09.480 Initiative parlementaire Pas d'élargissement de l'obligation de renseigner lors des relevés statistiques de la Confédération Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 31 mars 2011

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi du 9 octobre 1992 sur la statistique fédérale, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

31 mars 2011

Pour la commission: Le président, Yvan Perrin

2011-0688

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Condensé Dans son initiative parlementaire déposée le 21 septembre 2009, le groupe de l'UDC propose de modifier la loi sur la statistique afin que les personnes physiques ne soient plus obligées de donner des renseignements sauf lorsqu'il s'agit du recensement périodique de la population.

Le présent projet, élaboré par la Commission des institutions politiques du Conseil national, prévoit de réaliser les objectifs visés par l'initiative en complétant l'art. 6 de la loi sur la statistique fédérale par deux nouveaux alinéas. L'un règle le caractère facultatif des enquêtes de l'Office fédéral de la statistique, l'autre maintient les obligations des personnes interrogées fixées dans la loi sur le recensement.

Le projet préserve la qualité des statistiques et assure le respect de la vie privée, garanti par la Constitution fédérale.

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Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Initiative

L'initiative parlementaire du groupe UDC, déposée le 21 septembre 2009, vise à rétablir le caractère facultatif des réponses aux enquêtes de l'Office fédéral de la statistique et propose de modifier la loi sur la statistique fédérale en ce sens. Seules certaines enquêtes faites dans le cadre des recensements périodiques de la population resteraient soumises à l'obligation de répondre.

Cette initiative fait suite à la modification, entrée en vigueur le 1er septembre 2009, de l'annexe à l'ordonnance du 30 juin 1993 concernant l'exécution des relevés statistiques fédéraux (ordonnance sur les relevés statistiques; RS 431.012.1), par laquelle a été introduite l'obligation de renseigner pour l'enquête sur la population active (ESPA). L'annonce de l'obligation de réponse, assortie d'une menace d'amende en cas de refus, a suscité de vives réactions dans la presse et au niveau politique. Plusieurs interventions parlementaires s'interrogeant sur le bien-fondé de cette réglementation ont été déposées: 09.3767 Ip. Bischofberger. Obligation de fournir des renseignements lors de relevés statistiques de la Confédération; 09.3771 Ip. Amstutz. Halte à l'Etat fouineur; 09.3865 Ip. Pfister Gerhard. Enquêtes de l'Office fédéral de la statistique. Obligation de répondre aux demandes de renseignement; 09.5383 Qst. Flückiger-Bäni. Participation obligatoire aux relevés statistiques fédéraux; 09.5355 Qst. Donzé. Office fédéral de la statistique. Renseignements téléphoniques.

1.2

Examen préalable par les commissions

Le 4 février 2010, la Commission des institutions politiques (CIP) du Conseil national a procédé à l'examen préalable de l'initiative parlementaire et, par 19 voix contre 2 et une abstention, a décidé d'y donner suite.

Réunie en séance le 22 mars 2010, la CIP du Conseil des Etats a entériné la décision de son homologue du Conseil national, par 8 voix contre 4.

Pour les commissions, l'importance de l'enquête suisse sur la population active, outil indispensable au bon fonctionnement de l'Etat, n'est plus à prouver. De fait, l'ESPA, qui fournit des indicateurs sur l'évolution de l'emploi et du chômage, donne également des renseignements sur l'état général de santé. L'enquête permet de relever les conditions de travail et de suivre les conséquences de la libre circulation des personnes. Toutefois, le lien entre les questions parfois très personnelles et les buts poursuivis par l'enquête n'est pas toujours évident et le respect de la sphère privée, garanti par la Constitution, pas suffisamment pris en considération. Selon les commissions, la fiabilité des réponses, surtout à des questions personnelles, serait plus élevée si l'enquête se déroulait sur une base volontaire. Il n'y aurait dès lors aucune raison de rendre obligatoire la participation des personnes physiques aux enquêtes de l'Office fédéral de la statistique autres que le recensement fédéral de la population.

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1.3

Mise en oeuvre de l'initiative

Le 21 mai 2010, la CIP-CN a chargé son secrétariat d'élaborer, avec le concours de l'administration, un avant-projet concrétisant la requête contenue dans l'initiative.

A sa séance du 21 octobre 2010, la commission a examiné l'avant-projet de modification de la loi sur la statistique fédérale, qu'elle a approuvé par 15 voix contre 3 et 3 abstentions. Une minorité de la commission propose de ne pas entrer en matière sur le projet. Elle estime en effet que, pour la planification politique et la conduite de l'Etat, l'exhaustivité et la fiabilité des statistiques sont des paramètres essentiels; par conséquent, elle s'oppose au caractère facultatif de la participation des personnes physiques aux relevés directs réalisés auprès de ménages privés. La commission a ouvert une procédure de consultation, dont l'échéance est fixée au 28 février 2011.

1.4

Le droit en vigueur

L'art. 6 de la loi du 9 octobre 1992 sur la statistique fédérale (LSF; RS 431.01) règle les obligations des personnes interrogées lors de l'exécution d'un relevé statistique.

Il prévoit que le Conseil fédéral peut, si l'exhaustivité, la représentativité, la comparabilité ou l'actualité d'une statistique l'exigent absolument, obliger les personnes physiques ou morales, de droit public ou de droit privé, à répondre. Ces personnes doivent fournir des informations véridiques, dans le délai imparti, gratuitement et sous la forme prescrite. Les modalités d'exécution sont réglées à l'art. 6 de l'ordonnance sur les relevés statistiques (RS 431.012.1), et dans son annexe constituée par une liste des statistiques exécutées par l'Office fédéral de la statistique. Au no 15 figure l'Enquête suisse sur la population active (ESPA) avec la mention «Renseignement obligatoire».

Les obligations des personnes interrogées pour les besoins du recensement fédéral de la population sont, quant à elles, fixées dans la loi sur le recensement du 22 juin 2007 (RS 431.112), entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Aux termes de l'art. 10, les personnes physiques sont tenues de participer à l'enquête structurelle, définie à l'art. 6 comme «une enquête par échantillonnage destinée à relever des caractères ne figurant ni dans le Registre fédéral des bâtiments et des logements, ni dans les registres officiels harmonisés de personnes de la Confédération, des cantons et des communes».

1.5

Résultats de la consultation et approbation du projet à l'intention du Conseil national

Dans le cadre de la consultation, la commission a recueilli un total de 42 avis, déposés par 25 cantons, 5 partis et 12 associations et organisations. Parmi les partis, l'UDC, le PDC et le PLR ont soutenu le projet, tandis que le PCS l'a rejeté. Le PSS s'est déclaré, pour sa part, favorable au projet, mais il a tout de même proposé à la commission d'y apporter quelques modifications. Le caractère facultatif de la participation aux relevés directs a aussi rencontré un écho largement positif au sein de la majorité des associations et organisations: 7 l'ont approuvé (Union patronale suisse, Société suisse des entrepreneurs, Union suisse des paysans, Centre Patronal, 3716

Chambre Vaudoise des Arts et Métiers, Commerce Suisse, Association suisse des propriétaires fonciers), et seules 3 l'ont rejeté (USS, Konsumentenforum, Union des villes suisses). Economiesuisse, favorable au projet, et l'Association suisse de l'industrie gazière, qui y est hostile, ont transmis à la commission des propositions concrètes de modification. Par contre, 18 cantons ont rejeté le projet, alors que seuls 7 l'ont approuvé (NW, ZG, SO, SH, AR, AI, NE).

Le 31 mars 2011, la commission a pris acte des résultats de la consultation et a adopté le projet à l'intention de son conseil par 15 voix contre 9 et 2 abstentions.

Dans le même temps, elle l'a soumis au Conseil fédéral pour avis.

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Grandes lignes du projet

Pour atteindre l'objectif visé par l'initiative, la commission propose de compléter l'art. 6 de la loi sur la statistique fédérale. La participation obligatoire des personnes physiques aux enquêtes de l'Office fédéral de la statistique continuera de s'appliquer au recensement de la population. En revanche, la participation des personnes physiques aux autres enquêtes, notamment à l'enquête suisse sur la population active, sera facultative. Les personnes qui, comme les médecins, sont tenues de par leur profession de fournir certains renseignements, resteront liées par l'obligation de répondre.

Avec la modification proposée, l'utilisation des données existantes par l'Office fédéral de la statistique lors des relevés indirects est garantie. La qualité des statistiques ne sera pas remise en cause par la modification proposée. L'inconvénient d'une éventuelle diminution de la représentativité sera compensé par l'avantage qui devrait résulter d'une plus grande fiabilité des réponses facultatives.

L'obligation de répondre à l'ESPA a été introduite début octobre 2009 car l'enquête, auparavant annuelle, devait, dès cette date, être menée en continu sur toute l'année, conformément à l'accord bilatéral correspondant sur les statistiques entre la Suisse et la Communauté européenne. Cette mesure visait à limiter les coûts tout en assurant la qualité des indicateurs produits, corrélée tant à la taille de l'échantillon qu'à la maîtrise de la non-réponse. L'exactitude d'une enquête par échantillonnage dépend en effet fortement de la mesure dans laquelle l'échantillonnage s'effectue sur une base vraiment aléatoire. Or, l'absence de réponse porte atteinte à la nature aléatoire de l'échantillon. Une enquête pilote menée en 2008 avait montré que l'obligation de répondre conduisait à une réduction marquée de la non-réponse et ne générait pas de comportements nuisant à la qualité de l'enquête.

Il paraît cependant nécessaire de relativiser ces effets de la participation obligatoire.

L'impact positif relevé dans l'enquête pilote pourrait aussi être dû à un certain effet de surprise et n'avoir qu'un caractère très temporaire. En fait, les conséquences à long terme de l'obligation de répondre restent encore à prouver. Le contenu du questionnaire de l'enquête suisse sur la population active représente un autre paramètre
à prendre en considération. Certaines questions poussent l'indiscrétion assez loin («Avez-vous un problème physique ou psychique qui vous limite dans vos activités quotidiennes? Quel est votre salaire mensuel? Quel est le revenu total de votre ménage? Il y a un an, est-ce que vous logiez exactement avec les mêmes personnes qu'aujourd'hui? Combien de numéros de téléphone privé avez-vous parmi tous les membres du ménage?») et peuvent être considérées comme une intrusion dans la sphère privée. Il paraît dès lors peu vraisemblable que des personnes enclines 3717

à se taire donnent des réponses fiables seulement parce qu'elles se verraient menacées d'une amende en cas de refus. Certes, la structure du questionnaire permet de relever les incohérences des réponses, mais leur correction n'est pas sans avoir des conséquences au niveau des coûts.

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Commentaire des dispositions

Art. 6, al. 1, 1bis (nouveau) et 4 (nouveau) Al. 1 Conformément à l'al. 1 modifié, la participation des personnes physiques aux relevés effectués auprès de ménages privés est facultative. En vertu des dispositions actuelles de la loi sur la statistique fédérale (LSF), le Conseil fédéral pouvait jusqu'ici préciser pour chaque relevé, dans l'ordonnance sur les relevés statistiques, si la participation était aussi obligatoire ou facultative pour les personnes physiques.

Avec l'inscription dans la LSF du principe selon lequel, lors de relevés effectués auprès de ménages privés, les personnes physiques n'ont pas l'obligation de renseigner, il n'est plus possible de prévoir dans l'ordonnance sur les relevés statistiques le caractère obligatoire de ces derniers. Le nouvel alinéa a pour but de protéger les personnes physiques dans leur sphère privée. Ne sont cependant pas visées les interviews en relation avec l'activité professionnelle ou commerciale d'une personne. Un médecin, par exemple, reste toujours soumis à l'obligation de répondre au relevé de la statistique des décès et des causes de décès, l'objet du relevé étant lié à son activité professionnelle. La deuxième phrase de l'alinéa renvoie aux dispositions particulières prévues par la loi sur le recensement fédéral de la population, sachant que la participation au recensement fédéral est, dans une certaine mesure, obligatoire pour la population.

Al. 1bis Les personnes physiques ne pouvant être interrogées en tant que membres d'un ménage privé (relevé direct) qu'à titre facultatif, il faut garantir que l'Office fédéral de la statistique puisse recourir autant que possible aux données existantes (relevé indirect), comme il en a reçu le mandat, et être ainsi en mesure de remplir ses tâches dans le cadre de la statistique fédérale. En d'autres termes, si une personne physique ou morale, ou une institution chargées de tâches de droit public, constitue une collection de données (un registre p. ex.), elle doit mettre ces données à la disposition de l'OFS à des fins statistiques. On évitera ainsi de collecter directement auprès des personnes concernées des données qui sont déjà disponibles ailleurs, p. ex. dans les registres des habitants, auprès des caisses de compensation AVS, etc. L'art. 6, al. 1bis, précise dès lors que les personnes physiques ou
des institutions chargées de tâches de droit public ont l'obligation de renseigner.

Al. 4 Pour des raisons relevant de la systématique, l'actuel al. 1, qui octroie certaines compétences au Conseil fédéral, devient l'al. 4. Seule l'expression «sous réserve de l'al. 1» a été rajoutée, pour des raisons de systématique également: elle permet ainsi d'indiquer explicitement que les compétences du Conseil fédéral ne peuvent aller

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au-delà de ce qui est prévu à l'al. 1 et que la participation aux relevés directs réalisés auprès de ménages privés est toujours facultative.

La modification de l'art. 6 LSF doit être accompagnée de l'adaptation correspondante du no 15 de l'annexe à l'ordonnance sur les relevés statistiques. Ce no 15 concerne l'Enquête suisse sur la population active (ESPA).

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Conséquences financières et effet sur l'état du personnel

En l'état actuel de la statistique fédérale, les conséquences de la modification légale se concentreront sur l'enquête suisse sur la population active (ESPA).

L'accord bilatéral sur la statistique conclu avec la Communauté européenne imposait une révision de l'ESPA avec comme changements principaux le passage à une enquête trimestrielle et le respect de seuils de précision. La taille d'échantillon retenue dès 2010 par l'Office fédéral de la statistique (OFS) correspond ainsi au minimum requis pour le respect des engagements de la Suisse.

Avec le retour à une enquête facultative, l'OFS estime que le coût de réalisation de l'enquête augmentera de 25 % (1,2 million de francs) en cas de réintroduction d'un modeste dédommagement pour les personnes participant à l'enquête (par exemple un envoi de 5 francs en timbres-postes par interview réalisée) ou de 10 % (0,5 million de francs) en cas de renoncement au dédommagement. Outre l'éventuel surcoût dû au dédommagement, l'augmentation des coûts découle de la moindre performance en termes de nombre d'interviews réalisées par heure (coûts supplémentaires facturés par l'institut mandaté: 0,4 million de francs) et de la nécessité de traiter un échantillon de départ de plus grande taille (besoin supplémentaire en personnel: 0,5 équivalent plein temps et frais supplémentaires d'impression et d'expédition).

Sans la réintroduction d'un dédommagement, les conséquences sur la participation à l'enquête ne sont pas connues, les personnes étant invitées à participer à quatre reprises à l'enquête sur une période de 15 mois.

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Relation avec le droit européen

L'ESPA fait partie intégrante de l'accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif à la coopération dans le domaine statistique1. Conformément à l'art. 2 de l'accord, les actes juridiques mentionnés à l'annexe A sont obligatoires pour les parties contractantes. Dans le domaine des enquêtes sur les forces de travail, l'acte principal est le Règlement (CE) No 577/98 du Conseil du 9 mars 1998 relatif à l'organisation d'une enquête par sondage sur les forces de travail dans la Communauté.

La modification proposée ne tient certes pas compte d'une recommandation pour l'amélioration de la qualité des enquêtes sur les forces de travail émise en 2009 par 1

Cf. l'Accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif à la coopération dans le domaine statistique (RS 0.431.026.81); en vigueur depuis le 1er janvier 2007. L'annexe A a été modifiée par la décision 2/2008 du comité statistique, adoptée le 21 novembre 2008 (RO 2009 1041).

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l'Office de la statistique de l'Union européenne (EUROSTAT), laquelle consiste à rendre la participation à l'enquête obligatoire. Elle est cependant tout à fait conforme au droit européen en vigueur.

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Constitutionnalité et légalité

La proposition de révision concerne la modification de dispositions existantes et se fonde ­ comme les dispositions existantes ­ sur les dispositions constitutionnelles mentionnées dans le préambule à la loi sur la statistique fédérale.

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