11.018 Message relatif à une loi fédérale concernant les mesures de lutte contre les mariages forcés du 23 février 2011

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet de loi fédérale concernant les mesures de lutte contre les mariages forcés, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

23 février 2011

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2010-1768

2045

Condensé Buts du projet: empêcher les mariages forcés, aider efficacement les victimes de tels mariages et préserver les droits fondamentaux de ces dernières.

Pour permettre la réalisation de ces buts, la motion Heberlein, transmise après modification par les Chambres fédérales, charge le Conseil fédéral «d'engager immédiatement les travaux législatifs nécessaires (modification du droit pénal, du droit civil, de la législation sur les étrangers, etc.) et d'élaborer un train de mesures approprié».

Donnant suite à ce mandat dont le charge la motion, le Conseil fédéral a fait élaborer le présent projet de loi concernant les mesures de lutte contre les mariages forcés.

Il y propose de compléter les dispositions du code civil (CC) relatives à la procédure préparatoire du mariage d'une norme obligeant l'office de l'état civil à s'assurer qu'il n'y ait aucun élément permettant de conclure que la demande de mariage n'est manifestement pas l'expression de la libre volonté des fiancés. Au cas où l'existence d'une contrainte serait constatée, les autorités de l'état civil devraient la dénoncer d'office. Le projet prévoit en outre l'ajout de deux nouvelles causes absolues d'annulation du mariage, selon lesquelles le mariage sera déclaré nul si les deux époux n'y ont pas librement consenti ou si l'un des époux est encore mineur. Par ailleurs, il est prévu de faciliter l'application, par l'autorité compétente, des causes d'annulation inscrites dans la loi. Les dispositions pertinentes seront donc complétées de manière à obliger les autorités de la Confédération et des cantons qui ont des raisons de croire qu'un mariage est entaché d'un vice entraînant la nullité à faire part de leurs soupçons à l'autorité compétente pour intenter action, si cela est compatible avec leurs attributions. La loi sur le partenariat sera également modifiée, de manière que les nouvelles règles s'appliquent également aux partenariats enregistrés.

La loi fédérale sur le droit international privé (LDIP) sera complétée d'une réglementation explicite sur l'annulation du mariage facilitant l'application des nouvelles causes d'annulation dans le contexte international. En outre, il est proposé que les mariages forcés soient combattus par un régime plus restrictif, s'agissant des mariages avec des mineurs. Les modifications apportées à la
LDIP se fondent sur une nouvelle conception de l'ordre public suisse. Ainsi, notre pays ne tolérera désormais plus les mariages avec des mineurs conclus sur son territoire entre ressortissants étrangers, tandis que les mariages avec des personnes mineures aux termes du droit suisse conclus à l'étranger ne seront en principe plus autorisés.

L'ajout dans le code pénal d'un article punissant explicitement le mariage forcé renforcera la protection de droit pénal. Selon ce nouvel art. 181a, sera punissable d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire «quiconque, en usant de violence envers une personne, en la menaçant d'un dommage sérieux ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à conclure un mariage ou un partenariat enregistré». La personne qui aura

2046

commis cette infraction à l'étranger sera également punissable si elle se trouve en Suisse et qu'elle n'est pas extradée.

La loi sur les étrangers et la loi sur l'asile seront complétées de dispositions régissant le regroupement familial du conjoint étranger. Ainsi, les autorités compétentes en matière d'étrangers qui suspectent l'existence d'une des causes d'annulation visées aux nouveaux ch. 5 et 6 de l'art. 105 CC devront faire part de leurs soupçons à l'autorité cantonale compétente pour intenter action, définie à l'art. 106 CC. Il est en outre prévu que la procédure d'autorisation du regroupement familial soit suspendue pendant toute la durée de la procédure judiciaire.

Les mesures précises réclamées par la motion Heberlein, en sus des travaux législatifs ayant abouti au présent projet, ne pourront être présentées qu'après l'exécution de la motion Tschümperlin. Celle-ci charge le Conseil fédéral de lancer une étude portant sur les causes, les formes, l'ampleur et la distribution des mariages forcés, s'agissant des victimes potentielles ou réelles. Cette étude doit indiquer où des mesures de lutte ont déjà été prises et quelle est leur portée; elle doit aussi montrer par quelles mesures ciblées supplémentaires la prévention et la protection peuvent être renforcées et étendues.

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Table des matières Condensé

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Sigles de lois utilisés

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1 Grandes lignes du projet 1.1 Contexte 1.1.1 Postulat de la Commission des institutions politiques du Conseil national et motion Heberlein 1.1.2 Motion Tschümperlin 1.1.3 Situation actuelle en droit privé 1.1.3.1 Conclusion d'un mariage 1.1.3.2 Annulation d'un mariage 1.1.4 Situation actuelle sous l'angle du droit international privé 1.1.4.1 Possibilité de contester la validité d'un mariage forcé 1.1.4.2 Mariage conclu avec un mineur 1.1.4.3 Mariage par procuration 1.1.5 Situation actuelle en droit pénal 1.1.5.1 Contrainte au mariage 1.1.5.2 Infraction commise à l'étranger 1.1.6 Situation actuelle en droit des étrangers 1.1.6.1 Réglementation relative au séjour des conjoints étrangers 1.1.6.2 Situation de la victime en cas de dissolution du mariage 1.1.6.3 Incidences sur le droit de séjour de l'auteur de l'acte 1.1.6.4 Mesures liées aux dispositions de la législation sur les étrangers concernant l'intégration 1.2 Nouvelle réglementation préconisée 1.2.1 Droit privé 1.2.2 Droit international privé 1.2.3 Droit pénal 1.2.4 Législation sur les étrangers 1.3 Justification et appréciation des solutions préconisées 1.3.1 Droit privé 1.3.1.1 Complètement des art. 99, al. 1, ch. 3, et 43a CC 1.3.1.2 Complètement de l'art. 105 CC 1.3.1.3 Complètement de l'art. 106 CC 1.3.1.4 Renonciation à des dispositions transitoires 1.3.1.5 Adaptation de la loi sur le partenariat 1.3.1.6 Renonciation à une nouvelle disposition sur l'obligation d'entretien en dehors du mariage 1.3.2 Droit international privé 1.3.2.1 Disposition explicite relative à l'action en annulation d'un mariage présentant un lien avec l'étranger (nouvel art. 45a LDIP) 1.3.2.2 Mariages avec des mineurs et révision de l'art. 44 LDIP 1.3.2.3 Suppression de l'art. 45a LDIP (libellé en vigueur) 1.3.2.4 Pas d'élargissement des conditions d'application prévues à l'art. 45, al. 2, LDIP

2051 2051

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2051 2052 2053 2053 2053 2054 2054 2056 2056 2057 2057 2058 2058 2058 2059 2060 2060 2061 2061 2062 2062 2062 2063 2063 2063 2063 2064 2065 2065 2065 2066 2066 2067 2068 2069

1.3.2.5 Pas de modification des dispositions en matière de mariages par procuration 1.3.3 Droit pénal 1.3.4 Législation sur les étrangers 1.3.4.1 Suspension de la procédure d'autorisation du regroupement familial en cas de soupçon de nullité du mariage 1.3.4.2 Pas d'obligation de disposer de connaissances suffisantes de la langue 1.3.5 Renonciation à une prolongation du délai fixé avant l'extinction du droit au retour au sens de l'art. 61, al. 2, LEtr 1.3.6 Mesures dans les domaines de la prévention et de la protection 1.4 Réglementations en vigueur à l'étranger

2070 2071 2071 2071 2071 2072 2072 2073

2 Commentaire des dispositions 2.1 Droit privé 2.2 Droit international privé 2.3 Droit pénal 2.4 Droit des étrangers

2073 2073 2077 2078 2081

3 Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes 3.2 Conséquences pour l'économie

2083 2083 2083

4 Lien avec le programme de législature

2083

5 Aspects juridiques 5.1 Bases constitutionnelles 5.2 Compatibilité avec les droits fondamentaux 5.2.1 Annulation des mariages forcés et des mariages conclus avec une personne mineure 5.2.2 Suspension de la procédure d'autorisation du regroupement familial du conjoint 5.3 Conformité avec l'accord sur la libre circulation 5.3.1 Annulation des mariages forcés et des mariages conclus avec une personne mineure 5.3.2 Suspension de la procédure d'autorisation du regroupement familial du conjoint

2083 2083 2084

Loi fédérale concernant les mesures de lutte contre les mariages forcés (Projet)

2084 2084 2085 2085 2086

2089

2049

Sigles de lois utilisés LAsi: LEtr: Cst.: CEDH: ALCP: LDIP: LAVI: LPart: CO: CP: OASA: CC: OEC:

2050

Loi du 26 juin 1998 sur l'asile, RS 142.31 Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers, RS 142.20 Constitution, RS 101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, RS 0.101 Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, RS 0.142.112.681 Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé, RS 291 Loi du 23 mars 2007 sur l'aide aux victimes, RS 312.5 Loi du 18 juin 2004 sur le partenariat enregistré, RS 211.231 Code des obligations, RS 220 Code pénal, RS 311.0 Ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative, RS 142.201 Code civil, RS 210 Ordonnance du 28 avril 2004 sur l'état civil, RS 211.112.2

Message 1

Grandes lignes du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Postulat de la Commission des institutions politiques du Conseil national et motion Heberlein

La motion 06.3658 Heberlein du 7 décembre 2006 chargeait le Conseil fédéral d'engager immédiatement les travaux législatifs nécessaires (modification du droit pénal, du droit privé, de la législation sur les étrangers, etc.) et de prendre les mesures requises pour empêcher les mariages forcés et les mariages arrangés, pour assister efficacement les victimes (en les aidant à s'en sortir, en leur offrant une nouvelle identité, etc.) et pour protéger leurs droits fondamentaux.

Le 14 février 2007, le Conseil fédéral proposait de rejeter la motion, jugeant inapproprié d'y accéder avant la parution de son rapport intitulé «Répression des mariages forcés et des mariages arrangés» élaboré en réponse au postulat 05.3477 du 9 septembre 2005 de la Commission des institutions politiques du Conseil national.

Malgré l'avis défavorable du Conseil fédéral, le Conseil des Etats accepta la motion Heberlein par 23 voix contre 5 en date du 21 mars 2007 (BO 2007 E 285).

Mi-novembre 2007, le Conseil fédéral remettait son message relatif au postulat 05.3477, dans lequel il concluait à la nécessité ­ ou envisageait sérieusement ­ d'adopter de nouvelles normes dans les domaines suivants: ­

Droit privé: 1) Elargissement du pouvoir d'examen de l'office de l'état civil concernant la libre volonté des fiancés (art. 99 CC), 2) Ajout du mariage forcé comme nouvelle cause absolue de nullité sans limite dans le temps (art. 105 CC), 3) Devoir d'information de l'officier de l'état civil à l'égard des fiancés sur la question de la libre volonté (art. 65 OEC);

­

Droit international privé: 1) Adoption d'un régime restrictif quant à l'âge minimum exigé pour contracter le mariage (art. 44, al. 2, et 45a LDIP), 2) Reconnaissance limitée des mariages conclus par procuration (art. 45 LDIP);

­

Droit pénal: 1) Trois variantes: (a) Statu quo, c.-à-d. mariages forcés sanctionnés en tant que contrainte au sens de l'art. 181 CP, (b) Mention expresse du mariage forcé à l'art. 181 CP en tant que contrainte aggravée, avec durcissement éventuel de la peine, (c) Introduction d'une nouvelle norme pénale «Mariage forcé» en tant que contrainte qualifiée; 2) Elargissement de la compétence juridictionnelle de la Suisse aux actes commis à l'étranger dans le cas d'un mariage forcé (art. 5 et art. 7 CP);

­

Droit des étrangers: 1) Age minimum fixé à 18 ans (variante: 21 ans) pour le regroupement familial de l'époux étranger ou pour contracter mariage lorsque le mariage doit être reconnu selon les normes de droit international; 2) Obligation de justifier de connaissances linguistiques suffisantes pour l'entrée en Suisse d'un conjoint étranger au bénéfice du regroupement familial.

En outre, le message établissait une liste de mesures possibles dans les domaines de la prévention et de la protection des victimes.

2051

Le 12 mars 2008, le Conseil national approuvait la motion Heberlein dans une version modifiée: la mention des mariages arrangés fut supprimée du texte de la motion. Le Conseil des Etats s'est rallié à cette modification le 2 juin 2008. En l'occurrence, l'argument décisif a été le suivant: «De l'avis du Conseil fédéral, il ne s'impose de légiférer qu'en ce qui concerne les mariages forcés parce qu'ils violent le droit d'autodétermination des personnes touchées. En revanche, un mariage arrangé peut déboucher sur une union librement consentie. En pareil cas, il n'y a pas atteinte au libre arbitre des personnes concernées.» (trad.) (BO 2008 E 355 [Intervention Widmer-Schlumpf]). Le libellé de la motion modifiée est le suivant: Le Conseil fédéral est chargé d'engager immédiatement les travaux législatifs nécessaires (modification du droit pénal, du droit privé, de la législation sur les étrangers, etc.) et de prendre les mesures requises pour empêcher les mariages forcés, pour assister efficacement les victimes (en les aidant à s'en sortir, en leur offrant une nouvelle identité, etc.) et pour protéger leurs droits fondamentaux.

Le Conseil fédéral s'est acquitté de ce mandat législatif en présentant un avantprojet de loi fédérale concernant les mesures de lutte contre les mariages forcés, incluant la conclusion de partenariats enregistrés obtenus par la contrainte, accompagné d'un rapport explicatif. L'avant-projet a fait l'objet d'une procédure de consultation entre le mois de novembre 2008 et le 15 février 2009. Les résultats de la consultation ont été dépouillés par le DFJP, qui les a compilés dans un rapport final. Il ressort de ce rapport, paru en octobre 2009, qu'une large majorité des participants à la consultation a approuvé les mesures législatives proposées.

1.1.2

Motion Tschümperlin

La motion 09.4229 Tschümperlin «Aider efficacement les victimes de mariages forcés», transmise par le Parlement en juin 2010, charge le Conseil fédéral «de prendre, après étude approfondie, des mesures supplémentaires pour lutter contre les mariages forcés. Ces mesures doivent permettre d'aider directement et efficacement les victimes (étude et programme de lutte contre les mariages forcés)».

Dans son développement, la motion propose de mener une étude approfondie se fondant sur le rapport 2007 du Conseil fédéral, concernant les formes, l'ampleur, les causes et la distribution des mariages forcés s'agissant des victimes potentielles ou réelles. Cette étude aurait également pour but de référencer les mesures déjà prises.

Enfin, elle devrait permettre de définir les mesures complémentaires nécessaires au renforcement et au développement des domaines de la prévention et de la protection.

L'aboutissement de cette étude consisterait à définir un programme de mesures ciblées visant à soutenir et à protéger discrètement et de façon efficace les victimes sur le terrain (sensibilisation, points de contact, conseils, protection).

Renvoyant aux démarches déjà entreprises dans les domaines de la prévention et de la protection, notamment par l'Office fédéral de la migration (cf. ch. 1.1.6.4), le Conseil fédéral avait proposé de rejeter la motion.

2052

1.1.3

Situation actuelle en droit privé

1.1.3.1

Conclusion d'un mariage

Le mariage se forme par l'échange des consentements devant l'officier de l'état civil (art. 102, al. 2, CC). L'échange des «oui» a un effet constitutif. La déclaration officielle de l'officier de l'état civil (art. 102, al. 3, CC) n'a qu'une valeur déclarative.

La volonté de se marier doit être formée librement et ne doit pas reposer sur une erreur, un dol ou être prise sous l'emprise d'une menace. S'il apparaît que le consentement de l'un des fiancés est manifestement vicié, l'officier de l'état civil doit refuser de célébrer le mariage, en application de la liberté fondamentale qu'est le droit au mariage (art. 35, al. 2, en relation avec l'art. 14 Cst.).

A titre de mesure d'urgence visant à lutter contre les mariages forcés, l'art. 65 OEC a été complété d'un al. 1bis avec effet au 1er janvier 2011. L'art. 65, al. 1bis, a la teneur suivante: «Il [L'officier de l'état civil] rappelle aux fiancés que le mariage suppose leur libre volonté». Une disposition similaire, interdisant les partenariats forcés, est prévue dans l'OEC (art. 75d, al. 1bis). En outre, les formulaires relatifs à la préparation du mariage ­ notamment le formulaire intitulé «déclaration relative aux conditions du mariage», dont le texte comporte déjà la mention du caractère pénal de la bigamie et de la pluralité des partenariats enregistrés (art. 215 CP) ainsi que de l'obtention frauduleuse d'une constatation fausse (art. 253 CP) ­, ont été complétés d'une indication se référant à la libre volonté des fiancés comme condition nécessaire à la conclusion du mariage et d'une mention soulignant le caractère pénal de toute contrainte au mariage. L'officier de l'état civil est en outre habilité à prononcer d'autres mesures, que ce soit d'office ou sur requête; il peut notamment convoquer les fiancés ou les personnes désirant enregistrer leur partenariat, conjointement ou individuellement, à un entretien personnel.

1.1.3.2

Annulation d'un mariage

En vertu de l'adage nulla annullatio matrimonii sine lege (pas de nullité sans texte), les mariages célébrés devant un officier de l'état civil ne peuvent être annulés que pour l'un des motifs expressément prévus par la loi. Dans ce registre, les principes généraux du droit des obligations ne s'appliquent pas. Compte tenu des rapports créés par le mariage, profonds et durables, l'annulation du mariage entaché de vices graves ne rétroagit pas, mais produit ses effets à compter de l'entrée en force du jugement (effets ex nunc) ­ les simples irrégularités comme l'absence de deux témoins majeurs lors de la célébration (art. 102, al. 1, CC) ou le non-respect du délai légal séparant la clôture de la procédure préparatoire de la célébration du mariage (art. 100, al. 1, CC) restant sans effet. Font toutefois exception ici les droits successoraux du conjoint survivant (cf. art. 109 CC).

Lorsque l'union est entachée d'un vice essentiel, parce qu'elle n'a, par exemple, pas été contractée devant un officier de l'état civil, le mariage n'a pas été valablement conclu aux yeux de la loi (mariage inexistant, matrimonium non existens). Dans un tel cas, l'union ne déploie aucun effet juridique. Elle n'a donc pas besoin d'être annulée. Toute personne intéressée est néanmoins habilitée à en invoquer la nonexistence par le biais d'une action en constatation.

2053

Le code civil distingue entre causes absolues et causes relatives d'annulation. Les causes absolues d'annulation sont prévues à l'art. 105 CC, à savoir l'existence d'un mariage antérieur, l'incapacité durable de discernement, le lien de parenté prohibé et le mariage contracté dans le but d'éluder les règles sur l'admission et l'entrée des étrangers. Elles sont notamment établies dans un but d'intérêt public. Dans le cadre de l'art. 105 CC, toute personne intéressée a la qualité pour agir. L'autorité cantonale compétente a par ailleurs l'obligation d'agir d'office. L'action en annulation peut être intentée en tout temps.

Les causes relatives d'annulation sont prévues à l'art. 107 CC. Ces causes sont l'incapacité passagère de discernement, l'erreur de déclaration, le dol et la menace.

Il s'agit de motifs d'annulation établis principalement dans l'intérêt des époux. Deux éléments distinguent la réglementation de l'art. 107 CC de celle de l'art. 105 CC.

Tout d'abord, seuls les époux sont habilités à intenter action. Par ailleurs, la disposition prévoit un délai de prescription relatif de six mois à compter du jour où le vice a été découvert par l'époux qui est victime ou à compter de la disparition du vice invoqué, et un délai de prescription absolu de cinq ans dès la célébration du mariage.

En l'état actuel du droit, seul un mariage forcé conclu sous l'emprise d'une menace grave, c.-à-d. «sous la menace d'un danger grave et imminent pour la vie, la santé ou l'honneur de la victime, ou de l'un de ses proches» peut être annulé au sens de l'art. 107 CC. En outre, l'action ne peut être intentée que par l'époux qui en est victime, et ce, durant un laps de temps déterminé. Le temps est censé avoir un effet réparateur de sorte qu'après l'écoulement du délai légal, il est présumé de manière irréfragable que l'époux victime d'un mariage forcé l'a accepté. Seule une procédure de divorce est alors susceptible de mettre un terme au mariage.

1.1.4

Situation actuelle sous l'angle du droit international privé

1.1.4.1

Possibilité de contester la validité d'un mariage forcé

Un mariage valablement célébré à l'étranger est reconnu en Suisse, en vertu de l'art. 45, al. 1, LDIP, à moins que la fiancée ou le fiancé soient suisses ou que tous deux aient leur domicile en Suisse et que le mariage ait été célébré à l'étranger dans l'intention manifeste d'éluder les dispositions sur l'annulation du mariage prévues par le droit suisse (art. 45, al. 2, LDIP). De l'avis dominant, le législateur se réfère ici à l'art.105 CC (causes absolues d'annulation du mariage (cf. ch. 1.1.3.2) et non à l'art. 107 CC (causes relatives).

Outre les cas prévus à l'art. 45, al. 2, LDIP, la reconnaissance d'un mariage célébré à l'étranger doit être refusée si ce mariage est manifestement incompatible avec l'ordre public suisse ou s'il a été conclu en violation de principes fondamentaux ressortissant à la conception suisse du droit de procédure (art. 27, al. 1 ou al. 2, let. b, LDIP). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il y a atteinte à l'ordre public au sens de l'art. 27, al. 1, LDIP, «lorsque la reconnaissance et l'exécution d'une décision étrangère heurtent de manière intolérable les conceptions suisses de la justice parce qu'elles violent des dispositions fondamentales du droit suisse» (ATF 131 III 182 c. 4.1 p. 185).

2054

Selon la conception dominante, l'ordre public suisse est manifestement violé en cas de bigamie ou de mariage entre proches parents. En revanche, il est beaucoup plus complexe de cerner les vices de consentement lors de la conclusion d'un mariage.

Selon l'art. 107 CC, seul l'époux forcé à se marier peut demander l'annulation du mariage pour vice de consentement. A la différence de l'art. 105 CC, l'autorité n'est pas habilitée à intenter d'office une action en annulation du mariage (cf. ch. 1.1.3.2).

Il découle de cette situation qu'une remise en cause de la validité d'un mariage dans le cadre de la procédure de reconnaissance ne pourrait avoir lieu qu'à la demande de l'époux qui a été forcé à se marier. La logique voudrait donc qu'en matière de mariages forcés conclus à l'étranger, l'art. 107 CC s'applique également. Cette conception satisferait aux exigences de l'ordre public. Ainsi, si le mariage contracté de force à l'étranger peut être attaqué dans la même mesure que le mariage forcé conclu en Suisse, le fait que le mariage étranger ait pu être reconnu dans un premier temps ne porte pas atteinte à l'ordre public.

Ainsi, dans le cadre de l'art. 32 LDIP, un mariage forcé valablement conclu à l'étranger doit être reconnu dans un premier temps et transcrit dans les registres de l'état civil suisse. Si le mariage a été contesté ou si la victime s'oppose à sa transcription, l'autorité cantonale de surveillance est tenue d'en faire bloquer la divulgation, en vertu de l'art. 46 OEC, jusqu'à ce que le jugement ait été rendu ou que le délai de six mois prévu pour la contestation (art. 108 CC) ait expiré sans avoir été utilisé. Si le juge annule le mariage, cette mesure est inscrite au registre de l'état civil.

Si les bases légales actuelles permettent déjà d'appliquer l'art 107, ch. 4, CC aux mariages forcés conclus à l'étranger, elles comportent toutefois certaines lacunes, ou leur application est entachée d'une certaine insécurité juridique.

Selon la conception dominante, le droit applicable aux actions en annulation du mariage se détermine par application analogique de l'art. 61 LDIP, dont l'al. 1 renvoie en premier lieu au droit suisse. Son al. 2 prévoit certes une exception, si les époux ont une nationalité étrangère commune et qu'un seul est domicilié en Suisse.

Mais l'al. 3 relativise cette
exception, dans les cas où le droit national étranger commun ne permet pas la dissolution du mariage ou la soumet à des conditions extraordinairement sévères. Par ailleurs, l'al. 3 exige bien un lien suffisant avec la Suisse ­ l'un des époux devant être suisse ou résider depuis plus de deux ans en Suisse. Mais il y a lieu de renoncer à exiger un tel lien dans l'optique de l'annulation des mariages forcés. En effet, l'application d'un droit étranger excluant en pareil cas l'annulation du mariage pourrait être considérée comme contraire à l'ordre public.

En outre, il y a lieu de relever que l'avant-projet du DFJP sur le partage de la prévoyance dans le cadre d'un divorce prévoit d'abroger les al. 2 à 4 de l'art. 61 LDIP.

Cette proposition a été bien reçue lors de la procédure de consultation et il est probable qu'elle figurera dans le message du Conseil fédéral. Si les deux Chambres devaient y être favorables, le droit suisse serait alors d'office applicable à toute procédure de divorce ou toute autre procédure en dissolution du mariage.

Une autre complication découle du fait que, selon la doctrine dominante, les différents motifs conduisant à l'annulation du mariage sont en principe régis par un droit différent de celui qui régit l'action en annulation elle-même. Le droit applicable est ici déterminé par référence à l'art. 44, al. 2, LDIP qui désigne le droit pertinent relatif aux conditions de la conclusion d'un mariage. Cette manière de procéder est toutefois soumise à la réserve de l'ordre public suisse (art. 17 LDIP) auquel ­ comme nous l'avons déjà vu ­ l'art. 107, al. 4, CC doit être rattaché. On peut même 2055

se demander si la disposition ne devrait pas être qualifiée de «disposition impérative de droit suisse» au sens de l'art. 18 LDIP. Dans un tel cas, son application s'imposerait dans les affaires présentant un lien international, quel que soit le droit applicable prévu par la LDIP.

En vertu de l'art. 59 LDIP, qui s'applique aussi par analogie aux actions en annulation d'un mariage, les tribunaux suisses sont compétents si l'un des époux réside en Suisse. Toutefois, un époux ne peut intenter action à son propre domicile que s'il réside en Suisse depuis au moins une année ou qu'il est de nationalité suisse. Si les époux ne sont pas domiciliés en Suisse, mais qu'une partie est de nationalité suisse, l'action peut être intentée à son lieu d'origine, à la condition qu'elle ne puisse l'être au domicile de l'un des époux à l'étranger ou qu'on ne puisse raisonnablement exiger qu'elle le soit (art. 60 LDIP). Dans ces deux cas, l'action peut être intentée en Suisse même si aucune des parties ne possède la nationalité suisse, à condition que la cause présente un lien avec notre pays (art. 3 LDIP). Dans le contexte qui nous occupe, il conviendra d'appliquer cette exception de manière large, puisqu'il s'agit de mettre en oeuvre un droit protégé par l'ordre public. Pour les mêmes raisons, une partie de la doctrine recommande de ne pas appliquer la condition restrictive prévue à l'art. 59 LDIP aux actions intentées au domicile de la partie demanderesse.

1.1.4.2

Mariage conclu avec un mineur

Il arrive fréquemment que les mariages forcés concernent des mineurs. En Suisse, les fiancés doivent être âgés de 18 ans révolus pour contracter mariage (art. 94, al. 1, CC). Selon l'art. 44, al. 2, LDIP, le mariage entre étrangers peut être célébré même si l'un des deux a moins de 18 ans, si cela satisfait aux conditions prévues par le droit national de l'un des fiancés. Selon l'art. 45, al. 1, LDIP, un mariage valablement célébré à l'étranger avec une personne mineure doit être reconnu en Suisse.

Ces deux dispositions sont toutefois soumises à la réserve de l'ordre public suisse (art.17 et 27, al. 1, LDIP): elles ne sont applicables qu'à la condition que l'âge des fiancés mineurs ne se situe pas en-dessous d'un certain seuil. Dans plusieurs avis de droit qu'il a rendus dans des cas d'espèce, l'Office fédéral de la justice a estimé qu'il fallait refuser de reconnaître les mariages contractés avec des personnes de moins de 16 ans, à moins que ces personnes n'aient atteint dans l'intervalle l'âge minimum requis.

1.1.4.3

Mariage par procuration

Il arrive que des mariages forcés soient conclus par procuration. La conclusion d'un mariage par procuration n'est pas possible en Suisse où les déclarations de volonté concordantes des fiancés, personnellement présents, forment l'un des éléments constitutifs d'un mariage valable. Un tel mariage célébré en Suisse serait donc nul.

En revanche, certains ordres juridiques étrangers connaissent l'institution du mariage par procuration. Il convient dès lors d'examiner si de tels mariages doivent être reconnus en Suisse.

Dans un arrêt de 1996 (Pra 1997 no 11, p. 48 ss), le Tribunal fédéral a laissé en suspens la question de savoir si un mariage conclu par procuration était, par principe, incompatible avec l'ordre public suisse. Dans l'arrêt mentionné, il a considéré 2056

que le mariage conclu par procuration en Bosnie Herzégovine était contraire à l'ordre public, au motif que la procuration établie au nom du fiancé avait en réalité été rédigée et signée par la fiancée. La Commission suisse de recours en matière d'asile (CRA, Tribunal administratif fédéral [TAF] depuis le 1.1.2007) a pour sa part conclu qu'un mariage contracté par procuration n'est pas, en soi, contraire à l'ordre public suisse, pour autant que la procuration soit valable et que les époux se considèrent comme mariés, avec les droits et obligations que ce statut implique (décisions et communications de la CRA (JICRA) 2006 7/63, cons. 4.7).

La doctrine considère, comme la CRA, que le simple fait d'avoir conclu un mariage par procuration à l'étranger ne constitue pas une raison suffisante pour refuser de le reconnaître.

Un mariage conclu à l'étranger peut être reconnu s'il n'est pas manifestement incompatible avec l'ordre public suisse non seulement sous l'angle du droit matériel (art. 27, al. 1, LDIP) mais encore sous celui des principes fondamentaux du droit de procédure (art. 27, al. 2, let. b, LDIP). De ce dernier point de vue également, rien ne s'oppose à la reconnaissance d'un mariage conclu par procuration. Même si le fait de donner procuration revêt un aspect procédural, la personne qui a choisi de se faire représenter l'a fait de son propre chef (à moins qu'il ne s'agisse du cas spécial d'un mariage forcé. Les droits fondamentaux qui sont les siens dans le cadre de la procédure (notamment, le droit d'être entendu) ne sont donc pas lésés.

On ne saurait donc refuser de reconnaître un mariage conclu à l'étranger au seul motif qu'il l'a été par procuration, à condition que le représentant ait reçu une procuration en bonne et due forme de la personne pour laquelle il agit. En l'absence d'une telle procuration, force est de conclure à l'inexistence du mariage au sens de la LDIP.

1.1.5

Situation actuelle en droit pénal

1.1.5.1

Contrainte au mariage

Sous l'empire du droit en vigueur, les mariages forcés tombent sous le coup de l'art. 181 CP sanctionnant la contrainte. Cet article a la teneur suivante: Celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

La contrainte est l'élément constitutif central des infractions contre la liberté. Dans le cas d'un mariage forcé, il est concevable que l'on ait affaire non seulement à la contrainte, mais encore à d'autres infractions telles que les lésions corporelles graves (art. 122 CP), les lésions corporelles simples (art. 123 CP), les voies de fait (art. 126 CP), les menaces (art. 180 CP), la séquestration et l'enlèvement (art. 183 CP), les actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP), la contrainte sexuelle (art. 189 CP), le viol (art. 190 CP), la violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP), enfin l'enlèvement de mineur (art. 220 CP).

2057

1.1.5.2

Infraction commise à l'étranger

Même en l'absence d'indications concrètes, on peut considérer que des mariages forcés existent en Suisse, mais qu'ils sont conclus, le plus souvent, dans les pays d'origine des personnes concernées. La question se pose donc de savoir si, en de pareils cas, la compétence juridictionnelle de la Suisse est fondée et si le droit pénal suisse s'applique.

En principe, le droit pénal suisse s'applique à toute infraction commise en Suisse ou y ayant fait l'objet d'une tentative. Un mariage forcé ­ ou une tentative de mariage forcé ­ survenu en Suisse peut y être poursuivi, même si la victime ou l'auteur est de nationalité étrangère (art. 3, al. 1, CP, principe de territorialité). Par contre, l'auteur d'un mariage forcé survenu à l'étranger ne peut être poursuivi en Suisse que si l'acte est aussi réprimé dans l'Etat où il a été commis ou que le lieu de commission de l'acte ne relève d'aucune juridiction pénale, si l'auteur se trouve en Suisse ou qu'il est remis à la Suisse en raison de cet acte et si, selon le droit suisse, l'acte peut donner lieu à l'extradition de l'auteur, mais que celui-ci n'est pas extradé (art. 7, al. 1, CP). Si ni les auteurs ni les victimes ne sont de nationalité suisse, l'acte ne pourra être poursuivi en Suisse que si l'Etat étranger a exigé l'extradition et qu'elle a été refusée pour un motif autre que la nature de l'acte, ou si l'auteur a commis un crime particulièrement grave (art. 7, al. 2, CP).

S'il y a lieu de juger des coauteurs qui ont agi en Suisse, ceux-ci relèvent de la juridiction pénale suisse même si le mariage forcé a été conclu à l'étranger puisque, selon la doctrine et la jurisprudence qui prévalent, la qualité de co-auteur fonde une compétence juridictionnelle dans tous les lieux où les différents co-auteurs ont agi.

En revanche, dans le cas d'un mariage conclu à l'étranger sous la contrainte, les instigateurs et les complices ayant agi en Suisse ne sont punissables que si le mariage forcé auquel ils ont contribué est également punissable selon le droit en vigueur dans le lieu où il a été commis (caractère accessoire).

Si un mariage forcé contracté à l'étranger donne lieu par la suite, en Suisse, à d'autres formes de contrainte ou d'autres infractions, leurs auteurs tomberont sous le coup des dispositions pénales pertinentes.

1.1.6

Situation actuelle en droit des étrangers

1.1.6.1

Réglementation relative au séjour des conjoints étrangers

Les dispositions de la législation sur les étrangers qui traitent du regroupement des époux visent à permettre aux concernés de vivre leur union librement consentie en Suisse (art. 42 ss et 85, al. 7, LEtr, art. 51 LAsi, ALCP, art. 8 CEDH).

Selon le droit en vigueur, un conjoint de nationalité étrangère, marié à un ressortissant suisse ou au titulaire d'un titre d'établissement peut, dans le cadre du regroupement familial, prétendre à l'obtention d'une autorisation de séjour ou à la prolongation de celle-ci, à la condition de faire ménage commun avec lui (art. 42, al. 1, et 43, al. 1, LEtr). Après un séjour légal ininterrompu de cinq ans, le conjoint ayant bénéficié du regroupement familial a droit à l'octroi d'une autorisation d'établissement (art. 42, al. 3, et 43, al. 2, LEtr). Le conjoint d'une personne au bénéfice 2058

d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation de courte durée peut prétendre à une autorisation de séjour ou à une autorisation de courte durée (art. 44 et 45 LEtr).

Lorsque le droit au regroupement familial du conjoint étranger est invoqué de façon abusive, notamment dans le but d'éluder la loi sur les étrangers et ses dispositions d'exécution relatives à l'admission et au séjour, ce droit s'éteint. C'est le cas par exemple des mariages de complaisance où l'union conjugale est inexistante (art. 51 LEtr).

Si le mariage a été célébré à l'étranger, le conjoint étranger d'un ressortissant suisse ne peut prétendre à l'octroi d'une autorisation de séjour que si le mariage est reconnu en Suisse. Si les deux époux sont de nationalité étrangère et que le mariage a été célébré à l'étranger, la reconnaissance du mariage par les autorités d'état civil n'est généralement pas possible ni requise, étant donné qu'il n'existe aucun rapport avec le registre d'état civil suisse. La police des étrangers dans le futur canton de domicile décide alors seule si le mariage contracté à l'étranger peut être reconnu en accord avec les dispositions sur le regroupement familial (cf. ch. 1.1.4.1). Le cas échéant ­ notamment lorsque l'un des époux est mineur ­, l'autorité de l'état civil ou l'autorité en matière d'étrangers compétente examinera également si l'ordre public suisse ne s'oppose pas à la reconnaissance du mariage contracté à l'étranger (cf. ch. 1.1.4.2).

Pour les ressortissants des pays membres de l'UE et de l'AELE, le regroupement familial du conjoint est régi par l'ALCP (art. 2, al. 2 et 3 LEtr; cf. ch. 5.3.2).

1.1.6.2

Situation de la victime en cas de dissolution du mariage

Différents cas de figure sont ici possibles:

1

­

La victime bénéficie d'un droit de séjour en Suisse sans lien avec le mariage et aucune autorisation n'a par conséquent été prononcée dans le cadre d'un regroupement familial du conjoint. Elle ne doit donc escompter aucune répercussion relevant du droit des étrangers en cas de dissolution du mariage.

­

La victime a bénéficié d'un regroupement familial pour rejoindre son conjoint de nationalité suisse ou de nationalité étrangère titulaire d'une autorisation d'établissement. Dans un tel cas, le droit des étrangers prévoit qu'en cas de dissolution du mariage, le conjoint a droit à l'octroi d'une autorisation de séjour ou à sa prolongation si l'union conjugale a duré au moins trois ans et que l'intégration est réussie, ou encore si la poursuite du séjour en Suisse s'impose pour des raisons personnelles majeures (art. 50, al. 1, LEtr). On se trouve notamment en présence de telles raisons lorsque le conjoint est victime de violences conjugales (art. 50, al. 2, LEtr). Cela vaut également pour les personnes victimes d'un mariage forcé.1

Cf. à ce sujet le guide «Häusliche Gewalt im Rahmen der Migrationsproblematik» publié par le canton de Saint-Gall, où il est dit que les victimes de violences domestiques et de mariages forcés, dont l'autorisation de séjour en Suisse prendrait normalement fin avec la dissolution du mariage, conservent leur droit de résidence. La prolongation de l'autorisation de séjour annuelle peut être soumise à certaines conditions, par exemple la participation à un cours de langue ou la recherche active d'un emploi.

2059

­

La victime est venue rejoindre son conjoint étranger titulaire d'une autorisation de séjour. Dans ce cas, elle ne peut prétendre à l'octroi d'une autorisation de séjour ni à sa prolongation. L'art. 77 OASA prévoit cependant que l'autorité cantonale compétente peut également décider de prolonger l'autorisation de séjour après la dissolution du mariage si les conditions énoncées à l'art. 50 LEtr sont remplies.

­

La victime ne bénéficiait encore d'aucune autorisation. Elle ne peut dès lors plus prétendre à l'obtention d'un titre de séjour, puisque le mariage ­ condition à l'obtention ­ n'existe plus.

1.1.6.3

Incidences sur le droit de séjour de l'auteur de l'acte

En cas de mariage forcé, la contrainte peut être exercée par l'autre conjoint, mais aussi par des membres de la famille ou des tiers. Si les auteurs de l'acte sont des ressortissants étrangers, il est possible de prendre des mesures à leur encontre en vertu du droit sur les étrangers (refus du droit au regroupement familial sur la base de l'art. 51 ou révocation d'une autorisation en vertu des art. 62 et 63 LEtr).

Si l'auteur de l'acte a déposé une demande de regroupement familial, il devra répondre non seulement d'une atteinte à la sécurité et à l'ordre publics, mais encore de la dissimulation de faits essentiels durant la procédure d'autorisation (art. 51, al. 1, let. b et al. 2, let. b, 62, let. a, et 63, al. 1, let. a, LEtr).

L'appréciation de l'opportunité d'annuler ou de ne pas prolonger l'autorisation se fait sur la base d'une pesée d'intérêts. Il est tenu compte de la durée du séjour en Suisse, de l'intégration professionnelle et sociale ainsi que, élément prépondérant, de la gravité de la faute. Au vu de la gravité de l'infraction, cette mise en balance débouchera en règle générale sur une décision de refoulement de l'auteur pour motif d'intérêt public.

1.1.6.4

Mesures liées aux dispositions de la législation sur les étrangers concernant l'intégration

L'intégration des ressortissants étrangers constitue une exigence essentielle en droit des étrangers. L'art. 54 LEtr notamment prévoit que l'octroi d'une autorisation de séjour ou sa prolongation peut être lié à sa participation à un cours de langue ou à un cours d'intégration. Cette disposition s'applique également aux époux des personnes titulaires d'une autorisation de séjour ou d'établissement en Suisse, mais pas aux ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE.

Selon l'art. 56 LEtr, la Confédération, les cantons et les communes doivent veiller à ce qu'une information appropriée soit dispensée aux étrangers concernant les conditions de vie et de travail en Suisse et en particulier leurs droits et obligations. La Conférence tripartite sur les agglomérations a rédigé un rapport daté du 30 juin 2008 sur la mise en oeuvre de cette disposition («Mise en oeuvre du mandat d'information selon art. 56 LEtr»). Le rapport propose une répartition des tâches et confie à la Confédération le soin de dispenser une information sur tous les thèmes d'envergure nationale. Les mariages forcés en sont un. L'Office fédéral des migrations (ODM) a récemment publié une brochure en treize langues contenant des informations de base 2060

à l'attention des nouveaux immigrants, dans lequel les mariages forcés sont également abordés.

L'art. 57 LEtr charge l'ODM de coordonner les mesures d'intégration des étrangers prises par les services fédéraux et d'assurer l'échange d'informations et d'expériences avec les cantons. Dans ce contexte, l'ODM a mis sur pied un atelier de discussion et d'information sur le thème des mariages forcés qui a eu lieu le 16 octobre 2008. Une trentaine de participants environ y ont pris part. Cette assemblée était constituée de représentants de la Confédération et des cantons, d'ONG, d'organismes de défense de la femme, de membres de la Commission fédérale pour les questions de migration et de différents représentants de la diaspora. A cette occasion, il a été établi qu'un réel besoin d'information et de sensibilisation se faisait sentir, tant au niveau des victimes potentielles (jeunes, membres de la famille) qu'au niveau des professionnels confrontés à la problématique des mariages forcés.

Fort de ce constat, l'ODM a lancé une action de sensibilisation aux mariages forcés proposant une série de projets pilotes visant à mettre sur pied des bonnes pratiques pour l'information des différents groupes touchés. Les organisations suivantes disposant d'une certaine expérience en matière de mariages forcés ont contribué aux différents projets: Terre des Femmes (coordination), l'unité spécialisée en matière d'égalité de la ville de Zurich («Fachstelle für Gleichstellung») et le centre de formation lucernois dans le domaine de la violence conjugale («Bildungsstelle Häusliche Gewalt»), le service de la cohésion multiculturelle de Neuchâtel, le centre de conseil aux étrangers de la GGG de Bâle-Ville («Ausländerberatung der GGG ­ Gesellschaft für das Gute und Gemeinnützige»), le service aux étrangers de BâleCampagne et l'ONG zwangsheirat.ch. Le budget consacré à ce projet a été arrêté à 620 876 francs. pour la période de 2009 à 2011.

L'ancienne Commission fédérale des étrangers (aujourd'hui remplacée par la Commission fédérale pour les questions de migration) s'était déjà attaquée au problème des mariages forcés et avait formulé des recommandations sur ce thème en décembre 2007.

1.2

Nouvelle réglementation préconisée

1.2.1

Droit privé

La première modification proposée vise à compléter l'al. 1, ch. 3, de l'art. 99 CC, qui règle la procédure préparatoire du mariage, d'une formule précisant que l'office de l'état civil s'assure en outre qu'il n'existe aucun élément permettant de conclure que la demande n'est manifestement pas l'expression de la libre volonté des fiancés.

A cela vient s'ajouter l'obligation faite aux autorités de l'état civil de dénoncer aux autorités compétentes les mariages forcés et les autres infractions pénales constatés (nouvel art. 43a, al. 3bis, CC).

Une deuxième proposition de modification porte sur les causes de nullité absolues au sens de l'art. 105 CC. Celles-ci sont complétées de deux cas de figure, celui où le mariage a été conclu en violation de la libre volonté des époux (art. 105, ch. 5), et celui où l'un des époux au moins n'avait pas 18 ans au moment de la célébration du mariage (art. 105, ch. 6).

2061

Par ailleurs, l'art. 106, al. 1, CC est complété d'une nouvelle phrase, en vertu de laquelle les autorités de la Confédération et des cantons seront désormais tenus de signaler à l'autorité compétente pour intenter action les mariages pour lesquels ils ont des raisons de croire qu'un mariage est entaché d'un vice entraînant la nullité au sens des nouveaux ch. 5 et 6 ou des ch. 1 à 4 actuels de l'art. 105 CC. L'obligation de signaler ne s'appliquera que dans la mesure où elle sera compatible avec les attributions de l'autorité concernée.

La loi sur le partenariat est également adaptée (art. 6, al. 1, 9, al. 1, let. d et e, et 2, LPart), afin de garantir l'égalité devant la loi et d'éviter des lacunes juridiques.

1.2.2

Droit international privé

L'art. 45a LDIP est entièrement reformulé, pour faciliter la mise en oeuvre, dans le contexte international, des nouvelles causes de nullité du mariage. Le nouvel article contient des règles explicites applicables aux actions en annulation du mariage.

En outre, on se fondera désormais exclusivement sur le droit suisse pour déterminer si les conditions autorisant un mariage en Suisse sont réunies (art. 44 LDIP).

L'art. 44, al. 2, LDIP, et le renvoi à cet article contenu dans l'art. 65a LDIP sont supprimés.

La proposition d'abroger l'art. 44, al. 2, LDIP et celle de compléter l'art. 105 CC d'un nouveau ch. 6 (cf. ch. 1.2.1) se fondent sur une nouvelle conception de l 'ordre public. L'interdiction faite aux Suisses de se marier avant d'avoir atteint l'âge adulte sera étendue à tous les ressortissants étrangers. De même, notre pays ne tolérera plus en principe les mariages avec des mineurs qui auront été conclus à l'étranger.

L'art. 45a LDIP n'a donc plus lieu d'être en l'état. Il est remplacé par le nouvel art. 45a relatif à l'annulation du mariage.

1.2.3

Droit pénal

La nouvelle norme pénale «Mariage forcé, partenariat forcé» (art. 181a, CP) érige le mariage et le partenariat forcés en forme qualifiée de la contrainte. La formule «l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire» utilisée dans l'art. 181 CP actuel est remplacée par «l'oblige à conclure un mariage ou un partenariat enregistré». La peine maximale est quant à elle portée à cinq ans. Le nouvel article prévoit également la possibilité de poursuivre la personne qui aura commis l'infraction à l'étranger.

1.2.4

Législation sur les étrangers

Il est également proposé de compléter les dispositions sur le regroupement familial du conjoint étranger figurant dans la loi sur les étrangers et dans la loi sur l'asile. Le projet prévoit que les autorités compétentes en matière d'étrangers qui suspecteraient l'existence d'une cause d'annulation au sens des nouveaux ch. 5 et 6 de l'art. 105 CC communiquent leurs soupçons à l'autorité cantonale compétente pour intenter action, définie à l'art. 106 CC. La procédure d'autorisation du regroupement 2062

familial sera alors suspendue jusqu'à la décision de cette autorité. Si celle-ci décide d'intenter action, la suspension sera prolongée jusqu'à la fin de la procédure judiciaire.

Par ailleurs, l'art. 50 LEtr est complété d'une disposition prévoyant explicitement la possibilité d'autoriser la victime d'un mariage forcé à rester en Suisse après l'annulation du mariage.

1.3

Justification et appréciation des solutions préconisées

1.3.1

Droit privé

1.3.1.1

Complètement des art. 99, al. 1, ch. 3, et 43a CC

Le droit en vigueur oblige déjà l'officier de l'état civil à refuser la célébration d'un mariage lorsque le libre consentement des fiancés n'est manifestement pas acquis, mais que l'un d'eux ou les deux se marient sous la contrainte. L'ajout, dans le code civil, d'une disposition explicite découlant directement du droit du mariage garanti par la constitution, et conditionnant la conclusion du mariage à l'absence de toute contrainte, vise à donner un signal clair contre les mariages forcés. Le nouveau ch. 1 clarifie en outre le rôle de l'officier de l'état civil en matière de lutte contre les mariages forcés. Enfin, il souligne l'importance que revêt la libre volonté des fiancés.

Le présent projet vise à améliorer également la protection de droit pénal en matière de lutte contre les mariages forcés (cf. ch. 1.2.3). Dans ce contexte, il est proposé de compléter le CC d'un nouvel art. 43a, al. 3bis, CC qui instaure ­ en application de l'art. 302, al. 2, du code de procédure pénale du 5 octobre 2007 (RS 312.0; entrée en vigueur le 1er janvier 2011) ­ l'obligation, pour les officiers de l'état civil, de dénoncer, auprès des autorités de poursuite pénale compétentes, les mariages forcés constatés.

1.3.1.2

Complètement de l'art. 105 CC

L'officier de l'état civil ne refusera de célébrer un mariage que dans les cas «manifestes» de mariage forcé. Cette restriction découle de son mandat, mais aussi du fait qu'il ne rencontre que brièvement les fiancés et que, dans de tels cas, la nature véritable de l'union sera passée sous silence. Le plus souvent, il s'écoulera un certain temps avant que l'existence d'une contrainte ne soit découverte, ce qui implique qu'on puisse dissoudre a posteriori un mariage forcé. La décision prise par l'officier de l'état civil de conclure le mariage n'engagera donc pas le juge appelé à statuer sur une action en annulation du mariage.

Comme nous l'avons indiqué dans le commentaire relatif au droit en vigueur (cf.

ch. 1.1.3.2), les possibilités d'intenter action sont aujourd'hui restreintes de deux manières. En premier lieu, les motifs d'annulation, énumérés de manière exhaustive à l'art. 107, ch. 4, CC, ne permettent de faire annuler un mariage forcé que dans les cas où il aura été contracté par la victime «sous la menace d'un danger grave et imminent pour sa vie, sa santé ou son honneur, ou ceux de l'un de ses proches». En second lieu, «le demandeur doit intenter l'action dans le délai de six mois à compter 2063

du jour où il a découvert la cause d'annulation ou de celui où la menace a été écartée, mais en tout cas dans les cinq ans qui suivent la célébration» (art. 108, al. 1, CC).

On pourrait envisager d'élargir le champ d'application de l'art. 107, ch. 4, CC, en le reformulant p. ex. ainsi: «lorsqu'il a contracté le mariage sans y avoir consenti».

Une telle modification, insuffisante à elle seule, devrait s'accompagner d'un allongement du délai de péremption. On pourrait aussi imaginer que l'action en annullation puisse être intentée en tout temps, au même titre qu'une cause absolue.

Une telle solution n'est pas souhaitable, pour deux raisons notamment: en premier lieu, la protection offerte à la victime resterait réduite, puisqu'il appartiendrait comme aujourd'hui à cette dernière de lancer la procédure, chose souvent problématique dans le cadre d'un mariage forcé. En outre, l'auteur pourrait être poursuivi pénalement, sans que cela n'entraîne obligatoirement de sanction civile susceptible de remettre en question le mariage. Enfin, l'allongement ou la suppression du délai de péremption rapprocherait cette solution d'une cause absolue. Du point de vue de la systématique, il est préférable d'introduire une nouvelle cause d'annulation à l'art. 105 CC.

La solution consistant à coordonner l'annulation en droit civil avec le droit pénal a également été rejetée. Elle prévoyait d'ajouter à l'art. 107 CC un al. 5 qui aurait pu avoir le libellé suivant: un époux peut demander l'annulation du mariage «s'il est victime d'un mariage forcé ayant donné lieu à un jugement pénal». Le tribunal civil n'aurait plus eu besoin de contrôler lui-même la réalisation du motif d'annulation et aurait pu s'appuyer directement sur le jugement pénal rendu. Il aurait toutefois fallu allonger le délai absolu fixé pour intenter l'action (art. 108, al. 1, CC), afin de tenir compte du délai de prescription plus long prévu pour l'action pénale (cf. art. 97, al. 1, let. b et c, CP).

Cette solution est peu convaincante, si l'on considère que les interventions des autorités civiles et des autorités pénales sont indépendantes les unes des autres. La procédure civile dépendrait en effet de l'issue du jugement pénal et des considérants des autorités de poursuite pénale, soit d'éléments qui sont étrangers au droit civil.

1.3.1.3

Complètement de l'art. 106 CC

La possibilité d'intenter d'office, en vertu de l'art. 106 CC, une action en annulation d'un mariage qui remplirait les critères d'annulation visés à l'art. 105 CC n'a de sens que si l'existence d'un tel mariage est portée à la connaissance de l'autorité cantonale compétente (souvent la direction de la justice ou le ministère public). Il faut donc que les autorités qui sont confrontées aux mariages en question communiquent leurs soupçons à l'autorité cantonale compétente.

Quand bien même les causes d'annulation en vigueur ne sont pas l'objet du présent projet, l'adjonction proposée les concernera également. En effet, la nécessité pour l'autorité cantonale compétente d'obtenir des informations est la même pour toutes les causes d'annulation. Selon le droit actuel en matière de protection des données, les autorités qui n'y sont pas habilitées par la loi n'ont même pas le droit de lui signaler l'existence d'une cause d'annulation.

2064

1.3.1.4

Renonciation à des dispositions transitoires

Plusieurs participants à la consultation avaient demandé que l'on prévoie des dispositions transitoires pour l'annulation des mariages avec des mineurs. De telles dispositions ne semblent cependant pas nécessaires.

Le nouveau principe selon lequel les mariages avec des mineurs ne seront plus tolérés même entre étrangers, s'appuie sur l'idée que la conclusion d'un mariage avec une personne mineure est normalement contraire à l'intérêt de cette dernière.

Comme nous l'avons indiqué plus haut, l'annulation d'un mariage avec un mineur doit être le résultat d'une pesée d'intérêts. Celle-ci prendra en compte aussi bien l'intérêt de protection général que l'intérêt de protection individuel. S'il apparaît que ce dernier prime les intérêts éventuels de la personne mineure de maintenir l'union, le fait que le mariage ait été conclu avant ou après l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions ne jouera aucun rôle. Si, dans le cas d'espèce, il apparaît que l'intérêt de protection général est plus important que l'intérêt de protection individuel ­ par exemple en raison d'un âge proche de la majorité et d'une grande maturité personnelle de la personne concernée ­ le juge pourra le cas échéant tenir compte de la bonne foi, digne de protection, des époux.

1.3.1.5

Adaptation de la loi sur le partenariat

Pour des raisons d'égalité devant la loi et de sécurité juridique, il est proposé de modifier les art. 6 et 9 de la loi sur le partenariat. Le partenariat enregistré, institué en 2007 comme pendant du mariage pour les couples de même sexe, n'est pour l'heure pas touché par le problème des mariages forcés. Il n'en est pas moins nécessaire de modifier les dispositions de la loi sur le partenariat correspondant aux dispositions révisées du CC, afin d'éviter des lacunes juridiques. Etant donné que les droits et les devoirs des époux et des partenaires enregistrés se recouvrent pour l'essentiel, l'enregistrement forcé d'un partenariat doit avoir les mêmes conséquences que le mariage forcé.

1.3.1.6

Renonciation à une nouvelle disposition sur l'obligation d'entretien en dehors du mariage

Un participant à la consultation souligne l'existence de communautés de vie en dehors du mariage dans lesquelles l'union peut aussi résulter d'une contrainte. Il demande que l'entretien des victimes puisse être assuré en cas de dissolution de telles unions. En la matière, le Conseil fédéral renonce à préconiser des mesures qui dépassent le cadre du présent projet. Le droit des concubins à des prestations d'entretien nécessiterait un débat de fond, qui n'a pas sa place ici.

2065

1.3.2

Droit international privé

1.3.2.1

Disposition explicite relative à l'action en annulation d'un mariage présentant un lien avec l'étranger (nouvel art. 45a LDIP)

Le présent projet vise à faire du mariage forcé et de l'âge des époux, lorsque l'un ou les deux époux sont mineurs, une cause de nullité absolue au sens de l'art. 105 CC (cf. ch. 1.2.1 et 1.3.1.2). Le motif de nullité prévu par le projet de nouvel article 105, ch. 5, CC diffère de ceux de la polygamie (ch. 1) ou d'un lien de parenté étroit (ch. 3) en ceci qu'il s'agit d'un vice du consentement réparable et qu'il faut prendre en compte la volonté présumée ou réelle de la partie concernée. En présence d'une cause d'annulation au sens du nouveau ch. 6 (mariage avec des mineurs), on prendra en compte le contexte de chaque cas d'espèce, en mettant en balance les intérêts de la personne concernée. On s'assurera néanmoins, si nécessaire contre la volonté des époux, qu'aucun d'entre eux n'est (encore) polygame et qu'il n'existe entre eux aucun lien de parenté interdisant l'union.

Le juge auprès duquel une action en annulation est intentée au sens de l'art. 105 CC ne pourra prononcer une telle annulation si la personne concernée souhaite maintenir l'union ou si l'intérêt supérieur de cette personne commande de ne pas annuler le mariage. L'ordre public suisse ne pouvant aller au-delà du régime instauré par le droit interne, cette règle doit s'appliquer par analogie dans le contexte de la reconnaissance de mariages conclus à l'étranger. En d'autres termes, la reconnaissance d'un mariage conclu à l'étranger avec une personne mineure ne sera refusée que si cela est compatible avec les intérêts de cette personne, intérêts qu'il s'agit, en fin de compte, de protéger.

Sachant que les apparences sont souvent trompeuses et qu'un examen différencié de chaque cas d'espèce est nécessaire pour déterminer la situation de la personne concernée, on en appellera au juge pour qu'il statue, dans une procédure spécifique, sur la conformité du mariage avec l'ordre public. En cas de doute, on recommandera, comme dans le droit actuel (cf. ch. 1.1.4), de reconnaître dans un premier temps le mariage conclu à l'étranger, en vertu de l'art. 45, al. 1, LDIP. Dans une seconde phase, il faudra informer de cette décision l'autorité compétente au sens de l'art. 106 CC, qui est tenue d'intenter une action en annulation du mariage. Il reviendra ensuite au juge de déterminer s'il faut annuler le mariage ou s'il existe des circonstances
particulières commandant de le maintenir. Cette procédure contribue à renforcer la sécurité juridique, en évitant que des autorités différentes ne statuent de manière contradictoire sur la légitimité d'un mariage, ce que l'on ne saurait tolérer, s'agissant d'une question aussi importante que l'état civil d'une personne. La procédure décrite est également valable pour l'application de l'article 32 LDIP: l'autorité cantonale de surveillance en matière d'état civil ordonnera la transcription du mariage dans les registres de l'état civil, tout en informant l'autorité compétente pour intenter l'action et en faisant bloquer la divulgation des informations jusqu'à ce qu'un jugement ait été rendu, conformément à l'art. 46 OEC.

Le nouvel art. 45a LDIP crée une base légale claire qui facilitera le lancement d'une action en annulation en cas de mariage forcé présentant un lien avec l'étranger. Cette disposition remplace l'ancien art. 45a LDIP traitant de la majorité (cf. ch. 1.3.2.3).

Jusqu'ici, ce genre d'action n'était pas explicitement réglementé dans la loi.

L'application par analogie des dispositions de la LDIP relatives au divorce, recommandée par la doctrine dominante, n'a pas donné pleine satisfaction jusqu'ici. Les 2066

nouvelles dispositions permettent de tenir compte de la diversité des intérêts en présence, selon que l'on ait affaire à une action en annulation d'un mariage ou à une séparation ou un divorce. L'élargissement de la compétence internationale des tribunaux suisses et du champ d'application du droit suisse tient compte du fait que les causes justifiant le lancement d'une action en annulation du mariage relèvent de l'ordre public suisse (voir les commentaires concernant l'art. 45a LDIP, au ch. 2.2).

1.3.2.2

Mariages avec des mineurs et révision de l'art. 44 LDIP

Il est probable qu'une bonne part des mariages forcés concerne des personnes qui n'ont pas encore atteint la majorité selon la loi suisse2. Le régime de l'âge minimal légal pour se marier a donc été soumis à un réexamen dans le cadre du présent projet, qui permet également de prendre en compte la résolution 1468 du Conseil de l'Europe, dont les ch. 14, 14.2, 14.2.1 et 14.2.4 contiennent l'appel suivant: «L'Assemblée demande instamment aux parlements nationaux des Etats membres du Conseil de l'Europe [...] le cas échéant, d'adapter leur législation interne, de façon [...] à fixer ou à relever l'âge minimal légal du mariage pour les femmes et les hommes à 18 ans; [...] à ne pas reconnaître les mariages forcés et les mariages d'enfants à l'étranger, sauf, s'agissant des effets du mariage, si cela est dans l'intérêt supérieur des victimes, en particulier pour obtenir des droits auxquels elles ne pourraient prétendre par ailleurs». Le ch. 7 de la résolution apporte la précision suivante: «L'Assemblée définit le mariage d'enfants comme étant l'union de deux personnes dont l'une au moins n'a pas 18 ans.» La révision de ce régime s'appuie sur une nouvelle conception de l'ordre public suisse, qui inclura désormais la règle définie à l'art. 94, al. 1, CC, qui fixe à 18 ans révolus l'âge minimal auquel on peut se marier. L'extension de l'ordre public à cette disposition a deux conséquences: d'une part, les mariages conclus avec un mineur ne seront plus tolérés même pour les époux étrangers, d'autre part, les mariages avec des mineurs contractés à l'étranger ne seront en principe plus admis.

Le fait que les mariages avec des mineurs ne seront plus tolérés même si les époux sont étrangers équivaut à la disparition du dernier cas de figure justifiant l'existence de l'art. 44, al. 2, LDIP. On peut donc abroger l'alinéa en question, qui dispose que pour un mariage entre étrangers, il suffit de satisfaire aux conditions matérielles du droit national des époux (voir les commentaires concernant l'art. 44 LDIP au ch. 2.2). Cela signifie qu'en Suisse, la conclusion et la reconnaissance des mariages seront désormais soumises exclusivement au droit suisse.

Le rejet de principe des mariages avec des mineurs conclus à l'étranger trouve son expression dans le nouvel art. 105, al. 6, CC. Compte tenu de l'illicéité des
mariages avec des mineurs en Suisse, cette disposition s'appliquera presque exclusivement à des mariages étrangers. Le nouvel art. 45a LDIP garantit que l'art. 105 CC

2

Plusieurs études ont montré que les mariages forcés concernent plus particulièrement les mineurs originaires de certains pays (voir p. ex.: Forced marriages in Council of Europe member states, Strasbourg 2005, pp. 7ss). Des relevés de l'Office fédéral des migrations montrent qu'en Suisse également, l'âge au moment du regroupement familial est nettement plus bas que la moyenne pour les conjoints étrangers provenant de ces pays.

2067

s'appliquera également aux mariages conclus à l'étranger, pour autant qu'il existe un lien suffisant avec la Suisse, justifiant la compétence des tribunaux suisses.

Comme nous l'avons relevé, le nouvel al. 6 de l'art. 105 CC prévoit une pesée d'intérêts, ce qui signifie que les mariages avec des mineurs doivent être reconnus jusqu'à ce que le tribunal compétent prononce leur éventuelle annulation (cf.

ch. 1.3.2.1). En d'autres termes, le Conseil fédéral n'a pas retenu la proposition avancée par plusieurs cantons lors de la procédure de consultation, qui souhaitaient voir l'art. 45, al. 1, LDIP («un mariage valablement célébré à l'étranger est reconnu en Suisse.») complété de la restriction suivante: «pour autant que les fiancés avaient 18 ans révolus au moment du mariage».

La reconnaissance du mariage pourra être refusée à titre préjudiciel dans les cas manifestes, lorsque les circonstances ou l'extrême jeunesse de la personne concernée commanderont que l'on s'oppose à son maintien, au nom de l'intérêt supérieur de la personne et de la collectivité. Le rapport «Répression des mariages forcés et des mariages arrangés», réalisé sur mandat du Conseil fédéral en exécution du postulat 05.3477, renvoie aux avis de droit émis par l'Office fédéral de la justice, qui tendent à montrer qu'au-dessous de 16 ans, un mariage devrait être annulé d'emblée, sauf circonstances particulières. Il appartiendra à la jurisprudence de déterminer s'il faut fixer une limite absolue à cet égard.

On pourrait également commencer par refuser la reconnaissance des mariages avec des mineurs conclus entre étrangers, ce qui obligerait les parties à s'adresser à un tribunal pour faire constater la validité de leur union. Par rapport à ce qu'exige l'ordre public, cette solution porterait davantage atteinte au principe de la reconnaissance des mariages étrangers consacré à l'art. 45, al. 1, LDIP et au droit au mariage garanti par les droits fondamentaux (cf. ch. 5.2.1). Comme nous l'avons indiqué, la reconnaissance d'un mariage pourra toujours être refusée dans des cas manifestes.

1.3.2.3

Suppression de l'art. 45a LDIP (libellé en vigueur)

Selon l'art. 45a LDIP en vigueur, les mineurs domiciliés en Suisse accèdent à la majorité par la célébration d'un mariage en Suisse ou par la reconnaissance d'un mariage célébré à l'étranger. Cette disposition trouve son origine dans le fait qu'actuellement, les étrangers domiciliés en Suisse peuvent se marier même si l'un des époux a moins de 18 ans révolus, seuil fixé pour la majorité dans notre pays. La deuxième raison expliquant l'existence de l'art. 45a LDIP actuel est que le droit en vigueur prévoit la reconnaissance de principe des mariages avec des mineurs célébrés à l'étranger.

La redéfinition de l'ordre public et la proposition qui en résulte d'abroger l'art. 44, al. 2, LDIP rendent l'actuel art. 45a LDIP obsolète en ce qui concerne les mariages célébrés en Suisse. Quant aux unions contractées à l'étranger, nous proposons un changement de paradigme: les mariages avec des mineurs ne seront plus reconnus et ne seront maintenus qu'à titre exceptionnel. Compte tenu de cette nouvelle situation, le maintien de l'art. 45a LDIP constituerait une incohérence.

A la différence de ce que nous indiquions dans le rapport explicatif joint à l'avantprojet mis en consultation, nous considérons que la règle générale fixant la majorité à 18 ans révolus (art. 14 CC) s'applique aux mariages avec un mineur qui ne débouchent sur aucune action en annulation. Il n'y a pas de lacune qu'on pourrait combler 2068

par le principe selon lequel «le mariage rend majeur», dont l'ancienne disposition correspondante du CC avait été supprimée au 1er janvier 1996 dans le cadre de l'harmonisation de l'âge de la majorité et de l'âge autorisant à se marier. La suppression de l'actuel art. 45a LDIP replace sur un pied d'égalité les mineurs mariés et les autres mineurs. Ce résultat ne pose pas de problème, compte tenu du fait que les mariages avec des mineurs ne seront en principe plus tolérés.

La personne mineure domiciliée à l'étranger qui y aura acquis les droits civils par mariage ou pour une autre raison se verra reconnaître ces droits par la Suisse si elle déménage dans notre pays (art. 35 LDIP). La proposition de supprimer l'art. 45a LDIP actuel ne change rien au fait que l'époux mineur capable de discernement pourra intenter lui-même une action en annulation de son mariage, soit en s'appuyant sur les nouveaux ch. 5 et 6 de l'art. 105 CC, soit en invoquant d'autres motifs prévus par la loi. C'est ce qui découle de l'art. 19, al. 2, CC, selon lequel les mineurs capables de discernement n'ont pas besoin du consentement de leur représentant légal pour exercer des droits strictement personnels (voir aussi l'art. 67, al. 3, du code de procédure civil du 19 décembre 2008, RS 272; entrée en vigueur le 1er janvier 2011).

1.3.2.4

Pas d'élargissement des conditions d'application prévues à l'art. 45, al. 2, LDIP

En vertu de l'art. 45, al. 2, LDIP, le mariage célébré à l'étranger est reconnu, à moins qu'il n'y ait été célébré «dans l'intention manifeste d'éluder les dispositions sur l'annulation du mariage prévues par le droit suisse». Cette disposition n'est applicable que si l'un des époux est de nationalité suisse ou si les deux époux sont domiciliés en Suisse.

L'avant-projet relatif à la présente révision contenait une proposition visant à élargir les conditions d'application de l'art. 45, al. 2, LDIP, pour tenir compte d'un cas de figure classique, celui où le conjoint déjà domicilié en Suisse se rend à l'étranger pour s'y marier, avant de revenir avec son épouse en Suisse. La proposition en question ne figure pas dans le présent projet, pour les raisons suivantes: De l'avis dominant, les «dispositions sur l'annulation du mariage prévues par le droit suisse» se réfèrent aux causes d'annulation mentionnées à l'art. 105 CC. En ce qui concerne les causes mentionnées aux ch. 1 à 4 de cette disposition, l'art. 45, al. 2, LDIP n'a dès lors qu'une utilité limitée, voire nulle, puisque l'art. 27, al. 1, LDIP (ordre public) permet déjà de refuser la reconnaissance d'un mariage si l'une des quatre causes énoncées est réalisée (polygamie, incapacité durable de discernement, lien de parenté prohibé, mariage blanc). S'il est vrai que la référence à l'ordre public n'est possible que si le mariage présente un lien suffisant avec la Suisse, selon le Tribunal fédéral, il suffit en principe qu'un des époux ait son domicile en Suisse pour qu'un tel lien existe (ATF 126 III 327 p. 333). En outre, il faudra un lien au moins aussi fort pour qu'un tribunal puisse éventuellement refuser de reconnaître un mariage en s'appuyant sur l'art. 45, al. 2, LDIP, sans quoi l'on ne pourra parler d'une élusion du droit suisse.

Quant à l'applicabilité de l'art. 45, al. 2, LDIP aux mariages forcés, celle-ci est à tout le moins discutable. A coup sûr, l'on ne saurait prêter l'intention de contourner le droit suisse à la victime qui s'est mariée à l'étranger contre son gré. En outre, 2069

comme nous l'avons indiqué plus haut, c'est à un juge que devrait revenir la tâche de constater un éventuel mariage forcé, non seulement dans l'intérêt de la sécurité juridique, mais aussi dans celui de la victime.

La réserve inscrite à l'art. 45, al. 2, LDIP concernant la reconnaissance d'un mariage ne semble pas non plus pertinente dans le cas des mariages avec des mineurs. Il faut impérativement maintenir la pesée d'intérêts prévue à l'art. 105, al. 6 (cf.

ch. 1.3.2.2). Renoncer à celle-ci reviendrait à punir la personne mineure pour avoir contribué à tourner une disposition de la loi.

1.3.2.5

Pas de modification des dispositions en matière de mariages par procuration

Tout comme l'avant-projet, le présent projet renonce à restreindre la reconnaissance des mariages conclus par procuration.

En matière de reconnaissance des mariages célébrés à l'étranger, la Suisse applique par tradition une politique libérale. Aux termes de l'art. 45, al. 1, LDIP, tout mariage célébré dans un pays étranger en vertu du droit de ce pays est en principe reconnu en Suisse. Pour certains auteurs de la doctrine, il suffit même que le mariage ait été valablement célébré dans l'Etat de domicile, de séjour ou d'origine de l'un des conjoints. Cette attitude libérale repose sur l'idée que la remise en cause après coup de la validité d'un mariage constitue une grave atteinte à un domaine protégé par les droits fondamentaux. Elle vise aussi à éviter les mariages boiteux et l'insécurité du droit, s'agissant d'une question essentielle de statut juridique (voir le message du Conseil fédéral concernant une loi fédérale sur le droit international privé (FF 1983 I 255), ch. 232.5). Aussi, la validité d'un mariage célébré à l'étranger ne peut-elle être contestée que pour des raisons importantes, telles que les prévoit la loi. Imposer des conditions plus restrictives serait difficilement compatible avec l'esprit de l'art. 45, al. 1, LDIP.

S'agissant de la reconnaissance des mariages célébrés à l'étranger, la loi prévoit deux exceptions: le mariage a été célébré à l'étranger dans l'intention d'éluder les dispositions du droit suisse (art. 45, al. 2, LDIP) ou il est incompatible avec l'ordre public suisse (art. 27, al. 1 et 2, let. b, LDIP). La première ne s'applique pas aux mariages par procuration, car elle vise uniquement les cas dans lesquels on a cherché à éluder les causes d'annulation fixées à l'art. 105 CC. Quant à la deuxième exception, nous avons déjà expliqué que le mariage par procuration ne porte pas atteinte à l'ordre public (ch. 1.1.4.3).

Il est cependant recommandé aux autorités de l'état civil, avant de transcrire dans le registre un mariage par procuration conclu à l'étranger, d'entendre l'époux ou l'épouse qui s'est fait représenter et de lui demander si la déclaration qui avait été faite en son nom était bien l'expression de sa volonté, comme le prévoit l'art. 32, al. 3, LDIP.

2070

1.3.3

Droit pénal

Dans son avant-projet, le Conseil fédéral estimait qu'il n'était pas nécessaire de modifier le code pénal. Les avis rendus au terme de la consultation divergent fortement à ce sujet: alors que la majorité des cantons, les Verts et plusieurs organisations rejettent explicitement la création d'une norme pénale, quelques cantons et plusieurs partis et organisations plaident pour un renforcement du cadre pénal, soit sous la forme d'une qualification en tant que contrainte grave, soit sous celle d'une nouvelle norme pénale. Après avoir pris connaissance des résultats de la consultation, le Conseil fédéral a finalement décidé de renforcer les dispositions pénales de protection contre les mariages et les partenariats forcés.

L'introduction d'un nouvel art. 181a CP et le relèvement à cinq ans de la peine privative de liberté prévue font du mariage et du partenariat forcés une forme qualifiée de la contrainte. Le relèvement de la peine fait passer cette infraction de la catégorie de délit à celle de crime. Le délai de prescription de l'action pénale est par conséquent porté à quinze ans (art. 97, al. 1, let. b, CP).

1.3.4

Législation sur les étrangers

1.3.4.1

Suspension de la procédure d'autorisation du regroupement familial en cas de soupçon de nullité du mariage

Le droit au regroupement familial du conjoint suppose l'existence d'un mariage valable, ce qui implique entre autres l'absence de cause d'annulation au sens de l'art. 105 CC. L'autorité compétente en matière d'étrangers peut elle-même prendre en considération l'existence d'une cause d'annulation au sens des ch. 1 à 4 en vigueur et refuser dans ce cas de reconnaître le mariage en s'appuyant directement sur l'art. 27, al. 1, LDIP. Les nouvelles causes absolues d'annulation prévues aux ch. 5 et 6 nécessitent en revanche un examen approfondi du cas, examen que l'on confiera à un juge (cf. ch. 1.3.2.1 et 1.3.2.2). Les autorités compétentes en matière d'étrangers devront ici s'abstenir de tout jugement et laisser à l'autorité cantonale compétente visée à l'art. 106 CC ou au juge saisi par cette dernière le soin de statuer.

1.3.4.2

Pas d'obligation de disposer de connaissances suffisantes de la langue

Dans l'avis qu'elle a rendu sur l'avant-projet, l'UDC suggère que le regroupement familial soit conditionné à l'obligation pour les conjoints d'avoir des connaissances suffisantes d'une langue nationale. Cette proposition n'est pas reprise dans le présent projet.

Selon l'art. 54 LEtr, l'octroi d'une autorisation de séjour aux ressortissants d'un pays tiers, notamment à des fins de regroupement familial, peut être lié à la participation à un cours de langue ou à un cours d'intégration. L'obligation de participer à un cours est fixée dans une convention d'intégration, et les autorités cantonales compétentes sont tenues de proposer aux personnes concernées des cours appropriés.

L'application de cette disposition introduite récemment implique que le conjoint étranger commence à suivre des cours de langue dès son arrivée en Suisse. L'ODM 2071

a édicté des recommandations sur la manière d'appliquer l'art. 54 LEtr, des points de vue des groupes concernés, des modalités et de l'organisation de l'apprentissage de la langue et des conséquences du non-respect de la convention.

Le rapport sur le développement de la politique d'intégration («Bericht zur Weiterentwicklung der Integrationspolitik» ­ rapport Schiesser) approuvé le 5 mars 2010 souligne que le processus d'intégration des immigrants doit commencer dès leur arrivée en Suisse. Le Conseil fédéral propose dans ce rapport que tous les étrangers qui arrivent en Suisse pour y séjourner de manière régulière et durable soient systématiquement convoqués à un entretien individuel. Ces rencontres, destinées à informer les nouveaux arrivants de leurs devoirs et de leurs droits en Suisse, sont également l'occasion de leur proposer un choix de cours de langue.

De toute manière, la Suisse n'aurait pas le droit, en vertu de l'ALCP et de l'accord parallèle conclu avec l'AELE, d'imposer aux ressortissants de l'UE et de l'AELE de suivre des cours de langue.

1.3.5

Renonciation à une prolongation du délai fixé avant l'extinction du droit au retour au sens de l'art. 61, al. 2, LEtr

Plusieurs participants à la consultation ont estimé que le délai de six mois au terme duquel s'éteint l'autorisation de séjour ou d'établissement au sens de l'art. 61, al. 2, LEtr ne devait pas s'appliquer lorsque le départ de Suisse avait un rapport avec un mariage forcé. La non-application de ce délai reviendrait dans les faits à octroyer à la personne étrangère concernée le droit de revenir en Suisse. Le projet renonce à instaurer explicitement un tel droit au retour. La législation en vigueur prévoit déjà la possibilité de déroger aux conditions régissant l'octroi d'une autorisation de séjour ou d'établissement, afin de faciliter la réadmission d'étrangers ayant déjà été au bénéfice d'une telle autorisation (art. 30, al. 1, let. k, LEtr). L'ordonnance d'exécution de la loi sur les étrangers dispose à cet égard que les étrangers qui ont déjà été en possession d'une autorisation de séjour ou d'établissement peuvent obtenir une autorisation de séjour ou une autorisation de courte durée si leur précédent séjour en Suisse a duré cinq ans au moins et si leur libre départ de Suisse ne remonte pas à plus de deux ans (art. 49, al. 1, OASA). Cette disposition s'applique également aux victimes de mariages forcés.

1.3.6

Mesures dans les domaines de la prévention et de la protection

De nombreux avis rendus au terme de la consultation soulignent la nécessité de prévoir des mesures de prévention et de sensibilisation (cf. ch. 1.1.6.4). Les mesures demandées par la motion Heberlein (cf. ch. 1.1.1) ne pourront être présentées qu'une fois rendue l'étude mandatée dans le cadre de la motion Tschümperlin (cf. ch. 1.1.2).

2072

1.4

Réglementations en vigueur à l'étranger

Dans une expertise datée du 31 mai 2007, l'Institut suisse de droit comparé examine la situation juridique en matière de mariages forcés dans plusieurs pays membres de l'UE, à savoir chez quatre de nos voisins (Allemagne, France, Italie, Autriche), au Danemark, en Suède, en Belgique et en Grande-Bretagne, ainsi qu'en Norvège, pays non-membre. Le ch. 4 du rapport du Conseil fédéral «Répression des mariages forcés et des mariages arrangés» publié en 2007 en réponse au postulat 05.3477 (cf.

ch. 1.1.1) contient davantage de détails à ce sujet.

2

Commentaire des dispositions

2.1

Droit privé

Art. 43a CC

Protection et divulgation des données

Comme nous l'avons relevé, le nouvel al. 3bis proposé met en oeuvre l'art. 302, al. 2, du code de procédure pénale, en vertu duquel la Confédération et les cantons règlent l'obligation de dénoncer incombant aux membres d'autres autorités. Formulée de manière générale, la disposition couvre aussi les activités menées par les autorités de l'état civil dans d'autres domaines, de même que des infractions autres que le mariage forcé.

Art. 99 CC

Exécution et clôture de la procédure préparatoire

L'ajout proposé à l'art. 99, al. 1, ch. 1, CC, doit encore être précisé dans l'OEC et développé dans des recommandations de l'Office fédéral de l'état civil; il complète les mesures d'urgence prévues dès 2011 (cf. ch. 1.1.3.1).

Il est notamment prévu d'étoffer la formation de base suivie par les officiers de l'état civil pour l'obtention du certificat fédéral (art. 4, al. 3, let. c, OEC) et les différents cursus de formation complémentaire dispensés par les cantons, de façon que les candidats apprennent à avoir les bonnes réactions face aux mariages forcés.

Forcer une personne à en épouser une autre qu'elle n'a pas choisie est constitutif d'une infraction pénale grave (cf. ch. 1.1.5.1 et 1.2.3). La simple tentative est punissable (art. 22 CP). Ainsi, dorénavant, l'officier de l'état civil qui, au cours de sa procédure préparatoire, constate que l'union projetée n'est manifestement pas le résultat d'un libre consentement des époux ou que celui-ci fait défaut pour l'un d'eux, devra en aviser les autorités de poursuite pénale, en vertu du nouvel art. 43a, al. 3bis, CC (voir plus haut).

Au vu du caractère pénal des mariages forcés, la procédure d'audition des époux prévue à l'art. 97a, al. 2, CC, ne s'applique pas dans ce cas, quand bien même il existerait un soupçon de mariage blanc au sens de cette disposition. En cas de mariage forcé, les époux seront entendus dans le cadre d'une procédure pénale dans le respect des principes de procédure applicables. Ceux-ci englobent également les dispositions des art. 34 ss LAVI, qui protègent les victimes de mariages forcés ayant subi, dans le cadre de ceux-ci, des atteintes à leur intégrité physique, psychique ou sexuelle.

2073

Il va sans dire qu'en cas de soupçon de mariage forcé, c.-à-d. lorsque, à un moment ou un autre, il apparaît manifeste que le consentement des fiancés n'est pas mutuel, l'officier de l'état civil doit, après avoir dénoncé le cas aux autorités pénales, suspendre la procédure de préparation du mariage tant que la procédure pénale n'a pas été close. Les modalités relatives à la décision de l'officier de l'état civil et les voies de droit permettant aux fiancés de contester cette dernière seront réglées dans l'ordonnance de l'état civil.

Le système proposé tient compte des craintes formulées par l'Association suisse des officiers de l'état civil sur le risque que représenterait une procédure d'audition au sens de l'art. 97a, al. 2, CC, pour ses membres et pour la victime.

Cette solution répond également aux différentes réserves émises par d'autres participants à la procédure de consultation, qui relevaient que l'officier de l'état civil, malgré son devoir d'informer les fiancés et le public, n'avait pas un rôle policier à jouer. Il est nécessaire d'offrir au personnel de l'état civil une formation complémentaire adaptée, sans pour autant lui faire porter toute la responsabilité dans les cas de mariages forcés. La question des mariages forcés doit plutôt être abordée par un ensemble d'intervenants, tels que les autorités de police, les autorités de justice pénale, les services d'aide aux victimes d'infraction, les autorités de migration, les services de l'intégration et les organisations actives dans la lutte contre la violence domestique et les problèmes qui y sont liés.

Art. 105 CC

Causes absolues

Comme cela a déjà été mentionné (cf. ch. 1.1.3.2 et 1.3.1.2), le droit actuel n'offre aux victimes de mariages forcés qu'une faible protection. Cela découle de la formulation restrictive de l'art. 107, ch. 4, CC en vigueur et du fait que les personnes concernées doivent elles-mêmes initier la procédure, qui plus est, dans un délai très court.

Le nouvel art. 105, ch. 5, CC proposé élargit le champ d'application de l'art 107, ch. 4, CC en vigueur. Pour qu'un mariage soit considéré nul, il ne sera plus nécessaire qu'un des époux ou les deux époux, ou encore l'un de leurs proches, aient été menacés d'un danger grave et imminent pour leur vie, leur santé ou leur honneur; ils pourront désormais faire valoir des formes de pression plus insidieuses. Celles-ci devront toutefois avoir eu une intensité telle que le mariage ne pourra plus être considéré comme ayant été décidé librement. Comme pour le droit pénal (cf.

ch. 2.3), la victime devra avoir été menacée d'un dommage sérieux. Toutefois, alors qu'en cas de contrainte, on s'appuiera en droit pénal sur des critères objectifs pour établir la gravité de la menace brandie (ATF 120 IV 17 p. 19), l'art. 105, ch. 5, CC permettra également de tenir compte de la manière dont la victime perçoit subjectivement la menace. Il ne sera pas nécessaire que la menace d'un dommage sérieux soit exprimée de manière explicite. Elle pourra aussi découler des circonstances.

L'exclusion sociale, qui n'est pas couverte par l'art. 107, ch. 4, CC en vigueur, en constitue une forme fréquente. Lorsqu'elle est avérée, il n'est cependant pas toujours aisé de déterminer si le dommage représenté était suffisamment sérieux pour priver la personne concernée de sa libre volonté.

La délimitation du mariage arrangé peut également poser problème dans le cas d'espèce. Au ch. 15 du rapport mentionné relatif à la résolution 1468 du conseil de l'Europe (cf. ch. 1.3.2.2), Madame Rosmarie Zapfl-Helbling, rapporteuse suisse, donne la définition suivante des mariages arrangés, par essence difficiles à délimiter: 2074

cette forme de mariage se caractérise le plus souvent par la participation d'un tiers, généralement des parents des fiancés ou d'un intermédiaire. L'intervention d'un intermédiaire a lieu normalement à la demande de l'un ou des deux époux ou sur incitation de la famille. Dans un certain nombre de communautés et de pays, s'il est d'usage que les parents organisent le mariage, il appartient aux fiancés désignés de décider s'ils l'acceptent ou non. Le problème est ici de déterminer dans quelle mesure ces derniers sont véritablement libres de leur choix et sont conscients que celui-ci leur appartient. Parfois, la pression familiale sera telle que la décision pourra être influencée par l'éducation et le respect de la tradition. Il est difficile de déterminer la frontière entre pression et manipulation.

La formulation de l'art. 105, ch. 5, CC est inspirée de la résolution 1468 du Conseil de l'Europe (cf. ch. 1.3.2.2), qui définit le mariage forcé comme étant l'union de deux personnes dont l'une au moins n'a pas donné son libre et plein consentement au mariage. Cette définition correspond également à l'art. 23, al. 3, du Pacte II de l'ONU (RS 0.103.2).

Le champ d'application de l'art. 107, ch. 4, CC en vigueur est entièrement couvert par le nouvel art. 105, ch. 5, CC. Nous proposons donc de supprimer la première disposition citée. Son maintien pourrait donner à penser que les cas graves visés à l'art. 107, ch. 4, CC ne pourront donner lieu à une action en annulation que si les conditions plus strictes prévues à l'art. 107 et 108 CC sont réalisées.

En déplaçant à l'art. 105, ch. 5, CC la cause d'annulation, on offre une meilleure protection à la victime d'un mariage forcé. Celle-ci n'est en effet pas obligée de contester elle-même la validité du mariage, puisque l'autorité cantonale compétente doit intenter action d'office. En outre, l'action en annulation peut être déposée en tout temps, qu'un jugement pénal ait été prononcé ou que l'infraction pénale soit prescrite.

Le juge saisi devrait toutefois tenir compte des intérêts de la victime et renoncer à annuler le mariage s'il s'avère que celle-ci s'est accommodée de la situation et souhaite effectivement vivre dans une communauté conjugale avec son conjoint. Il serait absurde d'annuler un mariage tombant sous le coup de l'art. 105, ch. 5, CC, si la
«victime», ayant fini par y consentir, devait souhaiter s'engager par le lien du mariage avec le même époux ­ cette fois-ci librement et donc, valablement ­, une fois la décision d'annulation prononcée. L'art. 105, ch. 5, CC, précise donc que l'autorité compétente ne peut annuler le mariage d'office si la victime se déclare disposée à le maintenir. Il revient donc au tribunal d'éclaircir ce point dans chaque cas, en portant une attention particulière à l'authenticité des déclarations de volonté de la supposée victime.

Le fait de renoncer à déclarer un mariage nul au sens de l'art. 105, ch. 5, CC n'exclut pas qu'on puisse l'annuler en vertu du ch. 4 du même article, lorsqu'il apparaît que le mariage remplit par ailleurs les critères d'un mariage blanc. Dans ce cas, on statuera sur le droit au séjour de la victime en vertu de l'art. 50 LEtr, dont l'al. 2 est révisé dans le cadre de ce projet (cf. ch. 2.4).

En ce qui concerne les mineurs (art. 105, ch. 6 CC), un mariage qui les concerne ne peut plus être annulé dès lors que les deux époux ont atteint l'âge de 18 ans, c.-à-d.

l'âge leur donnant la capacité de contracter mariage (art. 94, al. 1, CC). Cette solution correspond dans son résultat à la règlementation de l'art. 105, ch. 2, CC, relative au recouvrement de la capacité de discernement. Si l'époux concerné a atteint l'âge de 18 ans, l'intérêt de protection à la base de l'art. 105, ch. 6, CC, a disparu, d'autant 2075

plus que le mariage annulé pourrait à nouveau être célébré valablement selon le droit suisse.

La disposition doit également inscrire la nécessité de tenir compte de l'intérêt prépondérant de l'époux mineur au maintien du mariage, auquel cas il y lieu de renoncer à annuler ce dernier. Cette précision permet au tribunal de procéder à une pesée des intérêts en présence dans chaque cas d'espèce, et de renoncer, le cas échéant, à prononcer l'annulation du mariage lorsque le maintien de l'union prime, dans l'intérêt du mineur, le besoin de protection qui fonde l'art. 105, ch. 6, CC. En plus de l'intérêt public (protection des personnes mineures et lutte contre les mariages forcés), il y a lieu de tenir également compte du droit individuel à la protection.

Celui-ci dépend des circonstances particulières, comme le nombre d'années qui séparent le mineur de sa majorité, sa maturité personnelle ou la différence d'âge entre les époux. Il convient également de prendre en compte les circonstances particulières, telles qu'une grossesse en cours ou la présence d'enfants, qui font que la personne concernée a intérêt au maintien de son mariage. L'art. 105, ch. 6, CC part toutefois du principe qu'un mariage avec une personne mineure n'est normalement pas dans l'intérêt dans cette dernière.

Le texte de l'art. 105, ch. 5 et 6, de l'avant-projet ne mentionnait pas expressément les cas fondant l'exception. En effet, il s'agissait de ne pas vider la nouvelle réglementation de son sens en prévoyant d'office une possibilité d'y échapper. Différents participants à la procédure de consultation se sont opposés à ce raisonnement, soulignant qu'il y avait lieu de tenir compte des intérêts de la «victime» ainsi que du risque que constitue un silence de la loi en termes de sécurité du droit. Il a été proposé de reprendre le système des dispositions des ch. 1 et 2 du même article. Cette proposition a été intégrée dans le présent projet. Les ch. 5 et 6 de l'art. 105 ont été complétés en conséquence et leur texte se réfère expressément aux éléments dont le juge doit tenir compte.

Art. 106 CC

Action

Le nouvel alinéa prévu précise explicitement que l'obligation instaurée ne s'applique que dans la mesure où elle est compatible avec les attributions spécifiques des autorités concernées. Une incompatibilité pourrait par exemple découler de la nécessité, pour l'autorité, d'établir une relation de confiance particulière avec les personnes qui font appel à elle ou de garantir la confidentialité de certaines informations, comme peuvent y être tenus certains services de consultation officiels. L'obligation prévue ici concernera en premier lieu les services en charge de l'état civil, des étrangers, des poursuites pénales, des assurances sociales et de l'aide sociale.

Art. 6 et 9 LPart Ces dispositions qui traitent du partenariat enregistré sont le pendant des art. 99, 105 et 106 CC. Les commentaires concernant ces dernières dispositions s'appliquent donc par analogie aux premières. Aucun cas de partenariat enregistré forcé n'est connu à ce jour. Il apparaît toutefois utile, les concernant, de combler une lacune de la loi à l'instar de ce qui est prévu en droit du mariage.

2076

2.2 Art. 44 LDIP

Droit international privé Célébration du mariage. Droit applicable

Aux termes de l'art. 44, al. 1, LDIP en vigueur, les conditions de fond auxquelles est subordonnée la célébration du mariage en Suisse sont régies par le droit suisse. S'il existe, au regard de cette disposition, un empêchement de contracter mariage, celuici peut, selon l'al. 2 en vigueur, néanmoins être célébré, s'il satisfait aux conditions prévues par le droit national des deux fiancés ou par le droit national de l'un d'entre eux. Les cas visés par l'art. 44, al. 2, LDIP sont les suivants: mariage avec un neveu ou une nièce, mariage entre une personne et l'enfant de son conjoint, mariage avec une personne n'ayant pas atteint l'âge requis par le droit suisse pour pouvoir se marier, enfin, mariage entre frères et soeurs adoptifs. Les deux premiers cas d'application ont aujourd'hui disparu, puisque les dispositions du code civil qui les concernaient ont été abrogées. Le troisième cas de figure disparaît également puisque, dans le cadre du présent projet, les mariages contractés avec des mineurs ne sont plus considérés comme admissibles sous l'angle de l'ordre public suisse, quand bien même ils seraient conclus entre étrangers.

Il est admis de façon générale qu'une union contractée avec un enfant adoptif est clairement contraire à l'ordre public. Dès lors, seuls les mariages entre frères et soeurs adoptifs tomberaient encore sous le coup de l'art. 44, al. 2. Il semble toutefois inutile de conserver cet article pour ce seul cas. Il importe, dans ce registre, d'arrêter une solution claire, qu'offre dorénavant le nouvel art. 44: tant les conditions de forme que les conditions de fond auxquelles la célébration du mariage est subordonnée en Suisse sont régies par le droit suisse. Il en résulte que les mêmes règles s'appliqueront aux ressortissants suisses et étrangers.

Art. 45a LDIP

Annulation du mariage

L'art. 45a LDIP proposé remplacera l'art. 45a LDIP en vigueur (cf. ch. 1.3.2.3).

Le nouvel art. 45a, al. 1, étend la compétence internationale des tribunaux suisses eu égard aux art. 59 et 60. LDIP actuellement applicables par analogie. D'une part, les tribunaux suisses du domicile d'un époux seront compétents sans restriction. D'autre part, les tribunaux suisses du lieu d'origine de l'un des époux seront compétents à titre subsidiaire, que l'action ait pu être intentée ou non au lieu de domicile étranger de l'un des époux. Ce nouvel alinéa prévoit en outre une compétence subsidiaire complémentaire au lieu de conclusion du mariage si celui-ci a eu lieu en Suisse. Un mariage forcé qui aurait été conclu en Suisse devra donc pouvoir également y être annulé.

Selon le nouvel al. 2 de l'art. 45a LDIP, les actions en annulation d'un mariage intentées devant des tribunaux suisses seront soumises sans exception au droit suisse. Les règles spéciales des al. 2 à 4 de l'art. 61 LDIP, jusqu'alors applicables par analogie, n'ont pas été reprises. La compétence élargie des tribunaux suisses et le champ d'application étendu du droit suisse prévus aux al. 1 et 2 visent à rendre une action possible en Suisse dans tous les cas présentant un lien suffisant avec notre pays, sur la base de l'une des causes d'annulation du mariage inscrites dans notre code civil.

2077

L'art. 45a, al. 3, du projet renvoie aux art. 62 à 64 LDIP aujourd'hui applicables par analogie. Le tribunal saisi peut donc, aux mêmes conditions qu'en cas de divorce, régler les effets accessoires et prononcer les mesures provisoires utiles. Les actions visant à compléter ou modifier un jugement étranger sont soumises au droit applicable en cas de séparation ou de divorce. Le tribunal suisse compétent est celui qui a annulé le mariage. Les compétences alternatives définies aux art. 59 et 60 LDIP demeurent valables. Etant donné que les actions en complément ou en modification d'un jugement n'ont pas trait à la mise en oeuvre de l'ordre public, il n'y a pas lieu de les soumettre à une règlementation aussi large que celle du nouvel art. 45a, al. 1, LDIP, proposé.

Selon l'art. 45a, al. 4, les décisions étrangères annulant un mariage sont reconnues en Suisse lorsqu'elles ont été rendues dans l'Etat où le mariage a été conclu. Cette disposition restrictive a pour but de respecter l'approche libérale de la LDIP en matière de reconnaissance des mariages étrangers. Les décisions étrangères annulant un mariage ne seront toutefois reconnues, bien qu'elles aient été rendues dans l'Etat où le mariage a été conclu, qu'à la condition que la cause d'annulation ne soit pas manifestement incompatible avec l'ordre public suisse (art. 27, al. 1, LDIP).

Si la déclaration d'annulation a eu lieu suite à la demande d'un des époux, l'art. 65 LDIP relatif au divorce s'applique par analogie. Il n'y a en effet aucune raison de soumettre la dissolution judiciaire d'une union à la demande de l'un des époux à des règles différentes selon qu'il s'agisse d'un divorce ou d'une annulation de mariage.

Sous l'angle de la reconnaissance d'une décision, une cause d'annulation peut ne jouer aucun rôle si elle est compatible avec l'ordre public (art. 27, al. 1, LDIP). A cela s'ajoute le fait qu'il n'est pas toujours aisé, s'agissant d'un jugement étranger, de savoir si l'on a affaire à un divorce ou à une déclaration d'annulation; il est en outre fréquent, dans les pays tolérant le divorce de façon restrictive, qu'une décision annulant un mariage soit en fait un divorce maquillé.

2.3 Art. 181a CP

Droit pénal Mariages forcés, partenariats forcés

Cette nouvelle disposition est étroitement liée à l'actuel art. 181 CP, en ce qui concerne la définition de l'infraction en particulier. Celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à conclure un mariage ou un partenariat enregistré, se rend coupable d'une infraction au sens de l'art. 181a CP.

Les auteurs peuvent être le partenaire, les parents, les frères et soeurs, d'autres membres de la parenté, ou encore, des tiers.

Le terme «mariages forcés» utilisé ci-après englobe les partenariats enregistrés.

Elément objectif de l'infraction Au niveau des faits objectifs, la contrainte suppose que l'auteur entrave la liberté d'action de sa victime, en recourant à des moyens dont la loi donne la liste exhaustive (violence, menace d'un dommage sérieux, entrave dans la liberté d'action), et qu'il l'oblige à contracter un mariage ou un partenariat enregistré. La contrainte est réalisée si la victime conclut un mariage ou enregistre un partenariat selon la volonté

2078

de l'auteur et en raison de la contrainte exercée par ce dernier sur la victime. La durée du mariage n'a aucune importance pour la réalisation de l'infraction.

Alors que la violence doit être comprise comme une ingérence physique dans la sphère juridique d'autrui, l'auteur de la menace d'un dommage sérieux fait entrevoir un préjudice dont la réalisation semble dépendre de sa volonté. Les menaces de dommages sont sérieuses si elles sont de nature à rendre docile toute personne sensée qui en serait l'objet. Dans la pratique, ce critère devrait être déterminant lorsqu'il s'agit d'établir la distinction entre mariages arrangés et mariages forcés, cette dernière catégorie pouvant toutefois très bien comprendre aussi des mariages arrangés conclus sous la contrainte. La situation personnelle de la victime ainsi que sa capacité à évaluer correctement la menace et d'y résister devrait en outre être prises en compte.

Comme nous l'avons mentionné, la définition des moyens de contrainte est dérivée de l'art. 181 CP. C'est également le cas de la clause générale de l'entrave dans la liberté d'action. Cette clause est une condition à interpréter de manière restrictive.

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral (cf. ATF 129 IV 8, 264; 107 IV 116), l'impact doit clairement dépasser le seuil d'influence habituellement admis sur une personne, comme dans le cas des moyens de contrainte ­ expressément mentionnés dans la loi ­ comme la violence ou la menace d'un dommage sérieux. Les exemples de moyens de contrainte les plus souvent évoqués dans ce contexte sont l'anesthésie, l'enivrement profond, l'hypnose et la provocation de la panique. Il est peut probable que ces moyens de contrainte soient appliqués dans le contexte des mariages forcés.

Elément subjectif de l'infraction Sur le plan subjectif, il est nécessaire qu'il y ait intention. L'intention est donnée lorsque l'acte a été commis avec conscience et volonté. Agit intentionnellement quiconque tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait (art. 12, al. 2, CP). Il importe peu, pour juger de l'intention, que l'auteur ait eu la volonté de mettre sa menace à exécution.

Caractère illicite Comme pour la plupart des autres infractions pénales, le caractère illicite du mariage forcé ressort des éléments
constitutifs de l'infraction. Les règles générales sur les motifs justificatifs s'appliquent (cf. art. 14 ss CP). Toutefois, si la «victime» devait consentir au mariage «forcé», l'infraction ne serait en principe plus réalisée du fait de l'absence de l'un de ses éléments constitutifs, à l'instar de la contrainte (art. 181 CP), de l'extorsion et du chantage (art. 156 CP), de la contrainte sexuelle (art. 189 CP) ou encore du viol (art. 190 CP).

Culpabilité Une contrainte qui réunit les éléments constitutifs de l'infraction n'est illicite et punissable qu'à la condition que l'auteur ait agi de manière coupable. Agit de manière coupable quiconque peut être tenu responsable de son comportement. Le principal motif d'exclusion de la culpabilité dans ce contexte est l'erreur sur l'illicéité au sens de l'article 21 CP. Elle suppose que l'auteur «ne savait ni ne pouvait savoir au moment d'agir que son comportement était illicite». Seule la connaissance des circonstances concrètes permet de déterminer si l'auteur de l'infraction avait des raisons suffisantes de penser qu'il ne faisait rien d'illicite, et donc de l'acquitter.

2079

Dans le cas qui nous occupe, il s'agit tout particulièrement de prendre en compte les facteurs suivants: répression ou non des mariages forcés dans le pays d'origine de l'auteur, niveau d'instruction de celui-ci, provenance d'une région arriérée ou d'un milieu instruit, durée du séjour en Suisse, degré d'intégration et connaissance du fait que les mariages forcés ne sont pas usuels en Suisse3.

Qualité d'auteur et participation On peut partir de l'idée qu'en règle générale, l'organisation et l'accomplissement du mariage forcé impliquent le concours de plusieurs personnes.

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, a qualité de coauteur «celui qui participe intentionnellement à la décision, à la planification ou à l'exécution d'une infraction et collabore de manière importante avec les autres auteurs [...], si bien qu'il apparaît comme un participant principal» (ATF 108 IV 92, avec renvois). Le coauteur ne doit pas nécessairement être présent au moment de l'exécution de l'acte.

La participation à la planification et à la coordination peut suffire si la contribution du coauteur est déterminante, s'il détient la maîtrise des opérations et porte un intérêt personnel à l'acte. Ces conditions seraient déjà réalisées, par exemple, si les parents d'une jeune fille organisaient et payaient son voyage dans son pays d'origine en vue d'un mariage forcé et, éventuellement, l'y accompagnaient. La seule présence des parents lors du mariage forcé peut suffire à fonder leur qualité de coauteurs ­ à supposer qu'ils aient conscience de l'illicéité de cet acte ­ car la victime est liée à eux par un rapport de dépendance et d'autorité dont la nature peut déterminer la victime à se soumettre au mariage forcé. L'intérêt que portent les parents au mariage réside dans la perpétuation des traditions et dans le respect qu'ils s'attirent ainsi dans leur communauté.

Est réputé instigateur au sens de l'art. 24 CP quiconque a intentionnellement décidé autrui à commettre un crime ou un délit. Cette condition serait remplie par exemple si des proches ou des connaissances influaient sur les parents pour qu'ils marient de force leur fille.

Est complice au sens de l'article 25 CP quiconque a intentionnellement prêté assistance à l'auteur pour commettre un crime ou un délit. Contrairement à la responsabilité de coauteur,
il suffit d'une quelconque contribution à la réalisation du mariage forcé pour qu'il y ait complicité.

Actes préparatoires et tentative Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une tentative devient punissable une fois franchi le «dernier pas décisif qui ne permet plus de retour en arrière, à moins de circonstances extérieures rendant difficile ou impossible de poursuivre l'intention initiale» (ATF 99 IV 153). En cas de mariage forcé à l'étranger, la question est de savoir si les préparatifs de voyage effectués en Suisse constituent déjà une tentative et justifient ainsi de punir les personnes impliquées en Suisse, ou s'il s'agit d'actes préparatoires non punissables. Pour y répondre, il faut connaître le contexte du cas 3

Cf. Expertise juridique de Stefan Trechsel et Regula Schlauri «Les mutilations génitales féminines en Suisse», p. 17 ss. Les auteurs préconisent dans ce contexte une intervention des autorités suisses. Dès que les immigrants franchissent la frontière ou dès leurs premiers contacts avec les autorités suisses, ils doivent être clairement informés de la situation juridique en Suisse, pour qu'il leur soit impossible d'invoquer l'erreur de droit ou l'erreur sur l'illicéité.

2080

d'espèce. Etant donné l'interprétation extensive de la tentative retenue par le Tribunal fédéral dans des cas similaires (cf. ATF 114 IV 112 ss, 114 s.; 104 IV 175 ss), il est possible que de tels préparatifs soient considérés comme constitutifs d'une tentative punissable sur sol suisse.

Infractions commises à l'étranger Contrairement aux principes applicables selon l'art. 7 CP aux infractions commises à l'étranger, le présent projet prévoit l'application du droit pénal suisse pour autant que l'auteur, l'instigateur ou le complice d'un acte commis à l'étranger se trouve en Suisse et n'a pas été extradé. La condition de la double punissabilité est abandonnée; le principe selon lequel toute nouvelle poursuite pénale est prohibée et la règle de l'imputation (art. 7, al. 4 et 5, CP) s'appliquent également. Aucun autre critère de rattachement n'est prévu, tel que le domicile ou le séjour habituel, afin de pouvoir inclure dans le champ d'application tous les auteurs de l'infraction qui, au moment de sa réalisation, était conscients de son caractère illicite. Les auteurs qui ne connaissaient pas ­ ou ne pouvaient pas connaître ­ le caractère illicite de l'infraction, pourront invoquer l'erreur sur l'illicéité au sens de l'art. 21 CP.

Fourchette de la peine En augmentant la peine maximale d'emprisonnement à cinq ans, l'art. 181a CP fait du mariage forcé une forme qualifiée de la contrainte. Le droit suisse connait d'autres formes qualifiées de contrainte prévoyant des peines plus élevées, comme le brigandage (art. 140 CP), l'extorsion et le chantage (art. 156 CP), la contrainte sexuelle (art. 189 CP) ou le viol (art. 190 CP). Au vu de ces dispositions, il apparaît justifié d'augmenter la peine en cas de mariages forcés. Aucune peine minimale n'a été à l'inverse prévue, car les seuils ont en général pour effet de limiter inutilement la liberté d'appréciation des juges. En outre, prévoir une peines minimale ne serait pas sans poser problème dans le cas d'actes de contrainte dont la définition légale est large, tels qu'il en est question ici, et pour lesquels il n'est souvent pas aisé, en pratique, de tracer une limite claire entre acte punissable ou acte non punissable.

2.4 Art. 45a LEtr

Droit des étrangers Annulation du mariage

En présence d'indices donnant à penser qu'un des conjoints aurait contraint son partenaire au mariage ou aurait épousé une personne mineure, l'autorité cantonale compétente en matière d'étrangers est tenue de communiquer ses soupçons à l'autorité cantonale compétente pour intenter action (art. 106 CC) et à suspendre la procédure. Il appartient au juge de vérifier la réparation d'un vice de consentement ou d'effectuer la pesée d'intérêt, au sens des ch. 5 et 6 de l'art. 105 CC, lorsqu'il a été saisi par l'autorité compétente pour intenter action et que les soupçons de mariage forcé ou de mariage avec une personne mineure se confirment. Si le juge décide d'annuler le mariage, et que son jugement devient exécutoire, la demande de regroupement familial sera rejetée. Si le juge renonce au contraire à invalider le mariage, la procédure de regroupement familial sera relancée, une fois le jugement entré en force. Il en ira de même si l'autorité compétente pour intenter action renonce à intervenir. Une fois les autres conditions remplies, la demande de regroupement familial sera avalisée.

2081

Art. 50 LEtr

Dissolution de la famille

En vertu de l'art. 50, al. 1, let. b, LEtr, après dissolution du mariage, le droit du conjoint à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu des art. 42 et 43 subsiste lorsque la poursuite du séjour s'impose pour des raisons personnelles majeures. A des fins de précision, l'art. 50, al. 2, LEtr est complété d'une mention selon laquelle les raisons personnelles majeures visées à la disposition en question ne sont pas seulement données lorsque le conjoint est victime de violence conjugale, mais aussi lorsque le mariage a été conclu en violation de la libre volonté d'un des époux. Cette précision répond à une préoccupation abordée dans une convention du Conseil de l'Europe en discussion (Projet de Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique) et avancée par différents participants à la consultation.

Art. 85 LEtr

Réglementation de l'admission provisoire

Le nouvel al. 8 de l'art. 85 contient une disposition analogue à celle de l'art. 45a LEtr.

Art. 88a LEtr

Partenariat enregistré

Ce nouvel article précise que les dispositions du chapitre de la LEtr relatif à l'admission provisoire qui mentionnent le conjoint s'appliquent par analogie au partenaire enregistré. Par ailleurs, la LEtr contient déjà, dans son chapitre relatif au regroupement familial, une disposition analogue pour le domaine en question (art. 52).

Art. 51 LAsi

Asile accordé aux familles

Le nouvel art. 79a LAsi (voir plus bas) rend superflue la mention du partenaire enregistré à l'art. 51, al. 1, LAsi, qui est donc supprimée. Le nouvel al. 1bis proposé contient, pour l'octroi de l'asile aux familles, une disposition analogue à celle ajoutée à l'art. 45a LEtr.

Art. 63 LAsi

Révocation

Le nouvel art. 79a LAsi rend superflue la mention du partenaire enregistré à l'art. 63, al. 4, LAsi, qui est donc supprimée.

Art. 71 LAsi

Octroi de la protection provisoire aux familles

L'al. 1 est lui aussi modifié en tenant compte du nouvel art. 79a LAsi. Par ailleurs, l'art. 71 est également complété d'une disposition analogue à celle ajoutée à l'art. 45a LEtr, sous la forme d'un nouvel al. 1bis.

Art. 78 LAsi

Révocation

Cette modification résulte elle aussi de l'introduction de l'art. 79a LAsi.

2082

Art. 79a LAsi

Partenariat enregistré

Par mesure de simplification rédactionnelle, ce nouvel article précise que les dispositions des chap. 3 et 4 LAsi relatives au conjoint s'appliquent par analogie au partenaire enregistré.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes

Le projet n'a pas pour effet de générer de nouvelles tâches étatiques. Il ne requiert pas, en particulier, la création de nouvelles autorités. Il est toutefois possible que le nombre d'actions en annulation d'un mariage auprès des autorités judiciaires civiles compétentes augmente légèrement.

3.2

Conséquences pour l'économie

Le projet n'a pas d'effets particuliers sur l'économie.

4

Lien avec le programme de législature

Ce projet n'est annoncé ni dans le message du 23 janvier 2008 sur le programme de législature 2007 à 20114 ni dans l'arrêté fédéral du 18 septembre 2008 sur le programme de législature 2007 à 20115. Il met en oeuvre la motion 06.3658 Heberlein transmise le 2 juin 2008.

5

Aspects juridiques

5.1

Bases constitutionnelles

Ce projet se fonde essentiellement sur les art. 121 à 123 Cst., selon lesquels la législation sur les étrangers et la législation en matière de droit civil et de droit pénal relèvent de la Confédération.

4 5

FF 2008 639 FF 2008 7745

2083

5.2

Compatibilité avec les droits fondamentaux

5.2.1

Annulation des mariages forcés et des mariages conclus avec une personne mineure

Le droit au mariage, consacré à l'art. 14 Cst., protège la liberté des individus en âge nubile de se marier. A contrario, il protège également le droit de ne pas se marier.

Le droit au mariage n'est pas absolu. Il peut être restreint en application des conditions définies à l'art. 36 Cst. Le législateur fédéral peut donc introduire de nouvelles restrictions directes à la liberté de se marier en élargissant les causes absolues d'annulation du mariage. Les restrictions proposées visent deux buts d'ordre public: en premier lieu, lutter contre les mariages forcés, en second lieu, protéger les personnes mineures. Elles sont conformes au principe de proportionnalité, puisqu'elles permettront de se rapprocher sérieusement de ces buts, tout en se limitant à ce qui est nécessaire. Les exceptions prévues permettent de tenir compte, dans chaque cas, de l'intérêt des personnes concernées. Les dispositions proposées évitent ainsi un déséquilibre entre l'intérêt public et le respect des libertés individuelles.

En vertu de l'art. 12 CEDH, dès qu'ils ont atteint l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit. Les Etats Parties sont habilités à régler et à restreindre l'exercice du droit au mariage, pour autant que les dispositions qu'ils édictent n'affectent pas l'essence même de ce droit. Dès lors que cette condition est remplie, les dispositions régissant la validité des mariages conclus avec une personne mineure sont en principe compatibles avec la CEDH.

Les mariages forcés ne bénéficient pas de la protection du droit au mariage garantie par l'art. 12 CEDH. Les Etats Parties sont par conséquent libres d'adopter des mesures permettant d'empêcher ou d'annuler ces mariages. Le droit au respect de la vie privée et familiale défini à l'art. 8 CEDH ne s'applique pas non plus aux mariages conclus contre la volonté de l'un des époux. A l'inverse, on peut déduire de l'art. 8 et de l'art. 12 CEDH une obligation positive pour l'Etat de mettre à la disposition des victimes d'un mariage forcé des moyens efficaces pour attaquer ce dernier.

Au demeurant, le Conseil de l'Europe lui-même appelle dans sa résolution 1468 (cf.

ch. 1.3.2.2) à combattre les mariages forcés, de même que les mariages conclus avec une personne mineure.

5.2.2

Suspension de la procédure d'autorisation du regroupement familial du conjoint

Le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 13 Cst. inclut le droit au regroupement familial. Ce droit peut également être restreint aux conditions énoncées à l'art. 36 Cst. Ces conditions et l'intérêt public à la restriction ont été exposés au ch. 5.2.1.

Le droit au regroupement familial du conjoint est protégé en tant que partie intégrante du droit à la protection de la vie privée et familiale par l'art. 8 CEDH et par les art. 17 et 23 du Pacte II de l'ONU. D'après la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme relative à l'art. 8 CEDH, cet article n'inclut pas le droit de choisir l'endroit le mieux adapté pour fonder une famille. L'Etat n'est nullement tenu d'approuver le choix du couple marié quant au lieu de domicile; il 2084

n'est donc pas obligé d'autoriser un conjoint étranger à s'établir sur son territoire. La suspension de la procédure d'autorisation du regroupement familial du conjoint constitue une atteinte au droit au respect de la vie familiale. Il conviendra d'examiner, dans le cas d'espèce, si cette atteinte est tolérable, en s'assurant que les critères fixés à l'art. 8 CEDH sont remplis (voir les arrêts Agraw contre la Suisse du 29 juillet 2010, no 3295/06, et Megensha Kimfe contre la Suisse du 29 juillet 2010, no 24404/05, rendus par la Cour européenne des droits de l'homme).

Lorsqu'elle examine des cas de regroupement familial, la Cour européenne des droits de l'homme se fonde sur les éléments suivants: l'intensité des rapports entretenus dans le cadre de la vie familiale, les liens avec l'Etat Partie, l'existence d'obstacles insurmontables à une vie de famille dans le pays d'origine, d'éventuelles réserves de la part des services de l'immigration (p. ex. précédentes infractions aux dispositions régissant l'entrée en Suisse), l'existence de motifs d'ordre public s'opposant à l'entrée, et le fait que les époux savaient, au moment de fonder leur union, que celle-ci risquait d'être problématique dans le pays d'accueil. Si ce dernier critère est rempli, un refoulement ne constitue une violation de l'art. 8 CEDH que dans des circonstances exceptionnelles (voir aussi le ch. 5.6.3 du rapport de 2007 intitulé «Répression des mariages forcés et des mariages arrangés» ­ cf. ch. 1.1.1 du présent message).

5.3

Conformité avec l'accord sur la libre circulation

5.3.1

Annulation des mariages forcés et des mariages conclus avec une personne mineure

En vertu de l'art. 2, al. 2, LEtr, les ressortissants des pays membres de l'UE et les membres de leurs familles sont soumis aux dispositions sur le droit de séjour prévues par l'ALCP. L'art. 7, let. d, de cet accord règle entre autres le droit au séjour des membres de la famille des ressortissants des parties contractantes, quelle que soit leur nationalité. En vertu de l'art. 3, al. 1, annexe I, ALCP, les membres de la famille d'une personne ressortissant d'une partie contractante ayant un droit de séjour ont le droit de s'installer avec elle. Les membres de la famille incluent entre autres le conjoint, quelle que soit sa nationalité (cf. art. 3, al. 2, let. a, annexe I, ALCP). Des dispositions analogues s'appliquent aux ressortissants des Etats membres de l'AELE et aux membres de leur famille (cf. art. 2, al. 3, LEtr). Le droit de séjour des membres de la famille est un droit dérivé, c'est-à-dire que son existence dépend du droit de séjour dont bénéficie le ressortissant concerné en vertu de l'accord sur la libre circulation.

L'ALCP ne concerne pas directement le droit privé. A l'inverse, certaines réglementations de droit privé sont susceptibles d'entraver le droit à la libre circulation prévu par l'ALCP. C'est le cas lorsque l'annulation du mariage entraîne la perte du droit au séjour du conjoint au sens de l'art. 7 ALCP et de l'art. 3, annexe I, ALCP.

Dans quelle mesure certaines dispositions du droit de la famille sont-elles susceptibles d'entraver la libre circulation des personnes physiques? Cette question ne s'est jusqu'ici pas posée dans le cadre de l'application de l'ALCP. Le Tribunal fédéral n'a pas non plus eu à se prononcer sur la question, découlant de la précédente, de savoir si, de manière générale, la mise en place de restrictions à la libre circulation représente une violation de l'ALCP (et plus particulièrement de son art. 2). La Cour de 2085

justice de l'Union européenne (CJUE), appelée à statuer sur une question analogue en relation avec le Traité sur le fonctionnement de l'UE, n'a pas encore statué à ce sujet. Rappelant que les dispositions réglant la situation familiale sont du ressort des pays membres de l'UE, la CJUE n'a cependant pas manqué de souligner l'obligation, pour ces derniers, de les exécuter dans le respect du droit communautaire, et plus particulièrement du principe de non-discrimination (voir l'arrêt de la CJUE du 1.4.2008 relatif au cas Maruko, aff. C-267/06, par. 59). Sans prendre position sur cette question, nous partons du principe que même si les dispositions contre le mariage forcé prévues peuvent représenter une restriction du droit à la libre circulation des personnes garantie par l'ALCP, elles n'en doivent pas moins être considérées comme compatibles avec cet accord.6 Pour ce qui est des mariages avec des personnes mineures, une appréciation différenciée de la situation s'impose. On ne saurait exclure d'emblée que l'annulation, par la Suisse, d'un mariage avec un mineur reconnu dans un pays de l'UE ou de l'AELE, après le déménagement des conjoints dans notre pays, puisse constituer une forme de restriction au droit à la libre circulation des personnes. L'existence d'un intérêt public supérieur n'en justifie pas moins l'interdiction de principe des mariages avec un mineur.

Il n'en sera pas moins indispensable de s'assurer, dans le cas d'espèce, que l'annulation d'un mariage avec un mineur ne constitue pas une mesure disproportionnée.

On procédera dans chaque cas à une pesée d'intérêts. On tiendra compte ce faisant d'un intérêt de protection faible, dû par exemple au fait que l'époux mineur a presque atteint l'âge adulte ou qu'il fait déjà preuve d'une grande maturité. On tiendra également compte des circonstances particulières qui plaident en faveur du maintien du mariage (cf. ch. 2.1 relatif à l'art. 105 CC). Ainsi, même si le projet devait entraîner certaines restrictions de la libre circulation des personnes, on considérera qu'il est compatible avec l'ALCP.

5.3.2

Suspension de la procédure d'autorisation du regroupement familial du conjoint

L'ALCP suppose lui aussi l'existence d'un mariage valable comme condition au droit au regroupement familial du conjoint. Cela signifie qu'il n'interdit pas en principe à la Suisse d'apprécier la validité d'un mariage en s'appuyant sur ses propres règles (cf. ch. 5.3.1). Le mariage est nul s'il remplit l'un des critères d'annulation fixés à l'art. 105 CC, et ce même si l'on doit lui reconnaître une bonne part des effets d'un mariage valable (présence d'enfants issus de l'union, situation financière). La réalisation d'une des infractions visées aux ch. 1 à 4 commande de refuser a priori la reconnaissance du mariage conclu à l'étranger et, donc, le regroupement familial du conjoint. En ce qui concerne les infractions visées aux nouveaux ch. 5 et 6 en revanche, le nouvel art. 45a LEtr charge non pas l'autorité compétente en matière d'étrangers, mais le juge civil compétent d'examiner la validité d'un mariage conclu à l'étranger, si une action est intentée. En statuant sur la validité du mariage, le juge indique également si la condition du regroupement familial du 6

Cf. Communication du 2 juillet 2009 de la Commission au Parlement européen et au Conseil concernant les lignes directrices destinées à améliorer la transposition et l'application de la directive 2004/38/CE, COM(2009) 313 final, ch. 2.1.1, non reprise dans l'annexe de l'ALCP.

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conjoint est remplie. Cet examen anticipé de la validité du mariage par un juge civil entraîne la suspension de la procédure d'octroi du visa ou d'autorisation de séjour en vue du regroupement familial du conjoint. Nous ne sommes pas en mesure de dire ici de manière catégorique si cette procédure est conforme avec les conditions de l'ALCP mentionnées au ch. 5.3.1. Le fait d'attendre que le jugement confirmant la validité du mariage soit entré en force pour autoriser le regroupement familial semble être compatible avec l'ALCP. On ne peut cependant exclure que les tribunaux suisses ou que le comité mixte, institué en vertu de l'ALCP et composé de représentants des deux Parties, parviennent à une conclusion différente.

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