ad 10.404 Initiative parlementaire Précision du droit à l'information des commissions de surveillance Rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 3 décembre 2010 Avis du Conseil fédéral du 2 février 2011

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 112, al. 3, de la loi sur le Parlement (LParl), nous vous faisons parvenir ci-après notre avis sur le rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 3 décembre 2010.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

2 février 2011

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2011-0061

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Avis 1

Contexte

La Constitution fédérale (Cst.)1 dispose que le Parlement exerce la haute surveillance sur le Conseil fédéral et l'administration fédérale, les tribunaux fédéraux et les autres organes ou personnes auxquels sont confiées des tâches de la Confédération (art. 169, al. 1, Cst.). La haute surveillance est un élément capital de la séparation des pouvoirs. Dans le cadre de cette haute surveillance, le Parlement procède à une évaluation politique de la manière dont l'Etat s'acquitte des tâches qui lui incombent, puis il édicte des recommandations sur les futures actions à mener ou il lance les travaux législatifs qui s'imposent. La haute surveillance exercée par le Parlement oblige les organes contrôlés à exposer les raisons qui les ont poussés à agir de telle ou telle manière, à les rendre transparentes et compréhensibles, à justifier les résultats qu'ils ont obtenus ou leur absence de résultats, et à en assumer la responsabilité.

Le Parlement ne peut toutefois pas agir à la place des organes qu'il est chargé de surveiller ou annuler leurs décisions. Pour qu'il puisse exercer sa haute surveillance sur le Conseil fédéral et l'administration fédérale, il dispose d'un droit à l'information, inscrit dans la Constitution fédérale. Le secret de fonction ne constitue pas un motif qui peut être opposé aux délégations particulières des commissions de contrôle prévues par la loi. (art. 169, al. 2, Cst.). L'art. 153, al. 4, Cst. dispose par ailleurs que, pour pouvoir accomplir leurs tâches, les commissions ont le droit d'obtenir des renseignements, de consulter des documents et de mener des enquêtes, la loi définissant les limites de ce droit.

C'est la raison pour laquelle la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)2 confère un droit à l'information aux parlementaires (art. 7 LParl), aux commissions législatives (art. 150 LParl), aux commissions de surveillance (commissions de gestion et commissions des finances; art. 153 LParl), aux délégations des commissions de surveillance (Délégation des Commissions de gestion et Délégation des finances; art. 154 LParl) et aux commissions d'enquête parlementaires (CEP; art. 166 LParl) selon un système en cascades. L'étendue du droit à l'information des organes susmentionnés est de plus en plus importante. Ainsi, les délégations, y compris les CEP, qui accomplissent
des tâches spéciales dans le cadre de la haute surveillance, disposent du droit à l'information le plus étendu; comme la Constitution fédérale le prévoit, elles ont accès à toutes les informations.

Au cours des dernières années, l'exercice du droit à l'information par les commissions de surveillance a donné lieu à des divergences d'opinions entre les commissions de gestion (CdG) des deux conseils, d'une part, et le Conseil fédéral, d'autre part, à propos de l'interprétation de l'art. 153, al. 4, LParl. Pour le Conseil fédéral, les «documents sur lesquels le Conseil fédéral s'est directement fondé pour prendre une décision» englobent les propositions, raison pour laquelle la remise de ces dernières peut être refusée. Les CdG estiment quant à elles que la réserve figurant à l'art. 153, al. 4, LParl ne sert qu'à protéger le principe de collégialité, si bien qu'elle devrait porter uniquement sur les co-rapports des autres départements, et non pas sur les propositions adressées au Conseil fédéral, annexes comprises. Lors de leur 1 2

RS 101 RS 171.10

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séance commune du 22 janvier 2010, les CdG des deux conseils ont donc décidé de déposer une initiative parlementaire. Le 26 février 2010, la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) a adopté le texte de l'initiative à l'unanimité. La Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a adopté l'initiative ­ elle aussi à l'unanimité ­ le 30 mars 2010, ouvrant ainsi la voie à l'élaboration d'un projet de loi. La CdG-E a adopté le projet de modification de la LParl le 3 décembre 2010 et l'a transmis le jour même au Conseil fédéral pour avis.

2

Avis du Conseil fédéral

2.1

Généralités

Pour que le Conseil fédéral puisse accomplir les tâches qui lui incombent en vertu de la Constitution fédérale, il est important qu'il puisse garder secrètes certaines informations et n'y donner accès qu'à un nombre restreint de personnes. Il s'agit, d'une part, des informations qui ne doivent pas être rendues publiques pour des raisons relevant de la sécurité de l'Etat ou du renseignement; il s'agit, d'autre part, des informations relatives à la procédure de co-rapport du Conseil fédéral, auxquelles il est crucial que le Parlement n'ait pas accès pour que la formation de l'opinion du collège gouvernemental se fasse dans de bonnes conditions. La confidentialité au sein du Conseil fédéral est la condition indispensable pour que les délibérations se fassent en toute liberté et en toute collégialité, faute de quoi le principe de collégialité risquerait d'être sapé.

Le Conseil fédéral rejette le reproche selon lequel il aurait agi illégalement lors de l'application de l'art. 153, al. 4, LParl. Le pouvoir qu'ont les commissions de surveillance de statuer définitivement sur l'exercice de leur droit à l'information ne concerne que les domaines pour lesquels la LParl leur confère un droit à l'information. L'art. 153, al. 4, 2e phrase, LParl restreint ce domaine en disposant que les commissions de surveillance ne peuvent consulter ni les documents sur lesquels le Conseil fédéral s'est directement fondé pour prendre une décision, ni les documents qui doivent rester secrets pour des raisons relevant de la sécurité de l'Etat ou du renseignement. A la lumière du principe de collégialité inscrit dans la Constitution fédérale, le Conseil fédéral maintient son interprétation de l'art. 153, al. 4, 2e phrase, LParl, selon laquelle cette disposition porte sur tous les documents de la procédure de co-rapport, donc aussi sur les propositions adressées au Conseil fédéral et sur leurs annexes. Les commissions de surveillance ne peuvent donc pas, en vertu du droit en vigueur, se prévaloir du droit de consulter les propositions en question étant donné que ces dernières font partie des documents sur lesquels le Conseil fédéral s'est directement fondé pour prendre une décision.

Malgré tout, en pratique, le Conseil fédéral accorde aux commissions de surveillance, au cas par cas, le droit de consulter aussi bien des propositions
que des co-rapports.

Compte tenu des points litigieux entourant l'interprétation du droit à l'information, d'une part, et de la pratique actuelle, d'autre part, le Conseil fédéral est d'accord, sur le principe, d'adapter le droit à l'information conféré aux députés, aux commissions législatives ainsi qu'aux commissions de surveillance et à leurs délégations. Il propose toutefois une série de modifications par rapport au projet de la CdG-E.

1751

Le Conseil fédéral salue la réglementation sur la récusation contenue dans le rapport de la CdG-E, réglementation prévue pour les membres des CdG et leur délégation.

S'agissant des autres propositions de modification, il se prononce comme suit.

2.2

Droit à l'information des députés et des commissions législatives

Le Conseil fédéral approuve la nouvelle formulation des réserves à l'art. 7, al. 2, let. a, du projet de modification de la LParl (P-LParl), qui porte sur le droit à l'information des députés, et à l'art. 150, al. 2, P-LParl, qui concerne le droit à l'information des commissions législatives. Il fait observer que le terme de procédure de co-rapport englobe les propositions adressées au Conseil fédéral et leurs annexes. Les députés et les commissions législatives ne peuvent donc pas se prévaloir du droit de consulter les propositions adressées au Conseil fédéral, les co-rapports et les annexes de ces propositions.

Le Conseil fédéral n'a, sur le principe, rien à objecter non plus au remaniement de l'art. 7, al. 2, let. b, LParl. Il faut cependant préciser la délimitation proposée du domaine d'exclusion du droit à l'information des députés et, dans le domaine de la sécurité intérieure et de la sécurité extérieure, l'étendre aux informations classées confidentielles qui sont définies à l'art. 6 de l'ordonnance du 4 juillet 2007 concernant la protection des informations (OPrI)3. Il faut aussi harmoniser son libellé avec celui de l'art. 150, al. 2, P-LParl, qui porte sur le droit à l'information des commissions législatives. D'après le rapport de la CdG-E, le droit à l'information des députés est moins étendu que celui des commissions législatives. Le projet du Conseil fédéral en tient compte en ce sens qu'il prévoit que le domaine d'exclusion des commissions comprendra les informations secrètes, et celui des députés, en plus, les informations confidentielles.

2.3

Droit à l'information des commissions de surveillance

2.3.1

Accord de principe sur son extension

Le Conseil fédéral peut comprendre que les commissions de surveillance doivent disposer d'un droit à l'information complet pour pouvoir s'acquitter de leurs tâches de haute surveillance pour le compte du Parlement. Elles doivent avoir la possibilité d'interroger directement les autorités qui font l'objet de la haute surveillance et d'obtenir qu'elles leur remettent tous les renseignements et tous les documents dont elles ont besoin. Mais elles doivent aussi pouvoir comprendre comment le Conseil fédéral a pris ses décisions. En vertu du droit en vigueur, les CdG peuvent certes confier certains mandats à la Délégation des Commissions de gestion (DélCdG), à laquelle le Conseil fédéral n'a pas le droit de cacher des informations relevant de son domaine de compétences, si bien qu'elles disposent déjà, indirectement, d'un droit absolu à l'information. Malgré tout, le Conseil fédéral est disposé, à certaines conditions, à étendre le droit à l'information à la remise, aux commissions de surveillance, 3

RS 510.411

1752

des propositions qui lui sont adressées. La première condition est qu'il faut garantir qu'aucune personne non autorisée n'ait accès à ces informations. Le projet oblige les commissions de surveillance à édicter des directives relatives au maintien du secret qui seront applicables dans leur domaine de compétences. A cet égard, le Conseil fédéral estime qu'il faut notamment prévoir des sanctions en cas de non-respect desdites directives, mais aussi mieux protéger le secret de fonction visé à l'art. 8 LParl4. La deuxième condition est qu'il faut étendre les droits du Conseil fédéral en matière de procédure et les adapter à son statut juridique dans le cadre d'une CEP. Il faut notamment accorder au Conseil fédéral le droit d'être présent à l'audition des personnes appelées à fournir des renseignements, de leur poser des questions complémentaires et de consulter les documents remis aux commissions de surveillance ainsi que les rapports d'expertise et procès-verbaux d'audition qu'elles ont établis. Il faut aussi obliger ces commissions à faire état, dans leur rapport, des avis que les autorités concernées ont rendus dans le cadre du droit d'être entendu conformément à l'art. 157 LParl. S'il s'agit d'un avis du Conseil fédéral, il faut obliger les commissions de surveillance à indiquer dans leur rapport les raisons qui les ont conduites à ne pas tenir compte de l'avis en question.

Le Conseil fédéral n'est toutefois pas d'accord d'accorder aux commissions de surveillance le droit de consulter les co-rapports des autres départements qui portent sur la proposition du département responsable. Si les commissions de surveillance pouvaient consulter aussi les co-rapports, le cercle des personnes ayant accès aux délibérations du collège gouvernemental s'en trouverait considérablement agrandi.

La libre formation de l'opinion ne serait plus garantie au sein du Conseil fédéral, et le principe de collégialité serait fortement mis à mal. Les commissions de surveillance peuvent exercer pleinement leurs tâches de haute surveillance à l'aide des propositions, auxquelles est joint un dispositif de la décision, et des décisions du Conseil fédéral proprement dites. Soucieux de préciser les choses, le Conseil fédéral aimerait par ailleurs que l'on remplace, à l'art. 153, al. 6, P-LParl, la notion de remise par celle de
consultation. La notion de remise n'aurait pas sa place dans cette disposition, ce qui n'est pas le cas à l'art. 154, al. 2, let. a, P-LParl, où l'on a utilisé sciemment le terme «remis» pour éviter que les délégations des commissions de surveillance soient confrontées un jour à des modalités de consultation restrictives, par exemple l'interdiction de faire des photocopies. Les commissions de surveillance ne doivent en effet avoir aucun accès aux documents mentionnés à l'art. 153, al. 6, P-LParl, pas même sous la forme d'une simple consultation. La justification qui figure dans le rapport de la CdG-E à propos de l'art. 153, al. 6, let. a, P-LParl, selon laquelle, par souci de cohérence, on a utilisé la même terminologie qu'à l'art. 154, al. 2, let. a, P-LParl, n'a par conséquent aucune pertinence.

Les documents remis aux commissions de surveillance le sont sous forme papier uniquement. Le Conseil fédéral prie les commissions en question de ne pas établir et de ne pas distribuer des versions électroniques de ces documents.

Le projet de la CdG-E prévoit que les commissions de surveillance continueront de ne pas avoir droit à la remise de documents secrets et de procès-verbaux des séances du Conseil fédéral. Le Conseil fédéral entend par procès-verbaux exclus du champ 4

08.447 Iv. pa. Garantie de la confidentialité des délibérations des commissions et modification des règles légales relatives à l'immunité, rapport de la CIP-N du 19 août 2010; FF 2010 6719; 08.447 Iv. pa. Garantie de la confidentialité des délibérations des commissions et modification des règles légales relatives à l'immunité, avis du Conseil fédéral du 20 octobre 2010 sur le rapport de la CIP-N du 19 août 2010; FF 2010 6759.

1753

d'application du droit à l'information tous les documents qui contiennent des transcriptions des débats du Conseil fédéral.

Le Conseil fédéral ne s'oppose pas à l'extension du devoir de renseignement et de participation prévu à l'art. 156 LParl aux personnes ayant été au service de la Confédération. Il part du principe que le devoir de renseignement et de participation qui incombe à ces personnes se limite, sur les plans objectif et temporel, à leur activité pour le compte de la Confédération. Pour ce domaine, on ne peut pas invoquer une violation du secret de fonction dans le cas des personnes interrogées par les commissions de surveillance qui ne sont plus au service de la Confédération.

Le Conseil fédéral désapprouve la nouvelle réglementation qui donne aux commissions de surveillance la possibilité de charger leur secrétariat d'éclaircir des états de fait particuliers et de procéder à des auditions. Il estime qu'il ne faut inscrire dans la loi que la possibilité de charger les secrétariats d'éclaircir des états de fait particuliers. Il est tout à fait opportun que les secrétariats épaulent les commissions de surveillance, raison pour laquelle le Conseil fédéral ne s'y oppose pas. Par contre, les auditions doivent continuer d'être effectuées par les membres des commissions de surveillance, qui exercent pour le compte du Parlement la haute surveillance prévue dans la Constitution fédérale. Car, aux yeux du Conseil fédéral, eux seuls disposent de la légitimité requise du fait de leur élection démocratique. Les employés des Services du Parlement n'ont ni la légitimité ni la compétence d'interroger des employés de la Confédération ou des magistrats. Il en va de même pour l'activité des délégations des commissions de surveillance. Seuls les membres de ces délégations peuvent exercer le droit à l'information défini à l'art. 154, al. 1, LParl et à l'art. 154, al. 2, P-LParl.

Par ailleurs, le Conseil fédéral tient beaucoup à ce que ses membres puissent mieux se préparer, à l'avenir, aux auditions menées par les commissions de surveillance.

Voilà pourquoi il prie lesdites commissions de fournir préalablement aux membres du Conseil fédéral concernés toutes les informations nécessaires sur l'objet des auditions afin qu'ils puissent, le moment venu, répondre au mieux et de façon exhaustive.

2.3.2

Refus des mesures de contrainte

Le Conseil fédéral s'oppose à ce que l'on accorde désormais aux commissions de surveillance la possibilité de prendre des mesures de contrainte pour faire amener des personnes assujetties à l'obligation de renseigner ou de témoigner. C'est en particulier la conformité de ces mesures avec le système qui apparaît problématique compte tenu des différentes attributions des organes de l'Etat en matière de surveillance et de contrôle. Par ailleurs, ces mesures soulèvent la question de leur proportionnalité et de leur compatibilité avec le principe de la séparation des pouvoirs.

L'art. 169 Cst. précise que le Parlement exerce la haute surveillance sur le Conseil fédéral et l'administration fédérale, les tribunaux fédéraux et les autres organes ou personnes auxquels sont confiées des tâches de la Confédération. Il ne s'agit pas là de la surveillance d'une autorité hiérarchiquement inférieure par une autorité hiérarchiquement supérieure, mais bien d'un contrôle politique des autorités placées sous la surveillance du Parlement et de ses organes. Les commissions de surveillance procèdent, pour le compte du Parlement, à une évaluation politique de la manière 1754

dont l'Etat s'acquitte des tâches qui lui incombent, puis elles édictent des recommandations sur les futures actions à mener ou elles lancent les travaux législatifs qui s'imposent. Les organes contrôlés sont obligés d'exposer les raisons qui les ont poussés à agir de telle ou telle manière et d'en assumer la responsabilité. La haute surveillance doit donc être distinguée des contrôles effectués par les organes judiciaires, mais aussi des mesures relevant du droit administratif qui sont prises par le Conseil fédéral et d'autres autorités exécutives, lesquels exercent une surveillance directe sur les unités qui leur sont subordonnées. Comme la haute surveillance est de nature politique, les instruments et les sanctions nécessaires à son exercice doivent être de nature exclusivement politique. C'est la raison pour laquelle prendre des mesures de contrainte dans le cadre de la haute surveillance serait contraire au but et à l'esprit du système; qui plus est, la question se pose de savoir si des mesures de ce type seraient compatibles avec la Constitution fédérale. La solution proposée par la CdG-E, qui pourrait aboutir à l'établissement d'un mandat d'amener contre des membres du Conseil fédéral, montre à quel point ces mesures de contrainte pourraient poser des problèmes dans certains cas, notamment eu égard au principe de la séparation des pouvoirs.

Par ailleurs, le projet ne prévoit pas la possibilité de soumettre à un examen judiciaire les décisions relatives aux mandats d'amener. Ces derniers constituent pourtant une atteinte à la liberté individuelle. Il s'agit en l'occurrence d'une violation de la garantie de l'accès au juge, qui fait l'objet de l'art. 29a Cst., contrairement à ce qui est dit dans le rapport de la CdG-E. L'art. 29a, 2e phrase, Cst. dispose certes qu'il est possible de prévoir des exceptions dans la loi, mais ce sont en premier lieu les matières non justiciables et les actes du gouvernement qui doivent constituer des exceptions à la garantie de l'accès au juge, et non pas les atteintes aux droits fondamentaux.

Les CEP et la DélCdG ont aujourd'hui déjà la possibilité de traduire devant la justice pénale les personnes qui violent leurs obligations, qui font de faux témoignages, qui refusent de faire une déclaration ou de remettre des documents et qui violent leur obligation de
garder le secret. Ces actes punissables ne sont pas réprimés par les délégations des commissions de surveillance ou par les CEP: ils sont soumis à la juridiction pénale fédérale, ce qui est conforme aux exigences fixées à l'art. 29a Cst.

Le Conseil fédéral estime dès lors qu'il y a suffisamment de moyens de sanctionner les personnes qui violent leur devoir de renseignement et de participation.

C'est pour ces raisons que le Conseil fédéral est favorable à ce qu'on renonce à instaurer des mesures de contrainte pour faire en sorte que les commissions de surveillance puissent interroger des personnes. Les al. 3 et 4 de l'art. 153 P-LParl doivent donc être biffés.

2.3.3

Pas d'audition de témoins par les commissions de surveillance

L'art. 153, al. 3, P-LParl prévoit que les commissions de surveillance pourront désormais entendre aussi des témoins, ce qui constitue une nouveauté. Or, en vertu du droit en vigueur, cette possibilité est réservée explicitement aux délégations des commissions de surveillance et aux CEP (art. 154, 155 et 166 LParl). Le projet ne propose aucune modification des dispositions en question. Le Conseil fédéral est 1755

d'avis que les CEP et les délégations des commissions de surveillance sont les organes idoines pour auditionner des témoins. Aussi faut-il renoncer à conférer aux commissions de surveillance le droit d'auditionner des témoins.

2.4

Droit à l'information des délégations des commissions de surveillance

Le Conseil fédéral s'oppose à l'extension du droit à l'information des délégations des commissions de surveillance à l'art. 154, al. 2, let. a, P-LParl. Il ne veut pas que la loi accorde à ces délégations le droit de pouvoir exiger la remise de documents sur lesquels le Conseil fédéral s'est fondé pour prendre une décision, ou qui doivent rester secrets pour des raisons relevant de la sécurité intérieure ou de la sécurité extérieure. Inscrire ce droit dans la loi aurait pour conséquence qu'il faudrait remettre des documents ultrasensibles aux délégations des commissions de surveillance ou leur en faire des copies. Or, en remettant des documents ou en en faisant des copies, on accroîtrait le risque de ne plus garantir la protection des informations.

Le Conseil fédéral estime que la réglementation en vigueur a fait ses preuves, elle qui dispose que les délégations des commissions de surveillance ont seulement le droit de consulter les documents sur lesquels le Conseil fédéral s'est fondé pour prendre une décision ainsi que les documents qui doivent rester secrets pour des raisons relevant de la sécurité de l'Etat ou du renseignement. Il souhaite donc que cette réglementation soit maintenue quant au fond. En revanche, il n'a rien à objecter à la modification des formulations à l'art. 154, al. 2, let. a, P-Parl. La consultation des documents de la procédure de co-rapport doit se faire dans les locaux de la Chancellerie fédérale. La même procédure s'applique aux documents qui doivent rester secrets pour des raisons relevant de la sécurité de l'Etat ou du renseignement.

Ils peuvent être consultés à l'endroit où ils sont conservés. Comme il s'agit de données ultrasensibles, seuls les membres des délégations des commissions de surveillance peuvent demander à les consulter. Il n'est pas possible de déléguer cette compétence aux secrétariats des commissions de surveillance et de leurs délégations.

Le Conseil fédéral peut comprendre, sur le principe, que la DélCdG et la Délégation des finances (DélFin) soient mises sur un pied d'égalité en ce qui concerne la communication automatique, par le Conseil fédéral, des décisions qu'il prend et des co-rapports correspondants. Il prend acte du fait que ses décisions et les co-rapports correspondants seront transmis aux délégations des commissions de surveillance
après qu'il les aura traités. Pour pouvoir continuer de garantir la protection des informations, il convient cependant de préciser l'art. 154, al. 3, LParl de telle sorte que la DélFin et la DélCdG ne se voient communiquer au fur et à mesure et régulièrement que les décisions du Conseil fédéral concernant les affaires qui sont classées secrètes pour des raisons relevant de la sécurité intérieure ou de la sécurité extérieure, ou dont la connaissance par des personnes non autorisées peut porter un grave préjudice aux intérêts du pays. Il s'agit là de la pratique, établie depuis de nombreuses années, en vertu de laquelle les décisions secrètes du Conseil fédéral sont communiquées à la DélFin.

Par ailleurs, le Conseil fédéral prend acte du fait que les délégations des commissions de surveillance envisagent de réunir toutes les décisions du Conseil fédéral, y compris les co-rapports correspondants. A cet égard, le Conseil fédéral tient beaucoup à ce que l'on garantisse la protection des informations d'une manière analogue 1756

à ce qui a été fait dans l'OPrI. Il prie notamment les délégations de respecter le principe qui veut que les commissions de surveillance et leurs délégations ne reçoivent les propositions et les décisions que sous forme papier (voir ch. 2.3.1 supra).

2.5

Pas d'extension du domaine d'activité de la DélCdG

Le Conseil fédéral s'oppose à la nouvelle définition de l'activité de surveillance de la DélCdG, inscrite à l'art. 53, al. 2, P-LParl, qui prévoit que cette activité aille au-delà des domaines de la sécurité de l'Etat et du renseignement, pour s'étendre à l'ensemble du domaine de la sécurité intérieure et de la sécurité extérieure: Si l'on remplaçait dans la loi le domaine d'activité actuel de la DélCdG ­ à savoir celui de la sécurité de l'Etat et du renseignement ­ par le domaine très vaste de la sécurité intérieure et de la sécurité extérieure, l'activité de surveillance de la DélCdG s'en trouverait fortement étendue. Cette démarche serait en contradiction avec la loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI)5. Les tâches de contrôle que l'art. 25 LMSI confère à la DélCdG doivent être comprises comme des tâches de surveillance axées exclusivement sur les activités relevant de la sécurité de l'Etat. Le Conseil fédéral renvoie à ce propos à son message du 7 mars 1994 concernant la loi fédérale sur des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure ainsi que l'initiative populaire «S.o.S. ­ pour une Suisse sans police fouineuse»6, mais aussi à la pratique qui est celle de la DélCdG depuis de nombreuses années. Le législateur voulait que le renseignement fasse l'objet d'une surveillance spéciale parce que ses activités ne peuvent pas faire l'objet d'une action en justice et qu'elles ne sont pas soumises au contrôle constitué par les voies de droit. Il en va tout autrement dans les autres domaines de la sécurité intérieure et de la sécurité extérieure, qui ne sont pas couverts de manière inconditionnelle par la notion traditionnelle de sécurité de l'Etat (p. ex. les mesures visant à empêcher la violence lors de manifestations sportives, mesures qui sont prévues à l'art. 2, al. 4, let. f, LMSI). Dans ces cas de figure, on a à faire à des actes administratifs qui peuvent être soumis au jugement du Tribunal administratif fédéral. C'est pourquoi, dans ces domaines soumis à un contrôle judiciaire, il serait contraire au système et à la volonté du législateur d'instaurer un contrôle parlementaire permanent en plus de la surveillance ordinaire exercée par les départements conformément à l'art. 38 de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du
gouvernement et de l'administration7.

En vertu du droit en vigueur, les commissions de surveillance peuvent déjà faire usage des droits que la législation leur confère en matière de haute surveillance sur la gestion du Conseil fédéral et de l'administration fédérale (art. 26 LParl en relation avec l'art. 52, al. 1, LParl) pour confier à la DélCdG, à n'importe quel moment, un mandat de contrôle particulier pouvant porter sur l'ensemble de l'administration fédérale si elles le jugent nécessaire pour faire toute la lumière sur des événements précis (art. 53, al. 3, LParl). Avec la nouvelle réglementation prévue à l'art. 53, al. 2, P-LParl, l'activité de contrôle de la DélCdG, que cette dernière peut exercer à tout moment, ponctuellement, même pour des affaires relevant de la sécurité intérieure 5 6 7

RS 120 FF 1994 II 1123 ss RS 172.010

1757

ou extérieure, se transformerait en une activité de surveillance permanente et complète de l'organe exécutif dans les domaines de la sécurité intérieure et de la sécurité extérieure. Aujourd'hui, de nombreux départements et unités administratives exercent des activités dans ces domaines. Etendre de la sorte l'activité de contrôle de la DélCdG est non seulement inutile et disproportionné en soi et en raison des ressources nécessaires, mais aussi d'une portée politique considérable eu égard à l'efficacité du travail du Conseil fédéral et à sa responsabilité politique en matière de conduite des affaires.

Qui plus est, l'introduction de termes vagues tels que «sécurité intérieure», «sécurité extérieure» et «notamment» dans des normes de compétence comme l'art. 53, al. 2, est à déconseiller au plus haut point. Les termes de «sécurité intérieure» et de «sécurité extérieure» sont des notions très vastes, qu'il n'est guère possible de délimiter avec précision. Les introduire dans la loi provoquerait immanquablement des litiges en matière de compétences entre les organes étatiques. Il serait malvenu de le faire dans un projet qui est précisément censé aplanir une fois pour toutes les divergences d'opinions entre le Parlement et ses organes de surveillance, d'une part, et le Conseil fédéral, d'autre part.

3

Propositions du Conseil fédéral

Eu égard aux considérations qui précèdent, le Conseil fédéral fait les propositions suivantes:

3.1

Droit à l'information des députés et des commissions législatives

L'art. 7, al. 2, let. b, P-LParl doit être modifié comme suit: Art 7, al. 2, let. b 2

Un député peut se voir refuser des informations: b.

qui sont classées confidentielles ou secrètes pour des raisons relevant de la sécurité intérieure ou de la sécurité extérieure, ou dont la connaissance par des personnes non autorisées peut porter préjudice aux intérêts du pays;

L'art. 150, al. 2, let. b, P-LParl doit être modifié comme suit: Art. 150, al. 2, let. b 2

Elles peuvent se voir refuser des informations: b.

1758

qui sont classées secrètes pour des raisons relevant de la sécurité intérieure ou de la sécurité extérieure, ou dont la connaissance par des personnes non autorisées peut porter un grave préjudice aux intérêts du pays.

3.2

Droit à l'information des commissions de surveillance

L'art. 153 P-LParl doit être modifié comme suit: Art. 153, al. 1, 2e phrase, 1bis, 3, 4, 5 et 6 (nouveau) 1

... Elles peuvent charger leur secrétariat d'éclaircir des états de fait particuliers.

Avant d'interroger des membres du Conseil fédéral, les commissions de surveillance leur fournissent des informations exhaustives sur l'objet de l'audition.

1bis

Avant d'interroger une personne qui est ou qui a été subordonnée au Conseil fédéral, les commissions de surveillance informent celui-ci de leur intention. Si le Conseil fédéral en fait la demande, elles l'entendent avant que la personne leur fournisse des renseignements ou des documents.

3

Le Conseil fédéral a le droit d'être présent à l'audition des personnes appelées à fournir des renseignements, de leur poser des questions complémentaires et de consulter les documents remis aux commissions de surveillance ainsi que les rapports d'expertise et procès-verbaux d'audition qu'elles ont établis.

4

Il peut charger un agent de liaison doté des compétences requises d'exercer les droits qui lui sont conférés en vertu de l'al. 4.

5

Les commissions de surveillance statuent définitivement sur l'exercice de leur droit à l'information. Elles peuvent se voir refuser la consultation:

6

a.

de co-rapports;

b.

de procès-verbaux des séances du Conseil fédéral et d'autres informations relatives aux débats du Conseil fédéral;

c.

de documents qui sont classés secrets pour des raisons relevant de la sécurité intérieure ou de la sécurité extérieure, ou dont la connaissance par des personnes non autorisées peut porter un grave préjudice aux intérêts du pays.

L'art. 157 LParl doit être complété par des al. 2 et 3: Art. 157, al. 2 et 3 (nouveaux) La commission de surveillance fait état, dans son rapport, de l'avis de l'autorité concernée.

2

Elle indique les raisons qui l'ont conduite à ne pas tenir compte de l'avis du Conseil fédéral.

3

1759

3.3

Droit à l'information des délégations des commissions de surveillance

L'art. 154 P-LParl doit être modifié comme suit: Art. 154, al. 2, let. a, et 3 Outre le droit à l'information prévu aux art. 150 et 153, les délégations des commissions de surveillance ont le droit:

2

a.

de consulter les procès-verbaux des séances du Conseil fédéral et les documents qui sont classés secrets pour des raisons relevant de la sécurité intérieure ou de la sécurité extérieure, ou dont la connaissance par des personnes non autorisées peut porter un grave préjudice aux intérêts du pays;

Toutes les décisions du Conseil fédéral sont communiquées au fur et à mesure et régulièrement à la Délégation des finances et à la Délégation des Commissions de gestion, accompagnées des co-rapports correspondants. Dans le cas des affaires qui sont classées secrètes pour des raisons relevant de la sécurité intérieure ou de la sécurité extérieure, ou dont la connaissance par des personnes non autorisées peut porter un grave préjudice aux intérêts du pays, seules les décisions sont communiquées aux deux délégations. Ces dernières fixent ensemble les modalités de la transmission, de la consultation et de l'archivage des documents.

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3.4

Domaine d'activité de la Délégation des Commissions de gestion

L'art. 53, al. 2, P-LParl doit être biffé. Le droit en vigueur doit être conservé.

Art. 53, al. 2 (en vigueur) La délégation surveille les activités relevant de la sécurité de l'Etat et du renseignement.

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