'année 2009 a été particulièrement bonne pour la Suisse, qui a notamment accru la visibilité de son engagement par toute une série de charges prestigieuses. On peut entre autres citer dans ce contexte la présidence suisse de la Commission des questions administratives et budgétaires de la 64e session de l'Assemblée générale. Elle a par ailleurs pris au mois de juillet 2009 la tête de la configuration pour le Burundi à la Commission de consolidation de la paix. Mais son plus grand succès est sans nul doute que sept ans
à peine après l'adhésion de la Suisse à l'ONU, son ancien conseiller fédéral Joseph Deiss a été proposé par le groupe des Etats d'Europe occidentale et autres (GEOA) pour assurer la présidence de la 65e session, puis élu à cette fonction au mois de juin 2010. M. Deiss dirige l'Assemblée générale depuis septembre 2010 pour un an, ce qui rehausse le statut de la Suisse au sein du système des Nations unies.

Paix et sécurité Réforme du Conseil de sécurité: les membres de l'ONU ont imprimé en février 2009 un nouvel élan au débat sur la réforme en entamant des négociations informelles en séance plénière à l'Assemblée générale. Malgré cette valorisation institutionnelle, le débat sur l'élargissement reste dans l'impasse. La solution transitoire de compromis que soutient la Suisse pour combler le fossé entre partisans et opposants de nouveaux sièges permanents prévoit la création d'une nouvelle catégorie de sièges non permanents à mandat prolongé. Mais la Suisse continue de s'intéresser en priorité à la réforme des méthodes de travail du Conseil de sécurité; au sein d'une initiative diplomatique conjointe, elle cherche avec le Costa Rica, la Jordanie, le Liechtenstein et Singapour (S5, Small Five) à obtenir notamment une meilleure transparence et 1037

une implication accrue de l'ensemble des membres de l'organisation dans les travaux du Conseil.

Lutte contre le terrorisme: la tentative d'attentat du 25 décembre 2009 contre un avion de la Northwest Airline à destination de Detroit a ravivé l'inquiétude de l'opinion publique internationale concernant le terrorisme international. La lutte contre ce fléau n'a néanmoins jamais cessé d'occuper l'agenda onusien de façon prioritaire depuis les attaques du 11 septembre 2001. Si elle était dans un premier temps l'apanage des membres du Conseil de sécurité, la lutte contre le terrorisme préoccupe depuis septembre 2006, date de l'adoption de la Stratégie antiterroriste mondiale par l'Assemblée générale, l'ensemble des Etats membres de l'ONU.

La Suisse a contribué activement à la mise en oeuvre de la Stratégie, en lançant en décembre 2007, en partenariat avec le Costa Rica, le Japon, la Slovaquie et la Turquie, un «processus international de coopération antiterroriste». Les conclusions du processus, en juillet 2008, ont notamment appelé à la création d'un réseau des points focaux nationaux en matière de lutte contre le terrorisme.

Par ailleurs, la Suisse continue à collaborer activement avec les sous-comités du Conseil de sécurité en charge de la lutte contre le terrorisme et participe au Groupe d'action contre le terrorisme du G8. Elle s'engage à apporter un soutien financier et technique à certaines régions ou pays requérant un accompagnement dans la mise en oeuvre de leurs obligations onusiennes.

Sanctions contre Al-Qaïda et les talibans: ces dernières années, la problématique du respect des droits fondamentaux dans le domaine des sanctions ciblées instaurées par le Conseil de sécurité, en particulier les procédures d'inscription et de radiation de personnes et d'entités sur les listes gérées par le Comité des sanctions concernant Al-Qaïda et les talibans, a suscité une attention croissante. De nombreux Etats membres se sont vus confrontés à des difficultés dans la mise en oeuvre de ces sanctions, notamment dans le cadre de recours au niveau des juridictions européennes.

C'est pourquoi la Suisse, accompagnée d'un groupe d'Etats aux idées similaires (Allemagne, Belgique, Costa Rica, Danemark, Finlande, Liechtenstein, Norvège, Pays-Bas et Suède), s'est activement engagée en faveur de l'amélioration de
ces procédures. Elle a ainsi formulé diverses recommandations visant à renforcer la légitimité et l'efficacité du système, avec pour but l'établissement d'une procédure de recours et la mise en place d'une autorité indépendante chargée des demandes de radiation de la liste.

La plus importante réalisation dans ce contexte est sans conteste l'instauration d'un poste de Médiateur, dont le rôle est de recevoir les plaintes d'individus affectés par des sanctions. Le Médiateur est chargé de mener une enquête indépendante et neutre sur le cas et de soumettre au Comité de sanctions du Conseil de sécurité les raisons parlant en faveur ou en défaveur d'une radiation de la liste.

La Suisse a salué cette décision qui, pour la première fois, offre aux individus concernés la possibilité de faire valoir leur point de vue devant une instance indépendante et impartiale. Il est toutefois regrettable que le Médiateur ne se soit pas vu confier de pouvoir de recommandation au Comité de sanctions, qui conserve ainsi un pouvoir de décision discrétionnaire. La Suisse entend suivre avec attention la mise en oeuvre de ce projet et poursuivre son engagement pour l'établissement de garanties procédurales conformes aux normes nationales et internationales pour les

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personnes concernées par des sanctions, tout en prenant en compte le rôle particulier du Conseil de sécurité et la haute sensibilité politique de ces questions.

Le Conseil national a adopté le 4 mars 2010 une motion du Conseil des Etats (motion Marty; 09.3719) obligeant le Conseil fédéral à communiquer au Conseil de sécurité de l'ONU qu'à partir de la fin de cette année la Suisse n'appliquerait plus les sanctions prises à l'encontre de personnes physiques sur la base des résolutions adoptées au nom de la lutte contre le terrorisme si certaines dispositions de l'Etat de droit n'étaient pas respectées. En adoptant cette motion, le Parlement voulait souligner l'attachement de la Suisse au respect des droits de l'homme, de l'Etat de droit et de la démocratie jusque dans les décisions du Conseil de sécurité de l'ONU. La Suisse a écrit le 22 mars 2010 au président du Comité 1267 du Conseil de sécurité, responsable de l'application des sanctions du Conseil à l'encontre d'Al-Qaïda et des talibans, pour l'informer de l'adoption de la motion Marty et de ses conséquences pour la Suisse. Le Conseil fédéral avait préconisé le rejet de la motion, en faisant valoir que la Suisse, en sa qualité de membre de l'ONU, est obligée d'exécuter les décisions du Conseil de sécurité, et qu'elle ne peut pas établir unilatéralement des critères qui relativiseraient la mise en oeuvre des résolutions du Conseil adoptées sur la base du chapitre VII de la Charte de l'ONU: si elle devait refuser d'exécuter les décisions du Conseil, le système des sanctions perdrait en crédibilité et cela pourrait inciter tout autre Etat à se soustraire également aux sanctions.

Consolidation de la paix: la communauté internationale doit accorder une attention spéciale à de nombreux pays sortis de conflits pour y éviter la reprise des hostilités.

C'est pourquoi les Nations Unies se sont attelées au milieu de la décennie précédente à la mise en place d'une architecture de consolidation de la paix englobant la Commission de consolidation de la paix (CCP), le Fonds de consolidation de la paix et le Bureau d'appui pour la consolidation de la paix intégré au Secrétariat de l'ONU. La CCP se compose de 32 pays membres et rassemble les grands acteurs du Conseil de sécurité, les principaux donateurs et contributeurs de troupes, ainsi que des acteurs
régionaux. Elle s'occupe actuellement de quatre pays: le Burundi, la Sierra Leone, la République centrafricaine et la Guinée-Bissau. Le Fonds de consolidation de la paix gère actuellement quelque 300 millions de dollars de contributions volontaires et finance des investissements urgents présentant un risque élevé.

La Suisse s'engage à plusieurs niveaux pour renforcer l'efficacité des Nations Unies en matière de consolidation de la paix. Elle plaide systématiquement dans toutes les enceintes pertinentes pour une cohérence accrue des processus de réforme en cours sur le maintien de la paix, pour la réforme du système opérationnel du développement ainsi que la prévention des conflits et la médiation. Elle participe aux travaux de la Commission de consolidation de la paix (PCB) dans laquelle elle assume depuis juillet 2009 la présidence de la Configuration Burundi. Cela lui ouvre la possibilité de participer au réexamen de l'architecture onusienne de consolidation de la paix, en cours cette année. L'expérience acquise dans les quatre pays ci-dessus sera particulièrement mise à profit dans le réexamen.

Opérations de maintien de la paix: le maintien de la paix des Nations Unies est un partenariat global unique. Il rassemble l'autorité politique et légale du Conseil de sécurité, le personnel et les contributions financières des Etats membres, le soutien des pays hôtes et l'expérience accumulée du Secrétariat en matière de gestion des opérations sur le terrain. C'est ce partenariat qui donne à l'Organisation des Nations Unies sa légitimité, sa durabilité et sa portée globale.

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Avec plus de 116 000 personnes déployées dans une quinzaine de missions, l'ampleur et la complexité du maintien de la paix sont aujourd'hui sans précédent.

Elles ne correspondent plus aux capacités existantes. La diversité des mandats des missions met à mal la capacité des Nations Unies à remplir les tâches déterminées.

Le personnel, la logistique, les finances et les systèmes d'administration luttent pour soutenir les opérations dans certaines parties du monde parmi les plus inhospitalières. Les capacités militaires nécessaires disponibles sont incroyablement minces face à la demande qui souvent augmente. Par ailleurs, les nouvelles tâches du maintien de la paix exigent un nombre important de policiers et de spécialistes civils, experts qui sont souvent en nombre limité et plus difficiles à mobiliser.

Les missions aujourd'hui font face à des défis variés. Plusieurs d'entre elles ont accompli des progrès en contribuant à la sécurité et à la stabilité, mais nombreuses sont celles qui font face à des difficultés dans la mise en oeuvre de leur mandat relatif à la protection des civils ou encore dans l'élaboration et la mise en oeuvre de stratégies intégrées. Ces missions devraient faciliter une transition responsable et, à terme, un retrait des opérations de maintien de la paix, sur le long chemin qui mène à une paix durable.

Les demandes de la décennie passée ont exposé les limites des réformes antérieures et les systèmes, structures et outils de base d'une organisation peu adaptée à la taille, au rythme et aux tâches des missions d'aujourd'hui. Les divisions au sein de la communauté internationale ont un impact sur la capacité de certaines missions à agir de façon effective sur le terrain. Chaque nouvelle opération est mise sur pied en partant du principe que les ressources adéquates pourront être rassemblées et est gérée en fonction d'un budget individuel. Le maintien de la paix sous sa forme actuelle exige des capacités plus prévisibles, professionnelles et adaptables. Il faut un système qui puisse répondre aux défis globaux. Pour ce faire, le maintien de la paix doit travailler de manière plus cohérente et intégrée avec le reste du système des Nations Unies.

La mise à disposition d'effectifs par la Suisse pour les missions de maintien de la paix des Nations Unies est modeste. Depuis son
adhésion à l'ONU, la Suisse est passée du 56e rang des contributeurs de troupes, d'observateurs militaires et de police au 91e rang des contributeurs, avec 25 militaires et policiers, sur un total de 91 712 membres du personnel en uniforme (statistiques de décembre 2009). Comme l'avait déjà constaté le Conseil fédéral dans son rapport sur la politique extérieure 2009, cette tendance rend difficile l'obtention de postes de haut niveau dans le domaine du maintien de la paix et des missions de paix de l'ONU. La Suisse demeure cependant active lors des négociations et débats sur le futur du maintien de la paix onusien. Dans le cadre du Comité spécial des opérations de la paix, elle a souvent facilité les négociations et a oeuvré pour faire évoluer des questions difficiles sur le plan politique, mais critiques pour un résultat sur le terrain, telles que la protection des populations civiles, les activités précoces de consolidation de la paix dans les opérations de maintien de la paix et les défis liés à l'approche intégrée des Nations Unies. La Suisse s'engage aussi pour que les réformes du maintien de la paix soient menées de manière cohérente et complémentaire aux réformes de la prévention des conflits et de la médiation, de la consolidation de la paix et du système opérationnel pour le développement. Elle soutient la mise en oeuvre d'une approche intégrée dans les situations appropriées, tout en défendant les principes d'indépendance, d'impartialité et de neutralité de l'action humanitaire.

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Action humanitaire, coopération au développement, environnement Action humanitaire: sur le plan humanitaire, les années 2009 et 2010 ont été marquées par plusieurs conflits armés et catastrophes naturelles graves, sans compter les effets des changements climatiques. On constate par ailleurs que la pauvreté, les migrations, les pénuries de ressources et de denrées alimentaires, la croissance démographique et l'urbanisation atteignent les dimensions de crises humanitaires.

A l'ONU, les priorités de la Suisse en matière humanitaire sont la prévention et la réduction des risques de catastrophes, la garantie d'accès sans restriction aux zones de catastrophes et de guerre pour les acteurs humanitaires et la garantie de sécurité de ces derniers donnée par le pays d'accueil. Dans ce contexte, elle a par exemple présidé en 2009 à New York le Groupe de travail de liaison humanitaire (Humanitarian Liaison Working Group, HLWG) où se déroulent de fréquents échanges sur la situation humanitaire dans divers pays. Cela lui a permis de rehausser sa visibilité et de consolider ses relations avec le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH/OCHA) et la Sous-secrétaire générale aux affaires humanitaires.

A l'occasion du soixantième anniversaire des Conventions de Genève, la Suisse a invité avec le CICR toutes les Hautes parties contractantes pour une conférence d'experts à Genève. La rencontre visait à structurer le débat sur l'avenir du droit international humanitaire et à dégager les réformes nécessaires (voir également à ce sujet le ch. 4.2.4).

Les contributions suisses au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), au Programme alimentaire mondial (PAM), au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH) et au Fonds central d'intervention d'urgence (CERF ou Central Emergency Response Fund) n'ont toutefois pas évolué en valeur nominale au fil des ans. Comme l'indiquait déjà le rapport sur la politique extérieure 2009, la Suisse court ainsi un certain risque d'érosion de son influence au sein des organisations humanitaires, particulièrement à Genève.

Aide au développement: dans le cadre de l'architecture générale de l'aide au développement, les agences opérationnelles des Nations Unies apportent une assistance technique spécialisée et gratuite aux gouvernements centraux
et aux autorités locales des pays bénéficiaires. L'ensemble des agences onusiennes ayant un mandat et des activités de développement compose un système opérationnel complexe et relativement hétérogène qui rassemble une trentaine d'organisations. Le coeur de ce système est constitué de cinq agences: le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), le Programme alimentaire mondial (PAM) ainsi que l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Ces cinq agences reçoivent à elles seules la quasi totalité de l'aide publique suisse au développement destinée au système des Nations Unies.

En tant qu'actionnaire de ces organisations, il est dans l'intérêt de la Suisse d'assurer la qualité de leurs services. La Suisse veille donc à ce que ces partenaires multilatéraux puissent s'appuyer sur des systèmes de gestion efficaces et qu'ils soient en mesure de démontrer des résultats. En 2009, la Suisse a donc été particulièrement active au sein des conseils d'administration et par le biais de mesures d'accompagnement additionnelles pour promouvoir au sein des agences des politiques et des pratiques d'évaluation crédibles et une gestion axée sur les résultats.

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Renforcer les capacités évaluatives et promouvoir des systèmes de gestion axés sur les résultats constitue le premier axe stratégique de l'action de la Suisse pour améliorer la qualité de l'assistance délivrée par ses partenaires onusiens. Son action s'inscrit également sur un deuxième axe: le renforcement de la cohérence systémique et la lutte contre l'hyper fragmentation. Dans un pays donné, il n'est effectivement pas rare de trouver la présence d'une quinzaine d'agences onusiennes, chacune occupée à développer et gérer ses propres projets et programmes de développement, ce qui génère des coûts de transaction énormes pour des gouvernements aux capacités souvent limitées. Les efforts actuels pour réduire cette fragmentation et insuffler de la cohérence dans les activités opérationnelles des Nations Unies prennent leur source dans un agenda de réforme lancé il y a plusieurs années et dont la partie relative au développement est connue sous le label «unis dans l'action». Cet agenda de réforme piloté par l'Assemblée Générale a connu en 2009 un nouveau coup d'accélérateur avec des avancées significatives en vue de l'établissement d'un organe indépendant d'évaluation à l'échelle du système et de la création d'une entité genre.

La Suisse s'est mobilisée dès 2004 pour promouvoir l'agenda de réforme, y voyant un excellent complément à son action menée en faveur d'une meilleure qualité de l'aide au niveau des agences individuelles. Le but de la Suisse est ainsi d'agir à deux niveaux et de manière complémentaire en prenant appui sur les expériences opérationnelles des agences partenaires pour alimenter le dialogue politique et normatif global. En 2009, la Suisse s'est ainsi particulièrement investie à l'Assemblée Générale et à l'ECOSOC pour faire adopter des instruments de gestion propres à renforcer la cohésion du système et à limiter sa fragmentation.

Enfin, et toujours dans une optique de création de synergies entre le dialogue politique global et l'action opérationnelle des Nations Unies, la Suisse s'est engagée de manière prioritaire au niveau de l'Assemblée générale dans la définition des termes de référence du sommet sur les Objectifs du Millénaire de septembre 2010. Elle s'est employée à ce que la réalisation des objectifs ne soit pas seulement appréciée dans une perspective étroitement sectorielle,
mais également replacée dans le contexte des changements politiques, économiques et sociaux globaux.

Environnement: en 2009 aussi, les questions environnementales ont marqué les négociations menées dans les enceintes de l'ONU. En ce qui concerne les produits chimiques et les déchets, il a été décidé de préparer une nouvelle convention protégeant mieux l'environnement et la santé humaine des dangers du mercure. Les négociations sur le climat et la biodiversité se poursuivent avec intensité. Les questions de gouvernance de l'environnement et l'organisation d'un nouveau sommet mondial sur le développement durable pour 2012, soit vingt ans après celui de Rio, ont aussi fait l'objet d'une réflexion nourrie.

Pour ce qui est du climat, d'intenses négociations ont visé ces dernières années à l'adoption d'un régime climatique international pour l'après-2012, année à laquelle expireront les engagements actuels des pays industrialisés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L'Assemblée générale s'est penchée en 2009 sur le sujet, mais aussi, en particulier, les organes de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). La Conférence de décembre 2009 sur le climat, tenue à Copenhague, a été quelque peu décevante, les parties à la convention n'étant pas arrivées à s'entendre sur un nouveau régime climatique global. L'Accord de Copenhague préparé à titre de compromis par les chefs d'Etat et de gouvernement présents admet que le changement climatique est le plus grand défi 1042

que doive relever l'humanité et qu'il est nécessaire de plafonner le réchauffement à 2 °C. Il définit aussi des objectifs ambitieux d'aide financière aux pays en développement et il est maintenant devenu l'un des documents fondamentaux des négociations climatiques au sein de l'ONU. Le Conseil fédéral a décidé au mois de février 2010 d'associer la Suisse à l'Accord de Copenhague.

L'Assemblée générale de l'ONU a déclaré 2010 Année internationale de la biodiversité. La diversité biologique continue de s'appauvrir, malgré la volonté déclarée de la communauté internationale de la préserver. Avec les changements climatiques, la préservation de la biodiversité représente donc le plus grand défi à relever pour protéger et exploiter durablement les ressources naturelles. Une rencontre a lieu pour la première fois en septembre 2010 sur le thème de la biodiversité au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement. Sous l'égide du président de l'Assemblée générale, elle doit créer l'élan nécessaire à ce que la conférence des Etats parties à la Convention sur la diversité biologique débouche sur des décisions contraignantes à Nagoya, en octobre 2010. La Suisse s'emploie à obtenir un régime clair et transparent d'accès non discriminatoire, qui prévoie la divulgation obligatoire de l'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels, ainsi que le partage équitable des avantages.

Le système actuel de gouvernance mondiale de l'environnement n'est encore pas assez fort, malgré les efforts qui continuent de lui être consacrés, pour résoudre efficacement les problèmes environnementaux globaux. La communauté internationale n'est toujours pas parvenue à s'entendre sur des mesures efficaces visant à sa consolidation au sein de l'ONU. La Suisse se félicite donc que le conseil d'administration du Forum ministériel mondial sur l'environnement du PNUE ait décidé au mois de février 2010 de poursuivre le processus en ce sens. C'est toujours pour elle une priorité et elle s'efforcera d'obtenir des progrès dans ce domaine dans le cadre du PNUE et lors de la conférence Rio+20 de 2012.

Développement durable: une nouvelle conférence sur l'environnement et le développement doit être organisée au plus haut niveau politique en 2012 au Brésil (Rio+20), vingt ans après le Sommet de la Terre de Rio. Les grands thèmes retenus
sont l'«économie verte» et les cadres institutionnels du développement durable. La Suisse accorde une grande importance à cette conférence et s'associe déjà activement à sa préparation. Ce sera une excellente occasion de faire le bilan du déploiement du modèle du développement durable et de recenser les actions encore à entreprendre à ce niveau.

Droits de l'homme Conseil des droits de l'homme de l'ONU: entré dans sa quatrième année, le Conseil a atteint une vitesse de croisière soutenue. Se réunissant, entre sessions ordinaires, groupes de travail et sessions extraordinaires environ 40 semaines par année, le Conseil traite de violations des droits de l'homme dans des pays donnés. Ainsi, depuis mai 2009, le Conseil a consacré trois sessions spéciales, la première sur la situation au Sri Lanka (mai 2009), la seconde sur le territoire palestinien occupé y compris Jérusalem-Est (octobre 2009) et la troisième sur la situation des droits de l'homme suite au tremblement de terre en Haïti (janvier 2010).

En outre, le Conseil aborde une large palette de questions relevant des droits civils et politiques ainsi que des droits économiques, sociaux, culturels. Un nouveau rapporteur spécial sur les droits culturels a ainsi été créé en 2009.

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L'Examen Périodique Universel (EPU) est un facteur important de promotion de la transparence entre Etats, mais également avec la société civile. Jusqu'en été 2010, 128 Etats ont été examinés. Le fait que certains Etats aient décidé des premières mesures d'ouverture envers la société civile ou adopté des engagements publics peu avant la présentation de leur rapport national est un élément positif à mettre au bilan de l'EPU. Par ailleurs, la représentation à haut niveau des pays examinés lors de leur EPU démontre le sérieux avec lequel ce mécanisme est pris, même si certains Etats essaient de manipuler en leur faveur les règles établies. Le véritable défi de l'EPU réside dans la mise en oeuvre sur le terrain des recommandations acceptées par les Etats examinés: si elles le sont, au moins partiellement, l'Examen périodique se confirmera être une contribution réelle à la protection des droits de l'homme.

Le Conseil des droits de l'homme est aussi confronté à un certain nombre de défis à relever.

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Les débats en séance plénière et les négociations des résolutions sont trop souvent dominés par les antagonismes entre blocs, notamment entre les Etats membres de l'Organisation de la conférence islamique et du Groupe africain d'une part, et les Etats occidentaux, y compris ceux de l'UE d'autre part.

Des interprétations divergentes sur la portée des droits individuels et sur le rôle de l'Etat (concept de souveraineté) figent les positions. La Suisse s'efforce de décloisonner les débats avançant des propositions de compromis.

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L'indépendance des rapporteurs spéciaux chargés d'examiner les droits de l'homme sur le plan thématique ou dans certains pays est régulièrement remise en cause par des délégations issues du camp des «durs». La Suisse soutient l'indépendance des rapporteurs spéciaux, leur expertise étant primordiale pour le bon déroulement des travaux du Conseil.

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Certains Etats souhaiteraient attribuer au Conseil un rôle de conseil administratif du Haut Commissariat, chargé d'en contrôler le budget et les grandes lignes stratégiques d'action. Très attachée à l'autonomie du Haut Commissariat, la Suisse s'oppose à ces efforts, estimant que cette fonction de contrôle incombe à l'Assemblée générale des Nations Unies.

Conformément à la résolution de l'Assemblée générale instituant le Conseil, ce dernier doit examiner ses propres activités et son fonctionnement cinq ans après sa création. Si cet examen n'aura lieu qu'en 2011, le processus de préparation a déjà débuté, les Etats membres se penchant actuellement sur les modalités et la teneur de cette évaluation. Dans ce contexte, la Suisse a organisé le 20 avril 2010 à Montreux une journée de discussions informelles afin de préparer le terrain des négociations formelles prévues pour l'automne 2010.

Elue le 13 mai 2010 pour un nouveau mandat de trois ans au Conseil des droits de l'homme, la Suisse compte contribuer activement à l'examen du Conseil en 2011 qui sera crucial pour l'avenir de l'institution. Dans ce contexte, elle s'engagera pour que ce processus se focalise en priorité sur l'amélioration des instruments existants (procédures spéciales, EPU) afin que le Conseil puisse réagir de manière plus rapide et efficace aux violations des droits de l'homme, où qu'elles se produisent (voir également ch. 4.2.3).

Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH): les années qui ont suivi le sommet mondial de 2005 ont été pour le HCDH une phase de crois1044

sance, au cours de laquelle son budget ordinaire a doublé. Mais son budget total continue d'être formé à près des deux tiers de contributions volontaires des membres, ce qui l'expose au soupçon d'obéissance privilégiée à ses donateurs. Comme on l'a vu plus haut, certains pays du Sud aimeraient soumettre le Haut Commissariat à un contrôle accru du Conseil des droits de l'homme, pour pouvoir influer davantage, dans un cadre intergouvernemental, sur ses priorités thématiques, ses activités nationales et sa composition.

La Suisse accueille chez elle le Haut Commissariat et figure parmi ses quinze plus gros donateurs; elle s'emploie donc activement à lui conserver son indépendance, tout en l'encourageant à mener une communication plus stratégique et transparente avec les pays.

Cour internationale de la Justice (CIJ) L'organe judiciaire principal de l'ONU, la Cour internationale de la Justice (CIJ), est un pilier important du règlement pacifique des différends internationaux. La Suisse a toujours encouragé les moyens pacifiques, notamment judiciaires, de résolution des conflits entre Etats. C'est la raison pour laquelle, le 28 juillet 1948, la Suisse est devenue partie au Statut de la CIJ et a accepté sa juridiction obligatoire par la déclaration unilatérale du même jour.

Actuellement, la Suisse est impliquée dans deux procédures devant la CIJ. La première est une procédure consultative. A la suite de la demande de l'Assemblée générale de l'ONU la priant de donner un avis consultatif sur la question de la conformité au droit international de la déclaration unilatérale d'indépendance des institutions provisoires d'administration autonome du Kosovo, la CIJ a invité les Etats membres de l'ONU à présenter des observations. Le 15 avril 2009, la Suisse a déposé un exposé écrit d'une trentaine de pages sur la question. La seconde procédure est contentieuse. Le 22 décembre 2009, le Royaume de Belgique a introduit une instance devant la CIJ contre la Confédération suisse. La Belgique allègue différentes violations du droit international public, notamment de la Convention du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale22, dans le cadre des procédures de faillite de Sabena et de Swissair. La Suisse met en oeuvre tous les moyens nécessaires
à l'organisation efficace de sa défense devant la CIJ.

Gestion et financement de l'ONU Malgré des efforts de modernisation et d'efficience, le Secrétariat de l'ONU n'est pas pleinement parvenu ces dernières années à améliorer durablement sa culture et ses méthodes de gestion. La gestion axée sur les résultats et la gestion des risques à l'échelle de l'organisation s'esquissent à peine, les attributions et les responsabilités internes ne sont pas suffisamment bien définies.

La majorité des membres ne sont pas prêts à remettre au Secrétaire général les instruments modernes de gestion qui lui permettraient de réagir rapidement à de grands changements extérieurs et de disposer plus librement de ses ressources. Ils craignent que cette marge de manoeuvre élargie n'incite le Secrétaire général à privilégier les intérêts des gros donateurs sur ceux des pays en développement moins nantis.

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Convention de Lugano, RS 0.275.11.

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La Suisse s'efforce depuis des années de ramener sur le terrain de l'objectivité le débat sur les méthodes modernes de gestion et de faire valoir leurs avantages. Mais la défiance dont font preuve les membres les uns envers les autres a des origines plus profondes, qui tiennent aussi à la structure de gouvernance de l'organisation. Ceux des membres qui n'ont qu'une influence limitée ou se jugent sous-représentés dans les grands organes décisionnels (comme le Conseil de sécurité) continueront sans doute à l'avenir de chercher à limiter la liberté d'action du Secrétaire général.

Bien que son taux de contribution ait légèrement baissé le 1er janvier 2010 (à 1,13 %), la Suisse continue de figurer parmi les gros contributeurs des Nations Unies, au 16e rang. En chiffres absolus, ses contributions obligatoires augmentent.

Elles ont été en moyenne annuelle de 120 millions de francs ces quatre dernières années, surtout en raison de l'alourdissement marqué du coût des opérations de maintien de la paix et des missions politiques spéciales de l'ONU.

Au sein du groupe des seize premiers contributeurs (Groupe de Genève), la Suisse cherche à obtenir l'amélioration du processus budgétaire de l'ONU, actuellement trop complexe et trop lourd, qui freine le pilotage stratégique de l'organisation par ses membres.

La Suisse, hôte d'organisations internationales La Suisse possède une longue tradition d'accueil d'organisations internationales. Sur un total de 26 organisations ayant conclu avec elle un accord de siège, 23 sont installées à Genève, deux à Berne (l'Union postale universelle et l'Organisation intergouvernementale pour les transports internationaux ferroviaires), et une à Bâle (la Banque des règlements internationaux).

Genève, principal siège européen de l'ONU, est avec New York l'un des deux grands centres de la coopération multilatérale. Le nombre croissant d'Etats (163 en 2009) ayant au moins une représentation permanente à Genève, et les quelques 180 000 délégués et experts qui ont participé en 2009 aux milliers de rencontres et de conférences organisées par des organisations internationales et des ONG, témoignent du pouvoir d'attraction de la «Genève internationale». Cette dernière confère à la Suisse un poids politique supérieur à ce que l'on pourrait attendre de sa taille et contribue ainsi à la
réalisation de ses objectifs de politique extérieure. La présence des organisations internationales et des ONG à Genève, de même que les conférences qui y sont organisées, ont par ailleurs un effet dynamisant sur l'économie du pays.

Les instruments de la politique d'Etat hôte de la Suisse: la politique d'Etat hôte de la Suisse se concentre sur les cinq grands domaines thématiques suivants: 1. paix, sécurité désarmement; 2. affaires humanitaires et droits de l'homme; 3. santé; 4.

travail, économie et science et 5. développement durable et préservation des ressources naturelles.

La Confédération et les cantons qui accueillent des organisations internationales mènent dans ce but une étroite coopération. La politique d'Etat hôte de la Suisse s'appuie sur un certain nombre d'instruments, dont les principaux sont:

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Bases légales La loi du 22 juin 2007 sur l'Etat hôte23 est entrée en vigueur le 1er janvier 2008, avec son ordonnance d'application.24 Ces deux textes ont consolidé les bases légales existantes et codifié les pratiques adoptées au fil des ans.

Ces nouvelles bases légales contribuent utilement à l'efficacité de la politique d'Etat hôte.

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Fondation des immeubles pour les organisations internationales (FIPOI) Les organisations internationales qui souhaitent trouver des locaux à Genève peuvent faire appel à la Fondation des immeubles pour les organisations internationales (FIPOI), une fondation de droit privé, créée en 1964 par la Confédération et le canton de Genève. Afin de lui permettre de remplir son mandat, la Confédération lui accorde des prêts sans intérêt à 50 ans, que la FIPOI utilise pour permettre aux organisations internationales de procéder à l'achat, à la construction ou à la conversion de bâtiments.

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Mesures de sécurité Les organisations internationales prennent en charge les dispositifs de sécurité installés dans et sur leurs bâtiments. En revanche, les usages internationaux veulent que le pays hôte assure la sécurité extérieure, clôture comprise.

Ainsi, les Chambres fédérales ont approuvé en juin 2006 un crédit d'engagement respectif de 10 millions de francs. Le Conseil fédéral a renouvelé un crédit pour la même somme le 19 mai 2010.

La Suisse offre aux organisations installées sur son territoire des conditions de travail et de vie intéressantes, de bonnes conditions de sécurité et un parc immobilier attrayant pour accueillir des bureaux et des conférences. Toutefois, la Suisse est confrontée à toute une série de défis touchant à l'accueil d'organisations et de conférences internationales. Les plus importants seront énumérés ci-après:

23 24

­

Durcissement de la concurrence internationale L'établissement des organisations et conférences internationales suscite depuis la fin de la guerre froide une concurrence de plus en plus vive, et il devient plus difficile pour la Suisse de retenir à Genève les organisations internationales qui y sont installées ou d'en attirer de nouvelles. Divers pays et villes d'Europe (notamment Vienne, La Haye, Copenhague, Bonn, voire Budapest ou l'Espagne) ont étoffé depuis les années 90 leur offre d'accueil et sont ainsi parvenus à attirer chez eux quelques organisations internationales. Récemment, de nouveaux acteurs sont apparus, tel que Singapour, Abu Dhabi, Dubaï, Qatar et la Corée du Sud. Ces derniers disposent de précieux atouts (ressources financières, rapidité de la prise des décisions politiques, ambitions globales) qui pourraient les aider à jouer un rôle plus important dans l'accueil d'organisations internationales.

­

Universalité Contrairement à New York, Genève n'a pas une représentation universelle en matière d'accueil des missions permanentes. Sur les 192 Etats membres de l'ONU, New York accueille 191 missions permanentes et est donc avantagée par rapport à Genève où, à ce jour, 28 Etats membres de l'ONU n'ont pas de représentation permanente.

Loi du 22 juin 2007 sur l'Etat hôte (LEH), RS 192.12.

Ordonnance du 7 décembre 2007 sur l'Etat hôte (OLEH), RS 192.121.

1047

­

Augmentation des coûts liés aux mesures de sécurité La sécurité est passée au premier rang des préoccupations de toutes les organisations internationales ces dernières années et a nécessité de gros investissements. Ce durcissement de la concurrence internationale, conjugué à l'augmentation impérative des mesures de sécurité que doivent prendre tous les pays hôtes, renchérit la politique d'Etat hôte de la Suisse.

­

Financement de la rénovation et de l'entretien des immeubles La Suisse est aussi confrontée au problème de la rénovation et de l'entretien des immeubles abritant les sièges d'organisations installées à Genève, d'autant plus que certaines d'entre elles ont négligé l'entretien de leurs locaux et n'ont pas constitué suffisamment de réserves pour une rénovation complète. La situation est particulièrement critique dans les immeubles anciens, tels que le Palais des Nations ou le siège de l'Organisation internationale du travail. Les rénovations nécessaires, qui sont de la responsabilité des organisations internationales, représentent des montants de plusieurs centaines de millions de francs, dont les organisations ne disposent pas pour l'instant.

­

Marché immobilier restreint La pénurie qui règne sur le marché immobilier genevois restreint notablement le développement de l'offre de la Genève internationale en matière immobilière, ce qui représente une contrainte importante pour la politique d'Etat hôte de la Suisse. Les logements sont chers et peu nombreux, ce qui alourdit les charges de personnel des organisations installées à Genève, forcées de verser à leurs employés des aides plus généreuses au logement.

­

Litiges de travail impliquant des Etats étrangers et des employeurs, membres des représentations étrangères ou des organisations internationales Le «Bureau de l'Amiable compositeur», mis sur pied par le canton de Genève, a largement contribué à apaiser les conflits de travail opposant des domestiques privés à leurs employeurs et ceux opposant les employés locaux à leur Etat employeur. Ses procédures ont été réévaluées et améliorées pour une plus grande efficacité.

Perspectives de la politique d'Etat hôte: en sa qualité d'Etat hôte, la Suisse tient à ce que les organisations internationales disposent de bâtiments modernes et fonctionnels. Le mauvais état de certains immeubles d'organisations internationales à Genève et le fait que ces dernières ne disposent pas des fonds nécessaires amènent certains à suggérer que la Suisse envisage de contribuer aux frais de rénovation, ce qui n'est pas sa pratique actuelle. De plus, les organisations internationales ont tendance à comparer la Suisse à d'autres pays hôtes qui prennent en charge l'intégralité (telles l'Autriche pour l'ONU à Vienne et l'Italie pour la FAO à Rome) ou une partie (telle la France pour l'Unesco à Paris) des frais de rénovation de leurs immeubles.

Si le Conseil fédéral considère, conformément à sa politique en la matière, qu'il appartient à chaque organisation de prévoir les moyens nécessaires à l'entretien et à la rénovation de ses locaux, il va de soi qu'il continuera, conformément à la pratique poursuivie par le passé, à envisager une contribution de la Suisse aux frais de rénovation conjointement aux autres Etats membres, comme cela a par exemple été le cas lors des travaux de rénovation du siège de l'ONU à New York. Les services compétents du DFAE et du DFF suivent conjointement de près la situation et éva-

1048

luent constamment la bonne adéquation de la politique d'Etat hôte aux besoins de la Genève internationale.

Présence de la Suisse dans le système des Nations Unies Depuis son adhésion, en 2002, la Suisse s'efforce de siéger dans les organes représentatifs et de faire engager des Suisses au Secrétariat de l'ONU pour être institutionnellement présente à tous les niveaux du système.

Représentation de la Suisse au sein des organes représentatifs du système de l'ONU: pour que ses représentations à New York, à Genève, à Vienne et à Rome puissent contribuer aux activités courantes de l'ONU, il faut que la Suisse ne siège pas seulement à l'Assemblée générale, mais aussi dans les organes représentatifs de l'organisation elle-même et des agences spécialisées du système. On trouvera cidessous un état général actuel de sa présence et de ses candidatures.

Présidence suisse de l'Assemblée générale: comme nous l'avons déjà dit au début de cette section, c'est M. Joseph Deiss, ancien conseiller fédéral, qui préside actuellement l'Assemblée générale. La Suisse occupe ainsi l'une des fonctions les plus prestigieuses et les plus exigeantes du système de l'ONU.

Candidature possible au Conseil de sécurité: les Commissions de politique extérieure (CPE) ont procédé en 2009 à un premier examen de la possibilité d'une candidature à moyen terme de la Suisse au Conseil de sécurité, sur la base d'un rapport du DFAE. Ce dernier a préparé un second rapport, dont le Conseil fédéral a pris connaissance le 14 avril 2010, et l'a transmis aux CPE pour leur permettre de prolonger leur réflexion cette année. Le rapport évoque l'option d'une candidature en 2022 (pour un siège en 2023 et 2024). Aucun autre pays du groupe régional des pays occidentaux n'a encore déposé de candidature pour cette période. Le document présente aussi l'expérience actuellement recueillie par l'Autriche à la faveur de son siège de membre non permanent et montre en s'appuyant sur cet exemple qu'un pays neutre peut tout à fait tirer parti de la marge de manoeuvre dont il dispose au sein du Conseil de sécurité. En entrant au Conseil, la Suisse montrerait qu'elle est prête à assumer des responsabilités globales et renforcerait ainsi son statut dans le monde. Cela l'aiderait aussi à faire valoir ses intérêts en matière de promotion de la paix et son rôle
d'intermédiaire et de médiateur honnête. Elle pourrait ainsi plus facilement nouer des contacts internationaux, tout en maintenant et en étendant ses réseaux.

Autres représentations et candidatures: la Suisse a présidé à la 64e session de l'Assemblée générale la Cinquième commission, chargée des questions administratives et budgétaires. L'Assemblée générale l'a nommée en novembre 2009 pour quatre ans au Conseil d'administration du Programme des Nations Unies pour l'environnement, et au mois de mai 2010 pour un second mandat de trois ans au Conseil des droits de l'homme, où elle avait déjà siégé entre 2006 et 2009. Elle fait son entrée au Conseil économique et social (ECOSOC), où elle siégera en 2011 et 2012, ce qui lui donnera l'occasion de mieux exercer son influence au sein d'un organe principal des Nations Unies. Elle a été élue en octobre 2009 pour quatre ans au Comité du patrimoine mondial de l'Unesco. Elle a posé sa candidature au conseil d'administration de l'Organisation internationale du travail (OIT) pour la période 2011 à 2014, à la présidence d'une commission technique de l'Organisation

1049

météorologique mondiale et a demandé le renouvellement de son mandat au Conseil de l'Union internationale des télécommunications.

Présence de ressortissants suisses au Secrétariat de l'ONU En formant et en soutenant du personnel suisse qualifié, la Suisse rehausse la visibilité de son engagement, mais elle répond aussi au besoin qu'a le Secrétariat de l'ONU de candidates et de candidats performants, armés des compétences nécessaires. Le DFAE reçoit chaque année quelque deux ou trois cents requêtes de citoyennes et de citoyens souhaitant faire appuyer leur candidature à une fonction au sein d'une organisation internationale.

Le système de l'ONU employait en 2009 plus de 90 000 personnes, dont 1 % environ de Suisses. Il y avait le 30 juin 2009 un peu moins de 40 000 personnes travaillant au Secrétariat de l'ONU; 10 000 possédaient une formation universitaire, dont 27 % soumis à la répartition géographique25. La Suisse a droit à un quota de 24 à 34 de ces postes, qu'elle a bien exploité en 2009 en occupant 32 postes. Les femmes représentent 75 % du contingent suisse pour les postes répartis sur le critère géographique, et 66 % dans le total des emplois de niveau universitaire, soit nettement plus que la moyenne du Secrétariat général (45 % pour les postes à répartition géographique et 40 % sur l'ensemble des emplois de niveau universitaire). Le tableau suivant donne un aperçu synoptique de la présence de la Suisse dans le personnel du Secrétariat.

Présence de la Suisse au sein du Secrétariat des Nations Unies (30 juin 2009)26 Secrétariat de l'ONU

Effectif total Niveau universitaire Postes soumis à la répartition géographique

Effectif

dont femmes

Part CH

Part femmes CH

Abs.

%

Abs.

%

Abs.

%

39 978 10 148

13 440 4 101

33 40

312 125

0.78 1.23

166 82

53.2 65.6

2 809

1 260

45

32

1.14

24

75

Partenariat avec la société civile suisse et l'ONU La Suisse est convaincue qu'une société civile dynamique, active et participative représente également un atout pour le bon fonctionnement des Nations Unies. Un partenariat renforcé avec la société civile en général et ses milieux les plus dynamiques en particulier, soutient tant la qualité que la légitimité des travaux de l'organisation. Au cours des dernières années, le DFAE a développé des relations avec des acteurs clés de la société civile sur lesquels la Suisse peut aujourd'hui compter pour stimuler les réflexions sur la politique suisse au sein des Nations Unies.

Un accent a été notamment mis sur le développement des relations avec la jeunesse, le monde académique, ainsi qu'avec l'Association Suisse ­ ONU, un partenaire de longue date qui joue notamment un rôle important en tant que lien avec les acteurs de la société civile en général. L'objectif pour l'année à venir est d'approfondir les relations avec ces trois acteurs clés en les incitant à davantage thématiser les grands 25 26

La clé de répartition géographique se fonde sur trois facteurs: la qualité de membre (40 %), le montant des contributions (55 %) et la population (5 %) du pays concerné.

Cf. Résolution A/64/352 du 15 septembre 2009 de l'Assemblée générale.

1050

défis qui vont s'offrir à la Suisse lors de la 65e année onusienne ainsi que dans le futur. Un autre objectif est d'intensifier les échanges entre les différents acteurs de la société civile.

Les premiers liens avec le monde académique ont été tissés dès fin 2007. Ce partenariat sera approfondi par le soutien d'un nouveau projet, le «Swiss Academic Network on the UN». Ce réseau aura pour but de renforcer les échanges entre les universités suisses et les interactions entre celles-ci et le DFAE.

La jeunesse reste un partenaire particulièrement dynamique et visible de la société civile suisse. En 2008 et 2009, un bon nombre d'initiatives ont été lancées par les jeunes sur des thèmes liés aux Nations Unies. Jamais auparavant autant de groupes, d'associations et d'individus ne s'étaient tant mobilisés pour l'organisation de conférences, de séminaires ou de réunions sur les Nations Unies. A titre d'exemple, le réseau suisse Jeunesse-ONU (JUNES), organe faîtier d'associations d'étudiants, a su fédérer les énergies et dynamiser les échanges entre ses membres. Une activité particulièrement appréciée par les étudiants et régulièrement organisée dans les universités suisses restent les simulations des Nations Unies, particulièrement efficaces pour sensibiliser les jeunes à la négociation multilatérale et aux enjeux globaux. En 2009, les Nations Unies ont par ailleurs organisé leur première simulation «officielle», le Global Model United Nations (Global MUN). Genève a été choisie comme hôte pour cette première édition et le Palais des Nations a ainsi accueilli quelque 370 jeunes universitaires du monde entier.

Conclusion L'image dont jouit la Suisse au sein de l'ONU est celle d'un Etat indépendant et engagé, qui mène une politique active, autonome, prévisible et crédible. Être un partenaire actif et innovant au sein d'une organisation confrontée à des défis globaux majeurs implique que la Suisse définisse régulièrement son rôle et ses priorités thématiques et qu'elle examine les moyens à disposition pour renforcer sa capacité d'action et défendre ses intérêts. Pour un pays comme la Suisse, il serait souhaitable que les questions thématiques de portée mondiale soient abordées à l'ONU, enceinte où elle jouit des mêmes droits que tout Etat membre. A l'instar d'autres pays qui ne sont pas assujettis à la
discipline des groupes, le poids politique de la Suisse est restreint lors de l'adoption de décisions clés à l'ONU. Cependant, cette autonomie lui permet de mettre à profit sa marge d'action, d'exposer ses positions sans distorsion, voir de jouer un rôle de facilitateur.

3.1.2

Conseil de partenariat euro-atlantique et Partenariat pour la Paix

Tendances et défis En matière de sécurité internationale, la Suisse participe, en plus de l'ONU et de l'OSCE, au Partenariat pour la paix (PPP) et au Conseil de partenariat euroatlantique (CPEA) depuis 1996 et 1997. Ces institutions ont été créées par l'OTAN en 1994 et 1997 afin d'inclure tous les Etats de la région euro-atlantique dans une coopération pratique à la carte et un étroit dialogue sur la sécurité. Ces dernières années, l'environnement sécuritaire euro-atlantique a subi des changements fondamentaux. Tout d'abord, l'OTAN s'est élargie jusqu'aux pays baltes et dans les Balkans, passant de 16 membres en 1991 à 28 membres en 2009. Ensuite, tout en 1051

demeurant une alliance militaire, l'OTAN est devenue une organisation de sécurité euro-atlantique s'intéressant à des thèmes allant de la cyberdéfense à l'approche globale en matière d'opérations internationales de paix, en passant par la sécurité énergétique. Au delà du CPEA/PPP, l'OTAN a multiplié les partenariats avec des Etats du pourtour méditerranéen (Dialogue méditerranéen) et avec des Etats du Golfe (Initiative d'Istanbul). D'autres pays géographiquement plus éloignés (Australie, Japon ou Nouvelle-Zélande) sont devenus des partenaires de l'OTAN principalement en raison de leurs contributions aux opérations. En outre, l'OTAN accorde un intérêt tout particulier aux opérations internationales de soutien à la paix et s'est fortement engagée à ce titre en Afghanistan (par le biais de la FIAS). Avec des contributions et activités ciblées dans le cadre du CPEA/PPP, la Suisse maintient une relation mutuellement bénéfique avec l'Alliance atlantique.

Activités de la Suisse Pour la Suisse, le CPEA/PPP représente l'un des piliers de l'architecture de sécurité européenne ainsi qu'un instrument important de sa politique de sécurité. Dans ce contexte, la Suisse se base sur le principe que la stabilité et la sécurité dans l'espace euro-atlantique ne peuvent être assurées que par la coopération. Pour la Suisse, le CPEA/PPP est une plate-forme pour sa participation aux efforts d'instauration d'une sécurité collective; c'est aussi un vecteur d'échange de connaissances et d'expériences dans le domaine militaire. Reposant sur les principes de base de la participation volontaire et ne renfermant aucune obligation légale de participation à des activités déterminées, le Partenariat est parfaitement compatible avec la neutralité suisse.

Dans le cadre du CPEA/PPP, la Suisse s'engage dans des domaines tels que l'amélioration de la capacité de coopération militaire, la planification civile d'urgence et l'aide en cas de catastrophe ou encore la promotion du droit international humanitaire et du contrôle démocratique des forces armées. La participation de la Suisse au CPEA/PPP lui donne aussi un accès direct et institutionnel aux institutions de l'OTAN et également aux représentants des pays membres de l'OTAN qui jouent un rôle déterminant dans le cadre de la sécurité européenne (Etats-Unis, France, Royaume-Uni,
Allemagne).

Au sein du PPP, la Suisse offre des activités de formation à d'autres Etats membres, et elle participe à des cours et à des exercices de l'OTAN ouverts aux pays membres du PPP. Sa participation à ces activités permet à la Suisse d'améliorer ses capacités en matière de gestion internationale de crise dans l'optique d'une participation à des opérations de promotion de la paix. A l'avenir, il s'agira également d'accorder une attention croissante aux problèmes posés par les nouvelles menaces en matière de sécurité dans un contexte européen et international, exacerbées par les retombées de la crise économique. Comptent parmi ces problèmes la sécurité énergétique, le terrorisme, les Etats fragiles et défaillants ou la cyberdéfense. La Suisse participe aux discussions sur ces questions dans le cadre du CPEA et de la redéfinition du nouveau concept stratégique de l'OTAN, qui sera adopté à l'occasion du Sommet de l'OTAN à Lisbonne en novembre 2010.

Perspectives à court et moyen terme L'OTAN compte de plus en plus, à l'avenir, sur la contribution des partenaires aux opérations de soutien à la paix sous forme d'engagements de militaires et de civils sur le terrain (exigeant, pour la Suisse, un mandat de l'ONU ou de l'OSCE). Les relations de la Suisse avec l'OTAN dépendront donc de plus en plus du type et de 1052

l'ampleur des contributions de la Suisse au profit de l'Alliance. Sur la base de ses intérêts en matière de politique étrangère et de sécurité, la Suisse continuera à examiner toute future contribution à des opérations conduites par l'OTAN. Sur les 50 Etats participant au CPEA/PPP, 22 ­ dont la Suisse ­ ne sont actuellement pas membres de l'OTAN. L'avenir de cette institution de la politique de sécurité qu'est le Partenariat euro-atlantique sera dès lors tributaire de l'importance que partenaires et alliés lui accorderont. Face aux réformes en cours relatives aux structures des différents partenariats de l'OTAN, la Suisse continuera à s'engager pour que le CPEA/PPP demeure un exemple en matière de coopération pratique et de dialogue sur la sécurité pour tous les partenariats.

3.1.3

Francophonie

L'année 2010 marque le 40e anniversaire de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). A cette occasion, la Suisse a accueilli la XIIIe Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage. Communément appelée «Sommet de la Francophonie», cette Conférence a lieu tous les deux ans, son but étant de définir les grandes orientations de la Francophonie.

Forte de ses 56 Etats et gouvernements membres ainsi que de 14 pays observateurs, la Francophonie s'engage principalement au plan international en faveur de la promotion de la paix, de la démocratie et de l'Etat de droit, ainsi que de la diversité culturelle et linguistique. Elle oeuvre également dans le domaine de l'éducation de base, de l'enseignement supérieur et du développement durable.

Au-delà de la coopération intergouvernementale, la Francophonie conduit ses activités en s'appuyant en priorité sur ses quatre opérateurs spécialisés que sont l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF), la chaîne de télévision internationale TV5 Monde, l'Association internationale des maires francophones (AIMF) et l'Université Senghor. La Francophonie dispose en outre d'une Assemblée parlementaire qui agit en tant qu'organe consultatif et constitue, avec les opérateurs, le noyau central d'un vaste réseau associatif et diversifié.

La Suisse participe à toutes les instances de la Francophonie ainsi qu'aux travaux de tous ses opérateurs. Elle a notamment participé en 1984 à la création de la chaîne de télévision internationale francophone TV5 dont la SSR est membre du Conseil 1053

d'administration. Toutes les universités de Suisse romande, l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), la Haute école spécialisée de Suisse romande, ainsi que plusieurs instituts sont membres de l'Agence universitaire de la Francophonie.

Lausanne et Genève sont membres de l'Association internationale des maires francophones. Le Parlement fédéral est en outre représenté par une délégation à l'Assemblée parlementaire de la Francophonie.

Représentant plus d'un tiers des Etats membres de l'ONU, la Francophonie cherche à se positionner comme un acteur des relations internationales, notamment pour ce qui est de la gestion et du règlement des conflits en Afrique francophone et de la mobilisation de ses Etats membres face aux grands défis mondiaux. La Francophonie constitue pour la Suisse, qui en est le 4e bailleur de fonds après la France, le Canada et la Communauté française de Belgique, un cadre d'influence qu'elle utilise pour promouvoir ses objectifs de politique étrangère, tels la promotion du respect des droits de l'homme, de la démocratie, de la sécurité humaine et la prévention des conflits. Il en va de même pour le succès de nombre de ses initiatives et candidatures au plan international.

La présidence de l'OIF jusqu'en 2012, et surtout l'accueil du XIIIe Sommet de la Francophonie, ont permis à la Suisse de se présenter à ses partenaires francophones comme un pays attaché à la Francophonie, promouvant les priorités qui sont les siennes, notamment la paix, la démocratie, l'Etat de droit et la diversité culturelle et linguistique. Ce Sommet, dont le thème général était consacré aux «défis et visions d'avenir de la Francophonie», a permis en outre à la Suisse de contribuer de façon substantielle à l'orientation future que lui ont donnée les chefs d'Etat et de gouvernements. Les grands thèmes dans ce contexte sont: la place de la Francophonie dans la gouvernance mondiale; la Francophonie face aux défis tels que la sécurité alimentaire, le changement climatique et la biodiversité; ainsi que la place du français et de l'éducation face aux défis de la diversité et de l'innovation.

3.1.4

Unions, associations et coopérations entre pays hors de l'Europe

Les unions, associations et coopérations de pays se sont multipliées en Afrique, en Amérique et en Asie. La Suisse a un statut d'observateur auprès des principales de ces organisations. Les paragraphes qui suivent en dressent un bref inventaire.

Union africaine Fondée en 2002 pour prendre la relève de l'Organisation de l'unité africaine, l'Union africaine (UA) s'est beaucoup développée depuis et a acquis une visibilité accrue. Elle possède un prestige et une autorité morale considérables dans les pays africains et représente un utile point d'ancrage de la politique extérieure de ses membres, par exemple en ce qui concerne la coordination des positions africaines sur la scène multilatérale. Sur son continent, c'est un acteur important de la paix, présent sur pratiquement tous les volets du développement, comme la lutte contre la pauvreté, la migration, le commerce ou l'énergie.

L'UA rassemble les 53 pays d'Afrique, sauf le Maroc. Elle se considère comme l'organisation de l'intégration panafricaine; elle entend à ce titre résoudre les problèmes intérieurs du continent et rehausser son statut à l'extérieur. Elle promeut le développement économique, social et culturel durable, et vise en fin de compte à 1054

l'unité économique et politique du continent africain. Elle encourage donc la paix, la sécurité et la stabilité, la démocratie, l'Etat de droit et la bonne gouvernance, ainsi que les droits de l'homme et s'efforce de mettre en place une politique commune en matière de défense, de relations extérieures et de communication.

La Suisse entretient avec elle depuis 2006 des relations formelles avec statut d'observateur. Elle s'intéresse en particulier aux activités de l'UA en matière de promotion de la démocratie et de la paix, de développement et d'aide humanitaire, de bonne gouvernance et de droits de l'homme. La collaboration a jusqu'à présent été plutôt ponctuelle, revêtant par exemple la forme de capacités de soutien en alerte rapide et en prévention des conflits. L'Union devenant de plus en plus un acteur régional, la Suisse a intérêt à approfondir ses relations avec elle et à chercher d'autres formes de coopération.

Organisation des Etats américains L'Organisation des Etats américains (OEA) est la plus ancienne enceinte institutionnalisée de dialogue et de coopération sur le double continent américain. Elle réunit presque tous les Etats du continent et assume une importante fonction de trait d'union entre le Nord et le Sud. Elle se propose notamment de consolider la démocratie et les droits de l'homme et de promouvoir la paix et la sécurité. La Commission et la Cour interaméricaines des droits de l'homme, en particulier, s'emploient à faire reconnaître et respecter les droits de l'homme sur le continent.

L'Assemblée générale de l'OEA a décidé en 2009 d'inviter Cuba à rejoindre l'Organisation, dont le gouvernement cubain avait été exclu en 1962. En revanche, le Honduras a été suspendu après le coup d'Etat militaire qui a renversé en juin 2009 son président démocratiquement élu.

La Suisse a depuis 1978 le statut d'observateur à l'OEA, ce qui lui permet d'analyser l'actualité macro-économique du continent américain. Elle parvient ainsi à peu de frais à entretenir et à développer son réseau de contacts politiques avec les membres.

Sur le plan opérationnel, elle soutient régulièrement des missions d'observation d'élections de l'OEA, auxquelles elle participe exceptionnellement en leur affectant quelques-uns de ses propres observateurs. Elle s'est par ailleurs associée en 2009 et 2010 à des projets
d'encouragement de la liberté d'expression en Amérique latine; cela lui est très utile pour rehausser sa visibilité dans les pays d'accueil et y faire percevoir la Suisse comme un partenaire intéressant.

Au-delà de l'OEA, une dynamique d'intégration a pris naissance, notamment en Amérique latine, avec des objectifs et des constellations variables. On peut évoquer par exemple le Mercosur (Mercado Común del Sur), dans le domaine économique; formé en 1991, ce marché commun de 240 millions d'habitants a vocation à favoriser le développement économique de ses membres. Au sein de l'AELE, la Suisse maintient avec les pays du Mercosur un dialogue régulier visant à encourager les échanges économiques. Elle a tout intérêt à suivre de très près les efforts d'intégration régionale de l'Amérique latine pour identifier les possibilités de collaborations susceptibles de produire des retombées positives sur ses relations bilatérales avec les membres de l'organisation.

1055

Association des nations de l'Asie du Sud-Est et autres organisations de l'espace Asie-Océanie Avec l'espace Asie-Océanie (ANASE/ASEAN) dont la charte est entrée en vigueur le 15 décembre 2008, les liens de la Suisse ont été formalisés en septembre 2009, date de l'accréditation de l'ambassadeur de Suisse auprès du Secrétariat de l'organisation. L'ANASE + 3 (Japon, Chine, Corée du Sud) et le dialogue Europe ­ Asie ASEM avec l'Union européenne sont autant d'enceintes d'échange intéressantes, cette dernière méritant que la Suisse étudie une manière d'y être associée.

L'Initiative de Chiang Mai, issue de la crise économique du Sud-Est asiatique à la fin des années 90, est aussi devenue un mécanisme utile, comme la crise de 2008 à 2009 l'a démontré. D'autres enceintes, tels que l'APEC, le East Asian Summit (EAS), la South Asia Association for Regional Cooperation et même la Shanghai Cooperation Organisation, témoignent de la montée en force d'un nouveau multilatéralisme politico-économique qui exige un engagement accru de la part de la Suisse. Dans ce contexte sont à mentionner également les engagements multilatéraux de la Suisse (cas de la Banque asiatique de développement ou du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR), les vecteurs de coopération Sud-Sud ou encore la présence suisse dans la péninsule coréenne au sein de la Commission des nations neutres pour la surveillance de l'armistice (Neutral Nations Supervisory Commission, NNSC) en Corée, au titre des accords d'armistice de 1953.

Il convient de souligner que la région Asie-Pacifique a d'ores et déjà montré le rôle régulateur qu'elle peut jouer dans la gestion des problèmes économiques. Avec six pays du G20 (Japon, Chine, Inde, Corée du Sud, Australie, Indonésie), ses fonds souverains colossaux et ses réserves en devises, ce continent est incontournable dans la recherche de solutions durables. Les relations privilégiées de la Suisse avec ces protagonistes devraient permettre de faire valoir les intérêts économiques suisses en Asie-Océanie, au même titre que les priorités dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et de la gestion responsable des ressources et de l'environnement.

Le statut d'observateur est pour la Suisse un moyen très utile de se tenir au courant de ce qui se passe dans les régions du monde
concernées, par le canal de leurs organisations régionales. Il lui confère aussi une bonne visibilité parmi les Etats membres, ce qui se répercute sur ses relations et ses contacts bilatéraux avec ces pays.

3.1.5

Organisation de la Conférence islamique (OCI)

L'Organisation de la Conférence islamique (OCI), fondée en 1969, rassemble actuellement 57 pays et a pour vocation première de renforcer la solidarité islamique. Organe politique des pays islamiques, elle est dépourvue de caractère à proprement parler religieux. Elle intensifie depuis 2005 ses relations avec les organisations et organismes internationaux (ONU, Conseil des droits de l'homme, UE). Du fait qu'elle représente les intérêts politiques du monde islamique, elle se penche non seulement sur les conflits et problèmes régionaux, comme la question israélopalestinienne, mais de plus en plus aussi sur l'islamophobie. Son observatoire de l'islamophobie publie des rapports réguliers et aborde ce problème dans diverses enceintes multilatérales où elle a le statut d'observateur, par exemple au Conseil des droits de l'homme. Elle accorde également une grande importance à la situation des

1056

Palestiniens et au statut de Jérusalem. Elle fournit de l'aide au Territoire palestinien occupé, avec le concours de ses sous-organismes.

La Suisse a entamé en été 2007 un dialogue régulier avec l'OCI. Il lui permet de mener ainsi des consultations sur des sujets intéressant les deux parties et contribue à renforcer le réseau de relations de la Suisse dans le monde islamique. Au moment de l'initiative contre la construction des minarets, il a été possible de faire connaître le système suisse de démocratie directe en diffusant des informations par son canal.

Lorsque l'initiative contre la construction des minarets a été acceptée, l'OCI a adopté une attitude plus critique à l'égard de la Suisse, comme on pouvait s'y attendre. Dans ce contexte, elle défend surtout les droits des musulmans en Suisse. La question revient régulièrement dans son dialogue avec notre pays. La Suisse a intérêt à poursuivre avec l'OCI un dialogue actif et franc et à répondre sur ce mode aux critiques suscitées par l'interdiction de la construction des minarets. Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU et le processus de suivi de la Conférence de Durban contre le racisme et la xénophobie sont deux autres sujets qui intéressent les deux parties. Des divergences subsistent en ce qui concerne la liberté d'expression et la diffamation des religions.

3.1.6

Organismes internationaux de justice pénale

Tendances mondiales Dès les années 90, la lutte contre l'impunité des crimes les plus graves a pris de plus en plus d'importance. Quand bien même le droit international requérait que soient poursuivis les auteurs des crimes tels que le génocide, les crimes contre l'humanité ou les crimes de guerre, les Etats en situation de post-conflit faisaient souvent face à des difficultés, voire à une impossibilité de mener des poursuites indépendantes et efficaces. Il est alors devenu évident que la justice pénale internationale avait un rôle crucial à jouer dans la lutte contre l'impunité. C'est dans ce contexte qu'ont été créés les tribunaux pénaux internationaux ad hoc, à savoir le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Cette tendance a enfin abouti, une dizaine d'années plus tard, à la création de la Cour pénale internationale (CPI), première instance juridictionnelle internationale permanente chargée de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves.

Défis à relever La justice pénale internationale rencontre de nombreux défis. Elle doit mener des activités judiciaires, de manière indépendante et impartiale, dans un contexte parfois hautement politique. Elle est régulièrement amenée à s'interroger sur le rôle qu'elle peut jouer au-delà de son action pénale, par exemple quant à contribuer au maintien de la paix ou à ce que les sociétés affectées confrontent au mieux leur passé.

L'expérience des tribunaux ad hoc montre que les poursuites individuelles, bien que représentant un volet important de son action, n'en constituent qu'un aspect. On constate auprès de certains membres de la communauté internationale une certaine réticence à recourir aux mécanismes de la justice pénale internationale par peur de compromettre des efforts de paix. Il est alors indispensable de montrer que justice et paix, loin de s'opposer, se conditionnent l'une l'autre.

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En ce qui concerne la Cour pénale internationale (CPI), l'un des défis les plus importants est celui de la coopération des Etats, sans laquelle elle ne peut mener à bien ses activités et exécuter pleinement son mandat. Son efficacité, et ainsi sa crédibilité, sont en jeu. En ce qui concerne les tribunaux pénaux internationaux ad hoc, leur défi est de mener à bien leurs travaux en vue de leur prochaine fermeture. La communauté internationale, en particulier le Conseil de sécurité des Nations Unies, se voit confrontée aux questions qui se poseront à la suite de leur fermeture.

Activités de la Suisse La Suisse est convaincue de l'importance de la lutte contre l'impunité pour l'établissement et le maintien de la paix et de la sécurité internationales. C'est pour cette raison que la Suisse s'engage depuis des années déjà en faveur de la lutte contre l'impunité et de la justice pénale internationale, et en particulier en faveur de la CPI, qui en est devenue le pilier principal. Cet engagement est en accord avec certains de ses centres d'intérêt connexes, notamment le droit international humanitaire et les droits de l'homme, dont la justice pénale internationale assure un meilleur respect.

En ce qui concerne la CPI, la Suisse a toujours participé activement aux discussions et aux négociations qui se sont déroulées lors de l'Assemblée annuelle des Etats parties au Statut de la Cour. Cette participation s'est poursuivie et s'est étendue à la Conférence de révision du Statut de la CPI, qui a eu lieu en juin 2010 à Kampala, en Ouganda. La Conférence avait pour objectif principal l'intégration du crime d'agression dans le Statut de la CPI. La Suisse s'est considérablement impliquée aux côtés du Brésil, de l'Argentine et du Canada dans la recherche d'une solution consensuelle. L'esprit de compromis et la créativité qui ont animé ce petit groupe d'Etats ont permis d'adopter la définition du crime d'agression ainsi qu'un régime particulier de juridiction pour la CPI sur ce crime. 65 ans après les condamnations pour «crimes contre la paix» prononcées par les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, le crime d'agression a été défini au niveau international et intégré de manière permanente dans la juridiction de la CPI, renforçant ainsi la protection du ius contra bellum par le droit pénal international. L'inclusion
du crime d'agression dans le Statut de la CPI est un évènement historique, de valeur sans doute hautement symbolique, en vue de la création d'une «culture de la paix».

En outre, la Conférence a adopté une résolution par laquelle elle a amendé l'art. 8 du Statut de Rome pour élargir la compétence de la Cour au crime de guerre consistant à employer certaines armes empoisonnées, des balles qui s'aplatissent facilement dans le corps humain, des gaz asphyxiants ou toxiques, ainsi que tous liquides, matières ou procédés analogues. L'utilisation de ces armes est déjà interdite aujourd'hui par le Statut dans le cadre d'un conflit armé présentant un caractère international. L'amendement adopté à Kampala prévoit leur interdiction même dans le cadre d'un conflit armé ne présentant pas un caractère international.

Dans le cadre de la Conférence, la Suisse a enfin joué un rôle de facilitation dans l'organisation d'une discussion en panel sur la complémentarité de la paix et de la justice. Le panel a souligné que la Cour avait marqué un tournant, dans le sens où une relation positive s'était instaurée entre les objectifs parallèles de la paix et de la justice. Cette constatation est importante dans la mesure où il sera sans doute moins facile désormais de reprocher à la Cour de faire obstacle à de fragiles processus de paix.

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Perspectives La conférence de Kampala a démontré que la communauté internationale garde, encore à l'heure actuelle, la volonté d'accorder à la justice pénale internationale l'attention et l'appui nécessaires à mettre durablement un terme à l'impunité.

Malgré ce résultat encourageant, le succès de la justice pénale est encore loin d'être garanti. A l'avenir, la Suisse devra continuer de s'employer à la renforcer, en particulier au travers de son soutien à la Cour pénale internationale. Il est improbable que de nouveaux tribunaux ad hoc soient constitués sur le modèle des TPI pour l'exYougoslavie et le Rwanda. Il est d'autant plus important que la CPI s'impose comme une instance internationale permanente et soit aussi universellement reconnue que possible. Dans ce cadre, la Suisse soutient dans divers pays des projets dont le but est de promouvoir la ratification universelle du Statut de Rome et d'en assurer la mise en oeuvre sur le plan national ­ ce qui peut au besoin s'obtenir, dans les Etats fragilisés, par la création d'un tribunal national spécial à composante internationale.

En ce qui concerne les capacités suisses de poursuivre les crimes internationaux, le Parlement a approuvé la modification de lois fédérales en vue de la mise en oeuvre du Statut de Rome de la CPI.

Concernant les résultats de Kampala, la Suisse, Etat dépositaire des Conventions de Genève, devrait entamer dans les meilleurs délais les procédures permettant la ratification des amendements relatifs aux crimes de guerre. En outre, elle devrait examiner sérieusement la question de la ratification de l'amendement relatif au crime d'agression, dans la perspective d'une activation de la compétence de la CPI à l'égard de ce crime à partir de 2017.

3.2

Multilatéralisme touchant à l'économie

3.2.1

G20

Le G20 s'est imposé comme la première enceinte politique mondiale dans le secteur économique et financier, après ses sommets de Washington, de Londres et de Pittsburgh. Bien qu'il ne soit pas une institution internationale dotée de la personnalité juridique et d'un secrétariat, il détermine de plus en plus ­ et certainement bien davantage que le G8 qui l'avait précédé ­ les programmes de travail des organismes 1059

spécialisés dans l'économie et la finance. Désormais, il se penchera sur la nouvelle architecture financière mondiale et le rôle des pays émergents et des organisations internationales comme l'OCDE, le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et le Conseil de stabilité financière, et se réunira au moins une fois par an au niveau des chefs d'Etat. Le G8 continue de se réunir, comme il l'a fait au mois de juin 2010 en prévision du G20 de Toronto; à l'avenir, ce groupe plus réduit de pays développés privilégiera probablement les dossiers sur la sécurité, la politique extérieure et le développement.

Au sommet de Pittsburgh, en septembre 2009, les chefs d'Etat et de gouvernement présents au G20 ont procédé à une première évaluation de l'action coordonnée à l'échelle mondiale de lutte contre la crise économique et financière. Un an après l'effondrement de la banque Lehman Brothers, le G20 avait envisagé à Londres, dès le mois d'avril 2009, des mesures de prévention des crises financières futures (dont des règles de fonds propres imposées aux banques, la réglementation des primes et bonus, l'échange d'informations à des fins fiscales). La détérioration attendue de la conjoncture dans certains pays a nécessité à l'automne 2009 le maintien des programmes gouvernementaux de soutien. Le G20 a d'autre part lancé son Cadre pour une croissance forte, durable et équilibrée, visant à une meilleure coordination des politiques économiques mondiales et à la réduction des déséquilibres globaux. Il a chargé le FMI de contrôler les objectifs et la qualité des mesures économiques et financières adoptées par les membres, et leurs effets sur la stabilité du système international. En étendant sa réflexion à d'autres thèmes, comme les subventions énergétiques, les changements climatiques et le protectionnisme commercial, le G20 s'est affirmé une fois encore comme le grand forum de la coopération économique internationale.

Sommets de Toronto et de Séoul Le sommet de Toronto, les 26 et 27 juin 2010, a été une rencontre d'étape sans grand résultat, comme on pouvait s'y attendre. Mais les travaux de réglementation des marchés financiers se poursuivent partout. La Suisse a été déçue de la tiédeur du soutien au marché libre Les chefs d'Etat et de gouvernement du G20 se sont réunis les 11 et 12 novembre 2010 à Seoul. Au
centre de la discussion figuraient à nouveau les questions de la stabilisation du système financier et monétaire international, des réformes de la réglementation des Marchés financiers et de l'instauration de Mécanismes pour garantir une liquidité globale (Financial Safety Nets). Dans sa déclaration à l'issue du sommet, le G20 s'engage à poursuivre des politiques économiques durables, à réduire les déséquilibres globaux et à entreprendre des réformes structurelles et du secteur financier, qui garantissent le retour à une croissance globale forte et durable.

Le G20 a également évoqué l'endiguement du protectionnisme, le soutien à la croissance verte, ainsi que la politique de développement, tout en s'accordant sur la nécessité de conclure les négociations en vue d'une libéralisation du commerce mondial (négociations de Doha).

Le G20 se prononcent clairement en faveur d'une mise en oeuvre complète, dans un délai convenu, des nouvelles directives renforcées du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (Bâle III). En outre, le G20 s'est penché sur différentes recommandations et initiatives de régulation du Conseil de Stabilité Financière (CSF), au sein duquel la Suisse est également représentée par le DFF et la BNS. Le G20 a en particulier

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encouragé les mesures préconisées par le CSF visant à limiter les risques émanant d'institutions financières d'importance systémique.

Présidence française du G20 en 2011 La France reprendra en 2011 la double présidence du G20 et du G8. Elle a déjà fait connaître ses premières priorités: continuation des réformes du système financier, du cadre pour une croissance forte, durable et équilibrée ainsi que de l'évaluation mutuelle des politiques économiques. Elle a par ailleurs laissé entendre qu'elle voudrait faire avancer la réforme du système monétaire international et élaborer une régulation des marchés de matières premières.

Influence de la Suisse La Suisse n'a été invitée ni dans les divers groupes de travail, ni aux réunions ministérielles, ni aux sommets. Elle a toutefois pu faire indirectement entendre sa voix sur certaines questions, par le canal de ses relations avec certains pays et au sein d'organisations internationales. Les contacts exploratoires pris à la veille du sommet de Londres ont montré que si l'on comprenait ici ou là son souhait d'être invitée, eu égard à son poids dans le secteur financier, presque aucun pays politiquement important n'était disposé à intervenir en sa faveur auprès des hôtes du sommet de Londres.

L'impression générale était plutôt que l'Europe est déjà surreprésentée au G20.

Dans ce contexte, le Conseil fédéral a réexaminé au mois d'octobre 2009 son attitude à l'égard du G20; il a constitué un groupe de travail interdépartemental (DFAE, DFF, DFE) chargé de passer en revue les options envisageables de coopération. Le groupe, placé sous la direction en 2010 du Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales et en 2011 du Secrétariat d'Etat à l'économie, lui a soumis à la fin du mois de février 2010 une proposition de suite à donner. Il coordonne depuis la politique de la Suisse à l'égard du G20 en renforçant la présence suisse dans les organisations internationales et autres fora, en demandant une inclusion directe dans les travaux du G20 et en informant les présidences du G20 sur les positions suisses relatives aux points de l'ordre du jour des sommets.

Bien que la Suisse n'ait pas participé jusqu'à présent aux rencontres du G20, elle est directement touchée par ses décisions. Au septième rang des places financières mondiales, c'est aussi l'un
des pays possédant le plus d'expérience en matière de marchés financiers internationaux ­ une priorité actuelle du G20. Forte de cette compétence, elle peut user au mieux de son droit de consultation au sein des organismes préparant les sommets du G20 ­ notamment les institutions de BrettonWoods, l'OCDE, le Conseil de stabilité financière, le Comité de Bâle, le Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux et le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements. Au sein de ces organisations, elle avait d'ailleurs pris une part active à la préparation des mesures adoptées par le G20 au cours de l'année écoulée.

La crise financière a bien mis en lumière la nécessité d'une réglementation plus efficace et plus judicieuse du secteur financier, que la mondialisation contraint les organisations internationales à coordonner. Le G20 peut jouer un rôle utile à ce niveau. Mais on ne saurait pour autant occulter la question de sa légitimité. Certes, sa structure légère lui permet de s'attaquer rapidement aux nouveaux problèmes en s'appuyant, pour la réalisation de ses objectifs et ses intérêts, sur les compétences des institutions internationales concernées. Mais ce gain d'efficacité ne doit pas faire oublier que les positions des petits pays, en particulier les centres financiers 1061

d'importance systémique et les pays en développement, y sont sous-représentées; il est donc indispensable de concevoir un mécanisme satisfaisant de coopération avec les institutions internationales représentatives existantes.

3.2.2

Conseil de stabilité financière

Le Conseil de stabilité financière (CSF) a commencé à occuper une place de premier plan dans la réglementation des marchés financiers internationaux à la faveur de la crise financière. Son rôle consiste à assurer la coordination entre les organismes spécialisés de définition des normes dans divers domaines (régulation de la banque, de l'assurance et des marchés financiers, normes de présentation des comptes et d'audit, etc.) et il s'occupe lui-même de définir des normes. Il a par exemple déjà publié au mois de novembre 2008 des directives sur les systèmes de rémunération; il travaille également sur l'échange international de renseignements entre les autorités de surveillance, sur les capitaux propres et les liquidités des établissements financiers, ainsi que sur les moyens de limiter le problème des entreprises d'importance systémique, ces établissements financiers «trop gros pour faire faillite».

Le G20 a sensiblement revalorisé le statut du CSF l'année dernière, même au niveau institutionnel. Le Conseil a pris en avril 2009 la relève du Forum de stabilité financière créé par le G7 en 1999, mais avec davantage de membres (notamment d'importants pays émergents), un mandat élargi et un secrétariat renforcé. En font partie 24 pays, les principales institutions financières internationales et les grands organismes de définition des standards. La représentation reflète la taille de l'économie et du secteur financier du pays, ainsi que sa stabilité financière. Les principaux pays disposent d'une triple représentation (banque centrale, ministère des finances et organisme de surveillance prudentielle), les autres d'une représentation double ou simple. La Suisse est représentée au CSF par la Banque et par le Département fédéral des finances.

Au-delà de ses activités plutôt techniques de définition des standards, le CSF a aussi pour mission désormais de vérifier que les pays respectent bien les recommandations internationales. Un dispositif de contrôle croisé fondé sur un examen par les pairs a été mis en place sur les questions concernant les Etats membres. La Suisse fera l'objet d'un tel contrôle en 2011. Ella a conduit l'examen de l'Espagne en 2010. Un dispositif parallèle sert à identifier les pays qui refusent de coopérer.

La Suisse estime que le Conseil de stabilité financière est suffisamment léger
pour travailler efficacement; elle le voit donc comme une organisation capable d'exercer une influence dans un domaine central du système financier international. Elle peut contribuer en son sein à renforcer la résilience aux crises et à faire en sorte que la réglementation des marchés financiers ne distorde pas le jeu de la concurrence.

3.2.3

OCDE

Développement de l'OCDE Trois ans après la décision d'élargissement du Conseil des ministres de l'OCDE, en mai 2007, l'organisation compte 34 membres, avec l'arrivée du Chili, d'Israël, de la Slovénie et de l'Estonie en mai 2010 (la Russie est en instance d'adhésion).

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L'organisation y a gagné en équilibre géographique et en capacité à assumer son rôle mondial.

C'est aussi dans le sens de ce rôle mondial que va le second axe d'ouverture de l'OCDE, à savoir le renforcement de sa coopération avec cinq grands pays émergents: le Brésil, la Chine, l'Inde, l'Indonésie et l'Afrique du Sud, qui bénéficieront des compétences de l'organisation en matière d'environnement, d'investissement et de lutte contre la corruption. Quant à l'OCDE, elle noue ainsi des liens institutionnels avec d'importants membres du G20.

Après un refroidissement des relations au printemps 2009, lorsque l'Organisation avait remis au G20 une «liste grise» des paradis fiscaux, la Suisse et l'OCDE ont renoué des liens plus cordiaux. C'est surtout parce que son secrétaire général s'est déclaré disposé à assurer la transparence de la coopération avec le G20 et d'autres organismes pour tous les membres, et a rendu hommage à la rapidité des actions entreprises: révision et renégociation des conventions de double imposition. En étroite liaison avec d'autres membres, la Suisse est parvenue à obtenir que les voix des petits et moyens pays ne perdent pas de leur poids au sein d'une organisation qui cultive le consensus.

Action de la Suisse sur le dossier fiscal La Suisse met promptement en application le standard de l'OCDE concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale en révisant rapidement ses conventions de double imposition. Dans le rapport d'étape qu'a soumis l'OCDE au G20 de Pittsburgh, en septembre 2009, elle figurait parmi les pays qui se conforment à la norme. Elle s'associe étroitement aussi aux travaux du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements, qui s'est réuni au mois de septembre 2009 à Mexico et a reçu du G20 un mandat qui renforce son statut. Elle siège jusqu'à la fin de l'année 2012 à son Comité directeur et au Comité du contrôle des normes. Le Forum est un organisme indépendant rattaché à l'OCDE et doté de son propre budget. En font partie les membres de l'OCDE, ceux du G20 et d'autres grandes places financières. Il a pour mission de contrôler le respect des normes de l'OCDE dans les échanges de renseignements fiscaux entre ses membres.

Le contrôle prévu se fait en deux phases. La première consiste à vérifier par avance les dispositions légales
sur la disponibilité des renseignements fiscaux dans les établissements financiers, l'accès de l'administration à ces données et les règles d'échange de renseignements. La seconde met l'accent sur les pratiques d'échanges internationaux de renseignements fiscaux. Les rapports d'examen des huit premiers pays ont été adoptés à la fin du mois de septembre 2010 à Singapour. Pour la Suisse, la première phase du contrôle a lieu au second semestre 2010.

La Suisse fait aussi partie du Groupe de travail informel sur la fiscalité et le développement du Comité d'aide au développement et du Comité des affaires fiscales.

Perspectives et défis L'OCDE revêt une grande importance pour la Suisse et son économie, car elle fixe à l'intention de ses membres des normes reprises dans le monde entier (comme les principes directeurs pour les entreprises multinationales, qui définissent un ample cadre de gouvernance responsable des entreprises, ou les recommandations sur la lutte contre la corruption, l'investissement, la coopération au développement). Eu égard à la mondialisation des marchés et de la concurrence, la Suisse a tout intérêt à 1063

user de son droit de consultation au sein de l'Organisation pour participer à la définition de la politique économique mondiale de demain. L'engagement renforcé des pays émergents et la coopération avec le G20 sont aussi d'une grande importance si toutes les puissances économiques doivent se mesurer à armes égales: les défis globaux, comme la maîtrise des crises économiques et financières, la lutte contre la corruption ou la croissance économique durable respectueuse de l'environnement, appellent des approches et des instruments globaux, auxquels tous les acteurs apportent un même soutien.

3.2.4

Organisation mondiale du commerce (OMC)

Fondée en 1995 pour succéder à l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), l'Organisation mondiale du commerce (OMC) est la seule organisation internationale compétente pour régler à l'échelon mondial les relations commerciales transfrontalières entre les Etats. A l'OMC, les Etats membres gèrent et surveillent une trentaine d'accords multilatéraux et deux accords plurilatéraux, (c'est-à-dire des accords non contraignants, s'appliquant uniquement aux signataires en matière de marchés publics et de commerce d'aéronefs civils). Les accords visent la libéralisation progressive des échanges internationaux, qui fait en général l'objet de cycles de négociations. Pour les petits pays et les pays intermédiaires, l'OMC constitue une plate-forme efficace leur permettant d'amener d'autres nations à des concessions en termes d'accès aux marchés. La Suisse, dont l'économie est pleinement intégrée aux échanges mondiaux, tire profit du système commercial de sécurité juridique de l'OMC, qui contribue à protéger ses exportations de biens et de services vers les autres pays membres. Parallèlement, de nombreux pays, dont la Suisse, ont décidé de s'engager sur la voie des accords de libre-échange pour s'assurer un accès sans discrimination à des marchés tiers. Pour autant, les accords de libre-échange ne sauraient remplacer le système multilatéral de règles, de négociations et de réglementation que constitue l'OMC, mais tout au plus le compléter et le renforcer, en s'appuyant sur les accords l'OMC.

Les négociations du cycle de Doha sont de nature technique. Les membres de l'OMC continuent de s'y engager, mais la situation politique actuelle est peu propice à une percée des négociations. Pourtant, un grand nombre de membres de l'OMC, dont la Suisse, seraient disposés à passer en phase de clôture sur la base de l'état actuel des négociations. Le cycle ne se terminera pas en 2010.

3.3

Multilatéralisme touchant à la culture et à la science

3.3.1

Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO)

La Suisse a été élue au Comité du patrimoine mondial de l'UNESCO en octobre 2009, pour un mandat de 4 ans. Il s'agit de l'organe chargé de la mise en oeuvre de la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, composé de 21 des 186 Etats parties à ce texte. Elle a emporté le plus de suffrages jamais enregistrés lors de cette élection disputée entre 29 Etats membres pour 12 sièges sans répartition géographique. La Suisse bénéficie d'une image positive qui

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repose sur un engagement technique de qualité lui conférant une certaine autorité pour influer sur les choix politiques.

Plusieurs des défis globaux, régionaux et locaux se trouvent incarnés dans les sites culturels et naturels qui figurent sur la Liste du patrimoine mondial. Les sites sont des laboratoires pour un examen multisectoriel de préoccupations telles que la gestion des ressources naturelles, le développement socio-économique durable, le respect des identités culturelles, la bonne gouvernance des biens publics et l'implication démocratique des communautés. La Suisse, confrontée elle aussi à certains de ces problèmes, apportera ses expériences au sein de l'UNESCO. De plus, avec dix sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial, dont plus de la moitié récemment (le dernier en date étant «La Chaux-de-Fonds / Le Locle, urbanisme horloger»), il est important que la Suisse puisse s'exprimer activement sur la politique développée à l'UNESCO en la matière.

Certains sites sont menacés par des conflits, d'autres sont parfois instrumentalisés dans le cadre de conflits. Ils deviennent par là les vecteurs d'un possible dialogue.

La Suisse pourra jouer ici un rôle et intégrer le patrimoine parmi les outils qu'elle utilise dans ses efforts de promotion de la paix.

La Suisse s'est, au cours des deux dernières années, engagée en Afrique pour appuyer le renforcement des capacités des professionnels responsables du patrimoine mondial. Cet effort vise à améliorer d'une part la qualité des dossiers de nomination de sites des pays du Sud, fortement sous-représentés sur la Liste du patrimoine mondial, d'autre part les méthodes de gestion des sites dont plusieurs sont en danger. La Suisse compte poursuivre cet engagement en 2010.

3.3.2

Organisation européenne pour la recherche en physique des particules (CERN)

Dans les domaines de la recherche et du développement technologique, l'Union européenne (UE) est le partenaire le plus important de la Suisse. La Suisse participe en effet pleinement et avec un succès particulier aux programmes-cadres de recherche de l'UE. De plus, la Suisse est reconnue comme acteur incontournable dans une multitude d'organisations européennes de recherche et technologie, dont elle est d'habitude membre fondateur et dans lesquelles elle exerce souvent une influence proportionnellement supérieure à son engagement financier. Un exemple significatif est l'Organisation européenne pour la recherche en physique des particules (CERN).

Depuis sa fondation à Meyrin, non loin de Genève, en 1953, le CERN n'a cessé de se développer pour devenir le laboratoire de physique des particules le plus prestigieux au monde. En témoigne par exemple la construction du Grand collisionneur de hadrons, le plus gros et le plus puissant des microscopes de tous les temps. Les expériences réalisées sur cet instrument ouvrent la voie à des découvertes d'un genre nouveau en physique et contribuent à approfondir la compréhension de la constitution de la matière et de la nature des forces.

L'attention que voue le monde à ce projet, qui n'aurait jamais pu être réalisé sans le concours de physiciens des quatre coins du globe, attire à Genève un nombre sans cesse croissant de scientifiques pour des séjours de courte ou longue durée. Appartenir au CERN est une source de prestige pour les scientifiques et les 20 Etats impliqués. Si ces derniers sont tous européens, les scientifiques, eux, viennent du monde 1065

entier. Depuis la mise en marche du Grand collisionneur de hadrons, le CERN s'attache à asseoir durablement sa position de chef de file à l'échelle mondiale. Audelà de leur travail scientifique, l'organisation et ses membres s'interrogent sur des questions politiques: quels pays dotés de grosses capacités en physique des particules peuvent, veulent et devraient en être membres associés ou participer à son développement à titre de membre de plein exercice? Comment faudra-t-il organiser, financer et réaliser de façon économiquement viable les projets d'envergure globale que prévoit l'Organisation? Le CERN va-t-il rester un organisme à dominante européenne autour duquel gravite une constellation mondiale de partenaires, ou doit-il devenir une organisation mondiale accueillant tous les pays, non seulement en tant que partenaires et utilisateurs, mais aussi avec le statut de membre?

Dans ce contexte, le conseil du CERN a adopté au mois de juin 2010 une stratégie à la préparation de laquelle avait participé la Suisse et qui prévoit pour la première fois dans l'histoire de l'Organisation que l'adhésion ne soit plus réservée aux seuls Etats européens. Désormais, tout pays pourra devenir membre du CERN s'il remplit certaines conditions scientifiques, industrielles et politiques. Le nouveau statut de membre associé introduit une autre forme de participation, par laquelle doit initialement passer tout Etat désireux d'adhérer, mais qui représente aussi une formule intéressante pour les pays qui ne répondent pas aux critères financiers, techniques ou politiques. Le Conseil veillera toutefois à ce que les pays d'Europe conservent le contrôle du plus gros centre mondial de recherche fondamentale au monde.

Bien que 18 des 20 membres du CERN appartiennent à l'Union européenne, les intérêts et l'influence de cette dernière étaient modestes jusqu'à tout récemment.

Depuis trois ans, la Commission européenne, qui a statut d'observateur au Conseil du CERN, gagne constamment en influence. Elle a signé le 17 juillet 2009 avec l'Organisation un mémorandum d'entente qui inscrit la coopération dans un cadre structuré, par exemple pour ce qui est de la mise en oeuvre de la stratégie européenne de physique des particules et du développement de l'espace européen de la recherche.

La Suisse a tout intérêt à ce que le CERN se
positionne avec succès dans le monde et se consolide: c'est un atout pour son statut d'Etat hôte, sa science, mais aussi son économie. Les contributions ordinaires qu'elle lui verse à titre de membre s'élèvent à quelque 30 millions de francs par an (soit 3 % environ du budget de l'organisation). Au cours de ces vingt dernières années, elle lui a en outre alloué plus de 130 millions de francs de contributions spéciales. Elle soutient ainsi un laboratoire mondial de physique des particules, dont elle met à profit le rayonnement pour encourager la relève scientifique et technique chez elle.

La Suisse, l'un des pays d'accueil du CERN, tire un bénéfice économique de sa présence. Elle lui fournit une part relativement importante de son personnel (7,5 %).

Les 2400 personnes qui y sont employées apportent une contribution notable à l'économie genevoise. A quoi il faut ajouter chaque année plus de 9000 chercheurs invités, venus du monde entier passer quelque temps au CERN. Il faut aussi mentionner les marchés industriels et de services, qui vont en bonne part aux entreprises suisses; ces flux ont excédé les 250 millions de francs ces quatre dernières années.

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3.3.3

Agence spatiale européenne (ESA)

La Suisse est membre fondateur de l'Agence spatiale européenne (ESA) qui a été fondée en 1975 par dix Etats européens et en compte dix-huit aujourd'hui. L'ESA développe les fusées Ariane et Vega, conduit des programmes de vols habités, d'exploration de l'univers, d'observation de la Terre, de télécommunication, de navigation, ainsi que des programmes scientifiques.

La Suisse ne pourrait pas mener seule de tels programmes. Sa participation à l'ESA lui ouvre l'accès à l'espace et lui permet de participer au développement de technologies spatiales au travers de contrats attribués aux acteurs industriels et scientifiques suisses. De plus, la Suisse bénéficie ainsi des applications de ces technologies dans des domaines d'importance économique et sociétale, tels que les communications, les transports, la navigation, les prévisions météorologiques, la surveillance de l'environnement et l'étude des changements climatiques.

A relever toutefois que l'ESA est en pleine évolution. Au-delà de son élargissement aux pays membres de l'Union européenne (UE), elle est marquée par son rapprochement institutionnel avec l'UE, formalisé par un accord-cadre en 2004. Il en résulte des réunions conjointes au niveau ministériel (le «Conseil Espace» qui réunit les ministres en charge des affaires spatiales dans les Etats membres de l'ESA et de l'UE) pour orienter les programmes conjoints de grande envergure comme Galileo (navigation et positionnement) et GMES (surveillance de l'environnement et sécurité). Une Politique spatiale européenne commune a ainsi été adoptée en 2007. En principe, l'ESA développe l'infrastructure spatiale qui ensuite est opérée et exploitée par l'UE.

La Suisse est reconnue pour exercer au sein de l'ESA une influence significative.

Pour maintenir cette position, des efforts particuliers sont nécessaires, plus particulièrement dans les phases d'exploitation des programmes de l'agence. L'impact du Traité de Lisbonne et les nouvelles compétences qu'il confère à l'UE sont en cours d'évaluation. Pour la Suisse, il s'agit de préserver ce qu'elle réalise à travers l'ESA grâce à la nature intergouvernementale de celle-ci, à savoir prendre part à la définition des programmes et avoir pleinement accès aux différentes phases (y compris aux phases d'exploitation), aux marchés, aux données et aux autres résultats de ces programmes.

3.3.4

Comité des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique de l'ONU (UN COPUOS)

Dans le cadre des Nations Unies, la Suisse s'engage depuis 1999 en faveur de la coopération internationale visant à promouvoir l'utilisation des technologies spatiales et l'utilisation pacifique de l'espace extra-atmosphérique. Dans ce contexte, elle collabore par exemple depuis 2004 avec l'ONU et l'ESA (voir ch. 3.3.3) à la promotion du développement durable des régions de montagnes par l'utilisation des technologies spatiales.

Devenue membre en 2008 du Comité onusien des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique, (UN COPUOS) la Suisse prend une part active aux travaux de ce comité, notamment dans le domaine de la viabilité à long terme des activités spatiales. En effet, les objets spatiaux et les débris laissés en orbite par des collisions et des destructions de satellites menacent la conduite d'opérations spatiales actuelles 1067

et futures. Leur prolifération a atteint un rythme qui rend urgente la mise en place d'une réglementation internationale du trafic spatial. La Suisse, dont le développement économique s'appuie fortement sur les nouvelles technologies, parmi lesquelles figurent les technologies spatiales, serait largement handicapée par toute réduction de l'accès à ces technologies. C'est pourquoi elle s'associe activement aux efforts visant à garantir une utilisation durable et rationnelle de l'espace.

Avec la mondialisation, certaines organisations multilatérales deviennent peu à peu les enceintes où se formulent et se discutent les réponses à apporter à des défis globaux. Le système de l'ONU fait en général fonction de chef de file sur les questions politiques, tandis que c'est du G20 qu'émanent les grandes initiatives mondiales en matière économique.

Dans ce contexte, les organisations multilatérales jouent un rôle croissant dans la politique extérieure de la Suisse. Elles permettent en effet de débattre dans un cadre structuré de sujets touchant aux intérêts mondiaux et régionaux et de rechercher des solutions que peuvent reprendre à leur compte le plus grand nombre possible de pays.

La crise économique et financière mondiale fait bien ressortir l'importance des organismes internationaux de régulation globale des conditions de fonctionnement de l'économie mondiale. La Suisse a particulièrement intérêt à s'investir dans ce domaine et à y infléchir les décisions et l'évolution des choses. Il est également souhaitable qu'elle joue de son influence dans les organisations du système de l'ONU où se prennent les décisions ayant un impact notable sur elle-même et ses intérêts extérieurs. Il importe en outre qu'elle profite de sa présence au sein des organisations régionales ou thématiques pour faire valoir ses intérêts spécifiques et élargir ses réseaux politiques extérieurs.

C'est pourquoi la Suisse doit s'impliquer davantage encore dans le dialogue multilatéral, en particulier dans des enceintes où se définit l'opinion internationale. Elle élargira ainsi sa marge d'influence dans des domaines importants pour sa politique extérieure.

4

Principaux thèmes de la politique étrangère suisse

L'internationalisation et l'interconnexion croissantes de domaines politiques thématiques appellent une harmonisation entre les nombreuses politiques sectorielles dans le cadre de la politique extérieure. Diverses politiques sectorielles revêtent une dimension internationale et multilatérale plus marquée, en particulier dans les domaines de la finance, de l'économie, de la fiscalité, de l'énergie, des transports, de la culture, de la formation, de la recherche, de l'innovation, de la santé, de la sécurité et de l'environnement, et les interdépendances se renforcent. Il en devient d'autant plus compliqué et exigeant de faire concorder entre elles les politiques étrangères sectorielles.

1068

4.1

Politique économique et financière internationale

4.1.1

Résolution de la crise financière et économique

La crise financière Les mesures énergiques prises ces deux dernières années en matière de politique économique ont réussi à endiguer la crise financière et économique dans le courant de 2009. Le marché interbancaire s'est détendu et les marchés boursiers ont progressivement redressé la barre après avoir atteint un niveau plancher en mars 2009. Tout risque n'est cependant pas écarté et l'on ne peut exclure de nouveaux engorgements du système. Les gouvernements et les banques centrales continuent donc à faire preuve de vigilance. Le Fonds monétaire international (FMI) a joué un rôle important en octroyant de nombreuses aides financières aux pays membres et en adaptant sa panoplie d'instruments de prêt dès l'automne 2008.

La crise n'a pas épargné l'Europe puisque certains pays membres de la zone euro ont été contraints de solliciter une aide extérieure: plusieurs économies d'Europe orientale qui affichaient il y a peu des performances robustes ­ pays baltes, Hongrie ­ ont été fortement ébranlées par la crise. Les limites de l'effet stabilisateur de l'euro sont apparues lorsque la Grèce s'est trouvée proche de la faillite en début d'année, ce qui a eu d'importantes répercussions sur la monnaie européenne. A la fin avril, les pays de la zone euro et le FMI se sont mis d'accord pour activer un plan d'aide de 110 milliards d'euros à l'Etat grec. Celui-ci n'est cependant pas le seul membre de l'UE à avoir causé du tort à l'euro en raison d'une dette publique excessive et d'une solvabilité réduite. Afin d'éviter que la crise de confiance s'étende à d'autres membres de la zone euro, les institutions communautaires (Conseil, Commission, Banque centrale européenne) et le FMI ont adopté un plan de stabilisation massif sous la forme de crédits et de garanties atteignant au total 750 milliards d'euros.

L'importance de la crise grecque a suscité un débat sur la recherche de nouvelles solutions. La question de la sortie de l'Union monétaire a été évoquée pour la première fois ­ pour l'instant uniquement au niveau des experts. D'autres idées ont été émises, comme la création d'un fonds monétaire européen chargé d'assister les pays du Vieux Continent en cas de crise financière ou la réforme des règles d'application du pacte de stabilité. Il est certain que le niveau élevé de la dette publique dans de nombreux Etats
freine durablement leur capacité à réagir adéquatement à de nouveaux défis et à de nouvelles crises. Le choix de réduire les mesures de relance instaurées en temps de crise ainsi que la meilleure manière d'amortir la dette de l'Etat (réduction des dépenses publiques, augmentation des recettes fiscales, voire hausse de l'inflation) font actuellement l'objet d'un âpre débat. Personne ne conteste en revanche le fait qu'un taux d'endettement supérieur à 100 % du PIB national n'est pas acceptable à long terme, ne serait-ce que pour une question de justice intergénérationnelle.

La crise économique Même si l'économie mondiale a récemment amorcé un mouvement de reprise, il ne fait aucun doute que la crise aura à longue échéance d'importantes répercussions sur les rapports de force mondiaux. Les disparités régionales constatées au niveau de l'ampleur et de la rapidité de la reprise en sont la preuve. Une évolution divergente sélective a été observée ces deux dernières années entre les pays émergents ­ asiatiques en particulier ­ et les membres de l'OCDE. Si de nombreux pays européens et 1069

américains n'enregistrent qu'une reprise modeste et n'ont pas encore retrouvé leur niveau de production économique d'avant la crise, les perspectives sont plus favorables dans d'autres régions du globe. Les pays asiatiques ont augmenté leur part dans la production économique mondiale durant la crise et sont devenus les moteurs de la croissance de l'économie. Ils sont en outre parvenus à réduire la dépendance de leur industrie à l'égard des marchés d'exportation grâce à l'expansion de la demande intérieure. Le Brésil aussi a retrouvé le chemin de la croissance plus rapidement que les pays de l'OCDE.

Le meilleur exemple de la transformation des rapports de force à l'échelon planétaire est la Chine, à qui l'Allemagne a dû céder le titre de «champion du monde des exportations» durant la crise et qui devrait accéder cette année au statut de deuxième puissance économique mondiale au détriment du Japon, dont l'économie peine à redémarrer. Il a fallu moins de dix ans à la Chine pour réussir cet exploit. Dans le sillage de la Chine, c'est toute l'Asie du Sud-Est qui a renforcé sa réputation de zone économique la plus dynamique du monde.

La puissance économique de l'Asie se reflète également dans la composition du G20, qui a grandement gagné en importance durant la crise: contrairement au G8, dans lequel l'Asie est sous-représentée, le G20 compte désormais cinq membres issus de cette région du globe (Chine, Inde, Indonésie, Corée du Sud et Japon). En 2010, la présidence du Groupe est assurée par la Corée du Sud (cf. ch. 3.2.1).

La crise de l'économie mondiale a provoqué la suppression de plusieurs millions d'emplois. L'Organisation internationale du Travail (OIT) évoque la perte de plus de 20 millions de postes de travail. L'Union européenne compte à elle seule six millions de demandeurs d'emploi supplémentaires. Etant donné que le chômage réagit toujours avec retard à l'évolution conjoncturelle, de nombreux pays ne connaîtront pas de reprise du marché du travail en 2010. En Suisse, la dégradation du marché de l'emploi a été moins sévère qu'initialement prévu. Les prévisions les plus récentes partent du principe que le pic de chômage de 4,5 % a déjà été atteint au début de 2010. L'évolution enregistrée dans d'autres pays industrialisés occidentaux montre toutefois que la situation générale du marché de
l'emploi demeure tendue. La reprise conjoncturelle observée aux Etats-Unis à la fin 2009 n'a par exemple pas empêché de nouvelles suppressions d'emploi. Les nations sont désormais confrontées au défi de réduire une dette publique considérable sans étouffer la reprise économique hésitante et compromettre ainsi la création de nouveaux emplois.

La situation difficile du marché du travail et la concurrence acharnée que se livrent les pays exportateurs alimentent en outre le risque de tendances protectionnistes. En tant que nation exportatrice, la Suisse souffrirait à coup sûr d'une telle évolution.

Elle s'engage donc au sein des principaux organismes internationaux pour faire face à cette situation. Le Conseil fédéral, notamment, a intensifié ses efforts pour parvenir dès que possible à une conclusion du Cycle de Doha de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) (cf. ch. 3.2.4). La Suisse s'efforce par ailleurs d'encourager le développement du commerce mondial et de lutter contre la discrimination de l'économie helvétique sur des marchés où les partenaires contractuels ont déjà accordé à d'autres nations un accès préférentiel sous la forme d'accords de libreéchange. Pour ce faire, elle conclut de nouveaux accords de libre-échange.

Afin de garantir les chances des exportations suisses dans cet environnement difficile, le Conseil fédéral a soutenu durant la crise la promotion des exportations et l'Assurance suisse contre les risques à l'exportation dans le cadre de ses program1070

mes de relance économique. Eu égard à la sévérité de la crise, la Suisse ­ comme la majorité des pays industrialisés ­ a adopté plusieurs trains de mesures destinés à soutenir la demande. L'impulsion conjoncturelle de ces mesures de stabilisation s'élève à un total de plus de trois milliards de francs. Si l'on tient également compte des mesures prises par les cantons et les communes et de la contribution supplémentaire de l'assurance-chômage au titre de la stabilisation, l'impulsion conjoncturelle a atteint au total plus de 14 milliards de francs, soit près de 3 % du produit intérieur brut.

La crise financière et économique de ces trois dernières années a relancé la question du rôle de l'Etat dans la stimulation de la demande et de la croissance. La question fondamentale est de savoir si la stimulation de la demande et de la croissance par l'Etat se justifie. Les tenants du keynésianisme soutiennent politique budgétaire de relance, si elle ne permet pas toujours d'éviter la récession, en atténue néanmoins les effets, ce qui justifie déjà son application. Selon les adversaires, les plans de relance sont efficaces tant que coule l'argent public, après quoi les effets de la médication s'estompent rapidement. Pour eux, il convient d'adresser dès que possible la correction des déséquilibres macro-économiques qui souvent étaient déjà à l'origine de la crise. Des effets non-keynésiens des politiques de rigueur, notamment sur la confiance des marchés financiers, sont alors également évoqués.

Alors que l'utilité des programmes de stimulation étatiques a longtemps fait l'unanimité dans les régions les plus touchées par la crise (Etats-Unis et Europe), certaines divergences sont apparues au grand jour lors du sommet du G20, fin juin 2010, à Toronto. Alors que les Etats-Unis ont continué à plaider en faveur de mesures de soutien conjoncturelles, l'Europe a mis l'accent sur l'assainissement budgétaire. Le débat dépassait la simple querelle d'initiés, car, dans une Europe affectée par le surendettement massif de nombreux pays, il apparaît que les programmes de stimulation de grande ampleur ne peuvent tout simplement plus être financés.

La position selon laquelle les objectifs financiers et de politique économique doivent être mieux formulés et coordonnés au niveau mondial, mais que leur application relève en
fin de compte du niveau national, a été exprimée clairement lors du sommet à Toronto. Or, pas plus tard que lors du Sommet de Seoul, les grands pouvoirs se sont reprochés que les cours de change ne remplissaient pas entièrement leur fonction d'ajustement des déséquilibres au niveau mondial. Des objectifs nationaux sont encore trop souvent considérés isolément en matière de cours de change. Pour la Suisse, cela signifie, d'une part, qu'elle dispose toujours d'une certaine marge de manoeuvre dans l'élaboration de sa politique financière et économique, y compris de sa politique extérieure dans les domaines précités et, d'autre part, que la formulation des objectifs et principes fondamentaux doit désormais intervenir de façon croissante au niveau multilatéral. Il est donc indispensable que notre pays participe de manière active et anticipatrice à ces processus.

4.1.2

La place financière suisse

La crise récente permet de constater les modifications structurelles du secteur financier dans différents pays. Ces adaptations résultent de la mutation des conditionscadres, de l'instauration des plans de sauvetage et de la nouvelle orientation des modèles opérationnels de bon nombre d'établissements financiers. Les banques chinoises comptent désormais parmi les plus grandes du monde, alors que les bilans 1071

des banques occidentales ont en partie subi d'importantes réductions. Les changements se poursuivent néanmoins, étant donné que l'environnement réglementaire et fiscal n'est pas stabilisé. Comme le souligne le chapitre précédent, les finances publiques de nombreux pays présentent des grands risques et des scénarios comme une résurgence de l'inflation à moyen terme ou alors d'une dépression couplée de déflation ne peuvent être totalement exclus. De telles perspectives sont négatives pour l'ensemble de l'économie.

La Suisse possède une place financière forte qui doit faire face à une vive concurrence internationale. En 2009, le secteur financier a contribué à un dixième du produit intérieur brut de la Suisse et fourni environ 6 % du total des emplois. Il constitue ainsi l'un des principaux secteurs économiques du pays.

La Suisse offre des conditions-cadres intéressantes, et notamment une monnaie forte, des infrastructures de pointe, une fiscalité attrayante, une surveillance et une réglementation efficaces, sans oublier des facteurs spécifiques comme la fiabilité et la qualité de la main-d'oeuvre. La place financière suisse à vocation internationale possède plusieurs pôles d'excellence: gestion de fortune, assurances et réassurance, services aux entreprises multinationales et implantation de véhicules de financement comme les hedge funds, y compris les funds of hedge funds.

Les services aux groupes internationaux sont étroitement liés à l'attrait de la Suisse pour les sociétés holding, les entreprises industrielles et les sociétés de négoce (notamment de matières premières). L'attrait international de la place économique suisse n'a pas diminué suite à la crise financière et notre pays possède toujours les bases nécessaires au succès de ces activités (libre circulation des capitaux, absence de mesures protectionnistes face aux délocalisations d'entreprises et aux investissements à l'étranger).

La situation est très différente dans le domaine des opérations transfrontières de gestion de fortune. Plusieurs pays, dont les Etats-Unis, l'Allemagne, la France et l'Italie, s'en sont à nouveau pris au secret bancaire et font pression sur leurs ressortissants pour qu'ils rapatrient leurs capitaux placés à l'étranger et les déclarent au fisc. La Suisse est particulièrement touchée par ce phénomène et subit
de nombreuses tentatives de pression qui menacent le secret bancaire. Certaines méthodes utilisées ont plusieurs fois nécessité une clarification à l'échelon diplomatique.

L'assistance administrative accordée jusqu'alors par la Suisse, qui limitait l'échange de renseignements en vue de favoriser l'application de la législation interne aux cas de fraude fiscale ou aux délits semblables, n'était plus adaptée au contexte international. Le Conseil fédéral a donc décidé le 13 mars 2009 de développer l'assistance administrative en matière fiscale et de reprendre la norme de l'art. 26 du Modèle de convention de l'OCDE. Ces dispositions sont immédiatement applicables dans les nouvelles conventions de double imposition ou dans la révision d'anciennes conventions. Mi-novembre 2010, la Suisse avait déjà paraphé 31 conventions remaniées et signé 22 d'entre elles. Les Chambres fédérales ont ratifié durant la session d'été les dix premières conventions de double imposition comportant la nouvelle clause d'assistance administrative. Pour la Suisse, ces conventions peuvent entrer en vigueur encore en 2010. La Suisse s'engage ainsi à donner aux Etats partenaires, à des fins fiscales, des renseignements au cas pas cas et en réponse à des demandes concrètes et étayées et ce, indépendamment de l'existence ou non d'un délit fiscal.

L'échange de renseignements s'étend également au domaine bancaire.

1072

La pression sur le secret bancaire ne devrait pas se relâcher. Il semblerait en outre que l'accès au marché financier transfrontalier ne soit pas complètement libre pour les établissements et les produits helvétiques. Si la place financière suisse veut maintenir son rang dans le système international, elle doit procéder à des améliorations ciblées dans les domaines de l'accès aux marchés et du maintien, voire de l'amélioration de la compétitivité. Le cadre fiscal et réglementaire revêt ici une importance particulière. Fort de ce constat, le Conseil fédéral a publié le 16 décembre 2009 quatre nouveaux Axes stratégiques de la politique suisse en matière de place financière. A noter que le Conseil fédéral ne mène pas de politique industrielle en la matière. Il a néanmoins pour mission de sauvegarder les intérêts de l'économie nationale et de créer un cadre favorable aux acteurs de l'économie privée.

Le Conseil fédéral a identifié toute une série de mesures visant à concrétiser ces axes stratégiques. Un calendrier a d'ores et déjà été établi, et un groupe de travail interdépartemental, composé de représentants du DFF (présidence), du DFAE, du DFE et du DFJP, a été chargé de surveiller et de coordonner leur mise en oeuvre. Depuis le 1er mars 2010, la politique bilatérale et multilatérale de la Suisse en matière de place financière bénéficie d'un meilleur ancrage institutionnel suite à la création du Secrétariat d'Etat aux affaires financières internationales.

1. Renforcement de la compétitivité internationale du secteur financier La place financière suisse doit être compétitive. Ses acteurs doivent offrir un large éventail de prestations de qualité, aptes à satisfaire au mieux les divers besoins de la clientèle. En faisant preuve d'innovation et de souplesse, les fournisseurs de services financiers doivent s'adapter continuellement à l'évolution des marchés nationaux et internationaux et y imprimer leur marque. Pour ce faire, l'Etat crée un environnement propice. Il intervient dans les instances et institutions internationales, suit en permanence les développements sur les autres places financières et améliore si nécessaire les conditions-cadres en Suisse. Les conditions suivantes sont nécessaires à l'expansion du secteur financier: une réglementation basée sur les normes internationalement reconnues,
une politique monétaire et budgétaire solide axée sur la stabilité, un environnement fiscal attrayant, une infrastructure des marchés financiers efficace, un haut niveau de formation et un marché de l'emploi ouvert et souple.

Pour tenir raisonnablement compte des spécificités de sa place financière, la Suisse se réserve le droit de prévoir des dérogations. Une réglementation plus sévère que les normes internationales doit être envisagée lorsque des raisons structurelles ou des avantages concurrentiels la justifient ou l'imposent.

2. Garantie et amélioration de l'accès au marché La place financière suisse doit continuer à se distinguer par son ouverture et par son internationalisme, ce qui signifie non seulement que les acteurs des places financières étrangères ont accès à notre place financière, mais aussi que les acteurs suisses ont accès sans discrimination aux marchés étrangers. Au vu des tendances protectionnistes croissantes, il convient de renforcer les efforts visant à garantir et à améliorer durablement l'accès aux marchés pour les intermédiaires financiers suisses.

3. Renforcement de la résistance aux crises du secteur financier et résolution de la problématique des entreprises financières d'importance systémique Seul un secteur financier stable est en mesure de promouvoir durablement la prospérité et de garantir que la fonction d'allocation fondamentale du système financier 1073

soit remplie en tout temps. Eu égard à la forte implication nationale et internationale de certains groupes financiers helvétiques, les questions liées à la stabilité et à la surveillance des groupes d'entreprises revêtent une importance particulière. Les travaux de coordination correspondants ont principalement pour cadre le Fonds monétaire international et le Forum de stabilité financière. A l'échelon national, des mesures doivent être prises pour réduire la vulnérabilité des établissements d'importance systémique face aux crises, renforcer les infrastructures centrales et permettre l'élimination naturelle des structures et institutions victimes du marché. Le groupe d'experts chargé par le Conseil fédéral a soumis dans son rapport final fin septembre 2010 des propositions législatives visant à maîtriser le problème. Le projet de mesures législatives devrait être mis en consultation à la fin janvier 2011.

4. Garantie de l'intégrité de la place financière L'intégrité génère la confiance des participants au marché et constitue une condition indispensable à l'acceptation de la place financière suisse dans le pays et à l'étranger. Elle est le fruit d'un comportement responsable des opérateurs et d'une bonne réglementation. Les pays étrangers affirment désormais clairement leur volonté d'imposer leur législation en matière fiscale. Outre l'échange de renseignements sur demande dans le cadre de l'assistance administrative (selon les normes de l'OCDE), le Conseil fédéral est prêt à élargir la collaboration transfrontalière dans le cadre de négociations bilatérales pour autant que certains objectifs soient réalisés (régularisation des comptes non déclarés vis-à-vis du fisc de l'Etat concerné, amélioration des conditions d'accès au marché pour la fourniture de services financiers à partir de la Suisse, protection de la sphère privée des clients des banques). A cette fin, diverses mesures sont à l'étude, dont l'introduction d'un impôt libératoire avec les Etats (voisins) importants ainsi que d'autres mesures encourageant la loyauté fiscale des clients des banques et visant à réduire les risques juridiques afférents. En outre, la Suisse continuera à participer activement aux efforts de la communauté internationale en matière de lutte contre la criminalité sur les marchés financiers.

4.1.3

Lutte contre la corruption

Souvent qualifiée de mal endémique, la corruption ne connaît pas de frontières et gangrène toutes formes de gouvernement à des degrés divers. De la «petite corruption», comme le versement de pots-de-vin entre particuliers, à la «grande corruption», soit l'octroi d'avantages pour l'obtention de contrats importants, elle ralentit considérablement les échanges économiques, fausse la concurrence et mine la confiance dans les autorités. En plus de peser sur le développement économique, la corruption porte atteinte aux principes fondamentaux de l'Etat de droit et de la démocratie en contrevenant aux procédures et aux règles du jeu communément admises. La corruption contribue également au sentiment d'insécurité. Elle est source d'instabilité pour tout le système économique, politique et social. A long terme, aucune société ne peut se permettre de supporter les coûts sociaux, politiques et économiques induits par la corruption. Avec la rapidité des échanges, la dissolution des responsabilités et la multiplication des acteurs et des intermédiaires, la mondialisation semble amplifier ce phénomène.

Depuis la fin des années 90, la communauté internationale tente de faire face à ce phénomène. C'est sous l'angle des relations commerciales internationales que cette 1074

thématique a d'abord été abordée. Pendant longtemps, la corruption a été considérée comme un phénomène intrinsèque au commerce international: la corruption d'agents publics étrangers était tolérée par une très grande majorité de pays, y compris la Suisse. Une entreprise active à l'étranger pouvait même déduire fiscalement les pots-de-vin versés pour l'obtention de nouveaux marchés. Cette pratique, bannie par les membres de l'OCDE dès 1997, a incité la communauté internationale à s'intéresser à la corruption transnationale dans une perspective plus large. Depuis lors, des conventions internationales de portées différentes ont vu le jour, dont la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales (1997), la Convention pénale du Conseil de l'Europe sur la corruption (1999) et la Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC, 2003). En tant que membre de ces trois forums internationaux (OCDE, Conseil de l'Europe, ONU), la Suisse est engagée activement dans les processus de négociation, d'élaboration, de ratification et de mise en oeuvre de ces conventions. Elle a présidé les travaux de codification des dispositions relatives à la restitution des avoirs illicitement acquis de la CNUCC et continue à jouer un rôle moteur dans les enceintes internationales avec l'objectif d'élaborer des standards élevés et ambitieux ainsi que de vérifier une transposition réelle de ces normes par les gouvernements, au-delà des déclarations d'intention.

Outre le suivi des négociations au sein des arènes internationales, l'engagement suisse dans la lutte contre la corruption se mesure également en termes d'assistance technique et de coopération judiciaire. Dans le cadre de sa politique d'aide au développement, la Suisse apporte une assistance technique à de nombreux pays, dont l'une des conséquences ­ directe ou indirecte ­ est la réduction du niveau de corruption. Sa politique d'aide au développement s'adresse aussi bien aux autorités gouvernementales (réformes institutionnelles) qu'à la société civile au sens large (campagnes de sensibilisation, approches participatives).

Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers L'OCDE est engagée depuis longtemps dans le combat contre la corruption. La
première recommandation du Conseil sur la lutte contre la corruption date de 1994 et marque la création d'un Groupe de travail sur la corruption dans le cadre des transactions commerciales internationales. Cette instance présidée par la Suisse a depuis lors élaboré ou participé à l'élaboration de plusieurs instruments de lutte contre la corruption (corruption et crédits à l'exportation, suppression de la déductibilité fiscale des pots-de-vin). Elle a rédigé en 1997 la première convention sur la lutte contre la corruption (Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers), entrée en vigueur en 1999 et ratifiée par la Suisse le 31 mai 2000. Cette convention se limite à un aspect important de la corruption, à savoir la corruption active d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, dont elle régit tous les aspects, y compris sur les plans préventif et répressif. Le Groupe de travail sur la corruption a mis en place un processus de suivi des mesures prises par les 38 pays membres et n'hésite pas, si nécessaire, à faire pression sur les gouvernements qui ne respectent pas ­ ou pas suffisamment ­ leurs engagements internationaux.

Le Groupe de travail a adopté en octobre 2009 une nouvelle recommandation du Conseil de l'OCDE sur l'application de la convention en remplacement de la version

1075

de 1997 qui renforce la portée de la convention et adapte ses dispositions aux conditions actuelles et aux nouveaux instruments de lutte anticorruption.

La convention est un moyen efficace, doté de mécanismes de contrôle éprouvés, de créer des conditions équitables pour les entreprises actives dans les échanges commerciaux internationaux. Le suivi assuré par l'OCDE ­ qui n'hésite pas à réprimander les membres qui rechignent à lutter contre la corruption ou à appliquer pleinement la convention ­ garantit aux entreprises suisses une juste concurrence sur les marchés internationaux et leur permet de lutter à armes égales avec leurs concurrents. Le but de la convention est de soumettre à moyen terme toutes les grandes nations économiques à des règles claires en matière de corruption. Le Groupe de travail compte déjà parmi ses membres plusieurs pays non affiliés à l'OCDE et souhaite vivement que d'autres Etats adhèrent à la convention. La Suisse est favorable à une collaboration avec les non membres et à l'élargissement du Groupe de travail. Le plaidoyer en faveur de la convention de l'OCDE contre la corruption qui figure dans le communiqué final du sommet du G20 de Pittsburgh constitue à cet égard un signal encourageant.

Convention pénale du Conseil de l'Europe sur la corruption La Suisse a adhéré à la Convention pénale du Conseil de l'Europe sur la corruption en janvier 2006. La commission spéciale du Conseil de l'Europe, le Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO), soutient la lutte anticorruption par le biais d'un processus mutuel d'évaluation par les pairs. En juin 2008, le GRECO a publié un rapport sur la première évaluation de la Suisse, qui portait notamment sur les organes compétents, les questions d'immunité, les procédures en place, la confiscation et le blanchiment du produit de la corruption, etc. Le GRECO a notamment approuvé le dispositif de confiscation et la responsabilité pénale des personnes morales, tout en recommandant à la Suisse de continuer à développer le mécanisme de lutte contre la corruption. Il a émis treize recommandations. Suite à ce rapport, différentes mesures ont été prises pour assurer la mise en oeuvre de ces propositions: le Conseil fédéral a décidé de donner au groupe consultatif sur la corruption le statut de groupe de travail interdépartemental muni d'un
mandat formel (voir ci-après), d'assortir le droit du personnel de la Confédération de dispositions visant à prévenir et à combattre la corruption (obligation de signaler de possibles cas de corruption, renforcement de la protection des travailleurs qui signalent des faits répréhensibles (whistleblowers), définition de règles précises concernant l'acceptation de cadeaux, l'exercice d'activités accessoires et le pantouflage) et de distribuer aux membres du personnel de la Confédération des brochures d'information sur les activités accessoires et l'obligation de signaler de possibles cas de corruption. En automne 2009, la Suisse devait remettre au GRECO un rapport sur la mise en oeuvre des recommandations.

Dans son rapport de conformité sur la Suisse daté du 26 mars 2010, le GRECO «salue vivement les efforts exemplaires accomplis par la Suisse» pour tirer rapidement toutes les conséquences du premier rapport d'évaluation la concernant et constate que douze des treize recommandations ont été mises en oeuvre intégralement. Le prochain rapport d'évaluation de la Suisse, prévu en 2011, se penchera sur les dispositions pénales de la lutte contre la corruption et sur les modalités de financement des partis.

1076

Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC) La Convention de l'ONU contre la corruption est entrée en vigueur le 14 décembre 2005 et a été ratifiée par la Suisse le 24 septembre 2009. Cet accord ­ le plus détaillé sur la question de la corruption ­ compte actuellement 140 Etats signataires. Il contient notamment des dispositions sur la prévention de la corruption, la coopération internationale et l'assistance technique aux pays en développement et aux pays émergents. La CNUCC oblige les Etats parties à réprimer la corruption active et passive d'agents publics nationaux et la corruption active d'agents publics étrangers.

Elle est par ailleurs le premier instrument international à statuer le principe de la restitution, à certaines conditions, des valeurs patrimoniales illicitement acquises. La troisième Conférence des Etats parties à la CNUCC qui s'est tenue à Doha du 9 au 13 novembre 2009 s'est soldée par un renforcement de la convention et l'adoption d'un mécanisme d'examen de sa mise en oeuvre. Cet examen, qui couvrira l'ensemble des Etats parties en deux cycles de cinq ans chacun, prend la forme d'une évaluation par les pairs (peer review). Si le mécanisme mis en place peut être jugé insuffisant sur de nombreux points (transparence des rapports, consultation de la société civile, discussion en plénum, etc.), il constitue néanmoins un pas important dans la bonne direction. L'année 2010 sera donc décisive pour ce nouveau mécanisme d'examen. Considéré comme l'organe principal du système d'évaluation par les pairs, le Groupe d'examen de l'application de la convention (Implementation Review Group, IRG) s'est réuni en session inaugurale du 28 juin au 2 juillet 2010 à Vienne. Après avoir précisé ses modalités de fonctionnement, le groupe a lancé officiellement le premier cycle d'examen en procédant à la sélection des Etats parties à examiner. La Suisse sera soumise à une première évaluation dans le cadre des chapitres III et IV de la CNUCC pendant la deuxième année du cycle (de juin 2011 à mai 2012). Notre pays a un intérêt majeur à participer activement à ce processus. Il continuera à le faire à l'avenir dans les principaux domaines d'activités de la CNUCC que sont la prévention, l'assistance technique et la restitution de valeurs patrimoniales d'origine illicite.

Groupe d'action financière
(GAFI) Au sommet de Pittsburgh de septembre 2009, les dirigeants du G20 ont lancé un appel au GAFI pour que ce dernier participe, en priorité, à la détection des produits de la corruption et au renforcement des effets dissuasifs du système de lutte contre le blanchiment. Le GAFI a répondu à cet appel et examine ces aspects sous l'angle de la prévention, du renforcement des institutions et de la coopération internationale. La Suisse, qui dispose d'un bon bilan dans ce domaine, a intérêt à encourager la mise en oeuvre effective des standards existants en matière de lutte contre la corruption et l'instauration de normes internationales effectives et proportionnées aux risques.

Elle s'engage d'ailleurs dans ce sens. En 2009, la Suisse a participé activement aux travaux d'experts du GAFI en vue d'améliorer la coopération internationale dans le domaine de la confiscation des avoirs de potentats.

Groupe de travail interdépartemental pour la lutte contre la corruption La Suisse disposait depuis 2000 d'un Groupe consultatif sur la corruption réunissant de manière informelle les acteurs institutionnels impliqués dans la lutte contre la corruption au niveau fédéral. Dans son rapport d'évaluation sur la Suisse, le GRECO a formulé treize recommandations, dont l'une consistait à doter le groupe consultatif sur la corruption (ou toute autre structure appropriée) des moyens et pouvoirs néces1077

saires pour initier des politiques de lutte contre la corruption concertées à l'échelon national (en associant Confédération et cantons, autorités administratives et judiciaires, compétences interdisciplinaires et spécialistes).

Suivant cette recommandation, le Conseil fédéral a décidé le 19 décembre 2008 de créer un Groupe de travail interdépartemental pour la lutte contre la corruption en lui attribuant un mandat formel. Aux termes de ce mandat, le Département fédéral des affaires étrangères est chargé d'assurer la présidence et le secrétariat permanent de ce groupe institué pour une période de dix ans. Renouvelable, il regroupe tous les offices fédéraux impliqués d'une manière ou d'une autre dans la lutte contre la corruption. Il recommande également une coopération avec la société civile (notamment en matière de sensibilisation). Son mandat prévoit l'organisation de rencontres régulières et d'ateliers thématiques afin de développer des stratégies communes. Le groupe est tenu de faire régulièrement rapport au Conseil fédéral de ses activités et peut, au besoin, formuler des recommandations en matière de politique de lutte contre la corruption. Le premier rapport est prévu pour 2011. Le Groupe de travail interdépartemental est assisté d'un comité qui assure la coordination des positions ainsi que le suivi opérationnel et l'orientation stratégique. Ce comité est composé de représentants des unités administratives ayant des fonctions-clés dans la lutte contre la corruption. Il inclut, au besoin, des représentants d'autres offices fédéraux, des cantons et de la société civile en fonction des thèmes abordés. Le premier atelier thématique sur la question de la protection des donneurs d'alerte au sein de l'administration fédérale a eu lieu en mai 2010. Un deuxième atelier abordera au début novembre 2010 les risques de corruption liés à la contribution suisse à l'élargissement. Tous les résultats issus de ces ateliers seront inclus dans le rapport destiné au Conseil fédéral.

4.1.4

Problématique des avoirs d'origine illicite de potentats

Les avoirs d'origine illicite de potentats, également appelés «personnes politiquement exposées» (PPE), posent un problème international en matière de développement. La Banque mondiale estime ainsi qu'entre 20 et 40 milliards de dollars sont détournés chaque année par le biais de la corruption d'agents publics. Cette somme équivaut à 20­40 % du montant total de l'aide annuelle mondiale au développement.

La problématique des avoirs d'origine illicite concerne aussi la Suisse lorsque de tels fonds quittent les pays où ils ont été détournés et arrivent sur les places financières internationales, dont la Suisse. La Suisse a réagi à cette situation dès la fin des années 1980, après plusieurs affaires retentissantes (Marcos, Abacha, Montesinos).

Par sa politique proactive de restitution des avoirs, la Suisse s'est positionnée comme un leader mondial dans ce domaine.

Concrètement, la Suisse a développé un système reposant sur deux piliers: la prévention et l'entraide. La prévention a été renforcée en liaison avec le secteur bancaire.

La loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent27 est l'un des principaux instruments du premier pilier. Elle fait obligation aux intermédiaires financiers d'identifier les fonds d'origine douteuse et d'en communiquer l'existence au Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (Money Laundering Repor27

RS 955.0

1078

ting Office of Switzerland, MROS). Le second pilier repose sur la loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale28, qui autorise la collaboration avec d'autres Etats en vue de la saisie et de la restitution des avoirs d'origine illicite.

Globalement, ce système donne de bons résultats. Il a notamment permis à la Suisse de restituer près de 1,7 milliard de francs au cours des quinze dernières années, soit bien davantage que n'importe quelle autre place financière.

Toutefois, les possibilités du système sont encore largement méconnues, surtout en dehors des frontières helvétiques. La Suisse ne bénéficie que d'un soutien limité dans ses efforts visant à démontrer le bon fonctionnement de son système antiblanchiment et de son dispositif législatif permettant l'octroi facilité de l'entraide judiciaire pour le recouvrement des avoirs. Elle doit donc relever un défi de taille en matière de communication: démontrer par les faits que, si nombre de fonds illicites sont gelés sur la place financière suisse, ce n'est pas parce que la protection du secret bancaire les y attire, mais au contraire parce qu'elle a les outils et la volonté politique pour les détecter, les bloquer, les confisquer et les restituer. Cela étant, le phénomène croissant des Etats dits «défaillants» a montré les limites du système au travers des cas Mobutu et Duvalier.

Restitution des avoirs Mobutu et Duvalier Dans le premier cas, les avoirs Mobutu ont été bloqués en Suisse de 1997 à 2009.

Durant ces douze années, le Conseil fédéral a tout tenté pour trouver une solution permettant de restituer ces fonds à la République démocratique du Congo. Malgré les efforts déployés par la Suisse, y compris la mise à disposition d'un avocat suisse spécialisé dans de telles procédures, les fonds ont dû être débloqués le 15 juillet 2009. Cette décision faisait suite au manque de volonté politique du Gouvernement de la RDC de s'impliquer activement dans ce dossier. Dans le second cas, les fonds de l'ex-dictateur Jean-Claude Duvalier sont bloqués depuis 1986, alternativement dans le cadre de l'entraide judiciaire et sur la base de décisions du Conseil fédéral, comme c'est le cas depuis le 3 février 2010. Ce blocage décidé par le Conseil fédéral a évité que les fonds ne retournent au clan Duvalier. Il faisait suite à un jugement du 12 janvier
2010 du Tribunal fédéral mettant fin à l'entraide judiciaire en matière pénale entre Haïti et la Suisse, en raison de la prescription des délits commis par le clan Duvalier. Les avoirs Duvalier resteront bloqués jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 1er octobre 2010 sur la restitution des avoirs illicites29.

Loi sur la restitution des avoirs illicites Dans le jugement «Duvalier» précité, le Tribunal fédéral a aussi considéré que les conditions posées par l'entraide judiciaire en matière pénale «apparaissent trop strictes pour ce genre d'affaires». Il a dès lors invité le législateur à effectuer les adaptations nécessaires. De tels travaux législatifs sont en cours depuis le mois de juin 2007, lorsque le conseiller national Felix Gutzwiller a déposé un postulat sur l'entraide judiciaire avec les «Etats défaillants» (07.3459). Le Conseil fédéral a ainsi décidé le 24 février 2010 de mettre en consultation externe un projet de loi30, sur lequel le Parlement a délibéré durant les sessions d'été et d'automne et qu'il a approuvé le 1er octobre 201031. Cette loi prévoit une procédure subsidiaire à 28 29 30 31

RS 351.1 FF 2010 2995 FF 2010 2995 FF 2010 5979

1079

l'entraide judiciaire au sens qu'elle ne trouve matière à s'appliquer que lorsqu'une telle procédure d'entraide a fait l'objet d'une décision négative de l'autorité compétente, à raison du caractère défaillant de l'Etat requérant. Dans de telles situations, la loi proposée devrait permettre d'éviter la restitution aux ayants droit des comptes de valeurs patrimoniales d'origine illicite de PPE, comme dans le cas Mobutu. Une fois entrée en vigueur, elle pourrait ainsi apporter une solution au cas des avoirs Duvalier en permettant leur confiscation et leur restitution en faveur de la population haïtienne. La loi comporte les trois instruments suivants: ­

Blocage des valeurs patrimoniales de PPE en cas de situation de défaillance de l'Etat requérant dans le cadre de l'entraide judiciaire (art. 2).

­

Confiscation des valeurs patrimoniales comme mesure définitive transférant la propriété des valeurs patrimoniales bloquées à la Confédération (art. 5).

­

Restitution des valeurs patrimoniales à leur propriétaire légitime, soit la population de l'Etat d'origine, par le biais de programmes d'aide au développement (art. 8).

Cette loi est l'illustration de la politique menée par la Suisse depuis plus de vingt ans pour éviter de servir de refuge à l'argent volé par des PPE, tant sur le plan national qu'international.

Engagement international La Suisse a lancé et soutient plusieurs initiatives visant à promouvoir la lutte contre la criminalité financière coordonnée sur le plan international. Les centres financiers internationaux doivent en effet s'allier pour empêcher la circulation des fonds d'origine criminelle, les geler rapidement et les restituer à leurs propriétaires légitimes: ­

La Suisse collabore régulièrement avec l'Initiative pour le recouvrement des avoirs volés (Stolen Assets Recovery Initiative, StAR) lancée conjointement par la Banque mondiale et l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) en septembre 2007. Les buts de cette initiative sont notamment le développement de la capacité à répondre et à déposer des demandes d'assistance juridique internationales, l'adoption et la mise en oeuvre de mesures de confiscation efficaces ainsi que l'amélioration de la transparence et de la responsabilité des systèmes de gestion financière publique. En juin 2010, la Suisse a organisé à Paris, en collaboration avec l'Initiative StAR, la première conférence internationale consacrée à la question du recouvrement d'avoirs volés. Cette conférence, qui a réuni des représentants de gouvernements et de l'industrie financière, a permis à la fois de souligner les liens existant entre le recouvrement d'avoirs et le développement, et d'entamer un dialogue sur les responsabilités partagées entre les différents acteurs.

­

La Suisse a lancé en 2001 le «Processus de Lausanne», qui réunit régulièrement des experts du monde entier en vue d'améliorer les pratiques existantes et de développer les contacts entre les intervenants. Le séminaire «Lausanne V» organisé les 29 et 30 avril 2010 a réuni une quarantaine de représentants gouvernementaux et d'experts internationaux. Cette édition, organisée conjointement avec la Banque mondiale et l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a eu pour thème une étude des obstacles au recouvrement d'avoirs publiée par l'Initiative StAR.

1080

­

La Suisse est l'un des principaux donateurs du Centre international pour le recouvrement d'avoirs volés (International Center for Asset Recovery, ICAR) domicilié à Bâle. L'objectif du centre est d'offrir conseil et assistance aux pays dont les fonds ont été volés par la mise en place des procédures nécessaires aux demandes d'entraide judiciaire en matière de restitution d'avoirs. Il propose également un large éventail de formations sur la gouvernance et la lutte contre la corruption, en adaptant chaque fois cette offre au contexte local et à ses réalités. En 2010, la Suisse a soutenu la tenue de formations en République démocratique du Congo et au Cameroun.

­

Sur le plan multilatéral, la Suisse a ratifié la Convention des Nations Unies contre la corruption à la fin 2009. Elle s'emploie à ce que ce traité, et en particulier son art. 57 qui oblige les Etats à restituer les fonds illicites aux pays victimes d'un tel crime, soient mis en oeuvre et appliqués avec efficacité dans le monde, notamment en ce qui concerne le traitement réservé aux avoirs de potentats. La Suisse participe de façon régulière et active aux groupes de travail et aux conférences des Etats parties à la Convention.

­

La Suisse est l'un des principaux donateurs du AML/CFT Trust Fund, un fonds fiduciaire multi-bailleurs du Fonds monétaire international contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Par son engagement financier et son savoir-faire, la Suisse contribue en particulier au renforcement des systèmes de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme dans les pays en développement.

4.2

Sécurité humaine

4.2.1

Les défis

Dans un monde marqué par une complexité croissante, la Suisse ne peut promouvoir ses intérêts qu'en valorisant tous les instruments de sa politique étrangère, parmi lesquels figure la promotion de la sécurité humaine.

Depuis les années 90, une notion élargie de la «sécurité» s'est imposée: la notion de «sécurité humaine», qui met l'accent sur l'individu et son besoin de vivre à l'abri de la peur. Elle ne remplace pas la notion traditionnelle de sécurité de l'Etat, mais la complète notablement en l'étendant à des dimensions indispensables à la sécurité individuelle. Ces vingt dernières années, il est en effet apparu que les guerres civiles, les déplacements de population, l'arbitraire, la violence politique ou criminelle, la pauvreté mettent davantage en danger l'être humain que les guerres traditionnelles entre deux Etats. La promotion de la sécurité humaine passe donc, entre autres, par les bons offices et la médiation, par la prévention et la transformation des conflits, par la lutte contre les mines antipersonnel, les armes légères et de petit calibre ainsi que contre la violence armée, par le renforcement des droits de l'homme, par la protection des populations civiles et par la lutte contre la traite des êtres humains.

Dans ces domaines, les défis se sont fortement multipliés et ont acquis une dimension globale.

Pays neutre, la Suisse a par ailleurs un intérêt vital à la préservation de la paix et de la sécurité, et au respect du droit international. On attend d'un pays aisé, bénéficiant de la mondialisation, qu'il s'associe aux tentatives collectives de réponse aux défis globaux, et les soutienne. Depuis la fin des années 90, la Suisse s'engage ainsi de 1081

manière intensive dans le renforcement de la sécurité humaine dans le monde, par le biais, entre autres, de sa politique de paix, de sa politique en matière de droits de l'homme ainsi que de sa politique humanitaire et de migration32.

Engagement en faveur de la paix Après la fin de la guerre froide, plus d'une centaine de conflits ont pris fin, menés par procuration pour la plupart, en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Mais aujourd'hui, les conflits armés et leurs conséquences sont devenus de plus en plus complexes. Les crises éclatent dans la majorité des cas à l'intérieur du territoire d'un Etat ou dans des zones où l'Etat est fragilisé; les affrontements opposent des groupes non étatiques armés aux forces de sécurité nationales, à des groupes paramilitaires ou à des entreprises militaires et de sécurité privées; les combats s'étendent souvent aux pays voisins et déstabilisent des régions entières. Les rapports d'interdépendance sont devenus si étroits dans le monde que des pays très éloignés des zones de conflit peuvent en subir les conséquences: mise en danger des investissements et des exportations, recrudescence de la criminalité organisée, augmentation des flux migratoires. Par ailleurs, la violence armée, de manière générale, constitue un défi majeur. Chaque année, elle provoque environ 740 000 morts dans le monde, dont 490 000 hors conflits, et occasionne d'énormes coûts sur le plan économique et en termes de développement.

Ces vingt dernières années, l'engagement en faveur de la paix et de la stabilité s'est renforcé dans de nombreux pays et au niveau international. Des études montrent que, depuis la fin de la guerre froide, le nombre de conflits armés dans le monde a baissé de près de 50 %. Ce fait est dû en large partie aux efforts accomplis par les différents acteurs internationaux dans le renforcement de la sécurité humaine33.

Fidèle à sa tradition humanitaire, la Suisse a fait de la promotion de la paix et de la stabilité l'un des piliers de sa politique étrangère. Bénéficiant d'un avantage lié à son histoire, elle a une plus-value à apporter dans ces domaines: elle possède, entre autres, des compétences en matière de fédéralisme, de démocratie, de processus électoraux, de respect des minorités ou de traitement du passé. Elle est perçue comme un intermédiaire digne de confiance.
Importance croissante des opérations multilatérales de maintien de la paix Les opérations multilatérales de maintien de la paix contribuent efficacement à une meilleure gestion internationale des crises; elles comportent souvent, outre des instruments civils de règlement et de gestion des conflits, une solide composante 32

33

L'engagement suisse en faveur de la coexistence pacifique des peuples et du respect des droits de l'homme a été intégré dans la Constitution du 18 avril 1999 (art. 54) et précisé dans la loi fédérale du 19 décembre 2003 sur des mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme (RS 193.9). La nécessité d'un engagement dans ces domaines a également été réaffirmée dans les rapports sur la politique extérieure 2000 et 2009 ainsi que dans le programme de législature 2007 à 2011. La Division politique IV de la Direction politique est le service responsable des questions de sécurité humaine au sein du Département fédéral des affaires étrangères. Au sein du DFAE, la Direction du droit international public et la Direction du développement et de la coopération contribuent aussi au renforcement de la sécurité humaine. C'est également le cas d'autres entités de l'administration fédérale, tels que le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), qui est en charge de la promotion militaire de la paix.

Human Security Report 2005 et Human Security Brief 2007, Human Security Centre, Oxford University Press, www.hsrgroup.org.

1082

militaire à des fins de stabilisation. Leur nombre et leur complexité se sont fortement accrus ces vingt dernières années. L'ONU gère actuellement quinze opérations de maintien de la paix, ce qui représente un total de plus de cent mille personnes34 (militaires, observateurs militaires et policiers). L'échec de plusieurs missions l'a conduite à modifier sa panoplie d'instruments. A la suite du rapport Brahimi (2000)35 et des travaux qui l'ont suivi, dont le document Nouvel horizon (2009)36 est notamment issu, l'ONU a cherché à intensifier la coopération entre acteurs civils et militaires, et s'est davantage penchée sur les causes des conflits. Les organisations régionales endossent par ailleurs un rôle croissant. Les opérations de maintien de la paix restent pourtant des entreprises délicates, dont le succès dépend de nombreux facteurs souvent difficilement contrôlables. Il s'agit en particulier de la volonté politique des Etats membres et des moyens militaires, civils et financiers qu'ils sont disposés à fournir. Au final, il ne semble guère y avoir d'alternative convaincante à la gestion internationale des crises lorsqu'il en va de la paix, de la sécurité et de la stabilité (voir également ch. 4.1.1.).

Depuis 2002, date de son adhésion à l'ONU ­ la plus importante organisation pour la promotion de la paix dans le monde ­, la Suisse peut travailler dans ce domaine de façon plus concertée avec la communauté internationale. La promotion militaire de la paix peut cependant être encore développée. La comparaison avec d'autres pays neutres ou hors de toute alliance comme l'Irlande, l'Autriche, la Suède et la Finlande montre qu'ils en ont fait une mission structurante de leurs forces armées respectives.

Sur le plan juridique, ces activités de promotion de la sécurité internationale sous mandat de l'ONU ou de l'OSCE sont compatibles avec la neutralité. En s'associant à la gestion multilatérale des crises, les pays neutres n'abdiquent ni leurs responsabilités, ni leur indépendance.

Il serait donc souhaitable que la Suisse revalorise sa promotion militaire de la paix pour défendre aussi efficacement que possible ses intérêts sécuritaires au niveau international. A ce jour, la communauté internationale apprécie la qualité des contributions de l'armée suisse: du contingent Swisscoy jusqu'aux détachements
d'hélicoptères, en passant par les observateurs militaires et les experts techniques (en déminage, en sécurisation des dépôts d'armes et de munitions ou en réforme du secteur de la sécurité). Sur cette base, il serait possible d'étoffer, tant en qualité qu'en quantité, la contribution de l'armée suisse. Le rapport sur la politique de sécurité 2010 le prévoit également. Il réaffirme la nécessité de cette coopération tout en envisageant un élargissement quantitatif et qualitatif de la promotion militaire de la paix de la Suisse.

Besoins accrus en matière de protection des personnes La protection des personnes vulnérables et exposées aux risques de guerre, de violence ou de catastrophe naturelle demeure un problème de grande actualité. Dans le cadre des conflits modernes notamment, la distinction entre civils et combattants devient souvent difficile à établir, ce qui rend les populations civiles particulièrement vulnérables. Le recours à des pratiques contraires au droit international, telles que les attaques délibérées contre la population civile ou le non-respect du principe de proportionnalité, font partie des stratégies utilisées par les parties en conflit. Dans 34 35 36

Chiffre avril 2010, http://www.un.org/fr/peacekeeping/bnote.htm.

http://www.un.org/peace/reports/peace_operations/ http://www.un.org/en/peacekeeping/documents/newhorizon.pdf

1083

ce contexte, deux défis majeur se posent, auxquels la Suisse essaye de donner une réponse: amener les parties au conflit à respecter le cadre normatif existant et fournir des réponses sur le terrain adaptées aux besoins des civils.

Malgré les efforts de la communauté internationale, le nombre des personnes devant quitter leur pays en raison de la guerre, de la violence ou de catastrophes naturelles est en augmentation. L'ONU prévoit 214 millions de migrants pour 2010, soit 3 % environ de la population mondiale. Fin 2008, le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés recensait près de 42 millions de personnes déplacées de par le monde (voir également ch. 4.3).

Loin de chez eux, ces personnes ont plus que jamais besoin d'une protection que bien des Etats ne sont pas en mesure d'assurer. L'une des principales missions de la communauté internationale consiste à aider ces Etats à protéger les groupes de personnes vulnérables, conformément aux engagements internationaux qu'ils ont pris. Il s'agit en particulier de lutter contre la traite des êtres humains, qui continue de croître, et de fournir l'assistance nécessaire aux victimes, au premier rang desquelles les femmes et les enfants. A cela s'ajoutent des flux migratoires internationaux devenus plus complexes. Il arrive fréquemment que des personnes fuyant la pauvreté et la faim se retrouvent dans le même bateau que d'autres chassées par des conflits armés. Discerner qui à droit à la protection, et sous quelle forme, devient dès lors toujours plus difficile.

Le défi de mise en oeuvre des normes relatives aux droits de l'homme Par ailleurs, le respect des droits de l'homme demeure un défi majeur. Plus de 60 ans après l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme, le respect de ces droits est encore loin d'être une réalité partout dans le monde. Leur protection à l'échelle internationale a connu des avancées encourageantes, puisque de plus en plus de gouvernements prennent des engagements juridiquement contraignants.

Toutefois, leur respect a été affaibli sur plusieurs fronts: l'invocation, par certains Etats, de la lutte contre le terrorisme pour étendre leur système de répression n'est qu'un exemple parmi d'autres. Environ 60 Etats maintiennent la peine de mort. Des dizaines de pays pratiquent la torture et infligent
d'autres traitements cruels et dégradants. Des millions de personnes ne peuvent pas faire valoir leur droit à la nourriture, à l'eau, aux soins de santé, à la formation, à la participation à la vie politique et à l'égalité des chances. Dans ce contexte, les priorités traditionnelles de la politique extérieure suisse dans le domaine des droits de l'homme conservent toute leur actualité, à l'image de la promotion ciblée des droits fondamentaux, de la protection des groupes particulièrement vulnérables et de la consolidation des instruments existants, tels que le Conseil des droits de l'homme. La Suisse doit toutefois être prête à relever les nouveaux défis que pose une réalité en constante mutation, comme elle le fait depuis fin 2008 dans le cadre de l'Agenda pour les droits de l'homme, qui propose des priorités au niveau global pour les dix années à venir (entre autres la création d'une Cour mondiale des droits de l'homme, l'établissement d'un Fonds global pour la justice ou encore le renforcement de la dignité humaine), ou, plus récemment, dans le cadre des efforts visant à améliorer l'efficacité de la Cour européenne des droits de l'homme. L'annexe «Rapport de politique étrangère

1084

en matière des droits de l'homme (2007 à 2011)» illustre de manière étendue les défis en la matière37.

Importance de prévenir les conflits et les violations massives des droits de l'homme Face à l'évolution permanente de l'environnement international, à la nature actuelle des crises et à leur impact global, il est devenu indispensable de mener une réflexion régulière sur les stratégies et les instruments de la sécurité humaine. C'est un défi que la Suisse essaiera de relever également à l'avenir.

Il devient notamment pressant de se pencher davantage sur la prévention des conflits et des violations massives des droits de l'homme. Il s'agit d'épargner des vies et d'utiliser à meilleur escient des ressources limitées qui sont actuellement englouties par la gestion des conflits et la reconstruction de l'après-guerre. La prévention de la violence armée est en effet plus efficace et beaucoup moins coûteuse d'un point de vue humain, social, économique et politique que la gestion réactive des conflits et la consolidation de la paix. Tirant les leçons des tragédies du Rwanda et des Balkans et constatant le coût des opérations de maintien de la paix38, la communauté internationale a fait de la prévention des conflits l'un des thèmes dominants du débat du Sommet du Millénaire. Ce thème a été l'un des fils rouges de l'action de l'ancien Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan39 et il a fait l'objet de résolutions de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité. L'importance de prévenir les atteintes à la paix et à la sécurité a par ailleurs pris une nouvelle dimension depuis 2001, la communauté internationale portant une attention accrue aux risques que peuvent représenter les Etats en situation de fragilité (facteur propice au développement du terrorisme, de la criminalité organisée, de la piraterie et au débordement des crises sur les Etats voisins) et aux mesures pour y faire face40. L'apparition de nouveaux facteurs de risque comme les changements climatiques rendent encore plus pressants les efforts dans ce domaine. Si l'importance de prévenir les conflits armés plutôt que de réagir lorsqu'il est trop tard paraît à première vue tomber sous le sens, l'existence d'une culture de prévention n'est pas encore une réalité pour la communauté internationale.

De la lutte contre la prolifération d'armes
et contre la violence armée à la médiation préventive, du soutien au renforcement de l'Etat de droit à la participation aux missions internationales de paix, de la réintégration des anciens combattants à la reconstruction, du soutien aux processus électoraux au dialogue avec les acteurs «difficiles», de la prévention du génocide à la lutte contre l'impunité, la Suisse emploie ses différents instruments de promotion de la sécurité humaine et les com37

38

39 40

Après celui de 2006, il s'agit du deuxième rapport de législature que le Conseil fédéral soumet au Parlement en réponse au Postulat de la Commission de politique extérieure du Conseil national du 14 août 2000. Pour la première fois, ce texte est publié comme annexe au «Rapport sur la politique extérieure de la Suisse».

Selon une étude de 1997 de la Commission Carnegie, la communauté internationale a consacré environ 200 milliards de dollars aux sept grandes opérations de paix des années 90. La Commission a calculé le coût de ces activités de gestion des conflits et celui d'une action préventive et elle est parvenue à la conclusion que la prévention aurait permis à la communauté internationale d'économiser près de 130 milliards de dollars.

Voir le Rapport du Secrétaire général «Prévention des conflits» du 7 juin 2001 et ses rapports de suivi.

Voir notamment les Lignes directrices du Comité d'aide au développement de l'OCDE sur le thème Prévenir les conflits violents, entérinées en 2001.

1085

bine entre eux en vue de contribuer à la prévention de nouveaux conflits. La Suisse s'engage également pour renforcer les capacités et clarifier les responsabilités des différents acteurs étatiques et non étatiques en matière de prévention des conflits armés au niveau global, régional, national et local. En ce qui concerne l'avenir, il convient de se poser la question fondamentale de savoir si, et dans quels domaines, il serait souhaitable que la Suisse intensifie son action de prévention. Ses atouts, surtout en matière de prévention opérationnelle, résident dans la crédibilité que lui valent son statut d'Etat neutre sans passé colonial, sans appartenance à une quelconque alliance militaire, et ses compétences en matière de promotion de la paix, de défense des droits de l'homme et de bonne gouvernance. La prévention des conflits est par nature politique, et peut se heurter aux intérêts des parties en conflit, à des craintes de perte de souveraineté ou à des intentions cachées. Il convient donc d'étudier précisément le potentiel et les limites d'une véritable stratégie suisse en matière de prévention des conflits. Une réflexion est en cours au sein du DFAE quant à la possibilité de développer des mesures dans plusieurs champs d'action.

Parmi les pistes évoquées, la première est l'utilisation plus systématique de la diplomatie préventive. La seconde consisterait à doter la Confédération d'une boîte à outils opérationnelle qui permettrait de combiner à temps et d'utiliser de manière encore plus cohérente les instruments à disposition dans le domaine du développement et de la gouvernance ainsi que de la diplomatie non contraignante (démarches, dialogues, facilitation, médiation). Troisièmement, une culture de prévention pourrait être instaurée, en catalysant les énergies dans le domaine de la politique étrangère et en conférant à la prévention des conflits une plus grande importance dans l'analyse, ainsi que dans l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation de programmes.

Bilan 2009 et engagement 2010 Formulation de politiques par le biais des instruments développés au fil des années: le 2e crédit-cadre pour le financement de mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme (au total 240 millions de francs) a été adopté par le Parlement en mars 2008 et couvre une
période de quatre ans au minimum à compter du 1er mai 2008. En 2009, le DFAE a consacré, par le truchement de la Division politique IV, environ 59,8 millions de francs suisses à la promotion de la sécurité humaine. Les experts du DFAE à Berne, sur le terrain et dans les enceintes multilatérales ont contribué à la prévention et au règlement des crises ainsi qu'à la formulation de politiques internationales par le biais d'instruments développés au fil des ans: les programmes de gestion civile des conflits (40 %, 23,8 millions de francs), l'envoi d'experts suisses pour la promotion civile de la paix (26 %, 15,5 millions de francs), les dialogues bilatéraux sur les droits de l'homme (1 %, 697 000 francs), les initiatives diplomatiques (18 %, 10,9 millions de francs) et les partenariats stratégiques (15 %, 8,9 millions de francs).

Le financement des mesures de promotion de la sécurité humaine est considéré à hauteur de 97 % comme aide publique au développement (APD) selon les critères de l'OCDE. Ces mesures contribuent donc à réaliser l'objectif de la Suisse relatif à la part du RNB consacrée à l'APD. Dans ses efforts en faveur de la sécurité humaine, le DFAE s'est employé à jouer un rôle d'acteur ou de co-acteur de ses politiques (71 % des dépenses), plutôt que de donateur pour des projets d'acteurs tiers (29 % des dépenses).

1086

En 2009, la Suisse a continué de promouvoir le dialogue avec tous les acteurs concernés. Dans un contexte de tensions internationales en particulier, il est important de savoir bâtir des ponts entre des positions différentes. La Suisse a promu le dialogue dans les enceintes internationales, dans ses relations avec les Etats concernés et dans le cadre de ses activités sur le terrain. Elle a continué à recourir au dialogue aussi dans le contexte des conflits armés, son expérience lui ayant appris que seule une implication de toutes les parties au conflit permet d'envisager un véritable règlement pacifique.

La promotion de la sécurité humaine est de plus en plus considérée comme une tâche collective. En 2009, la Suisse a continué de travailler étroitement avec le réseau de partenaires qu'elle a développé au fil des années. Elle a coopéré avec des organisations internationales et régionales telles que l'ONU, l'OSCE, le Conseil de l'Europe et l'Union européenne, avec des pays partageant ses buts comme la Norvège et la Suède, avec des institutions académiques et des entités non gouvernementales. Grâce à leur expertise, leur champ d'influence ou leur présence sur le terrain, ces partenaires externes ont un effet multiplicateur qui permet de renforcer les efforts de la Suisse et de compléter ses propres capacités en faveur de la sécurité humaine.

Le règlement pacifique des conflits et le renforcement de la stabilité, l'engagement en faveur du respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire ainsi que la promotion d'une gestion des migrations efficace et respectueuse de la dignité humaine représenteront à l'avenir aussi un volet important de la politique de sécurité de la Suisse et de la sauvegarde de ses intérêts dans le monde. En 2010, un budget de 62,8 millions de francs est alloué aux activités liées à ces domaines.

Différenciation des rôles et des besoins des femmes et des hommes: le DFAE s'est engagé à prendre en compte les rôles et les besoins différents des femmes et des hommes dans le cadre de l'utilisation de ses différents instruments de promotion de la sécurité humaine et dans toutes les phases d'activité (analyse, conception de projets, réalisation d'actions concrètes, évaluation), et de s'engager contre la violence sexospécifique. Des normes internationales comme la
résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité,41 reprise dans le plan d'action national correspondant de la Suisse, définissent d'importants paramètres d'action à cet égard. En 2009, 67 % des dépenses du DFAE pour ses activités de sécurité humaine avaient une composante sexospécifique marquée ou très marquée (56 % en 2008), 20 % une composante sexospécifique faible (32 % en 2008) et 13 % aucune composante sexospécifique (12 % en 2008).

Les actions de promotion civile de la paix de la Suisse cherchent à intégrer davantage les femmes dans les processus de paix, en tant qu'acteur, de sorte qu'une plus grande parité s'instaure. Le DFAE encourage à ce titre la mobilisation politique des femmes en Europe du Sud-Est, au Soudan, en Colombie, au Népal et dans ses autres pays prioritaires. De plus, il s'entoure de partenaires comme PeaceWomen Across the Globe, un réseau mondial de femmes qui est actif à tous les niveaux de la politique de paix.

Dans le domaine humanitaire, une coopération est en place depuis plusieurs années avec le Gender Standby Capacity Project (Gencap) du BCAH, qui fournit sur le terrain aux organisations partenaires de l'ONU des spécialistes de la conception de programmes sexospécifiques. A l'occasion du dixième anniversaire de la résolu41

Résolution 1325 du Conseil de sécurité du 31 octobre 2000.

1087

tion 1325, en 2010, la Suisse soutient également à New York une campagne du Groupe de travail des ONG sur les femmes, la paix et la sécurité (NGOWG), une plate-forme d'action de la société civile qui analyse sur un an les activités du Conseil de sécurité touchant à la mise en oeuvre de la résolution. A l'occasion de cet anniversaire, une rencontre a également été organisée avec des partenaires espagnols à Madrid sur le thème de la résolution 1325 et du rôle des femmes dans les processus de paix.

Conduit par le DFAE, un groupe de travail interdépartemental a révisé courant 2010 le plan d'action national 1325, dans la perspective de sa deuxième phase de mise en oeuvre (2010 à 2012). Il met à profit l'expérience réalisée avec le premier plan d'action national pour accroître l'efficacité des mesures prises par la Suisse dans le domaine de l'égalité des genres et de la politique de sécurité.

4.2.2

Promotion de la paix

Programmes de promotion civile de la paix Un engagement sérieux dans le domaine de la promotion civile de la paix implique un investissement considérable en temps et en ressources. Il s'avère donc nécessaire de concentrer les efforts sur des pays et des régions cibles afin d'en augmenter l'impact. Des priorités géographiques ont été définies suite à une analyse approfondie réalisée en 2005. Les pays et régions prioritaires sont passés de treize en 2004 à sept en 2007, nombre qui a été maintenu depuis lors. En 2009, les efforts de promotion civile de la paix investis par la Suisse se sont concentrés sur l'Europe du SudEst (3,5 millions de francs), le Proche-Orient (3,9 millions de francs), le Soudan (2,3 millions de francs), la région des Grands Lacs (2,3 millions de francs), l'Afrique de l'Ouest et centrale (1,1 million de francs), la Colombie (1,5 million de francs) et le Népal (0,6 million de francs). Cet engagement, déjà prévu dans la stratégie générale du DFAE, a eu lieu en étroite collaboration avec d'autres acteurs de la Confédération, tels que la coopération au développement et la promotion militaire de la paix.

Comme prévu aux termes du Message du 15 juin 2007 concernant la continuation de mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme42, 80 % des ressources consacrées à la promotion de la paix sont concentrés sur une série de pays et de régions prioritaires. Le reste est affecté à des interventions ponctuelles, comme cela fut le cas en Indonésie, au Sri Lanka et dans le Caucase du Nord pour la période sous revue.

Dans la plupart des cas, même lorsqu'un processus de paix a abouti, les résultats atteints sont assez fragiles. Une contribution en faveur de la paix, pour être durable et crédible, exige ainsi un engagement sur plusieurs années. C'est la raison pour laquelle la Suisse continuera à privilégier des engagements à moyen terme.

Au Kosovo, en Bosnie-Herzégovine, en Macédoine et en Serbie, la Confédération poursuit un programme de promotion de la paix dans le dessein de contribuer à la stabilisation d'une région ayant des liens étroits avec la Suisse. Les efforts principaux portent sur le dialogue politique, la protection des minorités et le traitement du passé.

42

FF 2007 4495

1088

Quant au Moyen-Orient, la Suisse continue d'appliquer une politique de dialogue avec tous les acteurs concernés, en Israël, dans le territoire palestinien occupé et au Liban. Suite au conflit de 2009, la Suisse s'est engagée pour l'ouverture de la bande de Gaza et a soutenu la mission d'enquête du Conseil des Droits de l'homme de l'ONU conduite par le juge Goldstone. Suite au mandat que lui a donné l'Assemblée générale de l'ONU en novembre 2009, la Suisse a mené une série de consultations en vue d'une éventuelle Conférence des hautes parties contractantes sur la mise en oeuvre de la quatrième Convention de Genève dans les territoires palestiniens occupés. Par ailleurs, elle offre ses bons offices pour promouvoir des solutions acceptables pour toutes les parties. Ainsi, par exemple, elle continue à soutenir l'Initiative de Genève, un modèle d'accord pour une solution à deux Etats issue de la société civile et comprenant des recommandations spécifiques et détaillées. Ses annexes, publiées en 2009, ont suscité un grand intérêt.

Au Soudan, le soutien de la Suisse à la mise en oeuvre de l'accord de paix global de 2005 se poursuit. La Suisse s'est engagée dans le cadre de la préparation des élections générales qui ont eu lieu au printemps 2010 et du referendum sur l'indépendance du Sud, qui devrait avoir lieu début 2011. Au Sud-Soudan, elle contribue notamment à la mise sur pied d'institutions étatiques, à l'amélioration des conditions de la société civile ainsi qu'à la promotion des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Au Darfour, où la situation demeure particulièrement tendue, l'expertise de la Suisse a plusieurs fois été sollicitée dans le cadre des efforts de médiation de l'Union africaine et de l'ONU.

La promotion du dialogue, le traitement du passé, la lutte contre les armes légères et de petit calibre ainsi que le renforcement du respect des droits de l'homme restent au centre des efforts de la Suisse au Burundi. En vue des élections de 2010, le conseiller suisse pour la consolidation de la paix a fourni une contribution fondamentale dans le cadre de la transformation de la dernière organisation rebelle, le PalipehutuFNL, en parti politique. Grâce à l'expertise accumulée au cours des années, la Suisse assure depuis juin 2009 la présidence de la Configuration Burundi de la
Commission de consolidation de la paix de l'ONU.

Dans le cadre de son programme de promotion civile de la paix en Afrique de l'Ouest et centrale, la Suisse poursuit ses efforts au Mali, au Niger et au Tchad.

Parallèlement, elle continue à s'engager pour un renforcement des capacités des acteurs africains francophones dans le domaine de la promotion de la paix et pour le développement d'une collaboration avec la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).

Après l'interruption des négociations de paix en Colombie en 2008, la Suisse a poursuivi son programme dans ce pays en basant son engagement sur la promotion de la paix, de l'état de droit et de la démocratie participative. Ainsi, durant le premier semestre de l'année 2010, la Suisse a assuré la présidence du Groupe tripartite réunissant les 24 pays donateurs, le gouvernement colombien et la société civile (G-24) qui, depuis 2003, accompagne la Colombie dans la recherche d'une paix durable.

Au Népal ­ où la Suisse a célébré en 2009, avec l'ouverture d'une Ambassade à Katmandu, ses 50 ans de coopération au développement dans le pays ­ les efforts dans le cadre du processus de paix se sont poursuivis. Ces dernières années, la Suisse a apporté une contribution de fond dans les travaux pour la nouvelle constitution. Elle continue à fournir son soutien dans les travaux pour la réforme de l'Etat, 1089

en particulier quant aux thématiques du fédéralisme et de la réforme du système de sécurité.

Les thèmes de la paix De manière générale, les programmes de promotion civile de la paix portent sur des activités propres à assurer la durabilité des processus de paix et pour lesquelles la Suisse possède une expertise particulière et reconnue: la médiation, le traitement du passé et la prévention du génocide, la promotion des droits de l'homme, les enjeux justice et paix, le renforcement de l'Etat de droit, le fédéralisme, le partage du pouvoir, la prise en compte de facteurs religieux et l'appui aux processus électoraux.

Médiation, appui à la médiation et facilitation La médiation dans les négociations de paix est l'un des instruments les plus précieux et les plus performants de la promotion civile de la paix de la Confédération, car la plupart des conflits armés se règlent aujourd'hui par la négociation. Des médiateurs reçoivent un mandat officiel des parties au conflit, ou alors soutiennent le processus de paix dans les coulisses. Les principaux médiateurs sont l'ONU et des organisations régionales comme l'Union africaine; des Etats comme la Norvège et la Suisse, voire des ONG, peuvent également jouer un rôle d'intermédiaire dans des négociations de paix. Celles-ci étant devenues des processus complexes dans le cadre desquels sont traités différents thèmes, les parties à un conflit, surtout s'il s'agit de groupe armés non étatiques, ont besoin de soutien. Le désarmement et la démobilisation des combattants des groupes armés, leur réintégration dans la vie civile ou dans l'armée officielle, le rétablissement des institutions de l'Etat, le partage du pouvoir et les structures fédéralistes, la révision de la constitution, la justice transitionnelle, le traitement du passé et la répartition des revenus provenant des ressources naturelles sont des questions parmi d'autres qui doivent être traitées.

Dépourvue de passé colonial, neutre et indépendante, la Suisse, qui n'appartient par ailleurs à aucun bloc de puissances et présente un système fédéral et démocratique attrayant aux yeux de nombreuses régions en conflit, est bien positionnée pour contribuer à la médiation dans des négociations de paix. Elle possède également les compétences nécessaires, une longue tradition de bons offices ainsi qu'une expérience
avérée de la médiation dans les processus de paix.

Ces deux dernières années, la Suisse a fourni sa médiation entre l'Arménie et la Turquie, contribuant ainsi à la normalisation de leurs relations. Après plusieurs cycles de pourparlers, dont certains se sont tenus en Suisse, les parties ont signé au mois d'octobre 2009 à Zurich des protocoles, qui doivent encore être ratifiés par leurs parlements respectifs. Ces documents fixent les modalités pour la reprise des relations diplomatiques, l'ouverture des frontières et la constitution d'un organisme pour le développement des relations bilatérales, qui comprendra notamment une «commission sur la dimension historique». Cette médiation illustre bien les contributions que la Suisse est à même de produire au titre des bons offices. Elle démontre aussi l'utilité que de telles activités peuvent avoir sur le plan des relations bilatérales, celles avec la Turquie et l'Arménie naturellement, mais aussi avec les Etats-Unis, la Russie, la France et l'Union Européenne, dont de hauts représentants étaient présents lors de la cérémonie de signature à Zurich.

1090

Au Népal également, la Suisse a réalisé un travail de médiation durant la guerre civile. Un conseiller suisse pour la consolidation de la paix a rendu possibles des contacts entre les partis politiques et les maoïstes, et a apporté son soutien à ces derniers pour la préparation de l'accord de paix du 21 novembre 2006. Depuis lors, un expert suisse cherche à relancer le processus, qui marque aujourd'hui le pas; il offre son concours aux différentes parties dans la délicate mise en oeuvre de l'accord de paix, notamment pour ce qui est de la création d'une structure étatique fédéraliste.

Il est intervenu plusieurs fois de manière informelle, et a fourni sa médiation dans divers conflits internes, en liaison avec le ministère de la Paix et de hautes personnalités nationales. En 2009, un expert suisse a par ailleurs soutenu le processus de paix au Darfour, conduit par l'Union africaine et l'ONU, en familiarisant les mouvements rebelles avec les techniques et la matière des négociations de paix, et en suggérant des solutions pour la négociation.

La Suisse appuie également d'autres médiations. Elle collabore avec l'ONU et les organisations régionales en leur fournissant des experts pour leurs missions de paix.

Courant 2009, certains experts suisses ont ainsi été impliqués ou consultés dans le processus entre le Nord-Soudan et le Sud-Soudan, dans les négociations de Doha sur le Darfour, et dans celles sur la Somalie ou le Sahara occidental. La Suisse fournit en outre un soutien financier à l'Unité d'appui à la médiation de l'ONU. Elle soutient par ailleurs un certain nombre d'organisations non gouvernementales spécialisées dans la médiation, comme le Centre pour le Dialogue Humanitaire et la Fondation Kofi Annan de Genève, avec lesquelles elle coopère dans divers processus. Ces organisations possèdent un avantage comparatif lorsqu'il s'agit de situation où l'Etat rejette toute ingérence extérieure dans leurs affaires, de la part d'autres Etats ou d'organisations internationales. Ces organisations sont souvent les seuls acteurs internationaux qui peuvent entretenir, sur le long terme, des contacts réguliers avec les groupes armés afin de les amener à la table des négociations.

La Suisse est également très active dans la formation à la médiation: elle propose souvent des modules de formation pour experts
suisses et étrangers, ainsi que, sur mandat de l'ONU, des cours de préparation aux personnes impliquées dans des processus de dialogue nationaux.

Traitement du passé et prévention du génocide L'expérience montre qu'un travail de traitement du passé insuffisant peut entraîner la résurgence des conflits. C'est donc à ce thème qu'a été consacrée la Conférence annuelle 2009 de la Division politique IV du DFAE. Cette conférence fut l'occasion de faire le point avec d'éminentes personnalités de plusieurs continents sur le développement de ce thème, devenu prioritaire pour la Suisse. Sur le plan bilatéral, la Suisse soutient des initiatives locales (dans des domaines tels que la recherche des personnes disparues et la lutte contre l'impunité) et elle met son expertise à disposition dans la région des Grands Lacs, en Indonésie, au Moyen-Orient, au Népal, en Somalie, en Europe du Sud-Est, en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale et en Colombie. La Suisse contribue, dans ces pays, au développement de combinaisons appropriées entre des efforts d'établissement des faits, la mise en place de structures judiciaires adéquates et de programmes de réparation et les réformes des institutions de sécurité. En Colombie, par exemple, la Suisse préside le Conseil consultatif international du groupe de travail sur la mémoire historique, qui a publié en 2009 plusieurs rapports incluant de nombreuses propositions de politique publique pour 1091

assurer que les violations des droits de l'homme ne se répètent pas. Au Népal, une analyse a contribué à une meilleure compréhension de l'impact des mesures de traitement du passé sur la consolidation de la paix. Un soutien a également été fourni dans le processus qui a conduit à la signature des protocoles entre l'Arménie et la Turquie. Sur le plan multilatéral, les nombreuses demandes relatives au traitement de l'impunité dans les accords de paix ont conduit la Suisse à rédiger une note d'orientation à l'attention des médiateurs sur la question du traitement du passé dans les processus de paix, publiée sur le site de l'Unité d'appui à la médiation de l'ONU.

Après avoir organisé en 2008 avec l'Argentine, à Buenos Aires, le premier forum régional sur la prévention du génocide, la Suisse a poursuivi ses travaux en vue du deuxième forum qui a eu lieu en mars 2010, en Tanzanie. Ces initiatives font partie des efforts déployés pour renforcer la prévention du génocide et des crimes de masse aux niveaux régionaux.

Le facteur religieux dans la résolution de conflits Il est aujourd'hui reconnu que dans nombre de conflits, le facteur religieux joue un rôle incontournable et les acteurs religieux impliqués politiquement doivent faire partie de la solution alors qu'ils sont souvent ignorés dans les processus de transformation de conflit. Les intérêts défendus sont en effet ancrés dans des valeurs motivées religieusement, avec la conséquence que les facteurs religieux et politiques s'entremêlent. Dans l'optique de prévenir et de transformer des conflits violents, le DFAE a développé une compétence reconnue internationalement comme innovante.

La Suisse instaure un dialogue avec des acteurs politiques motivés par leurs convictions religieuses et qui sont un élément clé de la solution. En partenariat avec des centres académiques, le DFAE intègre dans les processus de paix des acteurs perçus comme difficiles du fait de leurs visions du monde (comme au Sri Lanka ou au Liban) et conduit des dialogues «par la pratique» en Asie centrale et au MoyenOrient.

En 2009 et surtout en 2010, les projets développés dans ce domaine ont gagné en importance et en pertinence. Des projets de dialogue tels que celui mis sur pied au Tadjikistan ou celui engagé avec des organisations caritatives islamiques ­ conçus pour promouvoir
une cohabitation sûre et juste entre parties de la population adhérant à des systèmes de valeurs différents ­ ont contribué à renforcer la réputation de la Suisse à l'étranger, en particulier dans les pays musulmans, et aussi à profiler la Suisse comme un acteur prêt au dialogue et compétent dans ce domaine. La Suisse est respectée pour les activités concrètes qu'elle a menées et son engagement pionnier est apprécié, notamment dans le cadre de l'Alliance des civilisations. L'Alliance est une initiative de l'ONU proposée par l'Espagne et la Turquie suite aux attentats de Madrid de 2004 et qui a pour objectif de trouver des solutions aux tensions entre communautés et pays majoritairement musulmans, et communautés et pays non musulmans. L'engagement et les actions de la Suisse ont contribué à expliquer la position de la Suisse et à prévenir les conclusions et les réactions hâtives au lendemain de la votation du 29 novembre 2009 sur l'initiative contre la construction de nouveaux minarets.

Sous le titre «Quand religions et visions du monde se rencontrent», la Division politique IV du DFAE a organisé sa conférence annuelle 2010 sur les expériences, les opportunités et les méthodes permettant d'approcher de manière constructive les conflits entre acteurs politiques dont les actions sont influencées par des convictions religieuses.

1092

La votation sur les minarets pose néanmoins un défi à la politique étrangère helvétique. En effet, la Suisse a vu sa réputation écornée et elle a perdu en légitimité en tant qu'actrice de la promotion de la paix et des droits de l'homme. Ces deux effets conjugués l'exposent à un risque sécuritaire accru. Si l'attention internationale sur cette question a globalement baissé, le potentiel d'escalade ne doit pas être sousestimé, et ce d'autant plus que d'autres débats et initiatives perçus comme «islamophobes» ­ l'interdiction de la burka notamment ­ sont lancés en Suisse et en Europe.

Mais le défi qui les occupe toutes deux et qui consiste à définir le traitement adéquat à réserver à l'islam en Europe donne aussi l'occasion à la Suisse de nourrir un dialogue avec les pays européens à ce sujet. Le renforcement de l'image de la Suisse et de sa légitimité à agir à l'extérieur doit tenir compte des initiatives de dialogue lancées en Suisse ainsi que sur le plan international pour renforcer la cohabitation et la coopération. Le savoir-faire développé par le DFAE dans le domaine de la dimension religieuse des conflits se révèle par ailleurs précieux pour contribuer aux efforts de dialogue préconisés par le Conseil Fédéral au lendemain de la votation du 29 novembre 2009.

Soutien aux élections Les élections occupent très souvent une place centrale dans les processus de paix car les parties au conflit se déchirent, notamment sur la question de la légitimité à gouverner. Souvent donc, les accords de paix prévoient la résolution de cette question par des élections démocratiques. La pression est d'autant plus forte et peut d'ailleurs tourner au conflit dès lors que des élections sont organisées dans des situations postconflit ou dans des Etats fragiles. Si elles représentent un instrument de stabilisation politique important, les élections démocratiques renferment également un facteur de déstabilisation, en particulier si le processus électoral manque de transparence et de crédibilité ou si les résultats sont contestables. La Suisse travaille avec des partenaires internationaux et locaux à faire prendre davantage conscience du potentiel conflictuel lié aux élections.

Courant 2009, le DFAE a sélectionné des experts suisses, qui suivent actuellement une formation pour pouvoir exercer des activités de conseil
dans des zones de crise.

Ils doivent aider sur place les organismes concernés à reconnaître les facteurs sensibles dans l'organisation d'élections et à prendre les mesures requises. A titre d'exemple, l'expérience recueillie à la faveur du programme de soutien aux élections mozambicaines est mise à profit dans l'encouragement et le renforcement des capacités locales de prévention des conflits.

Renforcement de la sécurité La Suisse travaille au niveau bilatéral et multilatéral à l'amélioration de la sécurité globale. Elle s'emploie notamment à réduire la violence armée dans le monde, en particulier pour ce qui est des mines antipersonnel et des armes légères.

Mines antipersonnel Dix ans après l'entrée en vigueur de la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel, on tend vers l'éradication de ce type d'armes. Il reste cependant des défis de taille à relever: une quarantaine de pays n'ont toujours pas adhéré à la Convention et une série d'Etats parties ne sont pas à jour de leurs obligations quant au déminage et à la destruction de leurs stocks. Il faut par ailleurs intensifier la

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protection des populations civiles contre l'utilisation des mines antipersonnel par des acteurs armés non étatiques.

En 2008 à 2009, la Suisse a présidé la conférence des Etats parties à la Convention d'Ottawa. Pendant son mandat, elle a travaillé à l'universalisation de la Convention, à travers l'adhésion de nouveaux Etats. Elle a effectué en ce sens une série de démarches auprès de candidats potentiels et a également facilité les négociations sur le traitement des prorogations de délai de mise en conformité avec les dispositions de la Convention.

En décembre 2009, la deuxième conférence d'examen a réuni à Carthagène (Colombie) 104 Etats parties et 18 délégations d'observateurs, dont, pour la première fois, les Etats-Unis d'Amérique. La réunion était centrée sur l'aide aux victimes. La Suisse y a défendu une approche intégrée, englobant à la fois l'aide humanitaire et l'aide au développement, et évitant la discrimination à l'égard de certains groupes de victimes. Lors des négociations sur le plan d'action de Carthagène, elle a demandé la reprise des dispositions visant à protéger la population civile et à associer les acteurs armés non étatiques à l'interdiction des mines antipersonnel. La Suisse soutient toujours le travail de l'organisation non gouvernementale Appel de Genève (Geneva Call), qui pousse les acteurs non étatiques à observer le droit international humanitaire.

Violence armée et développement: l'impact des armes légères La Suisse mène depuis 2006 un travail de sensibilisation aux interactions entre la violence armée et le développement, dans le cadre de ses efforts de lutte contre les armes légères et de petit calibre. La Déclaration de Genève sur la violence armée et le développement est une initiative diplomatique lancée avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD); elle vise à obtenir d'ici 2015 un recul mesurable de la violence armée et de ses effets inhibiteurs sur le développement socioéconomique.

Les questions que couvre l'initiative ont attiré davantage l'attention et ont acquis une plus grande importance politique au cours de l'année 2009. A la suite d'une résolution présentée à l'Assemblée générale des Nations Unies fin 2008, à l'instigation de la Suisse et d'un groupe de pays partageant ses vues, le secrétaire général de l'ONU a invité les pays
membres à lui faire part de leur point de vue sur les liens entre la violence armée et le développement et sur les solutions envisageables.43 Le rapport sur la promotion du développement par le biais de la réduction et de la prévention de la violence armée qui en a résulté contient une analyse circonstanciée du problème et une série de mesures concrètes. Le groupe de pilotage du processus de la Déclaration de Genève, qui réunit 14 pays et que préside la Suisse, se propose de s'appuyer sur ce rapport pour approfondir les discussions à l'ONU et déterminer les actions qu'il serait possible d'entreprendre pour améliorer la situation.

L'examen des activités entreprises jusqu'à présent pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement pourrait avoir un impact notable sur le processus de la Déclaration de Genève. La violence armée est en effet un obstacle important à leur réalisation. La Norvège s'engage aussi dans ce domaine; à l'automne 2009, elle a fait de la thématique de la violence armée et du développement une priorité de sa 43

Résolution A/64/228 de l'Assemblée générale des Nations Unies, «Promotion du développement par le biais de la réduction et de la prévention de la violence armée», 5 août 2009.

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politique extérieure, et a organisé en mai 2010 avec le PNUD une conférence internationale à ce sujet, qui a donné à la Suisse l'occasion de faire valoir ses vues sur la question.

Rattachement des trois Centres genevois de politique de sécurité au DFAE La Suisse a fondé, il y a plus de dix ans à Genève, trois centres de compétences en matière de sécurité, à savoir le Centre de politique de sécurité, le Centre international de déminage humanitaire et le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées. Fondations de droit privé, les trois centres sont des partenaires importants de la politique extérieure suisse de paix et de sécurité. Ils constituent des vecteurs d'influence sur les discussions internationales. La Confédération assume environ 60 % de leur budget global. Depuis 2004, le financement était partagé entre le DDPS (environ deux tiers) et le DFAE (environ un tiers). Dans le cadre du programme de consolidation 2011 à 2013 et du réexamen des tâches, le DFAE et le DDPS se sont mis d'accord pour que le financement des centres et le pilotage de la contribution de la Confédération soient transmis intégralement au DFAE dès 2011, mesure qui a été avalisée par le Conseil fédéral.

Au niveau de la Confédération, le rattachement des Centres genevois au DFAE permet de démêler les tâches entre le DDPS et le DFAE et de renforcer la dimension de politique étrangère de l'engagement de la Suisse dans les centres. Cette nouvelle répartition des tâches est d'autant plus adéquate que les domaines d'activités des centres correspondent à trois des six priorités de la politique extérieure suisse inscrites à l'art. 54 de la Constitution fédérale (promotion du respect des droits de l'homme, de la démocratie et de la coexistence pacifique des peuples).

Le transfert intégral des compétences en matière de pilotage et de financement au DFAE garantit aux centres, à moyen et à long terme, la stabilité du soutien politique et financier de la Suisse, sans remettre en cause leur indépendance ni la dimension aussi bien civile que militaire au coeur de leur identité. La Suisse continuera en effet de promouvoir une approche globale de la paix et de la sécurité qui englobe les dimensions de la diplomatie, du développement et de la défense. Le savoir-faire et l'expérience des centres, ainsi que les réseaux étendus dont
ils disposent, permettront de continuer à soutenir et à enrichir ­ dans le sens d'un échange ­ les réflexions et les initiatives de la Suisse à un très haut niveau d'expertise.

Engagement d'experts suisses auprès des organisations internationales L'affectation continue et le détachement d'experts suisses dans des organisations internationales au cours des années 1990 se sont révélés des instruments efficaces et visibles de la promotion suisse de la paix et des droits de l'homme. Le choix des organisations multilatérales, des pays et des postes de détachement est guidé par les priorités géographiques et thématiques dans ces domaines. La Suisse concentre ses activités sur les structures de l'Etat, l'Etat de droit, les droits de l'homme et le droit humanitaire, l'observation d'élections et le traitement du passé.

Courant 2009, un total de 202 experts de la promotion civile de la paix et des droits de l'homme ont été affectés à des missions bilatérales ou multilatérales de courte ou de longue durée dans 37 pays. En moyenne, 86 personnes, dont 42 % de femmes, étaient simultanément en mission, parmi lesquelles 11 conseillers pour la consolidation de la paix et 4 pour la promotion des droits de l'homme au niveau bilatéral. Le DFAE collabore avec la Direction générale des douanes, l'Office fédéral de la police et les cantons pour le recrutement, le détachement et le suivi du personnel attaché à 1095

la surveillance des frontières, aux douanes ou à la police. Il faut cependant déployer des efforts croissants pour pallier à la pénurie, observée depuis plusieurs années déjà, de spécialistes de la sécurité et de la justice pouvant être affectés à des missions internationales. Des programmes de formation et de perfectionnement viennent enfin compléter la planification et la sélection des postes, le recrutement de personnel qualifié, l'envoi et le suivi des experts, ainsi que leurs évaluations.

Experts dans des opérations de paix de l'ONU, de l'UE et d'autres organisations Le maintien, la stabilisation et la consolidation de la paix font une place de plus en plus large au volet civil de la promotion de la paix. Au niveau multilatéral, l'ONU et des organisations régionales telles que l'Union européenne, l'Union africaine ou l'ANASE, renforcent leurs stratégies, leurs capacités et leurs effectifs dans le domaine de la promotion civile de la paix ainsi que dans le but de consolider et d'organiser les structures étatiques. Parallèlement, des pays comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni développent leurs corps civils afin de pouvoir les affecter selon le besoin à des missions de reconstruction et de stabilisation aux quatre coins du monde. Forte de sa longue expérience des détachements d'experts civils, la Suisse est bien équipée pour s'impliquer dans ce type d'action et exercer une influence sur des questions occupant une place importante dans sa politique extérieure.

Le plus gros contingent d'experts suisses est de loin celui qui est déployé au Kosovo, au sein de la mission EULEX (mission «Etat de droit» de l'UE) et auprès du Bureau civil international (International Civilian Office, ICO), ainsi qu'en Bosnie-et-Herzégovine, au sein de la Mission d'observation de l'Union européenne (EUMM). La Suisse fournit jusqu'à 13 personnes à EULEX (justice, police et surveillance des frontières); elle dispose, à l'ICO, de 4 spécialistes en matière de décentralisation, de protection des minorités et de protection des biens culturels et religieux. En Afrique de l'Ouest, l'une de ses régions prioritaires, elle soutient les missions de l'ONU en Côte d'Ivoire et au Libéria, en mettant à leur disposition des spécialistes de la police, de la surveillance des frontières et des douanes. En Palestine aussi, des experts
suisses suivent la situation de la population civile au sein de la Présence internationale temporaire à Hébron (Temporary International Presence in the City of Hebron, TIPH), aux côtés de la Norvège, de la Suède, de l'Italie et de la Turquie. Enfin, des experts suisses apportent un précieuse appui à la Commission contre l'impunité au Guatemala (CICIG), à qui a été confié le traitement du passé et la réforme du système judiciaire.

Experts aux sièges des organisations multilatérales Le Pool d'experts suisse pour la promotion civile de la paix affecte également des experts à certaines fonctions bien définies aux sièges de l'ONU, de l'UE, de l'OSCE et du Conseil de l'Europe. En leur fournissant ces spécialistes, la Suisse aide ces organismes multilatéraux à remplir leur mission, tout en recueillant une expérience et des compétences pour son propre usage. A l'ONU, les experts suisses occupent notamment des postes touchant aux opérations de maintien de la paix, à la promotion de la paix, à l'action humanitaire, aux droits de l'homme, à la lutte contre la traite des êtres humains ainsi qu'aux relations entre économie et droits de l'homme.

Au Conseil de l'Europe, la Suisse pourvoit également six postes (réforme du Conseil de l'Europe et liberté des médias, missions au Bélarus et en Géorgie). En 2009 et 2010, une vingtaine d'experts suisses travaillaient aux sièges d'organisations multilatérales.

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Participation d'experts aux observations d'élections Parmi les activités de la Suisse, figure toujours en bonne place la participation à l'observation d'élections sous l'égide de l'OSCE, de l'UE ou de l'Organisation des Etats américains (OEA). En 2009, 90 personnes ont été associées à l'observation d'élections au sein de 14 missions dans 11 pays (Albanie, Kosovo, Macédoine, Moldavie, Ukraine, Kirghizistan, Mozambique, El Salvador et Bolivie notamment), soit une enveloppe totale de 1,4 million de francs. Sur ce contingent, 32 observateurs de longue durée sont restés deux à trois mois dans les pays concernés, et 58 n'y ont fait que de brefs séjours. Une Suissesse a par ailleurs été nommée à la tête de la mission d'observation de l'OSCE en Ukraine. Au Kosovo, la Suisse s'est associée à l'observation d'élections organisée par une organisation non gouvernementale régionale.

4.2.3

Politique en matière de droits de l'homme

Le respect des droits de l'homme est une condition indispensable à la paix et à la stabilité dans le monde. L'engagement de la Suisse dans ce domaine est une tradition, qu'elle met en même temps à profit pour préserver ses propres intérêts.44 En 2009, la Suisse a renforcé davantage son engagement en faveur du respect des droits de l'homme. Elle s'est efforcée de promouvoir des instruments novateurs, comme dans le domaine «Responsabilité des entreprises et respect des droits de l'homme»; elle s'est engagée dans l'organisation du 4e Congrès mondial contre la peine de mort, qui a eu lieu en février 2010 à Genève; elle a continué à soutenir la lutte contre la torture; elle a été active dans la lutte contre le racisme, notamment lors de la conférence d'examen de la conférence de Durban; et elle a multiplié ses efforts dans le cadre de l'Agenda pour les droits de l'homme, qui propose des priorités au niveau international pour les dix années à venir. La Suisse a également poursuivi ses activités dans le cadre de ses relations bilatérales et notamment des dialogues et des consultations sur les droits de l'homme. Au niveau multilatéral, elle a travaillé à la consolidation des instruments existants, en particulier du Conseil des droits de l'homme de l'ONU et de son Examen périodique universel. Au niveau national, le Conseil fédéral a pour sa part décidé, en juillet 2009, de lancer le projet pilote «Achat de services auprès d'un Centre de compétence universitaire dans le domaine des droits de l'homme».

Il ne suffit pas que les droits de l'homme soient reconnus universellement, il faut aussi qu'ils soient universellement appliqués; priorité doit donc être donnée à leur mise en oeuvre dans la décennie en cours. C'est pourquoi la Suisse s'emploie à les consolider sur le plan normatif, et à encourager la mise en oeuvre des standards internationaux. A titre d'exemple, la Suisse a travaillé pendant des années à l'élaboration et à l'adoption du Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture. Ratifié par les Chambres fédérales le 20 mars 2009, le Conseil fédéral a mis sur pied le 21 octobre de la même année la Commission nationale de

44

Voir également l'annexe «Rapport de politique étrangère en matière des droits de l'homme (2007 à 2011)» et l'annexe «Informations complémentaires concernant le Conseil de l'Europe» (2009 à mai 2010).

1097

prévention de la torture45. Deux autres adhésions à des conventions fondamentales des Nations Unies sont également en préparation: la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ICED). Ces deux textes reprennent la teneur d'accords internationaux déjà existants. Outre leurs nombreuses dispositions de fond, ils sont assortis d'instruments de mise en oeuvre importants; chacun d'eux sont accompagnés d'un organe conventionnel chargé de superviser la mise en oeuvre de la Convention par les Etats parties.

La mise en place d'instruments de vérification efficaces est un moyen de promouvoir sans relâche le respect des droits de l'homme. Le contrôle est en effet une composante importante de toute politique visant à améliorer la protection des droits de l'homme. Ainsi, par exemple, la crédibilité et l'efficacité du travail des Rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies tiennent à l'étendue du contrôle de la mise en oeuvre de leurs recommandations.

Nouveaux défis et initiatives La mondialisation et le rôle croissant des acteurs privés appellent de nouvelles approches en matière de protection des droits de l'homme. Ces derniers ne sont plus seulement compromis par les Etats autoritaires, mais aussi désormais par les agissements d'acteurs privés. C'est en particulier vrai dans le cas de pays en situation de fragilité ou qui doivent être reconstruits, dans lesquels l'administration de l'Etat est affaiblie voire inopérante. Ces Etats dits fragilisés n'étant souvent pas en mesure de garantir la sécurité et la stabilité, des sociétés privées tendent à assumer un nombre croissant de tâches inhérentes à l'Etat du fait de son monopole exclusif de la violence. La privatisation de ces activités suscite de nombreux problèmes de nonrespect des droits de l'homme par les entreprises concernées et par leur personnel.

Le respect des droits de l'homme concerne également le secteur économique. En réduisant graduellement le rôle de l'Etat, la mondialisation conduits les acteurs économiques à endosser parfois des missions jusqu'à présent réservées aux gouvernements. Certains acteurs privés exploitent cette situation pour tirer parti des standards sociaux très faibles que
l'on rencontre dans les pays en développement ou en transition; alors que d'autres, plus exposés aux pressions de l'opinion publique, reconnaissent les effets négatifs de ces bénéfices à court terme et assument davantage leurs responsabilités.

La progression de la mondialisation fait émerger une «société civile mondiale». Les ONG fournissent aujourd'hui une contribution importante à la surveillance et à la mise en oeuvre des conventions internationales relatives aux droits de l'homme, comme par exemple dans le cadre des procédures du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. La société civile prend plus que jamais une part directe à l'élaboration du droit, au niveau national comme international. Dans ce contexte, les organisations non gouvernementales font la promotion critique des revendications collectives.

Au cours de la période sous revue, la Suisse a mené, entre autres, les activités présentées ci-dessous.

45

Sur la base de la LF du 20 mars 2009 sur la Commission de prévention de la torture (RS 150.1).

1098

Initiatives diplomatiques Responsabilité de l'entreprise et respect des droits de l'homme Après l'adoption du Document de Montreux sur les obligations juridiques pertinentes et les bonnes pratiques pour les Etats en ce qui concerne les opérations des entreprises militaires et de sécurité privées opérant pendant les conflits armés46, les entreprises, la société civile et les organisations internationales ont commencé à s'interroger sur leur propre rôle dans le respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Une conférence internationale a eu lieu en juin 2009 à Nyon à l'instigation du DFAE; des sociétés militaires et de sécurité privées, des mandataires privés et publics, des organisations non gouvernementales et des représentants d'organisations internationales y ont tracé le cadre d'un code volontaire à valeur contraignante. Sur cette base, l'industrie a adopté une Déclaration de Nyon dans laquelle elle manifeste sa disposition à élaborer un code de conduite international de respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire, assorti de normes opérationnelles et d'un dispositif de vérification et de mise en oeuvre47.

La Suisse a été priée, par la même occasion, de conduire les efforts de soutien à ce projet, aux côtés d'autres Etats partenaires comme les Etats-Unis et le RoyaumeUni, ainsi qu'aux côtés de fédérations industrielles et de la société civile. Un projet de code de conduite a ainsi été préparé sous la responsabilité du DFAE, avec le concours de l'Académie de droit international humanitaire et des droits de l'homme de Genève et du Centre pour le contrôle démocratique des forces armées de Genève.

Ce projet de code de conduite doit être examiné en 2010, dans le cadre de larges consultations, et être adopté par l'industrie.

Dans le même domaine, la Suisse se penche également sur la responsabilité des entreprises dans les zones de conflit. Un atelier international a ainsi été organisé à Zurich en avril 2009. Intitulé Business and Conflict: respecting human rights in high risk zones, il a servi de point de départ à des activités et projets internationaux touchant à la sécurité humaine et à l'économie. Avec le concours du Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU pour la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres
entreprises, et l'appui de l'Académie de droit international humanitaire et des droits de l'homme de Genève, un groupe d'Etats a été constitué afin d'élaborer des recommandations pour une responsabilisation des Etats quant au devoir de protection qui leur incombe dans le cadre des activités commerciales ayant un lien avec les droits de l'homme dans les zones de conflit.

L'invitation faite à la Suisse de participer aux Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l'homme, une initiative internationale d'Etats, d'entreprises et de la société civile, doit également susciter d'autres effets de synergie en 2010. L'une des priorités à cet égard sera la prévention des conflits dans l'exploitation et le commerce de matières premières.

Congrès mondial contre la peine de mort Le quatrième Congrès mondial contre la peine de mort s'est déroulé du 24 au 26 février 2010 à Genève. Il a réuni des personnalités politiques, des diplomates et des représentants de la société civile, qui ont travaillé ensemble à concevoir des 46 47

Résumé officieux du Document de Montreux établi par la Suisse, document ONU A/63/467 et S/2008/636, 2 octobre 2008.

Déclaration de Nyon, Industry Statement, juin 2009, http://www.dcaf.ch/ privatisation-security/Industry-statement-PMSC-Wilton-Park-6-Jun-2009.pdf.

1099

stratégies d'action en vue de l'abolition de la peine de mort au niveau mondial. La lutte contre la peine capitale est l'une des priorités de la politique étrangère de la Suisse en matière de droits de l'homme. Avec l'organisation de ce congrès, elle y a apporté une contribution de taille et a ainsi réaffirmé l'importance du respect de la dignité humaine.

Agenda pour les droits de l'homme A l'occasion du soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme en 2008, la Suisse a lancé l'initiative «Agenda pour les droits de l'homme» .Cet Agenda propose un cadre de référence pour ces dix prochaines années afin de promouvoir plus efficacement et de mieux protéger les droits ancrés dans la Déclaration universelle. Il vise à nourrir la réflexion sur des sujets comme la dignité humaine, la responsabilité collective, l'accès à la justice et la notion de justice même, les changements climatiques et la création d'une Cour internationale des droits de l'homme. Le chantier a été approfondi en 2009 lorsque des institutions universitaires du monde entier ont mené à bien des projets de recherche sur chacun des domaines thématiques choisis. En 2010, des rencontres ont permis de l'étoffer à l'échelle mondiale, de développer les idées des projets de recherche et de poursuivre son développement avec l'appui d'un groupe d'Etats. Les principaux axes de cette initiative seront la dignité humaine en général et la création d'une Cour internationale des droits de l'homme. L'attention se concentrera également sur la création d'un Fonds global pour la justice, couvrant plusieurs des thèmes déjà mentionnés.

Activités bilatérales Dialogues et consultations sur les droits de l'homme Les dialogues et les consultations sur les droits de l'homme constituent un instrument développé et mis à l'épreuve au cours des années 1990. Il s'agit de promouvoir et de protéger ces droits par un dialogue bilatéral formalisé, structuré, continu et spécifiquement axé sur la situation dans laquelle se trouve l'Etat partenaire. Le contenu des discussions est en principe confidentiel ­ seuls les thèmes inscrits à l'ordre du jour étant dévoilés ­ ce qui permet d'aborder même les questions sensibles de manière ouverte et constructive. Les dialogues et les consultations sont souvent accompagnés par des projets de coopération
dans des domaines choisis.

La Suisse mène actuellement des dialogues réguliers sur les droits de l'homme avec plusieurs pays. Avec Cuba, l'approfondissement du dialogue se fait à travers des projets menés en parallèle. Dans le cadre des consultations sur les droits de l'homme avec la Russie, un projet sur la détention pénale des mineurs a pu être lancé. Bien qu'il n'y ait pas eu de ronde de dialogues avec la Chine en 2009, une série d'activités concrètes dans le domaine des droits de l'homme ont cependant pu être menées à bien. La prochaine ronde de dialogue est normalement prévue à l'automne 2010. De même en Iran, s'il n'y a pas eu de ronde de dialogue en 2009, une rencontre d'experts sur le thème de la justice juvénile a pu se tenir en 2010. Par ailleurs, le DFAE a régulièrement entrepris des démarches auprès de l'Iran contre des violations des droits de l'homme. Avec le Tadjikistan, un nouveau dialogue sur les droits de l'homme a pu être lancé au mois d'octobre 2009; la première ronde a eu lieu en juin 2010. Enfin, en Afrique de l'Ouest, la possibilité d'un dialogue sur les droits de l'homme avec l'un des pays de la région est encore à l'étude.

Les dialogues et consultations sur les droits de l'homme sont régulièrement évalués.

En 2009, le dialogue avec le Vietnam a été évalué par une instance externe.

1100

En 2009, le 7e cycle de dialogues sur les droits de l'homme avec le Vietnam a eu lieu. Cette même année, ce dialogue bilatéral ­ qui a été relancé en 2005 à la demande de ce pays ­ a fait l'objet d'une évaluation externe, qui a confirmé le succès et l'efficacité de cet instrument. D'après l'évaluation, ces rencontres permettent de passer en revue de grands thèmes comme le droit pénal, les droits des minorités et la liberté religieuse, ou encore le droit des femmes et l'égalité entre les sexes. Elles sont aussi l'occasion d'aborder en détail la problématique des procédures pénales et de l'exécution des peines en portant une attention particulière à des questions telles que la peine capitale, la torture et la détention administrative. Elles permettent enfin de discuter des grandes questions internationales relatives aux droits de l'homme que traitent des institutions comme le Conseil des droits de l'homme ou la Cour pénale internationale. Par ailleurs, des projets de coopération technique et des échanges d'experts dans les thématiques prioritaires du dialogue sont menés parallèlement aux discussions officielles.

Tout en mettant à disposition savoir et expertise, ces activités ont pour but de sensibiliser les partenaires du dialogue, d'encourager la volonté de réforme et d'appuyer leur mise en oeuvre. Ensemble, ce dialogue et les projets qui l'accompagnement permettent de renforcer les synergies avec les activités de la DDC au Vietnam.

Activités multilatérales Conseil des droits de l'homme des Nations Unies Dans le domaine multilatéral des droits de l'homme, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU est au premier plan. On trouvera une description détaillée des activités de la Suisse en son sein à la section du présent rapport consacrée à l'ONU (ch. 3.1.1.).

En 2009, sur initiative conjointe de la Suisse et du Royaume du Maroc, le Conseil des droits de l'homme a entamé des négociations en vue de l'élaboration de la «Déclaration des Nations Unies sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme». Selon le programme de travail, la Déclaration sera adoptée au printemps 2011. En septembre 2009, la troisième résolution sur la justice transitionnelle ­ qui avait été présentée par la Suisse et qui demande au Haut commissariat d'analyser la relation entre le processus de désarmement, de démobilisation
et de réintégration et la justice de transition ­ a été approuvée.

2009 a également été l'année de la 2e procédure d'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'Homme. Le DFAE s'est employé, dans ce contexte, à promouvoir les discussions avec les principaux acteurs suisses concernés pour assurer le suivi des recommandations formulées à l'égard de la Suisse en 2008 dans le cadre de cette procédure.

Mise en oeuvre au plan national des obligations de la Suisse touchant aux droits de l'homme Rapports nationaux devant les comités de l'ONU La crédibilité de la Suisse dans le monde tient notamment au fait qu'elle ratifie les normes internationales relatives aux droits de l'homme et se met en conformité avec celles-ci. On peut en prendre pour exemple son troisième rapport sur la mise en 1101

oeuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte II de l'ONU), transmis le 2 octobre 2007 au Comité des droits de l'homme, qui présente les mesures déployées depuis 2001 pour mettre en oeuvre les dispositions du Pacte.

On peut aussi évoquer le deuxième et le troisième rapports de la Suisse sur la mise en oeuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pacte I), remis le 7 mai 2008 et présentés devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels au mois de novembre 2010.

Centre de compétence universitaire dans le domaine des droits de l'homme Ces dernières années, l'opportunité de créer une institution nationale de protection des droits de l'homme a fait l'objet de nombreux débats. Lors de son passage à l'Examen Périodique Universel en mai et juin 2008, la Suisse a transformé en engagement volontaire la recommandation relative à la création d'une institution nationale des droits de l'homme selon les Principes internationaux dits de Paris. Ces principes ont été adoptés par l'Assemblée générale de l'ONU en 1993. Ils définissent les objectifs et les missions des institutions nationales des droits de l'homme et donnent des directives sur la forme à leur donner.

Le 1er juillet 2009, le Conseil fédéral a décidé de lancer le projet pilote «Achat de services auprès d'un Centre de compétence universitaire dans le domaine des droits de l'homme» pour une durée de cinq ans. En 2010, un comité d'experts réuni à l'initiative du Département fédéral des affaires étrangères et du Département fédéral de justice et police a été chargé de sélectionner parmi les Hautes écoles suisses le prestataire qui constituerait le Centre de compétence. Une fois établi, ce dernier aura pour mission de renforcer les capacités de la Confédération dans la mise en oeuvre des droits de l'homme en Suisse. En outre, les cantons, les communes, le secteur privé, ainsi que tous les autres acteurs intéressés pourront directement bénéficier de cet appui en faisant appel à leur tour à ses services. A l'issue de la phase pilote de cinq ans, le Conseil fédéral décidera de reconduire le Centre ou de le transformer en une institution nationale des droits de l'homme pleinement conforme aux Principes de Paris.

4.2.4

Politique humanitaire

Dans le domaine de la politique humanitaire, les activités se fondent sur la stratégie 2009 à 2012 du DFAE pour la protection des civils dans les conflits armés, qui doit permettre à la Suisse d'améliorer la cohérence de son action dans ce domaine, d'agir plus efficacement au niveau bilatéral et multilatéral, et de consolider son positionnement international. La stratégie prévoit trois priorités pour les années qui viennent: la clarification, le renforcement et le respect du cadre normatif conférant une protection aux civils dans les conflits armés, l'amélioration de la réponse opérationnelle en faveur de la protection des civils dans les conflits armés et le renforcement de ses compétences en matière de protection des civils.

Dans le domaine des personnes déplacées internes, l'un des groupes de civils les plus vulnérables, la Suisse continue à apporter son soutien au Représentant du Secrétaire général de l'ONU sur les personnes déplacées dans leur propres pays. Ce dernier poursuit son dialogue avec les gouvernements et les organisations internationales ou régionales pour que les principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays soient appliqués. La recherche de solu1102

tions durables au déplacement et le développement de projets dans des contextes spécifiques comme celui de la Colombie ou de la région des Grands Lacs ont bénéficié d'un effort supplémentaire de la Suisse. Elle continue à fournir une assistance humanitaire aux personnes déplacées internes par la voie bilatérale et multilatérale, elle soutient les acteurs internationaux qui jouent un rôle dans cette thématique (CICR, HCR, UNICEF) et elle oeuvre en faveur du renforcement des capacités des acteurs nationaux.

La question de l'accès aux populations civiles constitue une problématique centrale pour l'action humanitaire. La Suisse fait un effort particulier pour identifier les obstacles qui pèsent sur l'accès humanitaire en situation de conflit armé et pour promouvoir des instruments concrets permettant de les surmonter. Une nouvelle initiative dans ce domaine a été lancée en coopération avec le CICR et OCHA, afin de clarifier le cadre normatif et de développer un manuel sur l'accès humanitaire pour les acteurs opérationnels. Cette initiative devrait porter ses fruits au cours de l'année 2010.

Le nombre croissant de menaces et d'attaques contre le personnel humanitaire dans les zones en conflit représente un obstacle de plus en plus complexe au déroulement de l'action humanitaire. Ainsi, la Suisse continue à soutenir l'Initiative sur la gestion de la sécurité, un centre de compétences basé à Genève, dont l'objectif est d'apporter des réponses opérationnelles aux défis de la gestion de la sécurité des organisations humanitaires. En particulier, la Suisse a oeuvré afin que le centre soit intégré au Geneva Centre for Security Policy (GCSP).

L'année 2009 a été marquée par la dernière phase de l'élaboration du Manuel sur le droit international applicable à la guerre aérienne et à l'utilisation des missiles (Air and Missile Warfare Manual), qui vise à renforcer la connaissance et le respect du droit international en vigueur et qui s'adresse aux forces armées étatiques, aux décideurs politiques, aux praticiens et à la communauté académique. Les textes finaux ont été présentés et les activités de diffusion et de formation ont été lancées.

4.2.5

Consolidation du droit international humanitaire

Tendances mondiales Les conflits armés d'aujourd'hui sont très différents des deux guerres mondiales qui avaient poussé la communauté internationale à conclure les quatre Conventions de Genève en 1949. La plupart d'entre eux sont aujourd'hui intérieurs, et donnent lieu à des combats entre l'armée régulière, des rebelles ou d'autres acteurs non étatiques.

La population civile devient souvent la cible directe des parties, ce qui se traduit par des souffrances considérables et de nombreuses victimes. Les emblèmes protecteurs internationaux sont régulièrement ignorés, et les membres des organisations humanitaires et caritatives attaqués.

Les conflits armés d'aujourd'hui sont très éloignés de la perception communément acquise des conflits, de par les personnes qu'ils impliquent comme de par leurs dimensions spatiales et temporelles. Cette évolution devrait se poursuivre ces prochaines années. Les cas de l'Irak, de l'Afghanistan, du Pakistan, d'Israël et du Sri Lanka ne permettent pas d'espérer de changement. Les controverses qu'ils suscitent (Abu Ghraib, Guantánamo, assassinats ciblés, etc.) continueront de nourrir les

1103

débats intenses sur le rôle effectif du droit international humanitaire sous sa forme actuelle.

Les défis Les Etats, les organisations telles que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et les scientifiques s'accordent en général à reconnaître que les obstacles proviennent moins du droit existant que de la façon dont il est respecté et appliqué, et dont les règles sont interprétées pour et dans certaines situations. Le droit international humanitaire appelle sans ambiguïté toutes les parties à un conflit armé à protéger systématiquement les populations civiles. D'autres principes fondamentaux (de différenciation, de précaution et de proportionnalité) s'appliquent pleinement aussi dans le contexte des conflits armés d'aujourd'hui. Ce qui ne veut pas dire que le droit international humanitaire n'aurait pas besoin d'être actualisé sur certains points pour conserver sa pertinence à l'avenir, par exemple en ce qui concerne l'emploi de certaines armes, quelques aspects des conflits armés non internationaux ou les mécanismes garantissant son respect.

Activités de la Suisse La Suisse possède une longue tradition, bien perçue par la communauté internationale, de promotion et de développement du droit international humanitaire. Elle jouit d'une crédibilité spéciale et on lui reconnaît un rôle précurseur dans la gestion et la mise en avant du droit international humanitaire du fait qu'elle est dépositaire des Conventions de Genève, qu'elle accueille le CICR et que la Genève humanitaire se trouve sur son territoire.

Elle a su maintenir cette réputation et contribuer notablement au débat sur le rôle et l'avenir du droit international humanitaire par diverses initiatives et contributions en matière de politique extérieure. Elle a principalement tablé sur des processus ouverts, offrant à des experts gouvernementaux ainsi qu'à d'autres milieux intéressés la possibilité de s'exprimer de façon aussi apolitique que possible sur des sujets d'actualité, et d'enrichir le débat de leur expérience sur des points de droit.

Elle continue par exemple d'oeuvrer pour que le droit international humanitaire s'applique systématiquement aux sociétés militaires et de sécurité privées, auxquelles il est de plus en plus souvent recouru dans les conflits armés, et que les obligations qu'il contient aient force obligatoire
pour tous les acteurs concernés. Le Document de Montreux de 2008 a permis de lancer avec le CICR un texte de référence synthétisant le droit en vigueur et suggérant des mesures concrètes que peuvent prendre les Etats pour réglementer de manière pertinente ces entreprises militaires et de sécurité. Le texte est aujourd'hui soutenu par 34 Etats. La Suisse s'en sert pour pousser plus énergiquement encore l'industrie concernée afin de l'associer au processus. Des efforts sont en cours pour lui faire adopter un code de conduite général, assorti de mécanismes de mise en oeuvre efficaces (voir également ch. 4.2.2).

On peut aussi évoquer ici la garantie d'un accès aux acteurs humanitaires dans les situations de conflit. Deux publications sont en préparation à ce sujet: un manuel juridique sur le cadre normatif, les obligations des participants à un conflit armé et les règles relatives à l'accès humanitaire, qui s'adressera à un large public, et notamment aux acteurs étatiques et aux autorités nationales, aux organisations internationales et aux organisations humanitaires; et un manuel pratique de l'accès

1104

humanitaire contenant des conseils opérationnels sur l'approche et les règles à suivre en matière d'accès, destiné aux acteurs humanitaires.

Troisième exemple: les diverses rencontres organisées au Centre de politique de sécurité de Genève, comme l'Annual Senior Officers' Security and Rule of Law Conference, au cours de laquelle des décideurs humanitaires, civils et militaires analysent et discutent les interactions entre le droit international humanitaire et d'autres branches du droit, mais également des aspects opérationnels des missions internationales de paix. Ces manifestations contribuent à améliorer la protection des populations civiles dans le domaine concerné.

Perspectives Les débats qui se déroulent dans ces différents cadres, et surtout les controverses que suscitent les conflits actuels, montrent toutefois qu'on attend de plus en plus de la Suisse qu'elle endosse un rôle actif, au-delà de son travail de développement systémique. La demande d'une révision des mécanismes d'application du droit international humanitaire se fait de plus en plus pressante.

A l'occasion du soixantième anniversaire des Conventions de Genève, la Suisse a invité avec le CICR toutes les Hautes parties contractantes à une conférence technique, qui s'est déroulée à Genève du 9 au 11 novembre 2009. Cette rencontre a permis de structurer le débat sur l'avenir du droit international humanitaire, de sonder les besoins de réforme, et de jalonner sur cette base la suite du travail. La Suisse a notamment évoqué la possibilité de reprendre les conférences périodiques des Etats parties, afin de prolonger les discussions et d'aborder notamment la question des mécanismes d'application.

Il faudrait maintenant coordonner ce processus avec d'autres rencontres, notamment la 31e conférence de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (novembre 2011), et la conférence des Etats parties à la quatrième Convention de Genève, que l'Assemblée générale de l'ONU souhaiterait voir convoquer par la Suisse dans le sillage du rapport Goldstone sur la guerre de Gaza de décembre 2008 et janvier 2009. Ce même besoin de coordination ressort de l'étude du CICR sur les conflits armés non internationaux, qui doit être remise aux Etats parties pour consultation dès cette année. Ses résultats figureront dans le rapport du DFAE sur le droit international humanitaire et les conflits armés contemporains (réponse au postulat 08.3445 du 20 juin 2008 de la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats).

4.3

Politique extérieure de la Suisse en matière de migration

La présente section se concentre sur les aspects de la politique extérieure en matière de migration, au-delà des accords de Schengen/Dublin et de la libre circulation des personnes ainsi instaurée au sein de l'UE ­ questions traitées dans le détail au ch. 2.2 du présent rapport.

1105

4.3.1

Intérêts en matière de politique migratoire extérieure

La migration est l'une des grandes questions qui se posent aujourd'hui à la classe politique et à la société dans le monde entier. Elle s'est complexifiée et diversifiée avec la mobilité croissante et l'accès facilité à l'information et aux moyens de communication. Jamais jusqu'alors autant de personnes n'avaient vécu hors de leur pays d'origine. L'ONU prévoit 214 millions de migrants pour 2010, soit plus de 3 % de la population mondiale. Ces gens quittent leur patrie pour des raisons très diverses, à la recherche d'un avenir meilleur. La plus grande partie d'entre eux s'établissent dans un pays voisin; seuls quelques-uns ont la possibilité et la volonté de changer de continent.

La migration peut être bénéfique pour les pays d'origine, de transit et de destination, comme pour les migrants eux-mêmes. Ces derniers sont une ressource indispensable à l'économie et à la société des pays d'accueil, et cela d'une façon que les tendances démographiques ne vont qu'accentuer encore. Les pays d'origine peuvent quant à eux tirer profit du transfert de ressources financières (remittances) et de compétence de leurs ressortissants à l'étranger. Et les migrants eux-mêmes améliorent leurs conditions de vie et celles de leurs proches.

Mais la migration comporte aussi des risques et des difficultés considérables. Les réfugiés et les personnes déplacées continuent d'appartenir à la catégorie des personnes les plus vulnérables, et ont besoin d'une large protection de l'Etat. Les migrants en situation irrégulière risquent leur vie en chemin, et nombre d'entre eux se trouvent à la merci des passeurs et des trafiquants; ils se soustraient par ailleurs aux obligations fiscales légales des pays de transit et de destination.

La complexité de la migration se reflète dans la multiplicité des intérêts de la Suisse en la matière. On peut en particulier mentionner, outre d'importants aspects de politique intérieure (intégration, naturalisation, etc.) qui ne seront pas abordés ici, les intérêts suivants liés à la politique extérieure en matière de migration: ­

immigration dans l'intérêt économique, social et culturel de la Suisse;

­

protection pour les réfugiés et les migrants vulnérables;

­

lutte contre la migration irrégulière;

­

promotion et soutien du retour;

­

valorisation de la migration au service du développement durable des pays d'origine et de transit.

Ces intérêts appellent une coopération étroite entre les Etats, au niveau bilatéral comme multilatéral. La Suisse s'est dotée des bases légales dont elle avait besoin pour répondre à cette exigence. Sa nouvelle législation sur les étrangers et sur l'asile lui a permis ces dernières années d'adopter une série d'instruments qui lui permettent de répondre à l'évolution de la migration internationale. Il faut maintenant les mettre en oeuvre systématiquement, dans le cadre d'une coopération entre tous les départements concernés ­ notamment le DFJP, le DFAE et le DFE. L'acteur central dans ce domaine est l'Office fédéral des migrations (ODM), qui est responsable pour la politique migratoire de la Suisse.

1106

4.3.2

Défis actuels

Le principal défi consiste à canaliser la migration de sorte qu'elle ait lieu de manière sûre, régulière et dans le respect des droits et des intérêts de toutes les parties concernées. Un Etat moderne a la tâche délicate de favoriser le potentiel de la migration tout en neutralisant ses effets négatifs. Eu égard aux intérêts énumérés précédemment, il convient de relever les défis décrits ci-dessous.

­

La migration est généralement considérée par l'opinion publique comme un problème. On oublie qu'elle peut avoir des effets bénéfiques sur le développement de l'économie et de la société des pays d'origine, de transit et de destination, et pour les migrants eux-mêmes. L'appoint de personnel qualifié dans des domaines souffrant de pénurie de main-d'oeuvre peut se révéler indispensable au fonctionnement de l'économie d'une société vieillissante, fondée sur le secteur tertiaire. Les pays d'origine peuvent tirer un profit notable des transferts de fonds et de savoirs de leurs migrants. Dans certains cas, cela peut même soulager chez eux un marché de l'emploi saturé. Les migrants, quant à eux, accèdent souvent à des salaires et à un pouvoir d'achat supérieurs. Ce potentiel parfois largement inexploité de la migration au service du développement doit être mieux mis à profit. La migration doit à cet effet trouver place dans les stratégies de développement nationales, régionales et mondiales. Or, de nombreux pays de transit et en développement n'ont pas les capacités nécessaires pour tirer parti du lien entre migration et développement; il convient donc d'appuyer leurs efforts pour adopter une politique migratoire cohérente.

­

Dans l'idéal, la migration est un choix et ne résulte pas d'une contrainte extérieure. En réalité, il en va souvent autrement. Le nombre des personnes qui ont fuit leur patrie à cause de conflits armés ou de graves violations des droits de l'homme continue de croître. Le Haut commissariat pour les réfugiés estime qu'il y avait 42 millions de personnes déplacées par des violences à la fin de l'année 2008, dont 15 millions de réfugiés. La majeure partie de ces derniers cherche protection dans des pays de leur région, qui, souvent, ne peuvent leur accorder une protection efficace. De nombreuses personnes se retrouvent ainsi loin de chez elles dans des conditions très précaires, et ont besoin de protection. Parmi elles, les femmes et les mineurs figurent dans les groupes les plus vulnérables. L'un des principaux défis que doit relever la communauté internationale est d'assurer leur protection.

­

La migration irrégulière porte atteinte au droit souverain des Etats consistant à décider des personnes qu'ils autorisent ou non à pénétrer sur leur territoire.

Cela entraîne des répercussions directes ou indirectes dans un grand nombre de domaines comme la sécurité, la santé ou l'emploi. De plus, les migrants sont extrêmement vulnérables lorsqu'ils sont en situation irrégulière, car cela les expose à l'exploitation ou les attire vers la criminalité. Les migrants qui ne peuvent pas avoir accès aux droits sociaux et aux mécanismes de protection de l'Etat à cause de leur statut irrégulier, risquent de devenir victimes de passeurs ou de trafiquants. Il faut donc déployer des stratégies efficaces de lutte contre la migration irrégulière et ses répercussions.

­

Les personnes qui ont fui devant la guerre, les persécutions, des catastrophes naturelles ou la détresse économique trouvent souvent à leur retour un cadre social et des infrastructures en lambeaux, dont la reconstruction nécessite 1107

une aide urgente. Si le retour au pays est volontaire pour beaucoup d'entre elles, il résulte parfois d'accords de réadmission conclus entre pays; il est alors important que le retour soit géré avec efficacité et dans le respect de la dignité de ces personnes. Par ailleurs, les Etats négociant avec la Suisse des accords classiques de réadmission ont de plus en plus tendance à poser leurs conditions; il s'agit donc d'utiliser les instruments en place pour relever ces défis.

­

4.3.3

L'UE travaille depuis quelques années à la préparation d'une politique migratoire européenne commune. On l'a vu encore dans le programme de Stockholm, qui définit des lignes directrices relatives à la politique intérieure et à la politique de sécurité communautaire pour les années 2010 à 2015. La migration y tient une place centrale. Avec les accords de Schengen/Dublin et la libre circulation des personnes (ch. 3.2), la Suisse est déjà présente sur deux grands volets de la politique migratoire de l'UE; elle coopère étroitement avec l'UE et s'associe à sa politique dans ces domaines. Mais il faut maintenant aller au-delà de Schengen/Dublin et de la libre circulation des personnes pour dégager des domaines dans lesquels intensifier la collaboration, et étudier ses modalités envisageables. Il y aurait par exemple des possibilités dans les partenariats pour la mobilité, ainsi que dans les politiques de l'UE concernant le recrutement, la réinstallation de réfugiés et l'asile. La Suisse a fondamentalement intérêt à éviter les incompatibilités entre le droit suisse et les standards de l'UE dans le domaine de la migration.

L'approche suisse

La Suisse possède toute une série d'instruments pour répondre aux défis de la migration. Ils reposent sur quatre principes: ­

une politique migratoire efficace respecte en permanence la dignité et les droits de tous les êtres humains;

­

elle tient compte aussi bien des opportunités économiques, sociales et culturelles de la migration que de ses risques;

­

elle s'appuie sur une approche de partenariat avec les Etats et autres acteurs (organisations internationales, organisations non gouvernementales, diaspora, secteur privé);

­

elle déploie de façon cohérente et coordonnée les instruments de politique intérieure et extérieure dont elle dispose.

Le partenariat migratoire que prévoit l'art. 100 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (RS 142.20) dote la Suisse d'un instrument fidèle à ces principes. Il permet de faire valoir les intérêts migratoires de la Suisse tout en tenant compte de ceux du pays partenaire. Il exprime la conviction que seul le partenariat entre Etats peut déboucher sur des solutions constructives, permettant de tirer profit des bénéfices de la migration et de se protéger de ses risques. Selon les besoins du partenaire, le partenariat peut couvrir plusieurs domaines d'action, comme l'aide au retour, la migration régulière (visas, formation et perfectionnement), la lutte contre la traite des êtres humains ou la coopération policière. Il peut aussi fournir un cadre à des projets valorisant la migration au service du développement du pays partenaire, par exemple en liaison avec sa diaspora.

1108

Le partenariat migratoire est un cadre large et souple, qui requiert l'implication de plusieurs offices fédéraux. Des Memoranda of Understanding sont signés avec les pays partenaires pour formaliser le partenariat. Des accords de ce type ont déjà été conclus avec la Bosnie-et-Herzégovine (14 avril 2009), la Serbie (30 juin 2009) et le Kosovo (3 février 2010); des pourparlers sont en cours avec le Nigeria.

La recherche de solutions durables pour les réfugiés et autres personnes à protéger est une préoccupation de l'engagement humanitaire de la Suisse. Sur la base du concept pour la protection des réfugiés dans leur région d'origine (Protection in the Region), elle intensifie son engagement en faveur des réfugiés nécessitant une protection dans les pays de premier accueil. Cela doit aussi contribuer à réduire la migration secondaire irrégulière, souvent dangereuse. Un soutien est fourni dans ce but aux actions de renforcement des capacités nationales de protection et à la mise en place de solutions durables pour les réfugiés. La Suisse aide par exemple les autorités nationales à créer une procédure d'asile. Elle aide également des organisations internationales ou de la société civile à améliorer les conditions de vie des réfugiés. Au Yémen, un pays qui accueille de nombreux réfugiés de la Corne de l'Afrique, plusieurs offices fédéraux se sont attelés à la réalisation de projets concrets. En Syrie, où arrivent la plupart des réfugiés d'Irak, un programme de protection dans la région démarre en 2010.

L'aide au retour que prévoit l'art. 93 de la loi du 26 juin 1998 sur l'asile (RS 142.31) vise à faciliter le retour au pays et la réinsertion des personnes concernées. Le retour volontaire est l'alternative la plus attractive pour éviter un retour forcé. Une centaine de personnes repartent actuellement chaque mois dans leur patrie, en s'appuyant sur l'aide individuelle au retour ou sur l'un des cinq programmes nationaux mis en place dans ce domaine (Géorgie, Guinée, Irak, Nigeria, Balkans occidentaux). De plus, des projets d'aide structurelle, bénéficiant dans une égale mesure aux personnes retournant au pays et à la population locale, sont mis en oeuvre dans les pays d'origine. Figurent parmi eux des projets de prévention de la migration irrégulière, telles les campagnes d'information, qui ont comme
objectif de contribuer à court terme à réduire la migration irrégulière.

La Suisse concentre son action de lutte contre la traite des êtres humains sur la prévention et la protection des victimes existantes ou potentielles. Au niveau multilatéral, notamment à l'ONU et à l'OSCE, elle s'engage pour la formulation de démarches politiques et pour la définition de standards généraux. Son appui technique à l'étranger se concentre surtout sur les pays d'origine et de transit des victimes qui arrivent en Suisse, comme le Nigeria, la Serbie ou le Brésil. Ces projets de lutte contre la traite des êtres humains peuvent constituer une composante importante d'un partenariat migratoire.

Le dialogue international sur la migration demeure pour la Suisse un instrument important de réflexion commune et d'échange d'expériences avec d'autres Etats et acteurs concernés. Il est précieux pour l'acquisition de nouveaux savoirs, mais aussi dans le lancement de projets concrets et de partenariats. Il permet également d'arbitrer entre les intérêts des pays d'origine, de transit et de destination. La Suisse siège au comité de pilotage du Forum mondial sur la migration et le développement, une enceinte importante dans ce contexte, et y copréside un groupe de travail, ce qui lui permet de dire son mot sur ses priorités thématiques et sa configuration institutionnelle. Les travaux préparatoires ont par ailleurs démarré en vue du débat informel sur la migration et le développement que doit tenir l'Assemblée générale de l'ONU lors de sa 65e session, en 2011.

1109

La réalité de la migration présentant de nombreuses facettes, les instruments décrits ci-dessus s'étendent à bien d'autres domaines, comme le marché du travail, la coopération au développement, les droits de l'homme ou la sécurité. Il est donc indispensable que les échanges soient intenses entre les offices fédéraux concernés, de sorte que toutes ces activités soient harmonisées. Les principaux offices impliqués sont l'Office fédéral des migrations du DFJP, la Direction politique du DFAE, la Direction du développement et de la coopération (Aide humanitaire, Coopération régionale, Coopération globale avec sa section Programme global migration créée en 2008) et le Secrétariat d'Etat à l'économie du DFE. Leurs services ont créé ces dernières années divers mécanismes de coordination qui ont consolidé la collaboration interdépartementale sur les questions migratoires, favorisé l'émergence d'instruments innovants en la matière, et permis de déployer une politique suisse coordonnée du retour. Mais l'apparition de nouveaux instruments (partenariats migratoires, protection dans la région) et leur mise en oeuvre ont donné lieu à des chevauchements dans le travail des organes de coordination. La nomination en 2009 d'un ambassadeur extraordinaire chargé de la collaboration internationale en matière de migration doit consolider l'approche globale adoptée ces dernières années.

Concrètement, la mise en oeuvre de l'approche suisse impose: ­

que les instruments ci-dessus, qui ont fait leurs preuves en phase initiale, soient maintenant mis en oeuvre de façon systématique, ce qui nécessite l'implication active de tous les services clés de l'administration fédérale;

­

qu'ils soient utilisés dans une optique de complémentarité;

­

que la structure de la coopération interdépartementale dans le domaine de la migration fasse l'objet d'une réforme circonspecte, qui permette de mieux exploiter les effets de synergie entre les instruments actuels et d'éliminer les doublons.

4.3.4

Perspectives

L'un des défis que doit aujourd'hui relever la Suisse est le vieillissement de sa population: la tendance démographique actuelle se traduit par une diminution des groupes d'âge actifs, surtout dans des secteurs comme le bâtiment, la santé, l'éducation et l'hôtellerie-restauration. Le taux de rentiers AVS par rapport aux actifs devrait augmenter en parallèle.

La Suisse pratique un système binaire d'admission des travailleurs étrangers: ceux qui viennent d'un pays de l'UE ou de l'AELE bénéficient de la libre circulation des personnes; pour les autres, elle n'admet en petits nombres que les cadres, les spécialistes et les travailleurs qualifiés. L'accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l'UE lui a permis ces dernières années de remédier en grande partie aux pénuries de son marché du travail. Mais le vieillissement de la population affecte aussi dans une mesure croissante la majorité des pays de l'Union. On peut penser que si les nouveaux membres exportent encore à présent leur main-d'oeuvre, ils se mettront à l'employer eux-mêmes dès que leurs économies se seront développées.

On peut donc s'attendre à un durcissement de la concurrence entre les pays occidentaux pour ce qui est de la main-d'oeuvre qualifiée.

Les flux migratoires internationaux se complexifient. Les personnes fuyant un conflit ou de graves violations des droits de l'homme voyagent aux côtés d'autres 1110

qui ont quitté leur pays pour des raisons d'ordre économique, par exemple (on parle alors de flux migratoires mixtes). Beaucoup d'entre elles ont droit à la protection garantie par la convention de 1951 relatives au statut des réfugiés, d'autres pas. Il devient ainsi plus difficile pour les autorités de distinguer entre les catégories de migrants et la forme de protection à leur assurer. L'un des grands défis que devra relever la communauté internationale est ainsi de concevoir des stratégies à la fois efficaces et respectueuses de la dignité humaine, offrant à tous les migrants la protection à laquelle ils ont droit. Les changements climatiques annoncent aussi un accroissement du nombre de migrants ne relevant pas de la catégorie des réfugiés, mais qui n'en auront pas moins besoin d'une protection spécifique; on observe donc à ce niveau des déficits normatifs et opérationnels qu'il conviendra de combler. La Suisse s'associe également à cette réflexion internationale.

La persistance de disparités économiques considérables, de conflits et de violations graves des droits de l'homme, mais aussi les changements irréversibles à l'oeuvre dans l'environnement, conduisent à penser que la pression migratoire persistera en Suisse, si elle ne s'alourdira pas. La migration irrégulière continuera d'être alimentée par la quasi-impossibilité d'immigration régulière pour les ressortissants de pays extérieurs à l'UE. Ce qui va notamment avoir un impact sur le dispositif d'asile en Suisse: le système binaire d'admission a pour effet qu'il ne reste à la plupart des migrants que l'asile pour obtenir un statut de séjour régulier, au moins pour une période limitée. La pression pesant sur le dispositif d'asile du fait des demandes irrecevables devrait donc connaître la même évolution à la hausse que la pression migratoire, et la Suisse devra donc se demander dans quelle mesure elle peut utiliser sa politique migratoire pour réduire cette pression.

L'un des grands défis à relever est de mettre les flux migratoires internationaux au service de tous les acteurs impliqués. La Suisse intègre des aspects du développement dans sa réflexion à ce sujet, en y injectant l'idée de la responsabilité transnationale partagée assortie du partage des bénéfices. Les politiques migratoires conçues jusqu'à présent, les dialogues internationaux,
les structures formelles de coopération, le système multilatéral (notamment le HCR, l'Organisation internationale pour les migrations et l'Organisation internationale du travail) et les cadres juridiques du droit international ne parviennent toujours pas à susciter de vision commune mondiale ni de dispositif international cohérent de gestion de la migration.

C'est pourquoi la Suisse a tout intérêt à s'associer aux débats sur la mise en place de mécanismes transnationaux efficaces et à les dynamiser en conséquence.

4.4

Réduction de la pauvreté et aide humanitaire

Sous l'effet de la globalisation, l'évolution de l'économie mondiale a engendré toutes sortes de disparités, tant entre les sociétés qu'au sein de celles-ci. Les conflits d'intérêts se répercutent sur la politique, tant nationale qu'internationale: tandis que les pays industrialisés tentent de préserver leurs acquis économiques, d'autres Etats, en particulier les pays émergents à croissance rapide, veulent un développement qui leur permette de combler rapidement leur retard. Or, aux yeux des pays industrialisés, un tel développement représente une menace de plus en plus grave pour le cadre écologique garant de leurs acquis, car il va de pair avec une forte hausse de la demande de matières premières et de ressources naturelles, de même qu'avec un accroissement rapide, dans les pays émergents, des émissions de gaz dommageables 1111

pour le climat. Du point de vue des pays défavorisés, les exigences de la politique climatique, telles qu'elles ont été formulées lors des négociations faisant suite au Protocole de Kyoto, remettent en question leur droit au développement.

Ces dernières années, le rapport entre pays industrialisés et pays en développement a rapidement changé. Parmi les seconds, on compte désormais des pays donateurs, qui concurrencent aussi les premiers sur le marché mondial. Le système international connaît ainsi des mutations dont les conséquences ne peuvent que bouleverser la politique de développement.

4.4.1

Crise économique et politique de développement

La crise financière internationale et son impact direct sur les budgets nationaux de nombreux pays industrialisés auront des conséquences à long terme sur les pays en développement. Les pays avancés orientés vers le marché mondial doivent se protéger contre les risques de fluctuation des flux de capitaux sur les marchés financiers internationaux. Ils doivent contenir leurs dettes intérieure et extérieure et davantage développer les marchés financiers locaux pour dépendre moins des marchés internationaux. Associés à une coopération monétaire régionale et achetant toujours plus en monnaie locale, les Etats d'Asie de l'Est sont déjà bien avancés sur cette voie. Les autres régions, quant à elles, en développement devront veiller à gérer leurs flux de capitaux avec prudence.

La crise financière et économique mondiale a marqué l'émergence d'un nouvel ordre international, plus multipolaire (cf. ch. 1). Pour ce qui est de réguler le système financier international, mais aussi en matière d'environnement, de climat et de commerce, le G20 tend à supplanter le G8 en assumant la fonction d'organisme de référence et de pilotage. Si la crise a ralenti l'essor des pays émergents, elle les a néanmoins confirmés dans leur rôle de moteur de l'économie mondiale. En 2009, la conjoncture a nettement fléchi dans nombre de pays en développement (croissance du PIB en Amérique latine: ­1,8 %, au Proche-Orient et au Moyen-Orient: +2,4 %, en Afrique subsaharienne: +2,1 %, en Asie: 6,6 %), mais plus encore dans le monde industrialisé. Dans les pays en développement qui entretiennent d'intenses échanges avec les membres de l'OCDE et dépendent beaucoup du commerce extérieur (matières premières surtout) et des flux de capitaux étrangers, les exportations ont accusé une chute vertigineuse.

Voici les tendances générales qui se dégagent: ­

Prix des matières premières et recettes publiques: après avoir atteint des records vers mi-2008, les prix des matières premières se sont effondrés.

Selon les estimations de l'Association d'instituts européens de conjoncture économique (AIECE), leur niveau de 2009 sera de 43 % inférieur à celui de l'année précédente. Sachant qu'environ 90 pays en développement tirent plus de 50 % de leurs revenus d'exportation des matières premières, on peut en déduire que leurs recettes publiques vont diminuer. Rappelons que le boom de ce secteur avait poussé ces recettes à la hausse ces dernières années dans quelques pays africains.

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Crise alimentaire: la chute des prix touche également les produits agricoles.

Selon les données de la FAO, les prix mondiaux des denrées alimentaires ont baissé de 33 % environ entre juin 2008, où ils avaient atteint des sommets, et

1112

2009. Ils n'en demeurent pas moins nettement supérieurs à leur niveau antérieur à 2007. Si aucune mesure efficace n'est entreprise pour contrer la spéculation, les fluctuations imprévisibles des cours des matières premières se répercuteront inévitablement sur l'économie et la société.

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Demande d'exportations: la récession ne diminue pas seulement la demande de matières premières, mais aussi celle de biens d'exportation transformés.

Cette baisse concerne surtout les pays qui n'ont misé que sur quelques produits d'exportation pour développer leur économie.

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Capitaux privés: le recul dramatique des flux de capitaux privés ne fait qu'aggraver la situation financière. En 2007, le secteur privé a placé 617,5 milliards de dollars américains dans les pays émergents et en développement sous forme d'investissements ou de crédits. Mais le FMI pense que le flux net de capitaux privés se réorientera rapidement en 2009. Les investissements directs étrangers sont certes moins volatils que les investissements de portefeuille, mais ils vont enregistrer une nette diminution par rapport au pic atteint en 2008. Selon les calculs de l'Institute for International Finance, les banques privées ont diminué les crédits destinés aux pays émergents de 410 milliards de dollars américains en 2007 à 167 milliards en 2008 et nettement augmenté les suppléments pour risques sur les obligations d'Etat.

Avec le resserrement du crédit à l'échelle mondiale, les pays africains n'ont pas été en mesure d'émettre des emprunts internationaux en 2008.

­

Transferts d'argent: en 2008, 306,8 milliards de dollars américains ont été transférés vers les pays émergents et en développement. La Banque mondiale estime cependant que ces transferts vont diminuer de 5 % environ en 2009. Un tel recul paraît malgré tout modéré, puisque des spécialistes prévoient que, sur les 13 millions de travailleurs étrangers employés dans les six Etats membres du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar), environ la moitié vont perdre leur emploi.

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Endettement: la dette étrangère globale des pays émergents et en développement avoisinera 4,440 milliards de dollars américains en 2009 (contre 4,472 milliards en 2008). En 2010, ces pays devront verser 833 milliards de dollars à titre d'intérêts. Par ailleurs, la Banque mondiale prévoit que des crédits totalisant entre 2,5 et 3 milliards de dollars arriveront à échéance en 2009 dans les pays émergents. Mis à part les institutions internationales de financement et les créanciers privés (entre autres, des banques internationales), s'ajoutent toujours plus de nouveaux créanciers de marchés émergents.

Tandis que l'état des dettes de nombreux pays en voie de développement s'aggrave en raison d'une diminution des entrées de devises et d'un ralentissement de la croissance économique, de nombreux pays ont fait face à la crise mieux préparés et aucun surendettement n'est attendu à long terme. De plus, parmi les pays émergents, la dette interne prend encore davantage d'importance. Désireux d'éviter des difficultés de paiement, le G20 a plaidé en 2009 pour un triplement des ressources du FMI, portées à 750 milliards de dollars américains. De nouvelles lignes de crédits peuvent en effet remédier à un déséquilibre temporaire de la balance des paiements.

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Objectifs mondiaux de développement: entre 2000 et 2007, le monde a enregistré des progrès globalement remarquables vers la réalisation des Objectifs 1113

du Millénaire pour le développement (OMD). Ils varient toutefois non seulement selon l'OMD considéré, mais aussi d'une région à l'autre et d'un pays à l'autre. Voici les facteurs à l'origine de cette avancée: croissance économique soutenue dans le monde entier, accroissement et optimisation de l'aide au développement et application de politiques efficaces par les gouvernements des pays en développement. Les effets de la crise économique et financière mondiale remettent cependant ces progrès en question. Selon l'ONU, la «triple F crisis» (food, fuel, finance) a ainsi plongé au moins 50 millions de nouvelles personnes, principalement des femmes, dans la pauvreté extrême.

­

En 2010, les pays africains, par exemple, peuvent s'attendre à une rapide reprise économique. Dans le rapport de l'OCDE sur les perspectives économiques du continent noir, les spécialistes prévoient ainsi que la croissance atteindra 4,5 % en Afrique cette année et 5,2 % l'année prochaine. Ces perspectives réjouissantes ne parviendront pourtant pas à compenser entièrement le fléchissement enregistré l'an dernier. Selon le FMI, le niveau relativement bas de l'endettement par rapport aux crises précédentes et l'effet positif des réformes structurelles menées ces dernières années laisseront une marge de manoeuvre assez large aux autorités nationales. Les dépenses sociales destinées à l'éducation et à la santé devraient donc demeurer inchangées.

­

Soutien externe: en 2009, les Etats membres du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE ont alloué au total 119,6 milliards de dollars américains à l'aide publique au développement (soit 2,7 milliards de moins qu'en 2008). Malgré le ralentissement de la croissance, la part des dépenses au titre de cette aide s'est légèrement accrue dans les pays industrialisés, passant de 0,30 % en 2008 à 0,31 % en 2009. Les pays de l'UE membres du CAD ont consacré au total 67,1 milliards de dollars (0,44 % du revenu national brut de l'UE) à cette aide, tandis que les dépenses des pays du CAD non membres de l'UE se montent à 52,5 milliards de dollars (soit 0,22 % de leur revenu national brut cumulé). Les dépenses de la Suisse ont atteint 2 305 millions de dollars, ce qui correspond à 0,47 % du revenu national brut. La Suisse se place ainsi dans la moyenne des pays de l'OCDE.

4.4.2

Evolution de la situation dans le monde et politique de développement

La crise économique mondiale a mis en évidence l'échec d'un système de gestion essentiellement basé sur l'autorégulation et les lois du marché. En politique de développement, on accorde dès lors à nouveau plus de poids au rôle de l'Etat. En renforçant ses capacités (institution building), celui-ci doit pouvoir garantir la sécurité juridique aux acteurs économiques et définir des règles applicables. Un Etat qui fonctionne bien constitue d'ailleurs un des piliers de la gouvernance mondiale. Les risques mondiaux exercent par ailleurs une influence croissante sur les chances et les perspectives de développement. Or, pour surmonter ces risques (instabilité des marchés financiers internationaux, changement climatique, Etats défaillants, pandémies mondiales), la gouvernance mondiale doit se doter de structures solides et fiables. Seule une collaboration plus étroite avec les pays en développement permettra de maîtriser l'évolution mondiale. Au cours des années à venir, la communauté 1114

internationale va tester des modèles de politique de développement dont voici les principaux domaines: ­

Lutte contre la pauvreté: les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) sont un jalon sur la voie vers une lutte contre la pauvreté coordonnée à l'échelle internationale et une politique fondée sur la durabilité écologique.

Ils témoignent d'une prise de conscience commune des défis à venir et des étapes à franchir pour surmonter les crises de l'environnement et du développement. Le programme des OMD présente cependant des faiblesses: il n'exige ni une répartition claire des responsabilités ni une réforme des structures politiques (démocratisation, droits de l'homme); il insiste beaucoup sur les faiblesses sociopolitiques sans établir un bon équilibre entre mesures économiques et sociopolitiques; il ne prévoit pas de vérifier l'application des mesures ni de les soumettre à une évaluation indépendante.

­

Ressources naturelles: les désastres écologiques décrits dans les rapports du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et du Worldwatch Institute surviennent avant tout dans les pays en développement. C'est là en effet que l'on enregistre environ 90 % des disparitions d'espèces, de l'érosion des sols et de la destruction de forêts. Or le succès d'une lutte durable contre la pauvreté dépend essentiellement de la capacité des pays pauvres à s'adapter aux changements environnementaux, tant locaux que mondiaux. Le développement durable passe par la protection, à titre préventif, des ressources naturelles et des écosystèmes sensibles. En l'absence d'une telle protection, les changements évoqués risquent de mettre à mal les moyens de subsistance de sociétés entières. Le changement climatique conduisant à la raréfaction des ressources naturelles, il faut s'attendre à une concurrence croissante autour de leur exploitation et à une expansion des conflits liés à leur répartition. Quant à savoir dans quelle mesure des conflits risquent effectivement d'éclater, tout dépend des intérêts en présence et du cadre institutionnel mis en place pour régir l'exploitation de ces ressources aux niveaux local, régional et mondial.

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Sécurité alimentaire: le débat international sur les stratégies permettant de garantir la sécurité alimentaire se fonde sur le droit à l'alimentation, désormais reconnu comme un droit de l'homme. La crise alimentaire qui a sévi dans certains pays en 2008 a imposé l'idée que le changement climatique risque, à l'avenir, de miner la sécurité alimentaire. Croissance démographique, hausse du pouvoir d'achat et changement des habitudes de consommation, en particulier dans les pays émergents d'Asie, vont fortement accroître la demande de produits agricoles. En même temps, on se tourne de plus en plus vers l'agroénergie et les matières premières renouvelables, que l'on prétend capables de remplacer les agents énergétiques fossiles sans nuire au climat. Dans ce contexte ­ augmentation de la population mondiale, changement climatique, adaptation des modes alimentaires des pays émergents au modèle basé sur une agriculture intensive tel qu'il a cours dans les pays industriels et demande d'énergies issues de l'agriculture ­, les politiques alimentaires et les stratégies agricoles ne peuvent que revêtir une importance toute particulière.

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Eau: au cours du siècle passé, l'humanité a pratiquement multiplié par huit sa consommation d'eau douce. L'homme utilise déjà plus de 40 % des ressources renouvelables et accessibles de ce bien précieux. Si la surconsom1115

mation pose un problème quantitatif, la pollution ne cesse de détériorer la qualité de l'eau. Par ailleurs, le changement climatique influencera l'équilibre hydrique dans nombre de pays en développement: modification de la disponibilité de l'eau et de sa répartition saisonnière. Entre augmentation de la population et hausse de la demande d'eau, un fossé tend à se creuser, qui provoque déjà des conflits sociaux et internationaux dans certaines régions. Pour atteindre les objectifs que sont la sécurité alimentaire, la lutte contre la pauvreté, le développement économique et la protection des écosystèmes malgré l'évolution du climat, il importe d'instaurer partout une gestion intégrée de l'eau et de renoncer aux approches sectorielles.

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Changement climatique: le rapport publié en 2007 par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a montré que le réchauffement climatique causé par les émissions anthropiques de gaz à effet de serre remet en cause le développement, la sécurité et l'environnement dans le monde et qu'il appelle une réaction concertée à l'échelle de la planète. Nombre des effets annoncés aggravent de plus le problème de la pauvreté. Si les experts prévoient certes que l'offre (mondiale) d'eau potable va croître d'ici à 2050, cette hausse sera surtout alimentée par des régions déjà riches en eau et par quelques zones tropicales humides. Dans les régions arides, le volume des précipitations va sans doute nettement diminuer. Il faut en outre s'attendre à une intensification des événements extrêmes dans le cycle de l'eau, d'où un risque accru de sécheresses et de pluies diluviennes suivies d'inondations. La pénurie d'eau et la hausse des températures moyennes ont des conséquences considérables sur la sécurité alimentaire. Si les conditions de la production agricole pourraient s'améliorer dans les zones froides et tempérées, les rendements risquent d'accuser de fortes baisses dans certaines régions tropicales et subtropicales déjà arides.

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L'évolution du climat compte aujourd'hui parmi les principales causes du changement environnemental, alors que les capacités de s'y adapter, et donc de surmonter les risques de conflit, sont réparties de manière inégale. Or les effets de cette évolution se font surtout sentir dans les régions qui, aujourd'hui déjà, souffrent le plus durement de la pauvreté et de la faim: Afrique subsaharienne, Asie du Sud et du Sud-Est et certaines zones des Caraïbes et des Andes. Dépourvues des infrastructures requises, ces régions ne disposent guère de systèmes financiers de sécurisation.

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Développement à faible taux d'émissions: les pays industrialisés et la majorité des pays en développement sont appelés à formuler les principes directeurs d'un développement à faible intensité de carbone. Le recours à des énergies renouvelables pouvant servir de base à un développement durable, la politique de développement accorde plus de poids à la formation, à l'innovation et aux partenariats technologiques et scientifiques. La récente Etude de l'ONU sur la situation économique et sociale dans le monde Promouvoir le développement, protéger la planète esquisse une approche intégrée à même de tenir compte équitablement des défis du climat et du développement. Selon ses auteurs, on ne pourra s'assurer la participation active de tous les Etats à la lutte contre le changement climatique que si les mesures prises n'entravent pas le développement des pays pauvres. Il importe dès lors de ménager une marge de manoeuvre suffisante aux pays en développe-

1116

ment pour leur permettre de suivre une croissance économique soutenue, ce qui implique qu'ils puissent couvrir leurs besoins énergétiques croissants.

­

Etats fragiles: en adoptant les Objectifs du Millénaire pour le développement, la communauté internationale s'est engagée à améliorer les conditions de vie de vastes portions de la population mondiale. Cinq années avant l'échéance de 2015, le bilan est toutefois mitigé. Les retards observés sont dus notamment à la fragilité de l'Etat (manque de contrôle politique du pouvoir, absence presque totale de d'état de droit, système social rudimentaire) de nombre de pays pauvres, car elle bloque leurs progrès et conduit parfois à la défaillance de l'Etat. Selon le Failed States Index établi par l'institut de recherche The Fund for Peace, environ deux milliards de personnes vivent dans des Etats fragiles et défaillants, et sept des dix Etats les plus faibles se trouvent sur le continent africain.

­

La fragilité de l'Etat a des dimensions internes et externes. A l'intérieur, les sociétés ne sont pas en mesure de s'organiser pour adresser des exigences à l'Etat. Si des autorités traditionnelles prennent souvent la situation en mains, elles sont cependant rarement à même d'assurer la gestion politique de tout le pays. A l'extérieur, les pays voisins sont mis à mal par l'afflux de réfugiés, l'extension géographique d'opérations militaires et la déstabilisation qui en résulte. Parmi les donateurs, on s'accorde désormais à appliquer le principe stay engaged, but differently (poursuivre les activités, mais autrement). Les projets impliquant des réformes politiques et l'approche genre s'avèrent ici particulièrement efficaces.

­

Gestion des crises mondiales: on admet en général que les institutions multilatérales, en particulier celles de Bretton Woods, jouent un rôle crucial dans la gestion des crises mondiales et qu'il conviendrait d'élargir leur mandat.

La nouvelle répartition des droits de vote afin d'établir une parité Nord-Sud, telle que la revendiquent les pays en développement, suscite toutefois des controverses. Lors de la récente crise financière, les institutions multilatérales ont prouvé leur importance et leur utilité dans le financement et l'élaboration de mesures contre la crise. Elles ont ensuite réexaminé et renforcé leur base financière, leurs structures institutionnelles et leur orientation stratégique. La simultanéité des crises mondiales financière et économique, l'accélération du changement climatique et les problèmes qui menacent la sécurité alimentaire et énergétique exigent que l'on mette rapidement en place un système international de gestion des risques mondiaux. Jusqu'ici, les Etats ont cependant misé davantage sur des institutions intergouvernementales que supranationales. Et il y a fort à parier que diverses formes de gestion (autorégulation du secteur privé, systèmes de clubs, initiatives d'acteurs multiples) continueront à coexister et à se concurrencer.

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4.4.3

Contribution de la Suisse à la réduction de la pauvreté

Le message concernant la continuation de la coopération technique et de l'aide financière en faveur des pays en développement, adopté par le Parlement en décembre 200848, a réorienté la politique de développement de la Confédération. Ce message formule en effet pour la première fois une stratégie unique de la Confédération dans ce domaine, que tous les offices intervenant dans la coopération au développement ­ pas seulement la DDC, mais aussi le SECO et d'autres offices ­ se doivent d'appliquer. Cette stratégie s'articule autour de trois axes prioritaires: Axe 1: atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) ­ atténuer la pauvreté Dans certains pays en développement et en transition où elle mène des activités, la Suisse soutient une croissance économique socialement et écologiquement durable et qui permette la réduction de la pauvreté.

Malgré les autres défis auxquels la communauté internationale est confrontée, la pauvreté ­ soit le fait qu'un tiers des habitants de la planète vivent avec un revenu par tête cent fois inférieur à celui mesuré dans les pays de l'OCDE ­ reste une préoccupation majeure, qui exige des solutions concertées. Seule une croissance économique qui bénéficie également aux groupes pauvres de la population est à même de réduire la pauvreté. La Suisse ne cesse de le rappeler dans ses relations avec divers gouvernements, des organisations multilatérales et d'autres donateurs.

Dans ce contexte, la DDC poursuit ses activités en menant des programmes bilatéraux dans douze pays prioritaires (qui comptent parmi les pays les moins développés) et six programmes spéciaux dans des Etats et des régions fragiles. Le SECO réalise des programmes dans sept pays prioritaires (pays à revenus moyens) qui revêtent de l'importance dans leur région. Partie prenante dans divers organismes multilatéraux, la Suisse utilise par ailleurs son influence pour promouvoir la réduction de la pauvreté auprès de la Banque mondiale, des banques régionales de développement et des institutions de l'ONU.

Les activités menées au titre de l'aide à la transition en Europe de l'Est, dans les Balkans et en Asie centrale s'orientaient jusqu'à présent moins vers la réduction de la pauvreté que vers l'adaptation de la gestion de l'Etat aux normes internationales en vue de mettre en place des institutions
fondées sur l'économie de marché et d'assurer un emploi et un revenu aux jeunes, pour leur éviter de devoir émigrer. La crise financière risque à présent de plonger ou de replonger nombre d'habitants d'Europe de l'Est et de l'ex-Union soviétique dans la pauvreté. Au Tadjikistan, la proportion de pauvres s'est par exemple accrue pour avoisiner 60 %. Certains Etats n'ayant pu préserver leur capacité de paiement que grâce à des crédits internationaux, le processus de transition a marqué le pas. Dans ce contexte, les stratégies de la coopération avec l'Est définissent les priorités suivantes: assurer un accès au marché même aux populations pauvres, favoriser l'intégration sociale et politique des groupes marginalisés (chez qui la pauvreté engendre des risques nettement plus élevés, par exemple en termes d'accès à la formation et à la justice) et mettre en place des systèmes fiables de sécurité sociale. Ces priorités s'avèrent particulièrement cruciales en période de crise financière et économique. L'approche genre revêt 48

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également une grande importance dans l'intégration sur le marché du travail, la participation politique et la sécurité sociale.

Axe 2: promouvoir la sécurité humaine et réduire les risques La Suisse s'efforce de prévenir les conflits dans le monde entier, vient en aide aux victimes de conflits et de catastrophes naturelles et participe à la stabilisation d'Etats ou de régions fragiles. Elle contribue ainsi à accroître la sécurité et à instaurer un développement durable.

Quiconque fournit de l'aide d'urgence perçoit en toute logique les aspects sociaux des conflits ou des catastrophes et se rend compte à quel point leur prévention est importante. La Suisse mène donc des activités visant à prévenir les catastrophes naturelles et à atténuer leur impact, en collaborant par exemple avec les autorités de pays potentiellement menacés, comme la Bolivie et le Bangladesh. Elle est également présente au Proche-Orient et dans les régions où il importe de désamorcer les conflits, comme le Népal ou la région des Grands Lacs en Afrique.

Axe 3: instaurer une mondialisation propice au développement La mondialisation influe sur les perspectives de développement des pays pauvres. La Suisse s'efforce dès lors de contribuer à instaurer une mondialisation durable et propice au développement. Elle améliore les chances de développement des pays pauvres de même que leur capacité à s'adapter aux changements mondiaux. A cet effet, ­

elle concentre ses efforts sur la gestion des risques mondiaux tels que le changement climatique, la sécurité alimentaire, la pénurie d'eau et la migration;

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elle contribue au développement durable et à l'intégration des pays en développement au sein de l'économie mondiale.

La dynamique de la mondialisation place de plus en plus souvent la politique internationale de développement face à des défis et à des risques transnationaux, qui influent sur les chances de développement des pays pauvres et dont la maîtrise passe par une collaboration très étroite entre Nord et Sud. Il s'agit en l' émergence de problèmes suprarégionaux qui touchent beaucoup de pays pauvres et que des mesures nationales ou régionales ne peuvent résoudre. Pour faire face à l'évolution de l'environnement mondial, les institutions internationales continuent d'osciller entre la nécessité d'instaurer une gouvernance mondiale et le respect des intérêts nationaux.

Contribution de la politique de développement à la résolution de problèmes mondiaux Dans sa politique de développement, la Confédération doit renforcer la cohérence entre ses efforts visant à réduire la pauvreté et ceux destinés à relever des défis mondiaux. Voilà pourquoi la DDC réalise, en étroite collaboration avec les offices compétents, quatre programmes globaux dans les domaines du changement climatique, de la sécurité alimentaire, de la migration et de l'eau. Elle participe ainsi à la résolution de problèmes mondiaux. Voici quelques exemples concrets de ses activités: ­

Mise au point d'approches novatrices en collaboration avec des entreprises ou des institutions spécialisées suisses: dans le cadre du programme global 1119

Changement climatique, la DDC s'est associée avec des architectes et des ingénieurs suisses à la pointe du progrès, afin d'introduire un mode de construction peu gourmand en ressources et en énergie dans les pays du Sud. Cet exemple montre comment utiliser des technologies innovantes dans le partenariat Nord-Sud et comment encourager les pays bénéficiaires à formuler leurs politiques.

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Collaboration avec des organisations de normalisation: le programme global Sécurité alimentaire comprend une collaboration avec l'Université de Berne qui a pour but de fixer des normes et des méthodes internationales destinées à préserver la fertilité des sols et de mettre au point des méthodes de culture économisant l'eau. Par le biais du programme global Eau, la Suisse participe à l'élaboration de la norme ISO pour le calcul de l'«empreinte sur l'eau».

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Influence politique dans les Etats classés parmi les grands pollueurs: à travers son programme global changement climatique, la Suisse collabore avec les autorités de dix villes chinoises afin d'élaborer des lois et des procédures permettant d'accroître l'efficacité énergétique dans le développement urbain (mobilité, bâtiment, etc.). Dans le cadre du Montreux Policy Dialogue, le programme global Eau s'attaque aux problèmes de la sécurité de l'eau au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ainsi qu'au Pérou, en Bolivie et en Equateur. Dans ces régions, la pénurie d'eau représente déjà la principale cause de conflits.

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Appui aux mesures visant à réduire les dommages dans les pays où les risques mondiaux ont des répercussions particulièrement graves: au sein du Fonds pour l'environnement mondial (FEM), la Suisse participe à la conception de moyens favorisant l'adaptation climatique au Bangladesh, dans la région du Sahel et dans divers pays du Sud. Le programme global sécurité alimentaire utilise les données fournies par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM) sur la situation dans les régions où le prix des denrées alimentaires est élevé et leur pénurie criante, afin de permettre à la Suisse de plaider en faveur de mesures appropriées au sein des organes dirigeants d'organisations internationales. Par le biais du programme global migration, la Suisse établit des partenariats, avec le Nigeria par exemple, afin de trouver des moyens pour mettre l'émigration au service du développement des pays d'origine.

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Appui à des réseaux de recherche, qui génèrent du savoir et contribuent à définir les réglementations internationales: dans le cadre du programme global sécurité alimentaire, la DDC collabore avec des centres internationaux et des institutions suisses de recherche agricole, de même qu'avec l'économie privée, afin d'accroître les connaissances sur l'agriculture (semences, lutte contre les parasites, méthodes de culture adaptées aux pays en développement) et de les rendre accessibles aux petits exploitants. Par le biais de son programme global migration, la Suisse copréside avec le Maroc le groupe de travail Policy Coherence, Data and Research, qui réunit des données de recherches sur la migration à l'intention des institutions de l'ONU et de l'UE.

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Activités de la Suisse pour assurer le transfert de connaissances et de technologies: le programme global changement climatique s'attache à promouvoir des technologies permettant d'accroître l'efficacité des ressources et d'autres applications à faible intensité de carbone. Par l'intermédiaire du programme global sécurité alimentaire, la Suisse soutient le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI). Partenariat stratégique réunissant 64 Etats, le GCRAI collabore à l'échelon planétaire avec un grand nombre d'organisations gouvernementales, d'organisations de la société civile et d'entreprises privées, et réunit aujourd'hui plus de 8000 scientifiques répartis dans plus de 100 pays. Il concentre ses activités sur la lutte contre la pénurie alimentaire dans les régions tropicales et subtropicales en misant sur de nouvelles variétés végétales très productives et sur l'amélioration de l'élevage. L'appui au GCRAI constitue l'une des contributions de la Suisse au transfert de connaissances à l'échelle mondiale.

Engagement de la Suisse contre les pénuries d'eau Environ un milliard de personnes ne disposent pas d'eau potable propre. Formes d'habitat, méthodes de culture et modes de consommation conduisent à la surexploitation des sources d'eaux souterraines. Pollution de l'environnement, croissance démographique et changement climatique ne font qu'aggraver les pénuries. La crise mondiale de l'eau engendre des défis multiples que la Suisse contribue à relever.

Aggravation des pénuries d'eau Un tiers de l'humanité souffre aujourd'hui d'un manque d'eau. Environ 1,1 milliard de personnes n'ont pas accès à de l'eau potable propre et 2,6 milliards ne disposent pas d'installations sanitaires de base. Au total, 80 % environ de toutes les maladies recensées dans les pays en développement sont liées à un manque d'eau salubre.

Dans ces pays, la place occupée par l'agriculture, notamment l'agriculture basée sur l'irrigation, fait de l'eau l'une des bases essentielles de la sécurité alimentaire et, dès lors, de la lutte contre la pauvreté.

La pénurie hydrologique réduit les quantités d'eau disponibles en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Asie centrale. Selon le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC, 2007), la modification des précipitations et la hausse des températures constituent les principaux effets du changement climatique sur la disponibilité de l'eau. Les quantités de précipitations continueront à diminuer dans les régions subtropicales et à augmenter dans l'hémisphère nord. De plus, la pénurie d'eau s'étendra sans doute à d'autres régions (Amérique latine, Afrique australe, Asie centrale et Chine, par ex.). En l'absence de capacités institutionnelles ou de ressources financières, il restera impossible d'optimiser l'utilisation de l'eau.

La demande d'eau, qui suit une hausse constante, est déterminée par les facteurs suivants: croissance démographique rapide, croissance économique et augmentation subséquente de la consommation par habitant, hausse de la demande de denrées alimentaires et d'autres biens primaires, irrigation des cultures, processus de production industrielle et services. Parmi les autres facteurs clés, il convient de relever les déficits dans la gestion institutionnelle de l'eau: absence de coordination entre les divers acteurs, manque d'instruments
de gestion appropriés, insuffisance des ressources financières, manque de personnel qualifié, reconnaissance insuffisante des droits d'accès et d'exploitation là où les ressources en eau deviennent rares.

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Des crises de l'eau se multiplient dans les pays en développement déjà mobilisés par la lutte contre la pauvreté, souvent défavorisés par leur topographie et dépourvus de systèmes appropriés pour gérer l'eau. Si rien n'est entrepris, la pénurie d'eau entraînera une multiplication des conflits locaux et régionaux. La coopération au développement part de l'idée que la crise de l'eau ne tient pas seulement à l'hydrologie, mais que ses causes résident aussi dans la gestion et la gouvernance. La faiblesse des institutions, la fragmentation et l'inefficacité des approches politiques et la limitation des programmes à certains secteurs ne font qu'aggraver le manque d'eau. La solution du problème passe donc par des réformes politiques, institutionnelles et économiques. L'incompatibilité des diverses aspirations (celles des villes et des campagnes), les conflits d'intérêts (consommation et préservation des ressources), le manque de ressources financières et humaines des autorités concernées et d'autres administrations augmentent cependant la difficulté à réformer la gestion de l'eau.

Contribution de la Suisse L'on pourrait croire que la Suisse, château d'eau de l'Europe, est à l'abri à moyen terme de problèmes d'approvisionnement d'eau. Mais son capital eau se réduit drastiquement avec la fonte des glaciers. L'empreinte sur l'eau de la Suisse se répercute à 80 % à l'étranger, souvent dans des pays où la crise de l'eau est déjà grave.

Contribuer à résoudre le problème mondial de l'eau, c'est aussi préserver le bienêtre et la richesse de la Suisse.

La Suisse possède un savoir faire reconnu en matière de bonne gestion de l'eau, qui se retrouve tant au sein des services publics que dans le secteur privé, les universités, la société civile et l'aide au développement. Grâce à 30 ans de présence et d'expérience dans le secteur, les services concernés de la Confédération offrent une compétence et une fiabilité reconnues, aussi bien lorsqu'il s'agit de réaliser des projets concrets sur le terrain que d'assurer la gestion et le développement dans un cadre plus large.

Le rapport que la DDC et le SECO ont publié en 2008 sur l'efficacité des programmes menés dans le secteur de l'eau illustre les activités réalisées à la fois dans les pays en voie de développement et dans les pays en transition: ­

Chaque année, 370 000 personnes supplémentaires ont pu bénéficier d'un accès à l'eau potable et à l'assainissement et 30 000 personnes ont obtenu l'accès à des infrastructures d'irrigation efficientes.

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Chaque franc suisse investi a engendré un bénéfice social (réduction des coûts de la santé et du temps pour aller chercher l'eau) et économique (augmentation de la production agricole) dont le montant se situe entre trois et cinq francs, ce qui équivaut, même au niveau international, à un excellent rapport coût/utilité.

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La Suisse a fortement contribué au renforcement des institutions et des organisations clés du secteur, condition importante pour garantir la durabilité des investissements.

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L'influence de la Suisse sur l'agenda mondial dans le secteur de l'eau est plus importante que ne le laisse supposer le volume de son engagement financier.

L'eau est une des thématiques autour de laquelle la Suisse articule ses activités et renforce ainsi sa position sur le plan international. Dans ce contexte, la plateforme 1122

de Genève, où se trouvent de nombreuses agences internationales et privées actives dans le secteur de l'eau, est un instrument précieux. De leur côté, les universités suisses et le secteur privé sont à la pointe des solutions innovantes des points de vue technologique, écologique et économique: pompes à main, systèmes simples et peu onéreux pour désinfecter l'eau, toilettes abordables pour les pauvres, systèmes de micro-irrigation, etc. ont fait le tour du monde. La Suisse a ainsi contribué à mettre les technologies de pointe au service des pauvres.

Engagement bilatéral et régional En Amérique latine, la Suisse a une longue expérience dans le secteur de l'eau tant dans la zone andine (Bolivie, Pérou) qu'en Amérique centrale (Nicaragua, El Salvador, Guatemala). Les conditions cadres sont favorables pour la répétition à très large échelle des interventions actuelles de la DDC et du SECO, permettant notamment l'accès à l'eau potable et l'assainissement A des coûtes abordables pour les pauvres..

Des approches novatrices ont étés développées, comme par exemple «sanitation is a business», (partenariat entre le petit secteur privé et les agences publiques pour l'acquisition à grande échelle d'équipements d'assainissement par les populations ).

Les conditions cadres sont très favorables. Des approches novatrices, comme la mise en place de partenariats public-privé sont reçues favorablement, et l'incorporation de ces approches dans les politiques nationales permet d'obtenir une couverture en accès à l'eau importante avec des coûts raisonnables. Ainsi, le renforcement institutionnel et la participation du secteur privé permettent d'atteindre des résultats importants: 300 000 personnes pourront bénéficier d'un accès à l'eau et à l'assainissement et 180 000 pauvres apprendront à utiliser l'eau de manière plus efficace afin d'accroître leur production agricole, d'améliorer leur régime alimentaire ou d'augmenter leurs revenus. De plus la bonne gouvernance et la décentralisation sont un cadre clé pour la mise en place et surtout la gestion d'infrastructures d'eau potable et d'assainissement.

En Asie, le manque d'accès à l'eau potable, à l'assainissement et à une gestion économe de l'eau dans les bassins versants (souvent situés dans des zones arides) est la principale difficulté dans les pays où la Suisse
est active. Une déforestation accrue accentue ce problème de jour en jour. Le Bangladesh par exemple est de plus en plus confronté aux problèmes que posent les inondations récurrentes et la présence d'arsenic dans ses nappes d'eau souterraines. La Suisse met l'accent sur les aspects suivants: eau potable, assainissement, micro-irrigation et gestion de l'eau dans les bassins versants. Le concept «total sanitation» y a été développé et est en train de devenir un des modèles de référence au niveau mondial. La prévention des inondations sera une composante forte du programme sectoriel eau. Selon les prévisions, les projets menés permettront à 100 000 personnes supplémentaires d'avoir accès à l'eau potable et à l'assainissement, tandis que 170 000 personnes apprendront à utiliser l'eau de manière plus efficace pour leur production agricole. En plus, les activités suisses permettront de diminuer le risque d'inondation.

Les pays d'Afrique subsaharienne font face à un double défi: d'une part, ils doivent combler l'écart entre zones urbaines et zones rurales, où seules deux personnes sur cinq ont accès à l'eau et moins d'une sur cinq à l'assainissement de base, et d'autre part, ils doivent faire face à la forte croissance démographique dans les villes. En ville, la performance des services de l'eau et de l'assainissement est encore faible, alors qu'en zone rurale le déficit en infrastructures reste chronique. Si de nombreux pays africains accusent un sérieux retard dans la réalisation des Objectifs du Millé1123

naire dans le domaine de l'eau, force est de souligner que nombre d'entre eux ont réalisé des efforts remarquables ces dernières années afin de rattraper Ce retard.

Pour répondre à ces défis, il faut accroître les investissements et renforcer les capacités de mise en oeuvre des autorités locales. La Suisse travaille depuis de nombreuses années dans une dizaine de pays africains, où elle collabore principalement avec les autorités locales et la population. La priorité est donnée à l'eau potable, à la petite irrigation familiale et, dans une moindre mesure, à plusieurs projets de gestion des bassins versants.

Engagement multilatéral La longue expérience que la Suisse a acquise en travaillant dans le secteur de l'eau fait de notre pays un partenaire respecté et influent sur le plan international. On la considère par exemple comme l'un des leaders mondiaux pour la mise en application du droit à l'eau. Au niveau international, elle collabore avec les instances suivantes: ­

Water & Sanitation Program de la Banque mondiale, qui influence les réformes et la définition de stratégies pour les services de l'eau et de l'assainissement, et qui fixe ainsi le cadre de futurs investissements;

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Water Supply and Sanitation Collaborative Council, sis à Genève, est très compétent en matière de promotion de l'assainissement et assume la responsabilité du Global Sanitation Fund;

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Global Water Partnership (Partenariat mondial de l'eau), leader de la gestion intégrée des ressources en eau;

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Challenge Programme Water for Food;

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Secrétariat international de l'eau, voix citoyenne pour le droit à l'eau;

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WHO/UNICEF Joint Monitoring Programme for Water Supply and Sanitation et Water Integrity Network, qui pousse à l'adoption d'un code éthique (notamment en ce qui concerne la corruption) par l'ensemble des partenaires du secteur.

Défis et perspectives La coopération au développement a certes pour mission de lutter contre la pauvreté, mais elle vise aussi à instaurer la sécurité, à renforcer la démocratie, à faire respecter les droits de l'homme et à résoudre les problèmes mondiaux, comme le changement climatique et la migration. La stratégie politique en matière de développement de la Confédération, telle qu'elle est définie dans le message du 14 mars 2008 concernant la continuation de la coopération technique et de l'aide financière en faveur des pays en développement (FF 2008 2595), établit le lien entre coopération et solidarité internationales et les intérêts de la Suisse dans un monde globalisé.

La crise financière et économique mondiale n'a pas manqué de faire pression sur la coopération au développement. Voici les défis qu'elle lui pose à court et à moyen terme: ­

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Investissements consacrés au développement: il ne sera possible d'atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (réduire de moitié la pauvreté dans le monde d'ici 2015, investir efficacement dans la coopération au développement) que si les pays en développement consentent d'énormes efforts et entreprennent des réformes. A cet effet, tous les intervenants

devront mieux se répartir les tâches et se fixer des objectifs clairs; les pays donateurs devront en outre accorder un appui sans faille et concéder davantage de responsabilités aux partenaires locaux oeuvrant pour le développement.

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Efficacité: ces dernières années, le Parlement et l'opinion publique ont insisté pour que l'on mesure les résultats de la coopération au développement. Si les évaluations entreprises ont certes amélioré la qualité de l'aide, la mesurabilité a aussi des limites. Il arrive en effet souvent que l'on encourage un progrès mesurable à court terme au détriment d'un impact durable à long terme. De plus, de coûteux programmes d'évaluation sont nécessaires pour identifier l'activité spécifique qui est parvenue à réduire la pauvreté dans une région donnée. Il est par exemple difficile de déterminer dans quelle mesure l'augmentation du revenu national d'un pays est à mettre sur le compte de l'aide au développement, car les facteurs d'influence sont multiples.

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Responsabilité commune et partagée: la réduction de la pauvreté dépend pour beaucoup du choix de politiques adéquates et de leur mise en oeuvre dans les pays en développement. Or la coopération au développement s'avère efficace lorsque les institutions du pays partenaire (gouvernement, parlement, justice, secteur privé et société civile) assument leur part des responsabilités et investissent des recettes fiscales ou de l'épargne privée dans le développement. Les Etats membres de l'OCDE doivent, pour leur part, allouer un budget approprié au développement et exercer une influence positive sur l'évolution des pays pauvres (adopter des politiques en matière de brevets, d'investissement, de commerce et d'environnement qui soient propices au développement).

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Etats fragiles: la communauté internationale se doit d'aborder ouvertement les causes d'un ralentissement, voire de la stagnation, du développement.

Conflits armés, instabilité ou fragilité de l'Etat paralysent en effet l'économie et réduisent à néant les progrès réalisés. Manque d'investissement, insuffisance des prestations économiques et absence d'innovation engendrent souvent de forts taux de chômage et de sous-emploi. Il importe de trouver des réponses aux conflits qui agitent les Etats faibles et fragiles, car ils risquent de déstabiliser des régions entières.

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Préservation des ressources naturelles: la gestion des ressources doit avoir pour objectif la préservation à long terme des ressources naturelles, tant du point de vue quantitatif que qualitatif, ainsi que la réglementation de leur accès. La préservation de la stabilité du climat, de la diversité biologique et de la fertilité des sols est l'une des conditions fondamentales de la sécurité alimentaire mondiale et de la lutte contre la pauvreté. II est ainsi essentiel que les pays développés, la Suisse en particulier, s'engagent notamment dans le domaine de la protection des ressources naturelles, car les pays en développement mettront spontanément l'accent sur des domaines offrant des bénéfices économiques plus immédiats.

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Changement climatique et coopération au développement: les effets de l'évolution progressive du climat obligent les pays défavorisés à appliquer d'onéreuses mesures d'adaptation. Dans les régions et les pays concernés, il convient dès lors d'associer étroitement les programmes de la coopération au développement et les activités visant à maîtriser les effets du changement 1125

climatique. S'ils veulent conserver leur crédibilité et ne pas entamer la confiance des pays en développement dans les négociations sur la politique climatique, les pays de l'OCDE ne peuvent pas se permettre d'utiliser les ressources qu'ils destinent à la coopération au développement pour tenir les promesses qu'ils ont faites pour préserver le climat.

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Risques mondiaux: la communauté internationale est appelée à prendre des décisions cruciales pour le développement mondial. Elle devra par exemple définir un ordre économique mondial tourné vers l'avenir, trouver des moyens pour ralentir le changement climatique et adopter les règles d'une gouvernance mondiale. La politique internationale est tenue d'apporter sa contribution à ces travaux. Elle peut par exemple veiller à ce que même les acteurs les plus faibles puissent se faire entendre lors des négociations sur les réglementations communes. Elle peut contribuer à ce que l'orientation du développement tienne compte des limites du système climatique et des ressources naturelles.

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Les pays émergents occupent de plus en plus de place dans la politique mondiale. Sans leur participation active à la gouvernance internationale, il ne sera guère possible de résoudre les problèmes mondiaux: réalisation des OMD, politique climatique, sécurité énergétique et politique de paix. Il importe dès lors d'intégrer les forces émergentes du monde en développement dans la coordination de la politique internationale et de les inviter à assumer leur part des responsabilités. On n'y parviendra toutefois qu'en procédant à une réforme équitable et participative de la gouvernance mondiale.

­

Cohérence: dans le cadre du message du 14 mars 2008 concernant la continuation de la coopération technique et de l'aide financière en faveur des pays en développement49, le Parlement a décidé que la politique de la Confédération en matière de développement doit viser à instaurer un développement durable et équitable. La contribution de la Suisse s'articule autour des trois axes prioritaires mentionnés plus haut, à savoir atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement et atténuer la pauvreté, promouvoir la sécurité humaine et réduire les risques, et instaurer une mondialisation propice au développement.

Le succès de la politique de développement ne dépend toutefois pas uniquement de celle-ci. D'autres politiques soutenant les efforts en matière de développement jouent un rôle également. Pour encourager au mieux ces efforts dans les pays pauvres et amener une cohérence en ce sens entre différentes politiques sectorielles, l'objectif consistant à promouvoir le développement durable à l'échelle mondiale doit devenir une mission transversale des politiques nationales. Les pays de l'OCDE doivent dès lors mettre leurs politiques en matière de sécurité, d'environnement, de commerce, de finances, d'agriculture et d'économie au service de la réalisation d'objectifs de développement prépondérants. La Déclaration du Millénaire, adoptée par la communauté internationale, appuie d'ailleurs la nécessité d'une plus grande cohérence politique. Aux termes de cette déclaration, la politique de développement fait partie des efforts visant à faire de la mondialisation un pro-

49

FF 2008 2595

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cessus positif. Parallèlement, la politique de développement doit faire face aux exigences des autres secteurs politiques en matière de cohérence.

Dans son évaluation réalisée en 2009, le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE invite notre pays à renforcer la cohérence de ses activités en faveur du développement. Le comité a critiqué notamment l'absence de structures pertinentes au sein de l'administration fédérale permettant d'améliorer la cohérence entre les différents secteurs politiques. Il faudrait selon lui doter le Comité interdépartemental pour le développement et la coopération internationaux de moyens lui permettant d'analyser la compatibilité avec le développement de mesures appliquées dans d'autres secteurs politiques et de formuler des propositions d'amélioration.

Les divers services fédéraux pourraient mieux exploiter les interactions entre eux. Les exemples ci-après illustrent quelques solutions envisageables: ­ Une politique climatique durable et équitable requiert une parfaite coordination avec les exigences en matière de politique de développement. Lorsque la Suisse a participé à la Conférence de Copenhague sur le climat, son approche des négociations tenait ainsi largement compte de ses préoccupations en matière de développement. A ce titre, il était essentiel que la contribution suisse au financement du nouveau régime international sur le climat après 2012 s'ajoute à l'actuelle aide publique au développement et respecte le principe du pollueur-payeur.

­ Les exigences en matière de politique environnementale et de développement ont influencé les décisions du Parlement et du Conseil fédéral sur la promotion de biocarburants. En 2007, dans le cadre de la révision de la législation sur l'imposition des huiles minérales, la Suisse a ainsi été le premier pays du monde à assortir l'encouragement des biocarburants de critères écologiques et sociaux. (Sur mandat du SECO, un instrument a même été mis au point, qui permet d'évaluer en ligne la durabilité de biocarburants50.) Concernant la réduction des obstacles administratifs pour l'exonération fiscale, le Conseil fédéral s'appuie sur des critères écologiques et sociaux pour la promotion des biocarburants.

Il est ainsi tenu compte du principe de base selon lequel les végétaux sont consacrés en premier lieu à un usage alimentaire,
puis fourrager et, ensuite seulement, énergétique.

­ Au sein de l'administration fédérale, la DDC et l'Office fédéral de l'agriculture ont mis sur pied un forum de discussion commun consacré à la cohérence. Ce forum vise à sensibiliser les personnes concernées et à renforcer la prise en compte de l'agriculture et de l'alimentation dans la définition des politiques correspondantes.

50

Sustainability Quick Check for Biofuels, www.sqcb.org

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4.4.4

Institutions de Bretton Woods et réduction de la pauvreté

Les institutions de Bretton Woods ont dû répondre rapidement à la crise financière et économique en recourant à des instruments de crédit appropriés et en mettant des ressources financières supplémentaires à disposition. Ces dispositions leur ont permis de répondre aux besoins spécifiques de leurs membres. La crise a par ailleurs souligné la nécessité de réformer la gouvernance internationale en tenant compte des nouveaux rapports de force apparus sur les plans politique et économique et de la montée des pays émergents.

Fonds monétaire international (FMI) En raison de la crise financière et de la récession mondiale, nombre de pays ont vu s'accroître leurs besoins de financements extérieurs. Depuis l'automne 2008, le Fonds monétaire international (FMI) a ainsi conclu 19 contrats d'assistance avec des Etats membres. L'Union européenne et la Banque mondiale ont partiellement complété ces contrats par l'allocation de moyens supplémentaires. Le FMI a de plus doublé le plafond habituel de ses crédits et, dans la plupart des cas, anticipé la mise à disposition des ressources. Jusqu'en mars 2010, il a engagé un total d'environ 180 milliards de dollars américains par le biais d'accords d'emprunt. Au printemps 2009, il a ouvert la ligne de crédit modulable, qui offre sur demande des crédits aux pays qui peuvent se financer sans problème sur les marchés financiers et qui présentent des politiques économique et financière durables. Jusqu'ici, le Mexique, la Pologne et la Colombie ont recouru à cet instrument, par un engagement d'environ 80 millards de dollars américains. Le FMI a en outre adapté ses facilités de crédit destinées aux pays pauvres: trois instruments peuvent être mis en oeuvre selon les besoins et les structures du pays membre demandeur. Cette adaptation répond aux exigences du G20, qui a appelé le FMI à prévoir des lignes de crédit adaptées également aux pays défavorisés.

Grâce à des moyens accrus, le FMI a pu maintenir son appui aux Etats membres afin de les aider à surmonter la crise. Le volume des droits de tirage spéciaux (DTS) a été sensiblement augmenté et est passé à 250 milliards de dollars. Afin de garantir un besoin en moyens accru, des lignes de crédit bilatérales ontété mis à la disposition du FMI. Celles-ci seront liquidées dès que la réforme des nouvelles conventions de crédit
de ces pays sera ratifiée. Ces nouvelles conventions de crédit, le réseau sécuritaire financier du FMI, devraient être élevées de 55 milliards de dollars à environ 540 milliards de dollars à environ 540 millards. Ces conventions ne pourront toutefois être activées qu'en cas de crise systémique et si les ressources du FMI menacent de s'épuiser. Aux 26 Etats qui ont jusqu'ici joué le rôle de créditeurs devraient venir se joindre 13 autres pays, en particulier ceux du BRIC. La Banque nationale suisse participe aux nouvelles conventions de crédit du FMI par un crédit allant jusqu'à 16.5 milliards de dollars américains. Ces crédits rapportent des intérêts appropriés au marché et ne sont pas garantis par la Confédération. Le Conseil fédéral a soumis son projet de réforme des nouvelles conventions de crédit en septembre 2010 aux chambres fédérales. La Suisse soutient le principe d'une réforme juste des quotas et de la gouvernance du FMI. D'une part, une réforme doit permettre d'adapter les droits de vote des Etats membres en fonction de l'évolution de l'économie mondiale; d'autre part, elle doit parvenir à une modernisation des structures de gouvernance. La répartition des voix doit être en accord avec le mandat du FMI, à savoir de refléter la taille et l'importance économique des pays au sein du système financier internatio1128

nal. Ceci n'est malheureusement que partiellement réalisé par cette résolution. La participation limitée des Etats non membres du G20 dans la phase finale de l'élaboration d'une solution a conduit à une perte supérieure à la moyenne de la part des quotas attribuées aux pays industrialisés de taille moyenne. Par ailleurs, le risque persiste d'une nouvelle adaptation inadéquate de la formule d3es quotas dans les années à venir. Pour cette raison, ainsi qu'en raison de divergences de positions au sein du groupe de vote, le directeur exécutif suisse a préféré s'abstenir au moment de l'adoption de la résolution.

S'il est encore difficile d'évaluer les répercussions de la réforme sur la représentation de la Suisse dans les institutions de Bretton Woods, on peut néanmoins affirmer qu'elle ne fera pas taire les voix qui demandent au FMI d'adapter son système de gouvernance. Le 21 octobre 2009, le Conseil fédéral a dès lors chargé le DFF, le DFE et le DFAE d'entreprendre les actions qui s'imposent afin de préserver la place de la Suisse au sein des conseils d'administration des institutions de Bretton Woods.

Ces actions comprennent l'adoption d'une position claire et cohérente auprès des organes décisionnels et un travail intensif pour entretenir les contacts avec les Etats membres de premier plan.

Groupe de la Banque mondiale51 En 2009, la gestion de la crise et de ses conséquences a aussi largement mobilisé le Groupe de la Banque mondiale. Le volume des ressources engagées a fortement augmenté et les institutions ont adapté les instruments permettant de fournir une aide rapide et efficace aux pays les plus touchés. Tandis que la Banque mondiale (BIRD) a pu faire usage à court terme de sa marge de manoeuvre pour octroyer des crédits aux pays avancés, l'insuffisance des ressources destinées à l'octroi de crédits concessionnels aux pays pauvres (AID) a permis de n'opérer qu'un versement anticipé sans additionnalité. Cet état de fait sera pris en considération lors des négociations actuellement en cours sur la 16e reconstitution des ressources de l'AID.

A l'instar du FMI et des banques régionales de développement, la Banque mondiale (BIRD) a décidé en avril 2010 d'augmenter son capital (de 86 milliards de dollars, soit une hausse de 39 %), afin d'être en mesure de répondre à la demande supplémentaire. Quant
à la Société financière internationale (SFI), elle a accru son capital de 200 millions de dollars. Les augmentations de capital déjà prévues par les banques régionales de développement s'avèrent cependant nettement plus conséquentes, de sorte que le volume de leurs capitaux ne sera plus guère inférieur à celui de la Banque mondiale. Cette évolution accentue encore la multipolarisation des institutions financières internationales. Elle les oblige à renforcer leur collaboration et leur coordination et à mieux se répartir les tâches. La Banque mondiale a pour sa part proposé une stratégie convaincante à moyen terme et la Suisse a soutenu le principe d'une augmentation de capital. La participation de la Suisse aux diverses augmentations de capital fait l'objet d'un message qui sera prochainement soumis au Parlement.

La réforme des droits de vote au sein de la Banque mondiale revêt aussi un intérêt stratégique pour la Suisse. Lors de la session de ce printemps (avril 2010) des insti51

Le Groupe de la Banque mondiale comprend la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), la Société financière internationale (SFI), l'Association internationale de développement (AID) et l'Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI).

1129

tutions de Bretton Woods, il a été décidé de réattribuer 3,13 % des droits de vote à des pays en développement ou en transition, dont le pouvoir de vote passe ainsi à 47,19 %. La part de la Suisse passe de 1,63 % à 1,46 %. En prenant une part active aux discussions, la Suisse est parvenue à éviter une érosion plus grande encore de ses voix. Elle tient en effet à conserver son siège au sein du conseil d'administration et à maintenir une répartition appropriée des droits de vote. La Suisse a en particulier défendu la position du groupe des Etats les plus pauvres, afin d'éviter qu'ils ne perdent de leurs poids face aux pays riches et aux pays émergents.

La Banque mondiale s'est dotée d'un système efficace de garantie de la qualité. Ces dernières années, la part de ses projets qui obtiennent des résultats satisfaisants n'a cessé de s'accroître. La Suisse accorde une grande importance à l'amélioration constante de la qualité et plaide dès lors pour une gestion systémique des résultats.

Défis et perspectives La Banque mondiale se soucie depuis des années du changement climatique et de son impact sur les pays en développement. Elle ne manquera donc pas de jouer un rôle important dans la mise en oeuvre et, le cas échéant, dans le financement de nouveaux engagements dans ce domaine. Elle accorde aussi une priorité aux Etats fragiles. Il ne s'agit pas là seulement des pays agités par des conflits internes, mais aussi de pays comme Haïti, dont le terrible séisme de janvier 2010 n'a fait qu'aggraver la fragilité. Pour relever des défis de cette envergure, les différents acteurs (ONU, institutions régionales de financement, donateurs bilatéraux) doivent absolument oeuvrer en étroite collaboration et harmoniser leurs activités.

La mise à disposition rapide de ressources financières et la réponse macroéconomique à la crise ne sont que l'un des aspects du débat en cours. Celui-ci porte aussi sur le rôle à long terme des institutions de Bretton Woods (IBW) dans un contexte international qui évolue aussi vite que les nouveaux rapports de force dans l'économie mondiale. Les pays du G20 représentent à ce titre un défi tout particulier, car ils font appel aux IBW d'une part pour préparer leurs décisions stratégiques, d'autre part pour les appliquer. La Suisse doit dès lors tout mettre en oeuvre pour influencer les
décisions du G20 par le biais des IBW.

Jusqu'ici, la Banque mondiale a concentré la réforme de sa gouvernance sur la redistribution des droits de vote en faveur des pays en développement et en transition. La banque a aussi accru le nombre de ses directeurs exécutifs pour améliorer la représentation de l'Afrique. Si le FMI a décidé, lors de la session d'avril 2010 des IBW, de réexaminer le nombre de sièges que compte son conseil d'administration, la Banque mondiale a prévu de se replonger dans la réforme de sa gouvernance en 2015.

Au sein de l'administration fédérale, un groupe de travail interdépartemental suit de près l'évolution de ces institutions. Des contacts ont été établis sur le plan international afin de renforcer le groupe de vote présidé par la Suisse et de mieux le positionner dans la perspective de futures réformes.

1130

4.4.5

Banques régionales de développement et réduction de la pauvreté

Les défis mondiaux présentés au ch. 4.4.3 se manifestent tous au niveau régional et déterminent dès lors l'orientation stratégique des institutions régionales de financement (banques africaine, asiatique et interaméricaine de développement). La crise a certes ralenti la croissance économique des pays en développement les plus pauvres, mais, grâce aux réformes entreprises il y a des années, à des ajustements structurels et à leur faible taux d'intégration dans l'économie mondiale, la plupart des pays africains les plus pauvres sont cependant parvenus à maintenir une croissance modeste, mais positive.

En période de crise, les banques régionales de développement sont des actrices de premier plan dans la maîtrise des risques. Implantées dans la région d'où proviennent la plupart de leurs membres, elles connaissent parfaitement les problèmes et les partenaires locaux. Elles sont ainsi à même de jouer un rôle primordial dans le dialogue politique, la promotion de la bonne gouvernance et l'appui aux processus régionaux d'intégration.

Pendant la crise, ces banques ont procédé à des investissements anticycliques et certaines ont augmenté massivement le volume de leurs crédits. Il a dès lors fallu accélérer des augmentations de capital parfois considérables. La Banque asiatique et la Banque africaine de développement ont décidé de tripler leur capital, tandis que la Banque interaméricaine de développement a opté pour une hausse de 70 %. La participation de la Suisse aux augmentations de capital des banques régionales de développement et du Groupe de la Banque mondiale fait l'objet d'un message qui sera soumis au Parlement.

Des négociations sont par ailleurs en cours avec la Banque africaine et la Banque interaméricaine de développement sur la reconstitution de leurs Fonds de développement, qui offrent des prêts sans intérêts et des subventions aux pays en développement les plus pauvres. Sous réserve d'approbation par le Parlement, le Conseil fédéral se prononcera sur la participation de la Suisse à ces fonds dans le cadre de son message sur la mise en oeuvre de la décision parlementaire de décembre 2008 (message concernant l'augmentation de l'aide publique au développement à 0,5 % jusqu'en 2015).

Bailleuse de fonds et membre des organes dirigeants des banques régionales de développement, la Suisse est
à même d'exercer une influence sur leur stratégie. Elle le fait en s'appuyant sur l'expérience qu'elle a acquise en apportant une aide bilatérale aux pays et aux régions prioritaires de sa coopération. Connaissant parfaitement le contexte global, elle peut contribuer à définir la politique des banques. Elle plaide notamment pour une collaboration accrue des institutions financières régionales avec la Banque mondiale, les organisations de l'ONU et les acteurs suisses (secteur privé, oeuvres d'entraide, universités). Elle défend par ailleurs l'idée selon laquelle les institutions financières doivent se concentrer sur un nombre limité de secteurs clés et réduire autant que possible leurs frais administratifs. Dans le cadre des augmentations de capital et des reconstitutions de fonds, la Suisse met surtout l'accent sur les points suivants: réalisation des Objectifs de développement adoptés par la communauté internationale, renforcement de l'efficacité et de l'orientation sur les résultats, promotion du secteur privé, égalité des sexes et gestion durable de la dette publique.

1131

Perspectives et défis A l'avenir, les banques régionales de développement continueront d'occuper une place de choix dans les activités de la Suisse, qui entend faire bénéficier leur politique de sa bonne connaissance de la coopération bilatérale. Menés en accord avec les gouvernements locaux, ses programmes bilatéraux offrent en effet à la Suisse de bonnes occasions de développer encore sa collaboration avec les banques régionales et d'élargir le champ d'application de projets pilotes testés avec succès. Pour ce faire, la coopération au développement de la Confédération peut s'appuyer sur sa longue expérience et sur diverses approches efficaces. A l'inverse, le dialogue (national et régional) avec les banques régionales ouvre la possibilité à la Suisse de mieux faire valoir ses acquis auprès des gouvernements. Grâce à ses efforts, la Suisse est en mesure de motiver les gouvernements à axer davantage leur politique sur le développement (dans le domaine du changement climatique, par ex.) et de promouvoir la collaboration régionale (dans l'utilisation d'eaux transfrontalières, par ex.).

Pour exploiter ces possibilités, la coopération au développement de la Confédération renforce les aspects multilatéraux de ses projets. Elle saisit les occasions de collaboration, notamment avec les banques régionales de développement, en cofinançant des projets, en mettant des experts à disposition ou en échangeant du savoir-faire. A l'avenir, la Suisse s'attachera encore davantage à évaluer les prestations des banques régionales et à faire connaître son avis au sein de leurs organes dirigeants.

Le principal défi que la Suisse entend relever consiste actuellement à maintenir sa part de capital dans les banques régionales de développement et à participer de manière appropriée à la reconstitution des fonds régionaux de développement. Reste à savoir comment elle pourra faire valoir son point de vue et dans quelle mesure la communauté internationale reconnaîtra son travail. En diminuant sa part dans la répartition internationale des charges, la Suisse risque en effet de ternir sa réputation. Rappelons en outre que sa participation au capital des banques régionales et à la reconstitution de leurs fonds de développement engendre des effets «secondaires» non négligeables, puisque l'économie suisse tire un profit considérable des mandats que ces fonds servent à attribuer.

4.4.6

Aide humanitaire

L'aide humanitaire de la Confédération apporte une assistance aux personnes en situation de détresse. Dans ses activités, elle respecte en tout temps les principes fondamentaux que sont l'humanité, la neutralité, l'impartialité et l'indépendance.

Contrairement à d'autres organismes, elle ne se contente pas de donner de l'argent.

Son approche opérationnelle (système de milice du Corps suisse d'aide humanitaire, CSA) lui permet de mener des actions directes sur place. Grâce à cette expérience du terrain, elle peut jouer un rôle très influent au sein de divers organes et forums internationaux.

Jusqu'au début des années 1990, l'aide en cas de famine ou de catastrophe naturelle représentait l'essentiel des activités. Mais l'aide aux réfugiés et aux déplacés a gagné en importance avec la multiplication des conflits armés. Depuis quelques années, ce sont les événements météorologiques extrêmes (sécheresses, inondations) et les

1132

effets du changement climatique, en particulier dans les pays pauvres, qui mobilisent de plus en plus l'aide humanitaire.

A l'avenir, on risque de voir se multiplier les conflits violents autour de l'eau. Selon le PNUE, environ 2 milliards de personnes manqueront en effet d'eau en 2050. C'est surtout dans les Etats fragiles et précaires que les pénuries de denrées alimentaires et de ressources envenimeront les conflits préexistants.

Le conflit du Darfour Le conflit du Darfour (Soudan) illustre bien l'évolution décrite ci-dessus. Dans cette région, les problèmes environnementaux, aggravés par la croissance démographique et le clivage qui sépare le centre politico-économique (Khartoum) et la périphérie (Darfour), provoquent des conflits violents auxquels on donne ou qui prennent un caractère interethnique.

Là où la survie est de toute façon menacée, une aggravation minime de la situation engendre la violence. La désertification rapide et l'absence d'une solution politique au conflit du Darfour empêchent nombre de réfugiés de rentrer chez eux. En maints endroits, le sol n'est d'ailleurs plus cultivable et la situation écologique est marquée par la sécheresse et l'avancée du désert. Or, les éleveurs nomades ont besoin de pâtures où faire paître leurs bêtes et les petits paysans ont besoin de terres où cultiver céréales et légumes pour nourrir leur famille. Le désert ne cessant de s'étendre, les éleveurs revendiquent les terres des agriculteurs et vice-versa. Délaissé par la pluie, le Nord du Darfour n'offrait plus de quoi faire vivre les troupeaux, de sorte que les éleveurs ont migré vers le Sud.

Dans le même temps, une croissance démographique galopante a provoqué une surexploitation des pâturages et des terres agricoles. Cette accumulation de facteurs négatifs ne pouvait qu'accroître le potentiel conflictuel.

Les conflits armés asymétriques, qui ont des répercussions massives sur la population civile, représentent un défi de taille pour l'aide humanitaire. Les protagonistes ne respectent souvent ni le droit international ni les droits de l'homme, et il est d'autant plus difficile d'atteindre les populations en détresse. L'aide humanitaire internationale doit de plus en plus intervenir dans des régions en crise et dans des Etats défaillants où la population civile est victime d'attaques ciblées. Le
personnel humanitaire ne bénéficie en outre souvent plus du même accueil, et dès lors de la même sécurité, que par le passé. Dans nombre de conflits, l'effort humanitaire doit s'étendre sur plusieurs années, car il s'avère impossible de trouver une solution politique au différend initial.

L'aide immédiate et l'aide à la survie après une catastrophe recourent aux instruments suivants: chaîne de sauvetage, équipes d'intervention rapide, fourniture de biens, contributions financières et mise à disposition de spécialistes pour les organisations partenaires. Les événements extrêmes frappent souvent des pays pauvres aux capacités institutionnelles réduites. Inondations, sécheresse, séismes, etc. exigent dès lors un engagement à court et à moyen termes aussi bien dans le domaine de la prévention et de la préparation que dans celui de la gestion des crises. Dans son examen de 2009, le Comité d'aide au développement de l'OCDE a jugé très positif l'engagement humanitaire de la Suisse. Il a ainsi qualifié de remarquables aussi bien

1133

l'aide d'urgence que les procédés appliqués et les résultats obtenus en matière de réduction des risques de catastrophe.

Grâce à son long engagement professionnel, l'aide humanitaire de la Confédération s'est forgé une excellente réputation. De plus, sa grande expérience du terrain lui permet d'exercer une influence efficace sur le plan international: ­

La Suisse est à la pointe de la coordination des opérations de sauvetage en cas de catastrophe. Elle siège au sein du Groupe consultatif international de recherche et de sauvetage (INSARAG) du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (BCAH), qui élabore les directives et gère le système de classification des équipes internationales de sauvetage.

L'aide humanitaire met par ailleurs ses connaissances en oeuvre pour former des sauveteurs dans nombre de pays. Chine, Inde, Pérou, Jordanie et Turquie comptent parmi ceux qui ont bénéficié du savoir-faire suisse pour mettre sur pied leur service de sauvetage.

­

La Suisse joue un rôle important dans la gestion de catastrophes écologiques. Il importe surtout que la communauté internationale prenne conscience rapidement de la multiplication des risques environnementaux et de leurs conséquences pour la population. La Suisse dirige le groupe de travail financé conjointement par le BCAH et le PNUE.

­

L'aide humanitaire de la Confédération préside le Good Humanitarian Donorship, une initiative qui réunit 36 pays donateurs. Cette alliance d'Etats oeuvrant dans le même esprit réglemente l'engagement humanitaire et définit des directives en la matière. Elle vise en particulier à professionnaliser l'aide d'urgence internationale et à appliquer des normes de qualité.

­

La reconstruction d'écoles, d'hôpitaux et d'habitations après une catastrophe ou un conflit constitue l'une des principales compétences du CSA. Au Sri Lanka, par exemple, l'aide humanitaire de la Confédération dirige un programme de reconstruction d'établissements scolaires, qui offrira un nouvel avenir à plusieurs milliers d'élèves dans un pays profondément marqué par la guerre civile. Cette intervention directe est menée en collaboration étroite avec l'UNICEF, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, qui assume la majeure partie des coûts.

Priorités Après le terrible séisme qui a frappé Haïti en janvier 2010, l'aide humanitaire de la Confédération a débloqué 12 millions de francs suisses à titre d'aide immédiate et d'aide à la survie. Au total, 110 spécialistes du CSA sont intervenus sur place. Le CSA a organisé l'aide dans les domaines suivants: prise en charge médicale des mères et des enfants (620 interventions chirurgicales et 95 accouchements), distribution d'eau potable à quelque 50 000 personnes, soutien à 2000 familles sans abri et coordination des activités avec le gouvernement et les organismes de l'ONU.

En mars 2010, le Conseil fédéral a décidé de consacrer 36 millions de francs à des projets de reconstruction (2010 à 2012). Ce montant finance notamment la reconstruction de l'infrastructure sociale (écoles et hôpitaux), le développement rural et des mesures destinées à relancer l'économie. L'impressionnante solidarité du peuple

1134

suisse envers les Haïtiens a permis à la Chaîne du bonheur de récolter jusqu'à début mars 2010 plus de 65 millions de francs, sa troisième meilleure collecte.

Dans la Corne de l'Afrique, environ 20 millions de personnes souffrent de la faim ou de sous-alimentation. La situation sur place n'est guère reluisante: catastrophes naturelles (sécheresses et inondations), conflits internes (Somalie et Ethiopie) et affrontements transfrontaliers (Djibouti-Erythrée et Ethiopie-Erythrée) rythment le quotidien. Représentant l'un des principaux défis humanitaires à l'échelle mondiale, la région restera sans doute à moyen terme parmi les priorités de l'aide humanitaire suisse. Celle-ci concentre ses activités sur la Somalie et sur les réfugiés somaliens dans la région, et consacre chaque année un budget de 17 millions de francs à l'aide d'urgence, à la sécurité alimentaire et à la protection des civils dans les conflits armés.

Au Soudan, la Suisse alloue 15 millions de francs par an aux activités destinées à favoriser le retour des déplacés internes, à la protection de la population civile et aux efforts visant à garantir l'accès à l'alimentation, à l'eau potable et aux soins de santé primaires.

Au Proche-Orient, l'aide humanitaire collabore étroitement avec l'Office des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Middle East, UNRWA) afin d'améliorer les prestations de base que cet organisme fournit aux réfugiés palestiniens. Un spécialiste du Corps suisse d'aide humanitaire travaille par exemple avec des experts de l'UNRWA dans la bande de Gaza pour mettre au point des projets de construction d'abris.

4.5

Politique de désarmement et de non-prolifération

4.5.1

Défis

L'environnement sécuritaire reste aujourd'hui encore fragile dans nombre de régions du monde, et les défis en la matière se révèlent particulièrement complexes. Le nombre de conflits ouverts reste élevé. Ceci vaut en particulier pour les conflits intraétatiques. Plus de quinze conflits de ce type font en effet rage aujourd'hui à travers le monde, lesquels ont des effets particulièrement dévastateurs sur les populations civiles. En outre, les dépenses militaires ont cru de manière quasi continuelle au cours de la décennie écoulée, l'Europe occidentale étant la seule région faisant quelque peu exception.

L'affaiblissement des mécanismes de maîtrise des armements et de désarmement représente un autre sujet de préoccupation. Au cours de ces dernières années, ce constat s'est appliqué tout particulièrement au Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP), un des piliers du système de sécurité internationale. L'échec de sa Conférence d'examen de 2005 ainsi que les manquements au respect des dispositions du traité par un certain nombre d'Etats ­ que ce soit en termes de désarmement ou de non-prolifération ­ ont en effet fait craindre pour la pérennité de ce régime. La suspension de l'application de la mise en oeuvre du traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE) par la Russie peut également venir illustrer l'étiolement des régimes existants. Quant aux enceintes traitant de désarmement, elles sont essentiellement bloquées. Cela vaut particulièrement pour la première d'entre elles, soit la Conférence du désarmement sise à Genève, qui n'a pas été en mesure d'engager des 1135

négociations sur des sujets de substance depuis plus de treize ans. Un tel blocage fait par ailleurs craindre à terme pour la position de Genève en tant que capitale du désarmement. L'absence de consensus, issue de la défiance qui a caractérisé les relations entre les principaux acteurs du système international ces dernières années, explique en grande partie/dans une large mesure ces blocages.

Les progrès accomplis dans l'interdiction des armes à sous-munitions, à travers l'adoption d'une convention y relative à Oslo en 2008, représentent une exception.

Les succès dans ce domaine s'expliquent par le fait que les négociations se sont déroulées non pas dans les enceintes usuelles du désarmement, mais dans des cadres ad hoc entre Etats dits «like-minded».

Des développements récents laissent cependant espérer une amélioration de la situation. L'adoption d'un document final par la Conférence d'examen du TNP de 2010, lequel inclut des recommandations quant à des actions concrètes, en est l'élément le plus marquant. Même modeste, ce plan d'action pourrait constituer la base de nouvelles avancées dans les années à venir, et plus généralement servir de catalyseur à l'ensemble du domaine du désarmement. Ce développement résulte notamment d'une donne politique plus positive sur le plan international. Ainsi, dès son entrée en fonction, le gouvernement Obama a marqué une volonté de redéfinir ses relations avec la Russie, a manifesté un attrait pour les mécanismes multilatéraux de maîtrise des armements et a affirmé une vision d'un monde sans armes nucléaires. D'autres développements intervenus en 2009 sont également encourageants.

Ainsi, la déclaration conjointe des présidents Medvedev et Obama s'engageant à réduire leurs arsenaux nucléaires, la volonté affirmée d'entamer des négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins militaires ou les engagements pris par l'administration américaine quant à la ratification du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) permettent d'espérer des avancées dans le domaine clé du désarmement nucléaire. La décision formelle de l'Assemblée générale de l'ONU d'entamer des négociations eu égard à un traité sur le commerce des armes est également un signal positif, qui demande à être confirmé.

4.5.2

Politique et actions de la Suisse

Les activités en matière de maîtrise des armements et de désarmement de la Suisse ont pour objectif premier de contribuer à la stabilité du système international et, par là, au renforcement de la sécurité de la Suisse. En effet, tout conflit, qu'il soit proche ou lointain, peut avoir un effet délétère sur sa sécurité, et la politique de désarmement de la Suisse s'inscrit ainsi dans une perspective de prévention. De plus, un lien direct existe également entre le statut d'Etat neutre permanent de la Suisse et son engagement en matière de désarmement. Ne faisant pas partie d'une alliance militaire, la Suisse doit assurer elle-même sa sécurité et a donc tout intérêt à oeuvrer activement au contrôle des armements et au désarmement, de façon à préserver la paix internationale. Enfin, l'engagement de la Suisse dans le domaine de la maîtrise des armements s'inscrit également dans sa longue tradition humanitaire, qui lui permet de démontrer sa solidarité avec la communauté internationale. Elle fait ainsi de la sécurité des individus une composante centrale de l'agenda de sécurité.

La Suisse cherche à atteindre ses objectifs en termes de désarmement à travers une politique active de désarmement et de maîtrise des armements fondée sur une attitude pragmatique et réaliste. Cette politique a pour principe directeur la sécurité, la 1136

stabilité nationale et internationale et l'instauration d'un climat de confiance à un niveau d'armement le plus bas possible. Elle promeut le désarmement complet des armes de destruction massive et vise à empêcher leur transfert à des Etats ou à des acteurs non-étatiques. Elle vise également à prévenir l'accumulation déstabilisatrice et le trafic illicite d'armes classiques, à promouvoir la transparence dans le domaine des armes et à interdire les armes produisant des effets traumatiques excessifs ou frappant sans discrimination.

La Suisse s'engage pour l'universalisation des accords existants et pour une meilleure application de leurs dispositions. Elle adhère par principe à tous les instruments juridiquement contraignants qui lui sont accessibles et cherche à obtenir que le développement du droit international humanitaire accompagne les progrès techniques des armements.

Désarmement et prévention de la prolifération des armes de destruction massives Armes nucléaires: le traité de non-prolifération (TNP) est un rouage essentiel dans le maintien de la stabilité et de la sécurité du système international. Ce traité a malheureusement subi une érosion certaine au cours de la dernière décennie. Cet affaiblissement a résulté notamment du non-respect d'un des compromis de base du TNP, selon lequel les Etats dotés de l'arme nucléaire prennent des mesures dans la voie du désarmement nucléaire en échange de l'engagement des Etats non dotés à renoncer à acquérir une telle arme. Or, la plupart des engagements en matière de désarmement définis lors des conférences d'examen du TNP de 1995 ou de 2000 n'ont pas été respectés. D'autre part, il existe différents cas de prolifération nucléaire avérés ou suspectés.

Le fait que la Conférence d'examen du TNP de 2010 a été en mesure d'adopter par consensus un document final, un résultat qui n'allait pas forcément de soi, représente à ce titre un événement positif. En terme de désarmement nucléaire, cet événement a permis de réaffirmer les acquis des conférences d'examen de 1995 et de 2000, ainsi que de consacrer quelques avancées même si celles-ci restent modestes. Ainsi, le document final établit pour la première fois un lien entre l'utilisation de l'arme nucléaire et la nécessité de respecter le droit international humanitaire, et fait pour la première fois allusion
à la négociation d'une convention sur l'interdiction des armes nucléaires. En revanche, le document final ne contient pas de calendrier précis quant aux actions de désarmement à entreprendre, éléments que nombre de participants à cet événement jugeaient souhaitable. En tout état de cause, ce document final et le plan d'action qu'il contient fournissent une nouvelle base de travail pour les années à venir.

Convaincue de la nécessité d'avancer sur la voie du désarmement nucléaire, la Suisse a agi en amont de la Conférence d'examen de 2010. Afin de renforcer son action, elle a notamment établi une task force interdépartementale en 2008, laquelle s'est concentrée sur diverses initiatives suisses dans ce domaine. Ceci s'applique par exemple à la thématique du dealerting ­ réduction du niveau élevé d'alerte des armes nucléaires ­ où la Suisse et un groupe d'Etats ont introduit une nouvelle résolution à l'Assemblée générale de l'ONU en 2007. Dans ce contexte, la Suisse a commandité une étude qui fait désormais référence en la matière et elle continuera d'approfondir cette thématique, à la fois dans la foulée de la Conférence d'examen du TNP de 2010 ou en vue de l'Assemblée générale de l'ONU de 2010.

1137

La Suisse est également convaincue de la nécessité d'entamer dès que possible des négociations en vue de l'interdiction de la production de matières fissiles pour la fabrication d'armes nucléaires (Fissile Material Cutoff Treaty ou FMCT). Elle a ainsi fait part de sa disponibilité à assumer la présidence de telles négociations, lesquelles n'ont pourtant toujours pas commencé. Dès lors, la Suisse soutient l'avancement de la thématique FMCT à travers la préparation d'études et la tenue de séminaires relatifs à des éléments spécifiques de cette problématique. L'intérêt grandissant de nombreux Etats, y compris de certaines grandes puissances, à voir s'engager rapidement des négociations sur un FMCT pourrait en amener certains à proposer qu'un processus soit engagé en dehors de la Conférence de désarmement, afin de contourner les blocages affectant cette enceinte. La question de la place de Genève en tant que centre principal de désarmement pourrait alors être posée.

Eu égard aux questions de non-prolifération nucléaire, la Suisse contribue depuis 2006 aux tentatives de règlement de la question nucléaire iranienne. Elle le fait dans l'optique de favoriser l'émergence d'une solution diplomatique, qui tienne compte du respect par l'Iran de ses obligations internationales, à savoir son accord de garanties avec l'AIEA selon le TNP. Dans ce contexte, la Suisse a eu de nombreux contacts avec les différentes parties, à savoir l'Iran, les E3+3 (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie), l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), à Vienne, et l'UE. L'ensemble de ces activités à débouché sur les «Geneva Talks-1» de juillet 2008, tenus sur la base du concept «freeze-for-freeze» développé par la Suisse, et sur les «Geneva Talks-2» d'octobre 2009, à la suite desquels les parties se sont entendues sur un plan d'action en trois points: premièrement, la poursuite du processus de négociation, ensuite la visite de l'AIEA au nouveau site d'enrichissement de Fordou et finalement un projet de coopération concernant le réacteur de recherche de Téhéran. Si la réalisation de ces trois points n'avance pas au même rythme, l'activité de la Suisse dans ce dossier a indiscutablement contribué à amener les parties à dialoguer. Dans ce même contexte, la Suisse a mené des discussions de haut niveau en vue
de favoriser une éventuelle reprise des pourparlers directs entre Etats-Unis et l'Iran.

De plus, la Suisse entend dynamiser sa participation dans le cadre de l'AIEA. En effet, suite au rapport 20/20 sur le futur de l'AIEA, diverses pistes ont été proposées, notamment celle envisageant d'élargir au désarmement nucléaire le rôle joué par l'AIEA dans le domaine de la vérification. Si une telle option reste encore de la musique d'avenir, la Suisse a tout de même déjà opéré une réflexion quant au possible rôle que pourrait jouer l'AIEA dans la vérification d'un éventuel traité interdisant la production de matières fissiles à des fins militaires. La Suisse envisage également de lancer un projet en vue de faciliter l'adoption par un plus grand nombre d'Etats de certains mécanismes du système de vérification de l'AIEA. Enfin, la Suisse entend renforcer son implication dans les questions ayant trait à la gestion de l'AIEA, notamment les questions budgétaires.

Autre élément significatif, la nouvelle administration américaine a également fait part de son intention de travailler au renforcement de la sécurité nucléaire afin de prévenir tout acte de terrorisme nucléaire. Elle a organisé à cet effet un sommet à Washington en avril 2010. La Suisse, qui a été conviée à y prendre part, a insisté lors de cette conférence sur la nécessité d'étendre un haut niveau de sécurité non seulement aux matières nucléaires civiles mais également aux matières militaires.

Au vu de l'importance de l'ensemble des thématiques nucléaires, la Suisse intensifiera dans les années à venir son engagement dans ces domaines. La crédibilité dont 1138

elle jouit et son indépendance d'action devraient lui permettre de jouer un rôle plus actif.

Armes chimiques: la Suisse est partie à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC), qui compte 188 Etats parties.52 La question qui figure actuellement au coeur des discussions est la destruction définitive de tous les stocks d'armes chimiques, qui, aux termes de la Convention, devrait être achevée à fin avril 2012.

Les Etats-Unis, la Russie, la Libye et l'Irak détiennent encore des stocks importants (l'état du stock irakien étant incertain). Les Etats-Unis ont annoncé entre-temps qu'ils ne pourraient pas tenir le délai; il est également douteux que la Russie achève à temps la destruction définitive de ses stocks. Cela pose des questions complexes de politique et de droit international aux Etats parties ­ donc à la Suisse ­, car la CIAC ne devrait en aucun cas être affaiblie par le non-respect des engagements pris.

La Suisse entend maintenir son engagement de longue date dans le désarmement et la non-prolifération des armes chimiques. De 2003 à 2009, elle a participé aux activités de destruction des stocks en Russie et en Albanie. Depuis l'expiration du crédit-cadre spécifique octroyé par le Parlement, la Suisse ne peut cependant plus soutenir activement la destruction des stocks restants d'armes chimiques.

L'une des priorités de la Suisse est de renforcer le mécanisme de vérification de la Convention et les systèmes de protection contre les armes chimiques. C'est pourquoi elle aide l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), qui supervise l'application de la CIAC, à former des inspecteurs et met du matériel à disposition au cas où un Etat contractant serait attaqué aux armes chimiques. La Suisse maintiendra cet engagement financier, matériel et humain ces prochaines années.

Sur le plan politique, la Suisse s'engage en outre pour que la CIAC intègre en permanence les nouvelles découvertes de la recherche chimique (agents dits incapacitants, par exemple). Comme ce n'est pas le cas pour le moment, la CIAC risque en effet de perdre en pertinence. Il en résulterait un affaiblissement de l'architecture multilatérale du désarmement et de la non-prolifération, ce que la Suisse estime devoir être empêché à tout prix. C'est pourquoi elle renforcera ses efforts en la matière
jusqu'à la prochaine conférence d'examen, en 2013.

Armes biologiques: la Convention sur l'interdiction des armes biologiques (CIAB) est plus faible sur le plan institutionnel que la CIAC, car elle ne dispose ni d'une organisation de mise en oeuvre ni d'un mécanisme de vérification du respect des engagements pris par les Etats parties. La prochaine occasion pour ces 163 Etats de s'entendre sur le renforcement de la CIAB sera la conférence d'examen agendée à Genève en 2011. Avec un groupe d'Etats sympathisants, la Suisse tente de formuler de nouvelles approches pour renforcer la CIAB. L'une de celles qu'elle favorise est de renforcer les mesures de confiance permettant des échanges d'informations pertinentes entre Etats parties (mécanisme qui n'est toutefois pas contraignant au regard du droit international public).

Au niveau national, la Suisse s'efforce d'appliquer la CIAB de son mieux. En 2009 a eu lieu par exemple une première série de manifestations dans les hautes écoles et les établissements de recherches pour sensibiliser la communauté suisse des chercheurs sur les problèmes du double usage (dual use) de la recherche en biotechnologie. La prochaine étape prévue est d'institutionnaliser ces activités, notamment pour 52

Ne sont pas membres: Israël, Myanmar (Etats signataires), Egypte, Angola, Corée du Nord, Somalie, Syrie (n'ont ni signé ni ratifié).

1139

tenir un engagement fixé par la CIAB, à savoir prévenir la prolifération de matières biologiques.

Avec la mise en service du laboratoire de sécurité à Spiez à fin 2010, la Suisse pourra intensifier ses activités internationales en matière de biosécurité et de coopération. Pour la Suisse, coopérer n'est pas seulement profitable au niveau bilatéral, mais aussi du point de vue de l'architecture multilatérale du désarmement et de la non-prolifération.

Désarmement et prévention de la prolifération des armes conventionnelles Convention de 1980 sur certaines armes classiques et armes à sous-munitions: la Convention de 1980 sur certaines armes classiques (CCAC) constitue le cadre onusien traditionnel basé à Genève, au sein de laquelle a été négociée la majorité des traités de droit international humanitaire relatifs à la limitation de l'emploi ou à l'interdiction d'armement classique. Le dernier instrument en date étant le Protocole V relatif aux restes explosifs de guerre adopté en 2003 et entré en vigueur en 2006.

Depuis, les Etats parties tentent de traiter la problématique des armes à sousmunitions, sans résultats concrets jusqu'à ce jour, bien qu'un groupe d'experts gouvernementaux ait été mandaté chaque année depuis 2008 pour négocier un nouvel instrument sur les armes à sous-munitions. Malgré l'adoption, à l'issue du processus d'Oslo, de la Convention sur les armes à sous-munitions, la Suisse continue de s'engager au sein de la CCAC, car elle inclut l'ensemble des grandes puissances militaires, principales productrices et utilisatrices d'armes à sous-munitions qu'il convient de lier également à des règles spécifiques limitant les effets humanitaires inacceptables causés par l'emploi de ces armes.

Avec l'établissement d'une unité d'appui à l'application de la CCAC en 2009, dont la Suisse était l'une des initiatrices en sa qualité de Présidente de la réunion des Etats parties au Protocole II modifié en 2008, les Etats parties se sont donnés les moyens de faire vivre la CCAC pour que ses dispositions soient plus efficacement mises en oeuvre. Les réunions d'experts décidées annuellement depuis 2008 par les Etats parties, qui s'attèlent à la mise en oeuvre des Protocole II modifié et Protocole V, confirment cette volonté. La Suisse participe régulièrement à ces rencontres d'experts, apportant ainsi
sa contribution à la mise en oeuvre de cette Convention qui constitue un élément important de la place de Genève en tant que centre des activités de désarmement trouvant leur origine dans le droit humanitaire.

Adoptée en 2008 à Dublin par une centaine d'Etats à l'issue d'un processus multilatéral sorti du cadre institutionnel habituel, la Convention sur les armes à sousmunitions (CCM) est entrée en vigueur le 1er août 2010. Aux côtés de la Convention sur l'interdiction des mines anti-personnel, la CCM constitue un des succès les plus marquants de ces dernières années en matière de développement du droit international humanitaire et d'armement conventionnel. La Suisse a contribué à l'adoption de la CCM en assume le rôle de facilitateur sur le thème de l'interopérabilité lors des négociations finales. La Suisse a signé la CCM en décembre 2008 et les services concernés préparent sa ratification, qui nécessite un amendement de la loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre (RS 514.51). Un certain nombre d'aspects ont requis d'amples clarifications, afin que la Suisse, dont l'armée stocke des armes à sous-munitions pour son artillerie, soit à même de mettre en oeuvre chacune des obligations contenue dans la CCM.

1140

Afin que la CCM puisse déployer ses effets au plus vite en protégeant la population civile face aux dommages humanitaires causés par ces armes et en endiguant leur prolifération, la Suisse participe, dans le cadre de son engagement pour la promotion du droit international humanitaire, aux efforts internationaux en la matière. Elle veille aussi à ce que les synergies avec la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel soient exploitées de manière optimale, tout en respectant les différences entre les deux processus. Elle est activement engagée dans les discussions pertinentes au niveau bilatéral, multilatéral ainsi qu'avec les partenaires concernés pour maintenir et renforcer Genève en tant que capitale mondiale du désarmement, y compris dans le domaine spécifique du droit international humanitaire.

La Suisse participera à la première réunion des Etats parties qui aura lieu au Laos en novembre 2010 en tant que pays observateur.

Armes légères et de petit calibre, mines anti-personnel: la thématique des armes légères et de petit calibre ainsi que celle des mines anti-personnel est abordée dans le chapitre «Sécurité humaine/Promotion de la paix» du présent rapport (cf. ch. 4.2.2).

Armes conventionnelles lourdes et mesures de transparence: dans le domaine des armes conventionnelles lourdes, la Suisse soutient les instruments de promotion de la confiance et de la sécurité de l'ONU, de l'OSCE et d'autres structures appropriées, et s'associe à toutes les activités de vérification et de transparence. A ce sujet, la Suisse porte une attention particulière au Registre de l'ONU sur les armes classiques, principal instrument de transparence sur le plan global, dont elle entend soutenir activement la mise en oeuvre.

Sur le plan régional, la Suisse participe activement aux discussions portant sur une possible mise à jour du Document de Vienne de 1999 de l'OSCE, lequel institue les mesures de confiance et de sécurité les plus poussées à ce jour. En ce qui concerne le Traité de 1990 sur les forces conventionnelles en Europe (Traité FCE), la Suisse ne peut que regretter les blocages relatifs à cet instrument, qui reste l'un des piliers de l'architecture de sécurité en Europe. Elle espère qu'une solution permettant l'entrée en vigueur du Traité FCE adapté de 1999, ou la négociation d'un nouveau texte,
pourra être trouvée. Si un tel développement devait se matérialiser, la Suisse étudierait sérieusement la possibilité de se joindre à un tel accord.

Vecteurs et militarisation de l'espace: ces dernières années ont vu la conception, dans divers pays, de nouveaux vecteurs (missiles balistiques et de croisière, avions sans pilote, systèmes anti-balistiques) capables de transporter des charges conventionnelles, mais aussi nucléaires, chimiques et biologiques. La Suisse s'efforce de freiner la dissémination de ces systèmes. Elle soutient les efforts visant à consolider les mécanismes internationaux existants. Ceux-ci restent en effet largement lacunaires à ce stade. Ainsi, le Code de conduite de la Haye contre la prolifération des missiles balistiques, principal instrument de transparence sur le plan global, n'est pas universellement accepté, ni juridiquement contraignant et ne couvre pas toute une catégorie de missiles (soit les missiles de croisière).

La destruction volontaire de satellites en orbite à l'aide d'intercepteurs lancés depuis la Terre est venue illustrer ces deux dernières années les menaces posées à la sécurité du milieu spatial et a démontré que des Etats travaillent à la conception d'armes anti-satellites. Tout conflit dans l'espace aurait un impact sérieux sur l'ensemble de la communauté des nations, leurs effets ne pouvant être circonscrits. En effet, la création de débris spatiaux rendrait inutilisable des orbites entières pour des générations, remettant en cause la fourniture de services devenus aujourd'hui essentiels.

1141

Par conséquent, la Suisse soutient les efforts internationaux visant à restaurer la confiance et la transparence en matière d'utilisation de l'espace, et à prévenir que des conflits y soient menés. Les avancées dans ce domaine sont malheureusement en partie entravées par les blocages à la CD, instance chargée de traiter de la prévention du placement d'armes dans l'espace.

Contrôles aux exportations Armes de destruction massive: la Suisse prend part à l'ensemble des régimes de contrôle aux exportations relatifs aux armes de destruction massive et à leurs vecteurs, soit le Groupe des pays fournisseurs nucléaires (NSG), le Groupe d'Australie (traitant des biens biologiques et chimiques) et le Régime de contrôle de la technologie des missiles (MTCR). Ces différents régimes, qui regroupent tous environ une quarantaine de pays, sont des mécanismes essentiels à la prévention de la prolifération des armes de destruction massive. Dans ce cadre, les Etats participants cherchent à harmoniser leurs contrôles aux exportations de façon à les unifier autant que possible et à les rendre plus efficaces. Il en résultera une certaine cohérence des efforts de non-prolifération des pays fournisseurs.

Au sein du NSG, la Suisse s'engage afin que ce mécanisme maintienne des règles rigoureuses et non-discriminatoires pour l'exportation des biens nucléaires proprement dits ou des biens à double usage. En même temps, la Suisse cherche à s'assurer que les conditions d'exportation définies par le NSG n'entravent pas son accès à la technologie nucléaire à des fins d'utilisation pacifique et que les contrôles à l'exportation ne servent de prétexte à défendre des intérêts commerciaux. En tant que membre du Groupe d'Australie (41 Etats, la plupart industrialisés), la Suisse s'engage activement dans les discussions sur la prévention de la prolifération d'agents et de produits chimiques et biologiques.

La prolifération des missiles et des aéronefs sans pilote fait du MTCR un mécanisme plus important que jamais. Celui-ci est confronté à de nouveaux développements, notamment la globalisation de l'économie, de l'émergence de nouveaux acteurs dans le domaine balistique et la rapidité des évolutions technologiques. La Suisse veille à ce que ce régime reste aussi pertinent que possible, afin qu'il soit en mesure de répondre aux défis
d'aujourd'hui. Dans ce contexte, la Suisse a constaté la tendance au sein du MTCR de mettre de plus en plus l'accent sur le danger émanant de certains Etats et de groupes terroristes susceptibles d'utiliser des systèmes d'aéronefs sans pilote pour délivrer des armes de destruction massive. Par conséquent, le MTCR cherche à mieux contrôler ces systèmes et leurs composants. L'exercice est par définition ardu, car la technologie pertinente est la même que celle pour l'aviation civile. De plus, il existe des réticences de soumettre aux contrôles aux exportations certaines technologies clés pour l'aviation commerciale. De nouveaux contrôles auraient un fort impact sur certains secteurs de l'industrie suisse, notamment sur des fabricants de composants et de sous-composants.

Armes conventionnelles: en 2010, la Suisse assure la présidence de la session plénière de l'Arrangement de Wassenaar, qui contrôle l'exportation d'armements conventionnels et des biens à double usage pouvant servir à leur fabrication et qui regroupe actuellement 40 Etats. La Suisse s'engage pour la poursuite de l'harmonisation des contrôles aux exportations et la transparence entre membres de l'Arrangement.

Depuis son lancement en 2006, la Suisse soutient activement l'initiative visant à l'élaboration d'un traité sur le commerce des armes. Un tel instrument pourrait en 1142

effet aider à prévenir des transferts d'armes dans les cas où, par exemple, ceux-ci pourraient engendrer des violations du droit humanitaire ou saper la démocratie et l'état de droit. La Suisse a ainsi participé à un groupe d'experts gouvernementaux de l'ONU en 2008 ayant pour fonction de mieux définir la problématique. Elle ne peut donc que se réjouir du fait que l'Assemblée générale de l'ONU ait décidé lors de sa dernière session d'organiser en 2012 une conférence en vue d'élaborer un instrument juridiquement contraignant relatif au transfert d'armes classiques. Disposant d'une législation particulièrement pointue en la matière, la Suisse va chercher à promouvoir l'élaboration d'un traité robuste, que ce soit par rapport à sa portée, ses paramètres ou aux principes sur lesquels ils s'appuient.

4.5.3

Vers une politique plus active en matière de la maîtrise des armements, de désarmement et de non-prolifération

La thématique du désarmement et de la maîtrise des armements est caractérisée à la fois par de complexes défis et par la possible émergence de nouvelles opportunités permettant des avancées longtemps souhaitées. Si la Suisse a été particulièrement active dans les domaines liés au désarmement humanitaire ou à la promotion de la sécurité humaine, ceci ne s'applique pas à la thématique du désarmement dans son ensemble. Il s'agit maintenant de corriger cet état de fait en investissant davantage à l'avenir dans ce domaine.

Au vu de ces constats, un engagement plus marqué de la Suisse dans le domaine du désarmement s'avère nécessaire et opportun. Ceci relève tout d'abord de son intérêt propre. En effet, des avancées dans le domaine du désarmement auraient pour effet de renforcer sa sécurité et de contribuer à la stabilisation de la région dans laquelle elle se trouve. Ces avancées contribueraient également à une stabilisation de l'environnement global, dont la prospérité de la Suisse dépend de manière grandissante. De plus, la Suisse est particulièrement bien positionnée pour jouer un rôle marqué dans ce domaine. Elle a une solide expérience en matière de bons offices et d'initiatives diplomatiques, et entretient de bonnes relations avec pratiquement tous les pays, y compris avec les grandes puissances. Sa tradition humanitaire et sa neutralité perpétuelle sont synonymes de non-agression et de non appartenance à des alliances militaires. En outre, la Suisse n'est pas dotée d'armes de destruction massive et soutient une doctrine de l'emploi défensif de la force armée.

Ainsi, la Suisse renforcera son engagement dans le domaine du désarmement, de la non-prolifération et de la maîtrise des armements. Comme le Conseil fédéral l'a indiqué dans son rapport sur la politique extérieure 2009 et son rapport sur la politique de sécurité 2010, le désarmement nucléaire constituera un axe prioritaire.53 La Suisse cherchera également à renforcer ses activités eu égard aux autres principaux dossiers de désarmement et à contribuer au déblocage des mécanismes de désarmement, notamment dans l'optique de renforcer la place occupée par Genève dans ce domaine. Les moyens financiers y relatifs proviendront du crédit-cadre pour la promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme.54 53 54

Rapport sur la politique extérieure 2009, FF 2009 5673 5677.

Arrêté fédéral concernant l'ouverture d'un crédit-cadre pour la continuation de mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme du 4 mars 2008, FF 2008 2271.

1143

4.6

Politique extérieure en matière d'environnement

La politique extérieure en matière d'environnement n'a cessé de gagner en importance ces dernières années. Le changement climatique d'origine humaine, la raréfaction des ressources hydriques, la désertification rampante et la perte concomitante de terres agricoles, le recul de la biodiversité et l'augmentation des événements météorologiques extrêmes se répercutent immédiatement sur le bien-être de la population mondiale. Ces tendances environnementales négatives ont des conséquences lourdes, en particulier dans les pays les plus pauvres. Elles entraînent des tensions sociales et des mouvements migratoires et grèvent aussi le développement économique.

C'est pourquoi la politique étrangère suisse s'engage pour un usage durable des ressources naturelles. Elle se concentre davantage sur les domaines où il est urgent de réaliser des progrès au niveau mondial, soit, actuellement, tout d'abord la biodiversité et le climat.

4.6.1

Biodiversité

L'Assemblée générale des Nations Unies a déclaré 2010 Année internationale de la biodiversité, pour souligner que son maintien était ­ avec le changement climatique ­ le défi environnemental le plus important auquel fait face la communauté des Etats. En 2002, au Sommet mondial du développement durable à Johannesburg, la communauté internationale s'était engagée à réduire sensiblement le recul de la diversité biologique jusqu'en 2010, décision qui constituait un jalon historique en matière de protection de la biodiversité. A ce jour, cependant, ce recul n'a pu être stoppé, car souvent les moyens financiers nécessaires ont fait défaut au niveau international.

La Suisse se mobilise activement pour le maintien de la biodiversité. Au niveau national, elle est en train d'élaborer une stratégie pour la biodiversité. Au niveau international, elle s'engage surtout dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique. La dixième réunion de la Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique a eu lieu en octobre 2010 à Nagoya, au Japon. A cette occasion, un Plan stratégique 2020 a été adopté pour protéger les écosystèmes et enrayer l'érosion de la biodiversité. De plus, pour la première fois, une rencontre de haut niveau sur la biodiversité a été organisée entre les chefs d'Etat et de gouvernement, en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies de 2010, et la Suisse y a participé.

L'un des buts principaux de la Convention sur la diversité biologique est le partage équitable et équilibré des bénéfices résultant de l'exploitation des ressources génétiques. La Suisse s'investit pour que les négociations en cours aboutissent à la conclusion d'un protocole additionnel à la Convention et que l'accès et le droit à l'exploitation des ressources génétiques soient réglés clairement. Elle participera en outre activement à l'élaboration d'un programme stratégique censé assurer la mise en oeuvre de la Convention pendant la prochaine décennie.

1144

4.6.2

Politique extérieure en matière climatique

En décembre 2009, la Conférence de l'ONU sur le climat de Copenhague n'a pas répondu aux grands espoirs de la communauté internationale: le but, à savoir l'adoption d'un nouveau régime sur le climat pour l'après-2012, c'est-à-dire après l'échéance de la première période d'engagement prévue par le Protocole de Kyoto, n'a pu être atteint, faute de consensus. Après que les négociations entre experts aient achoppé sur des questions fondamentales, un consensus minimal a pourtant été dégagé au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement. Entre-temps, plus de 130 Etats, dont la Suisse, se sont associés à l'Accord de Copenhague.

Les buts fixés dans l'Accord de Copenhague (limitation de la hausse de la température mondiale moyenne à 2° C au maximum par rapport à l'ère préindustrielle, arrivée le plus tôt possible au pic et à l'inversion de tendance pour les émissions de gaz à effet de serre) vont certes dans la bonne direction, mais ne sont pas juridiquement contraignants. Pour les atteindre, il faut en outre des accords supplémentaires concernant les mesures requises et la répartition des charges. La Suisse estime donc qu'il est extrêmement important que la politique mondiale du climat soit dotée d'un régime de droit international public contraignant et efficace pour la période après 2012. L'Accord de Copenhague fixe néanmoins des buts ambitieux pour ce qui est du soutien des Etats industrialisés aux pays en développement d'ici 2012, 30 milliards de dollars seront mis à disposition par des fonds publics et privés, montant qui devrait passer à 100 milliards de dollars par an d'ici 2020.

Bases scientifiques de la politique du climat En 2007, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), un organe onusien, a reçu avec l'ancien vice-président américain Al Gore le prix Nobel de la paix pour ses efforts en vue de diffuser les connaissances sur le changement climatique et de jeter les bases des mesures destinées à y remédier. La même année, dans son quatrième rapport d'évaluation, le GIEC révélait que le phénomène du réchauffement global était un fait établi et est dû, avec une haute probabilité, à l'activité humaine. Ce rapport signale que faute d'une réduction sensible des rejets actuels de gaz à effet de serre, la température moyenne continuera à augmenter dans le monde, avec des
conséquences telles que la montée du niveau des mers, une désertification accrue et l'augmentation des événements météorologiques extrêmes.

A l'occasion de la Conférence de l'ONU sur le climat de Copenhague, certaines déclarations du rapport du GIEC ont été mises en cause. Il s'agissait principalement de la poursuite de la fonte des glaciers dans l'Himalaya. Les déclarations centrales du rapport quant aux conséquences à long terme du changement climatique ne sont pourtant pas contestées, car la nécessité d'agir postulée par le GIEC repose sur des bases scientifiques solides. Une institution indépendante a cependant été chargé d'étudier comment le travail du GIEC peut encore être amélioré. Le rapport d'évaluation affirme que le GIEC doit améliorer sa façon de travailler; et qu'il devrait, entre autres, avoir un management plus efficace et plus transparent dans son travail d'évaluation scientifique. Le rapport affirme en même temps que les résultats du travail du GIEC, c'est-à-dire ses rapports périodiques, reflètent correctement les dangers posés par les changements climatiques.

Le GIEC poursuit parallèlement les travaux pour son prochain rapport d'évaluation, le cinquième, qui devrait paraître en 2015. La Suisse s'y implique activement. En 1145

tant que co-président du GIEC, le professeur Thomas Stocker, de l'Université de Berne, dirigera celui des trois groupes de travail qui se penche sur les aspects scientifiques et techniques du réchauffement climatique.

Poursuite de la voie choisie En décidant de s'associer à l'Accord de Copenhague ­ et par là-même aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ­, le Conseil fédéral a confirmé la politique qu'il poursuit au niveau national et international pour lutter contre le changement climatique. La Suisse est prête à fournir sa contribution pour résoudre le problème. Pays alpin situé au centre du continent européen, elle est particulièrement exposée au réchauffement climatique.

La Suisse a du même coup tout intérêt à ce qu'une lutte ciblée et planétaire soit menée contre le changement climatique. Aucun Etat ne pouvant résoudre le problème tout seul, il reste nécessaire que l'ensemble de la communauté des Etats y apporte une réponse coordonnée. La Suisse mise donc sur la poursuite des négociations internationales dans le cadre des Nations Unies et de leur Convention-cadre sur les changements climatiques. La prochaine étape est la conférence des Etats parties de fin 2010 à Cancún (Mexique). On en attend de nouveaux progrès en direction d'un régime contraignant, qui astreigne tous les Etats membres de l'OCDE et les grands pays en développement (les pays émergents, en particulier) à limiter et réduire, selon leurs capacités, leurs émissions de gaz à effet de serre.

La Suisse est également en faveur d'un débat sur les questions climatiques dans d'autres organisations, telles que l'OCDE ou le G20, dans l'optique que ces réflexions nourrissent ensuite les négociations relatives à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Le but reste une solution globale via une convention de droit international public.

La politique climatique internationale de la Suisse est coordonnée par l'Office fédéral de l'environnement. Ce dernier préside le Comité interdépartemental Climat (CI Climat), et ceci en collaboration étroite avec tous les offices fédéraux impliqués.

La position suisse sur les nombreux sujets en discussion dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (UNFCCC) et dans d'autres forums est élaborée dans le groupe
«aspects internationaux» du CI Climat.

Vu l'importance de ce processus pour la politique étrangère de la Suisse, le DFAE (DP V) assume la co-présidence de ce groupe.

La Suisse est également active hors des forums multilatéraux. Ainsi, la DDC a fait du changement climatique le centre de l'un de ses programmes globaux. Elle mène des programmes climatiques spécifiques dans divers pays. Dans certains d'entre eux, comme l'Inde, la problématique du climat constitue même la pierre angulaire de la coopération bilatérale (cf. ch. 4.4). Dans le cadre de la coopération et du développement économiques, le SECO intensifie lui aussi ses efforts de longue date visant à protéger le climat. Il s'attache à promouvoir l'efficacité énergétique et l'emploi d'énergies renouvelables, mais aussi les transferts de technologie et la gestion durable des forêts tropicales. Il participe par ailleurs à l'élaboration des programmes de protection du climat lancés par les banques de développement. Depuis décembre 2009, la Suisse est en outre membre de l'Alliance globale pour la recherche en matière de réduction des gaz à effet de serre provenant de l'agriculture (Global Research Alliance on Agricultural Greenhouse Gases), qui a pour but d'encourager la coopération internationale dans le domaine de la recherche publique et privée, afin 1146

de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à l'augmentation de la séquestration du carbone dans l'agriculture. La Suisse y est représentée par l'Office fédéral de l'agriculture et l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich.

Enjeux et perspectives La lutte contre les changements climatiques et l'adaptation à ses conséquences déjà inévitables placent la communauté des Etats devant un immense problème, qui nécessite une réponse globale. Le Sommet de Copenhague sur les changements climatiques a montré la difficulté qu'il y a à relier entre elles des questions complexes, issues de domaines politiques très divers, et à élaborer des solutions acceptables par l'ensemble de la communauté. Malgré l'urgence d'agir, trouver rapidement un consensus s'avère extrêmement ardu, face aux attentes très diverses quant à un futur régime mondial du climat. Les chances de succès des négociations internationales dépendent aussi de la mesure dans laquelle la communauté des Etats réussira à restaurer la confiance dans le multilatéralisme, qui est la base d'une action globale en matière climatique.

Le but de la Suisse est et reste de participer de manière constructive à la formulation d'un nouveau régime mondial du climat. Elle le fait aussi dans son propre intérêt. Le calendrier reste un facteur essentiel: plus on retarde les mesures nécessaires, plus il sera difficile de limiter, de manière supportable, la hausse globale de la température et d'en limiter au maximum les coûts pour la société. La Suisse est directement touchée par les changements climatiques. En tant que membre de la communauté internationale, dont l'économie est fortement mondialisée, elle a un très grand intérêt à contribuer à la solution du problème, et ceci à tous les niveaux.

4.7

Politique énergétique extérieure

Tendances et évolution Le contexte international, qui influe la politique extérieure de la Suisse en matière d'énergie, s'est distingué ces dernières années par un dynamisme vigoureux et a subi de profonds changements. Les moteurs (souvent interdépendants) de cette évolution sont de nature aussi bien économique que géopolitique ou environnementale, avec des conséquences multiples: volatilité accrue des prix du pétrole et de la plupart des autres agents énergétiques, déplacement de la croissance de la demande vers les pays émergents (en particulier la Chine et l'Inde), d'où une compétition internationale accrue autour des ressources énergétiques, problématique de la sécurité de l'approvisionnement (consommateurs) et de la stabilité de la demande (producteurs), désaccord entre producteurs et consommateurs quant à la conception et au financement d'un système énergétique mondial solide, nécessité d'investissements massifs dans les infrastructures, obligation d'innover en matière de nouvelles technologies de production d'énergie, création ou réorientation d'institutions internationales. Dans pareil contexte, la question d'une gouvernance mondiale de l'énergie, c'est-à-dire d'une instance mondiale qui veille à l'ordre dans le domaine énergétique, se repose avec plus d'acuité, même s'il ne faut pas s'attendre à une réponse satisfaisante avant longtemps.

Au niveau européen, il convient de relever que l'Union européenne a gagné en importance en tant qu'acteur de la politique énergétique du fait de la création du marché intérieur de l'énergie.

1147

Stratégie de la Suisse Vu ce qui précède, le Conseil fédéral a défini en février 2008 les trois buts principaux de sa stratégie de politique énergétique extérieure: la sécurité de l'approvisionnement, la rationalité économique et le respect de l'environnement. Il entend ainsi mettre en place une politique énergétique extérieure forte et engagée, qui permette à la Suisse de défendre son point de vue dans les décisions internationales concernant l'énergie. La mise en oeuvre ciblée de cette stratégie sera assurée comme suit.

Négociations avec l'UE: ces dernières années, l'UE a créé un marché intérieur de l'énergie. De par les interdépendances physiques et économiques des marchés de l'énergie, la Suisse est touchée directement par l'évolution européenne. Il y a donc un intérêt réciproque à une harmonisation étroite des politiques suisse et européenne en matière d'énergie. Etant donné le rôle de plus en plus actif de l'UE en Europe, la Suisse tend cependant à perdre actuellement son droit de parole, en particulier auprès des organes chargés de l'énergie, qui relèvent de la compétence de l'UE.55 Entamées en 2007, les négociations entre la Suisse et l'UE dans le domaine de l'électricité se déroulent dans un contexte très dynamique: d'une part l'UE a développé l'acquis communautaire dans deux secteurs importants depuis le début des négociations et entend les poursuivre sur la base de la nouvelle législation;56 de l'autre, l'intégration des politiques énergétique et climatique, du côté européen, complique la limitation du champ de négociation au domaine de l'électricité. En septembre 2010, le Conseil fédéral a donc adapté le mandat de négociation de la Suisse à la nouvelle donne. Il en a profité pour, dan le même temps, élargir le focus concernant la portée de l'accord visé. Il ne doit plus seulement se limiter au domaine de l'électricité, mais concerner l'ensemble du domaine de l'énergie. Au vu de l'évolution dynamique du domaine de l'énergie dans l'UE et afin d'intégrer la Suisse de manière optimale dans la future architecture de l'Europe de l'énergie, il convient de viser un accord autonome et extensible sur l'énergie qui sera étendu par la suite à d'autres domaines dans le cadre de nouvelles négociations. Les extensions concernent notamment l'efficacité énergétique (p. ex. harmonisation des prescriptions
de consommation pour les appareils électriques), la participation de la Suisse au plan stratégique pour les technologies énergétiques (plan SET) ainsi qu'aux mesures relatives aux infrastructures énergétiques de l'UE et l'intégration de la Suisse aux mécanismes de l'UE pour la résolution des crises en matière d'approvisionnement en gaz, Avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l'UE a gagné de nouvelles compétences en matière de politique énergétique.57 Un chapitre y est consacré pour la première fois à la politique énergétique communautaire. Les objectifs ambitieux

55

56 57

Par exemple la nouvelle autorité faîtière de régulation Agence de coopération des régulateurs d'énergie (ACER) et l'Union européenne des exploitants du réseau de transport ­ Electricité (ENTSO-E).

Troisième paquet de libéralisation du marché de l'énergie et nouvelle directive sur les énergies renouvelables.

Les Etats membres conservent cependant le contrôle de l'exploitation des ressources énergétiques nationales ainsi que le choix des sources d'énergie et de la structure de la desserte nationale. Elles continuent à avoir le droit d'édicter des mesures nationales pour assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique.

1148

«20-20-20»58 soulignent encore le rôle central que l'UE prend dans le domaine énergétique par son activité législative, ce qui n'est pas sans avoir des conséquences pour la Suisse. Notre pays se voit par exemple attribuer le rôle de fournisseur d'électricité de pointe à court terme pour le marché intérieur européen, où la part de l'électricité d'origine éolienne ou solaire, donc irrégulière, augmentera.

A moyen terme, l'un des plus grands défis auquel l'UE fait face est la sécurité de l'approvisionnement, raison pour laquelle elle prend par exemple des mesures pour améliorer la sécurité de son approvisionnement en gaz, vu les crises répétées des dernières années. Outre la diversification de ses fournisseurs de gaz et voies d'approvisionnement, la Suisse vise aussi l'intégration au système européen de gestion des crises du gaz. A cet égard, la possibilité de coopérer avec le Gas Coordination Group, créé spécialement par l'UE pour les situations de crise, revêt une importance particulière.

A l'horizon 2050, l'UE se propose d'avoir réduit de 80 % ses émissions de gaz à effet de serre. Dans le cadre de l'accord bilatéral sur la recherche, la Suisse participe au 7e Programme-cadre de recherches sur l'énergie et, en tant qu'observatrice, au Plan stratégique européen pour les technologies énergétiques. Il s'agit là d'instruments essentiels de pilotage pour mettre au point des technologies économes en CO2 et de nouvelles infrastructures de réseau, y compris les smart grids59 censés contribuer à la réalisation de la vision européenne. Il sera décisif pour la Suisse de s'impliquer désormais non seulement en matière de recherche, mais aussi d'investissements dans les réseaux au niveau européen. Pour toutes ces raisons, il importe qu'à l'avenir, la Suisse aligne davantage sa politique énergétique extérieure sur l'UE, qui est un acteur clé de cette politique.

Coopération avec les organisations internationales: au fur et à mesure que la mondialisation avance, il devient indispensable pour la Suisse de collaborer avec les organisations internationales influentes dans le secteur de l'énergie. La Suisse a tout intérêt à ce que la politique énergétique mondiale soit élaborée par des organes multilatéraux dans lesquels elle a voix au chapitre en qualité de membre. C'est grâce à de telles institutions qu'elle peut
se faire entendre dans les questions énergétiques de portée géopolitique.

La Suisse s'engage en particulier pour que les institutions multilatérales centrales ­ soit l'Agence internationale de l'énergie à Paris (AIE), l'Agence internationale de l'énergie atomique à Vienne (AIEA) et la Charte européenne de l'énergie à Bruxelles ­ gagnent encore en poids et continuent à être renforcées. Scellée le 13 mai 2009 par la décision du Conseil fédéral de signer les statuts, l'adhésion de la Suisse à l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) à Abu Dhabi correspond elle aussi à l'orientation stratégique de notre politique énergétique extérieure. Cette organisation contribuera à promouvoir les énergies renouvelables dans le monde entier, en particulier dans les pays en développement, et pourrait améliorer

58

59

Jusqu'en 2020: 20 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre (par rapport à 1990), 20 % d'amélioration de l'efficacité énergétique, 20 % d'énergies renouvelables dans la production d'énergie.

Réseaux «intelligents», qui tiennent compte non seulement des exigences du passage aux marchés libéralisés et aux structures décentralisées de la production d'électricité, ainsi qu'aux énergies renouvelables (volatiles) et à l'électromobilité, mais assurent aussi un degré élevé de rentabilité, de sécurité de l'approvisionnement et de respect de l'environnement.

1149

à long terme la sécurité de l'approvisionnement énergétique de la Suisse. La ratification par le Parlement de l'adhésion de la Suisse a eu lieu en septembre 2010.

De plus, la Suisse envisage d'adhérer au Forum international de l'énergie (IEF), qui constitue le seul rendez-vous mondial des ministres de l'énergie. L'ordre du jour porte sur la sécurité de l'approvisionnement, la durabilité et la pauvreté énergétique.

L'IEF a d'autres activités permanentes importantes, comme d'améliorer la transparence des données pétrolières ou d'envisager des mesures pour atténuer la volatilité du prix du pétrole. La Suisse participe régulièrement aux rencontres ministérielles de l'IEF depuis 2002.

Relations bilatérales avec les pays voisins et avec des pays tiers sélectionnés: la Suisse entretient des contacts réguliers avec tous les pays voisins, tant au niveau du Conseil fédéral qu'à celui des directeurs d'office. La palette des sujets abordés et des domaines de collaboration est vaste et couvre les domaines de l'électricité et du gaz, du transport et du commerce de l'énergie, de la promotion des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique, ou encore de la recherche. Les relations avec les membres de l'UE sont conçues de façon à soutenir les efforts de la Suisse pour défendre ses intérêts énergétiques vis-à-vis de l'Europe. Pour cela, il faut tenir compte de l'influence de tel pays dans le concert de l'UE et du degré de convergence de ses intérêts avec ceux de la Suisse. La qualité des relations bilatérales avec les membres de l'UE prend une importance particulière lorsque la mise en oeuvre de la politique énergétique européenne affecte les intérêts suisses.

La sécurité de l'approvisionnement en énergie d'origine fossile peut être améliorée en diversifiant autant que possible les sources énergétiques et les voies de transport.

La Suisse entend donc développer et consolider des partenariats avec des pays tiers sélectionnés qui produisent ou font transiter des agents énergétiques fossiles, ou qui s'engagent dans la promotion des énergies renouvelables, de l'efficacité énergétique et de la recherche en la matière. La Norvège, l'Azerbaïdjan, la Turquie, la Russie, l'Algérie et les Emirats Arabes Unis revêtent à ce titre un intérêt particulier.

Avec la Norvège, membre de l'EEE, la Suisse conduit un
dialogue énergétique qui lui permet de profiter des expériences de ce pays avec l'acquis communautaire, qu'il a largement repris en la matière. Des Memoranda of Understanding portant sur une coopération plus étroite dans le domaine énergétique ont pu être signés ces dernières années avec l'Azerbaïdjan (2007), les Emirats arabes unis et la Turquie (tous deux en 2009). L'ouverture d'un corridor sud de transport de gaz naturel, c'est-à-dire d'un gazoduc reliant la région du Caucase, l'Asie centrale et le Moyen-Orient avec l'Europe, revêt une haute importance pour la Suisse. On assiste actuellement à une véritable course à son ouverture.

Il faut cependant admettre qu'en fin de compte, et pour deux raisons, seule une partie des projets concurrents sera réalisée.

1.

Faute d'investissements dans les infrastructures de production et de transport, et à cause de la demande croissante de la Chine et de l'Inde, les quantités de gaz naturel exportables de cette région du monde en Europe sont limitées.

2.

La capacité cumulée des gazoducs projetés dépasserait probablement la demande européenne en gaz naturel transporté de la sorte. A moyen terme, en effet, cette demande pourrait stagner, car la technologie du transport maritime de gaz naturel liquéfié fait des progrès rapides et, pour la produc-

1150

tion d'électricité ou de chaleur, le gaz naturel sera de plus en plus remplacé par les technologies dites vertes.

L'un de ces projets est le TAP (Trans Adriatic Pipeline), dont la construction et l'exploitation sont prévues par la société suisse EGL et ses partenaires Statoil (Norvège) et E.ON Ruhrgas (Allemagne). Dans le cadre de sa politique énergétique extérieure, la Suisse soutient officiellement le projet TAP, vu qu'il peut représenter une contribution importante à la diversification et à la sécurité de son approvisionnement en gaz.

Le TAP doit permettre d'acheminer dès 2015 du gaz de la région du Caucase par la Turquie, la Grèce et l'Albanie jusqu'en Italie, et à terme, éventuellement, jusqu'en Suisse. Le gazoduc commencerait à proximité de la ville grecque de Thessalonique.

Comme il est prévu d'utiliser les gazoducs turcs existants pour la traversée de l'Asie mineure ­ des négociations sont actuellement en cours avec l'exploitant turc BOTAS ­, la longueur totale du TAP ne serait que de 520 km, ce qui représente un avantage par rapport aux projets concurrents, nettement plus longs, puisque les coûts de construction et d'entretien seraient plus faibles. En outre, le tracé prévu pour traverser l'Adriatique d'Albanie en Italie est la ligne idéale à divers points de vue (longueur, géologie). Autre avantage: la capacité du gazoduc (10 milliards de m3 par an au début, extension possible à 20 milliards) est sans doute plus proche des réalités du marché que les projets concurrents, nettement plus ambitieux. Le TAP passe ainsi pour le projet le plus solide, techniquement et économiquement parlant.

En 2008, le chef du DFAE a assisté à Téhéran à la signature d'un contrat de fourniture de gaz entre EGL et la société iranienne NIGEC. Ce contrat ne tombe certes ni sous l'ancien, ni sous le nouveau régime de sanctions de l'ONU contre l'Iran adopté par le Conseil de sécurité le 9 juin 2010 (résolution 1929), mais les mesures de sanction prises unilatéralement par divers pays pourraient en compliquer la mise en oeuvre.

Coopération au développement: à l'avenir, la coopération suisse au développement aussi tiendra davantage compte des questions énergétiques. Elle entend contribuer, dans le cadre des programmes multilatéraux des banques de développement et des projets bilatéraux, à ce que les pays en
transition et en développement utilisent plus efficacement l'énergie, qu'ils recourent davantage aux énergies renouvelables et qu'ils remplacent les installations de production énergétique dommageables pour le climat. La Suisse participe par exemple aux fonds d'investissement climatique lancés en 2008 par la Banque mondiale en contribuant au programme de promotion des énergies renouvelables dans les pays en développement les plus pauvres.

Perspectives d'avenir Pour la Suisse, les principaux défis à relever ces prochaines années dans le domaine énergétique seront la demande croissante (en particulier d'électricité), la forte dépendance vis-à-vis des importations, dans un contexte de concurrence accrue pour l'obtention des ressources, enfin le changement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre. On constate aussi une redistribution des influences parmi les différents partenaires en matière d'énergie, ce qui exige une concentration plus forte sur l'UE et un engagement accru auprès des principaux acteurs multilatéraux de la politique énergétique. Les relations bilatérales avec les pays voisins et des pays tiers sélectionnés gardent cependant une importance capitale pour la diplomatie en matière d'énergie. Pour gagner en influence et défendre convenablement les intérêts de la 1151

Suisse, les diplomates doivent rencontrer une foule d'acteurs aux niveaux bi et multilatéral. Enfin la Suisse entend contribuer à résoudre de façon satisfaisante la question d'une bonne gouvernance mondiale en matière d'énergie.

4.8

Politique extérieure en matière de santé

Défis globaux La santé a gagné en importance sur l'agenda international depuis une dizaine d'années. Le rôle du facteur santé, notamment lorsqu'il est question de développement, de stabilité et de prospérité d'un pays, est aujourd'hui universellement reconnu et revêt de plus en plus un caractère de bien public. La santé commence dès lors à avoir sa place comme élément constitutif de la politique étrangère des Etats et la Suisse joue à ce titre un rôle pionnier. Diverses initiatives sont menées pour renforcer la présence de la santé dans les arènes internationales. A titre d'exemple, le thème de la santé mondiale est abordé dans certaines enceintes onusiennes, comme l'ECOSOC, le Conseil des droits de l'homme ou l'Assemblée Générale. Dans cette dernière instance, le thème de la santé mondiale et de la politique étrangère figure de manière permanente à l'ordre du jour, et le Secrétaire général de l'ONU a présenté fin 2009 un rapport sur le sujet.

Du fait de la mondialisation et de l'interdépendance grandissante, la manière d'appréhender les questions de santé est en train de changer. Une coopération internationale accrue est nécessaire pour faire face aux défis comme le sida, l'épidémie de SRAS ou plus récemment la pandémie de grippe H1N1. Les questions de santé ne sont plus abordées uniquement sous l'angle technique, ni exclusivement au niveau national, mais de plus en plus au travers d'une approche interdisciplinaire et internationale. De plus, des réseaux originaux sont mis sur pied, comme par exemple la Déclaration d'Oslo. Celle-ci, signée par sept pays de tous les continents,60 a pour particularité de regrouper au sein d'une «bridge building coalition» les ministres des affaires étrangères de pays aux intérêts très divers, dans le but de donner une place de choix à la santé sur l'agenda international.

La santé occupe également une place grandissante au sein de la politique de développement. Le paysage international de la santé se caractérise enfin par la présence de très nombreux acteurs représentant une palette d'intérêts forts variés. Outre l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), nombre d'institutions étatiques, privées ou mixtes ont fait leur apparition. Elles ont, grâce à leur puissance financière parfois très importante, rapidement gagné en influence sur la scène internationale (Fondation
Bill and Melinda Gates, Fonds Mondial de lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme, U.S. President's Emergency Plan for Aids Relief, U.S. President's Malaria Initiative, etc.). L'architecture globale dans le domaine de la santé est dès lors devenue plus complexe et la gouvernance au niveau mondial plus ardue.

Face à cette complexité des structures et des acteurs, la Suisse a défini dès 2006 des lignes directrices de politique extérieure en matière de santé. Dans ce cadre, une convention d'objectifs a été conclue entre le DFI et le DFAE qui vise à coordonner les efforts des différents acteurs nationaux pour une plus grande cohérence de l'action de la Suisse dans l'arène internationale. Il s'agit en l'occurrence de veiller à 60

France, Norvège, Afrique du Sud, Brésil, Indonésie, Thaïlande et Sénégal.

1152

coordonner les politiques de santé nationale et internationale, à augmenter l'efficience de la coopération internationale en matière de santé et à renforcer le rôle d'Etat hôte et de site d'implantation d'organisations et d'entreprises clés dans le secteur de la santé. Cette convention d'objectifs ­ unique en son genre ­ a attiré l'attention à l'étranger et notamment à l'ONU où elle est citée comme exemple pionnier dans un des rapports du Secrétaire général.61 Elle sera actualisée en 2012.

Actions des instances multilatérales en matière de santé Organisation mondiale de la Santé (OMS): la Suisse participe de manière active aux travaux de l'OMS, qu'elle considère comme l'agence clé et la plateforme internationale la plus importante pour les questions de santé. Les implications de la réforme de l'ONU («One-UN») sur l'OMS ainsi que la thématique du rôle à long terme de l'organisation, du fait de la multiplicité des intervenants dans le domaine de la santé, seront des points cruciaux pour la Suisse. La Suisse est également impliquée dans le débat sur la gouvernance mondiale de la santé, notamment en organisant des réunions des acteurs clés de ce domaine. La Suisse est en outre candidate au Conseil exécutif de l'OMS pour la période 2011 à 2013 et souhaite, si elle est élue, être active sur cette question.

Le thème de la pandémie de grippe H1N1 a dominé les travaux au sein de l'OMS en 2009. La Suisse a participé aux efforts de solidarité internationale en versant à l'OMS une contribution de 5 millions de francs en faveur du plan mondial contre la pandémie. Elle s'est par ailleurs associée à l'initiative de dons de vaccins lancée par le président américain Obama en faveur des pays en développement et a fait don à l'OMS, dans ce cadre, d'un dixième de ses commandes de vaccins. La pandémie a donné par ailleurs une nouvelle dimension aux négociations à l'OMS sur l'échange des virus grippaux et l'accès aux vaccins. La Suisse continue dans ce contexte à oeuvrer pour un système international transparent sous l'égide de l'OMS, afin de pouvoir faire face rapidement et efficacement aux pandémies de grippe.

Face à la pénurie mondiale de personnel de santé, estimée actuellement à plus de 4 millions de personnes, les Etats membres de l'OMS ont adopté en mai 2010 un code de pratique mondial pour le recrutement
international des personnels de santé. Ce code, bien que non-contraignant incite les Etats à promouvoir des principes éthiques pour le recrutement international de façon à renforcer les systèmes de santé des pays en développement. Il recommande notamment aux Etats de ne pas recruter dans les pays les plus défavorisés en matière de personnel de santé, d'améliorer les conditions de travail du personnel de santé migrant, de faire appel le plus possible aux ressources humaines domestiques et d'améliorer la collecte de données. £Dans le cadre de sa politique extérieure de santé la Suisse a mis sur pied dès 2008 un groupe de travial interdépartemental sous l'égide de l'OFSP afin de préparer la mise en oeuvre de ce Code. D'ici à 2012 un rapport devra être envoyé à l'OMS sur la situation prévalant en Suisse.

Lutte contre le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose: au niveau multilatéral, la Suisse soutient le Fonds mondial de lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme, ainsi que le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA). Grâce aux programmes de ces institutions, 2,5 millions de personnes ont eu accès à des médicaments contre le VIH/sida jusqu'à fin 2009, ce qui a probablement permis d'éviter ces cinq dernières années quelque 4 millions de décès 61

«Santé mondiale et politique étrangère: occasions et défis stratégiques».

1153

causés par le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose. Dans le cadre des programmes d'élimination du paludisme, 104 millions de moustiquaires imprégnées ont été distribuées et 108 millions de cycles de traitement médicamenteux dispensés. La Suisse soutient aussi des programmes nationaux de lutte contre les maladies transmissibles (aide budgétaire en Tanzanie et au Mozambique, par exemple). L'intégration systématique de ces programmes dans les systèmes de santé des pays concernés contribue à réduire les taux de prévalence dans le domaine du VIH/sida et à traiter les tuberculeux avec un succès croissant.

Actions au niveau bilatéral Coopération au développement: c'est surtout en Afrique subsaharienne qu'il faudra engager de grands efforts et des ressources importantes pour atteindre les Objectifs du Millénaire en matière de santé, et en particulier la réduction de la mortalité maternelle. La Suisse a donc renforcé les synergies entre les coopérations bi et multilatérale au développement. Elle participe actuellement à des programmes de santé dans 38 pays d'Afrique, d'Europe de l'Est et d'Asie centrale, où ses activités vont de la mise en place de soins de base au soutien du secteur santé du pays entier (Kirghizistan, Tanzanie, Mozambique), voire à la prise d'influence sur l'établissement des priorités dans la politique nationale et internationale de la santé. On constate une amélioration notable des indicateurs santé dans les pays dont les budgets santé sont soutenus globalement par la Suisse. Ainsi, pendant le programme suisse de huit ans en Tanzanie, la mortalité des enfants de moins de 5 ans est tombée nettement en dessous de 26 %.

Dans ses pays partenaires, la Suisse continuera à se concentrer sur une amélioration de la santé axée sur les besoins et, en se coordonnant avec les autres donateurs, à orienter son action sur le renforcement décentralisé des systèmes de santé et la lutte contre les maladies transmissibles dues à la pauvreté. Elle mettra en outre l'accent sur un accès plus équitable aux services de santé et une collaboration accrue avec le secteur privé en matière de maladies transmissibles.

Négociations avec l'Union européenne: depuis l'automne 2008, la Suisse et l'Union européenne (UE) négocient un accord sur la santé. Celui-ci portera en particulier sur la lutte contre les maladies
transmissibles, la sécurité alimentaire et la sécurité des produits. Cette négociation inclut également la participation à deux agences européennes (le Centre européen de contrôle et de prévention des maladies et l'Autorité européenne de sécurité des aliments), l'intégration à trois systèmes d'alerte précoce et rapide ainsi que la participation au programme «santé» de l'UE. La Suisse pourra, par sa participation aux agences et programmes mentionnés, apporter une protection sanitaire complémentaire à la population suisse.

Accord «Pandémie» avec la France: la Suisse et la France ont conclu un «accord sur l'échange d'information en matière de pandémie de grippe et de risques sanitaires» qui permet de coordonner les mesures prises en matière de pandémie dans les deux pays. L'accord prévoit notamment que le personnel français travaillant dans les hôpitaux suisses ne soit pas réquisitionné par la France en cas de pandémie.

La Genève internationale et la santé mondiale Le développement de Genève en tant que centre international de compétences pour les questions mondiales liées à la santé demeure l'une des priorités de la Suisse. En complément à son statut de ville hôte de l'OMS, la Genève internationale doit s'adapter à la multiplication des acteurs dans le domaine de la santé. Plusieurs 1154

projets visent à renforcer son rôle de «capitale internationale de la santé». Le projet Campus Santé est ainsi destiné à améliorer les synergies en termes de compétences et de locaux entre l'OMS, ONUSIDA et le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. La Suisse a en outre récemment conclu un accord de siège avec l'Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI). Du côté académique, l'Institut des hautes études internationales et du développement (IHEID), qui comporte un département spécialisé dans la santé et organise de nombreuses manifestations sur ce thème, contribue également à asseoir la réputation de Genève en tant que centre mondial de compétences en la matière.

Perspectives d'avenir Les multiples facettes de la santé constituent un enjeu de taille pour les gouvernements. Les défis à relever (santé maternelle, santé infantile, sida, tuberculose, paludisme, pandémies, etc.) vont nécessiter un engagement très important tant politique que financier. Pour ce faire de manière efficace, il est indispensable que les acteurs impliqués se coordonnent et oeuvrent pour une plus grande cohérence politique de leur action, que ce soit sur le plan thématique ou général ou encore au niveau régional ou mondial. Pour y parvenir, la Suisse entend contribuer à la consolidation de l'architecture institutionnelle mondiale de la santé et à l'amélioration des outils de gouvernance.

4.9

Politique extérieure en matière de formation, de recherche et d'innovation

La formation, la recherche et l'innovation (FRI) sont des facteurs décisifs pour atteindre un développement économique, social et écologique durable et pour résoudre les problèmes mondiaux. Les tendances scientifiques internationales sont caractérisées par l'interdépendance, la coopération et la concurrence. Dans cette course au succès, la Suisse est bien placée, mais doit constamment défendre son rang et le consolider. La coopération internationale en matière de formation, de recherche et d'innovation revêt une importance décisive pour la compétitivité du pays et pour la capacité d'innovation de sa société.

Dans la perspective des messages à venir sur l'encouragement de la formation, de la recherche et de l'innovation, le Conseil fédéral a adopté le 30 juin 2010 sa Stratégie internationale pour le domaine FRI. La Suisse entend se positionner dans le monde comme un pôle FRI et mettre en valeur son excellence pour s'intégrer dans l'espace FRI mondial. Notre pays pourra ainsi défendre sa place parmi les pays les plus innovants du monde.

Le document du Conseil fédéral du 30 juin 2010 souligne que la stratégie internationale mise en oeuvre jusqu'ici a donné d'excellents résultats et doit être poursuivie: ­

La Suisse est aujourd'hui parmi les pays les plus innovants au monde et même, depuis deux ans, no. 1 du classement européen de l'innovation.

­

En comparaison internationale, elle obtient des résultats de premier plan dans le domaine de la recherche, comme l'attestent les indices de citation ou les taux de succès des chercheuses et chercheurs des hautes écoles suisses dans le cadre des programmes européens.

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­

Plus de la moitié des jeunes universitaires étudient en Suisse dans une institution classée parmi les 200 meilleures du monde (contre 20 % aux EtatsUnis, par exemple).

­

Grâce notamment au système de formation professionnelle duale et au réseau des hautes écoles spécialisées, le taux de chômage des jeunes suisses est parmi les plus faibles au monde.

Cette stratégie définit trois priorités pour la politique suisse et les objectifs correspondants pour la coopération sectorielle internationale: 1° renforcer et étendre les réseaux internationaux, 2° soutenir l'exportation de la formation et l'importation de talents pour renforcer le pôle scientifique suisse, 3° promouvoir la reconnaissance internationale des formations dispensées en Suisse. Elle précise également les critères de sélection des pays prioritaires pour la coopération en vue de la réalisation des objectifs. La recherche et l'innovation fournissent par ailleurs des contributions importantes à la résolution des grands problèmes mondiaux.

En matière de FRI, le DFAE aspire à une politique extérieure plus complète, qui englobe toutes les activités FRI de la Confédération, notamment l'encouragement de la formation et de recherche (dans le cadre de la coopération au développement).

C'est pourquoi il soutient l'élaboration d'une convention interdépartementale sur les objectifs de la politique extérieure en la matière.

Coopération avec l'Union européenne Si l'engagement international de la Suisse dans le domaine de la formation, de la recherche et de l'innovation s'est fortement renforcé depuis les années 80, ce développement a été surtout marqué par le resserrement des relations avec l'Union européenne. C'est ainsi que le tournant majeur dans les domaines de l'enseignement supérieur académique, et de la recherche et de l'innovation s'est amorcé par la conclusion d'un accord-cadre bilatéral avec la Communauté européenne, en 1986, qui a permis à la Suisse scientifique d'éviter l'isolement: sans être membre à part entière des différents programmes, elle y est associée depuis 2004 et, suite à des négociations constantes, elle s'est intégrée dans le réseau européen, qui constitue aujourd'hui le principal partenaire, avec les Etats-Unis, des chercheurs et des institutions suisses. La signature, le 15 février 2010, de l'accord bilatéral Suisse-UE sur l'éducation, la formation professionnelle et la jeunesse permet désormais à la Suisse une participation entière (et non plus indirecte) aux programmes européens de formation et de jeunesse. Non seulement les jeunes Suisses pourront désormais multiplier les expériences européennes, mais un plus grand nombre de jeunes Européens profitera aussi des
établissements de formation suisses et de leur bonne réputation internationale.

Concernant la formation professionnelle, une réflexion sur l'opportunité d'une participation suisse au processus de Copenhague est actuellement en cours pour renforcer la position du système suisse sur le plan international. Le processus dit de Copenhague a pour but d'accroître la qualité et l'attrait de la formation professionnelle ainsi que d'encourager la mobilité, par le biais de qualifications comparables, perméables et transparentes. Grâce à ce processus, la qualité et l'attrait de la Suisse en tant que lieu de formation et place économique seraient renforcés et les chances des diplômés suisses améliorées sur le marché international du travail.

1156

Coopération bilatérale A part les relations avec l'UE, la coopération sera intensifiée avec les pays émergents qui disposent d'un potentiel scientifique et technologique important. Compte tenu des moyens disponibles, des intérêts mutuels, du potentiel scientifique et économique, enfin des résultats des programmes-pilotes réalisés en Chine et en Inde, huit pays prioritaires ont été définis pour y mettre au point des programmes de recherche communs: la Chine, l'Inde, la Russie, l'Afrique du Sud, le Brésil, le Japon, la Corée du Sud et le Chili. Deux instituts de recherche éminents sont en outre soutenus en Côte d'Ivoire et en Tanzanie.

Parallèlement à ces activités, la Confédération promeut les séjours en Suisse par l'outil éprouvé des bourses fédérales pour étudiants étrangers. Ces bourses universitaires offrent aux étudiants de toutes les disciplines la possibilité de poursuivre leurs études ou leurs recherches dans une université suisse publique ou reconnue par l'Etat. La plupart des hautes écoles suisses collaborent de leur propre chef avec des partenaires étrangers à des projets communs et à des échanges de chercheurs et d'étudiants. Des efforts importants ont été entrepris pour coordonner leurs activités et en améliorer l'impact à l'étranger.

La Suisse entretient non seulement un réseau d'attachés scientifiques dans 18 de ses représentations, mais encore une série de centres suisses ­ les maisons suisses d'échanges scientifique swissnex ­ destinées à favoriser les échanges dans des places scientifiques particulièrement importantes. Le réseau swissnex est un outil novateur, qui sert à renforcer la coopération bilatérale avec des pays partenaires sélectionnés et qui soutient ­ à titre subsidiaire ­ les activités internationales des établissements suisses d'enseignement et de recherche. Ouverte en 2000 avec le soutien d'une banque genevoise privée, qui a fait cadeau de l'immeuble à l'occasion de son 200e anniversaire, la maison swissnex de Boston a été la première de son genre. D'autres bureaux ont ensuite vu le jour à San Francisco (2003), Singapour (2004) et Shanghai (2008). Un nouveau swissnex est prévu à Bangalore (Inde).

Coopération au développement et avec les pays d'Europe de l'Est Dans le cadre de sa coopération au développement et avec les pays d'Europe de l'Est, la Suisse a une longue
tradition de soutien aux programmes d'éducation et de formation professionnelle de pays partenaires sélectionnés, ainsi que d'encouragement de partenariats de recherche avec l'Asie, l'Afrique, l'Amérique latine et l'Europe de l'Est. Pour ce qui est de l'encouragement de la recherche dans la coopération internationale, les priorités vont au développement de connaissances nécessaires pour résoudre les problèmes de développement et les défis mondiaux, ainsi qu'au renforcement des capacités de recherche des pays en développement et en transition.

Les coopérations Nord-Sud offrent aux chercheurs suisses la possibilité non seulement d'accéder à des marchés nouveaux et ambitieux, mais aussi de travailler dans des réseaux globaux sur des thèmes d'actualité internationale, et de répondre ainsi aux milieux politiques qui réclament toujours plus de solutions aux problèmes mondiaux.

Défis et perspectives A l'avenir, dans le domaine de la formation, de la recherche et de l'innovation, la Suisse sera marquée par l'environnement international, mais elle pourra aussi y exercer son influence. Sont concernés notamment les points suivants:

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Partenariats de recherches internationales, de réseaux et de projets d'infrastructure: dans le cadre de la coopération internationale, la Suisse est appelée à renforcer ses atouts et son excellence en matière de FRI en participant à divers programmes, réseaux et infrastructures communes. C'est sous cet angle qu'il faut voir la participation de la Suisse aux initiatives de l'UE pour construire un espace économique et scientifique européen. En matière de recherche, la coopération bilatérale avec certains pays européens ne doit cependant pas être négligée du fait de l'intensité de l'engagement suisse au niveau communautaire. En fait, les instruments multilatéraux des programmes-cadres de recherche de l'UE sont idéaux pour la coopération bilatérale avec certains pays européens, alors que la coopération bilatérale peut contribuer, pour sa part, à améliorer la position suisse dans les programmes-cadres de l'UE (Eurêka, COST, processus de Bologne et de Copenhague, etc.). Pour renforcer la Suisse comme place industrielle et intellectuelle, on exploitera en outre la coopération avec les pays émergents.

Capital humain et mobilité: un facteur de succès décisif, dans une économie compétitive, est l'existence d'un capital humain bien qualifié à tous les niveaux de formation. L'attractivité internationale de l'économie suisse comme lieu de formation et de recherche doit être consolidée tout en préparant les étudiants et apprentis professionnels suisses au marché mondial du travail et aux activités de recherches internationales.

Etudes comparatives et reconnaissances internationale: la participation et l'engagement accrus de la Suisse dans la qualification de standards internationaux amélioreraient la mobilité et de fait, la reconnaissance internationale de la formation professionnelle suisse.

L'exportation et la promotion de l'éducation ont longtemps été l'exclusivité des programmes de coopération au développement. Les écoles suisses à l'étranger peuvent promouvoir l'image de qualité de la Suisse et de son système éducatif et ainsi favoriser le rayonnement international de la Suisse dans le domaine de la formation. Dans le cadre de la reconnaissance de la formation professionnelle, un modèle économique possible prévoit l'exportation d'éléments de la formation duale dans des pays cibles en fonction des besoins
de certains secteurs de l'économie suisse, à l'instar de ce que tente actuellement en Inde l'industrie suisse des machines.

Influence dans le monde: grâce à leur réputation internationale et à leur compétitivité, les compétences suisses en matière de recherche et d'innovation peuvent contribuer notablement à résoudre les grands problèmes planétaires actuels (environnement, changement climatique, santé, sécurité alimentaire et énergétique). Elles jouent donc un rôle clé dans la réalisation des buts de la politique extérieure de la Suisse.

4.10

Neutralité

La neutralité permanente de la Suisse est un principe de sa politique étrangère.

Pendant des siècles, elle a préservé le pays de la guerre et de la destruction.

Aujourd'hui encore, c'est un instrument important pour assurer l'indépendance du pays et l'inviolabilité de son territoire.

1158

L'engagement librement consenti de la Suisse à respecter sa neutralité constitue en substance un message de paix. Depuis des siècles, la Suisse garantit à la communauté internationale, sans conditions préalables, de ne menacer personne militairement et de ne se défendre par les armes qu'en cas d'attaque. Ce message central de la neutralité n'a rien perdu de son importance. Au contraire, dans les relations interétatiques, il règne aujourd'hui une interdiction générale du recours à la force. Les seules exceptions à cette interdiction sont la légitime défense (art. 51 Charte de l'ONU) et les mesures de sanction collectives fondées sur un mandat des Nations Unies.

La politique suisse de neutralité est déterminée d'une part en fonction des obligations de droit international qui incombent à un Etat neutre permanent. Ainsi, le droit de la neutralité interdit à la Suisse de mener une guerre contre d'autres Etats ou de soutenir activement ou passivement d'autres Etats militairement dans un conflit interétatique. Ne sont pas considérées comme actes de guerre au sens du droit de la neutralité les mesures collectives de contrainte prises par les Nations Unies, puisque l'ONU n'est jamais partie à un conflit, mais veille au droit, à la paix et à l'ordre au nom de toute la communauté des Etats. D'autre part, la politique suisse de neutralité est déterminée en fonction de la situation géopolitique du moment. Son orientation actuelle remonte au début des années 1990, après la fin de la Guerre froide, et a été arrêtée par le Conseil fédéral dans son rapport sur la neutralité du 29 novembre 199362. Le Conseil fédéral y concluait que «l'obligation de neutralité librement consentie ne peut pas empêcher notre pays de prendre les mesures qui lui paraissent nécessaires pour éloigner les menaces de types nouveaux contre lesquelles on ne peut se protéger que par la coopération internationale»63. Cette nouvelle orientation de la politique de neutralité a été reprise ensuite dans le rapport sur la politique de sécurité de la Suisse de 199964 ainsi que dans le Message relatif à l'adhésion à l'ONU de 200065, et a été précisée dans le rapport du Conseil fédéral sur la neutralité de 200766.

Etre neutre ne signifie donc pas conduire une politique étrangère passive. La Suisse fait partie d'un monde qui ne cesse de se concentrer
et où des événements apparemment lointains peuvent l'affecter directement. Comme elle ne peut vivre en sécurité et en paix que dans un environnement paisible, il lui faut agir préventivement et de manière globale, d'entente avec la communauté internationale. N'étant pas membre d'une alliance militaire, la Suisse doit veiller plus encore que d'autres, par une politique étrangère et sécuritaire engagée, à ce que le pays soit protégé des crises et des conflits violents. C'est pourquoi, ces dernières années, le Conseil fédéral a largement développé la politique de la paix. La promotion civile de la paix et les juridictions internationales revêtent un rôle toujours plus important. En matière de politique de sécurité, le Conseil fédéral a constaté en 1999 déjà que la solution résidait dans une politique de participation qui permettrait à la Suisse de contribuer activement et solidairement à la création de structures de sécurité solides.67 La principale enceinte internationale dans laquelle la Suisse s'engage en faveur de la paix et de la sécurité, est l'ONU. Les buts de la politique étrangère suisse concordent 62 63 64 65 66 67

FF 1994 200 ss FF 1994 202 FF 1999 6903 ss FF 2001 1117 ss FF 2007 5283 ss FF 1999 6949

1159

avec les principes des Nations Unies. Le Conseil de sécurité est reconnu comme pilier essentiel de l'architecture internationale de sécurité. Une candidature de la Suisse au Conseil de sécurité de l'ONU est en discussion.

Le Conseil de sécurité s'engage pour le règlement pacifique des conflits et arrête des mesures en cas de menace ou de rupture de la paix ainsi qu'en cas d'actes d'agression. Quand il décide d'appliquer ­ en dernier recours ­ des mesures militaires de contrainte, il agit dans l'intérêt de la paix et de la sécurité internationale. En tant que membre du Conseil de sécurité, la Suisse ne serait donc pas partie au conflit au sens du droit de la neutralité. Elle s'engagerait plutôt avec les 14 autres membres du Conseil de sécurité pour le respect du droit international public et pour la paix, au nom de toute la communauté des Etats. En tant que membre, elle pourrait en outre veiller à ce que les procédures de décision du Conseil de sécurité deviennent plus transparentes. En tant qu'Etat dépourvu de puissance politique ou militaire, la Suisse a tout intérêt à ce que le système de sécurité collective fonctionne et que le droit international public soit renforcé et développé.

Pour renforcer l'architecture internationale de sécurité, la Suisse s'engage en outre au sein de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), du Partenariat pour la paix (PPP), du Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA), et participe à des missions civiles et militaires de promotion de la paix de l'Union Européenne. Aucune de ces formes de coopération ne viole le droit de la neutralité.

Elles permettent cependant à la Suisse de s'impliquer activement et de partager solidairement la responsabilité internationale pour la paix et la sécurité. Dans ce contexte, le Conseil fédéral prend toujours en compte le critère de la neutralité.

Ainsi, la coopération dans le cadre du PPP a été conçue délibérément de façon à être compatible avec la neutralité et à permettre la participation active d'Etats non membres de l'OTAN, sans qu'il en découle des engagements de droit international. Si des opérations du PPP ont lieu dans un contexte problématique pour la crédibilité de sa politique de neutralité, la Suisse se réserve le droit de ne pas y participer.

En tant qu'Etat neutre, qui s'engage et exerce
une influence au niveau international, la Suisse peut contribuer notablement à promouvoir la stabilité mondiale ­ et du même coup sa propre sécurité. Le fait que la Géorgie et la Russie aient prié la Suisse de représenter leurs intérêts respectifs dans l'autre pays, mais aussi le rôle de la Suisse dans le processus de rapprochement entre l'Arménie et la Turquie, montrent que la neutralité jouit toujours d'un grand prestige au sein de la communauté internationale.

5

Service public

5.1

Tâches consulaires68

Les représentations suisses à l'étranger (ambassades et consulats) sont les interlocuteurs des ressortissants suisses résidant en permanence dans le pays d'accueil ou y séjournant à titre temporaire. Elles remplissent à cet égard des tâches semblables à celles d'une administration en Suisse. Par ailleurs, elles assurent la liaison entre les 68

Tâches consulaires: prestations auxquelles les citoyennes et citoyens suisses ainsi que les étrangers peuvent en principe prétendre (p. ex. documents d'identité, visas, naturalisations, affaires d'état-civil).

1160

Suisses de l'étranger et leur patrie et contribuent à renforcer les liens qui unissent les Suisses de l'étranger entre eux et à la Suisse. Tout ceci se déroule dans un contexte où l'ampleur et la complexité de la palette de prestations consulaires ne cessent de croître. Les tâches consulaires exécutées par les représentations comprennent l'immatriculation des Suisses ayant pris domicile à l'étranger et la transmission d'informations, l'établissement de documents d'identité, le traitement des dossiers d'état-civil, des demandes de naturalisation facilitée et des requêtes d'aide sociale, ainsi que diverses prestations telles qu'enregistrement de dépôts, délivrance d'attestations et légalisation de signatures. Elles comprennent aussi la délivrance des visas aux citoyens étrangers qui veulent se rendre en Suisse ou dans l'Espace Schengen.

Dans tous les domaines de prestations, les représentations à l'étranger se doivent de remplir leurs tâches dans le sens d'un service public de qualité. Les exigences et les attentes des citoyens sont à la hausse et les représentations doivent pouvoir y répondre de manière rapide et professionnelle. Par ailleurs, les moyens de communication modernes, les nouvelles technologies et l'informatisation croissante du travail ont une influence grandissante non seulement sur les attentes des citoyens, mais également sur les méthodes de travail des représentations, qui sont adaptées et modernisées en permanence. L'introduction de processus pour le traitement des tâches implique non seulement un changement dans la conception du travail, mais également dans son exécution et dans sa gestion. Le DFAE examine avec ses partenaires comment ces nouvelles exigences peuvent être gérées au mieux sur le moyen et le long terme, du point de vue tant technique qu'organisationnel.

Documents d'identité: le passeport suisse est en évolution permanente et l'introduction au 1er mars 2010 de la biométrie a nécessité la mise sur pied d'un projet de vaste envergure: environ 140 cabines spéciales ont dû être installées dans plus de 130 représentations à l'étranger pour la saisie des données biométriques dans le nouveau passeport électronique. Le succès de ce nouveau document d'identité électronique a été immédiat et, à la mi-mai 2010, plus de 100 000 nouveaux passeports avaient déjà été commandés
en Suisse et auprès des représentations à l'étranger.

Affaires d'état-civil: les affaires d'état-civil traitées par les représentations ont non seulement augmenté en nombre (35 % de dossiers en plus depuis 2001), mais également en complexité. Le problème des mariages de complaisance prend de l'ampleur et des auditions de conjoints sont parfois demandées par les autorités suisses dans le cadre de la préparation au mariage et du regroupement familial, ce qui exige un engagement important de la part des représentations. Par ailleurs, les documents nécessaires à l'enregistrement en Suisse de faits d'état-civil doivent souvent être vérifiés, et ce par le biais d'une procédure parfois fastidieuse.

Information aux Suisses de l'étranger: la colonie croissante des Suisses de l'étranger demande à être informée régulièrement. Aussi dispose-t-elle, depuis mars 2009, d'un site Internet, www.swissabroad.ch, qui permet à ses membres de s'inscrire à la «Revue suisse». Ce magazine, qui paraît quatre fois par an et qui est diffusé dans quelque 400'000 ménages, est disponible en version électronique ou imprimée.

Compte tenu des nouveaux besoins et comportements de lecture, 120 000 exemplaires sont désormais envoyés électroniquement, ce qui représente des économies de 30 % par rapport à la version imprimée.

1161

Naturalisation facilitée: si le nombre de cas traités est relativement stable, leur complexité a augmenté et les adaptations régulières des lois suisses sur la nationalité ainsi que leurs exigences obligent les représentations à l'étranger à consacrer un temps non négligeable à leur traitement.

Aide sociale: il existe en la matière une collaboration institutionnalisée entre le DFAE et d'autres services fédéraux concernés, tels le service spécialisé Aide sociale aux Suisses de l'étranger (ASE). Dans les pays d'action prioritaire, des collaborateurs de ces services fédéraux et des réviseurs du DFAE examineront désormais ensemble la situation locale des Suisses de l'étranger démunis et clarifieront sur place la légitimité de l'assistance fournie aux bénéficiaires de l'aide sociale en vue de prévenir les abus.

Visas: la Suisse applique depuis décembre 2008 les dispositions en matière de visas prévues par l'Accord de Schengen. Une chute des demandes de visas lors de la première année avait été prévue du fait qu'il n'est plus nécessaire pour les voyageurs se rendant en Europe de solliciter un visa séparé pour la Suisse et qu'un certain nombre de requérants possédaient déjà, au moment de l'entrée en vigueur, un visa Schengen valable les dispensant de solliciter un visa séparé pour la Suisse. Pour 2009, le recul des demandes s'est établi à 34,1 %, dépassant ainsi sensiblement les prévisions (­20 %). Ce chiffre s'explique par la survenue de la crise économique ainsi que par l'absence de touristes et de personnes voyageant à des fins professionnelles. Les chiffres provisoires pour les mois de janvier à mi-mai 2010 indiquent que les demandes de visas sont de nouveau en hausse de 10 %.

Statistiques Office fédéral des migrations ODM Année

Nombre de visas délivrés

Nombre de visas refusés

Nombre de demandes traitées

Variation en %

2007

629 315

26 970

656 285

2008

621 940

26 958

648 898

­1,1 %

2009

394 368

33 534

427 902

­34,1 %

2010 (janv. à mai)

149 153

27 480

176 633

Malgré la complexité accrue de la procédure d'octroi de visas et la dynamique normative de l'Accord de Schengen, on peut affirmer que la Suisse a introduit avec succès les dispositions Schengen. D'autres modifications ou nouveautés suivront.

Ainsi, en application de l'Accord de Schengen, les Etats membres ont la possibilité de se faire représenter par d'autres Etats Schengen dans les pays dans lesquels ils ne disposent pas de représentation propre. Ce procédé permet d'exploiter des synergies et de traiter plus efficacement les demandes de visas. Le 29 janvier 2010, la Suisse a signé un premier accord de représentation avec l'Autriche, en vertu duquel la Suisse représentera l'Autriche à Santo Domingo (République dominicaine) et à Pristina (Kosovo). Un deuxième accord, passé avec la Hongrie, est entré en vigueur au 1er février 2010 et prévoit les représentations réciproques suivantes: la Suisse représente la Hongrie à Sydney (Australie), à Kuala Lumpur (Malaisie), à Sao Paulo (Brésil), à Bogota (Colombie) et à Santiago de Chile; quant à la Hongrie, elle représente la Suisse à Minsk (Biélorussie) et à Chisinau (Moldavie). D'autres accords de représentation avec des Etats Schengen sont actuellement en phase d'élaboration.

1162

En dépit de son adhésion à l'Espace Schengen, la Suisse demeure confrontée aux problèmes de l'immigration illégale et de la pression migratoire. En collaboration avec le DFJP, le DFAE a participé à l'élaboration des bases légales régissant l'envoi d'experts à l'étranger à des fins de vérification de documents. La première mission est fixée à l'automne 2010, au Caire; des interventions régulières en divers endroits sont prévues à partir de 2011. Il s'agit, à l'avenir, de détacher dans des pays à risque du personnel spécialement formé pour aider les représentations suisses et le personnel des compagnies aériennes à reconnaître les documents de voyage falsifiés.

Collaboration consulaire avec des pays partenaires: mise à part la représentation par un autre pays dans le cadre des accords de Schengen, une collaboration renforcée avec les partenaires européens de la Suisse en matière de services consulaires est envisageable de différentes manières: mise en commun d'infrastructures (par exemple pour la prise de données biométriques), protection consulaire assurée par un Etat tiers, ou encore détachement de personnel consulaire dans une représentation tierce là où il n'y a pas (ou plus) de représentation suisse. Une telle collaboration doit nécessairement être réciproque. Les différents modèles de coopération existent déjà au sein de l'Union européenne, à tout le moins au stade de projets-pilotes.

5.2

Protection consulaire

La protection consulaire, c'est-à-dire l'aide fournie aux Suisses en difficulté à l'étranger, constitue l'une des tâches maîtresses du DFAE. Des statistiques en la matière indiquent que les Suisses voyagent en moyenne 2,3 fois par an à l'étranger.

Plus de la moitié des voyages (environ 8 millions) se font à destination de l'Allemagne, de la France et de l'Italie. Dans un souci de prévention, le DFAE s'efforce de renforcer la responsabilité individuelle des concitoyennes et des concitoyens qui se rendent à l'étranger. Pour ce faire, il publie et adapte régulièrement sur son site Internet des conseils aux voyageurs ainsi que des thèmes d'actualité importants (cf.

ch. 5.3).

Si un citoyen suisse est victime d'un accident alors qu'il voyage dans un pays limitrophe, ce sont diverses organisations privées d'assistance et d'assurance qui s'occupent de son cas. Ces mêmes structures apportent également leur soutien aux Suisses qui subissent un préjudice dans des pays européens plus éloignés ou dans des pays d'outre-mer. Même les cas de perte d'argent, qui étaient jadis pris en charge par les représentations suisses à l'étranger, peuvent aujourd'hui souvent être réglés par des organismes privés.

Pourtant, malgré le rôle croissant que les organisations privées jouent dans l'assistance aux Suisses à l'étranger, le nombre de cas pris en charge par les représentations suisses demeure constant et avoisine les 2 000 interventions par an. Il s'agit avant tout de maladies et d'accidents, d'actes de violence, d'arrestations et d'enlèvements d'enfants.

Les cas de protection consulaire simples sont en principe réglés par les représentations de manière autonome, tandis que les cas plus complexes requièrent la collaboration de la centrale du DFAE à Berne (Section Protection consulaire, SPC). Alors que le nombre de cas de protection consulaire est resté relativement stable au fil des ans (2009: 1833 cas, dont 900 traités par la SPC; 2008: 1750 cas, dont 833 traités par la SPC; 2007: 1925 cas, dont 852 traités par la SPC), le travail lié au traitement 1163

de ces dossiers sensibles n'a, en revanche, cessé de croître. De nos jours, la protection consulaire est en effet amenée à traiter des cas plus nombreux et plus complexes d'arrestation et d'accidents, qui suscitent de surcroît une forte médiatisation. A cette évolution s'ajoutent également d'autres facteurs, comme les attentes élevées que nourrissent les personnes concernées par un incident survenant à l'étranger, la prise de mesures de préparation et de prudence insuffisantes lors de voyages lointains, le fait de négliger la nécessité d'une couverture d'assurance suffisante ainsi que la rapide propagation médiatique des informations relatives à des accidents ou sinistres.

L'un des défis permanents de la protection consulaire réside dans la prestation rapide et efficace d'assistance dans les situations de crise ou d'urgence, et ce, même en dehors de l'horaire de travail usuel. S'agissant là d'une exigence dont il conviendrait de tenir davantage compte à l'avenir, le DFAE étudie la possibilité de créer un service-citoyens fonctionnant 24 h/24 h. D'une manière générale, les avantages et les inconvénients de l'élaboration d'une loi consulaire à part entière sont actuellement à l'examen, pour clarifier les prestations assurées par les représentations d'une part, et éviter des prétentions parfois infondées d'autre part. Une telle loi permettrait en particulier de régler les différents types de prestations consulaires accordés par les représentations à l'étranger et leurs modalités, contribuant ainsi à accroître la sécurité juridique dans ce domaine. Le cas échéant, il serait judicieux d'envisager un cadre légal visant à impliquer financièrement les personnes concernées, afin que celles-ci participent activement à la prise en charge partielle voire totale des coûts.

5.3

Prévention et gestion des crises

Tendances et défis mondiaux La mondialisation a facilité les échanges et engendré une explosion des mouvements de personnes. La baisse significative du coût des transports, notamment dans le domaine aérien, ainsi que la possibilité d'organiser ses voyages de manière individuelle par le biais d'Internet ont entraîné une formidable augmentation des déplacements à l'étranger, qui s'élèvent annuellement à environ 16 millions. A cela s'ajoutent environ 700 000 Suisses qui ont élu domicile à l'étranger et qui sont inscrits auprès des ambassades et des consulats, un chiffre en constante augmentation.

Les catastrophes naturelles, les conflits, les accidents et les violences touchent aussi les ressortissants suisses à l'étranger. Les enlèvements et les prises d'otages sont devenus plus fréquents. Les crises et les situations d'urgence qui ont affecté les ressortissants suisses à l'étranger sont par conséquent nettement plus nombreuses que par le passé. Il en résulte une plus forte médiatisation et un accroissement de la complexité des tâches liées aux affaires consulaires. Par ailleurs, les attentes des citoyens à l'égard des prestations fournies par l'Etat vont elles aussi en augmentant.

Ces tendances ne sont pas propres à la Suisse. En matière de gestion de crise, les Ministères européens des affaires étrangères sont confrontés aux mêmes défis: forte croissance du nombre de ressortissants vivant et voyageant à l'étranger, augmentation des attentes et des exigences de leurs citoyens à leur égard. Les grands chocs qu'ont constitués la tragédie du tsunami de 2004 en Asie et l'évacuation du Liban en 2006 ainsi que la recrudescence des enlèvements ces dernières années ont fait pren1164

dre conscience de la complexité de ce type de crise. Ils ont contraint les Ministères européens des affaires étrangères à repenser, adapter et moderniser leurs structures, leur organisation et la formation de leur personnel en matière de gestion de crise.

Les voisins de la Suisse, en particulier la France, l'Allemagne et l'Italie, ont entrepris un grand effort de modernisation de leur appareil de gestion de crise. Phénomène nouveau, au cours des cinq dernières années, des «centres de crise» spécialement dédiés à l'assistance aux ressortissants à l'étranger ont été créés dans plusieurs pays européens.

Activités de prévention et perspectives La protection consulaire est devenue une activité centrale du DFAE. Chaque citoyen suisse à l'étranger s'attend à pouvoir s'appuyer sur l'assistance d'une représentation suisse s'il n'arrive pas à faire face à sa situation par ses propres moyens. L'Etat a en effet un devoir d'assistance lorsque la personne concernée a épuisé tous les moyens à sa disposition.

Pour répondre aux situations de crise de grande envergure (catastrophes naturelles, attentats, enlèvements, conflits violents, etc.), le DFAE s'est attaché ces dernières années à moderniser et à professionnaliser ses instruments de gestion de crise. Il a créé une cellule de crise qui peut être activée en cas de nécessité et un pool de personnel d'intervention à même de renforcer temporairement les représentations à l'étranger si besoin est. La gestion simultanée de plusieurs crises ou situations d'urgence devenant de plus en plus fréquente, le DFAE examine la création d'un «Centre de gestion de crise» selon les modèles existant dans d'autres pays européens.

Dans la grande majorité des cas, une crise affecte simultanément des ressortissants de plusieurs pays. La Suisse n'est ainsi souvent pas seule face à la crise. Les Etats concernés coordonnent en général leurs actions. Ce fut le cas avec la France lors de l'évacuation des ressortissants étrangers du Tchad (2008), avec l'Allemagne et le Royaume-Uni lors des enlèvements au Mali (2009), avec l'Italie lors de l'enlèvement de délégués du CICR sur l'île de Jolo aux Philippines (2009), ou encore plus récemment avec les Etats de l'Union européenne lors des tremblements de terre en Haïti (2010) et au Chili (2010). En matière de gestion de crise touchant à la
sécurité des citoyens suisses à l'étranger, la coopération et la collaboration avec d'autres pays concernés sont indispensables. Dans ce contexte, il convient pour la Suisse d'examiner dans quelle mesure il sera nécessaire de renforcer les liens avec les pays voisins ainsi qu'avec l'Union européenne dans la prévention, la préparation et la gestion de crises consulaires. L'objectif de cet effort sera de créer une culture commune européenne de gestion des crises.

Dans une perspective de prévention, le DFAE met à disposition des conseils aux voyageurs sur le site internet du Département. Ces conseils fournissent des appréciations en matière sécuritaire et des recommandations sur les mesures à prendre. Ils sont publiés dans les trois langues officielles pour 155 pays et régulièrement mis à jour, en quelques heures s'il le faut après des événements touchant la sécurité. Près de 1,5 million de visiteurs consultent chaque année ces pages Internet.

1165

5.4

Suisses de l'étranger

En 2009, le nombre de Suisses de l'étranger a de nouveau augmenté (+8 798 personnes) pour atteindre 684 974 personnes, soit un nombre supérieur de 1,3 % aux chiffres de la dernière période sous revue. 60 % de ces Suisses vivent dans des pays de l'Union européenne. Les principales communautés de Suisses de l'étranger se trouvent en France (179 106), en Allemagne (76 565) et en Italie (48 638). Il y a dix ans, 580 396 citoyennes et citoyens vivaient en dehors de la Suisse. Depuis lors, c'est avant tout le nombre de double-nationaux qui a progressé, passant de 405 921 en 2000 à 493 468 personnes aujourd'hui (+21,5 %). En 2009, 130 017 Suisses de l'étranger ­ soit un peu moins de 25 % des 528 705 électeurs vivant à l'étranger ­ étaient inscrits dans le registre des électeurs d'une commune suisse afin de pouvoir exercer leurs droits de vote et d'éligibilité. A fin 2008, ce nombre était encore de 124 399 personnes.

Suisses de l'étranger 2009 Total: 684'974 29'505 4% Europe

39'726 6%

Afrique Amérique

172'770 25%

Asie Océanie

423'343 62% 19'630 3%

Par le truchement du DFAE et de son réseau de représentations, le Conseil fédéral soutient et promeut, en fonction de leur importance, les intérêts politiques, économiques et culturels des Suisses de l'étranger. Dans l'optique de renforcer les droits politiques des Suisses de l'étranger, le Service des Suisses de l'étranger collabore avec la Chancellerie fédérale et les cantons pour introduire rapidement un système de vote électronique. Sur mandat du service spécialisé Aide sociale aux Suisses de l'étranger (ASE), les représentations suisses à l'étranger fournissent un soutien financier aux compatriotes à l'étranger, sous forme d'aide au retour ou d'aide d'urgence lors de catastrophes (par ex. lors du séisme en Haïti en janvier 2010). Les institutions des Suisses de l'étranger bénéficient également d'un soutien financier de la Confédération, institué par une base légale révisée et entrée en vigueur début 201069. Sur la base de cette ordonnance, la Confédération soutient l'Organisation des Suisses de l'étranger (OSE) et son organe d'information «Revue Suisse» ainsi 69

Ordonnance du 26 février 2003 sur le soutien financier aux institutions des Suisses de l'étranger, RS 195.11.

1166

que l'Association suisse du Liechtenstein. Les représentations à l'étranger défendent également les intérêts culturels de la communauté des Suisses de l'étranger, en entretenant le contact avec les colonies suisses et en favorisant le réseautage des Suisses de l'étranger entre eux. Mentionnons, à titre d'exemples, le concours apporté à des manifestations comme la Fête nationale ou la publication d'un bulletin d'information électronique périodique.

En application de la loi du 9 octobre 1987 sur l'instruction des Suisses de l'étranger (LISE; RS 418.0), la Confédération soutient également dix-sept écoles suisses à l'étranger. Ces établissements sont des points d'appui importants de la présence suisse à l'étranger. Dans sa motion 09.3974 du 16 octobre 2009, la Commission de la science, de l'éducation et de la culture du Conseil national demandait à ce que la LISE soit révisée, afin de consolider la présence éducative ­ et, par ricochet, l'image ­ de la Suisse à l'étranger. Le Conseil fédéral a accepté cette motion et chargé un groupe de travail interdépartemental de se pencher sur la révision de la loi.

Au Parlement, les préoccupations des Suisses de l'étranger sont relayées par le groupe parlementaire «Suisses de l'étranger». Au cours de la période faisant l'objet du présent rapport, diverses interventions parlementaires ont visé une amélioration des droits politiques des Suisses de l'étranger: ­

L'initiative parlementaire Sommaruga (07.460, 22 juin 2007) proposait une représentation directe des Suisses de l'étranger aux Chambres fédérales. Le 2 mars 2009, le Conseil des Etats a rejeté cette initiative.

­

En mars 2009, le Conseil national a transmis sans opposition le postulat Mario Fehr du 14 juin 2007 (07.3331), qui invitait le Conseil fédéral à intervenir auprès des cantons afin que les Suisses de l'étranger aient le droit de participer à l'élection du Conseil des Etats dans tous les cantons. Dans sa réponse, le Conseil fédéral a indiqué que, pour des raisons d'égalité des droits, il appuierait cette démarche. La Confédération est active en ce sens, tout en respectant la compétence législative des cantons.

­

La motion Segmüller du 24 septembre 2009 (09.3852) «Intégration civique des Suisses de l'étranger. Améliorer l'information politique» visait à encourager la participation des concitoyens de l'étranger à la vie politique en Suisse.

­

Le rapport du Conseil fédéral en réponse au postulat Lombardi «Défendre la Cinquième Suisse comme lien avec le monde» du 15 décembre 2004 (04.3571) a été approuvé par le Conseil fédéral le 18 juin 2010. Ce dernier reconnaît que les Suisses de l'étranger sont une précieuse source d'expérience étrangère, surtout lorsqu'ils reviennent au pays. Les travaux accomplis à ce jour indiquent toutefois qu'il serait nécessaire de réunir des données solides avant de pouvoir quantifier scientifiquement l'importance des Suisses de l'étranger pour la Suisse.

La restructuration du réseau de représentations constitue l'un des grands défis, tant pour la période sous revue que pour l'avenir. S'activant à étoffer son réseau de consuls honoraires, à améliorer les services électroniques (cyberadministration) et à examiner la possibilité de mettre sur pied des postes de représentation mobiles, le DFAE s'efforce de compenser au mieux la fermeture, en partie inévitable, de représentations ordinaires, tout en maintenant la palette des prestations destinées aux Suisses de l'étranger. C'est sur cette toile de fond que s'inscrit la discussion actuelle 1167

sur la création d'une base légale homogène, qui comprendrait tous les aspects liés à ces questions et qui favoriserait une politique plus cohérente à l'égard des Suisses de l'étranger. Dans le cadre de la réorganisation. le DFAE examinera en outre la création d'une Direction consulaire, au sein de laquelle le Service des Suisses de l'étranger pourrait être amené à renforcer son rôle de «guichet unique» pour les intérêts des Suisses de l'étranger.

6

Politique étrangère et relations publiques

Dans la société mondiale de l'information, communiquer à l'étranger est devenu essentiel pour préserver les intérêts d'un pays. Cette communication se déroule à trois niveaux et s'inscrit dans des horizons temporels différents. D'abord, l'information quotidienne sur des sujets d'actualité de politique extérieure; ensuite, la communication internationale stratégique, qui se concentre sur des thèmes et des pays choisis; enfin, sur le plus long terme, les relations avec des personnalités clés étrangères, qui se fondent sur la réciprocité et la crédibilité.

6.1

Travail médiatique

La Suisse, sa position dans le monde et sa politique étrangère ont suscité récemment un intérêt soutenu. La Suisse a fait les gros titres internationaux avec une régularité et une intensité qui n'avaient plus été observées depuis le dossier des fonds en déshérence, dans la seconde moitié des années 1990. Cette médiatisation est imputable en priorité à la pression internationale exercée sur la place financière et fiscale suisse, à la votation sur l'interdiction des minarets ainsi qu'aux problèmes bilatéraux entre la Suisse et la Libye.

Dans le contexte mondialisé actuel, la défense des intérêts et la prise d'influence en matière de politique étrangère se déroulent largement sous les feux de la rampe.

Parallèlement à leurs activités bilatérales ou multilatérales, tous les acteurs s'efforcent de s'attirer les faveurs de l'opinion publique par des activités d'information et de communication ciblées. Les attentes auxquelles doit répondre le travail médiatique sont dès lors particulièrement élevées.

Les services d'information compétents de l'administration fédérale, et du DFAE en particulier, ont été fortement sollicités durant la période sous revue. Ils ont été appelés à suivre et à documenter une actualité de politique extérieure qui se développait à vive allure et qui, selon les dossiers, exerçait une pression croissante sur la Suisse.

C'est dans ce climat inédit de critique internationale ­ parfois massive ­ que les services d'information ont dû affronter les médias nationaux et étrangers, qui exigeaient à un rythme soutenu des prises de position officielles. Compte tenu de la pression, le défi consistait à réaliser un travail médiatique qui ne s'inscrive pas simplement en réaction aux événements, mais qui clarifie les faits de manière proactive, afin de faire valoir, à temps et de manière ciblée, la position et le point de vue de la Confédération dans le cadre du débat public. Différend fiscal ou interdiction des minarets, les services d'information se sont souvent vus contraints de désamorcer les reproches, de clarifier les malentendus et d'exposer les positions du pays. Il se peut par conséquent que l'opinion publique ait eu l'impression que la Suisse et

1168

ses services compétents en politique étrangère adoptent un mode de communication trop défensif et qu'ils n'ont pas de conception très claire de leurs propres intérêts.

Or cette impression est trompeuse. Un travail médiatique proactif présuppose des faits clairs et des positions assurées. Les succès remportés en politique extérieure, tels la signature des Protocoles entre l'Arménie et la Turquie, sous l'impulsion médiatrice de la Suisse, font l'objet d'une communication active et transparente mais, cela va de soi, seulement lorsque le travail diplomatique est achevé. La cérémonie de signature des Protocoles organisée à Zurich ­ en présence des Ministres des affaires étrangères des Etats-Unis, de la Russie et de la France ainsi que du chargé des relations extérieures de l'UE ­ a été largement relayée par les médias nationaux et internationaux. L'accord entre la Suisse et les Etats-Unis sur la procédure d'entraide administrative dans le cadre de l'affaire UBS a abouti grâce aux bonnes relations diplomatiques entretenues avec Washington et a dès lors été diffusé comme un succès de la politique extérieure suisse. Il convient, d'une manière générale, de ne pas sous-estimer les efforts logistiques requis: de grandes manifestations comme la signature des Protocoles entre l'Arménie et la Turquie à Zurich ou les Geneva Talks 2 sur l'Iran, que la Suisse a accueillis sur son territoire, ont attiré l'attention des médias du monde entier. L'encadrement professionnel dont ont bénéficié les nombreux journalistes venus des quatre coins du monde a contribué dans une large mesure au succès de notre travail médiatique.

La communication proactive a joué un rôle crucial dans la votation sur l'interdiction des minarets: des efforts d'information concertés avant et après la votation ont permis d'éviter des retombées en matière de politique extérieure. Il a en effet été possible ­ tant par le travail médiatique que par la communication institutionnelle assurée à tous les échelons politiques ­ d'expliquer le système politique suisse, la démocratie directe, le projet et les résultats de la votation aux gouvernements, autorités, faiseurs d'opinion, groupes religieux et autres organisations, évitant ainsi de graves malentendus et les problèmes que ceux-ci auraient pu entraîner.

Compte tenu de la nature sensible des processus
diplomatiques (par exemple les négociations), la communication publique se doit d'observer une certaine retenue.

Dans les dossiers évoqués ci-dessus, le gros défi du travail médiatique consistait à toujours communiquer en adéquation avec nos propres intérêts politiques, et ce dans un contexte dans lequel les attentes des médias étaient énormes, les recherches intenses et les indiscrétions régulières. La logique de communication doit en effet toujours être clairement subordonnée à la stratégie politique, indépendamment de toute pression médiatique. Les services d'information ont donc régulièrement été appelés à jouer les gardiens de la diplomatie, veillant à garantir la marge de manoeuvre nécessaire aux négociations en cours, à l'abri du public.

Ce conflit d'objectifs ­ à savoir besoin d'information des médias d'une part, et stratégie politique d'autre part ­ a été particulièrement frappant en ce qui concerne les problèmes bilatéraux entre la Suisse et la Libye, les conséquences de l'engagement de l'UBS aux Etats-Unis ainsi que les efforts bilatéraux et multilatéraux entrepris par le Conseil fédéral sur les questions fiscales. Souvent, il a fallu garder le silence pour ne pas saper les chances de succès de la stratégie suivie.

1169

6.2

Communication internationale stratégique

Pour contribuer de manière durable et efficace à la sauvegarde des intérêts d'un pays à l'étranger, la communication internationale doit s'inscrire dans le long terme. On ne peut en effet pas modifier instantanément l'image d'un pays, ni nouer ou développer des relations du jour au lendemain. Tant l'image que les relations doivent être entretenues dans la durée, afin de pouvoir compter dessus en période de crise également.

Forts de ce constat, le Conseil fédéral et le Parlement ont examiné et adapté les conditions générales de la communication internationale et mis en vigueur au 1er janvier 2009 la loi fédérale révisée du 24 mars 2000 sur la promotion de l'image de la Suisse à l'étranger.70 Dans la foulée, la commission extraparlementaire «Présence Suisse» a été dissoute et l'unité administrative «Présence Suisse», autrefois décentralisée, a été intégrée au Secrétariat général du DFAE. Enfin, le Conseil fédéral a fixé sa stratégie de communication internationale pour 2010/2011.

Image de la Suisse à l'étranger Une communication internationale stratégique implique d'analyser en continu l'image de la Suisse à l'étranger. Présence Suisse a, par le passé, réalisé diverses études d'image, qui lui permettent de disposer aujourd'hui de solides informations sur les pays d'action prioritaire que sont la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, la France, l'Espagne, l'Allemagne, le Japon et la Chine. Pour les Etats-Unis, une étude de suivi a été effectuée en 2009 concernant la perception de la place financière suisse.

Ce qui manquait encore, en revanche, c'est une analyse permanente de la couverture médiatique dont la Suisse fait l'objet à l'étranger. Se fondant sur la nouvelle ordonnance sur la communication internationale, le DFAE a donc introduit un monitorage quantitatif systématique des comptes rendus que les médias diffusent sur la Suisse, qui vient compléter les observations faites par les représentations suisses à l'étranger. Le travail consiste à analyser les principaux médias d'Allemagne, de France, d'Italie, d'Autriche, de Grande-Bretagne et des Etats-Unis.

Ce monitorage révèle que la couverture de la Suisse par les médias étrangers n'a cessé de croître: la visibilité de la Suisse dans les grands médias a progressé ces dernières années, et tout particulièrement en 2009, alors que les médias internationaux
tendent, d'une manière générale, à moins couvrir les événements ayant trait à la politique étrangère. Ce constat s'explique par divers événements, connotés plutôt négativement, qui ont alimentés davantage de comptes rendus critiques vis-à-vis de la Suisse, en particulier pendant le deuxième semestre. Ces critiques ont culminé entre août 2009 et janvier 2010. Des thèmes tels que l'initiative contre les minarets, l'arrestation de Roman Polanski, l'affaire libyenne ou encore les différends fiscaux ont suscité durablement un écho empreint de critique à l'égard de la Suisse dans les médias étrangers.

En 2009, quelque 240 000 moyens d'information traitant de la Suisse ont été diffusés dans le monde, et environ 200 000 articles promotionnels ont été distribués à des faiseurs d'opinion, représentants des médias, étudiants et scientifiques étrangers. S'y ajoutent les visites effectuées sur invitation de la Suisse par plus de 600 étudiants, 70

RS 194.1

1170

journalistes, hommes et femmes politiques et hauts fonctionnaires dans le cadre de voyages thématiques. Des prescriptions uniformisées ­ sur le plan tant matériel que visuel ­ de l'image suisse à l'étranger («Marque Suisse»), ainsi que la formation adéquate du personnel des représentations à l'étranger sur la communication internationale sont deux mesures qui ont largement contribué à renforcer une image uniforme de la Suisse à l'étranger.

Pays d'action prioritaire de la communication internationale La communication internationale pratiquée par la Suisse en 2009 s'est concentrée sur les quatre grands voisins que sont l'Allemagne, la France, l'Italie et l'Autriche, ainsi que sur la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et la Chine. De plus, les festivités prévues en Amérique latine pour le bicentenaire de l'indépendance de l'Argentine, du Brésil, du Chili et du Mexique constituent une excellente occasion pour mieux faire connaître la Suisse.

Activités menées dans les quatre pays voisins: les quatre voisins sont depuis toujours des pays d'action prioritaire de la communication internationale. L'an dernier, l'accent a été mis sur l'Allemagne et l'Italie. En Autriche, les réseaux constitués à l'occasion de l'Euro 08 ont été consolidés. En France, des efforts ont été déployés pour réorienter la communication internationale vers une communication plus politique, comme cela est déjà le cas en Allemagne et en Italie.

Grande-Bretagne: l'image de la Suisse y est globalement positive, même si la perception que ce pays a de la Suisse se limite largement à des aspects touristiques et sportifs, ainsi qu'aux secteurs économique et financier, dans lesquels la Suisse est avant tout perçue comme une concurrente. La communication internationale s'efforce donc de diversifier cette image en Grande-Bretagne en abordant des thèmes d'actualité. Ainsi, en 2009, diverses manifestations ont été organisées à l'intention des milieux parlementaires et académiques ainsi que des journalistes notamment sur les thèmes suivants: transports publics, élimination des déchets, protection de l'environnement, place financière et formation professionnelle. Le réseau de contacts entretenu avec les faiseurs d'opinion britanniques a par ailleurs été étoffé, notamment dans l'optique des Jeux olympiques d'hiver 2012 à Londres.

Etats-Unis: la
perception que les Etats-Unis ont de la Suisse est déficitaire dans les domaines de la formation, de la recherche, des sciences et de l'innovation. Pour y remédier, la communication internationale a lancé en 2007 le programme «ThinkSwiss ­ Brainstorm the Future». Ce dernier ­ financé à parts égales par un groupe de sponsors privés et la Confédération ­ vise à mieux faire connaître au public cible américain les atouts de la Suisse en termes de formation, de recherche et d'innovation, crée des plateformes propices au développement et à l'entretien de réseaux et place les différentes représentations suisses aux Etats-Unis sous une bannière commune. Un deuxième programme, «Swiss Roots ­ How Swiss Are You?», présenté en 2009, a été créé à l'intention des décideurs américains ayant des racines helvétiques et des personnes entretenant des liens émotionnels positifs avec la Suisse. Depuis début 2010, le coeur de ce programme, c'est-à-dire le site Internet Swissroots, n'est plus géré par Présence Suisse, mais par le Swiss Center of North America.

Chine: l'objectif principal défini pour la présence de la Suisse en Chine consiste d'une part à augmenter et à assurer la visibilité de la Suisse ainsi que l'attention qu'elle suscite; d'autre part, il vise à établir et à renforcer les réseaux de contacts Suisse-Chine, principalement dans les régions de Beijing, de Shanghai, de Guang1171

zhou et de Hong Kong, dans les milieux scientifiques, universitaires et les plus importants médias chinois. L'accent est mis sur les points forts de la Suisse dans le domaine de la qualité de vie, qui comprend l'environnement, les transports, la sécurité, l'architecture, le design, et dans celui de la réputation internationale, avec la Genève internationale ainsi que l'éducation et la science. Les activités menées en Chine ont été accompagnées d'un travail médiatique intense (par ex. voyages de journalistes chinois en Suisse), afin de renforcer la couverture médiatique de la Suisse dans les médias chinois.

Amérique latine: la Suisse entend tirer parti des festivités prévues en 2010 à l'occasion du bicentenaire de l'indépendance de l'Argentine, du Chili et du Mexique pour y organiser une série de projets relevant de la communication internationale. Le Brésil a été intégré à ce programme régional en raison de son importance géopolitique.

Dans ce contexte, la présence de la Suisse a été renforcée depuis 2009 par des activités propices à la visibilité et aux échanges telles que le «Metro Suizo» à Santiago, «La table interactive» sur l'émigration suisse en Argentine et l'exposition «Suíços do Brasil». Ces événements ont permis de toucher différents publics cibles de ces pays par l'intermédiaire des médias locaux et nationaux. Par ailleurs, la Suisse contribue cette année à la célébration du bicentenaire à travers des contributions à la rénovation de lieux ou de monuments spécifiques et marquants de chaque capitale.

Communication internationale dans des situations exceptionnelles En application de la nouvelle ordonnance sur la communication internationale, cette dernière est appelée à assumer des tâches particulières en cas de menace pour l'image ou en situation de crise d'image. Le cas échéant, le DFAE soumet au Conseil fédéral un dispositif de communication, dans lequel sont définis les contenus de la communication, les responsabilités et le budget. Des mesures extraordinaires de ce genre ont été prises en 2009 en relation avec la problématique liée à la place financière et dans le cadre de l'initiative anti-minarets.

C'est ainsi que le Conseil fédéral décida en juin 2009 de soutenir la défense des intérêts de la Suisse aux Etats Unis et en Allemagne moyennant des mesures de communication internationale
ciblées. Il débloqua en outre des moyens supplémentaires pour les Etats-Unis, que la délégation des finances du Parlement approuva fin août. Dans le cadre de ses délibérations sur le budget 2010, le Parlement décida toutefois de mettre un terme à ces mesures de communication supplémentaires aux Etats-Unis à fin 2009.

La communication internationale a joué un rôle important dans le cadre de la votation sur l'initiative anti-minarets. En été 2009 déjà, le Conseil fédéral décidait de renforcer la communication vis-à-vis de l'étranger pendant la campagne précédant la votation. Des informations appropriées sur l'initiative et sur la votation ont été régulièrement mises à la disposition des représentations suisses, afin de les soutenir dans leur communication avec le public étranger. L'issue du scrutin a fortement retenu l'attention de l'étranger et suscité de l'incompréhension en maints endroits.

Certains médias étrangers ont interprété le résultat comme un signe d'islamophobie croissante et de discrimination des musulmans en Europe. Même la démocratie directe s'est retrouvée sous les feux de la critique. Un intense travail d'information et une communication transparente ont néanmoins contribué à ce que les gouvernements et les institutions religieuses officielles du monde islamique réagissent de 1172

manière certes critique, mais dans l'ensemble modérée. Ces réactions pondérées sont notamment attribuables à la bonne image de la Suisse, que notre politique extérieure a édifiée au fil des ans, notamment dans les pays du Proche-Orient et du MoyenOrient, en misant systématiquement sur le dialogue et en entretenant des relations avec toutes les parties.

Communication internationale lors de grandes manifestations internationales Les grandes manifestations sportives d'envergure internationale, de même que les expositions universelles constituent des plateformes idoines pour communiquer à l'international. Ainsi, lors des Jeux olympiques d'hiver de 2010 au Canada, la Suisse était présente avec ses «Maisons de la Suisse» sur les deux sites de Vancouver et de Whistler. Ces maisons ont accueilli des réceptions, des conférences de presse, des activités de réseautage et des fêtes en l'honneur des sportifs ayant remporté des médailles. Au total, ce ne sont pas moins de 60 000 personnes qui ont visité les deux établissements et plus de 380 articles ont été publiés à leur sujet dans les médias canadiens et internationaux.

La Suisse est également présente à l'exposition universelle de Shanghai, du 5 mai au 31 octobre 2010. Sa présence passe par des activités de communication internationale, intégrées au programme d'action prioritaire de Présence Suisse en Chine. Le pavillon suisse est consacré à l'interaction entre la ville et la campagne, et figure parmi les pavillons les plus fréquentés de l'exposition. Diverses manifestations sont organisées en parallèle, notamment pour le 60e anniversaire des relations diplomatiques entre la Suisse et la République populaire de Chine.

6.3

Défis et perspectives

La Suisse jouit, dans l'ensemble, d'une bonne image. Il peut être utile de préciser que l'image d'un pays se constitue au fil des décennies et que des événements isolés ne la modifient pas fondamentalement. D'ailleurs, la période faisant l'objet du présent rapport l'atteste, puisque l'image de la Suisse est demeurée stable, malgré les controverses exposées ci-dessus. Pourtant, il n'est pour l'heure pas encore possible de déterminer si ces événements laisseront, à terme, des traces dans la manière dont la Suisse est perçue à l'étranger. La formation, la recherche et l'innovation sont des domaines positifs, mais ils souffrent toujours et encore d'une perception largement déficitaire. Dans ce domaine, la Suisse se vend en dessous de sa véritable valeur, ce qui constitue un défi classique pour la communication internationale.

Au cours de la période sous revue, le volume des comptes rendus dont la Suisse a fait l'objet dans les médias internationaux s'est nettement accru, d'où la nécessité d'intensifier l'information et la communication destinées à l'opinion publique étrangère. Il convient également d'expliciter les prestations concrètes fournies par la Suisse telles que l'activité de médiation de la Suisse entre l'Arménie et la Turquie, la législation exemplaire de la Suisse en matière de lutte contre la corruption et le blanchiment d'argent, ou encore la contribution suisse à l'EU élargie.

Une bonne image, couplée à une forte présence dans l'espace public et dans les grands médias internationaux en particulier, contribuent à ce que l'on appelle le «soft power» (puissance douce) d'un pays. A l'ère de la mondialisation, cette notion gagne en importance: quiconque dispose de «soft power» est en effet mieux à même de défendre efficacement ses intérêts et de gagner en influence sans recourir à ce 1173

qu'il est convenu d'appeler le «hard power» (force militaire et économique). La communication internationale fait dès lors partie intégrante de la politique étrangère et est utilisée comme un instrument efficace dans ce domaine.

7

Conduite de la politique étrangère

7.1

Défis

Les répercussions politiques et économiques de la mondialisation modifient le cadre dans lequel s'inscrit la politique étrangère. De plus en plus interdépendants, les défis internationaux ne cessent de gagner en complexité. Dans ce contexte, il est capital que la Suisse élabore des stratégies cohérentes lui permettant d'engager ses moyens de façon à sauvegarder au mieux ses intérêts.

Le DFAE est chargé de coordonner la politique étrangère; pour ce faire, il dispose, selon le budget prévisionnel 2010, de moyens financiers s'élevant à près de 2,5 milliards de francs, ce qui représente environ 4 % de l'enveloppe budgétaire de la Confédération. Le Département emploie quelque 5 200 personnes, soit 14 % de l'effectif de la Confédération (les frais de personnel de 350 millions de francs correspondant à environ 8 % des frais de personnel de l'administration fédérale).

Soucieux d'optimiser l'efficacité de la conduite et de la coordination de la politique étrangère, tout comme celle de ses nombreuses prestations de service, le DFAE s'emploie à engager ses ressources personnelles et financières avec la plus grande efficience possible. Pour ce faire, il doit revoir régulièrement ses structures pour les adapter à un environnement de politique extérieure en constante mutation. C'est dans cette logique que s'inscrit la réorganisation actuelle du Département, qui vise une gestion administrative davantage axée sur les résultats.

Cette réorganisation s'inspire de la philosophie du projet VEKTOR et s'inscrit dans le cadre conceptuel posé par ce dernier. Lancé dans le sillage de la réforme de l'administration fédérale, VEKTOR a démarré sous la forme d'un projet-pilote visant à optimiser le pilotage du réseau des représentations suisses à l'étranger moyennant une conduite axée sur les résultats. Il repose sur les principes suivants: objectifs et directives clairs, missions congruentes, compétences et sens des responsabilités, autonomie et responsabilités accrues, sensibilisation à la question des ressources.

Les expériences faites dans le cadre du projet VEKTOR sont utiles aux réflexions plus vastes menées sur la conduite et le pilotage des activités clés de l'Etat. Actuellement, deux modèles de conduite et de gestion cohabitent au sein de l'administration fédérale: le modèle traditionnel et le modèle de gestion
par mandat global et enveloppe budgétaire. La meilleure manière de combiner les avantages des deux modèles est à l'examen. Cette démarche pourrait déboucher sur la création d'un modèle dit de convergence. Le projet VEKTOR, qui a permis de démontrer qu'une gestion plus économe des ressources et une simplification des modalités administratives sont possibles tout en maintenant une conduite politique, fournit des pistes de réflexion intéressantes à cet égard, qui mériteraient d'être développées. Le pilotage financier du réseau extérieur pourrait ainsi passer par un mandat de prestation confié au DFAE pour la gestion de ce réseau, avec l'octroi d'un crédit global approprié. Un mécanisme similaire pour les frais de fonctionnement de la centrale pourrait également être mis en place.

1174

7.2

Réorganisation du DFAE

Soucieux de mettre à la disposition de la politique étrangère suisse une organisation aussi performante que possible, le DFAE a lancé une série de réorganisations internes. Les travaux visent à organiser le Département en tenant compte des attentes que les citoyens ont à l'égard de l'administration: transparence et cohérence de l'action, qualité et efficience, économicité des prestations.

Les grandes lignes de la réorganisation du DFAE ont été présentée dans le précédent rapport de politique étrangère. Elles peuvent se résumer de la manière suivante: ­

Clarification et harmonisation des tâches, des compétences et des responsabilités, et concentration sur les compétences clés. Exemples: la DDC est appelée à se concentrer sur l'efficacité de son action et à intensifier sa présence sur le terrain. Quant au Secrétariat général, il doit se concentrer sur ses tâches essentielles que sont la planification et le contrôle de gestion, ainsi que sur l'information au niveau départemental. La Direction des ressources doit, pour sa part, se limiter à ses fonctions de soutien.

­

Accent plus marqué sur une orientation vers les résultats. Cette démarche implique non seulement une modification des structures du DFAE, mais aussi une modernisation de ses instruments de gestion. Elle requiert dès lors le développement de compétences en matière de gestion d'entreprise et surtout un changement de mentalités. Il s'agit de penser non plus en termes de hiérarchie, de prestige ou de voies de service, mais d'effets escomptés. Ce changement culturel, initié par le projet VEKTOR, se poursuivra au cours des prochaines années.

­

Regroupement des compétences, afin de procéder à des améliorations profitant à l'ensemble du Département et de relever les défis futurs. Il s'agit, d'une part, d'éliminer les doublons dans les structures du Département. Ces mesures permettent d'exploiter, sinon immédiatement du moins à moyen terme, des synergies appréciables dans le contexte financier actuel. Elles apportent également un gain qualitatif important en matière de cohésion et de vision départementale, que ce soit en termes de communication et de promotion de l'image de la Suisse à l'étranger, de planification financière, de révision interne ou de contrôle de gestion, pour ne citer que les principales améliorations escomptées.

­

Maintien et, si possible, extension de la marge de manoeuvre dans la conduite de la politique étrangère suisse, afin de pouvoir saisir les opportunités et relever les défis auxquels la Suisse est confrontée. Le fait de disposer d'une marge de manoeuvre est essentiel au succès de la politique étrangère.

Une vision départementale et le développement de stratégies d'ensemble axées sur les résultats permettent de créer des conditions générales propices à un tel succès. A l'intérieur de ce cadre, les unités d'organisation jouissent d'une autonomie aussi large que possible. Lorsque les missions, les compétences et les responsabilités sont congruentes et déléguées au niveau où se situent les connaissances, et lorsqu'un degré approprié d'autonomie est accordé, les conditions sont réunies pour que se développe une véritable culture de résultats.

1175

Les mesures de réorganisation ont été menées à un rythme soutenu, en parallèle du courant normal. Les travaux exposés plus en détail ci-après se trouvent à des stades divers d'avancement. Il s'agit d'une réorganisation en profondeur du DFAE, dont les effets sont appelés à se produire sur le moyen à long terme. A ce stade, le bilan global est positif et les perspectives se révèlent favorables.

Direction du développement et de la coopération La DDC s'est dotée d'une nouvelle structure au 1er octobre 2008. Au total, 340 collaborateurs et collaboratrices se sont vu attribuer un nouveau cahier des charges ou ont changé d'unité organisationnelle. Plus de 700 projets et programmes ont été examinés, partiellement adaptés et attribués à de nouveaux services.

Cette réorganisation doit permettre à la DDC de privilégier davantage les résultats opérationnels et de contribuer à la mise en oeuvre d'une stratégie de politique de développement harmonisée. L'objectif de la DDC est de mieux tirer parti du vaste savoir institutionnel et de son considérable capital d'expériences, de renforcer sa présence sur le terrain et de déléguer davantage de responsabilités aux Bureaux de coopération. Enfin, la réorganisation doit permettre de consolider la collaboration entre la DDC et les autres services du DFAE et de l'administration fédérale.

Le domaine Support, qui comprenait des services tels que la comptabilité, le personnel et la gestion de l'information, a été dissous et ses activités ont été intégrées aux domaines opérationnels ou à la Direction des ressources (DR) du Département. Ont également été rattachés à la DR le service de traduction et le service en charge du pilotage de la télématique. Le service d'information de la DDC et le service d'audit interne ont été transférés au Secrétariat général du DFAE, l'idée sous-jacente étant d'assurer l'homogénéité de la politique d'information au sein du Département, ainsi qu'une plus grande indépendance des organes de contrôle.

Concernant les tâches transférées au sein du Département, des conventions de prestations passées avec la Direction des ressources et le Secrétariat général garantissent l'affectation transparente et conforme aux buts fixés des moyens alloués par le Parlement pour la coopération au développement, l'aide en faveur des Etats d'Europe de l'Est et l'aide
humanitaire.

La deuxième étape de la réorganisation, qui se terminera fin 2010, a pour objectif d'accroître l'efficacité des moyens engagés et de renforcer la présence dans les pays partenaires. Il est prévu de mieux cibler l'orientation stratégique des activités de la DDC en procédant à une concentration thématique et en réévaluant les instruments et les processus. Il s'agit avant tout d'augmenter le nombre de mandats mis au concours et de renforcer la reddition de comptes sur les effets obtenus au moyen des ressources engagées. Enfin, pour gagner en efficience, il est prévu d'accroître l'envergure des projets et d'en réduire le nombre total d'environ un tiers d'ici à la fin 2010.

Direction des ressources La transformation de la Direction des ressources (anciennement Direction des ressources et du réseau extérieur) en centre de services et de compétences pour l'ensemble du Département s'est concrétisée par le regroupement des services de soutien en son sein: ­

1176

Le service Intégration télématique a ainsi fusionné avec le Centre de services informatiques pour former le service Informatique DFAE.

­

Les services du personnel (y compris ceux chargés du personnel local) ont été regroupés. Cette fusion répond à la volonté du DFAE de développer une politique du personnel homogène pour l'ensemble du Département dans le but de valoriser les compétences.

­

Les services en charge de la comptabilité et des décomptes de voyage, tout comme l'ensemble des services en charge des logiciels de gestion d'entreprise SAP ont été regroupés au sein de l'unité Finances DFAE.

­

Les services chargés jusque-là de la gestion de la sécurité ont été regroupés en une seule unité compétente pour l'ensemble du DFAE. En même temps, un certain nombre de thèmes jusqu'alors répartis entre différentes organisations ont été repris et intégrés dans cette nouvelle unité (sécurité informatique, sécurité relative aux transmissions, sécurité/santé). Ces mesures ont pour but de promouvoir une vision intégrée de la sécurité au DFAE.

­

L'ensemble des chancelleries ainsi que le service d'archives et le centre de compétence chargé du système de gestion des données ont été regroupés dans une nouvelle unité.

­

Les compétences et les prestations de l'unité chargée de la gestion des processus ont été étendues à l'ensemble du Département.

­

Une clarification des tâches, des compétences et des responsabilités a eu lieu en ce qui concerne l'identité visuelle (transfert au Secrétariat général) et les services juridiques (nouvelle répartition des tâches entre le Secrétariat général, la Direction du développement et de la coopération et la Direction des ressources).

­

L'ensemble des services spécialisés fournis par la Direction des ressources ont été regroupés dans l'unité Services spécialisés nouvellement créée au sein de la Direction.

Les structures sont en place et la Direction des ressources se concentrera à l'avenir sur la fourniture de services internes et sur l'amélioration permanente de la qualité de ses prestations.

Secrétariat général Dans le cadre de la réorganisation du DFAE, diverses entités ont été intégrées au Secrétariat général: c'est le cas du service centralisé Information DFAE, de l'ancienne Agence de communication internationale Présence Suisse, ainsi que du Centre de compétences pour la politique étrangère culturelle.

Il en va de même de l'Audit interne DFAE, qui contrôle, pour l'ensemble du champ d'activités du Département, l'efficience et l'efficacité de la conduite interne et des systèmes de contrôle. Les groupes de révision Centrale, Représentations et Programmes/projets effectuent des audits conformément aux normes de révision reconnues à l'échelle internationale. Dans les domaines Evaluation et Intervention, des compétences sont mises en place. Le nouvel Audit interne dote le DFAE d'un instrument qui assiste la direction du Département dans l'accomplissement de ses tâches de surveillance.

Deux nouveaux services d'état-major ont également été constitués pour soutenir la direction du Département. Le Controlling stratégique DFAE appuie la direction pour toute question d'ordre stratégique et promeut les mesures permettant de saisir, de 1177

traiter et d'interpréter, à des fins de gestion interne, les informations relatives à la conduite des directions et du réseau extérieur. La Gestion des risques DFAE apporte son concours à la direction du département pour la mise en oeuvre adéquate de la politique de gestion des risques de la Confédération. C'est aussi dans ce cadre qu'est coordonné le système de contrôle interne (SCI) du DFAE, en application des dispositions de la loi du 7 octobre 2005 sur les finances (RS 611.0). Parmi les autres tâches, il convient de mentionner des éléments clés de la prévention de la corruption.

Dans le sillage de la réorganisation, les ressources destinées à la promotion de l'égalité des chances entre femmes et hommes ainsi qu'au plurilinguisme ont été regroupées au Secrétariat général, au sein de la nouvelle unité d'organisation Egalité des chances DFAE. Ce service contribue à garantir l'égalité des chances et la diversité linguistique, pour en faire des éléments valorisants au sein du Département et permettre au DFAE de se positionner comme un employeur attrayant pour les personnes des deux sexes et les différents groupes linguistiques.

Au DFAE, la promotion des chances s'inscrit dans le cadre d'un profond changement culturel et organisationnel. Objectif même de ce changement, l'égalité des chances est clairement perçue comme une plus-value. La diversité du personnel du DFAE, la pluralité des expériences et des compétences issues de vécus, de cultures et de communautés linguistiques différents renforcent, au sein de l'organisation, la sensibilité et les compétences nécessaires à une appréhension plus différenciée des situations et des questions complexes, ainsi qu'à l'élaboration de solutions orientées vers l'avenir. Cruciale pour le DFAE et ses multiples tâches internationales, la diversité est encouragée de manière ciblée.

Affaires consulaires Du fait, notamment, de l'augmentation du nombre de Suisses de l'étranger et de la forte mobilité internationale, les attentes des citoyens suisses à l'égard des services consulaires ont nettement augmenté. Le manque de clarté ou de connaissance des prestations qu'ils sont effectivement en droit d'attendre conduit souvent à des attentes irréalistes, à des réclamations et à des différends juridiques, mais aussi à des problèmes d'image, car il s'agit d'un domaine à
haute visibilité, qui est fortement médiatisé.

Le DFAE a examinera la possibilité de regrouper au sein d'une nouvelle direction l'ensemble des services chargés des affaires consulaires. Au sein de la Direction politique et de la Direction des ressources, ces services n'ont pour l'heure pas une taille critique suffisante pour être reconnus comme des acteurs de poids par leurs principaux partenaires. Ce regroupement marquera le début d'un processus visant, entre autres, à renforcer le service public et à conférer au domaine consulaire une orientation clients plus marquée. Le DFAE examinera en particulier la possibilité d'introduire une assistance fonctionnant en permanence, 7 jours sur 7 et 365 jours par an. Le DFAE veillera en outre à apporter une plus grande transparence sur les prestations fournies afin d'assurer une meilleure information et sensibilisation des médias et du public en général.

1178

8

Conclusions: exercer son influence pour défendre ses intérêts nationaux

Le monde actuel est celui des interdépendances qui se multiplient entre les Etats, les organisations, les acteurs économiques, les groupes d'intérêts et les individus à mesure que les distances s'amenuisent. Des domaines politiques où les choses évoluaient souvent de façon cloisonnée, ou du moins dans un environnement bien défini, sont aujourd'hui interconnectés de diverses manières: il n'y a pas de politique de l'environnement sans politique énergétique, pas de politique de développement sans politique climatique, pas de politique de paix sans respect des droits de l'homme, pas de développement économique sans innovation scientifique. Ce qui va aujourd'hui de soi au sein d'un même pays s'étend de plus en plus aussi aux relations internationales.

Les acteurs privés, dont l'action complète celle des organisations internationales et qui collaborent avec elles, jouent un rôle croissant, notamment dans la formulation des politiques de portée internationale. Les limites entre politique intérieure et extérieure s'estompent, les politiques locale, nationale et mondiale s'interpénètrent de plus en plus, formant un écheveau d'interactions et d'interdépendances. Pour préserver ses intérêts nationaux dans cet environnement mondialisé, tout Etat doit exercer une influence et participer aux décisions là où il est concerné. La Suisse doit elle aussi veiller en permanence à identifier et à mettre à profit de possibles leviers d'influence pour défendre les intérêts de sa politique étrangère.

Le présent rapport a montré dans quels domaines notre pays peut exercer une influence politique à l'extérieur et comment il a exploité les possibilités qui s'offraient à lui au cours de l'année sous revue. La Suisse a mis à profit son engagement international pour entretenir des relations avec un grand nombre d'Etats, d'organisations et de réseaux de contacts, formels et informels. Elle a participé activement à l'élaboration et au développement de multiples dispositifs conventionnels internationaux. Elle a conclu de nouveaux accords et adhéré à de nouveaux traités. Avec d'autres Etats, elle a contribué à la résolution de problèmes et a fait connaître son avis sur de nombreux sujets lors de conférences internationales. A travers toutes ces actions, elle a oeuvré pour le bien de l'économie suisse, de la société dans son ensemble
ainsi que des milieux scientifiques et culturels, et elle a soutenu de multiples manières les Suisses de l'étranger.

Entre les Etats, relations et influences se conditionnent mutuellement, l'échange impliquant de donner comme de recevoir. L'autonomie ne saurait être totale, et il peut se révéler difficile d'allier la défense des intérêts à l'exercice d'une influence.

Car faire entendre sa voix, chercher à infléchir les choses soulèvent tout naturellement des résistances. La Suisse est intégrée dans un système de relations et de normes de plus en plus dense si bien que la composante internationale de la sauvegarde des intérêts nationaux ne cesse de gagner en importance. Il n'est donc pas étonnant que les questions ayant trait à la souveraineté et à la dépendance ainsi qu'au statut de la Suisse dans la gouvernance internationale fassent l'objet de débats de plus en plus fréquents et donnent lieu à controverse.

La souveraineté dans un environnement mondialisé La Suisse n'est pas le seul pays exposé à la difficulté croissante de concilier coopération internationale et souveraineté nationale. L'autodétermination est un leitmotiv important dans la politique étrangère de nombreux pays. Face à la nécessité crois1179

sante de la coopération entre Etats et organisations, les Etats sont désireux d'exercer une influence pour sauvegarder leurs intérêts nationaux sur la scène internationale.

L'enjeu consiste à trouver le juste équilibre entre le libre exercice de la volonté nationale et la nécessité d'une coopération internationale, particulièrement en temps de crise ou d'incertitude économique. La classe politique de nombreux pays est particulièrement sensible à toute forme d'ingérence extérieure et se montre très réticente face au développement ou à la création d'institutions et de normes internationales.

La coopération internationale sur les problèmes transfrontières tend à devenir plus difficile depuis quelque temps car les sensibilités nationales sont à vif. Souvent, les Etats ne sont pas disposés à adapter leurs institutions plus que nécessaire ou à déléguer des compétences de décision à une autorité internationale. En témoignent les difficultés auxquelles se heurtent les processus d'intégration régionale de même que les efforts visant à réformer des organisations comme les Nations Unies ou les institutions de Bretton Woods. Cette évolution rend plus aiguë la nécessité d'ancrer les intérêts et les revendications de la politique extérieure dans la politique intérieure et d'affirmer plus fortement les intérêts nationaux.

Les acteurs de la politique extérieure ont aussi une fonction primordiale d'interface entre l'intérieur et l'extérieur du pays. Mais en fin de compte, la sauvegarde des intérêts nationaux passe inéluctablement par la coopération internationale: il n'est possible de résoudre les problèmes mondiaux que par le compromis, et les organisations internationales offrent les plateformes de dialogue voulues à cet effet. Dans son action extérieure, la Suisse, comme d'autres pays comparables, doit choisir entre deux possibilités: soit elle défend ses intérêts et exerce une influence en utilisant les canaux interétatiques traditionnels, c'est-à-dire en travaillant essentiellement seule ou dans le cadre de coalitions ad hoc avec des pays partageant ses vues; soit elle défend ses intérêts en adhérant à une organisation au fonctionnement clairement défini et institutionnalisé, comme l'Union européenne (UE).

Préserver sa souveraineté nationale et exercer une influence à l'extérieur ne sont pas incompatibles,
comme l'illustre le cas de l'UE. Un nombre croissant d'Etats membres de l'Union européenne ont acquis la conviction que l'influence qu'ils exercent à Bruxelles est aussi importante ­ sinon plus ­ que les processus de décision nationaux. Mais vis-à-vis de l'extérieur, l'Union se comporte comme une entité tout à fait consciente de sa souveraineté. Ainsi, les processus internes de prise de décision par les Etats membres sont soigneusement protégés des influences que pourraient exercer des Etats tiers. Il est donc faux de dire que les Etats membres de l'Union auraient renoncé à leur souveraineté. Les canaux par lesquels ils exercent une influence se sont certes déplacés des institutions nationales vers les institutions communautaires, mais en même temps l'UE voit son influence dans le monde progresser parce qu'elle fédère les intérêts de ses Etats membres et qu'elle permet à ceux-ci de parler d'une seule voix.

Comme le montrent ces exemples, considérer qu'il y aurait d'un côté la souveraineté et l'indépendance, et de l'autre, la mondialisation, la coopération internationale et la dépendance, serait passer à côté des véritables défis. La coopération internationale n'a pas pour effet principal de provoquer une dépendance ou une perte de souveraineté. Ce n'est pas ainsi qu'il faut la voir, mais comme une possibilité d'agir avec responsabilité conformément aux intérêts nationaux. Dans ce sens, les institutions et les dispositifs conventionnels apparus au cours de la mondialisation ont multiplié les

1180

possibilités d'influence. Ils offrent un large éventail d'options pour exercer une souveraineté partagée ou conjointe.

La souveraineté moderne s'exerce donc par l'influence. Mais pour la Suisse comme pour de nombreux autres pays, une question se pose: comment peut-on concilier cette réalité avec les structures de décision nationales? A quel niveau faut-il prendre quelles décisions? Par quels moyens peut-on exercer une influence et quels en sont les avantages et les inconvénients? Dans ce questionnement, la subsidiarité devient un facteur important, qui joue un rôle aussi au niveau international.

Cela fait plusieurs dizaines d'années que l'on voit les Etats oeuvrer pour exercer leur influence en participant aux décisions prises sur la scène internationale, et cette tendance ne faiblit pas. Naturellement, la Suisse peut aujourd'hui décider de manière autonome si elle souhaite régler telle ou telle question de la même manière que les Etats qui l'entourent ou d'une manière différente. Dans ce sens, elle est libre de pratiquer un secret bancaire rigoureux, d'interdire la construction de minarets ou de soumettre le transport des animaux à des normes strictes. Ces mêmes exemples illustrent cependant les limites pratiques des décisions prises de manière autonome: dès lors que celles-ci touchent les intérêts de tiers, violent des normes internationales ou sont contraires à des tendances largement répandues, elles déclenchent de plus en plus de réactions voire de mesures de rétorsion car, de nos jours, l'environnement international est un réseau d'interconnexions étroites.

Ainsi, les Etats qui agissent de manière autonome et sans égard pour les autres parties concernées doivent prendre conscience des coûts d'opportunité croissants qu'ils doivent supporter de ce fait. Etant donné l'écheveau de relations qui lie actuellement les Etats, la Suisse doit elle aussi calculer les profits et pertes de son action politique, peser le coût et l'utilité de contracter ou de ne pas contracter des liens conventionnels ou institutionnels.

Souveraineté et influence en Europe C'est dans le cadre de la politique européenne que la question de la souveraineté nationale et de la participation aux décisions internationales se pose avec le plus d'acuité. La Suisse est un Etat européen. L'Union européenne et ses Etats membres
sont de loin ses partenaires les plus importants, que ce soit en raison de leur poids politique et économique ou de leur proximité géographique et culturelle. La Suisse entretient avec l'UE des relations étroites, qui se caractérisent par une coopération étendue, solide et mutuellement bénéfique. La voie bilatérale que la Suisse a choisie pour sa politique européenne offre encore une base solide pour pratiquer une coopération économique, politique et sociale étroite tout en lui permettant de préserver, formellement et juridiquement, son indépendance institutionnelle. Dans ce cadre, la Suisse peut continuer à négocier des réglementations différentes des règles communautaires, par exemple dans le domaine des échanges internationaux, de la politique monétaire ou du marché du travail, tout en progressant sur la voie du développement d'interconnexions et de l'intégration dans le marché intérieur européen. La politique européenne est portée par le parlement, les cantons et le peuple, qui a approuvé toutes les étapes décisives par référendum.

Mais la coopération avec l'UE repose de plus en plus sur la reprise de la législation communautaire en vigueur (acquis communautaire) alors que la Suisse n'a pas eu la possibilité de participer valablement à l'élaboration de ces règles. En plus, il est clair que l'Union européenne porte une appréciation beaucoup plus réservée sur la voie 1181

bilatérale: elle insiste de plus en plus sur la nécessité d'une reprise intégrale de l'acquis communautaire et de son développement dans les domaines régis par des accords bilatéraux et sur son refus à l'avenir des dispositions dérogatoires.

Les futures négociations avec l'UE suivront les orientations définies dans le rapport que le Conseil fédéral a présenté en réponse au postulat Markwalder. Ces orientations visent à sauvegarder l'indépendance de la Suisse, à garantir l'accès de ses acteurs économiques au marché intérieur européen dans le respect mutuel de la souveraineté des deux parties et à faire de la Suisse un partenaire fiable de l'UE pour faire valoir nos intérêts communs sur le continent européen et dans le monde, en particulier pour lutter contre la pauvreté, promouvoir la paix et les droits de l'homme, soutenir l'Etat de droit et la démocratie et sauvegarder nos ressources naturelles.

Pour que ces buts puissent être atteints, il faut que les accords négociés à ce jour soient mis en oeuvre à la satisfaction des deux parties. Il faut en outre définir une série de thèmes à aborder dans un prochain paquet d'accords bilatéraux en fonction des intérêts réciproques. Enfin, des solutions innovantes doivent être trouvées pour apporter une réponse aux nombreuses questions horizontales et institutionnelles que posent l'interprétation et le contrôle des accords ainsi que le règlement des différends.

Dans ce sens, le développement des accords bilatéraux est un thème crucial pour l'orientation à venir de la politique européenne de la Suisse. Au cours de la prochaine étape de négociations bilatérales, la Suisse devra une fois de plus évaluer, à la lumière des résultats obtenus, quels sont les coûts d'opportunité politiques et économiques de l'adoption de normes autonomes divergentes et d'arrangements institutionnels. Il convient donc de faire le bilan des enjeux de souveraineté et des coûts économiques de toutes les options d'action et d'en faire une appréciation sur la base du critère de la représentation de nos intérêts et de nos possibilités d'influence.

Exercer une influence en créant une valeur ajoutée La coopération internationale de la Suisse ne se déploie pas dans le seul cadre de ses relations étroites avec l'UE. Elle se développe également là où une action commune crée une valeur ajoutée
ou bien là où les défis à relever sont trop grands pour qu'un pays puisse les relever seul. Les domaines particulièrement importants à cet égard pour la Suisse sont la réglementation des marchés financiers, la politique internationale en matière de science et de recherche, la politique de désarmement et de sécurité, la lutte contre les diverses formes de violence transfrontière, la politique des droits de l'homme et l'engagement humanitaire, la politique de développement, la politique environnementale et climatique ainsi que la politique internationale en matière de migration.

Une manière d'exercer une influence consiste à participer aux efforts de stabilisation politique et économique, que ce soit à travers la promotion de la paix, la médiation, l'aide humanitaire, la coopération au développement ou l'engagement en faveur des droits de l'homme. Lorsque la Suisse est active dans les Balkans, dans le Caucase, en Asie centrale, au Proche-Orient et dans la région africaine des Grands Lacs, elle cherche aussi à faire valoir ses intérêts, à diffuser ses valeurs et à construire des réseaux de relations. Il est crucial que la Suisse oeuvre pour la défense de ses intérêts sans se limiter à la politique économique et financière au sens strict. Les relations qu'elle entretient avec les autres pays et avec les organisations internationales sont 1182

trop diverses pour cela et c'est précisément cette diversité de relations qui offre l'opportunité de trouver des solutions équilibrées dans les domaines où des intérêts opposés s'affrontent. Le fait que les Etats-Unis apprécient le travail accompli par la Suisse dans l'exercice du mandat de puissance protectrice en Iran, dans la médiation entre la Turquie et l'Arménie ou encore dans les efforts de stabilisation dans les Balkans est la meilleure garantie de pouvoir aboutir à des solutions équilibrées sur les dossiers financiers et fiscaux en tenant compte de la globalité des relations entre les deux pays. On pourrait donner des exemples de ce type pour presque tous les pays. A contrario, l'Etat qui limite ses relations avec les autres Etats aux sujets faisant l'objet de divergences risque de se priver d'occasions d'exercer son influence.

Les Etats peuvent également exercer leur influence dans l'enceinte des institutions internationales, comme l'ONU, les institutions de Bretton Woods, l'OMC, l'OCDE, l'OSCE ou le Conseil de l'Europe. A cet effet, la Suisse expose ses objectifs, formule des initiatives, exerce ses bons offices pour faire aboutir des solutions multilatérales ou présente des propositions de réforme adaptées. En unissant ses efforts à ceux d'autres pays, la Suisse renforce l'efficacité de son engagement et gagne en influence. La participation de la Suisse aux charges supportées par la communauté internationale (burden sharing) est particulièrement importante. Or, si cette participation reste modeste à l'avenir dans le domaine de la politique de sécurité pour des raisons de neutralité, les attentes de nos voisins européens n'en seront que plus fortes dans le domaine de l'aide humanitaire, de la promotion civile de la paix, de la coopération au développement et des contributions financières à la cohésion de l'UE.

Il est donc aisé de comprendre que, dans toutes les organisations et institutions dont elle est membre, la Suisse assume pleinement ses droits et ses devoirs afin de pouvoir exercer efficacement son influence. La présidence du Conseil de l'Europe pendant six mois s'inscrit dans cette logique, de même que l'accueil du Sommet de la francophonie en 2010 ou la possible candidature à un siège non permanent au Conseil de sécurité de l'ONU.

Exercer une influence en fédérant des intérêts
Pour exercer une influence, la Suisse doit également tenir compte dans sa politique étrangère de l'évolution des rapports de force. Il lui faut donc porter un intérêt particulier à ses relations avec le G20 et ses Etats membres ainsi qu'avec d'autres pays majeurs ayant un rayonnement régional. Etant donné l'envergure de ces acteurs, il est important d'avoir une démarche cohérente car la montée en puissance du G20 n'est pas seulement économique mais touche aussi la politique de souveraineté. Pour exercer une influence, la Suisse peut passer par la voie bilatérale et aussi par les consultations entre le G20 et les organisations dont elle est membre. Il importe donc que la Suisse accorde une attention particulière aux relations bilatérales avec les acteurs de la politique mondiale qui montent en puissance. Il faut également que la Suisse expose ses objectifs, obtienne que ses préoccupations soient prises en compte dans les processus de décision internationaux, s'ouvre des possibilités de coopération et défende ses valeurs traditionnelles et ses intérêts quand bien même les rapports de force politiques évoluent. Cela suppose la capacité de fédérer des intérêts, de construire des solutions d'ensemble et de mettre les aspects particuliers au second plan par rapport à une vision générale.

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La Suisse fait partie des pays les plus importants au monde dans le domaine qu'abordera le G20 en priorité, à savoir la politique internationale des marchés financiers. Elle peut exercer une certaine influence grâce à la place éminente qu'elle occupe dans les instances qui préparent les sommets du G20, c'est-à-dire le FMI, l'OCDE et le Conseil de stabilité financière. Mais il est nécessaire ­ et sans aucun doute possible ­ de renforcer cette influence dans des domaines cruciaux. Pour cela, il est important d'unir nos efforts et de coopérer avec des pays partageant notre vision des choses. L'essor économique de pays comme la Chine, l'Inde, le Brésil ou l'Afrique du Sud tend à réduire le poids de la Suisse et de l'Europe dans la plupart des enceintes politiques internationales. Nous courons donc le risque de perdre des possibilités traditionnelles de participation aux décisions. La Suisse doit impérativement disposer des moyens financiers et humains nécessaires et conclure les alliances requises avec des Etats partenaires pour sauvegarder ses possibilités de participer aux décisions et d'exercer une influence.

La Suisse est de plus en plus confrontée à la dynamique de l'intégration européenne au niveau mondial également. Dans toutes les organisations et dans tous les domaines thématiques intéressant la Suisse, l'importance de l'UE en tant que porte-parole régional ne cesse de croître. Il est donc plus difficile au niveau mondial de mener une politique autonome, indépendante de l'UE. Souvent, les intérêts de la Suisse convergent avec ceux de l'UE. Mais lorsque ce n'est pas le cas, notre pays a du mal à défendre ses intérêts en agissant seul. La Suisse ne peut avoir une action autonome efficace que là où l'UE n'a pas de position commune ou seulement une position encore mal définie. Or, cela est le cas dans un nombre décroissant d'enceintes et sur un nombre décroissant de thèmes.

Exercer une influence en coopération avec des acteurs privés Il est important également de comprendre que, de nos jours, les Etats ne sont plus les seuls à définir les relations internationales. Les entreprises multinationales, les institutions scientifiques et les organisations non gouvernementales fonctionnent au sein de réseaux transnationaux qui gagnent en puissance, devenant ainsi des acteurs importants de la
mondialisation. Cette tendance a été renforcée par les nouvelles technologies au cours de la décennie écoulée. Les Etats et le secteur privé mettent en place de nouveaux organes et organisations à caractère mixte pour faire face aux défis mondiaux. Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme en est un exemple. Des professionnels s'organisent en réseau transnationaux, par-delà les structures étatiques traditionnelles, et des secteurs économiques créent eux aussi des forums régionaux et mondiaux qui jouent un rôle majeur dans l'autorégulation, le développement de normes, la formation ou les échanges d'expérience. La Suisse, qui possède une société civile dynamique et bien organisée et un monde professionnel qualifié et bien intégré dans les réseaux internationaux, est en position idéale pour jouer un rôle de leader dans cette évolution.

Enfin, un Etat qui veut pratiquer une politique d'influence souveraine doit gérer activement sa communication et son image en recourant à toutes les plateformes techniques disponibles. La culture politique de la Suisse ne l'incite pas à se mettre en scène dans les médias et la communication. Cela est contraire à la modestie proverbiale de notre pays, qui a ses avantages et dont il faut être fier. Force est cependant de reconnaître que la Suisse ne peut pas défendre suffisamment ses intérêts matériels dans le monde médiatisé d'aujourd'hui si elle ne communique pas de manière déterminée sur ses objectifs, ses décisions et ses intentions ainsi que sur ses 1184

convictions et sur les raisonnements qui les fondent. Exercer une influence aujourd'hui, c'est aussi communiquer de manière ciblée et objective et faire entendre sa voix dans le concert de la communication mondiale.

Toute politique nationale de défense des intérêts a des limites, dont il est bon de faire état en toute transparence. Ces limites résident pour une part dans la constellation des rapports de force et des institutions, c'est-à-dire ­ pour la Suisse ­ dans le fait qu'elle n'est pas membre de l'UE ni de l'OTAN. On relèvera que l'entrée de la Suisse dans ces organisations obligerait à adapter les instruments de la démocratie, du fédéralisme et de la politique de sécurité. Mais pour une autre part, les limites de la politique de défense des intérêts nationaux tiennent également aux craintes corporatistes et protectionnistes de certains secteurs économiques et de certaines catégories de la population. Celles-ci s'expliquent par exemple par une peur de la concurrence internationale ou par la crainte que des arrangements de politique intérieure puissent être mis en danger par les relations extérieures. Lorsque les conséquences de la coopération et de l'intégration internationales suscitent des craintes légitimes, il importe d'y répondre efficacement. Mais à terme, la Suisse devra procéder à des changements dans des domaines délicats aussi, ce qui l'obligera encore plus à séparer ce qui est essentiel pour l'identité du pays de ce qui est négociable. La Suisse devra ainsi définir clairement en quoi consistent ses intérêts et intervenir de manière plus cohérente sur la scène internationale.

Les limites d'une politique reposant sur des priorités Alors que la pression sur les dépenses publiques s'accroît et que le coût de la coopération internationale a tendance à augmenter, des voix s'élèvent fréquemment pour appeler à fixer des priorités reposant sur des critères financiers et à privilégier les causes nationales aux causes internationales. On peut comprendre ce message, qui est tout à fait fondé en partie. Néanmoins, il méconnaît la réalité des réseaux mondiaux, les exigences de la communauté internationale envers un pays riche comme la Suisse ou encore la nécessité de faire appel à la coopération internationale pour résoudre des problèmes nationaux et il sous-estime l'énormité des difficultés
et du coût politique qu'aurait la mise en oeuvre d'une telle politique.

Géographiquement, la priorité accordée aux pays européens qui nous entourent ainsi qu'à nos voisins européens immédiats d'Europe de l'Est, aux Balkans occidentaux, au bassin méditerranéen, au Caucase et à l'Asie centrale découle de la substance de nos relations avec les pays de ces régions. La Suisse se distingue des pays européens comparables par l'étendue de son réseau de relations dans le monde. Cela est dû à sa neutralité et à son indépendance par rapport aux alliances, qui la conduisent à défendre ses intérêts elle-même. Cela est également dû à la grande variété, en comparaison internationale, de ses intérêts économiques et sociaux. La Suisse ainsi que ses citoyennes et ses citoyens ont toujours été ouverts sur le monde malgré leur fort ancrage européen. Il serait donc illusoire et contre-productif pour les intérêts suisses de vouloir concentrer la politique étrangère exclusivement sur l'Europe, au détriment du reste du monde.

Sur le plan thématique, la situation est similaire. D'une part, la Suisse est trop grande pour pouvoir mener une politique étrangère de niche en se concentrant sur un petit nombre de sujets. D'autre part, sa spécificité réside dans l'étendue et la variété de ses réseaux internationaux. Une politique étrangère concentrée sur une sélection de thèmes et de problèmes ne lui permettrait pas de profiter des atouts que procure une approche thématique étendue.

1185

On a également tenté de privilégier l'approche bilatérale par rapport à l'approche multilatérale, ne serait-ce que pour la coopération au développement. Mais cette approche est peu efficace pour défendre les intérêts de la politique étrangère, car elle est trop souvent guidée par des intérêts nationaux particuliers. Les institutions multilatérales n'ont rien à envier au bilatéralisme en termes d'efficience et d'efficacité et, de surcroît, elles offrent à la Suisse de très intéressantes possibilités d'influence.

Mais pour que la Suisse puisse exploiter ces possibilités, elle doit maintenir sa participation aux organisations multilatérales en Europe et dans le monde, même si le coût de cet engagement a tendance à augmenter.

Enfin, une attention adéquate doit être accordée à la cohérence de l'action extérieure. Comme expliqué plus haut, la politique étrangère est faite d'interactions variées entre des intérêts nationaux qui doivent être défendus sur la scène internationale.

Cela suppose une collaboration interdépartementale de plus en plus étroite impliquant les différents services de l'administration fédérale actifs à l'international. Dans ce contexte, il est important d'avoir une analyse commune des problèmes, mais aussi de se concerter sur la manière de résoudre les problèmes et sur le choix des priorités.

Les institutions multilatérales offrent à cet effet des plateformes de discussion utiles pour formuler une définition cohérente des défis les plus urgents au niveau mondial.

Pour que la Suisse soit en mesure de faire valoir efficacement ses intérêts dans un environnement mondialisé, la cohérence de ses relations extérieures est un facteur important. Une communication internationale cohérente reposant sur des valeurs nationales affirmées est la meilleure condition pour pouvoir influer sur les conditions-cadres internationales et, ainsi, contribuer à résoudre les problèmes mondiaux.

La diplomatie en mutation Dans un environnement en forte mutation, il est indispensable d'adapter les instruments de la politique extérieure aux exigences de la nouvelle situation et de reporter les dépenses de fonctionnement de la politique étrangère vers les tâches et les défis qui en découlent. Il faut également reconsidérer périodiquement le réseau de représentations de la Suisse et l'adapter aux changements
intervenus. Les représentations de la Suisse à l'étranger jouent un rôle important dans la construction et l'entretien de réseaux de relations sur les nouveaux marchés et dans les régions émergentes. A ressources égales, cela signifie toutefois que les économies doivent plutôt cibler les régions où des contacts sont déjà bien établis et où des relations politiques stables peuvent passer par d'autres canaux que les canaux diplomatiques. Le réseau de représentations doit également être adapté à la demande croissante de services consulaires. Cette augmentation de la demande, qui est très sensible dans beaucoup de nos représentations à l'étranger, est imputable à trois facteurs: premièrement, le nombre croissant de Suisses domiciliés à l'étranger; deuxièmement, l'essor des voyages touristiques et des déplacements d'affaires à l'étranger; troisièmement, le niveau d'exigence élevé des citoyennes et des citoyens envers l'administration.

Dans ce contexte, il importe d'exploiter les possibilités offertes par les nouvelles technologies et procédures dans le domaine de la cyberadministration de manière à accomplir autant que possible les tâches administratives via des centres de prestations. Etant donné le grand nombre de représentations suisses à l'étranger (ambassades, consulats, swissnex, Osec et Pro Helvetia), il faut étudier les synergies possibles. Les ambassades de Suisse qu'administre le DFAE doivent continuer l'évolution entamée pour devenir des centres qui assurent la coordination des multiples réseaux de relations internationales et la cohérence de la présence de la Suisse.

1186

Lorsque cela est nécessaire et utile, d'autres départements de l'administration fédérale devraient leur apporter un soutien en personnel.

Les toutes récentes évolutions en matière de diplomatie sur internet revêtent une importance majeure. De nouveaux canaux de formation de l'opinion politique ont une influence croissante sur le contenu et la conduite de la politique étrangère, domaine dans lequel il est un fait que les outils virtuels sont de plus en plus utilisés: ­

Il n'est pas une crise dans laquelle la coordination des acteurs, les échanges d'informations et l'analyse des besoins ne passe pas par des réseaux virtuels multilatéraux.

­

Il n'est pas un sujet dont les analyses, les appréciations et les options d'action ne sont pas discutées et développées entre professionnels sur des plateformes virtuelles.

­

Il n'est pas un événement politique qui ne soit pas discuté par le grand public sur des blogs et des chats.

Naturellement, il serait faux de croire que ces nouveaux outils peuvent remplacer les contacts personnels ou les négociations en face à face. Il serait tout aussi erroné de penser que l'homme de la rue cessera bientôt de se forger une opinion politique dans les traditionnelles discussions de café. Mais il existe aussi d'autres formes de débat politique, qui doivent être prises en compte et intégrées dans le processus de formation de l'opinion sur les dossiers de politique étrangère. La communauté virtuelle intéressée par la politique extérieure est en plein essor.

La DFAE, qui a fait oeuvre de pionnier sur la scène internationale dans le développement de la cyberdiplomatie, a une longue expérience à la fois dans la mise à disposition de plateformes administratives internes communes pour les processus de décision en matière de politique étrangère et dans la mise en oeuvre d'actions de politique étrangère. Le DFAE continuera de s'intéresser de près au développement de la cyberdiplomatie et il renforcera ses efforts dans le domaine des contacts extérieurs virtuels avec des réseaux de spécialistes et avec le grand public.

Enfin, force est de constater que certains débats sur la politique extérieure ont des relents passéistes. L'action dans le domaine de la politique étrangère est souvent considérée comme oscillant entre deux pôles, s'adapter ou résister, et l'on s'attache à repérer la moindre concession. Une valeur particulière est apparemment accordée au statu quo et à la résistance aux exigences de changement émanant de l'étranger.

Mais il s'agit là d'un contresens politique, et cela pour diverses raisons. Historiquement, la Suisse a toujours été un pays disposant de relations internationales intenses, qui s'est distingué par une gestion dynamique de sa politique intérieure et de sa politique extérieure, avec une philosophie: «s'adapter si nécessaire; rester autonome si possible». La politique étrangère se définit par une négociation permanente au cours de laquelle on donne et on reçoit, on défend ses intérêts avec opiniâtreté et on propose des concessions. Pour faire ce qu'il faut au bon moment, il est essentiel de savoir évaluer les risques et les bénéfices politiques. C'est ce que le Conseil fédéral continuera de rechercher dans sa politique extérieure.

1187

Annexe 1

Informations complémentaires concernant le Conseil de l'Europe (2009 à mai 2010) L'annexe contient des informations complémentaires sur les activités de la Suisse dans les différents domaines qui relèvent de la compétence du Conseil de l'Europe.

1

Comité des Ministres

Conformément à l'ordre alphabétique anglais, la Suisse a assumé la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe pour six mois du 18 novembre au 11 mai 2010. La présidence suisse s'est achevée sur la 120e Ministérielle, réunion qui a eu lieu à Strasbourg et que la présidente, la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey, a dirigée de concert avec son successeur, le ministre des Affaires étrangères de Macédoine A. Miloshoski.

La présidence a été une opportunité pour la Suisse de mettre en évidence son attachement aux valeurs et aux normes du Conseil de l'Europe dans des domaines tels que la protection des droits de l'homme, le respect de l'Etat de droit et la promotion de la démocratie, qui font partie des priorités de la politique étrangère de notre pays.

Des responsabilités et activités supplémentaires ont été coordonnées et assurées par la présidence suisse tout au cours de la demi-année qu'a duré cette présidence. Ceci a entraîné un surcroît de travail pour tous les offices concernés au sein et en dehors de l'administration fédérale.

Pour le résumé et le bilan, voir le ch. 2.2.2 du rapport sur la politique extérieure 2010.

Le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a tenu, le 12 mai 2009, sa 119e session à Madrid, sous les présidences successives de M. A. Moratinos, ministre des Affaires étrangères d'Espagne, et de S. Zbogar, ministre des Affaires étrangères de Slovénie. La délégation suisse était dirigée par le chef du DFAE, la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey. Vingt-cinq ministres, ainsi que seize vice-ministres ou secrétaires d'Etat, ont participé à cette session convoquée exceptionnellement dans la capitale espagnole pour célébrer le 60e anniversaire de l'organisation. Le principal résultat de la présidence espagnole du Comité des Ministres qui se terminait à Madrid a été l'adoption de décisions tendant à remédier à l'engorgement de la Cour européenne des droits de l'homme, dont l'avenir a été l'objet d'une attention particulière. Ce thème correspondait aux objectifs que la Suisse a établis pour sa présidence du Comité des Ministres. Le chef du DFAE a déclaré que la Suisse proposerait à cet effet une conférence de haut niveau consacrée à l'avenir de la Cour européenne des droits de l'homme.

Les ministres ont salué cette initiative et décidé de mentionner la
conférence dans la déclaration finale. L'élection du nouveau Secrétaire général du Conseil de l'Europe a également retenu l'attention des ministres: la recommandation des candidats au poste de Secrétaire général du Conseil de l'Europe, qui doit être élu par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe parmi les noms proposés par le Comité des Ministres, avait créé une situation délicate. En effet, après l'élimination de deux des 1188

quatre candidats par les ministres, un conflit avait éclaté entre le Comité des Ministres et l'Assemblée parlementaire, laquelle n'avait pas voulu, dans une première phase, entrer en matière.

Grâce aux efforts menés par la présidence slovène, en étroite collaboration avec son successeur, le chef du DFAE, un dialogue intense a pu être entamé avec l'Assemblée parlementaire. Le 29 septembre 2009, celle-ci a finalement élu le Norvégien T. Jagland avec 165 voix contre 80 pour le candidat polonais W. Cimoszewicz.

Le dialogue entre le Comité des Ministres et l'Assemblée parlementaire s'est poursuivi sous présidence suisse. Des réunions ad hoc ont eu lieu le 18 mars 2010, à Paris, et le 26 avril 2010, à Strasbourg. Elles ont été très utiles pour intensifier l'échange d'informations et la confiance mutuelle.

La 120e session du Comité des Ministres a réuni 34 ministres et vice-ministres des Affaires étrangères. Cette session a permis au Comité de prendre un certain nombre de décisions formelles sur des affaires de portée stratégique, notamment concernant le suivi de la Conférence d'Interlaken et les relations avec l'Union européenne. Une déclaration sur la Bosnie-Herzégovine a été faite par les présidences entrante et sortante du Comité des Ministres, à l'initiative de la présidence suisse. Elle appelle le pays à mettre sa Constitution en conformité avec la Convention européenne des droits de l'homme, suite à l'arrêt rendu, fin 2009, par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Sejdic et Finci contre la Bosnie-Herzégovine, encourage les autorités à recourir à l'expertise de la Commission de Venise et offre le soutien du Conseil de l'Europe pour les efforts de réforme.

Le succès de la présidence suisse a été salué par toutes les délégations qui se sont exprimées. Son principal résultat a sans doute été l'adoption à l'unanimité par tous les Etats membres de la «Déclaration d'Interlaken»

2 2.1

Cohésion démocratique Droits de l'homme

Cette année encore, les activités du Comité directeur pour les droits de l'homme (CDDH) ont notamment porté sur la réforme du système de contrôle de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). Les débats avaient déjà marqué la Conférence d'Interlaken, organisée par la Suisse en février 2010 dans le cadre de sa présidence du Comité des Ministres. Lors de sa séance de printemps en mars 2009, le Comité a approuvé son rapport d'activité «Garantir l'efficacité à long terme du système de contrôle de la CEDH». A cet égard, il a également adopté l'avis relatif aux moyens d'appliquer, avant l'entrée en vigueur du Protocole no 14 à la CEDH71, certaines mesures d'allègement prévues par celui-ci (introduction de juges uniques, nouvelles compétences pour les comités de trois juges). A partir de cette prise de position, les ministres compétents ont notamment pu adopter à Madrid, en mai 2009, le Protocole no 14bis à la CEDH contenant les mesures d'allégement indiquées.

71

Le Protocole no 14 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales est entré en vigueur le 1er juin 2010, après que la Russie l'a ratifié en tant que 47e et dernier Etat, le 18 février 2010 à Interlaken.

1189

A l'automne, la séance de novembre 2009 a principalement abouti à la prise de position du CDDH sur les thèmes qui devaient être traités lors de la Conférence d'Interlaken. Ce document a fourni une base solide pour la préparation de la déclaration politique qui a pu être adoptée le 19 février 2010 à Interlaken (cf. ch. 2.2.1).

Outre les débats sur les réformes, le CDDH a accompagné les activités de ses souscomités et des groupes de travail qu'ils ont mis en place. Parmi ces travaux, citons notamment ceux accomplis dans les domaines des droits de l'homme et de la procédure d'asile (adoption des Lignes directrices sur la protection des droits de l'homme dans le cadre de la procédure d'asile accélérée), des droits de l'homme des militaires et de la protection contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle (adoption pour chacun de ces deux thèmes d'une recommandation accompagnée d'un rapport).

Le Comité d'experts sur les questions relatives à la protection des minorités nationales, subordonné au CDDH, a tenu ses deux réunions annuelles en avril et en novembre 2009. Il a en particulier examiné s'il était admissible de recueillir des données à caractère ethnique et a étudié les méthodes adaptées pour ce faire. Il a également commencé une analyse de la répartition du soutien financier public aux associations de minorités nationales, afin d'identifier les bonnes pratiques à ce sujet.

Le Comité d'experts sur l'impunité est une instance nouvellement créée, subordonnée au CDDH. Lors de sa première réunion, qui a eu lieu du 9 au 11 septembre 2009, les discussions ont porté sur l'intérêt et la faisabilité de lignes directrices du Conseil de l'Europe contre l'impunité dans le cadre de violations des droits de l'homme. Le Comité d'experts s'est alors prononcé en faveur de l'élaboration de telles directives, mais la question de leur forme concrète est restée largement ouverte. A sa deuxième rencontre, les 4 et 5 mars 2010, il a engagé les travaux d'élaboration des directives.

Durant l'année sous revue, le Comité directeur pour la bioéthique (CDBI) a fêté les 10 ans de l'entrée en vigueur de la Convention sur la biomédecine et il a concentré ses travaux sur la préparation d'une Conférence ministérielle qui aura lieu fin 2010 sur les questions éthiques liées à la recherche sur l'être humain dans les
pays en développement et en voie de transition. Il a également approuvé la publication d'un guide à l'intention des membres des commissions nationales d'éthique pour la recherche, qui a été diffusé au cours d'une consultation informelle en Suisse. Afin d'assurer un fonctionnement plus efficace du CDBI, les Etats membres, dont la Suisse, ont décidé de revoir les méthodes de travail du Comité et de raccourcir la durée des deux réunions annuelles.

2.2 2.2.1

Cour européenne des droits de l'homme Conférence d'Interlaken sur la réforme de la Cour européenne des droits de l'homme

Dans le cadre de sa présidence du Conseil de l'Europe, la Suisse a organisé les 18 et 19 février 2010 à Interlaken une conférence de haut niveau sur l'avenir de la Cour européenne des droits de l'homme (CDH), sous la présidence commune des chefs du DFJP et du DFAE. La Suisse, qui avait présenté la réforme de la CDH comme l'un des grands dossiers de sa présidence, souhaitait établir avec la Conférence d'Interlaken un signe politique clair permettant de stimuler ce processus de réforme.

1190

Cette conférence, née d'une idée du président de la CDH, visait à traiter la surcharge chronique de la Cour européenne des droits de l'homme, qui compromet le fonctionnement du système à long terme: plus de 120 000 plaintes étaient en suspens début janvier 2010, avec une tendance à la hausse. Les nombreuses plaintes non justifiées ainsi que les cas récurrents sont notamment à l'origine d'importants problèmes qui expliquent en grande partie la surcharge du système.

A cet égard, certaines solutions doivent être apportées par le Protocole no 14 à la CEDH, adopté en mai 2004 et entré en vigueur le 1er juin 2010, après que la Russie a clôturé la phase de ratification en marge de la Conférence d'Interlaken. Afin de remédier aux problèmes les plus urgents, les Etats parties à la CEDH ont décidé, à l'occasion de la session du Comité des Ministres qui s'est tenue le 12 mai 2009 à Madrid, de l'application provisoire de certaines parties du Protocole no 14 à compter du 1er juin 2009.

La Suisse visait trois objectifs avec la Conférence d'Interlaken: 1.

renforcer l'engagement des Etats parties à respecter et à mettre en oeuvre les droits garantis par la CEDH;

2.

apporter un soutien politique aux efforts de la Cour européenne des droits de l'homme pour accroître son efficacité à court terme dans le cadre des dispositions en vigueur72;

3.

activer un processus de réforme de la CDH à moyen et long terme, de sorte que celle-ci puisse fonctionner dans la durée.

Ces objectifs ont été pleinement atteints. La conférence, à laquelle les principaux Etats membres du Conseil de l'Europe étaient représentés au niveau ministériel, a permis d'adopter par acclamation, le 19 février 2010, la «Déclaration d'Interlaken» préparée par la Suisse, qui renforce et améliore le système de contrôle de la CEDH.

Elle a par ailleurs obtenu un résultat préliminaire positif au sens où, juste avant que ne soit donné son coup d'envoi, la Russie était le dernier Etat à ratifier le Protocole no 14 à la CEDH.

La Déclaration d'Interlaken ne se limite pas à une déclaration d'intention. Elle contient également un vaste plan d'action visant à améliorer et à réformer le système. Ce plan introduit des mesures concrètes assorties de délais, qui doivent contribuer à alléger durablement la charge de travail de la CDH. La déclaration confirme notamment le principe de subsidiarité, selon lequel l'application et le respect de la CEDH ainsi que de la jurisprudence de la CDH relèvent en priorité de la responsabilité des Etats parties. De même, elle souligne l'importance d'une mise en oeuvre rapide et cohérente des arrêts de la Cour, au cas par cas et à un niveau général. Ces mesures, ainsi que d'autres, doivent permettre de réduire le nombre de plaintes.

Le plan d'action porte également sur la Cour européenne de justice à proprement parler, dont il doit contribuer à alléger la charge par des mesures organisationnelles ainsi que par une jurisprudence claire et cohérente. Le Comité des Ministres soumettra les mesures du plan d'action à une évaluation permanente afin de pouvoir se prononcer sur la nécessité de réformes profondes du système si les gains d'efficacité n'atteignent pas le niveau requis.

72

C'est-à-dire sans modification de la CEDH.

1191

2.2.2

La Suisse devant la Cour européenne des droits de l'homme

Durant la période sous revue, la Cour européenne des droits de l'homme (CDH) a rendu sept arrêts concernant directement la Suisse.73 Dans cinq dossiers, la CDH a constaté au moins une violation de la CEDH. Deux plaintes à l'égard du gouvernement ont été déclarées non admissibles. Cinq autres cas ont été par ailleurs rayés du rôle car les circonstances pouvaient laisser supposer que les requérants n'avaient pas l'intention de maintenir leur plainte (art. 37, al. 1, let. a CEDH) ou que le litige avait été résolu (art. 37, al. 1, let. b CEDH). La CDH a déclaré deux autres plaintes non admissibles.

Dans le cas Shabani (arrêt du 5 novembre 2009), le requérant avait passé cinq années en détention provisoire avant d'être condamné par le Tribunal pénal fédéral à une peine privative de liberté de quinze ans pour infractions qualifiées à la législation sur les stupéfiants, commises par métier, et pour avoir exercé un rôle dirigeant dans une organisation criminelle. Devant la cour, le requérant a fait valoir une violation de son droit à un jugement dans un délai raisonnable ou à être libéré durant la procédure (art. 5, al. 1, let. c et al. 3 CEDH). Selon la Cour, les autorités nationales avaient exclu à raison la possibilité d'une libération jusqu'à l'audience en raison des forts soupçons d'appartenance du requérant à une organisation criminelle, ainsi que du risque de fuite. En ce qui concerne la durée de la procédure, la Cour a relevé sa grande complexité, inhérente à la poursuite du crime organisé, ainsi que la gravité des infractions reprochées au requérant, raison pour laquelle elle a considéré que les conditions de l'art. 5 al. 3 CEDH étaient remplies.74 Le cas Werz (arrêt du 17 décembre 2009) concerne le droit à un procès équitable et à un jugement dans un délai raisonnable. Le Tribunal fédéral (TFA) n'a pas transmis au requérant les dupliques du ministère public et de la Cour suprême du canton de Berne. En outre, le jugement motivé de la Cour suprême a été remis par écrit au requérant quinze mois après le prononcé oral du verdict, alors que le code de procédure en vigueur dans le canton prévoit un délai de 60 jours. La CDH, soulignant le droit des parties à prendre position sur l'ensemble des indications des parties adverses, ainsi que le droit à un jugement dans un délai raisonnable, a conclu à une
violation de l'art. 6 CEDH.75 Dans le cas Schlumpf (arrêt du 8 janvier 2009), la requérante, initialement de sexe masculin, vivait au quotidien en tant que femme depuis 2002. En 2003, elle entama une thérapie hormonale et psychologique. En novembre 2004, elle demanda la prise en charge des coûts de l'opération de conversion sexuelle à sa caisse maladie, qui rejeta sa demande par un courrier daté du 29 novembre 2004. La requérante fut opérée le 30 novembre 2004, sans avoir pris connaissance du courrier. Par la suite, elle demanda à la caisse maladie une décision sujette à recours qu'elle contesta jusque devant le Tribunal fédéral. Selon la jurisprudence, les coûts d'une opération de conversion sexuelle ne sont pris en charge par l'assurance que si le diagnostic de 73

74 75

Depuis 2008, l'Office fédéral de la justice publie les rapports trimestriels concernant la jurisprudence de la CDH; ces documents résument les arrêts et décisions de la CDH sur les cas liés à la Suisse, ainsi qu'une sélection des textes de jurisprudence concernant d'autres Etats parties http://www.bj.admin.ch/content/bj/fr/home/themen/ staat_und_buerger/menschenrechte2/europaeische_menschenrechtskonvention.html).

Aucune violation de l'art. 5, al. 3, CEDH.

Violation de l'article 6, al. 1, CEDH.

1192

transsexualisme est établi au terme d'un délai de deux ans au cours duquel le patient suit une thérapie hormonale et psychologique durant deux ans. En application de cette jurisprudence, dont les conditions n'étaient pas remplies, les recours furent rejetés. La requérante fait valoir devant la Cour une violation de l'art. 6, al. 1, et de l'art. 8 CEDH.

Selon la Cour, le refus du Tribunal fédéral de consulter d'autres experts ainsi que l'avait demandé la requérante était excessif. Ce faisant, le TFA aurait substitué sa propre appréciation à celle des médecins et psychiatres. Du reste, la procédure n'ayant pas uniquement soulevé des questions juridiques ou techniques, les conditions permettant de refuser exceptionnellement une demande d'audience publique n'auraient pas été remplies. Il y aurait donc eu violation du droit de la requérante à un procès équitable au sens de l'art. 6 CEDH76. Enfin, en ce qui concerne l'application du délai d'attente de deux ans, le TFA n'aurait pas tenu compte des progrès réalisés en médecine pour établir le transsexualisme depuis 1988, date à laquelle ce délai d'attente a été introduit dans la jurisprudence. Par ailleurs, la décision fondée sur cette jurisprudence n'aurait pas accordé suffisamment d'importance à la situation spécifique de la requérante, qui était déjà âgée de 67 ans au moment où elle a adressé sa demande à la caisse maladie. La Cour a donc conclu à une violation du droit de la requérante au respect de la vie privée et familiale, au sens de l'art. 8 CEDH.77 Dans le cas Neulinger et Shuruk (arrêt du 8 janvier 2009), la première requérante a quitté Israël avec son fils, second requérant, en violation d'une décision judiciaire israélienne. Après que la juridiction cantonale eut rejeté la demande de retour de l'enfant soumise par le père, le Tribunal fédéral ordonna par son arrêt du 16 août 2007 que la requérante organise le retour de l'enfant avant fin septembre 2007.

Selon les requérants, le TFA n'aurait pas suffisamment tenu compte des intérêts de l'enfant. La Cour a constaté que le départ d'Israël des requérants avait été contraire à la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.78 Cette convention prévoit pour de tels cas le retour immédiat de l'enfant dans l'Etat d'origine, sauf s'il existe un risque grave
que le retour de l'enfant ne l'expose à un danger physique ou psychique. Il convenait donc d'examiner, dans le cadre de la pesée des intérêts prévue aux termes de l'art. 8, al. 2, CEDH, que le Tribunal fédéral avait refusé à juste titre d'appliquer cette exception.

Selon la Cour, rien ne laissait supposer que les autorités israéliennes n'étaient pas en mesure ni ne voulaient protéger les requérants d'éventuelles agressions du père. La Cour a estimé en outre qu'un retour était envisageable dans la mesure où la requérante avait décidé de s'établir en Israël de sa propre volonté, y avait vécu six ans et y avait exercé un emploi auprès de la société multinationale pour laquelle elle travaillait en Suisse. Concernant le risque d'une condamnation pénale et d'un placement en détention de la requérante, elle a jugé que les garanties données par les autorités israéliennes permettaient de le relativiser fortement. Enfin, il est, selon elle, dans l'intérêt de l'enfant d'entretenir des contacts avec ses deux parents. La Cour a donc conclu que la décision contestée du Tribunal fédéral ne constituait pas une violation

76 77 78

Violation de l'art. 6, al. 1 CEDH.

Violation de l'art. 8; la demande de renvoi à la Grande Chambre soumise par la Suisse a été rejetée.

RS 0.211.230.02

1193

de l'art. 8 CEDH (droit au respect de la vie privée et familiale). L'arrêt de la CEDH a entre-temps été invalidé par la Grande Chambre.79 Dans le cas Glor (arrêt du 30 avril 2009), le requérant avait été déclaré inapte au service militaire pour des raisons de santé. Mais son degré d'invalidité étant inférieur à 40 %, il a été astreint au paiement de la taxe d'exemption du service militaire.

Le requérant a fait valoir devant la Cour un traitement discriminatoire à son égard (art. 8 combiné avec l'art. 14 CEDH) arguant qu'il avait été empêché d'effectuer son service militaire contre sa volonté mais se voyait tout de même réclamer la taxe d'exemption.

Selon la Cour, l'art. 8 CEDH comprend également l'intégrité physique des personnes et interdit donc une taxe trouvant son origine dans l'incapacité de servir à l'armée en raison d'une maladie. La Cour a estimé que le requérant avait subi une inégalité de traitement à double titre: d'une part, parce qu'il était soumis à la taxe d'exemption au contraire des personnes plus lourdement handicapées, et, d'autre part, parce qu'il ne pouvait obtenir l'exonération de la taxe en effectuant un service civil de remplacement, celui-ci étant réservé aux objecteurs de conscience. La CDH a notamment pris en compte les critères suivants pour justifier ces distinctions: le montant de la taxe d'exemption et la durée de l'assujettissement à cette taxe; la disposition du requérant à accomplir son service militaire ou civil; l'absence d'alternative appropriée pour les personnes handicapées. La Cour a conclu que les motifs avancés par les autorités n'étaient pas convaincants et que la Suisse n'avait pas suffisamment tenu compte de la situation du requérant, violant de ce fait l'art. 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) combiné avec l'art. 14 CEDH (interdiction de discrimination).80 Dans le cas Gsell (arrêt du 8 octobre 2009), le requérant avait été empêché par la police du canton des Grisons de se rendre, en sa qualité de journaliste, au Forum économique mondial de Davos de 2001 et à la contre-manifestation Public eye on Davos. Selon la Cour, la restriction de la liberté d'expression du requérant (art. 10 CEDH) ne reposait pas sur une base légale suffisante. Elle a jugé que la clause générale de police (art. 36, al. 1, de la Constitution fédérale) invoquée par
les autorités compétentes était insuffisante car les débordements anticipés à Davos étaient prévisibles: les autorités des Grisons auraient dû prévoir l'ampleur des manifestations du mouvement altermondialiste étant donné les événements suscités par la manifestation au niveau international, d'autant plus que des manifestants s'étaient déjà rendus à Davos lors des deux forums précédents. La Cour a conclu à une violation de l'art. 10 CEDH (liberté d'expression).81 Dans le cas VgT Verein gegen Tierfabriken Schweiz No 2 (arrêt du 30 juin 2009), la Grande Chambre de la CDH saisie par la Suisse a confirmé l'arrêt rendu le 4 octobre 2007 par la chambre, RA 2007, FF 2008 4510 ss. Le cas concernait la diffusion d'un spot télévisé sur l'élevage d'animaux de boucherie. Après que la diffusion du spot eut été refusée par les autorités compétentes, la Cour avait constaté dans son premier arrêt du 28 juin 2001 une violation de la liberté d'expression aux termes de l'art. 10 CEDH. Le Tribunal fédéral avait rejeté une demande de révision soumise par VgT

79 80 81

Cf. arrêt de la Grande Chambre de la CEDH Neulinger et Shuruk contre la Suisse, du 6 juillet 2010.

La demande de renvoi à la Grande Chambre soumise par la Suisse a été rejetée.

Violation de l'art. 10 CEDH.

1194

suite au premier arrêt rendu par la CDH, au motif que VgT n'avait plus le même intérêt à la diffusion du spot initial.

A nouveau saisie par VgT, la CDH s'est déclarée compétente de par le fait que le grief de VgT constituait un problème nouveau dépassant l'examen de l'application du premier arrêt. Comme en première instance, la Grande Chambre a constaté une violation de l'art. 10 CEDH. Le Tribunal fédéral aurait suivi une approche trop formaliste et aurait substitué sa propre appréciation de l'intérêt d'une diffusion du spot à celle de VgT. L'ingérence dans la liberté d'expression contestée aux termes de l'art. 10 CEDH n'aurait donc pas été suffisamment justifiée de manière juridiquement pertinente.

2.3

Egalité entre hommes et femmes

La Suisse a participé à la conférence sur l'intégration d'une perspective «genre» dans le processus budgétaire (Gender Budgeting), qui a eu lieu les 5 et 6 mai 2009 à Athènes et qui portait sur le sujet des budgets publics: élément essentiel d'une véritable égalité entre les hommes et les femmes.

Le 23 septembre 2009 a eu lieu à Strasbourg une réunion du Réseau informel sur l'approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes (Gender Mainstreaming), avec comme thème l'approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la protection sociale. L'experte suisse présente a signalé le risque de pauvreté auquel les femmes se voient confrontées après un divorce. Une déclaration sur la réalisation de l'égalité entre les femmes et les hommes dans les faits a été adoptée par le Comité des Ministres lors de sa 119e session plénière, le 12 mai 2009, à Madrid, et a été largement diffusée dans les Etats membres.

En outre, les ministres de la Justice des pays membres du Conseil de l'Europe se sont engagés à adopter des mesures concrètes pour combattre la violence domestique et à briser le silence qui l'entoure lors de leur réunion à Tromso le 19 juin 2009.82 Une délégation suisse constituée des représentantes du Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes, de l'Office fédéral de la justice et de la Direction du droit international public a participé à l'élaboration et aux négociations du projet de Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique. Le but de cette convention est de protéger les victimes et de poursuivre les auteurs de ces violences.

Dans le cadre d'un événement parallèle organisé par la délégation suisse auprès de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe lors de la réunion du Comité permanent de l'Assemblée, à Berne, le 19 novembre 2009, le Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes a présenté son étude intitulé «La violence dans les relations de couple ­ ses causes et les mesures prises en Suisse».

82

Résolution No 1 sur la prévention et la lutte contre la violence domestique.

1195

2.4

Lutte contre le racisme et la xénophobie

La Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) a publié en 2009 son quatrième rapport sur la Suisse, sur la base de documents écrits et de la visite d'une délégation (du 15 au 19 septembre 2008). Les délégués ont rencontré des représentants des offices fédéraux et des conférences intercantonales et ont visité la ville de Zurich ainsi que le canton de Neuchâtel. Ils ont par ailleurs mené de leur propre initiative des entretiens avec des commissions extraparlementaires et des représentations d'organisations non gouvernementales.

Comparé aux éditions précédentes, le quatrième rapport s'attache davantage au rôle que jouent le fédéralisme, la subsidiarité et la démocratie directe dans les processus décisionnels et politiques. Le rapport salue les progrès accomplis ces dernières années, évoquant spécifiquement la nouvelle loi sur les étrangers, la nouvelle loi sur la nationalité (RS 141.0), les mesures en matière d'intégration, les prises de position claires des autorités contre le racisme, l'antisémitisme et l'intolérance religieuse, ainsi que les efforts de sensibilisation fructueux du Service de lutte contre le racisme (SLR), de la Commission fédérale contre le racisme (CFR) et de la Commission fédérale pour les questions de migration (CFM), malgré des effectifs et des ressources financières limités.

Les propositions d'amélioration portent notamment sur la sensibilisation des policiers, des juges, des avocats et des juristes concernant l'application de la norme pénale contre le racisme ainsi que le contrôle permanent de l'efficacité des mesures d'intégration.

Le DFI a transmis le rapport aux services et cantons concernés, ainsi qu'aux conférences intercantonales, en leur suggérant d'étudier les recommandations et de s'engager ensemble plus fortement contre le racisme et la xénophobie.

La CFR a informé l'ECRI de l'état actuel de la lutte contre le racisme en Suisse, dans le contexte de la publication, durant l'année sous revue, de son quatrième rapport sur notre pays. Dans son communiqué de presse accompagnant le rapport de l'ECRI (15 septembre 2009), la CFR a notamment souligné le manque de protection contre la discrimination dans d'importants domaines de la vie civile tels que le travail et le logement. La CFR a également salué la recommandation visant à renforcer la lutte contre le racisme dans le débat politique et les médias.

2.5

Coopération juridique et droit pénal

Dans le cadre du plan d'action 2008 à 2009, le Comité européen de Coopération juridique (CDCJ) a chargé un groupe de travail, composé d'experts du domaine de la nationalité et dans lequel la Suisse est également représentée, de préparer une recommandation de mesures visant à réduire les cas d'enfants apatrides. Le Comité des Ministres a adopté cette recommandation le 9 décembre 2009.83 Au premier plan de ses activités écoulées, le Comité d'experts sur le fonctionnement des conventions européennes sur la coopération dans le domaine pénal a mis l'accent sur la modernisation de la Convention européenne d'extradition de 1957. Le Comité a finalisé et adopté un projet de troisième Protocole additionnel à ladite 83

CM/Rec(2009)13.

1196

Convention et le rapport explicatif s'y rapportant, à l'attention du CDPC. Ce nouvel instrument devra permettre de simplifier et d'accélérer l'extradition moyennant consentement de la personne poursuivie.

Le Conseil de l'Europe a élaboré la Recommandation (2004)11 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les normes juridiques, opérationnelles et techniques relatives au vote électronique. La Recommandation (2004)11 contient une clause de suivi, qui implique qu'elle doit être revisitée périodiquement après son adoption pour évaluer l'impact qu'elle a eu dans les Etats membres, et de décider si une mise à jour est nécessaire. La certification des systèmes de vote électronique et le développement de lignes directrices sur l'observation d'élections par voie électronique font actuellement l'objet de recherches en vue d'une éventuelle mise à jour de la Recommandation (2004)11. Le Conseil de l'Europe a organisé, du 26 au 27 novembre 2009, une première réunion sur la certification des systèmes de vote électronique (programme et liens aux présentations). La Chancellerie fédérale y était représentée, tout comme des représentants du projet de vote électronique du canton de Genève, qui ont présenté l'approche genevoise de certification du système de vote électronique.

2.6 2.6.1

Médias Conférence ministérielle de Reykjavik

Les ministres responsables des médias et des nouveaux services de communication des 47 Etats membres du Conseil de l'Europe, des experts ainsi que des représentants de la société civile, de la jeunesse et du monde des affaires se sont réunis à Reykjavik les 28 et 29 mai 2009 pour évaluer les bouleversements sociaux, culturels et technologiques qui sont intervenus dans le secteur des médias et de la communication et débattre des défis que posent les nouveaux médias ou les services apparentés, tels que les moteurs de recherche, les blogs, les réseaux sociaux ou les fournisseurs de services Internet, pour la liberté d'expression. Cette conférence ministérielle revêt une grande importance, car elle définit le cadre des travaux du Conseil de l'Europe dans le domaine des médias et des nouveaux services de communication pour les prochaines années.

Le résultat de cette réunion, placée sous le thème «Une nouvelle conception des médias?» a été l'adoption d'une déclaration politique globale et d'une résolution intitulée «Vers une nouvelle conception des médias?», associée à un plan d'action, une résolution sur la gouvernance de l'Internet et les ressources sensibles sur Internet, ainsi qu'une résolution sur les développements en matière de législation contre le terrorisme dans les Etats membres du Conseil de l'Europe et sur leur impact sur la liberté d'expression et d'information.

Concernant le sous-thème «Confiance dans le contenu ­ confiance dans les médias?», la Suisse a souligné l'importance d'une certaine régulation des médias sur les nouveaux services de communication, en particulier l'Internet. En effet, la quantité d'informations véhiculée par ceux-ci et la vitesse de transmission qui lui est associée n'entraîne pas ipso facto une qualité accrue du contenu. Il est donc important de prendre les mesures appropriées pour promouvoir la diversité et la qualité des contenus, sur Internet comme dans les médias traditionnels.

1197

La Suisse, qui a activement participé à la préparation de la conférence ainsi qu'à l'événement lui-même, a insisté sur la nécessité de développer le sens critique du public face aux nouveaux services et technologies de communication par des moyens éducatifs appropriés. Par rapport à Internet en particulier, elle a appelé toutes les parties prenantes à se rassembler pour définir une gouvernance des ressources reflétant les besoins des utilisateurs. Le Conseil de l'Europe, en tant que défenseur privilégié des valeurs liées aux droits de l'homme, se doit d'être un acteur-clé dans ce secteur.

Durant les deux journées qui précédaient la conférence ministérielle, le Conseil de l'Europe a organisé un forum destiné aux jeunes afin d'entendre la voix de ceux qui représenteront la future société de l'information et d'enrichir les débats de la conférence. La Suisse a facilité la participation d'un représentant du CSAJ à ce forum.

Le 27 mai 2009, soit la veille de la conférence ministérielle, le Conseil de l'Europe, en collaboration avec le Ministère néerlandais de l'Education, de la Culture et des Sciences et le «Institute for Information Law» de l'Université d'Amsterdam et avec le soutien du Ministère islandais de l'Education, des Sciences et de la Culture, a organisé à Reykjavik un forum sur «Les législations anti-terrorisme en Europe et leurs conséquences sur la liberté d'expression et d'information».

Ce forum avait pour but d'échanger les expériences des Etats membres du Conseil de l'Europe sur l'impact de la législation antiterroriste et sa mise en oeuvre quant à la liberté d'expression et d'information. Des représentants des médias, de la société civile, des autorités nationales ainsi que des experts indépendants ont examiné si les standards du Conseil de l'Europe qui définissent les droits à la liberté d'expression et d'information dans le cadre de la lutte contre le terrorisme sont respectés par la législation et dans la pratique européenne.

2.6.2

Dialogue Européen sur la gouvernance de l'Internet (EuroDIG)

La Suisse a joué un rôle déterminant dans la mise au point du deuxième Dialogue européen sur la gouvernance de l'Internet (EuroDIG), organisé conjointement par l'Union européenne de radio-télévision et l'Office fédéral de la communication, avec le soutien du Conseil de l'Europe. Ce dialogue a eu lieu à Genève les 14 et 15 septembre 2009 et a accueilli plus de 200 représentants de l'industrie, des gouvernements, des parlements et de la société civile. L'EuroDIG est un réseau multipartenaire et ouvert à tous créé en 2008 dans le but d'établir une plate-forme d'échange au niveau paneuropéen sur les défis liés à l'utilisation et à la gouvernance de l'Internet. L'engagement de la Suisse et du Conseil de l'Europe dans le développement de l'EuroDIG a été très apprécié par les participants. L'EuroDIG a accueilli favorablement la proposition que le Conseil de l'Europe, sous réserve de l'approbation de ses instances dirigeantes, assure son secrétariat afin de garantir sa pérennité.

Les débats de l'EuroDIG ont servi à préparer les contributions européennes au Forum sur la gouvernance de l'Internet (IGF), qui s'est tenu du 15 au 18 novembre 2009 à Sharm El Sheikh (Egypte). A cette occasion, le conseiller fédéral Moritz Leuenberger, s'est prononcé au nom de la présidence suisse du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe en faveur d'un renforcement de la protection et du respect des droits de l'homme, de la prééminence du droit et de la démocratie sur Internet.

Le Secrétariat du Conseil de l'Europe et les experts invités ont pris part à sept mani1198

festations dont le Conseil était l'organisateur ou le coorganisateur, et ont fait office d'animateurs dans quelque treize ateliers mis en place par d'autres instances. A l'IGF, le Conseil de l'Europe a aussi organisé un forum ouvert au cours duquel ont été débattus les rapports entre la liberté d'expression et la gestion des ressources critiques d'Internet et les aspects de droit international qui y sont liés. Les représentants de la Suisse ont apporté une très large contribution à ces manifestations.

2.6.3

Textes clés adoptés par les organes du Conseil de l'Europe

Le Comité des Ministres a adopté, le 11 février 2009, la Déclaration sur le rôle des médias associatifs dans la promotion de la cohésion sociale et du dialogue interculturel. Le rôle que jouent les radiodiffuseurs associatifs en facilitant notamment l'accès des populations sous-représentées ou marginalisées à l'information et à des moyens d'expression, et leur participation aux processus décisionnels est ainsi souligné.

Le 8 juillet 2009, la Recommandation visant à protéger les enfants contre les contenus et comportements préjudiciables et à promouvoir leur participation active au nouvel environnement de l'information et de la communication a été adoptée. Elle vise à assurer un niveau cohérent de protection des mineurs contre les contenus préjudiciables et à développer les capacités des enfants dans le domaine de l'éducation aux médias.

L'Assemblée parlementaire a adopté la Recommandation sur la régulation des services de médias audiovisuels, le 27 janvier 2009, la Recommandation sur le financement de la radiodiffusion de service public, le 25 juin 2009, ainsi que la Recommandation sur la promotion de services de médias en ligne et sur internet adaptés aux mineurs, le 28 septembre 2009.

La Suisse est représentée ad personam dans trois nouveaux groupes de travail du Comité directeur sur les médias et les nouveaux services de communication (CDMC), créés à l'occasion de la conférence ministérielle de Reykjavik, soit le Comité d'experts sur les nouveaux médias, dont la présidence est assurée par la Suisse, le groupe consultatif ad hoc sur la gouvernance des médias de service public, ainsi que celui portant sur la protection des droits voisins des organismes de radiodiffusion. Un expert suisse a également été proposé par le Secrétariat du CDMC pour faire partie du groupe consultatif ad hoc sur l'Internet transfrontalier.

Le chef du service des affaires internationales de l'OFCOM a fait partie du bureau du CDMC jusqu'à fin 2009.

2.6.4

Eurimages

Le comité de pilotage Eurimages a consacré cinq séances au soutien des coproductions, des salles, et des distributeurs européens. La Suisse a été impliquée dans 4 coproductions, dont deux avec un réalisateur suisse. La part échue aux producteurs suisses s'est montée à 205 000 euros. Depuis 2006 et l'entrée de la Suisse dans MEDIA, seuls les distributeurs bénéficient d'un encouragement à la distribution de films documentaires et de films pour la jeunesse. En 2009, un distributeur a reçu à ce titre 4000 euros.

1199

2.7

Communes et régions, coopération transfrontalière

La Suisse a participé à la 16e conférence du Conseil de l'Europe des ministres responsables des collectivités locales et régionales, qui s'est tenue à Utrecht les 16 et 17 novembre 2009. Sa délégation était dirigée par Kathrin Hilber, conseillère d'Etat du canton de Saint-Gall, accompagnée par un représentant de la Direction du droit international public et de l'Office fédéral de la justice.

Deux protocoles additionnels ont été ouverts à la signature à l'occasion de la conférence. Un troisième protocole additionnel à la Convention-cadre européenne du 21 mai 1980 sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales84 porte sur les groupements eurorégionaux de coopération.85 Il prévoit la possibilité de créer des groupements eurorégionaux de coopération et établit un cadre juridique à cette fin, dans l'optique d'un encouragement et d'une simplification de la coopération transfrontalière. Les représentants de la Confédération et des cantons ont pris part à l'élaboration de ce nouveau protocole. La Suisse est très active dans le domaine de la coopération transfrontalière. L'adhésion à cet instrument juridique du Conseil de l'Europe permettra de compléter le cadre juridique existant.

De même, un protocole additionnel à la Charte européenne de l'autonomie locale a été ouvert à la signature,86 concernant le droit de participer aux affaires des collectivités locales. Ce protocole additionnel, signé par douze Etats dans le cadre de la conférence,87 renforcera la participation des citoyens au niveau local. Un examen approfondi de la portée du protocole à l'échelon national doit encore être réalisé avant une éventuelle signature par la Suisse.

Les travaux en faveur d'une charte de l'autonomie régionale ont provisoirement débouché à Utrecht sur un «cadre de référence» recensant les acquis du Conseil de l'Europe dans le domaine de l'autonomie régionale.88 Ce cadre pourra servir aux Etats souhaitant procéder à une régionalisation, sans pour autant revêtir un caractère obligatoire. Les ministres en ont simplement pris connaissance, l'absence de consensus ne permettant pas d'aller plus loin.

Du 13 au 15 octobre 2009 et du 17 au 19 mars 2010 se sont tenues les 17e et 18e sessions plénières du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe à Strasbourg (CPLRE). Dans
les deux cas, la délégation suisse a été présidée par Dario Ghisletta. Elle a participé activement aux débats, ainsi qu'aux quatre commissions statutaires qui se réunissent pendant l'année89. En outre, la conseillère d'Etat Kathrin Hilber (Saint-Gall) a tenu un discours sur les priorités de la présidence suisse du Conseil de l'Europe, en tant que représentante de la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey, lors de la 18e session du Congrès.

84 85 86 87 88 89

RS 0.131.1 Il a été signé par sept Etats: Allemagne, Belgique, France, Lituanie, Monténégro, Pays-Bas et Slovénie.

RS 0.102 Belgique, Estonie, Finlande, France, Hongrie, Islande, Lituanie, Monténégro, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Slovénie.

Cf. Rapport annuel 2004.

Commissions: questions institutionnelles, culture et éducation, développement durable, cohésion sociale.

1200

3 3.1

Cohésion sociale et qualité de vie Migrations

En 2009, le Comité européen sur les migrations (CDMG) s'est employé à mettre en oeuvre le plan d'action adopté lors de la 8e Conférence des ministres européens responsables des questions de migration90. Ce plan d'action comprend notamment les deux projets suivants: ­

développement des aptitudes des migrants et renforcement de la cohésion sociale;

­

protection des droits de l'homme et de la dignité des migrants vulnérables.

Ces deux projets donnent actuellement lieu à la réalisation des sous-projets et programmes suivants: ­

groupe d'experts «Revalorisation des aptitudes et expériences des migrants»;

­

promotion du bien-être des migrantes. Ce programme est réalisé en collaboration avec le Comité directeur pour l'égalité entre les femmes et les hommes (CDEG);

­

migrants vulnérables d'un certain âge;

­

rapports sur les politiques menées par certains pays à l'égard des migrants irréguliers;

­

projets de vie de mineurs non accompagnés;

­

nouvelles approches en matière d'intégration.

En octobre 2009, une conférence s'inscrivant dans le cadre de ce dernier sous-projet a été organisée à Barcelone sur le thème «Interaction entre les migrants et leurs sociétés d'accueil: les leçons de l'action politique et de la pratique». La Suisse y a participé.

3.2

Affaires sociales

Les 26 et 27 février 2009, le Conseil de l'Europe a tenu à Moscou sa première Conférence des ministres responsables pour la cohésion sociale. Le conseiller fédéral Pascal Couchepin a dirigé la délégation suisse. Sous le titre «Investir dans la cohésion sociale ­ Investir dans la stabilité et le bien-être de la société», la conférence a été essentiellement l'occasion de lancer le rapport de la task force de haut niveau sur la cohésion sociale. La déclaration politique adoptée au terme de la Conférence formule un certain nombre de requêtes à l'intention du Comité des Ministres et les ministres s'engagent notamment à développer une politique intégrée de cohésion sociale, compte tenu de leurs contextes nationaux.

Les ministres de la famille se sont réunis les 16 et 17 juin 2009 à Vienne et ont adopté des principes à observer pour aider les familles à réaliser leur désir d'enfant.

La délégation suisse à la Conférence était placée sous la direction de la conseillère d'Etat Kathrin Hilber (Saint-Gall), présidente de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales. Les ministres ont reconnu que les pays 90

Kiev, 4/5 septembre 2008.

1201

européens connaissent les mêmes tendances: faible taux de fécondité, accès tardif à la maternité, priorité à la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Ils ont recommandé la mise en oeuvre de normes du Conseil de l'Europe relatives aux familles et suggéré des pistes de réflexion pour d'éventuelles activités concernant la famille et l'enfance à mener par le Conseil de l'Europe.

Au cours de l'année sous revue, la Suisse a participé aux activités du Forum de coordination pour le plan d'action du Conseil de l'Europe pour les personnes handicapées (CAHPAH). Il s'agissait en premier lieu de participer à une commission d'experts chargée de développer pour les Etats membres, avant fin 2010, des indicateurs permettant de mesurer les progrès de la mise en oeuvre du plan d'action. Plusieurs de ces Etats sont en avance sur la Suisse dans ce domaine. L'expérience acquise en participant à cette commission pourra être utilisée pour l'évaluation des mesures destinées à promouvoir l'égalité des personnes handicapées que prévoit la loi du 13 décembre 2002 sur l'égalité pour les handicapés (RS 151.3). La Suisse ne participe pas activement à d'autres groupes d'experts du CAHPAH chargés d'étudier certains aspects de la mise en oeuvre du plan d'action, mais elle tient compte des recommandations émises par ces commissions pour la mise en oeuvre et le développement de la politique nationale en matière d'égalité.

3.3

Santé

Le Comité européen de la santé (CDSP) se réunit désormais annuellement et son programme porte principalement sur les soins aux personnes vulnérables (en particulier les migrants et les enfants) ainsi que sur la bonne gouvernance dans les systèmes de soins de santé. Le CDSP a par ailleurs engagé une réflexion sur son rôle et son avenir dans un contexte de ressources financières et en personnel limitées. La Suisse a été élue membre du Bureau avec pour mandat d'examiner toutes les options s'agissant du futur du CDSP, y compris la possibilité d'un éventuel transfert des activités à l'OMS/Europe.

Suite à l'abolition de l'accord partiel dans le domaine social et de la santé publique, le Comité de protection sanitaire du se réunit désormais sous l'égide de la Direction européenne de la qualité des médicaments et des soins de santé (DEQM). Le nouveau mandat de ce comité a été adopté par les délégués des ministres le 11 mars 2009. L'objectif est d'assurer la continuité des travaux relatifs aux cosmétiques et aux emballages alimentaires, tout en identifiant des domaines d'intérêt commun avec le secteur pharmaceutique et en assurant une bonne complémentarité avec le travail des autres organisations internationales actives dans ce domaine91.

La Suisse s'est activement impliquée dans les travaux du Comité sur les produits et soins pharmaceutiques, qui relève de la DEQM depuis le transfert en 2008 des activités de l'ancien accord partiel dans le domaine social et de la santé publique.

Trois comités d'experts ont été mis sur pied dans les domaines suivants: normes de qualité et sécurité relatives à la pratique pharmaceutique et aux soins pharmaceutiques, classification internationale des médicaments en matière de délivrance, minimisation des risques pour la santé publique posés par la contrefaçon de médicaments. S'agissant du développement de recommandations sur la qualité et la sécurité de la pratique et des soins pharmaceutiques la Suisse a pu échanger des informations 91

En particulier l'Union européenne et l'Agence européenne pour la sécurité des aliments.

1202

et les utiliser dans le cadre des projets actuels de révision du cadre juridique général.

Dans le domaine de la contrefaçon de médicaments, des séminaires de formation à l'intention des représentants des autorités nationales ont été mis sur pied, de même qu'un réseau de points de contact uniques (single points of contact); une banque de données sur les médicaments illégaux est en cours d'élaboration.

La Suisse a par ailleurs activement participé aux négociations visant à l'élaboration de la Convention sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (Convention Medicrime), dont le texte ainsi que le rapport explicatif ont été transmis au Comité des Ministres. La Suisse s'est engagée en particulier pour un champ d'application aussi large que possible de la Convention, par l'inclusion des dispositifs médicaux, ainsi que par une notion d'infraction similaire qui couvre les actes intentionnels n'ayant pas pour objet des contrefaçons mais s'inscrivant en violation des systèmes d'autorisations et de certifications en vigueur. Enfin la Suisse a organisé les 15 et 16 avril 2010 une Conférence internationale pour préparer la mise en oeuvre pratique de cette Convention, ce dans le cadre de la présidence suisse du Comité des Ministres.

La Suisse participe aux travaux du Comité directeur sur la transplantation d'organes et en particulier à la 11e Journée européenne et 5e Journée mondiale pour le don et la transplantation d'organes, qui a eu lieu en octobre 2009 à Berlin. Elle participe également aux travaux du Comité directeur sur la transfusion sanguine.

La Pharmacopée européenne (Ph.Eur) est un ouvrage de référence régissant le contrôle de la qualité des médicaments, des excipients pharmaceutiques et de certains dispositifs médicaux. Elle traite notamment des principes actifs, des vaccins, des produits sanguins ou encore des drogues médicinales. La Ph.Eur. constitue un texte contraignant pour les 37 Etats signataires de la Convention relative à l'élaboration d'une Pharmacopée européenne92. En 2009, le Conseil de l'Europe a publié les addenda 6.3, 6.4 et 6.5 à la 6e édition de la Ph.Eur.

Les Etats signataires sont tenus de participer aux travaux d'élaboration de la Ph.Eur.

qui se déroulent à Strasbourg sous la houlette de la DEQM, et de traduire les normes
de qualité qui ont été approuvées dans leur législation nationale. Ils sont épaulés dans cette tâche par 23 Etats ayant le statut d'observateurs. La Ph.Eur. influe sur la qualité des médicaments et des substances médicamenteuses au niveau mondial. En 2009, la Suisse était investie de 77 mandats dans divers organes de la Ph.Eur. Les experts qui la représentaient sont issus de l'industrie, des hautes écoles et des pouvoirs publics. Le travail qu'ils ont effectué correspond à sept emplois à plein temps à l'année (années-personnes), ce qui montre que le savoir-faire de notre pays dans le domaine de la pharmacopée est reconnu. La Suisse, dont l'industrie pharmaceutique compte parmi les plus en vue au niveau international, fournit une contribution indispensable à l'élaboration de nouvelles réglementations concernant les médicaments.

La Ph.Eur. doit non seulement établir de nouvelles prescriptions, mais aussi constamment adapter les monographies existantes. Dans ce contexte, elle assure, en fonction des dernières avancées techniques et scientifiques, le contrôle des matières premières et des préparations sur le marché mondial et/ou détecte et combat les délits pharmaceutiques.

92

Union européenne comprise.

1203

Les normes de qualité gagnent en importance tant pour les innovations et les nouvelles technologies telles que les thérapies cellulaires et géniques, que pour les médicaments classiques ou complémentaires. Le nombre croissant de prescriptions régissant ces domaines en est une preuve. Afin de pouvoir remplir le mandat légal et d'assurer les connaissances nécessaires dans ce domaine, la Suisse a mis sur pied un nouveau Comité d'experts sur les médicaments issus de la médecine complémentaire. Ce comité, qui a pris ses fonctions en août 2009, est compétent pour établir et vérifier les monographies relatives aux médicaments issus de la médecine traditionnelle chinoise, de l'homéopathie et de la médecine anthroposophique.

Le Groupe Pompidou, groupe de coopération en matière de lutte contre l'abus et le trafic illicite de stupéfiants, coordonne les questions politiques d'intérêt commun en matière de drogues pour ses Etats membres. Le Groupe Pompidou doit veiller à créer un lien entre politique, science et travail sur le terrain dans le domaine des drogues. Les forums de discussion publics, non soumis à une quelconque influence juridique ou politique, revêtent une grande importance pour chacun des Etatsmembres car ils constituent l'un des moteurs d'une politique innovante. La Suisse a continué d'approfondir l'activité «défi dépendance» en lien avec les développements nationaux et participe, avec 6 autres Etats membres, à une étude empirique sur ce sujet. Le Groupe Pompidou compte actuellement 35 Etats membres, auxquels s'ajoute la Commission européenne.

Dans le cadre de la plate-forme «thérapie et traitement», la Suisse a organisé une conférence avec des experts réputés. Sur le thème de l'éthique la Suisse a pu profiter d'un échange d'expériences avec les autres pays membres.

3.4

Protection des animaux

Des recommandations concernant l'élevage de différentes espèces de poissons ont été soumises en décembre 2009 à l'assemblée plénière du comité permanent de la Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages (STE 87), en vue de leur adoption. L'UE ayant renoncé à une coordination, tous les Etats membres ont pu voter à titre individuel. Les recommandations ont été acceptées par tous à l'exception de l'Espagne et de la France, qui les ont rejetées en raison de questions de procédure internes à l'UE ainsi que de l'absence de versions françaises.

Le bureau du comité dissipera les dernières réserves par la voie bilatérale. La révision des recommandations pour l'élevage bovin a été conclue sous une forme acceptable pour la Suisse.93

3.5

Environnement et protection de la nature

Le Conseil pour la stratégie paneuropéenne de la diversité biologique et paysagère (STRA-CO) s'est réuni dans le cadre de la 5e Conférence sur la biodiversité en Europe, qui s'est tenue du 22 au 24 septembre 2009 à Liège (Belgique).94 Cette conférence était consacrée au renforcement des synergies visant à mettre en oeuvre la Convention sur la diversité biologique au niveau européen, ainsi qu'à la préparation 93 94

L'adoption est prévue pour la réunion plénière de l'automne 2010.

Le STRA-CO est actuellement présidé par la Suisse.

1204

des points essentiels de la 10e Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique, qui a eu lieu en octobre 2010 à Nagoya (Japon).

Un représentant de l'Office fédéral de l'environnement a participé à chacun des différents groupes d'experts95 de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe96.

Pendant la présidence suisse du Conseil de l'Europe, les Etats membres se sont réunis à Berne du 23 au 26 novembre 2009, pour la première fois hors de Strasbourg, à l'occasion du 30e anniversaire de la Convention de Berne auquel les avait conviés la Suisse. La rencontre a été inaugurée par le conseiller fédéral Moritz Leuenberger. Les délégations ont notamment présenté leurs travaux sur la protection de différentes espèces97 et des espaces naturels européens.

La Convention européenne du paysage (STE 176) vise à encourager la protection, la gestion et l'aménagement des paysages urbains et périurbains ainsi que les paysages culturels et naturels, à intégrer le paysage dans les différentes stratégies politiques et à restaurer les paysages dégradés. La Convention est entrée en vigueur le 31 mars 2004 et compte actuellement 30 Etats parties. Six autres Etats, dont la Suisse, ont signé la Convention mais ne l'ont pas encore ratifiée. Sur le plan technique, la huitième Réunion des Ateliers sur la mise en oeuvre de la Convention a eu lieu les 8 et 9 octobre 2008 à Malmö (Suède), sur le thème «Paysages et forces déterminantes», avec la participation de près de 250 représentants gouvernementaux, experts et acteurs d'organisations non gouvernementales provenant de plus de 30 pays. Le représentant suisse pour la Convention du paysage au sein du Comité directeur pour le patrimoine culturel et le paysage (CDPATEP) a été réélu vice-président pour la période 2009 à 2010, lors de l'assemblée plénière du CDPATEP de mai 2009.

3.6

Banque de développement du Conseil de l'Europe (CEB)

Malgré la crise économique mondiale, la Banque de développement du Conseil de l'Europe (CEB) a affiché un bénéfice (107 millions d'euros) en 2009, ce qui s'explique par la progression de la demande en Europe de l'Est. Le débat sur la mise en oeuvre de la précédente Revue stratégique de l'institution a revêtu une importance particulière. Les domaines centraux concernaient le renforcement de la spécialisation géographique et thématique ainsi que l'amélioration de la gouvernance de l'institution. La Suisse et d'autres pays partageant les mêmes points de vue se sont fortement engagés en faveur de l'adoption de réformes visant un gain d'efficacité et un allègement de l'architecture d'assistance européenne. En 2009, le nouveau Plan de développement 2010 à 2014 a été approuvé, prévoyant notamment l'augmentation des investissements de la banque dans les pays d'Europe centrale et du SudEst.

95

96 97

Groupes d'experts: établissement du réseau Emeraude de zones d'intérêt spécial pour la conservation, établissement du réseau écologique paneuropéen, groupe de spécialistes pour le diplôme européen des espaces protégés, ce dernier sous l'égide de la présidence.

Convention de Berne (STE 104).

Plantes, animaux invertébrés, amphibiens, reptiles, oiseaux menacés.

1205

3.7

Centre Nord-Sud

Le Centre européen pour l'interdépendance et la solidarité mondiales (Centre NordSud) de Lisbonne a fêté sa 20e année d'existence en 2009. La 42e séance du Conseil exécutif du Centre ainsi que le Forum de Lisbonne (12 à 14 novembre 2009) ont eu lieu dans le cadre de ces festivités.

Durant l'année sous revue, cinq Etats ont intégré le Centre Nord-Sud: la France, l'Italie (réintégrations), la Serbie ainsi que le Cap-Vert et le Maroc (qui ne sont pas membres du Conseil de l'Europe). La Suisse est membre depuis 1991 de cet Accord partiel, qui compte actuellement 22 Etats membres.

4 4.1

Cohésion culturelle et pluralisme des cultures Culture et patrimoine culturel

Pendant l'année sous revue, la Suisse n'a cessé de se montrer active au sein du Comité directeur de la culture. En déléguant des experts et à travers son engagement financier, elle a notamment contribué dans une large mesure à l'élaboration d'une recommandation concernant la politique cinématographique et la diversité des formes d'expression culturelles, recommandation adoptée en septembre par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. L'instrument juridique (non contraignant) invite à l'adoption de politiques cinématographiques globales comprenant l'ensemble de la chaîne de valeur. Il contient des propositions exhortant les 47 Etats membres du Conseil de l'Europe à adapter leurs régimes d'encouragement à l'évolution technologique et culturelle et à optimiser l'utilisation des ressources afin d'accroître la diffusion des oeuvres cinématographiques et de permettre au public d'y avoir plus facilement accès.

Dans le cadre du projet «cités interculturelles», le canton de Neuchâtel a organisé une visite d'étude permettant aux représentants des 11 villes partenaires de découvrir la stratégie interculturelle du canton. La visite a été suivie d'une manifestation publique le 27 novembre 2009 sur le sujet de la «diversité culturelle en Suisse», ce dans le cadre de la présidence suisse du Comité des Ministres.

Dans le domaine du patrimoine culturel, la Suisse fait preuve d'engagement au sein du Comité directeur du patrimoine culturel et du paysage. Elle a participé intensivement aux travaux de suivi du Réseau européen du patrimoine. Ce projet est l'instrument de monitoring de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe98 et de la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique99.

98 99

RS 0.440.4 RS 0.440.5

1206

4.2

Education et enseignement supérieur

En ce qui concerne le Comité Directeur de l'Education, dans l'année sous revue, les travaux se sont concentrés sur l'élaboration et l'adoption d'une Charte non contraignante sur l'éducation à la citoyenneté démocratique (ECD) ainsi que sur la préparation de la prochaine Conférence des ministres européens de l'éducation en 2010. La Charte ECD contient sous forme synthétique le résultat des travaux menés ces dernières années dans ce domaine par le Comité. Les experts suisses ont joué un rôle important notamment par leurs activités d'assistance technique en Europe du SudEst. Ces activités ont surtout porté sur la mise à jour des programmes et des moyens d'enseignement ECD dans cette région. Le programme «langues vivantes» ainsi que les travaux du Centre de Graz continuent d'avoir une importance cruciale pour le développement de la stratégie de l'enseignement des langues en Suisse. A cet égard, l'année sous revue a été largement occupée par les travaux scientifiques de préparation de la prochaine grande conférence sur l'enseignement des langues, qui se déroulera en Suisse en 2010.

Le Comité Directeur de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (CDESR) a tenu en 2009 sa 8e session plénière. Le Conseil de l'Europe, à travers le Comité, continue à jouer un rôle essentiel dans le développement du Processus de Bologne, en particulier, grâce à la participation au sein du groupe de suivi de ce processus.

Ces contributions se concrétisent aussi à travers les travaux et la coordination pour faciliter la mise en commun d'expériences en vue de l'élaboration des cadres nationaux de qualifications pour les hautes écoles compatibles avec le cadre de l'Espace européen de l'enseignement supérieur. Le Conseil de l'Europe juge important de coordonner les deux cadres européens: le cadre pour les hautes écoles et le cadre pour l'apprentissage tout au long de la vie. Le thème de l'assurance qualité, qui revêt une importance fondamentale dans le Processus de Bologne, a amené le CDESR à adopter la Déclaration sur l'assurance qualité, le classement et la classification compte tenu des missions de l'enseignement supérieur. D'autres contributions aux activités du Processus sont envisagées en vue de la stratégie et du développement du Processus de Bologne au-delà de 2010.

A travers le projet «Universités entre humanisme
et marché», le Comité s'est engagé dans la réflexion sur le rôle et les fonctions de l'enseignement supérieur en vue du renforcement de la culture démocratique et du dialogue interculturel. Les activités lancées vont s'achever en 2011 avec l'élaboration de recommandations. Le CDESR a décidé de réaliser une étude de faisabilité sur l'élaboration d'un instrument normatif relatif à la liberté académique, à l'autonomie des universités et au rôle des pouvoirs publics.

4.3

Jeunesse

Les priorités du secteur jeunesse du Conseil de l'Europe pour les trois prochaines années (2010 à 2012) ont été établies comme suit: droits de l'homme et démocratie; vivre ensemble dans des sociétés plurielles et inclusion sociale des jeunes, ceci conformément aux priorités du document «Agenda 2020: orientations pour la politique de la jeunesse du Conseil de l'Europe au cours des dix prochaines années», adopté à l'occasion de la Conférence des ministres responsables de la jeunesse rassemblés à Kiev en octobre 2008.

1207

Par ailleurs, dans le cadre de la stratégie 2009 à 2011 du programme «Construire une Europe pour et avec les enfants», un groupe consultatif ad hoc sur la participation des enfants et des jeunes a été mis en place en 2009, sous la houlette de la Direction de la jeunesse et du sport. Un expert indépendant suisse participe aux travaux. Parmi les tâches fixées figurent l'élaboration de lignes directrices sur la participation des enfants et des jeunes aux niveaux local, national et européen ainsi que l'examen d'une possibilité de mise à jour des recommandations du Comité des Ministres sur ce sujet ou de l'élaboration d'une nouvelle recommandation.

4.4

Sport

Fin 2009, 32 Etats avaient rejoint l'Accord partiel élargi sur le sport (APES) et deux autres ont obtenu le statut d'observateurs. La Suisse a participé activement, en 2009, à la réalisation des priorités qui avaient été fixées dans les domaines de l'autonomie et de l'éthique dans le sport lors de la 11e Conférence des ministres du Sport, qui s'est tenue à Athènes en décembre 2008. La Suisse a également pris part à la Troisième réunion du Comité de direction de l'APES qui a eu lieu à Bakou, en mai 2009.

Lors de cette réunion, les priorités de travail 2010 et le budget 2010 de l'APES ont été établis; la prochaine réunion des ministres du Sport, qui aura lieu en septembre 2010 à Bakou, a également été préparée. Enfin, la Suisse a proposé une table ronde sur l'enseignement de l'éducation physique à l'école, qui a eu lieu à Paris en octobre et à laquelle elle a participé; de même, une délégation suisse s'est rendue à Belgrade, en octobre, sur invitation des autorités serbes et de l'APES, pour assister à une Conférence intitulée «La lutte contre le racisme et la violence par la diversité dans le sport.».

Le Comité permanent, chargé de veiller à la mise en oeuvre de la Convention européenne du 19 août 1985 sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football, consacre l'essentiel de ses activités à la lutte contre la violence dans le cadre de manifestations sportives.

Au cours de l'année 2009, il s'est réuni deux fois. Lors de la première réunion à Lisbonne, la recommandation concernant les projections publiques a été acceptée par tous les Etats membres et notifiée. L'expérience acquise pendant l'EURO 2008 a permis à la Suisse d'apporter une contribution essentielle à l'élaboration de cette recommandation. Par ailleurs, les recommandations sur les stewards et sur les engins pyrotechniques ont elles aussi été acceptées. La Suisse a également présenté l'évaluation des mesures de sécurité lors de l'EURO 2008. La deuxième réunion du Comité permanent, qui s'est tenue à Strasbourg, était placée sous le signe de la Coupe du monde de football 2010 en Afrique du Sud. En tant qu'Etat participant, la Suisse a reçu des informations de première main de la part de la FIFA et des autorités sud-africaines en ce qui concerne l'état des préparatifs et
la sécurité. Enfin, la Suisse a rempli comme de coutume le questionnaire sur les rapports annuels des pays participants destiné au Comité permanent.

La Suisse a poursuivi sa contribution au développement du programme mondial de lutte contre le dopage en participant aux réunions des divers groupes de travail liés à la Convention contre le dopage du Conseil de l'Europe. Les standards pour des exceptions à des fins thérapeutiques sont entrés en vigueur le 1er janvier 2010. Des divergences subsistent entre l'Europe et l'Agence Mondiale Antidopage AMA concernant la protection des données personnelles. Toutefois, grâce aux travaux et 1208

aux propositions d'un groupe de travail «Droit», un certain assouplissement des fronts est constaté. C'est également au sein de ce groupe de travail qu'a été préparée la position de l'Europe concernant la 1re réunion de suivi de la convention de l'UNESCO contre le dopage. Dans le cadre du programme «respect des engagements», la Suisse a participé, sous la direction d'un spécialiste de la Fondation Antidoping Suisse, à une visite d'évaluation de l'Allemagne.

1209

Annexe 2

Rapport sur la politique extérieure de la Suisse en matière de droits de l'homme (2007­2011)

(En réponse au postulat «Rapport périodique sur la politique extérieure de la Suisse en matière de droits de l'homme» de la Commission de politique extérieure du Conseil national, du 14 août 2000).

1210

Condensé Les avancées enregistrées tant sur le plan normatif qu'institutionnel, universel et régional, durant ces 20 dernières années sont obscurcies par plusieurs facteurs politiques et sociaux. Depuis la fin des années 90, on constate l'émergence d'une remise en question de l'universalité des droits de l'homme. Les notions mêmes de liberté d'expression et de liberté religieuse sont questionnées dans l'objectif d'en réduire la portée. D'autre part, le recours à la torture de la part de gouvernements occidentaux dans le cadre de la lutte contre le terrorisme a jeté un halo de discrédit sur leurs actions plus vastes de promotion et de protection des droits de l'homme.

De plus, la crise alimentaire de 2007 à 2008 a touché les pays et les franges sociales les plus pauvres et vulnérables. Les pays en voie de développement ont vite fait de rejeter sur les pays occidentaux les principales responsabilités du sousdéveloppement économique. La combinaison de ces deux tendances lourdes a entre autre pour effet un défaut de mise en oeuvre des normes adoptées sur le plan international. Faute de moyens et de volonté politique, mais aussi faute de confiance mutuelle, nombreuses normes semblent rester, sinon lettre morte, du moins confinées à une dimension déclamatoire plus qu'à leur nature obligatoire.

La politique étrangère de la Suisse en matière de droits de l'homme a été définie au cours des années précédentes et comporte trois aspects prioritaires: la défense et la promotion des droits de l'homme à caractère impératif ou non susceptibles de dérogation en période d'état d'urgence; la protection des groupes particulièrement vulnérables; enfin, la contribution au développement des normes et à leur application dans les domaines sensibles directement affectés par la mondialisation. Il est d'avis du Conseil fédéral que les trois priorités indiquées conservent leur pertinence tant sous l'angle général de la promotion et la protection des droits de l'homme, que sous l'angle des activités déployées jusqu'à présent par la Suisse, avec le capital de compétence accumulée et de crédibilité acquise que cela comporte. Toutefois le Conseil fédéral, tout en souhaitant garder la flexibilité nécessaire pour s'adapter à des changements dans le contexte international, entend préciser les domaines dans lesquelles la Suisse
s'engagera, en particulier au titre de la contribution au développement de normes et à leur application dans les domaines sensibles directement affectés par la mondialisation.

La Confédération a promu différentes initiatives visant au renforcement normatif des droits de l'homme. Le recours à des entreprises militaires et de sécurité privées (EMSP) dans les conflits armés est controversé. Sur la base des questions juridiques soulevées en cas de violation des dispositions du droit international par les employés de ces entreprises, la Suisse a lancé une initiative qui a permis l'élaboration d'un Code de conduite pour les entreprises de la branche. Une deuxième initiative, lancée dans le cadre du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. visait à élaborer un Agenda des droits de l'homme pour la prochaine décennie. Le document «Protégeons la dignité: un

1211

agenda pour les droits de l'homme» publié par un groupe d'experts indépendants contient des propositions concrètes et il vise à faire progresser le respect des droits de l'homme. Dans une troisième initiative, la Suisse encourage la prise en compte des droits de l'homme, notamment des aspects liés à la lutte contre l'impunité, dans la négociation et la mise en oeuvre des accords de paix. Au Conseil des droits de l'homme, la Confédération et le Royaume du Maroc ont introduit le projet d'élaborer une Déclaration des Nations Unies sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme. L'initiative vise à diffuser les droits de l'homme par l'éducation et à faire connaître ces droits afin qu'ils soient respectés. La Commission pour la démarginalisation des pauvres par le droit (CLEP), dont les travaux ont été soutenus par la Suisse, affirme que la démarginalisation des pauvres par le droit peut être réalisée sur la base des quatre piliers suivants: accès à la justice et Etat de droit; droits de propriété; droit du travail et droit d'entreprendre.

Il existe un certain nombre de mécanismes internes de consultation et de décision afin de renforcer la cohérence entre les activités concernant les droits de l'homme et les autres. En outre, l'intégration graduelle de la dimension des droits de l'homme (mainstreaming) dans la définition et la mise en oeuvre des politiques de l'administration fédérale contribue à renforcer la cohérence de notre politique étrangère. Le Conseil fédéral dispose de différents instruments de coordination de sa politique étrangère: dialogues sur les droits de l'homme; interventions et démarches politiques bilatérales et multilatérales, déclarations du Conseil fédéral et des mesures protocolaires ou diplomatiques à valeur symbolique. Viennent en outre s'y ajouter des actions plus directes: programmes de soutien, projets, envois d'experts. Si la palette d'instruments à disposition n'a pas changé de manière considérable, certains instruments ont été perfectionnés.

La Suisse a établit des partenariats stratégiques avec différentes instituts universitaires et think tanks, en Suisse comme ailleurs. La décision du Conseil fédéral du mois de juillet 2009 de lancer le projet pilote «Achat de services auprès d'un Centre de compétence universitaire dans le domaine des droits de l'homme»
constitue un volet supplémentaire de cette coopération étendue avec des acteurs non étatiques.

De plus, le secteur privé est un acteur et un partenaire important de la Suisse en matière de mise en oeuvre des droits de l'homme; des relations de travail étroites se tissent tant avec des entreprises suisses qu'avec le secteur privé étranger. Enfin, les ONG tant locales qu'internationales sont aussi des partenaires importants de la Suisse.

Les droits de l'homme constituent une dimension importante de la politique étrangère de la Suisse. Les priorités fixées répondent aux besoins et aux grands défis en matière de promotion et protection des droits de l'homme. Leur formulation générale permet au Conseil fédéral d'adapter rapidement son action aux mutations de l'environnement politique international et de saisir toute occasion pour lancer ou soutenir des initiatives spécifiques.

1212

Table des matières 1 Introduction 2 Les grandes tendances en matière des droits de l'homme: défis et perspectives 2.1 Remarques liminaires 2.2 Universalité des droits de l'homme vs. Diversité culturelle 2.3 Mise en application des normes 2.4 Liberté d'expression 2.5 Droits économiques, sociaux et culturels vs. Droits civils et politiques 2.6 Partage des responsabilités 2.7 Les migrations 2.8 Orientation sexuelle 2.9 Le droit au développement et lutte contre la pauvreté 2.10 Lutte contre le racisme

1215 1215

3 Les priorités de la Suisse 3.1 Remarques liminaires 3.2 Défense et la promotion des droits des l'homme à caractère impératif 3.2.1 Le droit à la vie 3.2.2 L'interdiction de la torture 3.3 Les groupes vulnérables 3.3.1 Droits des femmes 3.3.2 Droits des enfants 3.3.3 Les minorités 3.3.4 Racisme 3.3.5 Les migrations 3.3.6 Personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays (IDP) 3.3.7 Défenseurs et défenseuses des droits de l'homme 3.3.8 Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) 3.4 Domaines sensibles affectés par la mondialisation 3.4.1 Les droits économiques, sociaux et culturels 3.4.2 La lutte contre la pauvreté 3.4.3 Economie et droits de l'homme 3.5 Le renforcement institutionnel

1226

4 Initiatives de la Suisse 4.1 Entreprises militaires et de sécurité privées 4.2 Agenda pour les droits de l'homme 4.3 Justice de transition 4.4 Education et formation aux droits de l'homme 4.5 Droit de propriété comme un droit de la personne humaine

1247

1213

5 Efficacité et cohérence: les instruments à disposition 5.1 Les mécanismes internes 5.2 Les instruments diplomatiques

1251

6 Coopération avec les acteurs non étatiques

1253

7 Conclusions

1255

1214

Rapport 1

Introduction

Le présent rapport est le deuxième que le Conseil fédéral soumet au Parlement en réponse au postulat de la Commission de politique extérieure du Conseil national du 14 août 2000 (00.3414 ­ Rapport périodique sur la politique de la Suisse en matière de droits de l'homme), et accepté par le Conseil fédéral le 13 septembre 2000, aux termes duquel: «Le Conseil fédéral est chargé de soumettre au Parlement une fois au cours de chaque législature un rapport présentant les mesures qu'il a prises, qu'il a engagées ou qu'il entend prendre pour promouvoir une politique de la Suisse en matière de droits de l'homme qui soit efficace et cohérente. Ce rapport indiquera notamment: ­

quels sont les objectifs fixés et les mesures prises par la Suisse en matière de droits de l'homme, et évaluation de leur efficacité;

­

comment il est tenu compte des droits de l'homme dans les différentes politiques (notamment développement, commerce extérieur, migration et promotion de la paix), et les conflits d'intérêts entre droits de l'homme et autres priorités;

­

quelles sont les mesures mises en oeuvre pour renforcer l'efficacité et la cohérence des activités de la Suisse en matière de politique extérieure et de commerce extérieur, ou susceptibles de les renforcer;

­

comment la société civile, les entreprises et les milieux scientifiques sont, ou peuvent être, associés au développement des droits de l'homme.»

Le rapport contient un chapitre qui trace les grandes tendances en matière des droits de l'homme sur la scène internationale (ch. 2); il présente ensuite les priorités et les actions de la Suisse en matière des droits de l'homme (ch. 3), ainsi que les principales initiatives de la Suisse depuis le rapport de 2006 (ch. 4). Il énumère les instruments à disposition du Conseil fédéral (ch. 5) et illustre les différents modes de coopération avec les acteurs non étatiques (ch. 6), avant de tirer quelques conclusions (ch. 7).

2 2.1

Le contexte international en matière de droits de l'homme: défis et perspectives Remarques liminaires

Les espoirs suscités par la Conférence mondiale sur les droits de l'homme de Vienne en 1993 qui réaffirmait l'universalité, l'interdépendance et l'indivisibilité des droits de l'homme, ont été concrétisés dans un premier temps par l'élaboration et l'adoption d'instruments de promotion et de protection des droits de l'homme. La convention relative aux droits des personnes handicapées (2006), la convention internationale contre les disparitions forcées (2007), les deux protocoles facultatifs

1215

à la convention internationale des droits de l'enfant (2000)100, la Déclaration sur les droits des peuples autochtones (2007) ne représentent que quelques uns des succès importants dans le renforcement de l'architecture normative universelle. Sur le plan institutionnel, la création du Haut Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies en 1993 et, à l'initiative notamment de la Suisse, du Conseil des droits de l'homme à Genève en 2006 constituent des maillons fondamentaux pour la promotion et la défense des droits de l'homme dans le monde.

Cet élargissement normatif a été accompagné par un renforcement des instruments de contrôle et de monitorage: le protocole facultatif à la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (1999)101, le protocole facultatif à la convention contre la torture (2002)102, le protocole facultatif au pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (2009)103 et les négociations actuelles sur le protocole facultatif à la convention des droits de l'enfant, consolident et amplifient les possibilités données aux victimes de violation de recourir vers une instance de contrôle et de réparation, soit-elle judiciaire ou non judiciaire, ou visant à prévenir les violations.

Au niveau régional, le Conseil de l'Europe et l'Organisation pour la sécurité et coopération en Europe (OSCE) ont apporté des éléments importants dans la construction et le renforcement des institutions démocratiques respectueuses des droits de l'homme sur notre continent et notamment dans les anciens Etats de l'Europe centrale et orientale. L'OSCE, dans sa dimension humaine, a concentré ses travaux sur la liberté des médias, sur la lutte contre le racisme et en faveur de la liberté religieuse. Un autre important champ d'activités de l'OSCE réside dans les droits des minorités. Les conflits qui ont ravagé parties du continent européen dans les années 90 ont en effet souvent eu comme cause des tensions ethniques ou ethnicoreligieuses. La compétence de l'OSCE dans le domaine de la sécurité, combinée à ce constat, l'a poussée à privilégier une approche qui consiste à identifier et tenter de résoudre au plus tôt les tensions ethniques et ethnico-religieuses, notamment par l'institution d'un Haut Commissaire pour les minorités nationales.

Sur le plan normatif,
le Conseil de l'Europe a adopté des instruments importants comme la convention sur la cybercriminalité (2001)104, le protocole 13 relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances (2002)105 et le protocole 14 amendant le système de contrôle de la convention (2004)106.

Ailleurs, encore au niveau régional, l'Union africaine s'est dotée d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (1998); l'ASEAN (Association des Nations de l'Asie du Sud-Est) a créé en 2009 une Commission intergouvernementale pour les droits de l'homme, embryon potentiel d'une Cour régionale à part entière; la Ligue des Etats arabes, enfin, a révisé sa Charte arabe des droits de l'homme en 100

101 102 103 104

105 106

La Suisse a ratifié le protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés le 26 juin 2002 et le protocole facultatif concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants le 19 septembre 2006.

Ratifié par la Suisse le 29 septembre 2008.

Ratifié par la Suisse le 24 septembre 2009.

Pas ratifié par la Suisse.

La Suisse a signé la convention sur la cybercriminalité le 23 novembre 2001; le 13 mars 2009 le Conseil fédéral a ouvert une consultation sur son approbation et sa mise en oeuvre.

Ratifié par la Suisse le 3 mai 2002.

Ratifié par la Suisse le 25 avril 2006.

1216

2004, apportant quelques améliorations à sa version précédente, tout en omettant de donner la possibilité aux citoyens victimes de violations des droits de l'homme de présenter des communications ou de poser plainte auprès d'une Cour supra étatique indépendante. Ces initiatives régionales restent en deçà des standards établis en particulier par le Conseil de l'Europe, mais elles peuvent contribuer à poser les bases à la construction d'un édifice normatif et institutionnel régional.

Ces avancées, tant sur le plan normatif qu'institutionnel, universel et régional, sont toutefois obscurcies par plusieurs facteurs politiques et sociaux. Depuis la fin des années 90, le renforcement politique de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) et du Mouvement des non-alignés (NAM) a coïncidé avec l'émergence d'une remise en question de l'universalité des droits de l'homme. Par le truchement des valeurs islamiques et sous le couvert de la diffamation des religions (lire l'islamophobie), la liberté d'expression, mais aussi par ricochet la liberté de religion sont remises en cause. La lutte contre le terrorisme engagée par les Etats occidentaux a contribué au renforcement des positions de l'OCI. Les frictions entre monde islamique et monde occidental provoquées en particulier par les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ont alimenté des pratiques discriminatoires envers les musulmans. Le non respect de la part d'un certain nombre de gouvernements occidentaux des droits élémentaires des personnes arrêtées dans le cadre de cette lutte a jeté un halo de discrédit sur leurs actions de promotion et de protection des droits de l'homme: reproche d'appliquer des doubles standards; de pointer le doigt sur les manquements des autres, tout en bafouant les droits des personnes sous leur juridiction, notamment ceux des ressortissants étrangers; de négliger l'aide internationale indispensable au développement économique et social, nécessaire aussi à l'établissement de l'Etat de droit, de la gouvernance et des institutions étatiques, administratives et judiciaires.

A cette dimension «culturelle» vient se greffer la dimension macroéconomique. La crise alimentaire de 2007 à 2008 a touché les pays et les franges sociales les plus pauvres et vulnérables. Les causes structurelles sont complexes, allant des questions
climatiques à une augmentation de la demande de céréales, d'une production d'agrocarburants devenue rentable suite à l'augmentation du prix du pétrole, au recul des sols arables. A cela s'est encore ajoutée la crise financière qui a provoqué une hausse des prix des matières premières, qui sont devenues des valeurs refuge. La spéculation sur les prix des denrées alimentaires de base a plongé nombreux pays dans un état de crise débouchant sur des émeutes et des instabilités politiques. Parmi les facteurs à l'origine de la sous-alimentation se trouvent notamment la répartition inégale des ressources, les injustices sociales, l'exclusion politique ou économique, la discrimination, les prix inaccessibles des aliments pour les pauvres et leur trop faible production. Les pays en voie de développement ont vite fait de reprocher aux pays industrialisés de ne pas prendre suffisamment en considération les problèmes pressants d'une population croissante et démunie, et de rejeter sur eux les principales responsabilités du sous-développement économique.

Le non respect des engagements internationaux en matière d'aide publique au développement, mais aussi la dimension des politiques migratoires restrictives exercées par les pays économiquement avancés contribuent à creuser un fossé de plus en plus large entre, de manière générale, les pays qui profitent de la mondialisation et ceux qui en subissent de les conséquences négatives. Sur le plan des droits de l'homme, la convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille est entrée en vigueur en 2003. Malgré 1217

qu'elle n'ait été ratifiée que par une quarantaine d'Etats, avec l'absence notable de tous les Etats destinataires dont la Suisse, elle cristallise autour d'elle le débat tant sur les discriminations des ressortissants étrangers dans les pays qui accueillent les flux migratoires, que sur leurs politiques migratoires restrictives. La lutte légitime contre la pratique ignoble de la traite et du trafic des êtres humains vient compliquer la donne en matière de migration et de protection des droits de l'homme. En effet, les instruments pertinents, en particulier le protocole additionnel à la convention sur la criminalité transfrontalière organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants ainsi que le protocole additionnel à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer107 reconnaissent que les causes structurelles telles la pauvreté, le sous-développement, le manque d'opportunité rendent des individus, en particulier femmes en enfants, vulnérables au trafic d'être humains et la traite des personnes. Toutefois, la dimension répressive du droit pénal l'emporte à niveau international sur les aspects de migration et de protection des victimes. Il est donc important de ne pas mélanger les politiques migratoires avec la lutte contre le trafic des êtres humains et la traite des personnes.

De manière similaire, des divergences de vues fondamentales se font sentir à niveau international quant à l'application des droits de l'homme dans la lutte contre la criminalité et en particulier dans la politique internationale de la drogue. Certains groupes de pays s'opposent au fait que la nécessité de l'application des droits de l'homme soit mentionnée dans les situations de lutte contre le trafic de drogues ou de différentes formes de criminalité impliquant le crime organisé, créant ainsi des obstacles dans la coopération interétatique en la matière.

Ces divergences de fond font resurgir les pratiques d'antan qui faisaient de la séparation des droits économiques, sociaux et culturels et des droits civils et politiques une raison pour réclamer de l'aide publique au développement faisant passer au deuxième plan la garantie des libertés individuelles. Cette séparation,
assainie à Vienne en 1993, revient en force dans les foras multilatéraux, même si dans des termes qui ont abandonné la rhétorique de l'indépendance des peuples, pour embrasser un discours qui réclame sa part du gâteau de la mondialisation. La combinaison de ces deux tendances lourdes ­ renforcement de l'architecture normative d'une part, division sur le plan des approches d'autre part ­ a pour effet pervers un défaut de mise en oeuvre des normes adoptées sur le plan international. Faute de moyens et de volonté politique, mais aussi faute de confiance mutuelle, nombreuses normes semblent rester, sinon lettre morte, du moins confinées à une dimension déclamatoire plus qu'à leur nature obligatoire.

2.2

Universalité des droits de l'homme vs.

Diversité culturelle

De par son unité, la Déclaration universelle des droits de l'homme évoque le principe de l'indissociabilité et de l'interdépendance des droits. Toutefois, les tensions idéologiques d'après-guerre ont façonné des chemins et des développements différents pour les deux grands piliers du droit international des droits de l'homme: les droits civils et politiques d'une part; et les droits économiques, sociaux et culturels d'autres part. Si cette dichotomie était acceptée sans trop de difficulté durant les 107

Ratifié par la Suisse le 27 octobre 2006.

1218

années où a existé un monde idéologiquement bipolaire, l'éclatement de celui-ci a permis un rapprochement entre ces deux piliers. L'espoir né de l'effritement des blocs a conduit dans un premier temps à croire que les valeurs de la démocratie et le bien-être allaient devenir une réalité pour tous. La communauté internationale réunie à Vienne en 1993 a proclamé à nouveau l'universalité, l'indissociabilité et l'interdépendance de tous les droits de l'homme. Cette jonction entre les droits politiques et les droits économiques et sociaux prend tout son sens si on les considère globalement. Le libre exercice des droits civils et politiques rend possible la participation de tous les citoyens à l'élaboration et au contrôle de la mise en oeuvre des politiques sociales et économiques; et il donne également la possibilité aux citoyens de se prononcer sur de telles politiques. A son tour, la jouissance des droits économiques et sociaux facilite l'exercice des droits civils et politiques et par là permet une meilleure intégration des individus dans la société et donc dans la participation à la vie politique.

Deux grandes tendances s'affrontent aujourd'hui. D'une part, le monde est en train de devenir multipolaire et l'émergence de nouvelles puissances économiques entraîne l'émergence de nouvelles visions de la société et du monde. Cette tendance peut peser sur la notion même de l'universalité des droits de l'homme. A l'inverse, le phénomène de plus en plus rapide et puissant de la mondialisation entraîne une certaine uniformisation des styles de vie, des codes vestimentaires et des modes alimentaires. Cette uniformisation risquerait de menacer la diversité culturelle.

Cependant, l'universalité des droits de l'homme et la diversité culturelle ne sont pas mutuellement exclusives. La Conférence de Vienne de 1993 a défini les contours de cette dichotomie en affirmant que «s'il convient de ne pas perdre de vue l'importance des particularismes nationaux et régionaux et la diversité historique, culturelle et religieuse, il est du devoir des Etats, quel qu'en soit le système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales»108. En outre, la Déclaration universelle sur la diversité culturelle adoptée en 2001 par l'UNESCO statue que personne
ne peut invoquer la diversité culturelle pour enfreindre les droits de l'homme garantis par le droit international ni pour en limiter la portée109. Sous le couvert de la protection et de la promotion de la diversité culturelle, des initiatives allant dans ce sens se font pourtant jour. Les craintes auprès des populations et/ou des autorités politiques d'un envahissement culturel, soit par les valeurs occidentales dans une partie du monde, soit par l'islamisme dans d'autres contrées, favorise la poussée de réflexes identitaires défensifs. Cette diversité est néanmoins garantie par la libre circulation des idées, et donc par l'exercice des libertés d'opinion, d'expression, de religion et de conscience.

La Suisse continuera à s'engager dans la défense de l'universalité des droits de l'homme. Ceux-ci touchent tout un chacun dans sa dignité d'être humain. Le Conseil fédéral demeure toutefois conscient que l'universalité des droits de l'homme peut être faussement interprétée comme une voie vers l'uniformisation des cultures. La Suisse travaillera donc sur le précepte qui veut que les libertés consacrées dans le droit international des droits de l'homme sont garantes de la multiplication des idées,

108 109

Déclaration et Programme d'action de Vienne, art 5.

ibidem, article 2.

1219

des concepts et par conséquent de la diversité. A ce titre, sa participation active à l'Alliance des civilisations110 demeurera prioritaire.

2.3

Mise en application des normes

Les progrès normatifs de ces dernières années n'ont été suivis que partiellement par des progrès dans leur mise en oeuvre. Les discriminations de différente nature persistent à l'encontre des plus vulnérables, qui sont souvent, qui plus est, victimes de discriminations multiples. Nombreux pays connaissent encore et toujours des situations intolérables en matière de non respect des droits fondamentaux.

Nous constatons un important écart entre l'existence des normes et leur mise en application. Aujourd'hui l'architecture normative est vaste et couvre une bonne partie des discriminations, même s'ils existent sans doute encore des niches à remplir. Les groupes vulnérables comme les enfants, les femmes, les minorités, les personnes handicapées sont couverts par des instruments légaux. Le génocide, les crimes contre l'humanité et le racisme sont condamnés et peuvent faire l'objet de poursuites pénales. Les victimes de nouvelles formes d'esclavage et de travail forcés peuvent faire appel à des conventions internationales. Le Conseil fédéral est d'avis que les instruments existent, mais qu'ils ne sont pas utilisés à bon escient ou au maximum de leur capacité; des corrections peuvent certainement être exercées. Par exemple, si tous les organes du système des Nations Unies pouvaient remplir leur mandat de manière exhaustive, ceci permettrait la mise en oeuvre de politiques de développement, qui à leur tour contribuerait à la réalisation des droits économiques et sociaux. Dans un monde où presque un milliard de personnes est sous-alimenté, l'éradication de la pauvreté doit dépasser le stade des bonnes intentions, et certains prônent même d'en faire une obligation juridiquement contraignante.

La Suisse poursuivra son engagement visant à appliquer les normes internationales de droits de l'homme tant au niveau national que international. Au niveau national, la Confédération, les Cantons et les Communes agissent chacun dans sa propre sphère de compétence. L'Examen périodique universel (EPU) du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, dans le cadre duquel la Suisse a été examinée le 8 mai 2008111, a permis d'entamer un dialogue global sur la mise en oeuvre des droits de l'homme en Suisse entre les autorités fédérales et les représentants de la société civile. Pour sa part, l'intensité du dialogue avec
les Cantons dans le cadre de l'EPU reste en deçà des attentes. Compétents pour un large nombre de domaines qui touchent directement à la jouissance des droits de l'homme (santé, police, éducation) il a été jusqu'à présent difficile d'entabler un contact régulier et suivi avec eux. Ceci semble être dû principalement à un certain écart entre les discussions dans des foras multilatéraux comme les Nations Unies, et les préoccupations concrètes des Cantons dans la mise en oeuvre, d'ailleurs pour la plupart des cas efficace, de leurs politiques respectives. La Confédération entend poursuivre les efforts visant à un échange

110

L'Alliance des civilisations, créé en 2005 par la Turquie et l'Espagne sous l'égide des Nations Unies, s'est fixée pour objectif d'analyser les racines de la polarisation entre cultures et sociétés, notamment occidentales et islamiques, afin d'en combattre les divisions, les préjugés et les incompréhensions (cf. aussi 09.052, Rapport sur la politique extérieure 2009, du 2 septembre 2009.

111 Cf. documents des Nations Unies A/HRC/WG.6/2/CHE/ 1, 2, et 3; A/HRC/8/41

1220

d'informations plus soutenu et régulier avec les Cantons en matière des droits de l'homme.

Sur le plan international la Suisse poursuivra le soutien aux différents mécanismes de surveillance, soient-ils conventionnels ou institutionnels (ONU, OSCE, Conseil de l'Europe). En outre, à travers les différents mécanismes bilatéraux (dialogues, démarches, coopération au développement entre autres), la Suisse contribuera de manière concrète à la mise en oeuvre des obligations juridiques et des engagements politiques des Etats partenaires.

2.4

Liberté d'expression

La liberté d'expression est une composante essentielle de toute société respectueuse des droits fondamentaux. Un des piliers de la démocratie, la liberté d'expression est celle qui permet l'échange des informations et des idées, mais aussi celle qui permet la critique des autorités en place. Tant le droit international que les législations nationales autorisent des restrictions à l'exercice de ce droit, restrictions qui doivent être fixées par la loi, et être nécessaires au respect des droits et réputation d'autrui, à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. La liberté d'expression telle qu'exercée dans le monde occidental peut blesser des sentiments dans d'autres parties du monde. Les tensions entre le monde occidental et le monde islamique sont ravivées au sein des Nations Unies par une résolution de l'Organisation de la conférence islamique sur la diffamation des religions qui vise à limiter la liberté d'expression aux fins de protéger la religion (islamique) en tant que telle. Au surplus, cette résolution a des incidences dans le cadre de la lutte contre le racisme, au niveau des formes contemporaines de racisme. Pour la Suisse ce n'est pas la religion en tant que telle qui doit être protégée, mais l'exercice non discriminatoire ­ par des individus ou des groupes d'individus ­ de l'ensemble de leurs droits de l'homme. Au sein des Nations Unies, la Suisse compte parmi les acteurs les plus actifs dans le domaine de la liberté religieuse et de la liberté d'expression. La Suisse est convaincue que la liberté d'expression constitue une des libertés des plus fondamentales, tout en convenant que la haine raciale et religieuse doivent être combattues par la loi (art. 20 pacte II). Dans le cadre de la coopération avec le Conseil de l'Europe, la Suisse a financé la traduction en langue allemande du manuel sur la question de l'incitation à la haine. Cette dimension est constamment rappelée par la Suisse et le restera dans le futur tant dans les foras internationaux que dans les relations bilatérales.

2.5

Droits économiques, sociaux et culturels vs.

Droits civils et politiques

Comme mentionné au début de ce chapitre, la reconnaissance de l'interdépendance de tous les droits a eu des répercussions importantes dans les relations internationales. Les accords de libres échanges, la coopération au développement, les relations commerciales sont aujourd'hui perçus et utilisés aussi comme des instruments pouvant contribuer à la promotion des droits de l'homme. Des clauses de respect des droits fondamentaux, dont l'intensité varie, peuvent faire partie intégrante d'accords commerciaux. La coopération au développement est passée au fil des ans d'une aide technique à un soutien à la bonne gouvernance, à l'établissement de l'Etat de droit et 1221

au respect des droits de l'homme. Les dialogues bilatéraux, initialement axés principalement sur la promotion des droits civils et politiques, intègrent aussi de manière croissante les questions qui relèvent des droits économiques et sociaux.

Toutefois, force est de constater que depuis quelque temps dans les enceintes multilatérales l'interdépendance et l'indivisibilité des droits semblent être remise en jeu.

Des clivages entre pays industrialisés et en développement, qui n'ont jamais totalement disparus, émergent sous des formes plus complexes et des solidarités nouvelles se tissent. Menée principalement par l'Organisation de la conférence islamique (OCI) et le Mouvement des non-alignés (NAM), la «fronde» anti-occidentale mue au gré des circonstances; Groupe africain, pays asiatiques, Chine, Iran, Pakistan, l'axe Cuba-Venezuela-Bolivie-Nicaragua (de moins en moins en phase avec le reste de l'Amérique latine), les puissances émergentes d'Inde et du Brésil s'allient de manière ad hoc, sur des thèmes et des préoccupations communes, sans pour autant constituer, à l'exception de l'OCI et en moindre mesure des pays africains, un bloc solide et organique. Des vieux réflexes d'antan émergent régulièrement, même si les acteurs ne sont plus forcement les mêmes. Sous le couvert de la défense identitaire, de la morale, de la lutte contre le racisme, plusieurs Etats forcent pour limiter les libertés inscrites dans la Charte des droits de l'homme112. En outre, invoquant avec régularité le droit au développement, ces mêmes Etats considèrent de manière prioritaire la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, qui entraîneraient automatiquement l'éclosion des droits civils et politiques. Que cette suite logique soit liée aux velléités de limiter les droits civils et politiques saute aux yeux. Le risque existe toutefois que les pays industrialisés, pour défendre sur le plan universel la garantie du libre exercice des libertés acquises, en viennent à oublier la promotion et la protection des droits économiques, sociaux et culturels provoquant ainsi dans les faits une nouvelle séparation de ces deux piliers.

Le Conseil fédéral a embrassé la notion de l'indivisibilité et de l'interdépendance des droits de l'homme. De par son action tant sur le plan multilatéral que bilatéral, la Suisse oeuvre sur la protection et la promotion de l'ensemble des droits de l'homme.

2.6

Responsabilités multiples

Un autre important défi en matière des droits de l'homme sera la définition des responsabilités des différents acteurs. Aujourd'hui le droit international des droits de l'homme attribue uniquement aux Etats la responsabilité de respecter, de protéger et de réaliser les droits de l'homme. L'Etat aujourd'hui a transmis nombre de ses compétences traditionnelles à d'autres acteurs, en particulier à l'économie privée.

L'éducation, le système hospitalier, les transports publics, la distribution de l'eau, de l'électricité et même la sécurité sont des services qui sont fournis de plus en plus par des acteurs privés, sous le mandat des autorités nationales ou locales. De grands conglomérats économiques ont une puissance d'influence sur les politiques étatiques comme jamais auparavant. Une impulsion importante dans la prise de conscience du rôle et des responsabilités du secteur privé dans le domaine des droits de l'homme a été donnée par la création du Global Compact, sous l'impulsion de l'ancien Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan. Les entreprises qui y adhèrent s'engagent 112

La Charte des Droits de l'Homme comprend la Déclaration universelle des droits de l'homme, le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que ses protocoles facultatifs.

1222

à respecter dix principes liés aux droits de l'homme, au droit du travail, à la protection de l'environnement et à la lutte contre la corruption. D'autres instruments volontaires existent au sein de l'Organisation internationale du travail, de l'Organisation pour la coopération économique en Europe, de l'Organisation mondiale du commerce. Tous visent à conscientiser le monde de l'économie à analyser ses actions aussi sous l'angle des droits de l'homme, et le cas échant à prévenir de possibles conséquences néfastes pour leur jouissance.

Depuis les travaux du Représentant Spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l'économie et les droits de l'homme, il est reconnu que les acteurs non étatiques ont la responsabilité de prendre en considération les droits des individus dans l'exercice de leurs activités. L'inobservation de cette responsabilité a des conséquences morales, sociales et parfois aussi juridiques. Il s'agit à ce stade de déterminer si on peut par conséquent parler d'un système de responsabilités juridiques. La question se pose aussi pour les organisations internationales. La Commission du droit international des Nations Unies se penche en effet sur la problématique de la responsabilité encourue par une organisation internationale pour un fait illicite commis par elle. La question peut être posée aussi en termes de négligence et de non action, qui pourraient avoir comme conséquence par exemple le massacre de civils dans un contexte donné.

Le soutien de la Suisse aux travaux du Représentant Spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l'économie et les droits de l'homme et notre engagement en matière de respect du droit international de la part des entreprises militaires et de sécurité privées sont preuves de l'importance que le Conseil fédéral attache à la problématique du partage des responsabilités. Cet engagement sera poursuivi tant au niveau conceptuel que sur celui des contacts avec le monde de l'économie.

2.7

Les migrations

Les migrations internationales sont devenues une donnée fondamentale de la mondialisation. Aujourd'hui, le nombre de migrants internationaux se situe autour de 200 millions, ce qui représente près de 3 % de la population mondiale. Parmi eux, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés comptait, à la fin de l'année 2007, 67 millions de déplacés forcés, dont 16 millions de réfugiés. Presque tous les pays sont concernés par la migration, en tant que pays d'origine, de transit ou d'accueil, voire les trois à la fois. Le nombre de personnes qui sont forcées à quitter leur pays d'origine pour des causes qui ne rentrent pas dans la définition légale de réfugié et qui ne sont pas non plus des migrants économiques volontaires devrait augmenter. Ces «nouveaux» mouvements de population, dont les premiers signes se profilent déjà, seront probablement constitués de personnes ayant besoin de protection, car fuyant une catastrophe environnementale, l'échec de leur Etat ou encore la perte des possibilités de subsistance. Le défi pour la Suisse sera de s'adapter aux développements qui pourraient bien se dessiner au niveau international ou régional, par exemple au développement d'un cadre normatif multilatéral sur la protection subsidiaire qui serait fondé sur les besoins et le respect des droits fondamentaux de ces groupes vulnérables.

Sur le plan du droit international, l'instrument principal en la matière, à savoir la convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille semble être source de blocage plus encore 1223

qu'une partie de la solution. Adoptée en 1990 par l'Assemblée générale des Nations Unies, il a fallu treize ans pour récolter les 20 ratifications nécessaires à son entrée en vigueur; à ce jour (avril 2010) 42 Etats seulement y sont parties, dont aucun Etat destinataire. L'«esprit» de la convention va dans le sens souhaité d'une protection des droits fondamentaux des travailleurs migrants. Le manque de distinction entre travailleurs migrants réguliers et migrants en situation irrégulière constitue l'obstacle majeur à son adoption par les Etats destinataires, y compris la Suisse. De plus, cette convention ne constitue pas, selon le Conseil fédéral, un instrument adéquat pour lutter contre le phénomène de la migration irrégulière, notamment contre les activités criminelles qui l'accompagnent, parmi lesquelles la traite et le trafic des êtres humains.

La Suisse entend poursuivre les travaux qu'elle a contribué à lancer dans le cadre du Forum mondial sur la migration et le développement et Dialogue à haut niveau sur la migration internationale et le développement.

2.8

Orientation sexuelle

Les deux pactes internationaux des droits de l'homme interdisent toutes formes de discrimination. Ces dispositions générales ont été successivement affinées et précisées avec des traités protégeant les différents groupes vulnérables. Les transformations graduelles et continuelles de la société ont été le premier catalyseur du développement de cette riche architecture normative. Ces évolutions ont permis l'éclosion des doléances des différents groupes sociaux et la reconnaissance par la société de leurs revendications, avec leur traduction dans des textes de loi. Parmi les mouvements sociaux plus importants ces dernières deux décennies, du moins dans le monde occidental, on trouve la liberté d'afficher et de vivre sa sexualité de manière ouverte, sans discrimination. S'il n'existe pas de convention internationale pour la protection des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT), le débat sur la discrimination à leur encontre et sur leurs droits a gagné en visibilité ces dernières années. La lutte contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre est en effet de plus en plus discutée au sein des foras internationaux. Elle vise à une protection plus efficace des personnes contre ce type de discrimination. Enregistrant l'émergence du besoin d'un cadre normatif adapté, un groupe d'experts issus de différentes origines professionnelles et culturelles a élaboré en 2006, suite à des recherches, des consultations et des débats, les Principes de Yogyakarta sur l'application de la législation internationale des droits de l'homme en matière d'orientation sexuelle et d'identité de genre. Ces principes traitent de l'application du droit international des droits de l'homme en matière d'orientation sexuelle et d'identité de genre pour la protection et pour l'interdiction absolue de la discrimination contre les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres. Une autre avancée est à relever au sein des Nations Unies, où, dans le cadre de l'Assemblée Générale en décembre 2008, plus d'un tiers des pays membres, dont la Suisse, ont soutenu la Déclaration sur les droits de l'homme, l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Elle appelle les Etats à s'engager pour la protection des droits de l'homme de tous, sans distinction fondée sur l'orientation sexuelle et l'identité
de genre. Pour sa part, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a adopté au printemps 2010 les Recommandations sur les mesures visant à combattre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ou l'identité du genre. Ce texte représente le premier instrument élaboré par le Comité des Ministres consacré spécifiquement à 1224

ce genre de discrimination. On notera cependant que cette approche est vivement rejetée par l'Organisation de la conférence islamique, par de nombreux pays africains et par des pays européens comme la Fédération de Russie ou des Etats Baltes, opposés à l'introduction de notions soi-disant sans fondement légal et à la singularisation de certaines personnes sur la base de leurs intérêts et comportements sexuels.

Une orientation autre qu'hétérosexuelle est perçue comme étant un choix délibéré de vie qui sort du cadre des libertés individuelles. Nombreux de ces pays considèrent d'ailleurs les relations homosexuelles comme un délit pénalement punissable.

Le Conseil fédéral entend renforcer son engagement dans le domaine de la promotion et la protection des LGBT sur le plan international.

2.9

Le droit au développement et lutte contre la pauvreté

La Déclaration sur le droit au développement adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1986 est le seul instrument, non contraignant, qui reconnaît une dimension individuelle et collective au droit au développement; la susmentionnée Conférence de Vienne de 1993 réitère cette dimension individuelle. Les pays en voie de développement visent à l'élaboration d'un instrument international contraignant en la matière, qui imposerait aux Etats industrialisés de consacrer un certain pourcentage de leur produit intérieur brut à la coopération au développement, sans la lier d'ailleurs à la promotion et à la protection des droits de l'homme. Les pays industrialisés refusent cependant d'entrer en négociation sur un tel instrument contraignant. A ce stade, ces derniers sont d'accord de souscrire à des engagements politiques dans le cadre de «Lignes directrices» visant à mettre en oeuvre de manière pratique ce droit. Si le principe d'une négociation devait malgré tout être acquis, la Suisse y défendra une option visant à sauvegarder la dimension individuelle du droit au développement en le rattachant à tous les droits de l'homme, qu'ils soient civils, politique, économiques, sociaux culturels.

Le soulagement des populations dans le besoin et la lutte contre la pauvreté figurent parmi les objectifs de notre politique extérieure tels que définis par la Constitution fédérale. Convaincu que «il n'y a pas de développement sans sécurité, il n'y a pas de sécurité sans développement, et il ne peut y avoir ni sécurité, ni développement si les droits de l'homme ne sont pas respectés»113, le Conseil fédéral continuera à oeuvrer en faveur des populations les plus démunies.

2.10

Lutte contre le racisme

Le thème de la lutte contre le racisme s'avère de plus en plus politisé depuis la Conférence mondiale sur le racisme de Durban en 2001. Les pays occidentaux n'ont pas tous souscrit à la Déclaration et Programme d'action de Durban, ni à son Document de suivi adopté à Genève en 2009, et ce malgré les bons résultats de ce dernier. Plusieurs Etats en voie de développement en font une arme dirigée contre les seuls pays industrialisés. Ce faisant, la communauté internationale reste divisée alors même que le racisme, pour être combattu avec succès, doit l'être en unissant 113

Rapport du Secrétaire général des Nations Unies Dans une liberté plus grande; développement, sécurité et droits de l'homme pour tous, 2005.

1225

les efforts de tous. Aujourd'hui la lutte contre le racisme ne se limite plus uniquement à donner les mêmes libertés et les mêmes droits à tout individu, indépendamment de la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique. La dimension des discriminations multiples et la question de l'incitation à la haine, telle que reflétée par les récentes tentatives visant à limiter la liberté d'expression, viennent s'ajouter à la lutte contre les discriminations plus classiques. La communauté internationale se voit aujourd'hui confrontée à une complexité élargie de la tâche. A travers la question des discriminations multiples, les pays occidentaux et d'Amérique latine en particulier, essayent d'introduire la notion de non-discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre qui viendrait ainsi s'ajouter à la liste des interdits reconnus en droit international que sont les discriminations basées sur la race, la couleur, l'ascendance et l'origine nationale ou ethnique. A l'opposé, plusieurs pays, sous la conduite de l'Organisation de la conférence islamique, font de la lutte légitime contre la haine raciale et religieuse un instrument politique visant à limiter la liberté d'expression.

3 3.1

Les priorités de la Suisse Remarques liminaires

Le respect des droits de l'homme figure parmi les cinq buts principaux de la politique extérieure de la Suisse, tels que les définit l'art. 54, al. 2, de la Constitution. Il s'ensuit que les droits de l'homme sont des facteurs à prendre en compte dans toutes les activités de la Suisse à l'étranger. La Constitution contient un catalogue des droits de l'homme et précise, en outre, que la Confédération et les cantons respectent le droit international, ce qui, par voie de conséquence, implique le respect de leurs obligations en matière de droits de l'homme (art. 5, al. 4, Cst.).

La politique étrangère de la Suisse en matière de droits de l'homme a été définie au cours des années précédentes114 et comporte trois aspects prioritaires: la défense et la promotion des droits de l'homme à caractère impératif ou non susceptibles de dérogation en période d'état d'urgence; la protection des groupes particulièrement vulnérables; enfin, la contribution au développement des normes et à leur application dans les domaines sensibles directement affectés par la mondialisation.

Ces trois grands axes se déclinent autour d'aspects plus spécifiques, comme le droit à la vie et l'interdiction de la torture pour le premier groupe; la protection des droits des femmes, des enfants, des minorités, des personnes déplacées dans leur propre pays, des défenseurs des droits de l'homme, des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) pour la deuxième priorité. Quant au troisième axe, il évolue de pair avec le processus de mondialisation et traite de plusieurs sujets: du lien entre économie et droits de l'homme, de la responsabilité des entreprises, de pauvreté, stigmatisation, exclusion et droits de l'homme.

114

Rapport sur la politique de la Suisse en faveur des droits de l'homme, 2 juin 1982, FF 1982 II 753.

Rapport sur la politique suisse des droits de l'homme, 16 février 2000 (FF 2000 2460).

Rapport sur la politique extérieure de la Suisse en matière de droits de l'homme 2003 ­ 2007, 31 mai 2006 (FF 2006 5799).

Message concernant la continuation de mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme, du 15 juin 2007 (FF 2007 4495).

1226

Il est d'avis du Conseil fédéral que les trois priorités indiquées conservent leur pertinence tant sous l'angle général de la promotion et la protection des droits de l'homme, que sous l'angle des activités déployées jusqu'à présent par la Suisse, avec le capital de compétence accumulée et de crédibilité acquise que cela comporte.

Toutefois le Conseil fédéral, tout en souhaitant garder la flexibilité nécessaire pour s'adapter à des changements dans le contexte international ou à l'émergence de nouvelles thématiques, entend préciser les domaines dans lesquelles la Suisse s'engagera, en particulier au titre de la contribution au développement de normes et à leur application dans les domaines sensibles directement affectés par la mondialisation.

3.2

Défense et promotion des droits des l'homme à caractère impératif

Ces droits font partie des priorités de la Suisse de par leur caractère absolu (cf. aussi Art. 4 du pacte international relatif au droits civils et politiques115). Ils représentent un seuil au-dessous duquel la communauté internationale ne peut pas s'aventurer. La validité des principes mêmes des droits de l'homme en dépend. Pour cette raison, la Suisse s'est engagée par le passé et entend s'engager dans le futur pour la promotion et la protection de ces droits.

3.2.1

Le droit à la vie

Le droit à la vie est le premier et le plus fondamental de tous les droits de l'homme.

La Suisse condamne toute forme d'exécution arbitraire, sommaire ou extrajudiciaire et contribue aux efforts visant à l'abolition de la peine de mort dans le monde entier.

L'engagement en faveur de l'abolition de la peine de mort à l'échelle mondiale constitue une priorité de notre politique extérieure en matière de droits de l'homme.

A cet égard, la Suisse a soutenu l'organisation du 4e Congrès mondial contre la peine de mort qui s'est tenu à Genève du 24 au 26 février 2010. L'objectif du Congrès, auquel ont participé plus de 1500 personnes ­ dont des représentants de gouvernements et de la société civile, des journalistes, des juges et avocats ­ était l'élaboration de stratégies d'action efficaces en faveur de l'abolition de la peine de mort.

Sur le plan bilatéral, l'abolition de la peine de mort est traitée dans le cadre des dialogues sur les droits de l'homme avec la Chine, Cuba, le Vietnam ou l'Iran. Des démarches bilatérales ayant trait à des cas spécifiques se font ad hoc, dès que des cas prévus d'exécution viennent à la connaissance de nos autorités. Ces démarches, audelà des pays susmentionnés, se font aussi entre autres aux Etats-Unis, en Thaïlande au Belarus et en Mongolie. La Suisse souhaite en effet maintenir le dialogue avec les pays qui pratiquent encore la peine capitale: car tout en sollicitant la grâce pour un condamné et réitérant son appel pour un moratoire universel, il est nécessaire de veiller à ce que les normes minimales du droit international, qui interdisent notamment les exécutions de mineurs ou de femmes enceintes, soient respectées. Dans le cadre de la Présidence suisse du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, la 115

La Suisse a accédé au pacte en date du 18 juin 1992.

1227

Suisse a engagé des échanges avec le seul Etat européen qui rechigne à abolir la peine de mort et qui pour cela demeure exclue du Conseil de l'Europe, à savoir la Biélorussie.

La Confédération participe également à plusieurs initiatives internationales. Il y a celle lancée par l'Espagne pour que une Commission internationale contre la peine de mort puisse réaliser un moratoire universel d'ici 2015, première étape vers une abolition totale, en toutes circonstances, de la peine de mort. Il y a aussi celle promouvant la ratification universelle du Deuxième protocole facultatif au pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à l'abolition de la peine de mort116. Enfin, la Suisse soutient également une résolution sur un moratoire relatif à la peine capitale au sein de l'Assemblée générale des Nations Unies.

Le droit à la vie n'est pourtant pas à interpréter uniquement dans sa dimension pénale. Les conflits armés, les situations de violence et de troubles internes, la pauvreté ou l'exclusion sont autant de facteurs qui pèsent lourdement sur les chances et les opportunités de survie de millions d'être humains. La Suisse, par ses activités d'aide humanitaire et de coopération au développement, répond dans une phase initiale aux besoins de première nécessité des populations affectées et à plus long terme contribue au développement économique et social de celles-ci. Le soutien de la Suisse aux initiatives qui préconisent le droit à l'eau et le droit à l'alimentation est à inscrire dans une politique de développement et des droits de l'homme qui dépasse les aspects de protection des libertés individuelles pour atteindre une vision plus globale et inclusive des droits de l'homme. Cette vision inclusive fait des droits de l'homme un programme sur le long terme qui contient des éléments de protection immédiate, déclinés sous la forme des démarches et de l'aide d'urgence susmentionnés, mais aussi des éléments d'épanouissement social et économique individuel qui auront des répercussions positives sur l'ensemble de la collectivité.

Le génocide est une forme particulièrement grave de violation du droit à la vie. La Suisse s'associe aux activités du Forum international sur l'holocauste; elle soutient les activités du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la
prévention des génocides et participe à la création d'instruments de dépistage précoce et de prévention des génocides. Dans le domaine de la Prévention du génocide et autres atrocités de masse, la Suisse mène un processus multilatéral au travers de forums régionaux pour la prévention du génocide co-organisés avec l'Argentine et la Tanzanie. Un de ses objectifs serait de déboucher sur la création de points focaux au sein des gouvernements et la création de mécanisme de prévention de proximité. Par ailleurs, plus de 80 gouvernement on participé à la formation intensive que la Suisse soutient dans le cadre du programme Engaging Governments in Genocide Prevention, dirigé par la George Mason University.

3.2.2

L'interdiction de la torture

L'interdiction de la torture ne peut souffrir d'aucune dérogation. Toute personne a le droit inaliénable de ne pas être soumise à la torture ou à d'autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. La lutte contre le terrorisme n'entame en rien la validité de cette interdiction absolue.

116

La Suisse a accédé au deuxième protocole en date du 16 juin 1994.

1228

La Suisse met en particulier l'accent sur la prévention: lors de ses contacts bilatéraux, elle traite des questions de prévention et ce afin que les Etats soient plus nombreux à adhérer au cadre légal existant, en particulier au protocole facultatif à la convention contre la torture. La Suisse a ratifié au mois de septembre 2009 cet instrument qui institue un mécanisme international et un mécanisme national de surveillance. L'engagement international de la Suisse en matière de lutte contre la torture est reflété au niveau interne par la mise en place de la Commission nationale pour la prévention de la torture qui est opérationnelle depuis le début de 2010. La Confédération travaille également à la transparence de l'information quant aux lieux de détention. A ce titre elle soutient depuis sa création au milieu des années 1980 le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du Conseil des droits de l'homme par la mise à disposition d'une personne qui participe aux recherches et aux visites de terrain. Les représentants de la Suisse dans les pays visités assurent un suivi des recommandations issues de la visite du Rapporteur Spécial. Nos délégations au Conseil des droits de l'homme et à l'Assemblée générale en font de même dans les résolutions de ces deux organes.

Au niveau international, la Suisse s'engage pour que les tortionnaires soient poursuivis et que les victimes aient droit à des réparations et à des dédommagements. Le DFAE contribue à souligner la portée concrète de l'interdiction de la torture auprès des responsables en publiant et en traduisant des manuels à l'usage des autorités d'instruction et d'exécution des peines, en organisant des formations, et en participant activement à des réunions d'information s'adressant à des représentants de gouvernements ou des parlementaires étrangers.

Ces dernières années la lutte contre la torture a connu des défis considérables. Auparavant l'apanage de régimes dictatoriaux, le recours à la torture et autres peines et traitements inhumains ou dégradants a été malheureusement constaté dans des démocraties avancées. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme des dérogations non négligeables aux principes d'intégrité physique et psychique des prisonniers ont été avalisées, qui plus est, par les
plus hautes sphères politiques. Ceci, outre qu'une intensification de la lutte contre ces pratiques, a causé une importante perte de crédibilité du monde occidental en matière de promotion et de protection des droits de l'homme. La Suisse, en plus de soutenir les résolutions des Nations Unies pertinentes, fait usage des instruments bilatéraux pour faire part de sa préoccupation quant à l'usage de la torture, présentant des cas concrets de torture.

En ce qui concerne la société civile, une importante coopération, couplée à un soutien financier, avec l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et l'Association pour la prévention de la torture (APT), deux ONG basées à Genève, permettent de promouvoir la lutte contre la torture dans le monde sous différents aspects.

L'OMCT concentre notamment ses activités sur le soutien légal et l'assistance sociale aux victimes, la protection des femmes et des défenseurs des droits de l'homme. Les activités de l'APT, quant à elles, sont de l'ordre de la formation, du conseil juridique, du développement d'outils pratiques et de plaidoyer en faveur des mécanismes de prévention. Ces deux approches complémentaires complètent les activités diplomatiques et politiques de la Suisse, tant dans les enceintes multilatérales que lors de ses contacts bilatéraux.

1229

3.3

Les groupes vulnérables

La communauté internationale a accordé une attention particulière aux groupes vulnérables dans le développement des normes internationales des droits de l'homme. Les enfants, les minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, ainsi que les femmes, ont fait objet d'une attention de la part de la communauté internationale soit sur le plan universel, soit sur le plan régional. La défense et la promotion de ces droits constituent une forme de continuité logique à la défense des droits à caractère impératif. En effet, après avoir garanti le respect d'un noyau dur de droits fondamentaux pour tout individu, il est nécessaire de protéger les plus faibles en leur garantissant une protection accrue afin que la société puisse se développer de manière équitable. L'engagement de la Suisse en la matière est constant et sera poursuivi. Les droits de l'enfant, le droit des femmes et des minorités continueront à faire partie de la palette des thématiques prioritaires. De plus, le Conseil fédéral entend renforcer son engagement pour la protection des défenseurs des droits de l'homme, de la protection des civils dans les conflits armés et pour lutter contre les discriminations sur la base de l'orientation sexuelle et l'identité du genre.

3.3.1

Droits des femmes

Sur le plan normatif, la Suisse a ratifié en septembre 2008 le protocole facultatif à la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Ce protocole confère aux particulières et particuliers qui affirment être victimes d'une violation, la possibilité de présenter des recours individuels au Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Celui-ci est en outre habilité à enquêter sur les cas graves de discrimination. Cette ratification renforce les instruments nationaux qui visent à l'élimination des discriminations sur la base du genre.

La résolution 1325 du Conseil de sécurité de l'ONU sur les femmes, la paix et la sécurité («1325») a été adoptée à l'unanimité le 31 octobre 2000. Elle est la première résolution du Conseil de sécurité de l'ONU mentionnant explicitement les effets des conflits armés subis par les femmes et les filles et soulignant l'importance de la participation des femmes aux processus de paix. En juin 2008, le Conseil de Sécurité a reconnu dans sa résolution 1820 (dont la Suisse est co-auteur) que la violence sexuelle contre les civils en tant que tactique de guerre peut menacer la paix et la sécurité du monde; de plus, sa résolution 1888 (Suisse co-auteur) de septembre 2009 institue une Représentante spéciale du Secrétaire général en la matière.

L'engagement bilatéral et multilatéral de la Suisse en ligne avec les objectifs de la «1325» se concrétise par des activités axées sur l'égalité des sexes et par le soutien à des projets et à des activités spécifiquement consacrés à la mise en oeuvre des exigences de la «1325». Il se traduit aussi par l'envoi en mission d'experts des deux sexes et par des mesures internes en matière de recrutement du personnel, de formation et de promotion de l'égalité entre hommes et femmes. Afin de renforcer cet engagement et de mieux en coordonner les différents aspects, la Suisse a élaboré un Plan national d'action pour la mise en oeuvre de la résolution 1325 (PNA 1325), qui constitue un document de base pour la politique suisse de promotion de la paix. Le PNA 1325 définit des objectifs, des orientations de principe et un catalogue de mesures pour les années 2007 à 2009. Le PNA révisé sera disponible à la fin de 1230

2010. Le PNA 1325 doit contribuer à ce que l'on prenne en considération la dimension genre dans tous les domaines de la politique de paix et dans chaque mesure concrète prise en faveur de la promotion de la paix. Prendre en considération la dimension genre revient à prêter attention à la manière différente dont les femmes et les hommes sont touchés par les conflits armés et aux rôles différents qu'ils jouent dans ces conflits et dans leur résolution. L'approche intégrée de la dimension genre (gender mainstreaming) désigne donc ici la prise en compte de la dimension genre à chaque étape du travail de promotion de la paix, de l'analyse des situations à la mise en oeuvre des mesures concrètes, en passant par l'élaboration des politiques.

Au niveau régional, les Etats membres du Conseil de l'Europe élaborent actuellement un projet de convention pour prévenir et combattre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique. La Suisse s'engage afin que la convention couvre les aspects des «3P», à savoir la prévention, la protection et les poursuites. En outre, la Suisse y défend une définition large de la femme, qui inclut aussi les jeunes filles.

3.3.2

Droits des enfants

Parmi les groupes les plus vulnérables, celui des enfants nécessite une attention particulière, les abus pouvant être multiformes et les facultés des enfants à faire valoir leurs droits étant limitées. La Suisse est particulièrement active dans le domaine spécifique des droits des enfants dans les conflits armés. Cet engagement a porté ses fruits au Conseil de sécurité dès 2005 avec la résolution 1612 instituant un mécanisme de rapport et de monitorage ainsi qu'un Groupe de travail sur les enfants et les conflits armés. Dans le cadre du renforcement du mécanisme de surveillance, la résolution 1882 du Conseil de sécurité étend la liste des parties à des conflits armés qui recrutent ou utilisent des enfants, aux parties qui, en violation du droit international applicable, se livrent systématiquement à des meurtres et à des mutilations d'enfants ou à des viols et autres actes de violence sexuelle contre des enfants.

Cette protection accrue, il est vrai, doit aussi et surtout être mise en application sur le terrain; toutefois, sa reconnaissance juridique et politique constitue un pas dans la bonne direction.

La Suisse assiste tant au niveau diplomatique que par la mise à disposition d'une responsable de communication, le Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés. Ce soutien en personnel permet des contacts encore plus étroits avec le Bureau de la Représentante spéciale. Le mandat donné au Bureau est celui de faire reconnaître que la protection, les droits et le bien-être des enfants touchés par les conflits armés occupent une place prioritaire dans l'ordre du jour mondial. Pour y parvenir, il est indispensable de mobiliser la volonté politique et l'opinion publique internationales.

La Suisse considère le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) comme le partenaire onusien clé pour la promotion et la protection des droits de l'enfant dans le monde, y compris lors de conflits armés ou de catastrophes naturelles et lui octroie des contributions générales annuelles. La Suisse attache une importance particulière aux efforts déployés par l'UNICEF tant au niveau global que sur le terrain afin que les droits des filles et des garçons touchés par les conflits armés soient respectés et protégés. A ce titre, les bases pour un
dialogue systématique avec l'UNICEF dans ce domaine ont été lancées. Ceci devrait permettre à la Suisse d'appuyer de manière encore plus ciblé le travail de cette organisation tant au niveau 1231

politique qu'opérationnel. L'engagement financier s'accompagne d'une participation active aux travaux du Conseil d'administration de cette organisation, ce qui permet à la Suisse de contribuer à la définition des priorités, des politiques et des stratégies de l'UNICEF. De plus, la Suisse appuie des programmes spécifiques d'UNICEF dans certains pays, comme par exemple au Pakistan dans le domaine de la protection des enfants contre la violence, les abus et l'exploitation ou au Tadjikistan et en BosnieHerzégovine dans le domaine de la justice juvénile.

La Suisse seconde et collabore avec l'Institut international des droits de l'enfant ­ IDE (Sion) qui réalisent différents programmes de sensibilisation et formation centrés sur les droits de l'enfant. En outre, la Suisse accorde un soutien financier et une étroite collaboration opérationnelle à des oeuvres d'entraides suisses comme, par exemple, Terres des hommes ou Enfants du Monde, qui réalisent des programmes en faveurs des enfants dans plusieurs régions du monde, ou encore la Fondation Suisse pour la Protection de l'Enfant (FSPE) qui s'engage depuis des années avec succès pour les droits des enfants et contre toute forme de violence à leur encontre, et ECPAT Switzerland (End Child Prostitution, Child Pornography and Trafficking of Children for Sexual Purposes), qui a lancé deux initiatives pour réprimer l'exploitation sexuelle des enfants à l'étranger par des touristes. La première consiste en un code de conduite visant à engager les entreprises touristiques de sensibiliser les touristes et les partenaires touristiques tels qu'hôtels ou partenaires locaux afin de prévenir le tourisme sexuel. La deuxième initiative consiste en un formulaire suisse d'annonce de soupçons de tourisme sexuel impliquant des mineurs. Le formulaire d'annonce, disponible sur le site Internet de l'Office fédéral de Police, permet de signaler des faits observés qui pourraient indiquer qu'une personne a commis des abus sur des enfants à l'étranger.

En complément aux activités susmentionnées, la Suisse apporte son appui à une nouvelle initiative lancée par l'organisation non gouvernementale Geneva Call qui oeuvre à la protection des enfants dans les conflits armés. Cette nouvelle initiative vise à faire respecter les normes internationales humanitaires et des droits de l'homme
par les groupes armés non étatiques. Par un Acte d'engagement ces derniers s'engagent à ne pas recruter des enfants soldats dans leurs rangs. Ce nouveau projet présente un double intérêt: il implique d'une part les acteurs non gouvernementaux, qui ne sont souvent pas pris en considération dans les enceintes intergouvernementales; et elle opère d'autre part de manière préventive sur la «demande» des enfants soldats, complétant d'autres initiatives qui se concentrent sur leur retrait des rangs militaires pour réintégrer la vie civile.

Concernant l'aspect normatif, la Suisse a soutenu le Brésil dans la prise en compte par les Nations Unies des Lignes directrices sur la garde alternative des enfants, instrument qui vise à assurer que les enfants ne soient retirés de la garde des familiers si cela ne s'avère pas être strictement nécessaire, et à garantir que en cas de garde extra parentale, celle-ci soit fournie dans des conditions appropriées et répondant aux besoins et intérêts de l'enfant.

Sur initiative de différentes ONG, relayées par la Slovénie et la Slovaquie, les Nations Unies examinent la possibilité d'élaborer un protocole facultatif à la convention des droits de l'enfant créant un système de plainte individuelle, à l'instar des principales conventions internationales des droits de l'homme. La Suisse participe à ces négociations. Des questions de fond, comme par exemple de savoir qui peut intervenir au nom des enfants victimes de violation de leurs droits, nécessitent d'être éclaircies avant de pouvoir prendre une position définitive.

1232

3.3.3

Les minorités

Les efforts internationaux de notre pays dans le domaine de la protection des minorités reposent sur la conviction que le respect du principe de non-discrimination et l'égalité des droits, la protection et la promotion de l'identité culturelle, religieuse et linguistique des personnes appartenant à des minorités nationales et leur participation à la vie politique et sociale favorisent la stabilité et la prospérité à l'intérieur d'un Etat et contribuent de façon non négligeable à la prévention des conflits. La Confédération soutien les processus de transformation des conflits au niveau politico-diplomatique et dans la société civile en apportant des compétences techniques, méthodologiques ou financières.

La protection et le développement de l'identité de groupe et de ses membres, pris individuellement, doivent être protégés et encouragés. Les identités diverses peuvent inclure toutes sortes d'aspects tels que la langue, la religion ou les pratiques culturelles. La langue et la religion sont des critères de discrimination protégés par de nombreux traités auxquels la Suisse est partie comme le pacte international relatif aux droits civils et politiques qui interdit la discrimination mais requiert encore des Etats des mesures positives pour la préservation des langues et religions minoritaires.

Le droit à la non-discrimination est solidement ancré dans les principes de droit international, pourtant ce phénomène persiste. Dans certains cas les habitudes discriminatoires sont si profondément enracinées dans nos normes sociales et culturelles, qu'elles ne sont même pas remises en cause. C'est dans ce cadre que la Confédération, via les programmes de la Direction du Développement et de la Coopération (DDC) contribue à un meilleur accès des enfants roms dans le système scolaire régulier, à l'accès des minorités aux structures préscolaires et à l'enseignement secondaire et supérieur. Dans les Balkans, la DDC soutient la représentation des Roms dans les médias. Outre le fait que les nouvelles chaînes de radio et de télévision locales qui ont vu le jour ces dernières années dans les pays de la région donnent une voix à la minorité des Roms, celles-ci représentent un maillon de transmission essentiel à l'affirmation de l'identité de cette minorité. Protéger les minorités c'est faire valoir leurs droits et
développer la citoyenneté active. A cette fin, la Suisse appuie plusieurs initiatives visant à ce que les pouvoirs publics respectent et protègent les droits des communautés minoritaires: la participation au débat démocratique y figure en première ligne. Elle y aussi soutient plusieurs programmes visant à la bonne gouvernance, la démocratisation et l'intégration sociale des minorités. La dimension de prévention des conflits est également une composante de nos activités dans cette région. Nos experts ont accompagné plusieurs tables rondes qui se sont tenues dans certains des pays de la région; leur objectif était d'aborder les questions concrètes liées au «vivre ensemble» et aux questions de discrimination.

Trop de minorités sont encore exclues des processus politiques. L'amélioration du cadre légal pour la protection des minorités doit dès lors impérativement être intégrée à nos efforts.

La Suisse est en outre engagée dans le renforcement des standards internationaux existants visant à la protection des minorités, et ce dans les divers foras où le débat se tient, notamment au Conseil de l'Europe et à l'OSCE.

1233

3.3.4

Racisme

La lutte contre le racisme représente une priorité pour la Suisse. La Conférence d'examen de Durban qui s'est tenue à Genève du 20 au 24 avril 2009 a permis l'adoption consensuelle par 182 Etats d'un Document final sur la mise en oeuvre de la Déclaration et programme d'action de Durban de 2001. La Suisse a contribué activement au processus préparatoire afin d'y défendre sa conception de la lutte contre le racisme. En sa qualité de membre du Groupe d'amis de la Présidence, elle a soutenu les efforts de ce dernier tout au long des négociations ayant abouti à l'adoption du document final. La Suisse juge de manière positive le résultat de la Conférence. La Déclaration finale respecte les lignes directrices fixées par le Conseil fédéral en mai 2008. Il s'agit d'un document équilibré qui, tout en couvrant des thèmes délicats, a été adopté par consensus. Il souligne le rôle central de la convention contre l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale117 et se concentre sur les mesures de mise en oeuvre des normes existantes. La liberté d'expression, en favorisant la multiplicité des idées et des pensées, y est notamment présentée comme un moyen essentiel de lutte contre les discriminations. La nécessité de prendre des mesures afin de lutter efficacement contre la discrimination envers les femmes, les enfants et les formes multiples et aggravées de discriminations, ainsi que le racisme à l'égard des immigrés, des requérants d'asile et des réfugiés est également reconnue dans ce texte.

La Suisse poursuit son engagement dans la lutte contre le racisme. Dans le cadre du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, un Comité ad hoc est chargé d'élaborer des normes complémentaires à la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Si la communauté internationale s'accorde à affirmer que la lutte contre le racisme nécessite des efforts supplémentaires, les moyens d'y parvenir sont âprement contestés. Malgré la reconnaissance, renouvelée lors de la Conférence d'examen de Durban à Genève en avril 2009, du fait que la liberté d'expression est un moyen essentiel de lutte contre les discriminations un nombre important de délégations tentent toujours de la limiter, notamment en promouvant la notion de «diffamation des religions» dans le cadre des travaux du Comité ad hoc.

3.3.5

Les migrations

Dans le sillage de la mondialisation, tant le volume que l'importance politique, économique et sociale de la migration se sont accrus. Les Etats ont pris conscience du fait qu'une politique migratoire novatrice, basée sur le partenariat, permettait d'accroître le potentiel positif de la migration et d'en réduire les aspects négatifs.

La migration place les Etats et les sociétés devant d'immenses défis: des millions de personnes sont chaque année victimes de trafiquants d'êtres humains et de passeurs.

De plus, les mouvements de personnes sont devenus très complexes. Ainsi, des personnes fuyant la violence armée se mêlent à des groupes de personnes essayant d'échapper à la pauvreté et à la faim. La pression migratoire s'accroît non seulement sur les pays industrialisés, mais aussi sur les pays en développement, sans que ces derniers aient les ni capacités ni les moyens d'y faire face. Nombreux sont les pays 117

La Suisse a accédé à la convention le 29 novembre 1994.

1234

en développement qui souffrent de la fuite des cerveaux et de la perte de savoir que représente le départ massif d'hommes et de femmes bénéficiant d'une solide formation. En outre, plusieurs Etats industrialisés ont des difficultés à intégrer les étrangers.

Dans notre monde globalisé, des instruments internationaux, un dialogue commun et la coopération sont indispensables. Dans le cadre du dialogue international sur la migration, la Suisse s'engage activement en tant que membre du comité de pilotage du Forum mondial sur la migration et le développement (Global Forum on Migration and Development, GFMD), une plateforme informelle de dimension internationale, qui favorise les échanges et la collaboration entre les Etats et les autres acteurs dans le domaine de la migration et du développement. Le premier GFMD s'est déroulé en juillet 2007 à Bruxelles, le deuxième en octobre 2008 aux Philippines, le troisième à Athènes en 2009 et le suivant en 2010 au Mexique. La Suisse a en outre contribué significativement au premier Dialogue à haut niveau sur la migration internationale et le développement dans le cadre de l'Assemblée générale de l'ONU.

La Suisse s'est dès lors engagée pour inscrire la thématique de la migration dans l'agenda de l'ONU. Par ailleurs, c'est en partie grâce à l'investissement de la Suisse qu'aura lieu, dans le cadre de l'Assemblée générale, l'organisation en 2011 d'un dialogue informel et en 2013 d'un autre dialogue à haut niveau (ministériel) sur la migration et le développement.

Avec le nouveau concept des partenariats migratoires, la Suisse a créé un instrument souple et novateur. Un partenariat migratoire reflète les intérêts spécifiques des acteurs en présence: son contenu est donc flexible et varie d'un pays à l'autre. En établissant un partenariat migratoire, la Suisse cherche à assurer une politique migratoire suisse cohérente qui prenne en compte les intérêts de tous les partenaires et qui favorise les aspects positifs de la migration tout en concevant des solutions aux défis qu'elle suscite. Des Memorandum of Understanding qui constituent la base formelle pour un partenariat migratoire ont été signés avec la Bosnie Herzégovine, la Serbie et le Kosovo. Des négociations avec le Nigeria sur un accord de même nature sont en cours.

La lutte contre la traite des êtres humains
est un objectif déclaré du Conseil fédéral.

La Suisse condamne la traite d'êtres humains, qu'elle considère comme une violation grave des droits de l'homme. Le protocole additionnel à la convention de l'ONU contre la criminalité transnationale organisée (protocole de Palerme), que la Suisse a ratifié le 27 octobre 2006, constitue le cadre normatif applicable au plan international. La Suisse s'engage en outre en faveur d'une action coordonnée et renforcée entre autorités suisses et acteurs d'Etats tiers considérés comme importants du point de vue de la politique intérieure. Au niveau international, la Suisse soutient plusieurs projets mis en oeuvre dans des Etats figurant parmi les pays de provenance et de transit de victimes de la traite d'êtres humains dont la Suisse a connaissance (en particulier la Roumanie, le Brésil et le Nigeria). Pour protéger les victimes, la Suisse se met notamment en contact avec les gouvernements et les acteurs dans les pays d'origine. Elle a en outre commencé à intégrer cette dimension dans le cadre des dialogues sur les droits de l'homme.

Les trois quarts des plus de dix millions de réfugiés du monde vivent en Afrique, en Amérique latine, en Asie et au Moyen-Orient ­ souvent dans des pays en développement dont les capacités sont insuffisantes pour accueillir de grands nombres de réfugiés et leur assurer une protection efficace. Confrontée à cette réalité, la Suisse a adopté récemment la stratégie Protection dans la région qui vise à renforcer la 1235

protection des réfugiés dans leur région d'origine. A travers ce programme, la Suisse contribue à ce que les réfugiés trouvent rapidement une protection efficace dans leur région d'origine et soutient les premiers pays d'accueil dans leurs efforts pour accorder aux réfugiés la protection nécessaire. La mise en oeuvre concrète d'un tel programme a déjà démarré au Yémen, un pays de destination et de transit important pour les réfugiés et les flux migratoires de la région de la Corne de l'Afrique. Un programme en Syrie en faveur des réfugiés en provenance d'Irak est actuellement en cours d'élaboration.

3.3.6

Personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays (IDP)

Déplacements forcés, viols, tortures, exécutions extrajudiciaires, massacres touchent des millions de civils victimes de la violence et de la guerre. Le principe fondamental de la distinction entre civils et combattants et entre biens civils et objectifs militaires est souvent remis en cause, provoquant un impact dramatique sur les populations civiles. Par ailleurs, le recours à des pratiques contraires au droit international public telles que les attaques délibérées contre la population civile fait souvent partie des stratégies utilisées par les adversaires militairement les plus faibles. Face à ces développements, la protection des civils dans les conflits armés est devenue un sujet de préoccupation croissante de la communauté internationale. Celle-ci est confrontée à un double défi: amener d'une part les Etats et groupes armés non étatiques à mieux respecter le droit international dans les conflits armés; et fournir sur le terrain des réponses opérationnelles adaptées aux droits et besoins des civils d'autre part.

La Suisse soutient depuis le début l'action du Représentant du Secrétaire général pour les droits de l'homme des personnes déplacées dans leur propre pays, dans son dialogue avec les gouvernements et les organisations internationales ou régionales pour que les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays soient mis en oeuvre. La Suisse met à sa disposition deux experts et l'appuie dans la réalisation de projets concrets en Colombie et dans la région des Grands Lacs centrés sur la recherche de solutions durables au déplacement et sur la protection des déplacés.

L'initiative Personnes déplacées internes et promotion de la paix se focalise sur les relations entre la problématique des personnes déplacées et celle de la construction de la paix. En effet, la non-résolution de la question du déplacement peut être source d'instabilité et ainsi mettre en difficulté aussi bien les processus de paix que les efforts de construction de la paix. D'autre part, aucune solution durable au déplacement ­ le retour des déplacés internes, en particulier ­ ne peut être envisagée tant que demeurent en suspens des questions telles que la sécurité, l'accès aux services de base, la restitution de la propriété, la reconstruction, la réconciliation et le respect
de l'Etat de droit. Dans cette perspective, les déplacés internes sont des acteurs à part entière de la construction de la paix et ne peuvent plus être considérés comme un «problème humanitaire». La Colombie a été le premier pays où la Suisse a soutenu un «projet pilote» qui a permis de dégager des mesures concrètes, par exemple en favorisant l'inclusion des déplacés internes dans le processus de justice transitionnelle ainsi que la diffusion de propositions de construction de la paix issues des communautés déplacées. En Afrique, la Suisse a soutenu le Secrétariat de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) à travers un projet ayant 1236

comme objectif principal la consolidation de ses structures et de ses capacités. En adoptant le protocole sur la protection et l'assistance à apporter aux personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays les Etats participants à la CIRGL ont été les premiers à accepter un dispositif légal qui exige des Etats signataires qu'ils se conforment aux Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays. Le protocole de la CIRGL contribue à un processus plus large mené par l'Union Africaine pour répondre à la question du déplacement forcé sur l'ensemble du continent et qui a abouti, en octobre 2009, à l'adoption de la convention de l'Union Africaine sur les personnes déplacées internes. La mise en oeuvre du protocole et la transposition dans les lois nationales se fait toutefois lentement et la Suisse contribue, conjointement aux Nations Unies et à d'autres pays donateurs, aux efforts dans ce sens par le soutien à des réunions et des ateliers techniques régionaux.

En outre, le DFAE a soutenu l'élaboration du Guide sur l'intégration des déplacés internes dans les processus de paix élaboré par une équipe d'experts en médiation, droits de l'homme et questions humanitaires. La publication montre comment des personnes chargées de conduire une médiation peuvent inclure des thèmes importants pour des personnes déplacées dans les accords de paix.

Enfin, la Confédération, et notamment le Département fédéral des affaires étrangères, a adopté en 2009 une Stratégie de protection des civils dans les conflits armés (2009 à 2012). Celle-ci a été développée en parallèle à l'action de la Suisse au sein du Conseil de sécurité en faveur de la protection des civils dans les conflits armés. A travers cette Stratégie la Suisse entend affirmer sa volonté de mieux répondre aux défis de protection des civils dans les conflits armés, de renforcer l'efficacité de son action multilatérale et bilatérale, ainsi que de consolider son positionnement international sur la question et d'influencer davantage le débat, en particulier dans le cadre des Nations Unies. La mise en oeuvre de la Stratégie a été initiée en 2009 à travers la mise en oeuvre de plusieurs projets concrets dans des domines prioritaires (accès humanitaire, groupes vulnérables, formation, etc.) et dans deux pays pilotes (Soudan et Colombie).

3.3.7

Défenseurs et défenseuses des droits de l'homme

Les défenseurs et les défenseuses des droits de l'homme jouent un rôle important dans leur protection, dans la résolution pacifique des conflits et dans le renforcement de l'Etat de droit. Dans de nombreux pays, leur activité est entravée par des restrictions à la liberté d'association, de réunion et d'expression; il arrive même que leur droit à la vie et à leur intégrité physique soient menacés et leurs activités criminalisées.

L'Assemblée générale des Nations Unies a adopté en 1998 la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales universellement reconnus. Celle-ci représente à ce jour la référence normative, même si non contraignante, sur le plan universel qui vise la protection des défenseurs des droits de l'homme. Depuis peu, on enregistre au sein des Nations Unies, et notamment au Conseil des droits de l'homme, des tentatives d'en réduire la portée, en donnant une définition restrictive au concept même de défenseur des droits de l'homme. La Suisse contrecarre ces tentatives. En effet, une définition restrictive laisserait la porte 1237

ouverte à des mesures limitatives sur les activités en défense des droits de l'homme des personnes qui ne tomberaient plus sous le coup de la définition. La Confédération plaide afin que les défenseurs des droits de l'homme soient définis par l'activité qu'ils entreprennent; il peut donc s'agir de toute personne ou de tout groupe de personnes qui s'occupe de promouvoir les droits de l'homme. Force est de constater en effet, que les droits d'expression, de réunion et d'association inscrits dans la Charte des droits de l'homme restent lettre morte dans de nombreux contextes. Le rappel et le renforcement de la protection des défenseurs des droits de l'homme à travers des actions et à travers un engagement au sein des enceintes internationales nécessitent plus que jamais d'une attention accrue.

Au sein du Conseil de l'Europe, le rôle du Commissaire aux droits de l'homme a été renforcé par la Déclaration du Comité des Ministres sur l'action du Conseil de l'Europe pour améliorer la protection des défenseurs des droits de l'homme et promouvoir leurs activités. Son adoption en février 2008 souligne le ferme engagement des Etats membres du Conseil de l'Europe à assurer une protection efficace aux défenseurs des droits de l'homme et à leur action, notamment dans les situations de danger. La déclaration appelle, du reste, les organes et institutions du Conseil de l'Europe à être très attentifs aux questions relatives aux défenseurs des droits de l'homme et à leurs travaux.

Sur le plan interne, le Conseil fédéral entend poursuivre l'établissement de Lignes directrices pour les défenseurs des droits de l'homme, fixant ainsi des objectifs et des moyens clairs pour les atteindre. La Suisse oeuvre en effet en faveur des défenseuses et des défenseurs des droits de l'homme en intervenant sur le plan politique auprès des pays dont les autorités les harcèlent, en parlant de leur situation lors de visites bilatérales, et en proposant de les faire parrainer par des personnalités suisses.

A ce propos, en 2007, le Département fédéral des affaires étrangères a lancé, conjointement à l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) le projet «défendre les défenseurs». L'objectif du projet est de mener des campagnes de protection des défenseurs et défenseuses des droits de l'homme avec des personnalités suisses faisant
fonction de parrain / marraine. Ceci permet d'une part d'attirer l'attention sur le travail et les activités des défenseuses et défenseurs des droits de l'homme, et de l'autre de protéger, par la sensibilisation de l'opinion publique, ces mêmes défenseurs des persécutions. A cet effet, des personnalités, issues du monde de la culture, du sport, de la politique et de l'économie, ont été associées chacune à un défenseur des droits de l'homme. L'OMCT, qui entretient un contact étroit avec les défenseurs des droits de l'homme parrainés, est susceptible de demander au parrain ou à la marraine d'intervenir de manière concrète en faveur de «leur» défenseur, en particulier si la vie ou l'intégrité physique ou psychologique de ce dernier est menacée. Une dizaine d'actions concrètes ont été menées dans le cadre du parrainage, dont la dernière (mars 2010) était une mission dans l'Est de la République démocratique du Congo effectuée par deux parrains. Le but de la mission était celui de documenter les risques pris par des défenseurs des droits de l'homme, en grande partie des femmes, dans leur engagement en faveur des victimes de violences sexuelles.

De plus, la Suisse finance les cours du Service international des droits de l'homme (ONG basée à Genève) adressés aux défenseurs du monde entier. Il est en effet important qu'ils connaissent et comprennent les mécanismes multilatéraux, en particulier onusiens, afin de mieux faire entendre leur voix.

1238

3.3.8

Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT)

Aujourd'hui encore, les discriminations auxquelles ont à faire face les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) aux quatre coins du monde sont diverses.

Dans certains pays, toute forme de vie conjointe, toute forme d'association ou de réunion est exclue; la discrimination se fait sur les lieux de travail, dans le monde éducatif. Il n'est pas rare que ces personnes risquent d'être emprisonnées, torturées voire exécutées. Des pas encourageants ont été réalisés sur le plan international dans ce domaine, mais la route reste longue. C'est à ce titre que le Conseil fédéral entend protéger les LGBT des discriminations et violations des droits de l'homme à leur encontre et défendre leurs libertés sur plan international.

Il s'agit avant tout pour la Suisse de participer, par ses interventions et par ses recommandations, au travail de sensibilisation et de discussion qui s'impose pour établir des ponts entre les conceptions divergentes qui s'opposent. Dès lors, notre pays entend continuer à soulever la question de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre dans ses contacts avec certains Etats. En effet, nos représentants en ambassades suivent la situation et l'actualité dans leur pays de résidence et notre pays, dans le cadre de ses dialogues sur les droits de l'homme ou dans le cadre de démarches diplomatiques, attire l'attention de ses interlocuteurs sur les questions de discrimination à l'égard des LGBT. Ces questions peuvent être liées à de nouveaux textes de loi, des interdictions de manifester ou des restrictions de la liberté d'expression mais encore, entre autres, aux problèmes liés à la criminalisation de l'homosexualité ou aux crimes de haine communs dans certains contextes. Dans les enceintes multilatérales, la Suisse continuera à s'engager pour que les mesures visant à éradiquer la discrimination envers les LGBT soient intégrées au cadre légal existant, que ce soit au niveau global ou en Europe où ce type de discrimination est encore très présent. La Suisse est ainsi, avec plus de 60 autres Etats, coauteur de deux déclarations interrégionales faites en plénière de l'Assemblée générale et du Conseil des droits de l'homme en faveur de la non discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. En outre, nous soutenons auprès du Comité des ONG de l'ONU à New York les demandes de statut consultatif (présence à l'ONU et participation à ses travaux) des ONG LBGT suisses ou sises en Suisse.

3.4

Domaines sensibles affectés par la mondialisation

La marche incessante de la mondialisation implique une attention constante au développement des normes qui doivent accompagner ce processus. Pour cette raison, le Conseil fédéral considère l'objectif de contribuer au développement des normes et à leur application dans les domaines sensibles de la mondialisation comme actuel et pertinent. Formulé de manière générale, il laisse une marge de manoeuvre suffisante pour déceler des opportunités politiques et porter des initiatives spécifiques d'une part, et d'adapter de manière rapide l'allocation des ressources d'autre part.

La Déclaration du Millénaire, adoptée par les Chefs d'Etat et de gouvernement en 2000, considère «que le principal défi que nous devons relever aujourd'hui est de faire en sorte que la mondialisation devienne une force positive pour l'humanité tout entière»118. L'accroissement des liens d'interdépendance entre les Etats, les activités 118

Art. 5

1239

et les systèmes politiques, nécessite d'être accompagné par un développement normatif adéquat. Les règles du commerce, celles de la propriété intellectuelle, les normes en matière environnementale, les règlements et la surveillance des marchés financiers par exemple, ne sont que des facettes particulières de la nécessité d'encadrer la mondialisation afin que ses bénéfices soient repartis de la manière la plus équitable possible. Les droits de l'homme sont compris dans cette mouvance.

La mondialisation entraîne une circulation plus rapide des idées, des concepts et des valeurs, parmi lesquels les droits de l'homme, avec des revendications grandissantes au titre des libertés individuelles et de la protection des droits fondamentaux. Comme mentionné, ces évolutions sociales ont permis l'expansion de l'architecture normative en matière des droits de l'homme. La volonté politique pour les mettre en oeuvre de manière pleine et entière fait en revanche encore défaut.

Pour renforcer cette volonté politique, il est primordial de circonscrire de manière claire un problème spécifique. La Suisse est active, entre autres, dans des domaines comme celui des entreprises militaires et de sécurité privées, celui de la justice de transition et celui de l'éducation et la formation aux droits de l'homme. Ces différentes initiatives ont permis à chaque fois de mettre sur la table une problématique spécifique avec des effets sur la jouissance des droits fondamentaux, d'éveiller les consciences, d'impliquer les acteurs clés directement concernés, d'établir conjointement des programmes de travail ou d'élaborer des instruments normatifs souples.

Les expériences cumulées par le passé et la crédibilité acquise par la Suisse incitent le Conseil fédéral à poursuivre un engagement prioritaire notamment dans les domaines suivants: économie et droits de l'homme; entreprises militaires et de sécurité privées; et promotion des droits économiques, sociaux et culturels qui sont en plein développement, avec un accent sur la lutte contre la pauvreté, le droit à l'alimentation, le droit à l'eau et le droit à la santé.

La Suisse a effectué au cours des dernières années un important travail de défrichage sur la notion et la portée du «droit de propriété» reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le but était
d'assurer aux personnes vivant dans la pauvreté et l'informalité l'accès à la propriété sur des biens matériels et fonciers et éviter ainsi afin toute dépossession arbitraire. Il s'est avéré qu'il n'était pas opportun de lancer une initiative diplomatique visant à faire reconnaître le droit de propriété comme un droit humain au niveau international; mais qu'il était en revanche utile de promouvoir cette thématique en lien avec d'autres droits de l'homme, comme par exemple le droit à l'alimentation qui dépend pour sa réalisation de l'accès à la terre et d'une réglementation efficace et transparente des droits fonciers. Le sujet du droit de propriété étant important et pertinent pour la réalisation de nombreux droits de l'homme, il se justifie dès lors de poursuivre sa promotion de manière transversale en lien avec ces droits.

3.4.1

Les droits économiques, sociaux et culturels

La loi fédérale du 19 décembre 2003 sur des mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme prévoit à son art. 2 que la Confédération entend «renforcer les droits de l'homme par la promotion des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels de personnes et groupes de personnes». La Suisse reconnaît ainsi explicitement l'indivisibilité des droits de l'homme, comme acquis à la Conférence de Vienne de 1993.

1240

Les droits économiques, sociaux et culturels sont les droits de l'homme qui méritent le plus d'être développés. Comme indiqué dans sa réponse au postulat Promotion de la démocratie et des droits de l'homme avec les Etats tiers partenaires de la Suisse119, le Conseil fédéral est résolu à soutenir le potentiel de développement de ces droits, que ce soit dans le cadre de ses programmes bilatéraux de lutte contre la pauvreté, de démocratisation, de respect des principes de l'Etat de droit ou de promotion de la paix, ou encore dans le cadre de ses démarches multilatérales.

Pourtant, si la Suisse contribue par sa politique étrangère à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, entre autres par ses programmes de développement, ses positions dans la construction normative de ces mêmes droits demeurent prudentes. Le Conseil fédéral est d'avis que les obligations de droit international contractées du fait de l'adoption du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU (pacte I)120 sont, sauf exception comme l'art. 8 sur la formation des syndicats par exemple, à caractère de programme et que, de par leur nature générale, elles nécessitent l'intervention du législateur pour leur mise en oeuvre. Ce point de vue trouve en particulier sa confirmation à l'art. 41 de la Constitution fédérale suisse, qui contient des buts sociaux et non pas des droits fondamentaux, et peut s'appuyer indirectement sur la position du Parlement suisse, qui s'est montré réservé jusqu'à présent sur la question de l'adoption de conventions portant sur des sujets connexes, comme ce fut le cas avec le rejet de l'adhésion à la Charte sociale européenne en décembre 2004. A ce propos sied toutefois de signaler ici l'acceptation par le Conseil fédéral, en date du 24 février 2010, du postulat de la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats lui demandant «de présenter un rapport sur la compatibilité de la Charte sociale européenne révisée avec l'ordre juridique suisse et sur l'opportunité de la signer et de la ratifier dans les meilleurs délais»121. Sur le plan universel, le protocole facultatif au pacte I a été adopté en décembre 2008 par l'Assemblée générale. Cet instrument donne la faculté aux particuliers qui allèguent être victimes d'une violation d'un quelconque droit énoncé
dans le pacte de transmettre une communication devant le Comité des droits économiques et sociaux. Au cours des négociations et face aux positions extrêmes défendues dans le groupe de travail (rejet total de l'instrument d'un côté contre justiciabilité complète de tous les droits découlant du pacte I de l'ONU de l'autre), la Suisse ­ prenant en compte la situation juridique en Suisse ­ a adopté une attitude de compromis en préconisant, à travers une clause d'«opting out», une limitation du champ d'application du protocole facultatif et, plus précisément, des compétences de l'organe de contrôle habilité. Cette approche aurait permis aux Etats parties au protocole de définir les droits du pacte I de l'ONU qui seraient soumis à la nouvelle procédure de communication individuelle. Malgré la résistance d'un large groupe d'Etats, c'est toutefois la solution du champ d'application complet du protocole facultatif qui s'est imposée dans la dernière ronde de négociations, en 2008.

119

06.3617 ­ Postulat: Promotion de la démocratie et des droits de l'homme avec les Etats tiers partenaires de la Suisse.

120 La Suisse a accédé au pacte I le 18 juin 1992.

121 10.3004 ­ Postulat: Compatibilité de la Charte sociale européenne révisée avec l'ordre juridique suisse.

1241

3.4.2

La lutte contre la pauvreté

L'interaction entre coopération au développement et respect des droits de l'homme est très étroite. La pauvreté représente le non-accès aux besoins fondamentaux, tels qu'ils sont définis dans les conventions internationales et couverts par les engagements de la plupart des Etats. La pauvreté est donc une violation des droits de l'homme. Cette réalité fait de la promotion des droits des plus pauvres et de la défense des droits de l'homme un axe majeur de l'action de la coopération internationale. On s'accorde par conséquent à reconnaître l'importance et l'utilité de la défense des droits de l'homme dans la coopération au développement. Elle offre en effet un point d'intervention sur la pauvreté, c'est-à-dire de la lutte contre l'exclusion sociale, politique et économique, et de promotion de la justice sociale.

La Direction du développement et de la coopération (DDC) et le Secrétariat d'état à l'économie (SECO) à travers la coopération économique en tiennent compte en optant pour une approche axée sur les droits de l'homme. En d'autres termes, ils veillent à ce que la planification, la réalisation et l'analyse de stratégies, de programmes et de projets de développement soient fondées sur le respect des droits de l'homme. Pour cela, ils travaillent tant sur l'approche sectorielle, qui s'insère dans les activités de promotion de la bonne gouvernance dans les pays partenaires, que sur l'approche transversale, qui intègre les droits de l'homme dans la conception, la mise en oeuvre et le suivi de leurs politiques et stratégies, en ce qui concerne le SECO particulièrement avec des projets ciblés dans le domaine de la promotion commerciale au développement.

Le sous-développement et la pauvreté ont de nombreux visages: faim, maladies, chômage, insécurité économique, non-accès à l'eau potable et à l'éducation. Mais la discrimination basée sur le sexe, l'âge, la langue, l'origine ethnique ou la religion est aussi fréquente. Elle débouche sur l'exclusion, l'humiliation et l'impuissance à se défendre, l'insécurité et la peur de la violence physique. La lutte contre la pauvreté passe donc nécessairement par deux voies: la reconnaissance des droits des plus pauvres et le renforcement de leur rôle de citoyens actifs; le soutien aux autorités de l'Etat pour faire mieux respecter et sauvegarder les droits de l'homme,
qu'il s'agisse de formation scolaire, d'accès aux soins médicaux, de participation au débat démocratique ou d'approvisionnement en eau potable.

La Suisse appuie l'objectif de la réduction de la pauvreté avec une politique axée sur trois piliers: l'aide aux personnes se trouvant dans des situations de conflit et d'urgence; la croissance entraînant une réduction du nombre des pauvres; et une mondialisation socialement et écologiquement durable. Pour le premier pilier, la Suisse est active tant dans le domaine de l'aide et de la prévention des catastrophes, comme en Bolivie et au Bangladesh où l'aide humanitaire coopère étroitement avec les autorités locales, que dans des situations de conflit, comme au Népal et dans la Région des Grands Lacs. L'orientation soutenant une croissance avec moins de pauvres, le deuxième pilier, correspond au fond même de la politique de coopération au développement de notre pays. Suivant les contextes, le Niger instable ou la Tanzanie stable, riche en matières premières comme la République démocratique du Congo ou dépourvu de telles richesses comme le Burkina Faso, les instruments et les partenaires sont adaptés en conséquence. Les autorités gouvernementales, les ONG, le secteur privé, les Organisations internationales sont des acteurs avec les quels la Suisse opère régulièrement pour la mise en ouvre de sa politique. Le troisième et dernier pilier se développe autour de la conviction que toute politique de réduction 1242

de la pauvreté nécessite d'être soutenable en termes écologiques et sociaux pour être durable. La mondialisation offre des possibilités qui doivent être saisies. La mondialisation offre des possibilités qui doivent être saisies. C'est là où le SECO est particulièrement actif avec des programmes substantiels mis en oeuvre en collaboration avec l'Organisation internationale du travail (OIT). Ces programmes visent à améliorer les conditions de travail et par la suite à mettre en oeuvre les principes fondamentaux de travail de l'OIT dans les petites et moyennes entreprises. Ces programmes sont mis en oeuvre au Pérou, Afrique du Sud, Ghana, Indonésie, Vietnam, Laos, Inde et Chine. En collaboration avec la Banque mondiale, le SECO soutient un programme global de recherche et analyse concernant le développement du marché de travail.

Outre la prise en considération systématique des droits de l'homme dans le contexte des activités normales de coopération au développement, la DDC intègre des composantes relatives à des droits de l'homme spécifiques dans les programmes mis sur pied dans certains pays. Sur le terrain, elle soutient des projets et des programmes de promotion des droits civils et politiques, notamment par l'accès à la justice, la démocratisation et l'ouverture des médias. Elle travaille sur ces questions dans des pays aussi divers que le Pérou, la Bolivie, le Rwanda, le Niger, le Bangladesh et le Viêt-Nam et dans certaines régions sensibles: Balkans, Afrique du Sud, Asie centrale et Proche-Orient. L'objectif de ces composantes est de tirer parti du réseau de contacts constitué dans le cadre des activités de coopération au développement pour formuler des revendications dans le domaine des droits de l'homme, donner aux activités de coopération au développement un ancrage en matière de droits de l'homme (par exemple. en se référant aux recommandations formulées dans le cadre des mécanismes internationaux de défense des droits de l'homme) ou encore intégrer des éléments de défense des droits de l'homme dans les programmes de coopération au développement.

En termes du développement normatif, la Confédération entend s'engager prioritairement dans les domaines du droit à l'alimentation, du droit à l'eau et du droit à la santé.

On estime aujourd'hui à plus d'un milliard le nombre de personnes souffrant
chroniquement de la faim, dont la quasi-totalité vit dans les pays en développement. Ce constat est d'autant plus choquant qu'il n'est pas le résultat d'une fatalité. En effet, selon les estimations de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture) la planète produit suffisamment de nourriture pour nourrir 12 milliards d'habitants. Le droit à l'alimentation est l'un des droits de l'homme les plus fondamentaux: les personnes qui ont faim ne peuvent pas exercer correctement un grand nombre d'autres droits de l'homme. Le droit à l'alimentation est ancré dans plusieurs conventions qui ont été ratifiées par la Suisse, dont le principal est le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ce dernier cite le droit à l'alimentation dans le cadre d'un droit à un niveau de vie suffisant, qui englobe également le droit à un logement et à un habillement suffisants. La Confédération est active sur ce front tant avec des mesures pratiques sur le terrain que dans les enceintes multilatérales, en particulier au Conseil des droits de l'homme. La Suisse y soutien le mandat du Rapporteur sur le droit à l'alimentation dont les travaux rappellent la dimension droits de l'homme des récentes crises alimentaires et financières. La Suisse s'engage pour le renforcement des institutions qui font de ce droit une priorité, notamment la FAO. Dans ce contexte, il apparaît de plus en plus clair que l'investissement dans une recherche agricole performante est une des clefs 1243

du succès pour toutes les régions du monde et plus particulièrement les zones dans lesquelles les peuples souffrent de malnutrition, souvent par manque d'accès à une nourriture convenable. Cette problématique est liée à la pauvreté et à l'augmentation de la population dans ces mêmes régions et nécessite d'importants investissements en faveur de la production agricole ainsi qu'un transfert de connaissances.

La Suisse a soutenu la création du mandat de l'experte indépendante sur l'accès à l'eau et à l'assainissement du Conseil des droits de l'homme. Ce mandat devra permettre d'examiner la question des obligations en rapport avec les droits de l'homme qui concernent l'accès à l'eau potable et à l'assainissement. La Suisse reconnaît le droit à l'eau et à l'assainissement comme découlant du pacte de l'ONU relatif aux droits économiques sociaux et culturels. En tant que château d'eau de l'Europe, notre pays prône la gestion intégrée des eaux et l'accès non discriminatoire à cette ressource vitale, en particulier pour les personnes vivant dans la pauvreté.

L'accès à l'eau et à l'assainissement est en effet essentiel pour la réalisation du droit à la santé et du droit à l'alimentation. La reconnaissance du droit à l'eau et à l'assainissement constitue une priorité pour la Suisse, qui poursuivra son engagement pour sa réalisation notamment par le biais de la coopération au développement.

Le droit à la santé est tant une question politique que pratique. Pour des millions de personnes dans le monde sa pleine jouissance est encore une réalité lointaine, notamment pour les plus pauvres. Les coûts des soins de santé demeure trop élevé pour de nombreuses personnes, même dans des pays industrialisés et ceci malgré l'adoption de politiques et programmes de santé accessibles. La santé, entendue comme étant «le droit qu'à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre»122 est un droit humain fondamental indispensable à la jouissance d'autres droits de l'homme. Il comprend un vaste éventail de facteurs socio-économiques qui créent les conditions permettant aux individus de vivre en santé, pour s'étendre aux déterminants sous-jacents à la santé, comme la nutrition, le logement, l'accès à l'eau potable et à l'assainissement, des conditions de travail hygiéniques
et sans risques et un environnement sain. Le droit à la santé suppose que les pouvoirs publics créent des conditions telles que chacun puisse jouir du meilleur état de santé possible. Sous l'égide du DFAE, une importante publication sur le droit à la santé123 a permis de cerner la complexité de ce droit. Accès aux soins sans discrimination, accès aux médicaments et à la médecine de base, lutte contre le HIV/AIDS, commerce et santé, malaria, le rôle des gouvernements et des acteurs non étatiques sont quelques uns des thèmes traités. La Confédération, sur la base des réflexions et conclusions de cette publication, entend poursuivre les efforts en matière de droit à la santé. Ses différentes composantes couvrent partiellement d'autres droits prioritaires, comme l'accès à l'eau, favorisant ainsi des synergies thématiques et une utilisation plus efficace des ressources.

3.4.3

Economie et droits de l'homme

L'économie et les entreprises contribuent, de par leur dynamisme, à la croissance et à la richesse des populations. Nombreux acteurs privés sont actifs dans plusieurs domaines qui contribuent à la réalisation des droits de l'homme, comme la presse, 122 123

Art.12 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Swiss Human Rights Books; Realizing the Right to Health, 2009.

1244

les médias électroniques, les professions libérales comme la médecine et le droit, ou encore dans el domaine des transports. Du fait notamment de la mondialisation de l'économie, un nombre croissant d'Etats et d'entreprises transnationales s'interrogent quant à l'impact de leur présence dans un pays sur la société de ce dernier. Cela concerne en particulier les pays en développement et les pays en transition dont les structures étatiques sont faibles ou des pays qui sont en proie à des troubles. Les Etats sont tenus de garantir la jouissance des droits de l'homme. Bien que la Déclaration universelle des droits de l'Homme s'adresse aux Etats, elle précise que tous les organes de la société sont tenus de faire avancer et de reconnaître les droits de l'homme. Les entreprises ont donc un rôle à jouer dans la protection des droits de l'homme. Elles sont plus particulièrement confrontées à des attentes sociales et écologiques croissantes de la part de la société; aller en sens contraire, en recourant par exemple au travail des enfants, peut nuire à l'image et à la réputation d'une entreprise. De plus, les entreprises investissent souvent dans des pays où la situation des droits de l'homme est préoccupante, ou dans des régions en conflit. L'engagement des entreprises en faveur des droits de l'homme peut contribuer à la stabilité politique, à une gestion des risques sérieuse et à la mise en place de conditions de production et d'investissement idéales.

Pour un pays comme la Suisse, qui dépend de la vigueur des échanges économiques internationaux, la stabilité et la qualité des conditions cadre offertes à l'économie sont essentielles. Il est donc dans notre intérêt de nous engager pour un développement durable, pour la paix et la stabilité, pour une bonne gouvernance et pour le respect des droits de l'homme dans le monde. A cet effet, la Suisse encourage le dialogue entre l'économie, la politique et la société civile, notamment à travers des plateformes de communication et de formation; elle aborde la question des droits de l'homme et de l'économie avec d'autres pays; favorise et soutient le développement des instruments visant à intégrer le respect des droits de l'homme dans les pratiques et opérations des entreprises; elle conseille les entreprises et enfin elle analyse les risques politiques.
La Confédération s'engage au niveau mondial pour faire naître et avancer des initiatives telles que le pacte mondial de l'ONU (Global Compact) ou les Principes directeurs de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à l'intention des entreprises multinationales. La Suisse soutient par ailleurs les travaux du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l'économie et les droits de l'homme, tant sur le plan politique que financier par la mise à disposition d'un conseiller. Elle s'est notamment employée à faire largement reconnaître son cadre de référence sur la responsabilité des entreprises. Ses travaux, reconnus par les Etats, les entreprises et la société civile, mettent en lumière le fait que la clarification de la part d'une entreprise de ses devoirs de précaution (due diligence) en matière de respect des droits de l'homme devient de plus en plus souvent une condition préalable à son succès et à sa reconnaissance sociale (social licence to operate). Il définit les trois principes suivants: l'Etat doit protéger les individus des violations commises par les entreprises; ces dernières ont, quant à elles, la responsabilité de respecter les droits de l'homme; et en cas de violation des compensations et des remèdes doivent être mis en place. La Confédération continuera de s'associer au développement de ce cadre normatif, dans la mesure où elle perçoit l'existence d'un soutien international suffisamment large.

1245

Suite à la participation de la Suisse aux Voluntary Principles on Security and Human Rights, une initiative internationale regroupant une demi-douzaine d'Etats, une quinzaine d'entreprises actives dans le secteur pétrolier et de l'extraction minière et une dizaine d'importantes ONG, des nouvelles synergies seront favorisées; une priorité sera la prévention de potentiels conflits dans le secteur de l'exploitation et le commerce des matières premières.

La Confédération continuera en outre à travailler à l'amélioration des pratiques de gestion d'entreprise en matière de respect des droits de l'homme et à faire reconnaître la responsabilité spécifique des entreprises dans les régions en conflit. En effet, les acteurs privés peuvent aussi être des acteurs importants dans ces régions. Ils peuvent, intentionnellement ou non, favoriser ou entraver la promotion de la paix.

Le DFAE prépare donc avec des représentants du secteur privé et d'autres partenaires scientifiques des méthodes et des instruments minimisant l'influence néfaste de l'activité économique sur les conflits, pour lui faire endosser le cas échéant un rôle constructif.

3.5

Le renforcement institutionnel

A ces priorités thématiques s'ajoute le renforcement des institutions internationales de promotion et de protection des droits de l'homme.

Lancée sur une initiative notamment de la Suisse, la création du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève constitue une étape importante dans la consolidation des instruments multilatéraux. Bénéficiant d'un statut hiérarchique plus élevé dans le système des Nations Unies par rapport à l'ancienne Commission des droits de l'homme, se réunissant pratiquement tout au long de l'année et introduisant l'Examen périodique universel qui oblige tous les Etats à se soumettre à un examen de la situation des droits de l'homme à l'intérieur de ses frontières, le Conseil participe à une prise en compte accrue des questions des droits de l'homme de la part des différentes autorités nationales et des autres organes de la société.

Malgré ces progrès, le Conseil des droits de l'homme n'est pas exempt de toute critique. Ses travaux sont encore sous l'emprise d'une «logique des blocs» qui mettent en confrontation les pays industrialisés avec les pays en voie de développement, en particulier les pays africains et des pays musulmans. Ces tensions se font particulièrement jour dans le traitement des «situations par pays»: le nombre de Procédures spéciales géographiques est en régression, les difficultés de convoquer une session spéciale dans des délais très courts est souvent empreinte de difficultés diplomatiques, et le Conseil tend à focaliser son attention sur la situation au MoyenOrient, à détriment d'autres situations graves de violations des droits de l'homme.

La charge de travail du Conseil, qui se réunit entre sessions ordinaires, sessions spéciales et différents groupes de travail, environ 40 semaines par an, et la répétition de nombreux thèmes traités à chaque session rend plus difficile la tenue de débats de fond sur la base d'un dialogue et d'un échange ouvert. Le Conseil des droits de l'homme doit revoir ses activités et son fonctionnement d'ici 2011, et l'Assemblée générale le statut et la composition de ce dernier pendant la même année. La Suisse y contribue tant au niveau de la facilitation des négociations, en conviant par exemple le Séminaire de Montreux le 20 avril 2010, que sur le plan de la substance, en avançant des propositions en matière d'approche flexible des situations pays, en matière de renforcement de l'Office du Président du Conseil, en prônant et en pro1246

mouvant un dialogue transrégional. Le soutien de la Confédération aux travaux du Haut Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies, aux différentes Procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme, à la Présidence et au Conseil consultatif de ce dernier, participent aux efforts de la Suisse tendant au renforcement des institutions.

Au niveau régional, la Suisse promeut un renforcement de la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg. L'entrée en vigueur du protocole 14 à la Convention européenne des droits de l'homme peut être inscrite comme une des conséquences de la convocation par la Suisse de la Conférence ministérielle d'Interlaken (18 et 19 février 2010), lors de sa présidence du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. La Fédération de Russie a en effet été le dernier Etat membre du Conseil de l'Europe à ratifier le protocole 14 au mois de janvier 2010, peu avant la Conférence ministérielle. Cette décision de la Douma russe est aussi le résultat des démarches de la Suisse dans le cadre des consultations sur les droits de l'homme avec la Russie. La Conférence a adopté une Déclaration politique comprenant un ambitieux Plan d'action. Ce document prévoit, notamment, d'atteindre un équilibre entre les nouvelles requêtes et les cas traités et de réduire le nombre des affaires en instance devant la Cour. Il s'agit aussi de garantir une meilleure exécution des arrêts de la Cour par les Etats membres et, partant, d'assurer que cette exécution soit contrôlée avec l'efficacité voulue par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. De plus, la Suisse contribue aux efforts de réforme du Conseil de l'Europe qui visent à recentrer ses activités vers ses compétences traditionnelles qui sont la promotion des droits de l'homme, de la démocratie et de l'Etat de droit.

En ce qui a trait à l'Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE), la Suisse soutient l'indépendance du Bureau des institutions démocratiques et de droits de l'homme (BIDDH), du Haut Commissaire pour les minorités nationales, du Représentant de l'OSCE pour la liberté des medias ainsi que du Représentant spécial pour la lutte contre la traite des êtres humains. Par ailleurs, la Suisse s'engage à ce que l'OSCE et ses organes actifs dans la «dimension humaine» susmentionnés se profilent dans leurs domaines d'excellence.

4 4.1

Initiatives de la Suisse Entreprises militaires et de sécurité privées

Depuis quelques années, il est de plus en plus souvent fait appel à des entreprises militaires et de sécurité privées (EMSP) dans les conflits. Le recours à ces entreprises dans les conflits armés est controversé. Les conventions de Genève et leurs protocoles additionnels, qui posent les règles du droit international applicable aux conflits armés, ne leur attribuent aucun rôle notable. Sur la base des questions juridiques soulevées en cas de violation des disposition du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme par les employés de ces entreprises privées, la Suisse a lancé une initiative qui a permis l'élaboration d'un Code de conduite pour les entreprises de la branche.

Depuis 2005, le DFAE s'efforce d'obtenir que les entreprises militaires et de sécurité privées respectent mieux le droit international humanitaire et les droits de l'homme dans les zones de conflit. Il a lancé avec le Comité international de la croix rouge (CICR) une initiative intergouvernementale sur ce point. Après d'intenses efforts et des consultations préalables qui se sont étendues à la société civile et à la 1247

branche intéressée, la rencontre finale entre dix-sept Etats parmi les plus directement concernés s'est tenue en septembre 2008 à Montreux, où le Document sur les entreprises militaires et de sécurité privées y a été adopté. Ce Document clarifie et réaffirme les obligations qu'impose le droit international aux Etats employant des entreprises militaires et de sécurité privées dans des situations de conflit armé. Selon les normes en vigueur, les Etats ne sauraient s'y soustraire en recourant à des entreprises privées. Ils doivent prendre les mesures nécessaires pour empêcher les EMSP de violer le droit international humanitaire et les droits de l'homme et mettre en place les dispositifs répressifs requis; ils assument directement la responsabilité des agissements des EMSP qu'ils emploient.

Le DFAE, en coopération avec l'Académie de droit humanitaire et droits de l'homme de Genève (ADH) et le Centre de Genève pour le contrôle démocratique des forces armées (DCAF) a par la suite invité les entreprises et associations concernées à un dialogue international visant à l'adoption d'un Code de conduite mondial de la branche. Suite à une série de workshops et à une conférence international à Nyon (juin 2009), un projet de Code de conduite a été élaboré et mis en consultation début 2010 auprès des entreprises directement concernées. Le Code de conduite proposera aux EMSP, à leurs clients, aux Etats, à la société civile et aux autres acteurs concernés, des orientations quant aux modalités de fourniture des services conformément aux normes internationales des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Fixer des standards élevés pour les EMSP tant pour le recrutement et la formation du personnel que pour la fourniture des services, contribuera à la prévention de possibles violations du droit international. Des violations ne pouvant toutefois pas être écartées d'emblée, le Code de conduite comprend aussi un mécanisme de plainte et de réparation. Les négociations en cours prévoient aussi la mise en place d'un organe de surveillance de la mise en oeuvre du Code de conduite.

Il s'agira par la suite d'y rallier de manière volontaire les entreprises et les gouvernements directement concernés aux fins de sa mise en application.

4.2

Agenda pour les droits de l'homme

Constatant le fossé séparant les normes internationales et la réalité sur le terrain, la Suisse a voulu contribuer de manière prospective aux célébrations du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. La Suisse a donc lancé l'initiative visant à élaborer un Agenda des droits de l'homme pour la prochaine décennie. Un panel composé d'éminentes personnalités a eu pour mission d'identifier, d'étudier et de préciser des thèmes spécifiques dans le domaine des droits de l'homme et de proposer un agenda pour la décennie à venir. Le document publié par le groupe Protégeons la dignité: un agenda pour les droits de l'homme contient des propositions concrètes et, avec les projets de recherche qui l'accompagnent, il vise à faire progresser le respect des droits de l'homme dans le monde. Le groupe d'experts a joui d'une liberté totale dans son travail. L'indépendance intellectuelle était en effet la meilleure garante d'un agenda pour les droits de l'homme qui ne serait pas lié aux intérêts d'un pays, mais présenterait une vision porteuse d'une protection renforcée des droits de l'homme. Le panel a retenu les grands défis suivants: la disparité entre la reconnaissance de la dignité humaine et le respect effectif des droits de l'homme; la lutte contre la pauvreté; l'accès à la justice et respect de l'Etat de droit; la reconnaissance des responsabilités partagées; la création d'un Fonds mondial pour les systèmes nationaux de protection des droits de l'homme; et 1248

enfin, la création d'une Cour mondiale des droits de l'homme. Si le travail du panel s'est effectué dans la plus grande indépendance, ses conclusions et projets de recherche rejoignent en grande partie l'analyse et les priorités de la Suisse en matière de promotion et protection des droits de l'homme pour les années à venir.

4.3

Justice de transition

Le redressement des violations aux droits de l'homme perpétrées pendant un conflit constitue un facteur capital dans l'établissement d'une paix durable, qui doit être fondée sur l'absence d'impunité, la justice et la réhabilitation des victimes. La Suisse encourage la prise en compte des droits de l'homme, notamment des aspects liés à la lutte contre l'impunité, dans la négociation et la mise en oeuvre des accords de paix. Les experts suisses accompagnent et conseillent les différents groupes d'intérêts dans la mise en oeuvre des accords de paix au Népal, ou dans la détermination des mesures de réparation, comme au Guatemala. Au Burundi et en Colombie les acteurs nationaux ont demandé à la Suisse de les aider à définir une stratégie de traitement du passé. Dans ce dernier pays, la Suisse accompagne la Commission nationale de réparation et de réconciliation, et notamment son Groupe de mémoire historique, en garantissant la transmission de son savoir ainsi qu'un soutien dans la formulation et la réalisation de propositions de politiques publiques contre l'impunité.

Au Népal la Suisse soutient un projet qui vise à aider les personnes blessées physiquement et psychologiquement à surmonter les traumatismes; en Ex-Yougoslavie la Suisse offre son soutien à trois centres indépendants de défense des droits de l'homme (Belgrade, Sarajevo et Zagreb) dans la mise sur pied d'une banque de données visant à déterminer le nombre exact des victimes de la guerre sur le territoire de l'ex-Yougoslavie; au Guatemala des Suisses travaillent au sein de la Commission internationale contre l'impunité; dans le cadre du dialogue entre l'Arménie et la Turquie la Confédération a conseillé les parties, à leur demande, sur le traitement du passé, partageant son expérience et ses connaissances relatives à la création et au travail de commissions de vérité et de commissions d'historiens. En outre, la Suisse a été l'acteur principal de l'inclusion d'une disposition qui vise à l'instauration d'un mécanisme pour faire face au passé du Kosovo et la mise en place d'initiatives de justice transitionnelle dans le Règlement portant sur le statut du Kosovo présenté en mars 2007 par le Envoyé spécial des Nations Unies Martti Ahtisaari. La Confédération suit activement la mise en oeuvre de cette disposition.

Sur le plan multilatéral,
la Suisse a déposée en septembre 2008 une résolution au Conseil des droits de l'homme intitulée Droits de l'homme et justice de transition demandant au Haut Commissariat d'élaborer une étude sur les droits de l'homme et la justice de transition incluant, entre autres, un inventaire des aspects concernant les droits de l'homme dans les récents accords de paix. La publication de l'étude a jeté les bases pour une deuxième résolution qui souligne entre autre que les accords de paix approuvés par l'ONU ne peuvent en aucun cas promettre une amnistie en cas de génocide, de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre et de violations flagrantes des droits de l'homme.

1249

4.4

Education et formation aux droits de l'homme

Dans l'objectif de concrétiser le but du Conseil des droits de l'homme visant à «promouvoir l'éducation et la formation dans le domaine des droits de l'homme» tel que défini dans la résolution 60/251 de l'Assemblée générale établissant le Conseil des droits de l'homme la Suisse et le Royaume du Maroc ont introduit, au mois de septembre 2007 lors de la 6e Session du Conseil des droits de l'homme, la résolution demandant l'élaboration d'une Déclaration des Nations Unies sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme. Aux deux initiateurs se sont rajoutées au fil du temps cinq autres délégations issues de tous les groupes régionaux (Costa Rica, Italie, Philippines, Sénégal et Slovénie) constituant ainsi le Pôle Education et formation aux droits de l'homme au Conseil des droits de l'homme. Cette dimension «transrégionale» de l'initiative est importante dans la mesure où elle contribue à créer un climat de confiance au sein du Conseil des droits de l'homme, souvent pris dans une logique des blocs qui mine le dialogue et la recherche de solutions durables et bénéficiant d'un large appui.

L'initiative vise à diffuser les droits de l'homme par l'éducation scolaire et par la formation de différents corps de métier (notamment les policiers, les juges, les gardiens de prisons, le personnel hospitalier, les enseignants), et souligne ainsi l'importance de faire connaître ces droits afin qu'ils soient respectés. Le Comité consultatif du Conseil des droits de l'homme a présenté au mois de mars 2010 au Conseil le projet de Déclaration. Le projet se veut un complément aux différents textes et programmes déjà en place, notamment le Programme mondial pour l'Education aux droits de l'homme de l'UNESCO et du Haut Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies. Si actuellement plusieurs conventions internationales mentionnent l'importance de l'éducation aux droits de l'homme, aucun de ces instruments n'en souligne toute la dimension, l'importance et la portée. Le projet de Déclaration constitue un appel aux Etats et une feuille de route pour tous les organes de la société. Les droits de l'homme doivent être diffusés, connus et appris par des actions sur le long terme. L'un des enjeux essentiels de la Déclaration est de généraliser l'éducation aux droits de l'homme et d'en favoriser l'apprentissage par tout un chacun, car une bonne connaissance des droits contribuera à en faire une réalité concrète dans la vie de tous les jours.

4.5

Droit de propriété comme un droit de la personne humaine et lutte contre l'exclusion des pauvres

La Suisse a soutenu les travaux de la Commission pour la démarginalisation des pauvres par le droit (Commission on Legal Empowerment of the Poor; CLEP). Dans son rapport, publié en 2008, la CLEP affirme que 4 milliards de personnes vivent dans l'informalité en dehors de tout système légal, ce qui engendre exclusion et précarité. La commission affirme qu'en garantissant l'accès à la justice au plus pauvres et des opportunités économiques, ils seront en mesure de renforcer leur situation. La démarginalisation des pauvres par le droit peut être réalisée uniquement, selon la Commission, par le biais d'un changement systémique ciblé sur le déblocage du potentiel civique et économique des pauvres. Ce dernier doit s'opérer sur la base des quatre piliers suivants: accès à la justice et Etat de droit; droits de propriété; droit du travail et droit d'entreprendre. La Suisse et le Guatemala ont assuré le suivi des travaux de la CLEP au sein de l'ONU en introduisant en 2008, 1250

puis en 2009 une résolution à l'Assemblée générale sur le thème du Legal Empowerment. Ces résolutions ont été soutenues par un nombre important de pays tant du Sud que du Nord.

La Suisse a par contre renoncé à une initiative portant uniquement sur le droit de propriété. Cependant, convaincue que le progrès économique, social et politique s'appuie entre autre sur le bon fonctionnement de système de propriété transparent et non discriminatoire, la Suisse n'exclue pas d'examiner ces prochaines années la possibilité de donner un nouvel élan à cette initiative. La protection de la propriété est en effet étroitement liée à d'autres questions politiques: problème de la restitution des biens matériels et fonciers des réfugiés et des personnes déplacées en cas de retour, restauration de la justice et de la paix après un conflit international ou intérieur, lutte contre la discrimination des femmes qui ne détiennent que 10 % des biens du monde et constitue pourtant la moitié de la population par exemple.

5 5.1

Efficacité et cohérence: les instruments à disposition Les mécanismes internes

Pour que la dimension des droits de l'homme soit systématiquement intégrée dans tous les processus décisionnels de la politique extérieure, le Conseil fédéral entend veiller à la transparence des mécanismes internes d'information, de consultation et de décision ainsi qu'à la qualité de la formation, de l'information et de la sensibilisation du personnel fédéral, du point de vue de la protection internationale des droits de l'homme. Par ailleurs, le Conseil fédéral doit assurer aussi la cohérence de ses politiques économique, sociale, environnementale et de droits de l'homme. Dans certains cas des conflits d'intérêts surgissent. Confronté à une telle situation, le Conseil fédéral définit et pèse les intérêts en jeu au cas par cas. En outre, lors de la révision d'actes législatifs, le Conseil fédéral veille à ce que le respect des droits de l'homme soit explicitement affirmé dans tous les domaines de la politique suisse et que soient prévues des procédures de contrôle à cet effet. La révision et la subséquente entrée en vigueur en décembre 2008 de l'Ordonnance sur le matériel de guerre, par exemple, ont permis de fixer des critères d'autorisation pour les marchés passés avec l'étranger. Il n'est donc pas possible de fournir du matériel de guerre «si le pays de destination viole systématiquement et gravement les droits de l'homme».

Sur cette base, le Conseil fédéral a décidé le 25 mars 2009 de ne plus autoriser la vente de matériel de guerre vers l'Arabie Saoudite, l'Egypte et le Pakistan. Lors de la conclusion d'accords bilatéraux avec des pays partenaires, le Conseil fédéral applique la clause de la «conditionnalité dans la politique étrangère», assouplie au mois d'avril 2003. Cette dernière met en avant le dialogue demandant le respect des droits de l'homme et leur protection ainsi que les programmes ciblés qui soutiennent activement la réalisation des droits de l'homme et de la gouvernance dans les pays partenaires. La mise en oeuvre de la conditionnalité de façon souple et dynamique requiert une coordination accrue entre offices, avant, pendant et après la négociation d'accords avec des pays tiers.

Il existe un certain nombre de mécanismes internes de consultation et de décision afin de renforcer la cohérence entre les activités concernant les droits de l'homme et les autres. A signaler en
particulier le Groupe interdépartemental politique internationale des droits de l'homme qui regroupe tous les départements intéressés. Ce groupe sert autant à la coordination opérationnelle d'actions concrètes, qu'à 1251

l'échange d'informations. En outre, l'intégration graduelle de la dimension des droits de l'homme (mainstreaming) dans la définition et la mise en oeuvre des politiques de l'administration fédérale doit contribuer à renforcer la cohérence de notre politique étrangère. L'art. 35, al. 2, de la Constitution (RS 101) fédérale prône à cet effet la promotion et le respect des droits de l'homme au sein de l'administration fédérale. Le DFAE s'emploie, par sa fonction de coordination, à renforcer la cohérence de la politique extérieure de la Suisse, avec les offices concernés tant au niveau interne que dans les forums multilatéraux, ainsi que sur le plan bilatéral.

En revanche, toute pesée des intérêts politiques est exclue face aux impératifs du droit international. Ce dernier ­ en particulier les conventions concernant les droits de l'homme et le droit international coutumier ­ impose en effet aux Etats des obligations qui ne concernent pas seulement les violations des droits de l'homme commises sur leur territoire. L'Etat qui soutient des activités en sachant qu'elles favorisent des violations des droits de l'homme par un autre Etat, se rend coresponsable de ces actes. En conséquence, le Conseil fédéral prend toutes les dispositions possibles pour que ses activités de politique extérieure ne puissent pas favoriser des atteintes aux droits de l'homme dans un autre Etat. En dehors de ces impératifs, le Conseil fédéral soutient, selon les possibilités, les options qui correspondent le mieux aux objectifs du droit international, y compris des droits de l'homme.

5.2

Les instruments diplomatiques

Le Conseil fédéral dispose de différents instruments de coordination de sa politique étrangère, qui sont mentionnés en détail dans les différents rapports susmentionnés.

Pour rappel, cette panoplie englobe des instruments diplomatiques, comme le dialogue sur les droits de l'homme, les interventions et démarches politiques bilatérales et multilatérales, les déclarations du Conseil fédéral et des mesures protocolaires ou diplomatiques à valeur symbolique. Viennent en outre s'y ajouter des actions plus directes: programmes de soutien, projets, envois d'experts. Le Conseil fédéral dispose qui plus est d'instruments juridiques, comme l'apport aux processus de codification et de développement des droits de l'homme, l'adhésion à des conventions, voire les procédures de plainte interétatiques et individuelles prévus dans les conventions.

Si la palette d'instruments à disposition n'a pas changé de manière considérable, certains instruments ont été perfectionnés.

Les dialogues sur les droits de l'homme jouent un rôle important dans la politique étrangère en matière des droits de l'homme. Il s'agit d'entretiens formels avec des pays déterminés sur des questions ayant trait aux droits de l'homme. Ce sont des activités de longue haleine ayant pour but de soutenir l'Etat interlocuteur dans un processus de réforme. Concrètement, des échanges ont lieu au niveau gouvernemental sur des sujets comme l'interdiction de la peine de mort et la torture, la liberté de religion et de croyance, etc. Un dialogue sur les droits de l'homme peut commencer lorsque les deux Etats sont convaincus que la mise en oeuvre des droits de l'homme est une condition déterminante du bon fonctionnement de l'Etat et de la société. Son objectif principal est d'améliorer la situation des droits de l'homme dans les pays partenaires à moyen et long terme. Des objectifs spécifiques adaptés au contexte doivent en outre être fixés pour chaque dialogue, comme, par exemple, la libération de prisonniers politiques non violents; la promotion de la coopération au sein de et avec l'ONU; ou le renforcement de la société civile; la ratification de traités interna1252

tionaux sur les droits de l'homme et application des engagements pris. Ils doivent être adaptés à la situation concrète, se rapporter aux priorités préalablement définies et, si possible, être non seulement éminemment pertinents, mais aussi mesurables. Il est important que les parties au dialogue définissent les droits de l'homme comme un dessein commun qu'il s'agit de réaliser concrètement. Les dialogues sont régulièrement évalués entre autres sur la base des évolutions de la situation en matière des droits de l'homme; sur la disponibilité de l'Etat partenaire à discuter de tous les thèmes; sur l'accès étendu à des Ministères et des cercles pertinents, accès qui ne serait pas assuré sans la tenue du dialogue; sur les contacts avec les personnalités pouvant influencer le processus de réforme. En tant qu'instrument de la politique des droits de l'homme, il sert essentiellement à mieux faire respecter les droits de l'homme dans les Etats partenaires. Du point de vue de la politique extérieure globale, on attend en outre du dialogue sur les droits de l'homme qu'il crée une plus-value dans les relations bilatérales avec les Etats partenaires et vienne renforcer la position de la Suisse en tant qu'actrice sur la scène politique internationale. En général, des projets concrets (projets communs, échanges d'experts, par exemple) viennent compléter les entretiens politiques. Ces projets s'inscrivent dans les domaines thématiques prioritaires du dialogue et donnent aux processus une importante valeur ajoutée.

A l'heure actuelle (avril 2010), la Suisse mène des dialogues avec la l'Iran, la Chine, le Tadjikistan et le Vietnam; elle mène des consultations sur les droits de l'homme et entretien un volet droits de l'homme dans un dialogue politique avec Cuba. Un dialogue sur les droits de l'homme à niveau local se tient avec l'Indonésie. Des négociations exploratoires ont présentement lieu (printemps 2010) pour élargir l'éventail au continent africain (Ghana, Nigeria ou Sénégal). Instrument utilisé depuis les années 90, il a été affiné et complété suite aux expériences cumulées et les évaluations effectuées. Le Département fédéral des affaires étrangères a ainsi pu élaborer des concepts à moyen terme pour des périodes de quatre ans (2004 à 2007) et 2009 à 2012). L'objectif est d'établir des directives régissant
l'utilisation du dialogue sur les droits de l'homme et de donner une définition claire de cet instrument.

L'instrument des démarches a aussi été examiné et évalué avec pour résultat une systématisation du processus garantissant une cohérence et une efficacité accrues. Le contrôle effectué sur les différentes activités permet à la Confédération d'améliorer l'efficacité des processus de soutien par une systématisation de ces derniers et par une meilleure allocation des ressources à sa disposition.

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Coopération avec les acteurs non étatiques

Les obligations qui découlent du droit international des droits de l'homme reposent sur les Etats, qui ont l'obligation de les respecter, de les promouvoir et de les mettre en oeuvre. Il est toutefois communément admis que les autres organes de la société doivent agir conforment à ses disposition et doivent en assurer l'application. La mondialisation, le pouvoir et les compétences croissantes des entreprises privées; l'échange immédiat et à grande échelle de l'information et de la capacité de mobilisation de la société civile; tous ces facteurs contribuent à donner un rôle en matière de droits de l'homme à d'autres acteurs que les Etats. Le Conseil fédéral, tant dans

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ses efforts de développement des normes que dans celui de l'application de ces dernières, s'appuie sur un vaste réseau d'acteurs non étatiques.

Les compétences et les idées nouvelles issues des centres de recherches permettent à la Suisse d'accroître son rayonnement international dans la promotion des droits de l'homme. En particulier, la Suisse a établit des partenariats stratégiques avec différentes instituts universitaires et think tanks, en Suisse comme ailleurs. L'Académie de droit international humanitaire et droits de l'homme à Genève (ADH) et le Centre de Genève pour le contrôle démocratique des forces armées (DCAF), l'Université de Berne, la Brookings Institution à Washington, le Program on Humanitarian Policy and Conflict Research de Harvard, ou encore l'Institut danois des droits de l'homme (Copenhague) sont quelques exemples qui illustrent l'importance accordée à la coopération avec des institutions de recherche. La décision du Conseil fédéral du mois de juillet 2009 de lancer le projet pilote «Achat de services auprès d'un Centre de compétence universitaire dans le domaine des droits de l'homme» constitue un volet supplémentaire de cette coopération étendue avec des acteurs non étatiques.

Avec la mise en place d'un tel Centre de compétence les capacités d'analyse et de conseil à disposition des autorités publiques fédérales, cantonales et communales, mais aussi du secteur privés seront élargies.

Les acteurs économiques, surtout ceux qui possèdent un certain prestige international, sont de plus en plus conscients de leur responsabilité sociale lorsqu'ils investissent à l'étranger. Le secteur privé est un acteur et un partenaire important de la Suisse en matière de mise en oeuvre des droits de l'homme. Des relations de travail étroites se tissent tant avec des entreprises suisses qu'avec le secteur privé étranger.

L'initiative sur les entreprises militaires et privés de sécurité s'appuie sur la coopération et l'engagement de ces mêmes entreprises, sans lesquelles sa réalisation ne serait pas possible.

Les ONG tant locales qu'internationales sont aussi des partenaires importants de la Suisse. Différents types de coopération sont possibles, du soutien financier à des programmes jugés prioritaires. Nombreuses sont les ONG qui reçoivent un soutien de la Confédération, soit dans le
domaine de la formation pour le jeunesse suisse (Fondation Education et développement, Berne), pour les défenseurs des droits de l'homme de différents pays dans le monde (Service international des droits de l'homme; Geneva for Human Rights; Genève); ou encore dans le domaine de l'information pour le public suisse (Menschenrechte Schweiz, Berne) ou de l'advocacy (Commission internationale des juristes, Genève; OMCT et APT dans le domaine de la lutte contra la torture, Genève). Parallèlement aux organisations non gouvernementales, les médias, les ordres d'avocats, les syndicats et les autorités religieuses jouent un rôle important dans la réalisation des droits de l'homme, la formation de l'opinion publique, l'information de la population et l'assistance aux victimes. Dans les pays du Sud et de l'Est, ces organisations sont souvent des partenaires de la coopération suisse au développement. Le Conseil fédéral les assiste financièrement, dans les limites de ses capacités budgétaires, et maintient un dialogue régulier avec les ONG nationales et internationales établies ou représentées en Suisse. De plus, la Suisse appuie les demandes de statut consultatif déposées au Comité des ONG de l'ONU à New York par des ONG suisses ou sises en Suisse.

Enfin la Suisse finance différents programmes, fonds et projets des organisations internationales qui correspondent aux priorités de notre politique extérieure des droits de l'homme. L'appui peut assumer la forme d'un soutien financier ou celle de la mise à disposition d'experts. Parmi les partenaires les plus importants figurent le 1254

Haut commissariat au droits de l'homme des Nations Unies; le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe; l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe; l'UNICEF; le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. La Suisse appuie en outre les travaux des procédures spéciales du Conseil par la mise à disposition d'experts, soient-ils directement rattachés au titulaire du mandat, soit auprès du Haut Commissariat à Genève, ou à New York.

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Conclusions

L'engagement de la Suisse en matière des droits de l'homme se fonde sur la conviction que le respect des droits fondamentaux de tout individu partout dans le monde correspond aux intérêts de la Suisse. Les valeurs inscrites dans la Constitution fédérale, comme la solidarité envers les plus faibles, le respect de l'autre et l'équité, les responsabilités envers les générations futures, et le précepte selon lequel «seul est libre qui use de sa liberté» incitent le Conseil fédéral à s'engager avec conviction dans la promotion et la protection des droits de l'homme. Les droits de l'homme constituent une dimension importante de la politique étrangère de la Suisse. La recherche permanente d'équilibre avec les autres objectifs de la politique extérieure est appuyée par des mécanismes qui permettent au Conseil fédéral de prendre des décisions politiques ­ parfois difficiles ­ en connaissance de cause et toujours dans l'intérêt général de la Suisse.

Les priorités fixées par le passé et illustrées dans ce document restent actuelles. Leur pertinence répond aux besoins et aux grands défis en matière de promotion et protection des droits de l'homme. Leur formulation générale permet au Conseil fédéral d'adapter rapidement son action aux mutations de l'environnement politique international et de saisir toute occasion pour lancer ou soutenir des initiatives spécifiques.

Le Conseil fédéral est d'avis qu'il était nécessaire de spécifier quelques axes principaux, ce qui permet une concentration des ressources disponibles. Ces axes principaux émergent principalement des expériences de ces dernières années. La Suisse a su se profiler sur quelques thèmes spécifiques et novateurs et entend poursuivre sur cette base son action en matière des droits de l'homme. Cette orientation ne sera pas préjudiciable à un engagement global en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'homme.

La réputation de nos efforts en la matière est solide. Nombreux sont les Etats et les ONG qui considèrent la Suisse comme étant un des Etats les plus cohérents dans ses prises de position au sein du Conseil des droits de l'homme et de l'Assemblée générale des Nations Unies. La récente réélection au dit Conseil est une manifestation concrète de cette considération. La cohérence de notre politique et la crédibilité qui en découle sont des éléments essentiels de l'engagement de la Suisse en matière de promotion et de protection des droits de l'homme.

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