11.038 Message relatif à l'initiative populaire fédérale «Pour une poste forte» du 22 juin 2011

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons sans contre-projet l'initiative populaire «Pour une poste forte» en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

22 juin 2011

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2010-2573

5453

Condensé Le Conseil fédéral souscrit au but général de l'initiative populaire «Pour une poste forte», soit à un service universel sur l'ensemble du territoire et à la garantie de son financement. Il rejette toutefois l'initiative parce que la récente révision totale de la législation postale permet aussi d'atteindre ces objectifs et cela de manière plus souple, sur une durée plus longue et en respectant la liberté d'entreprise de la Poste.

Buts de l'initiative L'initiative populaire fédérale «Pour une poste forte» demande que la Confédération garantisse à tous les habitants du pays un réseau postal couvrant la totalité du territoire et un accès facile et rapide à toutes les prestations d'un service universel moderne. Elle exige par ailleurs que la Poste Suisse (Poste) exploite le réseau postal avec des employés soumis à des rapports de travail avec la Poste. Les coûts de l'exploitation du réseau postal et du service universel seront couverts par les recettes du monopole des lettres et par les bénéfices d'une banque postale appartenant entièrement à la Poste.

Garantie du service universel couvrant le territoire et de l'infrastructure La nouvelle législation postale adoptée par le Parlement lors de la session d'hiver 2010 garantit un service universel de qualité sur l'ensemble du territoire par la fourniture de services postaux et de services de paiement à l'ensemble de la population. Contrairement à l'initiative, la nouvelle loi sur la poste prévoit, en plus des offices de poste, des agences comme points d'accès au réseau. La Poste sera en mesure d'assurer le mandat de service universel qui lui incombe en vertu de la loi en collaboration avec des tiers, en l'occurrence des agences et d'en assumer l'entière responsabilité.

Or le réseau postal «traditionnel» (sans agences), tel que l'exige l'initiative pour remplir le mandat de service universel, conjugué à l'obligation d'exploiter ce réseau avec du personnel soumis à des rapports de service avec la Poste, conduira à une hausse des coûts tout en empêchant de facto des solutions souples et conviviales comme les agences et en restreignant inutilement le développement de l'infrastructure et son adaptation aux besoins de la clientèle. Il n'en résultera aucune plusvalue pour les usagers ni aucune amélioration de l'offre des prestations du service universel.
Le Conseil fédéral estime que la nouvelle loi sur la poste tient mieux compte des besoins de la population au regard du service universel que la solution proposée par l'initiative.

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Garantie du financement du service universel Un article constitutionnel obligeant la Poste à financer le service universel notamment par les recettes du monopole des lettres et par les bénéfices d'une banque postale freinerait par trop le développement de la Poste.

La nouvelle loi sur la poste prévoit de continuer d'assurer le financement du service universel par les revenus du monopole des lettres jusqu'à 50 grammes. La Poste dispose toutefois aussi des revenus tirés des autres services pour financer le service universel.

La nouvelle loi sur la poste maintient le monopole des lettres jusqu'à 50 grammes et exclut provisoirement l'ouverture complète du marché, conformément à la volonté du comité d'initiative. Par ailleurs, la banque postale demandée par l'initiative ne répond pas à la volonté du Conseil fédéral et du Parlement et a déjà été rejetée à plusieurs reprises.

Il n'est ni utile ni nécessaire de compléter la Constitution par un modèle de financement. La nouvelle loi sur la poste prévoit déjà des dispositions sur le financement du service universel que le Conseil fédéral précisera dans l'ordonnance.

Conclusion Le Conseil fédéral rejette la modification constitutionnelle requise. Les revendications des auteurs de l'initiative, relatives au renoncement à l'ouverture complète du marché et au maintien du monopole des lettres, ont été prises en compte par les récentes décisions du Parlement portant sur la révision totale de la législation postale et par la révision en cours des ordonnances relatives à la législation postale.

Le Conseil fédéral propose donc de soumettre au vote du peuple et des cantons sans contre-projet l'initiative populaire «Pour une poste forte» en leur recommandant de la rejeter.

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Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Teneur de l'initiative

L'initiative populaire «Pour une poste forte» a la teneur suivante: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 92, al. 3 à 5 (nouveaux) La Confédération garantit à tous les habitants du pays un réseau postal couvrant tout le territoire et un accès facile et rapide à toutes les prestations d'un service universel orienté vers l'avenir.

3

Elle charge la Poste Suisse d'exploiter le réseau postal avec du personnel se trouvant dans un rapport de travail avec la Poste Suisse.

4

Les coûts qui découlent de l'exploitation du réseau postal et du service universel sont couverts notamment:

5

a.

par les recettes du monopole des lettres;

b.

par les bénéfices d'une banque postale qui appartient à 100 pour cent à la Poste Suisse.

1.2

Aboutissement et délai de traitement

L'initiative populaire «Pour une poste forte» a été soumise à l'examen préliminaire de la Chancellerie fédérale, le 10 novembre 20092, et remise, le 2 septembre 2010, avec le nombre requis de signatures.

Par décision du 21 septembre 2010, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait recueilli 109 825 signatures valables et qu'elle avait donc abouti3.

Cette initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne présentera pas de contre-projet. En vertu de l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement4, le Conseil fédéral a donc jusqu'au 2 septembre 2011 pour édicter un projet d'arrêté accompagné d'un message. En vertu de l'art. 100 de la loi sur le Parlement, l'Assemblée fédérale est tenue de se prononcer sur l'initiative d'ici au 2 mars 2013.

1 2 3 4

RS 101 FF 2009 7237 FF 2010 5813 RS 171.10

5456

1.3

Validité

L'initiative remplit les conditions de validité selon l'art. 139, al. 3, Cst.: a.

elle est formulée sous la forme d'un projet rédigé et remplit les exigences de l'unité de la forme;

b.

il existe un rapport intrinsèque entre les différentes parties de l'initiative et elle respecte donc le principe de l'unité de la matière;

c.

elle ne contrevient à aucune des règles impératives du droit international et remplit ainsi les exigences de la conformité au droit international.

L'initiative est par conséquent déclarée valable.

2

Contexte et genèse de l'initiative

Le 1er mai 2006, le Conseil fédéral a décidé d'entreprendre une révision totale de la législation postale. Le 20 mai 2009, il a soumis au Parlement les projets de loi sur la poste (nLPO)5 et sur l'organisation de la Poste (nLOP)6 accompagnés des messages correspondants7. A l'exception de la proposition de libéraliser complètement le marché, le Parlement s'est aligné sur les projets du Conseil fédéral et a approuvé les lois sans y apporter de modifications majeures lors du vote final du 17 décembre 20108. La libéralisation complète du marché a été supprimée dans la loi et le Conseil fédéral a été chargé de procéder à une évaluation dans les trois ans à venir et de présenter au Parlement des propositions pour la suite des opérations. Aucun référendum n'a été lancé. Etant donné que les travaux relatifs aux ordonnances sont encore en cours, le Conseil fédéral n'a pas encore mis en vigueur la législation postale votée par le Parlement.

Les points essentiels de la nouvelle loi sur la poste et de la loi sur l'organisation de la Poste sont les suivants:

5 6 7 8

­

Garantie d'un service universel de qualité couvrant l'ensemble du territoire et accessible à tous les groupes de la population et à l'économie par la fourniture de services postaux et de services de paiement

­

Maintien du monopole des lettres jusqu'à 50 grammes (pas d'ouverture complète du marché)

­

Instauration de conditions-cadres valables pour l'ensemble des acteurs sur le marché postal

­

Création d'une nouvelle autorité de surveillance, indépendante sur le plan institutionnel (Commission de la poste; PostCom)

­

Transformation de la Poste, qui est actuellement un établissement de droit public, en une société anonyme de droit public

­

Transfert de PostFinance dans une société anonyme de droit privé et assujettissement à la surveillance des marchés financiers (FINMA).

FF 2009 4715 ss FF 2009 4773 ss FF 2009 4649 ss et FF 2009 4731 ss FF 2010 8241 ss et FF 2010 8257 ss

5457

La nouvelle législation postale est pour l'essentiel conforme à la politique postale poursuivie jusqu'à présent avec succès par le Conseil fédéral et maintient notamment le mandat d'infrastructure inscrit dans la loi sur la poste en 2004 et le monopole sur les lettres abaissé jusqu'à 50 grammes en 2009. Elle renonce provisoirement à une libéralisation complète du marché postal. Le Conseil fédéral devra cependant évaluer les conséquences de l'ouverture du marché jusqu'à 50 grammes en Suisse et de la libéralisation complète du marché dans l'Union européenne (UE) et, trois ans au plus tard après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la poste, soumettre à l'Assemblée fédérale un rapport sur les mesures à prendre. Une ouverture complète du marché devra donc être approuvée par le Parlement et, le cas échéant, par les citoyens.

En réaction aux projets de libéralisation envisagés et à la révision totale de la législation postale alors débattue au Parlement, un comité d'initiative (syndicat de la Communication; désormais: Syndicom) a lancé l'initiative populaire «Pour une poste forte» dans le but de modifier la législation en la matière.

3

Buts et teneur de l'initiative

3.1

Buts de l'initiative

L'initiative populaire entend garantir à tous les groupes de la population dans toutes les régions un réseau postal couvrant tout le territoire et un accès facile et rapide à toutes les prestations du service universel. Elle prévoit en outre l'obligation de la Poste d'exploiter le réseau avec son propre personnel et de financer le service universel par les recettes du monopole des lettres et par les bénéfices d'une banque postale appartenant entièrement à l'entreprise.

3.2

Réglementation proposée

Garantir l'accès à un service universel moderne grâce au réseau des offices de poste Une des principales revendications de l'initiative porte sur le maintien d'un réseau postal garantissant le libre accès à toutes les prestations du service universel dans toutes les régions pour tous les groupes de la population à une distance raisonnable, la Confédération étant chargée de s'en porter garante. Selon le comité d'initiative, ces tâches ne peuvent être accomplies qu'avec un réseau dense d'offices de poste traditionnels, les agences postales n'offrant pas les mêmes prestations que les offices de poste et ne garantissant pas la confidentialité des opérations postales et le service à domicile ne convenant pas à tous les groupes de la population en raison des horaires restreints. C'est pourquoi les agences postales et le service à domicile ne doivent pas être assimilés aux offices de poste et être uniquement considérés comme des solutions complémentaires. L'application de ce principe permettra d'éviter une réduction des prestations de l'offre du service universel et de maintenir un partenaire de service pour le commerce local et les petites et moyennes entreprises.

5458

Réseau postal exploité uniquement par du personnel de la Poste Par ailleurs, l'initiative veut obliger la Poste à exploiter le réseau postal uniquement avec du personnel soumis aux rapports de travail de l'entreprise afin d'éviter que les agences postales et les solutions de service à domicile soient reconnues comme des points d'accès au même titre que les offices de poste. Selon les initiants, l'accès au service universel ne doit pas être garanti par des agences postales afin d'éviter que des tâches liées au service universel soient confiées à des tiers, de mieux assurer le contrôle de la qualité des prestations postales, de garantir la confidentialité et la sécurité des prestations postales ainsi que le maintien d'emplois qualifiés dans les régions périphériques.

Financement du service universel par le monopole des lettres et par une banque postale Le cinquième alinéa du texte de l'initiative règle le financement du service universel. La Poste devra être en mesure de financer par ses propres moyens les coûts d'un réseau postal couvrant tout le territoire et d'un service universel moderne notamment par les recettes du monopole des lettres et les bénéfices d'une banque postale appartenant à 100% à la Poste.

Par le choix de la formulation, l'initiative veut inscrire le monopole des lettres et la création d'une banque postale dans la Constitution. Le comité d'initiative estime que le maintien d'un monopole résiduel sur les lettres est le moyen le plus sûr de financer le service universel et que la Confédération peut empêcher une réduction des prestations par un contrôle politique.

En instituant une banque postale, les initiants veulent élargir les activités commerciales de la Poste dans le secteur des services financiers, notamment en lui donnant la possibilité de proposer des crédits et des hypothèques en son nom propre. Il en résultera, estiment-ils, un potentiel de financement supplémentaire propre à compenser le recul des prestations postales dû à leur substitution et à maintenir la densité de l'infrastructure. La banque postale devra appartenir entièrement à la Poste, ce qui exclura toute forme de privatisation et limitera les risques liés à l'activité financière.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Prétentions de l'initiative

4.1.1

Droit constitutionnel

Aux termes de l'art. 92, al. 2 de la Constitution (Cst.)9, la Confédération est tenue de veiller à ce qu'un service universel suffisant en matière de services postaux et de télécommunications soit assuré à des prix raisonnables dans toutes les régions du pays. Par services postaux, on entend aussi bien les lettres, les colis que les prestations relevant des services de paiement. Sont également comprises toutes les tâches nécessaires au bon fonctionnement de l'infrastructure postale10.

9 10

RS 101 Herbert Burkert, Art. 92, in: Ehrenzeller, Bernhard et. al., 2008, Die Schweizerische Bundesverfassung: Kommentar, 2e édition Zurich/Saint-Gall, ch. marg. 3.

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Le Conseil fédéral estime que la disposition constitutionnelle actuelle est suffisante.

L'insertion d'une nouvelle disposition constitutionnelle régissant le mandat d'infrastructure, les rapports de travail de la Poste et le mode de financement du service universel comme le demande l'initiative «Pour une poste forte» est inutile et va en quelque sorte à fin contraire, tant il est vrai que la priorité ne doit pas être accordée à l'infrastructure, mais aux prestations de la Poste et aux besoins des clients. C'est donc au niveau de la loi qu'il convient de régler la manière dont la Confédération entend garantir la fourniture d'un service universel suffisant à des prix raisonnables ainsi que le prévoient la loi du 30 avril 1997 sur la poste11 de même que sa nouvelle mouture du 17 décembre 2010.

4.1.2

Réseau postal et accès à un service universel moderne

L'initiative demande que la Confédération garantisse à tous les habitants du pays un réseau postal couvrant tout le territoire et un accès facile et rapide à toutes les prestations d'un service universel orienté vers l'avenir. Dans cet esprit, l'accès aux prestations du service universel devra être uniquement garanti par des offices de poste, les agences postales et le service à domicile ne constituant que des solutions complémentaires.

La Confédération responsable du service universel L'art. 92, al. 2 de la Constitution prescrit à la Confédération l'obligation de veiller à ce qu'un service universel suffisant soit assuré à des prix raisonnables dans toutes les régions du pays et garantit à ce titre que la Confédération en assume la responsabilité.

Il appartient à la Poste d'assurer le service universel par la fourniture de services postaux et de services de paiement en vertu de la nouvelle loi sur la poste (art. 13 et 32) et de la loi du 30 avril 1997 sur la poste (art. 2), la responsabilité de la mise en oeuvre en incombant à la Confédération..

La nouvelle législation postale prévoit plusieurs instruments afin que la Confédération puisse assumer cette responsabilité. En premier lieu, la nouvelle loi sur la poste qui définit le service universel (art. 13 ss. Services postaux et art. 32 Services de paiement). Le Conseil fédéral réglera les détails dans l'ordonnance relative à la loi sur la poste. La fourniture des services postaux relevant du service universel sera contrôlée par la PostCom (art. 22, al. 2, let. e nLPO), celle des services de paiement par le service technique du DETEC. Un autre instrument prévu par la loi sur la poste est le rapport d'évaluation par lequel le Conseil fédéral examine régulièrement l'organisation du service universel et peut, si nécessaire, l'adapter aux besoins de la clientèle et au progrès technique (art. 3 nLPO). Par ailleurs, en vertu de la nouvelle loi sur l'organisation de la Poste, la Confédération détient la majorité des actions de l'entreprise de la Poste (art. 6 nLOP) et, en tant que propriétaire de la Poste, définit les objectifs stratégiques de la Poste (art. 7 nLOP). Le Conseil fédéral contrôle chaque année la réalisation des objectifs stratégiques dans le cadre des rapports relatifs à la Poste. Grâce à ces instruments, l'Etat pourra assumer la responsabilité du service universel que lui confère la Constitution.

11

RS 783

5460

L'initiative demande que la Confédération veille à ce qu'un service universel suffisant soit assuré dans toutes les régions du pays. Or c'est ce que prescrit déjà la Constitution aujourd'hui. La nouvelle législation postale comprend des instruments servant à assurer l'accomplissement de cette tâche fédérale. Un renforcement de cette réglementation n'est donc pas nécessaire.

Infrastructure et accès aux prestations du service universel La Poste a l'obligation d'exploiter un nombre suffisant de points d'accès sur l'ensemble du pays offrant les prestations en matière de services postaux et des services de paiement relevant du service universel. Ce qui importe avant tout, c'est la fourniture des prestations sur l'ensemble du territoire et non l'infrastructure en tant que telle. C'est pourquoi le Conseil fédéral et le Parlement estiment que l'accès aux prestations du service universel peut être garanti de plusieurs manières. En vertu de l'art. 14 de la nouvelle loi sur la poste, les offices de poste, les agences postales (gérées en partenariat avec des tiers privés) et dorénavant aussi les boîtes aux lettres publiques sont considérés comme des points d'accès. Le service à domicile est considéré comme un complément aux offices de poste et aux agences postales, mais n'est pas réglé au niveau de la loi; il peut cependant aussi être pris en compte dans le calcul de l'accessibilité des points d'accès. S'agissant des services de paiement relevant du service universel (art. 32 nLPO), la Poste peut assurer l'accès, suivant les prestations, par des offices de poste, des agences, des distributeurs automatiques de billets, par la correspondance postale ainsi que par un système électronique de trafic des paiements. Le Conseil fédéral règlera les modalités par voix d'ordonnance.

La Poste peut dès lors choisir d'exploiter elle-même les points d'accès ou en collaboration avec des tiers, par exemple des épiceries de village, des stations-service, une administration communale ou d'autres établissements locaux. La Poste doit cependant veiller à ce que les prestations du service universel soient disponibles dans toutes les régions pour tous les groupes de la population à une distance raisonnable et de manière équitable. Si elle charge des tiers de fournir les prestations, elle demeure entièrement responsable de l'exécution
du mandat qui lui est confié et doit toujours veiller à ce que les moyens de contrôle et d'intervention de l'autorité de surveillance ne soient pas restreints.

Le législateur a délibérément renoncé à fixer un nombre précis d'offices de poste et d'agences postales. Les clients doivent cependant pouvoir accéder aux prestations du service universel dans un délai raisonnable. Le Conseil fédéral définira dans l'ordonnance des règles plus précises sur l'accès en veillant notamment à ce que tous les habitants puissent accéder par les moyens de transport public ou à pied à un office de poste ou à une agence postale en temps utile. La nouvelle loi sur la poste prévoit enfin une procédure devant la PostCom en cas de fermeture ou de transfert par la Poste d'un point d'accès desservi du service postal universel (art. 14, al. 6 nLPO).

Ces dispositions doivent permettre de garantir la fourniture de services postaux et de services de paiement relevant du service universel dans l'ensemble du pays tout en accordant à la Poste la souplesse et la liberté de gestion nécessaires dans l'organisation du réseau.

Prestations du service universel Le bon fonctionnement du service postal universel est une condition importante de la qualité de vie de la population, de la cohésion nationale et de l'attrait de la place 5461

économique suisse. C'est pourquoi il est primordial pour la Confédération de garantir un service universel de qualité, accessible à tous et finançable, sur l'ensemble du territoire.

La nouvelle loi sur la poste définit l'étendue du service universel (art. 14 Services postaux et art. 32 Services de paiement), dont les modalités seront précisées dans l'ordonnance d'application. La Poste sera tenue de proposer une offre fondamentale de services postaux et de services de paiement. Cette offre comprendra pour l'essentiel les lettres et les colis adressés à destination de l'étranger, le transport des journaux et des périodiques ainsi que les paiements, versements et virements. Par ailleurs, les prestations du service universel devront être de bonne qualité et être proposées à des prix abordables (art. 15 nLPO et 92, al. 2 Cst.). La fourniture du service universel en matière de services postaux sera surveillée par la PostCom, le service universel en matière de services de paiement par le service technique du DETEC.

Conclusion La nouvelle loi sur la poste satisfait à la demande de l'initiative de garantir à tous les habitants du pays un réseau postal couvrant tout le territoire et un accès facile et rapide à toutes les prestations d'un service universel moderne. En plus du réseau postal traditionnel exigé par le comité d'initiative, le Conseil fédéral et le Parlement prévoient aussi des agences postales comme points d'accès au réseau couvrant l'ensemble du territoire, estimant que celles-ci répondent aussi bien, voire mieux dans certaines localités, aux besoins des clients de disposer d'un service universel suffisant. Contrairement aux offices de poste peu fréquentés, les agences proposent en règle générale des heures d'ouverture plus longues et plus conviviales. Elles soutiennent et renforcent le commerce local, garantissent des emplois dans les régions périphériques grâce aux revenus supplémentaires réalisés par les prestations postales. Le client peut ainsi régler ses affaires postales en faisant ses achats. La confidentialité des opérations postales est garantie en tout temps étant donné que les collaborateurs ne se trouvant pas dans un rapport de travail avec la Poste sont aussi tenus au secret postal. De plus, les agences postales coûtent moins cher que les offices de poste traditionnels étant
donné que la même infrastructure peut servir à plusieurs activités commerciales. Un réseau d'accès aux offices de poste et aux agences permet à la Poste de s'acquitter de son obligation de fournir le service universel sans que la capacité de développement et la souplesse du réseau de vente n'en soient restreintes. Elle peut organiser et modifier son réseau en fonction des besoins des clients, économisant ainsi des coûts sans que l'offre de prestations du service universel n'en pâtisse. Un réseau d'accès constitué d'agences et d'offices de poste permet ainsi de réaliser l'objectif consistant à garantir des emplois, notamment dans les régions périphériques, au même titre que le réseau traditionnel d'offices de poste tel que l'exige l'initiative.

Le réseau postal exigé par l'initiative occasionnera des coûts élevés tout en empêchant de facto des solutions souples, telles que l'ouverture d'agences fournissant le service universel, et en restreignant inutilement la possibilité de développer l'infrastructure et de l'adapter aux besoins de la clientèle. Et tout cela sans que les consommateurs puissent en retirer une plus-value.

Le Conseil fédéral estime que, conjointement avec les dispositions d'exécution, la nouvelle loi sur la poste tient mieux compte du besoin de la population de disposer

5462

d'un service universel suffisant que le réseau postal rigide et onéreux, qui s'est développé au fil du temps et que propose l'initiative.

4.1.3

Exploitation des offices de poste avec du personnel se trouvant dans un rapport de travail avec la Poste

L'initiative veut obliger la Poste à exploiter le réseau postal uniquement avec du personnel soumis aux rapports de travail de l'entreprise. L'initiative poursuit ainsi deux objectifs: empêcher la mise en place d'agences et de ce fait le transfert de tâches à des tiers et garantir le maintien d'emplois bénéficiant de conditions de travail avantageuses.

L'art. 4 de la nouvelle loi sur la poste oblige en principe tous les prestataires de services postaux à garantir le respect des conditions de travail usuelles dans la branche. Les prestataires sont par ailleurs tenus de négocier une convention collective de travail (CCT) ou de participer à ces négociations par le biais des associations patronales. La PostCom contrôle le respect des conditions de travail usuelles dans la branche et des prescriptions relatives à l'obligation de négocier une CCT (art. 22, al. 2, let. b nLPO). Ces obligations sont censées empêcher à l'avenir la concurrence de se développer sur le marché postal au détriment des salaires et des conditions de travail des employés.

Par ailleurs, la nouvelle loi sur l'organisation de la Poste prévoit que la Poste soit mise sur un pied d'égalité avec ses concurrents privés en ce qui concerne les conditions relevant du droit du travail. Les rapports de service des employés de la Poste ne seront donc plus régis par la loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (LPers)12, mais par le Code des obligations (CO)13. La Poste est cependant toujours tenue de négocier la conclusion d'une CCT (art. 9 nLOP). De plus, le Conseil fédéral pourra toujours contrôler la politique du personnel de la Poste au moyen des objectifs stratégiques. Il attend déjà aujourd'hui qu'elle soit un employeur moderne, socialement responsable et attrayant.

La nouvelle législation postale ne satisfait pas à l'obligation prescrite par l'initiative à la Poste d'exploiter la totalité des offices de poste uniquement avec son propre personnel. Le Conseil fédéral et le Parlement voulaient explicitement que les agences postales soient reconnues comme des points d'accès que la Poste peut exploiter en collaboration avec des tiers (p. ex. épicerie de village, station-service ou administration communale). Bien que ces partenaires offrent des prestations postales, leur activité principale ne concerne pas ce secteur. Ils
doivent par conséquent conserver leur indépendance.

Comme déjà évoqué, les agences présentent plusieurs avantages. La réalisation de synergies permet notamment de garantir des emplois dans des régions périphériques, d'augmenter la fréquentation, de proposer des heures d'ouverture plus longues et plus conviviales et de renforcer le commerce local. Une acceptation de l'initiative permettrait certes de maintenir des offices de poste, mais aurait des effets négatifs sur les offices de poste peu fréquentés. Il faudrait réduire davantage les heures

12 13

RS 172.220.1 RS 220

5463

d'ouverture, ce qui ne serait ni dans l'intérêt des consommateurs, ni dans celui des collaborateurs de la Poste.

Par ailleurs, une telle exigence ne tient pas compte des enjeux actuels et futurs. La protection des employés devrait être assurée sur l'ensemble du marché postal et non par des obligations unilatérales imposées à une seule entreprise. Que le réseau de points d'accès soit exploité par du personnel de la Poste ou par des tiers, la Poste reste responsable de la fourniture d'un service universel suffisant et de la qualité du personnel employé. La collaboration avec des tiers et de ce fait les rapports de travail ne sont donc pas en contradiction avec la garantie d'un service universel suffisant en matière de services postaux et de services de paiement.

4.1.4

Financement du service universel

Enfin, l'initiative exige que les coûts qui découlent de l'exploitation du réseau postal requis et du service universel soient notamment couverts par les recettes du monopole des lettres et par les bénéfices d'une banque postale appartenant à 100 % à la Poste. Elle ne se contente ainsi pas de prévoir des prescriptions sur le financement du service universel et sur le réseau postal, mais demande également que le monopole des lettres et une banque postale figurent dans la Constitution.

Modèle de financement En vertu de la nouvelle législation postale, le financement du service universel en matière de services postaux et de services de paiement continuera d'être garanti par les revenus du monopole des lettres jusqu'à 50 grammes (art. 18 s. nLPO). Pour financer le service universel et le réseau de points d'accès, la Poste disposera naturellement aussi des revenus des autres services, notamment du trafic des paiements, des colis et des affaires internationales. Le but est que la Poste soit en mesure de financer le service universel par ses propres moyens. La loi lui permet donc de fixer les prix du service universel selon des principes économiques et d'exploiter des offices de poste ainsi que des agences. La garantie du financement du service universel dépend aussi de la taille du réseau. Le Conseil fédéral devra en tenir compte en réglant les modalités du financement du service universel au niveau de l'ordonnance.

En raison de la substitution des lettres par les nouveaux médias et les plates-formes Internet, les revenus du monopole des lettres baisseront à l'avenir. Les opérations liées aux hypothèques et aux crédits sont soumises à une forte pression de la concurrence. Il n'est donc pas sûr que des moyens supplémentaires substantiels puissent être dégagés pour financer le réseau postal au cas où PostFinance serait autorisée à offrir ces opérations en son nom propre. En outre, l'assujettissement de PostFinance à la surveillance des marchés financiers implique le respect de certaines exigences régulatoires en matière de fonds propres. PostFinance devra par conséquent augmenter et maintenir ses fonds propres. Une autre utilisation des bénéfices ne sera possible qu'une fois les exigences minimales de fonds propres dépassées. L'infrastructure et le service universel tels que l'exige l'initiative ne pourront pas être financés à long terme par les revenus du monopole des lettres et les bénéfices d'une banque postale.

5464

L'inscription dans la Constitution d'une source de financement incertaine à long terme n'est ni utile ni nécessaire; elle restreint en outre excessivement la liberté de la Poste.

Monopole des lettres L'art. 18 de la nouvelle loi sur la poste prévoit un monopole des lettres jusqu'à 50 grammes. Le monopole comprend tous les envois de correspondance isolés et en nombre de moins de 50 grammes. Comme ce fut le cas jusqu'à présent, les envois de lettres en courrier accéléré ainsi que les envois de la poste aux lettres à destination de l'étranger seront exclus du monopole. Le Conseil fédéral fixera des prix plafonds pour les envois isolés relevant du monopole.

Comme le prévoit l'art. 35 nLPO, le Conseil fédéral évaluera les conséquences de l'ouverture du marché pour les lettres de plus de 50 grammes en Suisse et de la libéralisation complète du marché en Europe. Trois ans au plus tard après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la poste, il devra soumettre à l'Assemblée fédérale un rapport sur les mesures à prendre. Si le Conseil fédéral conclut sur la base des résultats de cette évaluation que le monopole des lettres doit être aboli et que le marché postal doit être entièrement libéralisé comme dans l'UE, il pourra soumettre au Parlement une révision de la loi sur la poste allant dans ce sens. En fin de compte, ce seront cependant le Parlement et, le cas échéant, le peuple qui statueront sur une éventuelle abolition du monopole des lettres et l'ouverture complète du marché.

Si l'on inscrivait le monopole des lettres dans la Constitution ­ et de ce fait l'abandon de l'ouverture complète du marché ­ l'on priverait le législateur de la compétence dont il dispose aujourd'hui d'abolir entièrement ce monopole et d'ouvrir complètement le marché. La souplesse qui pourrait, le cas échéant, être requise à l'avenir dans l'organisation du marché postal ne serait dès lors plus possible. De plus, l'inscription du monopole des lettres dans la Constitution et l'abandon de l'ouverture complète du marché iraient à l'encontre de l'évolution au sein de l'UE, où le secteur postal fait partie du marché unique. Il n'est pas exclu que cette différence crée à l'avenir des problèmes dans nos relations avec l'UE.

La revendication de l'initiative demandant que le service universel et le réseau postal soient financés
notamment par le monopole des lettres jusqu'à 50 grammes est déjà satisfaite jusqu'à nouvel ordre par la nouvelle loi sur la poste et ne doit pas être transposée dans la Constitution.

Banque postale La création d'une banque postale comme le demande l'initiative et l'élargissement des services financiers, notamment la possibilité pour PostFinance de proposer des hypothèques et des crédits en nom propre, ont déjà été rejetés à plusieurs reprises par le Conseil fédéral et le Parlement. Selon la volonté du Conseil fédéral et du Parlement, PostFinance n'a pas le droit de réinvestir directement les fonds dans le marché suisse des crédits et des hypothèques. Etant donné que le potentiel des participations financières en Suisse est restreint, PostFinance continuera de placer une grande partie des fonds de sa clientèle à l'étranger. Les risques qui y sont liés fluctuation des cours de change, risques de crédit des placements étrangers et problèmes juridiques lors du rapatriement des fonds en Suisse paraissent au Conseil fédéral et au Parlement toutefois supportables et ne leur semblent pas plus importants que ceux d'une activité dans le domaine des hypothèques et des crédits en Suisse. Notamment parce que PostFinance couvre les risques de change. Le Conseil fédéral estime par 5465

ailleurs que les hypothèques et les crédits offerts sur le marché suisse sont suffisants.

PostFinance pourra cependant continuer de proposer ces produits financiers pour le compte de tiers. La disposition de la nouvelle loi sur l'organisation de la Poste sur le but de l'entreprise (art. 3 nLOP) exclut par conséquent des activités commerciales futures de PostFinance la possibilité d'octroyer des hypothèques et des crédits en nom propre et pour son compte propre.

La nouvelle loi sur l'organisation de la Poste assujettira PostFinance à la surveillance des marchés financiers FINMA. Etant donné que la FINMA ne surveille que les entreprises actives principalement dans le secteur financier (art. 2a de l'ordonnance du 17 mai 1972 sur les banques14), PostFinance sera dissociée de la maison-mère de la Poste et transférée dans une société anonyme de droit privé. La Confédération devra cependant impérativement détenir une majorité des actions de la Poste et cette dernière détenir une majorité des actions de PostFinance. C'est seulement de cette manière que la Poste pourra assumer la responsabilité du mandat de service universel transféré à PostFinance dans le domaine des services de paiement. Contrairement à l'initiative, qui exige que PostFinance appartienne à 100% à la Poste, la nouvelle LOP (art. 14, al. 2) ne prévoit qu'une participation majoritaire. Il n'existe à l'heure actuelle pas de projet de cotation en bourse ni de vente d'actions à un partenaire stratégique. Le Conseil fédéral et le Parlement estiment qu'une participation majoritaire de la Poste suffit et offre à PostFinance une plus grande marge de manoeuvre pour l'avenir.

L'inscription dans la Constitution d'une banque postale pouvant proposer des hypothèques et des crédits en nom propre et qui appartiendrait à 100% à la Poste, n'est pas orientée vers l'avenir dans un marché en forte évolution et ne correspond pas à la volonté du Conseil fédéral et du Parlement. PostFinance continuera cependant de fournir sa contribution au service universel et au réseau de points d'accès.

Conclusion Le financement du service universel est réglé dans la nouvelle loi sur la poste. Des mesures supplémentaires ne sont ni nécessaires ni politiquement opportunes.

Aucune mesure n'est donc nécessaire.

4.2

Conséquences de l'initiative en cas d'acceptation

4.2.1

Conséquences pour la Confédération

Si l'initiative n'entraîne pas de coûts supplémentaires pour la Confédération, la mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles pourrait avoir des conséquences financières indirectes pour la Confédération. Etant donné que les coûts supplémentaires que la Poste devra assumer pour maintenir un réseau postal inapproprié se répercuteront sur le résultat global, la part du bénéfice que la Poste verse à la Confédération (env. 200 millions par année actuellement) pourrait diminuer. Il n'est pas non plus exclu que la Poste demande une indemnisation de son mandat d'infrastructure si une réduction des coûts est impossible.

14

RS 952.02

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D'autres conséquences financières ou sur le personnel en cas d'acceptation de l'initiative ne sont pas attendues. L'autorité de régulation (PostCom) qui sera créée en vertu de la nouvelle législation postale et le service technique du DETEC ne sont pas concernés par l'initiative.

4.2.2

Conséquences pour la Poste

L'acceptation de l'initiative aurait des conséquences financières et économiques négatives pour la Poste. Elle impliquerait une infrastructure rigide et nécessitant des moyens considérables et imposerait des prescriptions sur le financement du service universel qui restreindraient inutilement la marge de manoeuvre de la Poste. Les revenus supplémentaires d'une banque postale et les recettes d'un monopole résiduel ne constituent pas des sources adéquates propres à garantir le financement du service universel à long terme tel que l'exige l'initiative. Par ailleurs, le financement du service universel par les revenus d'une banque postale n'est pas adéquat. Les impulsions données par l'initiative au niveau de la gestion de la Poste ne sont pas les bonnes.

Le réseau postal exigé par l'initiative restreindrait fortement la liberté de gestion de la Poste; il risquerait de générer un service universel inefficace et d'aboutir, en définitive, à une hausse des tarifs des produits pour les clients. Cela ne correspondrait pas à l'exigence d'un service universel de qualité à des prix raisonnables ni aux besoins de la clientèle. La position de la Poste face à la concurrence s'en trouverait globalement affaiblie, ce qui contribuerait plus à menacer les emplois de la Poste qu'à les protéger.

4.2.3

Conséquences pour les cantons et les communes

Une acceptation de l'initiative, notamment le renoncement aux agences, pourrait le cas échéant avoir des conséquences négatives pour les communes étant donné que les agences permettent de maintenir le service universel dans les régions périphériques, sans compter la contribution qu'elles apportent à l'économie locale en assurant la survie des partenaires d'agence. Sinon, il n'y aura pas de conséquences majeures pour les finances et le personnel des cantons et des communes.

4.2.4

Conséquences économiques

Si le monopole des lettres est inscrit dans la Constitution, le développement de la concurrence sur le marché postal sera entravé. Une politique du marché postal en phase avec l'UE sera notamment impossible. L'objectif d'instaurer à long terme des conditions uniformes pour l'ensemble des prestataires actifs sur le marché postal ne pourra plus être atteint parce que la Constitution imposera à la Poste des conditions qui ne s'appliqueront pas aux autres prestataires de services postaux.

La présente proposition va à l'encontre des intentions des auteurs de l'initiative puisqu'elle ne renforce pas la fourniture rationnelle du service universel, ce qui est susceptible d'avoir des conséquences économiques négatives. Notamment les coûts élevés du réseau postal exigé par l'initiative pourraient le cas échéant conduire à une 5467

hausse des tarifs des produits postaux et à des suppressions d'emplois à la Poste. Ces mesures auraient à leur tour des conséquences négatives sur les consommateurs et sur les employés.

4.3

Rapports avec le droit européen

La politique postale de l'Union européenne (UE) est fondée sur la directive 97/67/CE15, par laquelle le processus de libéralisation a été engagé. Celui-ci a été consolidé par la directive 2002/39/CE16 puis par l'adoption de la troisième directive postale 2008/6/CE17 qui a permis de réaliser le marché intérieur des services postaux sur le plan législatif.

Cette troisième directive vise l'ouverture complète du marché intérieur au plus tard au 31 décembre 2010 (en volume, env. 95 pour cent des marchés postaux de l'UE).

Des exceptions sont possibles pour les pays qui présentent des particularités en ce qui concerne les prestations postales. Il s'agit notamment des nouveaux Etatsmembres de l'UE qui ont adhéré après l'entrée en vigueur de la directive de 2002.

Dans ces pays, l'ouverture complète du marché est prévue pour le 31 décembre 2012. Le marché intérieur des services postaux vise la fourniture d'un service universel de qualité et abordable sur l'ensemble du territoire de l'UE. Bien que l'amélioration de la qualité des services constitue le fondement de cette politique, la rapidité des délais d'acheminement et la qualité de l'accès restent essentielles. En outre, la commission vérifie tous les quatre ans la mise en oeuvre correcte du cadre régulatoire au moyen d'un rapport à l'intention du Parlement européen et du Conseil.

La Suisse n'est juridiquement pas tenue par rapport à l'UE de respecter les directives dans le secteur postal. Il n'existe pas d'accord bilatéral dans ce secteur et la Suisse est libre de définir le service universel et l'organisation du marché dans le secteur des services postaux.

Toutefois, l'inscription du monopole des lettres dans la Constitution et partant le renoncement à une ouverture complète du marché vont à l'encontre des conditions mises en place par l'UE.

4.4

Appréciation finale

Une acceptation de l'initiative aurait à long terme des conséquences financières et économiques négatives pour la Poste et l'économie dans son ensemble. En effet, elle induirait des structures désuètes aux coûts surfaits, lesquels ne pourraient à long 15

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17

Directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service (JO L 15 du 21.1.1998, p. 14).

Directive 2002/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (JO L 176 du 5.7.2002, p. 21).

Directive 2008/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 février 2008 modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (JO L 52 du 27 février 2008, p. 3).

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terme être couverts ni par les revenus des hypothèques et des opérations de crédit ni par le maintien du monopole des lettres. La Poste doit s'adapter aux nouvelles conditions-cadres afin de pouvoir proposer un service universel de qualité et continuer de présenter de bons résultats.

Le réseau postal traditionnel exigé, conjugué à l'obligation de l'exploiter avec du personnel de la Poste, empêcherait cette dernière d'offrir les prestations du service universel en collaboration avec des tiers, notamment les agences postales. Cette obligation ne ferait que pérenniser une infrastructure désuète aux coûts excessifs sans avoir d'effets positifs sur l'offre de prestations du service universel aux points d'accès et sur la sécurité des emplois.

Le financement du service universel est réglé au niveau de la loi. Des mesures supplémentaires ne sont ni nécessaires ni politiquement opportunes. La prescription de la source de financement (monopole des lettres et bénéfices d'une banque postale) restreindrait au contraire les possibilités de développement sur le marché postal.

Par ailleurs, la pérennisation du monopole des lettres et le renoncement futur à l'ouverture complète du marché iraient à l'encontre des évolutions au sein de l'UE.

La création proposée d'une banque postale a déjà été rejetée à plusieurs reprises par le Conseil fédéral et le Parlement, étant donné qu'elle ne correspond pas à la volonté politique.

Le Conseil fédéral estime donc que les revendications de l'initiative sont inutiles, les principales d'entre elles étant largement satisfaites par la nouvelle législation postale. Par ailleurs, le Conseil fédéral tiendra compte de manière appropriée des revendications de l'initiative dans la nouvelle ordonnance sur la poste. Il précisera les nouvelles dispositions légales en plaçant au centre de ses préoccupations la garantie d'un service universel moderne, efficace, finançable et soucieux des besoins des clients.

5

Conclusions

Partant de ce qui précède, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire «Services postaux pour tous». Il estime que la révision totale de la loi sur la poste et de la loi sur l'organisation de la Poste votée récemment par le Parlement ainsi que les futures dispositions d'exécution sont de nature à prendre suffisamment en compte les revendications de l'initiative.

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