02.076 Message concernant l'ouverture d'un crédit-cadre pour des mesures de gestion civile des conflits et de promotion des droits de l'homme du 23 octobre 2002

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous soumettons à votre approbation un projet d'arrêté fédéral relatif à un crédit-cadre pour des mesures de gestion civile des conflits et de promotion des droits de l'homme.

Nous vous proposons simultanément de classer le postulat suivant: 1998 P 98.3257

Bons offices de la Suisse entre le gouvernement Mexicain et les Chiapas (N 9.10.98, Spielmann)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

23 octobre 2002

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Kaspar Villiger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2002-1517

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Condensé Le projet de loi fédérale sur des mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme prévoit que les ressources financières destinées à financer les mesures déployées dans ces deux domaines seront allouées sous forme de crédits-cadres pluriannuels. Par le présent message, le Conseil fédéral propose le premier de ces crédits-cadres, d'un montant de 240 millions de francs et courant sur quatre ans au moins à compter du 1er janvier 2004.

La gestion civile des conflits et la promotion des droits de l'homme sont au coeur de la politique extérieure de la Suisse. Dans son rapport de politique extérieure 2000, le Conseil fédéral affirme qu'il «veut fournir une contribution essentielle et bien visible à la prévention de conflits armés». Il y annonce en même temps qu'il entend «conduire une politique humanitaire suisse indépendante et disposant d'un profil marqué» et renforcer par des «mesures appropriées ses efforts en vue du respect et de la promotion des droits de l'homme, de la démocratie et des principes de l'Etat de droit».

La gestion civile des conflits comme la promotion des droits de l'homme possèdent chacun leurs axes de travail, leurs méthodes et leurs instruments propres. Mais ils sont aussi en étroite interrelation: le respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire est à la base de toute formule de paix durable. Simultanément, la paix est indispensable à une ample protection des droits de l'homme et à la limitation de leurs violations.

L'expérience a montré ces dernières décennies au Conseil fédéral que les chances de succès des contributions suisses aux processus de paix s'accroissent si l'on parvient avant même le démarrage des négociations formelles de paix à instaurer un rapport de confiance avec les parties au conflit. Or cette confiance ne s'obtient qu'après plusieurs années d'efforts systématiques dans une région en conflit.

En ce qui concerne la promotion des droits de l'homme, les possibilités d'action et les défis ont changé depuis la fin de la confrontation Est-Ouest. Si le nombre des accords internationaux sur les droits de l'homme et celui des pays qui les ont ratifiés ont considérablement augmenté ces dernières années, l'application de ces textes est loin d'être satisfaisante. Il est également primordial de protéger
les populations contre la violence et l'arbitraire et d'améliorer leur sécurité dans des situations de conflit où des parties qui ne reconnaissent pas le monopole du pouvoir de l'Etat enfreignent les droits de l'homme ainsi que le droit international humanitaire.

Le Conseil fédéral a défini des objectifs et des principes ainsi que des domaines d'action concrets dans lesquels la Direction politique du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) déploiera son action sur ces deux plans dans les quatre années qui viennent. Pour améliorer la qualité et l'efficacité des contributions suisses, elle enrichira d'autre part ses connaissances et ses savoir-faire sur un certain nombre de questions.

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Les ressources financières actuelles ne suffisent plus pour répondre convenablement à la demande sans cesse croissante de contributions suisses à la gestion civile des conflits et à la promotion des droits de l'homme. Elles ne peuvent en outre être utilisées à ce jour que dans le cadre d'engagements d'une année, ce qui s'est révélé irréalisable. En effet, il apparaît que pour être efficace, une action doit couvrir au moins le moyen terme. Le crédit-cadre permettra de s'engager dans des actions s'étalant sur plusieurs années.

La Direction politique du DFAE a compétence pour agir dans ces deux domaines.

Elle travaille étroitement avec d'autres services fédéraux ­ notamment la Direction du développement et de la coopération (DDC) ­, des organisations internationales, des organisations non étatiques ainsi que des partenaires du monde de la science et de l'économie.

La première partie du présent message examine la nature de la gestion civile des conflits et de la promotion des droits de l'homme; elle commence par replacer le problème dans son contexte et retrace les actions antérieures entreprises par le Conseil fédéral avant de présenter les stratégies et les priorités qui guideront la Direction politique au cours de la période 2004­2007. La deuxième partie du message porte sur les répercussions financières et les effets sur le personnel. Les troisième et quatrième parties, enfin, abordent l'insertion dans le programme de la législature et les bases légales.

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Message 1

Gestion civile des conflits et promotion des droits de l'homme

1.1

Introduction

Dans son rapport sur la politique extérieure 20001, le Conseil fédéral indique qu'il entend ménager une place importante à la prévention des conflits armés et à la promotion des droits de l'homme dans les années qui viennent. Cela, bien sûr, en vertu de la mission que lui confère la Constitution de promouvoir la coexistence pacifique des peuples et le respect des droits de l'homme. Mais il estime aussi que les efforts qu'il consacre à la paix et aux droits de l'homme coïncident avec son intérêt, et doivent être menés avec détermination et énergie pour des raisons de solidarité internationale.

La paix et les droits de l'homme sont inséparables. Dès son préambule, la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948) rappelle que la reconnaissance des droits de l'homme constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix. Le respect des droits de l'homme et du droit international représente le fondement incontournable de tout règlement de paix durable. Les violations des droits de l'homme les plus graves sont souvent commises aujourd'hui avant ou pendant des conflits armés. La communauté internationale a donc le devoir de contribuer au règlement pacifique des conflits et de soutenir l'instauration d'ordres sociaux respectant les droits de l'homme.

La protection internationale des droits de l'homme s'est dynamiquement développée ces dernières années. L'édifice normatif actuel permet à l'individu de se défendre ou de demander protection quand les pouvoirs publics portent atteinte à sa dignité humaine. Pourtant, ces acquis paraissent bien insuffisants eu égard aux terribles violations des droits de l'homme que l'on observe partout dans le monde. Il n'y a que dans un nombre relativement restreint de pays que la protection internationale des droits de l'homme est complètement garantie. Et il y a encore beaucoup à faire dans ceux où les structures de l'Etat de droit sont fragiles.

Par le présent message, le Conseil fédéral propose un crédit-cadre qui servira à financer des activités dans deux domaines primordiaux de la promotion de la paix et des droits de l'homme: la gestion civile des conflits et la promotion des droits de l'homme. Ces activités s'inscrivent dans l'ensemble plus large de la politique de la Suisse en matière de paix et de droits de l'homme, que nous allons maintenant
décrire à grands traits ­ bien qu'elle ne constitue pas l'objet de ce message ­ à la faveur d'une brève digression.

La politique de paix de la Confédération: cohérence et coordination La politique de paix de la Confédération englobe toutes les actions ­ civiles et militaires ­ entreprises par divers acteurs fédéraux dans le but spécifique d'instaurer la paix. Les actions de gestion civile des conflits et de promotion des droits de l'homme en relèvent et peuvent être complétées par d'autres mesures en rapport 1

FF 2001 237 ss.

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avec la paix, menées dans d'autres domaines politiques. On peut par exemple citer la coopération au développement et avec les pays de l'Est, les questions d'économie extérieure et de migration, l'aide humanitaire, la politique humanitaire ou la politique de sécurité, y compris la politique de maîtrise des armements et de désarmement. Nous allons revenir brièvement sur ces dernières catégories car elles offrent pour la gestion civile des conflits et la promotion de la paix des points de référence qui se sont révélés particulièrement utiles dans les pratiques de ces dernières années.

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Depuis le milieu des années 90, de nouveaux modèles se sont imposés dans le cadre de la coopération au développement : ils ménagent une place de premier plan aux interactions entre la prévention de la violence et les objectifs traditionnels du développement. La Suisse, par le canal de la Direction du développement et de la coopération (DDC) et du Secrétariat d'Etat à l'économie (seco), a officiellement pris une part active au débat international sur les liens entre développement et paix. On peut en particulier citer à ce sujet les lignes directrices du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE); des délégations suisses ont contribué à leur préparation et la Confédération les suit dans ses activités de coopération internationale.

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En se fixant pour objectif stratégique de mettre son effort de coopération internationale au service de la lutte contre la pauvreté, la Confédération cherche à obtenir une répartition équilibrée du pouvoir, la résorption des écarts de revenus, un accès équitable aux ressources, la bonne gouvernance et, ainsi, l'amélioration des cadres sociaux, politiques et institutionnels. Les efforts structurels de la coopération au développement visent à l'instauration de la paix à longue échéance, dans le cadre de l'Etat de droit et du respect des droits de l'homme. Les actions correspondantes de la DDC ont à long terme un effet de prévention des crises, de résorption des tensions, et donc de promotion de la paix et des droits de l'homme. Elles soutiennent les efforts de paix locaux et favorisent la reconstruction et la réinsertion par le biais de mesures de consolidation la société civile.

Il en va de même pour la coopération avec les pays d'Europe de l'Est, où la DDC consolide l'Etat de droit et les droits de l'homme, et soutient la mise en place ou le raffermissement de la démocratie, c'est-à-dire d'institutions politiques stables. Elle promeut un développement économique et social durable fondé sur les principes de l'économie de marché, et favorisant la stabilité économique, le développement culturel, la croissance des revenus et l'amélioration des conditions de vie de la population. Le Secrétariat d'État à l'économie (seco) du DFE contribue aussi à la mise en oeuvre de la coopération au développement et avec les pays de l'Est. Il intervient de plus dans des domaines en relation directe avec les guerres civiles ou des conflits armés internationaux. Il participe par exemple, au sein de banques de développement multilatérales, à des discussions sur des programmes concrets de reconstruction. Ces banques ont en effet un rôle important à jouer lorsqu'il s'agit de mobiliser les ressources financières et techniques nécessaires à la restauration des institutions et des infrastructures, de formuler des programmes d'aide d'urgence à l'économie ou de coordonner le dialogue entre les gouvernements et les créanciers. Il cofinance en outre des mesures d'urgence déployées par les organisations multilatérales pour relancer les 7399

économies mises à mal par une crise et s'implique financièrement ­ dans certaines conditions ­ dans la reconstruction d'infrastructures vitales. Dans certains cas, le seco accorde également des aides financières ciblées à la reconstruction, à un horizon temporel limité. Ces efforts ont pour but la stabilisation macro-économique de régions éprouvées par une guerre. Le seco cherche aussi à ce que les pays sortant d'un conflit réintègrent aussi rapidement que possible les organisations multilatérales; il soutient donc les efforts déployés en ce sens ­ remboursement ou remise multilatérale de dettes, par exemple.

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Les programmes nationaux d'aide au retour financés par l'Office fédéral des réfugiés (ODR) et mis en oeuvre par la DDC constituent également une contribution notable à la politique de soutien de la paix de la Confédération.

Il s'agit de renforcer les capacités d'accueil des pays d'origine, par exemple par une aide structurelle, de façon à garantir la réinsertion sociale durable des réfugiés à leur retour. L'ODR soutient en outre des projets visant à mettre en place des structures d'asile et de migration en Europe centrale et en Europe de l'Est ainsi qu'en Asie centrale, de façon à favoriser la migration légale. Des actions de formation aux procédures d'asile, par exemple, servent à promouvoir un meilleur respect des principes de l'Etat de droit chez les pays partenaires.

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L'aide humanitaire de la Confédération s'adresse aux populations victimes d'une catastrophe naturelle ou d'un conflit armé lorsque la région ou le pays concerné ne possède pas les moyens de maîtriser la crise sans aide extérieure. Priorité est donnée dans ce cas aux groupes de population les plus vulnérables et socialement les plus défavorisés, en particulier les femmes, les enfants, les malades et les handicapés, les réfugiés et les personnes déplacées. L'aide humanitaire n'est pas une intervention gouvernementale isolée, elle s'inscrit dans une action suisse beaucoup plus large de prévention des crises, de limitation de leurs effets et des dégâts qu'elles causent, de restauration d'un mode de développement durable, afin de réunir les conditions d'avènement d'un avenir meilleur. Une précieuse observation a été faite ces dernières années, à savoir que l'intervention de ces acteurs a toujours un effet direct ou indirect en retour sur la dynamique du conflit. Bien que l'aide humanitaire n'ait en principe aucune justification politique, ses efforts ont toujours un impact sur le conflit. Il est donc primordial qu'ils soient couplés avec d'autres processus de prévention de la violence et de promotion de la paix. C'est pourquoi l'aide humanitaire de la Confédération s'efforce de tirer les leçons des conflits passés pour appliquer partout le fameux principe du «do no harm», qui impose aux acteurs humanitaires et internationaux d'analyser soigneusement à l'avance à qui profitera leur aide et qui, le cas échéant, pourrait en pâtir.

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Les actions relevant de la politique humanitaire ont un rôle particulièrement important partout où des populations civiles non impliquées dans un conflit armé en sont les principales victimes. Il importe surtout que les règles et les principes du droit international humanitaire soient respectés et que le dialogue s'instaure avec les acteurs étatiques et non étatiques du conflit. Les mesures à prendre doivent non seulement protéger les personnes et les groupes vulnérables ou en situation de faiblesse, livrées sans défense à la violence, mais aussi contribuer à prévenir une nouvelle escalade.

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L'armée joue aussi de nos jours un grand rôle, avec ses instruments de consolidation militaire de la paix, dans le cadre de stratégies de paix intégrées.

Ses experts peuvent garantir la sécurité ou stabiliser des situations tendues dans le cadre d'opérations de soutien de la paix en se chargeant de l'observation de cessez-le-feu ou de zones démilitarisées. Elle joue souvent aussi un rôle de protection ou de dissuasion en accompagnant ou en supervisant des opérations d'acheminement ou de distribution de l'aide humanitaire. La Suisse, qui s'associe à de telles opérations de soutien de la paix en vertu des art. 66 ss de la loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire (LAAM), envoie en service de promotion de la paix des individus et des troupes, tous volontaires, spécialement formés. La participation de la Suisse n'est toutefois possible que si l'opération de maintien de la paix repose sur un mandat des Nations unies (ONU) ou de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). La Suisse n'intervient jamais dans des opérations militaires d'imposition de la paix.

Au fil des ans, une autre forme de promotion militaire de la paix s'est développée parallèlement aux missions sur place. Il s'agit d'actions de soutien à la formation, à la réorganisation (contrôle démocratique) et à l'équipement des forces armées, engagées surtout dans le cadre du Partenariat pour la paix, dans un but de prévention et comme aide à la consolidation ou à la reconstruction des structures de l'Etat. Ce soutien contribue à renforcer les structures mises en place par l'Etat pour assurer la sécurité et à éviter que ne se forment des structures para-étatiques illégitimes. La Suisse s'associe également à de telles actions, sur la base de l'art. 149a LAAM, et contribue par des programmes de coopération bilatéraux à instaurer un contrôle démocratique des forces armées.

Les efforts que déploie la Suisse dans le cadre de sa politique de maîtrise des armements et de désarmement pour améliorer la stabilité et la sécurité internationales contribuent aussi à la paix et à la confiance. Le Conseil fédéral soutient par exemple dans ce cadre la réduction des stocks d'armements à l'étranger, et il s'emploie à renforcer les normes internationales en la matière. C'est notamment pour cette raison qu'il a ratifié tous
les accords multilatéraux de maîtrise des armements que pouvait ratifier la Suisse ­ à l'exception du Traité sur les forces conventionnelles en Europe, qui constitue un cas particulier. En réponse à la motion Paupe (00.3519), le Conseil fédéral a récemment transmis aux Chambres fédérales un message indiquant qu'il prévoit une aide au désarmement pour tous les pays qui ne disposent pas de moyens suffisants pour détruire leurs stocks d'armes de destruction massive.

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Il s'est révélé impossible en pratique de mettre en oeuvre successivement, en fonction de la phase dans laquelle se trouve le conflit, les instruments de prévention et de règlement, mentionnés ci-dessus ou non. La dynamique des conflits armés actuels impose dans bien des cas une approche intégrée et coordonnée recourant en parallèle à tous les instruments disponibles. Même si le travail de coordination en est alourdi, chacun peut renforcer considérablement l'efficacité des autres.

L'expérience de ces dernières années a montré que les chances d'un règlement pacifique durable s'accroissent lorsque des acteurs de divers horizons politiques combinent leurs instruments dans une approche intégrée.

Il importe que les activités de soutien de la paix de la Confédération satisfassent à cet impératif. Il arrive fréquemment que divers acteurs fédéraux soient amenés par leurs mandats respectifs à opérer dans un même espace géographique, et dans les mêmes domaines. Les objectifs que leur assignent leurs mandats restant toutefois différents, leurs activités sont en général complémentaires.

La promotion de la paix peut toutefois dans certaines conditions susciter des conflits d'objectifs et d'intérêts entre les acteurs impliqués dans l'effort de paix à différents niveaux politiques. Dans l'élaboration des stratégies de paix, on est amené à s'interroger sur les liens entre promotion civile et militaire de la paix ou sur le statut de la gestion civile des conflits lorsqu'elle ne coïncide pas avec des intérêts économiques ou autres. Le Conseil fédéral se propose de préparer au cours de la prochaine législature des lignes directrices en matière de politique de paix qui aborderont notamment cette question des conflits d'objectifs et d'intérêts.

Rapport sur la politique suisse des droits de l'homme (2000)2 L'actuelle politique de la Confédération en matière de droits de l'homme remonte à un rapport du Conseil fédéral de 1982, qui posait pour la première fois les bases de la politique de la Suisse en la matière et identifiait les instruments de sa mise en oeuvre. En 2000, il a présenté un nouveau rapport sur le même sujet, où il confirme que le respect et le développement des droits de l'homme représentent un objectif central de sa politique extérieure. Protéger les personnes contre la violation des droits et des
libertés fondamentales, prévenir l'oppression, l'arbitraire et l'exploitation: telle est la mission concrète que s'assigne la Suisse en matière de droits de l'homme dans ses relations internationales. Dans son rapport de 2000, le Conseil fédéral souligne qu'il doit recourir à divers instruments relevant de divers domaines politiques pour mettre en oeuvre une politique cohérente des droits de l'homme. Il arrive ainsi à la conclusion que l'action de la Suisse en faveur des droits de l'homme gagne en cohérence et en crédibilité, à l'échelon international et national, lorsque tous les acteurs de la Confédération partagent les mêmes principes en ce qui concerne les droits de l'homme, l'Etat de droit et la démocratie, et les appliquent dans les décisions politiques couvrant plusieurs domaines. C'est pourquoi il a défini des procédures lui permettant d'optimiser la cohérence interdépartementale. Ces procédures et ces règles d'attribution spécifiques des compétences font l'objet d'une des2

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cription détaillée dans le rapport. Au niveau international, la compétence générale en matière de questions de droits de l'homme revient au DFAE, qui met en outre luimême en oeuvre des activités et des instruments relevant de ses attributions.

Il existe au sein du DFAE des liens étroits entre les activités ­ de nature complémentaire ­ de la Direction politique et de la DDC. Les deux directions adoptent une approche fondée sur le droit international («rights based approach»). La Direction politique s'emploie surtout, en accord et en coopération étroite avec la Direction du droit international, à développer, à promouvoir et à faire appliquer les grandes normes internationales de protection des droits de l'homme. La DDC, en revanche, inscrit de préférence son effort de promotion des droits de l'homme dans des programmes, en se fondant sur la stratégie de la coopération au développement. La promotion des droits de l'homme et de l'Etat de droit concourt ainsi à l'objectif central que constitue la bonne gouvernance et ainsi à l'amélioration des cadres sociaux, politiques et institutionnels. Ces perspectives de travail différentes se traduisent en pratique par une répartition des tâches obéissant à des principes convenus.

1.2

Situation générale et défis

Les conflits armés se sont multipliés entre la Deuxième Guerre mondiale et le début des années 90. Entre 1990 et 1992, leur nombre a atteint un pic, pour retomber légèrement ensuite, puis remonter un peu de 1998 à la fin du millénaire, avant de se contracter de nouveau lentement. La plupart des conflits armés actuels se déroulent en Afrique et en Asie, puis au Proche-Orient. Il n'y a guère de région d'Afrique qui n'ait connu de conflit ces dix dernières années. Leur fréquence en Amérique et en Europe est en revanche nettement plus faible, même si les risques d'escalade restent parfois considérables en Amérique latine, dans l'ex-Yougoslavie et dans l'espace de l'ex-Union soviétique.

Les conflits les plus courants sont maintenant intraétatiques L'idée traditionnelle que les guerres opposent deux armées nationales ennemies ne correspond plus guère à la réalité. Sur les 220 conflits armés qui ont éclaté dans le monde entre 1946 et 2000, il y en a eu tout au plus 42 à répondre à cette définition classique3. Les guerres à grande échelle, telles que celle qui a opposé l'Iran et l'Irak entre 1980 et 1988, sont actuellement l'exception. Le nombre des guerres dites «par procuration» ­ fréquentes du temps de la guerre froide ­ a fortement décru. Des Etats extérieurs n'en continuent pas moins à infléchir le cours des conflits pour des raisons de rapports de force, surtout lorsqu'il s'agit de la distribution de ressources précieuses.

3

Armed Conflict 1946­2000: A New Dataset, Nils Petter Gleditsch, Peter Wallensteen, Margareta Sollenberg, Havard Strand, p. 7

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Source: Armed Conflict 1946­2000: A New Dataset, N.P. Gleditsch et al., p. 7

A côté de la multiplication des conflits intraétatiques, ces dernières années ont été marquées par la recrudescence de conflits régionaux et la menace toujours présente que constituent certains conflits internationaux «gelés». Or il est inquiétant de constater que les armes biologiques, chimiques et nucléaires ainsi que les missiles balistiques sont de plus en plus à la portée d'acteurs non étatiques.

Origines des conflits armés De nos jours, les conflits armés peuvent avoir des origines très diverses. Souvent, celles-ci peuvent se classer en deux grandes catégories relativement reconnaissables: d'une part, les tensions issues de l'identification à des groupes de référence (ethnies, religions, cultures, communautés linguistiques par exemple); et d'autre part, des questions liées au partage de ressources économiques, politiques ou sociales. Ces deux types de causes susceptibles de favoriser, voire de déclencher un conflit, se combinent fréquemment, un groupe revendiquant une ressource au nom d'une certaine caractéristique identitaire.

Acteurs étatiques et non étatiques des conflits Les guerres n'opposent plus maintenant d'habitude les armées bien distinctes de pays ennemis opérant de façon conventionnelle, mais des instances dirigeantes et leurs instruments de pouvoir, des rebelles, des groupes armés irréguliers, des milices privées et publiques, des insurgés, des unités dissidentes de l'armée nationale, une guérilla ou des combattants de la liberté.

Fréquemment, des élites rivales contribuent à l'escalade des conflits internes par leurs luttes de pouvoir. Dans bien de ces conflits internes, il est difficile voire impossible de distinguer les groupements étatiques et non étatiques, aucun ne disposant d'une légitimité reconnue. En 2000, on a dénombré dans 60 pays plus de 190 acteurs non étatiques disposant d'une structure de commandement militaire et de la capacité de concevoir des opérations militaires de grande envergure. Ce qui

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explique que dans de nombreux conflits, il n'y ait pas de front clairement défini ni de zones homogènes que contrôlerait parfaitement telle ou telle partie au conflit. On ne parvient souvent plus à dissocier, voire à distinguer les membres d'une partie au conflit et les civils.

Les acteurs non étatiques se distinguent en outre par des allégeances changeantes et des structures hiérarchiques internes instables. Comme ils opèrent la plupart du temps en dehors de l'Etat de droit et de la légitimité démocratique, la différence s'estompe entre leurs opérations militaires et de simples actes de violence criminelle. Les procédures juridiques institutionnalisées étant pratiquement inexistantes en leur sein, ils ne reconnaissent souvent pas les lois en vigueur, les droits de l'homme ni le droit international humanitaire. Les garanties données dans le cadre de négociations de paix ne sont pas toujours respectées. Dans les conflits impliquant des acteurs étatiques et non étatiques, il se révèle souvent difficile d'identifier des partenaires fiables, possédant une légitimité suffisante pour parler au nom de leur groupe.

La plupart des combattants impliqués dans des hostilités au sein de groupes non étatiques sont des adolescents, fréquemment recrutés par enrôlement forcé ou pour qui l'engagement était la seule possibilité de survie. Et lorsqu'on manque de combattants plus âgés, on recrute fréquemment aussi des enfants, parfois même de dix ans ou moins.

Effondrement de l'Etat et érosion du droit L'érosion du droit est à la fois le point de départ et d'aboutissement des conflits armés. Dans bien des cas, les acteurs étatiques ne sont plus en mesure de garantir la sécurité du droit; des acteurs non étatiques (des «seigneurs de guerre») sautent dans la brèche et s'arrogent simultanément des fonctions fondamentales de l'Etat. Le résultat en est souvent la généralisation de l'arbitraire politique et juridique. Les violations systématiques des droits de l'homme, qui ne sont plus sanctionnées, se multiplient.

Dans de nombreuses régions en conflit, l'Etat n'est plus en mesure de maintenir des forces armées et de police ni de faire respecter son monopole du pouvoir.

Lorsque l'Etat perd son monopole du pouvoir, des individus et des groupes vulnérables au sein de la société ne peuvent plus se protéger vraiment des
effets de la violence d'origine politique et de la guerre. Si l'on trace sur une mappemonde la carte des violations des droits de l'homme, on constate qu'elle coïncide dans bien des régions avec celle des conflits armés.

Privatisation de l'usage de la force et économie de guerre Dans les conflits armés qui se prolongent se constituent des structures qui permettent à certains acteurs de tirer un bénéfice direct de l'insécurité permanente, de la pénurie de biens de première nécessité et de la suspension du commerce. Des enquêtes de la Banque mondiale montrent que les forces de sécurité irrégulières, les sociétés de sécurité privées et les organisations rebelles disputent souvent aux gouvernements nationaux le contrôle et le droit d'exploitation de ressources naturelles.

7405

La dépendance économique à l'égard de certaines matières premières favorise cette lutte pour le pouvoir économique et politique.

Pour les bénéficiaires de la redistribution des terres, du capital et du pouvoir politique liée à la guerre, ainsi que pour ceux qui produisent des armes ou en font commerce, le recours à la force armée est souvent un calcul rationnel.

La population civile principale victime des conflits armés Les principales victimes des conflits actuels ne sont souvent pas les soldats, mais la population civile. Elle est livrée sans défense aux sévices, au pillage, à l'humiliation, à la famine, aux mines terrestres et à d'autres formes de violence. Les femmes et les enfants sont les plus touchés.

On estime que les conflits des années 90 ont fait 80 % environ de leurs victimes dans les populations civiles. Cette proportion n'aurait été que de 5 % au cours de la Première Guerre mondiale.

Entre 1987 et 1997, deux millions d'enfants ont perdu la vie dans des conflits armés, au moins six millions ont été mutilés ou resteront physiquement handicapés pour la vie. Une dizaine de millions d'enfants souffrent de graves traumatismes psychologiques remontant à leur expérience de la guerre. Les membres d'une société en proie à une violence constante restent traumatisés pour des décennies, ou ne se remettent plus jamais des effets de la guerre. Ces sociétés marquées par la guerre se distinguent souvent par l'insécurité politique et individuelle et par une violence latente accrue.

La population civile n'est plus seulement la première victime des conflits: depuis peu, elle en devient de plus en plus la véritable cible.

Dans le cadre de politiques délibérées de nettoyage ethnique, des parties à des conflits ont récemment tenté dans diverses régions de torturer à dessein des civils non impliqués dans les combats pour pousser la population à quitter son pays. C'est ainsi que ces gens deviennent des personnes déplacées dans leurs propres frontières ou des réfugiés à l'étranger.

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Source: Small Arms Survey (2001), p. 210

1.3

Approches, stratégies et tendances internationales

Au cours des années 90, on a pris conscience que les nouveaux conflits ne se régleraient pas par des mesures ponctuelles d'arrêt des hostilités ni par des formules statiques et définitives, mais que les efforts de promotion de la paix devaient plutôt viser à persuader les parties au conflit d'adopter des formes de règlement non violent, dans le cadre de processus de transformation de moyenne ou de longue durée. L'expérience montre que l'on peut accroître les chances de succès de ces tentatives en combinant divers instruments de paix à différents niveaux politiques dans le cadre d'une stratégie intégrée.

Le Secrétaire général de l'ONU a particulièrement souligné dans son «Agenda pour la paix» de juin 1992 l'utilité de ces stratégies d'intervention intégrées. Dans ce document capital, il rappelait la nécessité de recourir à divers instruments politiques dans le cadre de stratégies plus amples et de mandats de diplomatie préventive ainsi que d'instauration, de sauvegarde et de consolidation de la paix. Il revenait simultanément sur le rôle croissant des instruments civils dans les missions de l'ONU.

Depuis le milieu des années 90, la conception de la coopération au développement met de plus en plus l'accent sur les interactions étroites entre la prévention de la violence et les objectifs classiques de développement. Les modèles issus de ces travaux ­ telles les lignes directrices du CAD de l'OCDE ­ sont fondés sur la conviction que, pour éliminer durablement les causes profondes de la violence et de la guerre, il ne suffit pas de combler les fossés économiques et sociaux, il faut en plus aider les sociétés exposées aux crises à accomplir une évolution sociale par des voies pacifiques. Le plus grand défi qu'ont donc à relever les organismes de déve7407

loppement consiste à concevoir ou à ajuster leurs grands programmes de sorte qu'ils préviennent la violence, contribuent à réduire les tensions sociales et favorisent un déroulement constructif du conflit.

Le contexte de la promotion civile de la paix et des droits de l'homme a changé depuis les attentats terroristes commis le 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis.

Ces événements ont modifié les structures politiques mondiales bien au-delà de la lutte contre le terrorisme. Dans le cadre de leurs stratégies de lutte contre le terrorisme, des pays ont recommencé à exercer leur influence sur des conflits extérieurs à leurs territoires. Divers Etats ont introduit en outre des lois dites antiterroristes restreignant les droits individuels ou de certains groupes. Quelques-uns ont saisi cette occasion pour condamner au silence des opposants ou groupements politiques sous couvert de lutte contre le terrorisme ­ et ils recourent fréquemment dans ce but à la force. La communauté internationale s'est trouvée confrontée à la nécessité de lutter contre le terrorisme sans pour autant violer ni relativiser les normes du droit international.

Les attentats terroristes commis contre les États-Unis ont montré qu'il y a des gens qui voient la mondialisation économique et culturelle à l'occidentale comme une menace pesant sur leurs propres valeurs, et qui sont prêts à se mobiliser pour se défendre contre elle. Même si pour l'instant, priorité est donnée à la lutte mondiale contre le terrorisme, il est évident que des mesures militaires et policières ne suffiront pas à elles seules à éliminer les problèmes structurels globaux d'aujourd'hui et à résorber les tensions qui en résultent. Pour neutraliser durablement la violence et saper les fondements du terrorisme, il faudra recourir à des stratégies complémentaires visant à la prévention des crises sur le long terme et à la transformation constructive des conflits.

La sécurité humaine au sens large: une notion primordiale Dans les relations internationales, la notion de sécurité recouvre celle de stabilité politique et militaire. Mais à l'échelon de l'individu ou du groupe, elle correspond à l'impression subjective que l'existence et l'intégrité physique et psychologique, ainsi que la prévisibilité sont assurées. Lorsque survient un conflit intra-étatique, il manque
souvent de structures étatiques fiables protégeant la population contre les effets des hostilités et assurant ainsi sa sécurité.

C'est pour cela que la notion traditionnelle de sécurité, limitée jusque-là à la sécurité entre Etats, a été étendue après la fin de la guerre froide à la sécurité humaine. Il s'agit d'améliorer la sécurité individuelle, au-delà de celle des pays. Une première tentative de définition a été faite dans le Rapport mondial sur le développement humain de 1994 du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

Il dégage diverses dimensions de la sécurité humaine: sécurité économique, écologique, personnelle, culturelle et politique de l'individu, accès à la nourriture et à la santé. Il n'y a pas, à l'heure actuelle, de définition universellement acceptée; on peut distinguer, pour simplifier, une interprétation étroite de la notion, limitée à la sécurité face à la violence, et une acception plus large englobant des aspects du développement humain. L'une comme l'autre sont centrées sur l'individu et son besoin de sécurité.

7408

La notion de sécurité humaine exprime la conviction qu'on ne peut plus aujourd'hui se contenter de définir la sécurité en référence à des Etats et à des territoires, mais qu'il faut se concentrer sur les besoins de sécurité de l'individu, c'est-à-dire des personnes affectées.

Sous l'étiquette de sécurité humaine sont aujourd'hui par exemple discutées les stratégies de lutte contre les mines antipersonnel, la prolifération des armes légères ou le recrutement des enfants soldats. L'effort de sécurité humaine peut aussi consister à engager les acteurs non étatiques à respecter le droit international humanitaire, ou encore à mettre en place des sanctions ciblées à l'encontre de l'élite dirigeante d'un Etat contrevenant au droit de façon à protéger la population civile.

La paix par le droit: développement et rôle du droit international public Alors que le droit international se limitait traditionnellement dans les siècles précédents au règlement des relations entre Etats, il a considérablement évolué depuis la Deuxième Guerre mondiale. Il garantit directement un certain nombre de droits aux individus, qui peuvent en outre se prévaloir directement de lui en cas de violation particulièrement grave concernant l'ensemble de la communauté internationale. Cela a pour effet que la souveraineté nationale n'est plus intangible et garantie inconditionnellement: elle peut et doit être limitée lorsqu'un Etat manque à ses obligations fondamentales en violant les droits de l'homme à l'intérieur de ses frontières.

La paix durable repose sur la justice, et cette dernière sur un droit et des procédures transparents, applicables et respectés.

Avec les tribunaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie, le Rwanda et la Sierra Leone, il a été possible, pour la première fois depuis les tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo, de traduire devant la justice internationale des personnes accusées de graves violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire. La création de la Cour pénale internationale met en place une institution permanente qui renforcera encore l'interprétation actuelle du droit. Ces tribunaux témoignent tous de la volonté de la communauté internationale de ne pas laisser impunies les violations des principes de la coexistence pacifique et de l'humanité et d'obliger
leurs auteurs à en répondre. De nombreux acteurs étatiques perdent ainsi tout ou partie de leur monopole du pouvoir dans bien des régions en conflit; cela soulève, en ce qui concerne l'application du droit international et la responsabilité des parties aux conflits, des questions fondamentales qui, pour la plupart, n'ont pas encore eu de réponse. L'un des grands problèmes à résoudre consistera à assujettir les acteurs non étatiques aux obligations créées par le droit international public.

Les instruments actuels du droit ne garantissent pas suffisamment la sécurité des groupes particulièrement vulnérables: personnes déplacées à l'intérieur de leurs propres frontières, femmes ou enfants par exemple.

7409

Le principe directeur: la prévention La prévention des conflits armés ne s'impose pas qu'en raison de l'obligation morale de prévenir la souffrance humaine. Mieux vaut prévenir que guérir, dit à bon droit la sagesse populaire, car la prévention de la violence est plus efficace et moins coûteuse d'un point de vue humain et politique que la gestion réactive des conflits et la consolidation de la paix. Bien que l'ONU et d'autres acteurs aient reconnu dès le début des années 90 l'importance de la prévention de la violence, il n'a pas été possible d'empêcher les conflits de Bosnie, de Somalie ou du Kosovo, ni le génocide au Rwanda. Les spécialistes de la paix s'accordent à reconnaître que ces événements tragiques appellent une culture de la prévention.

La prévention de la violence est humainement et politiquement plus efficace et moins coûteuse que la consolidation réactive de la paix.

Le grand défi des conflits armés Un conflit armé est un phénomène dynamique qui se déroule en plusieurs phases.

Pour le gérer convenablement, il faut déterminer dans quelle phase il se trouve à un moment donné: escalade, apaisement ou stagnation. On recourt souvent à un modèle explicatif en trois phases: une première de crise latente, caractérisée par la polarisation et la confrontation, mais sans recours à la violence physique. La deuxième intervient avec le passage graduel à la violence; quant à la troisième, elle commence à l'arrêt des combats et correspond au processus de consolidation de la paix. La description de chaque phase est relativement aisée dans un modèle statique. Il est en revanche beaucoup plus difficile d'expliquer la dynamique qui mène de l'une à l'autre. Dans la pratique, il apparaît que l'escalade peut déboucher très rapidement sur le recours à la force.

Réseaux d'acteurs et niveaux d'intervention Les stratégies de gestion civile des conflits doivent viser avant tout à aider des acteurs internes, dans les sociétés en crise, à trouver des solutions locales aux problèmes locaux. Les acteurs extérieurs ne sauraient importer la paix dans une région en conflit. Ils peuvent tout au plus contribuer à ce que les organisations, les groupes ou les acteurs locaux trouvent des moyens pacifiques de résoudre les différends au sein de la société.

Lorsqu'un conflit est allé très loin et dure depuis longtemps, il peut arriver que les forces locales ne parviennent plus toutes seules à ouvrir l'espace nécessaire au lancement d'un processus de paix et de dialogue ni à faire mieux respecter les droits de l'homme. Dans une telle situation, il faut soutenir de l'extérieur les forces disposées à la paix. On distingue le plus souvent dans ce contexte trois niveaux d'intervention:

7410

Niveaux d'intervention des acteurs extérieurs de la gestion civile des conflits (modèle à trois niveaux) Niveau 1

Gouvernement, responsables

Niveau 2

ONG, milieux économiques et scientifiques

Niveau 3

ONG locales, individus

­

Au niveau 1, les activités visent à instaurer et à entretenir des réseaux de contact avec les grands acteurs d'un conflit sur une base de confiance réciproque, à conseiller et à encadrer les acteurs et à renforcer leur capacité de négociation ainsi que leur perception de leur intérêt bien compris à un règlement constructif du conflit. Il faut en même temps favoriser le dialogue entre les instances dirigeantes et les élites des parties au conflit et mettre en place des structures créant entre eux un réseau de contacts personnels et institutionnels à l'épreuve des crises.

­

Au niveau 2 se déroulent au sein de la société civile des processus dont l'expérience montre qu'ils sont en interaction constante et directe avec le processus de paix intervenant aux niveaux supérieurs. Ce niveau englobe des acteurs qui, sans occuper de positions de pouvoir officielles, jouent un rôle important de direction régionale ou sectorielle et peuvent endosser un rôle d'intermédiaire entre l'échelon supérieur et les communautés locales.

­

Au niveau 3, on a surtout des activités de promotion de la paix à l'échelon communal. Ce niveau inférieur est surtout celui des acteurs travaillant dans le cadre d'activités structurantes à long terme à un développement pacifique durable reposant sur une large assise.

Cette distinction entre niveaux supérieur, intermédiaire et inférieur, la plus courante dans la description des niveaux d'encadrement de la société, présente un caractère schématique. Dans la réalité, les zones de recoupement sont fréquentes. Les recherches comme l'expérience pratique de ces dernières années poussent donc à concevoir et à coordonner des stratégies d'intervention permettant de mettre en oeuvre à différents niveaux et d'une façon complémentaire les méthodes et les instruments choisis. En ce qui concerne la Confédération, on peut dire que la Direction politique agit plutôt sur le plan politique et diplomatique, et la DDC plutôt sur le plan social et sur celui de la politique du développement.

Aspects sexospécifiques des conflits armés Les femmes et les hommes vivent différemment les conflits, ce qui se traduit par des besoins, une expérience et des analyses différentes. D'une part, les femmes font partie des groupes de population particulièrement exposés aux violations des droits de l'homme pendant les conflits: viols systématiques ou prostitution forcée par exemple. Les mesures visant à les protéger doivent donc occuper une place de premier plan dans toutes les phases d'une intervention de consolidation de la paix.

7411

Le plan d'action de Pékin (1995) est le premier document largement reconnu à l'échelon international mettant en évidence non seulement les répercussions des conflits armés sur les femmes, mais aussi la capacité de ces dernières à promouvoir la paix dans de telles situations. Le Parlement européen a adopté en novembre 2000 sa résolution sur la participation des femmes au règlement pacifique des conflits, qui contient divers appels et propositions concernant par exemple la façon de mieux protéger juridiquement les femmes dans les conflits tout en les impliquant plus activement dans les processus de paix à tous les niveaux4. Le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté en octobre 2000 une résolution demandant à la communauté internationale d'accorder la plus grande importance à la perspective des femmes dans tous les processus et activités de soutien de la paix5.

L'application de ces directives politiques doit viser à ce que les femmes et les hommes soient équitablement représentés à tous les niveaux dans les organisations et institutions étatiques et non étatiques. La formulation des stratégies d'intervention devra systématiquement inclure la perspective sexospécifique. Les femmes disposent de réseaux de contacts personnels par lesquels elles peuvent influencer les processus sociaux et politiques. Ces réseaux acquièrent une importance accrue dans les situations où les processus usuels de discussion et de décision politique sont rendus impraticables par l'escalade du conflit.

Les capacités internationales de promotion de la paix et des droits de l'homme Un groupe d'experts constitué par le Secrétaire général de l'ONU a publié en août 2000 le fameux rapport Brahimi, qui procède à l'analyse systématique de l'expérience acquise par les Nations unies dans le cadre des opérations de maintien de la paix des années 90. L'analyse de missions comme celles du Kosovo ou du TimorOriental montre que l'ONU n'était pas suffisamment préparée ni équipée pour faire face aux problèmes d'ordre civil rencontrés lors de ce type de mission. Le groupe d'experts a donc notamment proposé qu'à l'avenir, les missions de paix de l'ONU reposent sur des mandats plus larges, et que soient développés et mis en oeuvre de nouveaux instruments civils améliorant leur action.

4 5

Résolution du Parlement européen sur la participation des femmes au règlement pacifique des conflits, 2000/2025 (INI) S/RES/1325 (2000)

7412

Police civile et troupes de paix en mission pour l'ONU dans le monde (effectif au 30 novembre de chaque année)

80000 60000 40000 20000 0 1994

1995

1996

1997

Police civile

1998

1999

2000

2001

Troupes de paix

L'OSCE a elle aussi constamment développé ses instruments de prévention de la violence dans les années 90. La Charte de sécurité européenne adoptée en novembre 1999 a créé toute une série de nouveaux instruments lui permettant d'intervenir plus rapidement dans les situations de crise. Ces dernières années, l'Union européenne (UE) a centré davantage sur la prévention des crises les activités relevant de sa politique du développement et de sa politique étrangère et de sécurité commune (PESC); dans le cadre de sa politique commune en matière de sécurité et de défense, elle a défini quatre domaines civils prioritaires dans lesquels elle entend développer spécifiquement des capacités de prévention des conflits armés: police, consolidation de l'Etat de droit, consolidation de l'administration civile et protection contre les catastrophes. De nombreux gouvernements occidentaux ont également étoffé ces dernières années leurs capacités dans le domaine de la gestion civile des conflits, que ce soit au niveau de l'analyse et de la détection précoce, de l'envoi d'experts civils, ou du développement de programmes et de projets.

On a étoffé dans le courant des années 90 les structures et les capacités de consolidation de la protection internationale des droits de l'homme. Il faut citer en tête de liste le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme de Genève, créé en 1994, qui chapeaute les activités des Nations unies en matière de droits de l'homme. Il complète et soutient les travaux de la Commission des droits de l'homme et des comités contrôlant le respect des divers traités en la matière. Il fournit un appui à des organisations régionales dans les pays du Sud et complète le travail d'organismes comme la Cour européenne des droits de l'homme ou la Direction des droits de l'homme du Conseil de l'Europe (Strasbourg). Le Haut-Commissariat prépare en outre des rapports thématiques sur les droits de l'homme et promeut ces derniers dans le cadre de projets concrets, par exemple de consolidation des structures démocratiques ou de formation de policiers aux droits de l'homme.

Evolution des normes en matière de droits de l'homme Du fait de l'internationalisation des droits de l'homme, les pays doivent de plus en plus rendre compte les uns aux autres, depuis le milieu du XXe siècle, de leur comportement
à l'intérieur de leurs frontières. Alors que les droits de l'homme avaient souvent été récupérés, détournés au cours de la guerre froide pour servir d'armes entre les deux blocs, les choses ont beaucoup changé depuis la fin des années 80. On

7413

est en outre parvenu au cours des années 90 à consolider notablement la base juridique de la protection internationale des droits de l'homme. Alors qu'il n'y avait en 1990 que la moitié environ des pays liés par les deux pactes de l'ONU sur les droits de l'homme, ces textes fondamentaux sont maintenant presque universellement acceptés. Le débat idéologique entre conceptions et générations d'interprétation des droits de l'homme s'est tari à la fin de la guerre froide. Il a été remplacé par une conception que 171 pays ont adoptée et mise en vigueur à l'unanimité et par écrit en 1993, à l'occasion de la deuxième Conférence mondiale de l'ONU, dans la Déclaration de Vienne: les droits de l'homme sont universels et indivisibles, ils forment un tout cohérent.

Dans la promotion des droits de l'homme, il faut tenir compte des spécificités nationales et régionales, historiques, culturelles et religieuses, sans toutefois transiger sur le principe d'universalité et d'indivisibilité des droits de l'homme.

C'est pourquoi le dialogue interculturel gagnera en importance à l'avenir en permettant la discussion à égalité entre partenaires de diverses cultures.

Parallèlement au développement et à la codification de normes relatives aux droits de l'homme, une nouvelle difficulté est apparue ces dernières années: l'application des textes existants. Il y a encore bien sûr des pays qui n'ont toujours pas ratifié les principales conventions en la matière; il faut donc continuer à s'efforcer qu'un maximum de membres de la communauté internationale le fassent. Mais il y a aussi un certain nombre d'Etats qui l'ont fait et ne s'acquittent pas des engagements qu'ils ont ainsi contractés (protection, abandon de certaines pratiques, obligation de mettre en place certaines mesures) ou ne peuvent le faire ­ par exemple lorsque des conflits provoquent l'effondrement de l'Etat.

La mondialisation exige dans certains domaines que l'on édicte de nouvelles règles et que l'on codifie des secteurs qui n'étaient initialement pas directement couverts par les droits civiques et politiques. Si, par exemple, le développement des biotechnologies semble renvoyer d'abord et avant tout au Pacte des Nations unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, il soulève simultanément des questions fondamentales en relation avec le droit
à la vie; il faut donc de plus en plus les aborder à la lumière des droits civiques et politiques. A la transition entre les droits de l'homme et la mondialisation économique apparaît aussi le besoin de nouvelles normes et de mécanismes de régulation: dans un monde globalisé, les droits de l'homme sont mieux respectés lorsque les gouvernements et les acteurs économiques internationaux recherchent ensemble une approche plus consciente de leurs responsabilités, des problèmes et des défis que suscite la «société mondiale» d'aujourd'hui (corporate social responsibility). Divers acteurs ont formé ces dernières années des partenariats internationaux et se sont efforcés de définir des codes de conduite.

7414

1.4

Rétrospective: les réponses de la Suisse (1989 à 2002)

1.4.1

Des opérations de maintien de la paix à la gestion civile des conflits

La Confédération s'associe depuis le début des années 50 à des actions de maintien de la paix. En 1986 et 1987, soucieux de donner un témoignage de sa nouvelle politique en matière de paix et de sécurité, le Conseil fédéral a commené à augmenter les contributions de soutien de la Suisse à ces opérations. Dans les Grandes lignes de la politique gouvernementale 1987­1991, il annonçait des mesures d'intensification de la participation suisse aux opérations de maintien de la paix et de soutien accru aux efforts internationaux de règlement pacifique des conflits. En mars 1988, il adoptait le concept d'extension de la participation Suisse aux actions internationales de sauvegarde de la paix préparé par le DFAE et le Département militaire fédéral (DMF) d'alors; ce texte montrait comment le Conseil fédéral entendait mettre en oeuvre concrètement sa volonté de s'engager davantage sur le plan international dans le domaine de la paix et de la sécurité.

Actions de maintien de la paix En juin 1988, le Conseil fédéral adoptait un premier train de mesures plus amples de soutien aux actions de maintien de la paix, soit une enveloppe de 10,7 millions de francs. Il prévoyait le relèvement des contributions annuelles aux opérations de maintien de la paix de l'ONU à Chypre (UNFICYP) et au Liban (UNIFIL) ainsi que des contributions de soutien aux missions de l'ONU au Proche-Orient (UNTSO) et à la frontière indo-pakistanaise (UNMOGIP). Toujours en 1988, il se déclarait disposé à soutenir financièrement la mission de l'ONU de surveillance du cessez-le-feu entre l'Irak et l'Iran (UNIIMOG). C'est cette même année qu'a été créé le crédit des opérations de maintien de la paix, qui est devenu la principale source de financement des activités dans ce domaine, puis de la gestion civile des conflits. Ce crédit figure depuis 2001 à l'article promotion civile de la paix.

A la fin des années 80 et au début des années 90, le Conseil fédéral a surtout soutenu les actions de maintien de la paix menées dans le cadre de l'ONU.

Entre 1990 et 1991, il a approuvé deux autres trains de mesures de 15 millions de francs chacun. En outre, il a décidé d'envoyer la Swiss Medical Unit non armée renforcer la mission de l'ONU en Namibie (UNTAG), mise sur pied en février 1989.

C'est à ce moment qu'a aussi été prise la décision de principe
d'autoriser des observateurs militaires suisses non armés à intervenir dans le cadre de l'ONU à compter de l'année 1990. Ces diverses affectations nécessitant une base légale, il a adopté l'ordonnance sur l'engagement de personnel dans des actions de maintien de la paix et de bons offices6, entrée en vigueur le 1er mars 1989. Dès 1989, à l'envoi de personnel sanitaire et d'observateurs militaires est venue s'ajouter une nouvelle forme d'affectation à l'étranger, dont l'importance ne devait cesser de s'accroître dans les années 90: la participation à des observations internationales d'élections.

En 1992 et 1993, le Conseil fédéral a envoyé un second contingent sanitaire, celui-ci 6

RS 172.221.104.4

7415

pour renforcer la mission de l'ONU de préparation du référendum au Sahara occidental. En 1993, il a envoyé pour la première fois des observateurs civils de la police (CIVPOL) dans des missions multilatérales.

En novembre 1989 a eu lieu en Namibie la première observation internationale d'élections à laquelle participait la Suisse. Depuis et jusqu'au deuxième semestre 2002, il y a eu en tout 856 observateurs suisses envoyés dans 80 missions dans le cadre des contingents du DFAE.

En 1994, le Conseil fédéral a en outre versé des contributions substantielles à ce qui était alors la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe (CSCE). En 1996, il a notablement accru ses contributions à l'Organisation en fournissant une unité logistique à la mission de l'OSCE en Bosnie-Herzégovine.

Jusqu'en 1995, le DFAE soumettait annuellement au Conseil fédéral une proposition de budget dans laquelle il présentait les priorités de l'exercice à venir et demandait les ressources nécessaires. Le Conseil fédéral en décidait en vertu de la compétence que lui conférait l'art. 102, ch. 8, de l'ancienne Constitution en matière de politique extérieure. En 1995, le DFAE a commencé à présenter les grands points de la gestion civile des conflits dans des concepts quadriennaux.

Gestion civile des conflits A partir du milieu des années 90, l'axe des activités suisses de consolidation de la paix et de gestion civile des conflits s'est infléchi : les montants consacrés aux projets et à l'envoi de personnel se sont constamment accrus aux dépens des aides financières et du soutien logistique aux actions multilatérales de maintien de la paix.

Aides financières et dépenses engagées au titre de projets et de l'envoi de personnel (1991 à 2001)

100 80 60 40 20 0 1991

1993

1995

1997

Aides financières

1998

1999

2000

2001

Proj ets / personnel

Ce recentrage de l'affectation des ressources s'explique en partie par la remise en question des missions de paix militaires traditionnelles de l'ONU au cours de la première moitié des années 90. Les problèmes rencontrés en Bosnie, au Rwanda et en Somalie ont suscité à l'intérieur comme à l'extérieur des Nations unies un intense mouvement de réflexion et de réformes. On a ainsi admis qu'il ne suffisait pas de recourir à des instruments de promotion et de sauvegarde militaires de la paix pour qu'une paix durable succède à un conflit, et l'on s'est aperçu qu'une intervention multilatérale a davantage de chance de réussir si l'on combine et coordonne les ins7416

truments civils et militaires. Le statut des instruments civils de promotion de la paix a été simultanément rehaussé ­ et avec lui celui des experts civils par rapport au personnel militaire.

Si 98 % à peu près du total des dépenses du DFAE étaient constitués en 1991 par des contributions financières aux actions de maintien de la paix, cette proportion était retombée à moins de 5 % à la fin du siècle.

La Direction politique a pris bonne note de ce changement: elle a davantage mis l'accent sur des projets à caractère de diplomatie préventive et complété les opérations classiques de maintien de la paix par des projets civils dans des secteurs dûment sélectionnés. Ces projets concernaient surtout l'Etat de droit, la démocratisation, la protection des minorités, l'aide aux médias, la justice et la police ainsi que le droit international humanitaire et l'arbitrage. La gestion et le suivi des projets se sont révélés coûteux en argent, en temps et en ressources humaines. Le personnel dont dispose le DFAE étant limité, il n'a été qu'exceptionnellement possible à la Direction politique de concevoir et de réaliser elle-même des projets ; elle a dû s'en remettre pour cela à des partenaires. Parmi ces derniers, il y a eu en particulier l'OSCE, qui s'est dotée d'un rôle notable, au milieu des années 90, dans les domaines de la diplomatie préventive, de la prévention des conflits, du règlement des crises et de la reconstruction des structures démocratiques et de l'Etat de droit après un conflit. A la fin des années 90, la Direction politique s'est également impliquée dans de nombreux projets avec l'ONU et ses organisations régionales et spécialisées. Dans diverses régions, en particulier en Afrique australe, les projets bilatéraux se sont en outre multipliés à partir du milieu de la décennie.

Ventilation des dépenses entre les projets, les affectations, les contributions financières et les dépenses à caractère général en 2001

3

4

2

1

1) 2) 3) 4)

Projets Affectations Contrib. financières Dépenses générales

= 59,5 % = 34 % = 4,5 % = 2%

7417

Dans le cadre de sa stratégie d'action en faveur de la paix (2000-2003), la Direction politique a procédé à l'évaluation de l'expérience réunie au cours des années 90 et défini les axes de ses activités à venir. Concluant que le partenariat intense avec les organisations internationales avait fait ses preuves, elle a décidé de poursuivre sur cette voie. Dans la seconde moitié des années 90, les ressources budgétaires avaient été affectées à hauteur des deux tiers environ de l'enveloppe totale aux activités menées dans le cadre d'organisations internationales. La stratégie prévoyait de maintenir cette proportion.

Elle indiquait aussi que, faute de ressources, le DFAE n'avait pu convenablement exploiter sa marge d'action dans la gestion civile bilatérale des conflits. L'extension et à la professionnalisation de ce secteur ont donc été déclarées prioritaires.

Les objectifs opérationnels de la gestion civile des conflits ont été redéfinis ainsi dans ce même document: le premier but des efforts multilatéraux et bilatéraux de promotion de la paix était d'aider les personnes clés à avancer sur la voie de la résolution politique, diplomatique et juridique des conflits. De cet objectif découlaient quatre champs d'action prioritaires: les actions de diplomatie préventive, d'instauration de la confiance et de médiation; l'encouragement des structures démocratiques, de l'Etat de droit, de la protection des minorités, des médias, de la police civile et de la justice ainsi que la consolidation de la capacité de la société civile à gérer les conflits; les mesures d'amélioration de la sécurité humaine; et enfin le développement des instruments et des capacités de l'administration fédérale et d'autres organismes suisses.

Création et développement de capacités et d'instruments Si à la fin des années 80 et au début des années 90, le DFAE parvenait à gérer ses actions de maintien de la paix moyennant un coût de planification relativement modeste et avec une panoplie d'instruments rudimentaires, ses ressources se sont révélées de plus en plus insuffisantes à la fin des années 90. Il était urgent de faire quelque chose, non seulement parce que divers partenaires bilatéraux et multilatéraux développaient eux-mêmes leurs capacités et relevaient leurs normes de qualité, mais aussi du fait que les activités de promotion
de la paix de la Direction politique ont pris à ce moment une autonomie exigeant des analyses politiques des situations de conflit et des options de la Suisse, ainsi que des capacités de conception et de gestion des activités correspondantes.

Des projets aux programmes L'augmentation des fonds consacrés aux projets et à l'envoi de personnes aux dépens des aides logistiques et financières a considérablement accru le nombre des dossiers de projets en quelques années. Au début, il s'agissait souvent d'activités ponctuelles, conçues en réponse à des besoins de paix immédiats et déployées dans des zones de conflit très diverses. Vers la fin des années 90, la Direction politique s'est graduellement mise à intégrer ses projets dans des programmes plus amples visant certaines régions, et cela à un horizon de plusieurs années. Une partie de l'enveloppe budgétaire globale a été conservée pour des initiatives imprévisibles de promotion de la paix, les opportunités pouvant toujours se présenter de façon inattendue dans ce domaine.

7418

Les programmes financièrement les plus ambitieux de gestion civile des conflits ont été réalisés au milieu des années 90 en Europe du Sud-Est. Les conflits qui se sont déroulés sur le territoire de l'ex-Yougoslavie ont absorbé des ressources qui ont atteint entre 40 % et 50 % de l'ensemble du budget vers la fin de la décennie. Les programmes qu'a développés la Direction politique pour cette région visaient à la stabilisation après conflit et à la prévention de nouveaux conflits armés; ils ont été réalisés en majeure partie en liaison avec l'ONU et l'OSCE. D'amples programmes de promotion de la paix ont été mis en place en Afrique australe et au Proche-Orient.

La multiplication des dossiers de projets a bien sûr alourdi les frais d'administration et de gestion. Mais elle contredisait aussi deux grands principes qui se sont imposés à la fin des années 90: la concentration des ressources et la prévisibilité pluriannuelle de leur affectation.

Dans les années 90, la Direction politique a déployé dans diverses régions de conflit d'intenses efforts bilatéraux pour faire reconnaître la compétence de la Suisse en matière de médiation politique et diplomatique de paix. En 1996 et 1997, des activités de cette nature ont été réalisées au Soudan, au Burundi et en Afghanistan. Au cours des années 90, la Direction a intensifié ses efforts de promotion de la paix au Sri Lanka, au Mexique, en Asie centrale et en République démocratique du Congo.

En juin 2000, enfin, s'est offerte la possibilité d'une participation suisse au processus diplomatique et politique de paix en Colombie. Pour toutes ces régions, des actions spécifiques ont été conçues, dont les objectifs centraux restaient toutefois similaires: nouer des contacts avec des acteurs déterminants, soutenir stratégiquement des activités essentielles et créer ainsi un potentiel d'aide à un règlement pacifique durable.

Création de compétences thématiques Dans la conception de ses activités opérationnelles de gestion civile des conflits, la Direction politique s'est concentrée d'emblée sur des domaines dans lesquels une expérience suisse ou une particularité nationale lui donnaient un avantage ou lui permettaient de puiser dans des compétences spécifiques. Au large spectre couvert jusqu'à la seconde moitié des années 90 ont succédé autour de l'an 2000 une
concentration et une spécialisation croissantes sur des secteurs d'action jugés particulièrement pertinents: questions constitutionnelles, questions de décentralisation et de partage du pouvoir, soutien à des processus électoraux s'inscrivant dans la consolidation de la paix et questions relevant de la sécurité humaine ­ en particulier armes légères, mines antipersonnel et acteurs non étatiques des conflits.

Structures d'envoi d'experts civils de la paix En 1998, alors que le conflit du Kosovo s'aggravait et que la communauté internationale décidait l'envoi de la mission internationale d'observation de l'OSCE (Kosovo Verification Mission), on s'est pour la première fois rendu compte de la difficulté qu'il y avait à trouver chez les membres de l'OSCE des spécialistes pour ces missions de terrain.

7419

Le Conseil fédéral a donc décidé que la Suisse devait agir et annoncé dès le mois de décembre 1999 la création d'un corps d'experts civils de la paix. Un an plus tard, il approuvait le modèle de création du Pool d'experts suisse pour la promotion civile de la paix (PEP): un vivier d'experts ­ selon le système de milice ­ disponible rapidement pour des missions internationales, multilatérales ou bilatérales, de promotion de la paix. Depuis la fin des années 90, ces experts interviennent de plus en plus fréquemment dans le cadre de programmes intégrés multilatéraux et bilatéraux de gestion civile des conflits.

Ces dernières années, le besoin d'experts civils qualifiés pour des missions de promotion de la paix dans le cadre d'organisations internationales s'est de plus en plus fait sentir.

Experts civils simultanément en mission (1993 à 2001)

80 70 60 50 40 30 20 10 0 1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Le PEP regroupe actuellement quelque 600 personnes aux profils divers, chacune possédant toutefois un haut niveau de formation dans son domaine. Afin d'être sûr qu'elles répondront aux exigences de ses partenaires, le DFAE a créé en son sein des structures professionnelles d'encadrement et de formation. Ses principaux partenaires sont l'OSCE et l'ONU, qui ont représenté les trois quarts environ des affectations ces dernières années.

7420

Principales organisations partenaires dans le domaine des affectations d'experts (2001)

6

5

7

4 3

1

2

1) OSCE 2) ONU 3) Temporary International Presence in Hebron (TIPH) 4) UE 5) Conseil de l'Europe 6) OHR 7) Autres

= 46 % = 27 % = 4,5 % = = = =

4% 4% 4% 6%

Les domaines d'intervention des membres du PEP ont été divers. Citons notamment les observations des droits de l'homme et d'élections, les affectations à la police civile ou aux douanes, ou alors des fonctions dans les domaines de la protection des minorités, la démocratisation, l'Etat de droit, le soutien à l'administration civile et aux médias, les conseils en égalité des sexes et l'assistance informatique7.

Expérience recueillie jusqu'à présent et leçons pour l'avenir Ces quinze dernières années, la gestion civile des conflits a beaucoup évolué au sein du DFAE. Alors qu'à la fin des années 80, il s'agissait surtout de fournir des ressources financières et humaines aux missions de maintien de la paix de l'ONU, les activités d'aujourd'hui exigent souvent un notable effort de gestion politique et opérationnelle. Tant la théorie que la pratique ont considérablement changé. Le Conseil fédéral a cherché à adapter ses instruments à la nouvelle situation et à les compléter par des nouveaux instruments et méthodes. La Direction politique, compétente en la matière, s'est efforcée d'intégrer dans son action le corpus de connaissances issues du travail scientifique et pratique afin d'accroître ses chances de réussite. Dans l'ensemble, elle est parvenue en bien des endroits à fournir une utile contribution à des règlements pacifiques et à des efforts de stabilisation. La coopération avec des ONG suisses et internationales, constamment intensifiée depuis la fin des années 90, a aussi concouru à une amélioration qualitative.

7

Se reporter au rapport du Conseil fédéral du 23 octobre 2002 sur les possibilités et les limites de l'affectation de volontaires à l'étranger dans le cadre de la promotion civile de la paix.

7421

Le Conseil fédéral n'a pas été seul à ajuster de la sorte ses instruments de gestion civile des conflits: il l'a fait en contact étroit et régulier avec divers partenaires ­ pays et organisations ­ et a ainsi pu constater qu'ils s'engageaient dans la même voie.

C'est pourquoi il considère que les efforts qu'il déploie pour rendre la gestion civile des conflits plus efficace et plus compétente s'inscrivent dans un processus d'apprentissage international qui continuera de nécessiter dans l'avenir de constants ajustements et recentrages.

Le Conseil fédéral est conscient qu'il existe des domaines auxquels il n'a pas pu accorder suffisamment d'attention par le passé et qu'il devra valoriser à l'avenir. Il introduira par exemple des mécanismes qui lui permettront d'analyser en continu et systématiquement les effets de ses activités de promotion de la paix afin de réinjecter le résultat de ces analyses dans son travail. Une telle culture de l'évaluation autocritique est indispensable à l'amélioration des stratégies et des programmes de gestion civile des conflits, mais aussi à l'apprentissage institutionnel et à l'optimisation des méthodes et procédures internes.

Il faut encore émettre quelques réserves en ce qui concerne des engagements ponctuels et brefs auxquels s'est prêtée la Direction politique dans certaines situations. A ces occasions, elle s'est parfois laissé trop influencer par l'actualité politique, sousestimant la nécessité d'une analyse approfondie du conflit. En général, ce type d'action n'a pas beaucoup contribué à la promotion de la paix.

La plupart des carences antérieures s'expliquent par le fait que le DFAE ne disposait pas des ressources nécessaires pour planifier et exécuter convenablement les opérations de gestion civile des conflits. Depuis le début de la présente décennie, le Conseil fédéral a mis en place des capacités qu'il entend continuer à développer dans les années qui viennent, se donnant ainsi les moyens de pallier les insuffisances du passé.

1.4.2

Création et développement de la promotion des droits de l'homme

Le DFAE dispose depuis 1989 d'un crédit approuvé chaque année par le Parlement, et dont le Conseil fédéral fixe le montant, pour financer des actions visant à soutenir les droits de l'homme et le droit international lorsque les intérêts de politique extérieure de la Suisse le demandent. Par une décision du 10 novembre 1999, le Conseil fédéral a habilité le DFAE à verser dans le cadre du budget et du plan financier 2000­2003 des montants annuels totalisant 1 780 200 francs à des actions ou programmes contribuant à la réalisation de cet objectif. La Direction politique et la Direction du droit international public du DFAE se partagent la responsabilité de gérer ce crédit: la Direction politique en dispose des deux tiers environ pour des activités relatives à la politique des droits de l'homme, et la Direction du droit international public du tiers restant pour promouvoir des actions à caractère juridique.

Les types d'activités qu'ont soutenues les deux Directions par le passé relevaient principalement des catégories ci-dessous.

7422

Protection et réhabilitation de victimes de violations de droits de l'homme Ont surtout bénéficié de cette aide des groupes vulnérables: femmes, enfants et membres de minorités dont les droits humains sont particulièrement menacés et qui méritent de ce fait une protection particulière. Dans ce contexte, la Direction politique accorde une très grande importance à la protection physique, aux personnes disparues ainsi qu'à l'interdiction de la torture et de traitements ou de peines cruels, inhumains ou dégradants.

Dans l'assistance qu'elle fournit aux victimes de violations de droits de l'homme, la Direction politique se concentre sur les infractions aux normes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Mesures de soutien relevant du dialogue sur les droits de l'homme Pour être crédible, le dialogue sur les droits de l'homme doit s'accompagner de mesures permettant de réagir aux besoins du partenaire. Un certain nombre d'actions se sont révélées particulièrement utiles dans ce domaine: échanges et formation de juristes, voyages d'études de praticiens du droit, colloques sur l'Etat de droit par exemple.

Création de capacités au sein de la société civile Sans acteurs de la société civile, il est impossible de consolider et de promouvoir les droits de l'homme. L'intervention des ONG et de particuliers a contribué de façon déterminante à l'extension notable de la protection internationale des droits de l'homme ces dernières années. Pour être efficace et crédible, la politique de la Suisse dans ce domaine doit donc soutenir activement les activités des ONG, des centres de recherche, des universités et autres entités de la société civile travaillant directement ou indirectement à la promotion des droits de l'homme. C'est pourquoi la Direction politique a spécifiquement soutenu des acteurs de la société civile exerçant une influence particulièrement favorable au renforcement de la protection des droits de l'homme. On peut par exemple citer dans ce contexte les subventions annuelles accordées à l'Association pour la prévention de la torture, qui ont permis à cette ONG de dénoncer des violations de l'interdiction de la torture par le biais d'études, d'actions ou de missions d'enquêtes.

S'unir contre la torture!

Le DFAE soutient la lutte contre la torture à différents niveaux et à l'aide de divers instruments. Il encourage par exemple des ONG qui prennent en charge des victimes de tortures. Elles fournissent une aide médicale et psychologique à ces personnes traumatisées, mais les assistent aussi, elles et leurs familles, sur le plan juridique lorsqu'elles doivent témoigner devant des tribunaux nationaux ou internationaux ou porter plainte.

Les ONG avec lesquelles travaille le DFAE sont déjà venues en aide à des centaines de victimes de tortures dans des procès, dont certains devant la Cour européenne des droits de l'homme, à Strasbourg.

7423

Soutien fourni à des organismes de l'ONU travaillant dans le domaine des droits de l'homme Depuis septembre 1997, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme constitue à Genève une institution primordiale dans la promotion et la consolidation de la protection internationale des droits de l'homme. Le DFAE a financé un certain nombre de ses activités ces dernières années.

1.5

Perspectives: stratégies et priorités (2004 à 2007)

1.5.1

Gestion civile des conflits

La gestion civile des conflits consiste à soutenir les parties à un conflit dans la négociation de leurs différents intérêts, besoins et objectifs de telle sorte que le résultat soit reconnu et perçu par toutes comme avantageux.

La gestion civile des conflits vise à soutenir les processus constructifs et non violents de conciliation des intérêts. L'expérience montre que ces processus donnent des résultats plus satisfaisants, de meilleures relations et des solutions plus durables que la confrontation directe.

Elle est en outre sous-tendue par la conviction qu'il est possible d'aménager les processus et les structures en faisant délibérément primer la conciliation des intérêts sur les rapports de force. Ses stratégies doivent donc avant tout viser à consolider les réseaux de personnes et de groupes disposés à la paix ainsi que les alliances de paix travaillant pour un règlement durable des conflits et disposant des capacités et d'une influence suffisante pour concrétiser cette conviction (cf. ch 1.3).

1.5.1.1

Buts et principes

La Direction politique centre ses activités de gestion civile des conflits sur la prévention de la violence, le règlement des conflits et la consolidation de la paix. Dans ce contexte, elle poursuit particulièrement cinq buts: ­

assumer un rôle actif de médiation dans le cadre de processus de paix diplomatiques et politiques, et offrir ses bons offices sous une forme adaptée à la réalité d'aujourd'hui;

­

mettre en place des programmes efficaces de gestion civile des conflits répondant aux besoins des populations des régions en conflit;

­

soutenir énergiquement les missions multilatérales de paix et les actions bilatérales par le biais des experts du Pool suisse de promotion civile de la paix (PEP);

7424

­

nouer systématiquement des relations de partenariat avec des pays partageant les mêmes préoccupations, certaines organisations internationales, des ONG et des acteurs issus du monde de l'économie et de la science, afin de procéder à des échanges de connaissances et d'expériences susceptibles d'améliorer la qualité du travail fourni par le DFAE;

­

soumettre ou soutenir, au sein de l'ONU et d'autres organisations, des initiatives diplomatiques portant sur des questions touchant à la paix ­ mesures d'accompagnement à l'appui.

Lors de la concrétisation de ces buts, la Direction politique observe les dix principes ci-dessous.

Se concentrer sur les conflits à haut risque d'escalade La Direction politique intervient surtout en phase de crise latente et d'escalade, ou tout de suite après la fin des hostilités (cf. ch. 1.3). Les possibilités d'actions de promotion de la paix sont souvent limitées pendant la phase de combats intenses.

Action aux niveaux hiérarchiques supérieurs et intermédiaires Par son action, la Direction politique cherche à amener les échelons hiérarchiques supérieurs et intermédiaires des parties en conflit à adopter des formes de règlement non violent et des solutions pacifiques. C'est pourquoi elle table sur la coopération avec des instances gouvernementales et d'autres responsables et élites relevant ou non de l'Etat. Les organisations et groupes d'intérêts de la société civile disposés à la paix et possédant une certaine influence sont des partenaires précieux dans la mise en oeuvre des programmes de gestion civile des conflits.

Concentration thématique et géographique La Direction politique procède à une affectation concentrée des ressources limitées dont elle dispose de façon à accroître l'efficacité de son action. Cela se traduit par la constitution d'un capital de compétences thématiques et un centrage géographique.

Dans la conception de ses programmes de gestion civile des conflits, elle recherche délibérément les synergies avec d'autres acteurs et instruments de la politique extérieure et de sécurité de la Suisse. Les conflits à la résolution desquels la Confédération décide de contribuer sont sélectionnés selon les critères ci-dessous.

­

Intérêts de politique extérieure: un conflit a-t-il pour la Suisse des répercussions humanitaires, écologiques, économiques, ou sur le plan de sa politique de sécurité, du développement ou de la migration?

­

Demande: a-t-on souhaité que la Suisse s'engage? Cherche-t-on un acteur impartial, sans passé compromettant ni intérêts politico-économiques manifestes dans la région en proie au conflit?

­

Points d'insertion: existe-t-il des relations historiques, politiques ou économiques spéciales entre la région en conflit et la Suisse, sur lesquelles cette dernière pourrait appuyer son effort de paix? Possède-t-elle des compétences spécifiques utiles au processus de paix?

7425

­

Coopération internationale: la contribution suisse s'intègre-t-elle judicieusement dans les efforts de la communauté internationale? Existe-t-il des rapprochements possibles qui accroîtraient les chances de succès de l'intervention suisse?

­

Synergies: observe-t-on des effets de synergie entre les actions bilatérales et multilatérales de promotion de la paix déployées par la Suisse? Peut-on obtenir des effets de synergie avec d'autres activités de la Confédération, comme la coopération au développement?

­

Risque calculé: le risque politique que court la Suisse est-il proportionné au bénéfice à attendre en termes de paix? Les dangers auxquels s'exposent les personnes intervenant sur place, dans le cadre des actions de promotion de la paix, sont-ils prévisibles et acceptables?

Planification à moyen terme Il n'est plus possible aujourd'hui de régler de façon durable les conflits armés par des interventions ponctuelles cherchant à obtenir rapidement des résultats tangibles.

Il faut en fait s'engager pour plusieurs années afin que puisse s'instaurer une dynamique constructive de promotion de la paix qu'entretiennent aussi les acteurs locaux du conflit. Même pour les médiations au plus haut niveau, il faut en général un engagement de plusieurs années avant que ne s'établissent les relations de confiance nécessaires. Les processus de paix étant imprévisibles, il faut aussi pouvoir à tout moment adapter son engagement à moyen terme ­ voire, dans le pire des cas, y renoncer.

Des possibilités d'action ou de contacts prometteurs avec les acteurs d'un conflit armé peuvent soudain apparaître à l'improviste. Il faut donc prévoir les ressources de telle sorte que la Direction politique soit en mesure de réagir à des événements imprévus et de saisir de nouvelles opportunités.

Priorité aux besoins des personnes souffrant du conflit armé Il convient de faire passer en premier les besoins des parties directement concernées par le conflit et des personnes qui en souffrent. Il est illusoire de penser que l'on pourrait « importer » la paix de l'extérieur d'une région en conflit. Les contributions à la paix ne sont durables que si elles s'appuient sur les besoins de la population des régions concernées et remettent aux parties en présence la responsabilité du processus de paix.

Impartialité et transparence Dans la gestion civile des conflits, la Direction politique adopte une attitude impartiale. Elle traite sur un pied d'égalité les représentants des parties au conflit et n'en exclut d'emblée aucune du processus de paix pour des raisons d'ordre culturel, religieux ou politique.

Il est souvent primordial, dans des situations de conflit, de fonder des rapports de confiance sur la transparence à l'égard des parties au conflit et des parties extérieures. Cela n'exclut pas qu'il faille respecter un secret absolu si cela se révèle nécessaire et souhaitable dans certaines phases.

7426

Participation et respect des différences culturelles et religieuses La gestion civile des conflits consiste à aider les élites, les responsables et des membres ou groupes de la société civile à régler le conflit sans recours à la violence. Il est indispensable pour cela d'associer systématiquement les groupes concernés à l'analyse et aux décisions. Pour qu'une intervention réussisse, il est très important de bien connaître le contexte du conflit. Il faut absolument tenir compte notamment des facteurs culturels, religieux et autres à chaque phase de l'intervention.

Le rôle des femmes et celui des hommes dans les conflits armés Il faut systématiquement intégrer dans la conception des activités de gestion civile des conflits les différences de rôles et de besoins des femmes et des hommes dans les conflits. Cette perspective doit donc être dûment envisagée dans l'analyse des conflits et de leurs répercussions, l'étude et la mise en oeuvre des stratégies ainsi que dans la formation des experts et la juste proportion entre hommes et femmes envoyés en mission.

Les femmes peuvent avoir une influence positive sur le cours des processus de paix à tous les échelons de la société et dans toutes les phases du conflit; c'est un potentiel dont il convient donc de tirer le meilleur parti.

Choix des partenaires: gestion civile multilatérale et bilatérale des conflits Ces dernières années, la politique de paix a de plus en plus pris une dimension multilatérale. Les causes des conflits actuels sont si diverses et mêlées que ce sont les actions de prévention des crises et de promotion de la paix conçues et déployées dans le cadre de l'ONU, de l'OSCE ou d'autres organisations régionales ou sousrégionales qui ont le plus d'effet. Parallèlement, les initiatives de pays isolés ou les actions bilatérales coordonnées de plusieurs pays continuent d'avoir leur place.

La Direction politique ne conçoit pas la gestion multilatérale et bilatérale des conflits comme des formes parfaitement distinctes l'une de l'autre, mais comme des engagements qui s'appellent mutuellement et se complètent. Elle choisit les vecteurs et les partenaires de ses activités en fonction de l'effet recherché.

Nécessité de l'apprentissage institutionnel La disposition à l'apprentissage institutionnel revêt une importance particulière dans le domaine
de la gestion civile des conflits. D'où l'obligation de mettre en commun et de discuter régulièrement avec des partenaires de l'administration et extérieurs les connaissances ainsi acquises. Il faut aussi être prêt à évaluer en permanence ses stratégies et programmes, à tirer la leçon de ses erreurs et à optimiser ses activités en fonction de l'expérience. La formation permanente de tous les collaborateurs constitue à cet égard un notable prérequis.

1.5.1.2

Domaines d'action

Les objectifs et principes de la Direction politique dans le domaine de la gestion civile des conflits se concrétisent dans cinq champs d'action. Toutes les actions financées par le crédit demandé entrent dans l'une ou plusieurs de ces catégories. En pratique, les interactions sont nombreuses.

7427

1.5.1.2.1

Bons offices et médiation

Dans la perspective du droit international, la notion de bons offices englobe la recherche de solutions par voie de négociations, d'enquêtes, de médiations, de conciliations, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux ou par d'autres moyens pacifiques (art. 33 de la Charte de l'ONU). La tierce partie entreprenant ces actions peut être soit un Etat, soit un particulier. Elle organisera les négociations voire, s'il s'agit d'un pays, offrira son territoire comme lieu de négociations ; ou alors elle assurera un rôle de médiation en intervenant dans la négociation et en proposant elle-même des modalités de négociation ou des solutions.

Les activités ou tentatives de médiation figurent en bonne place parmi les bons offices dans les conflits armés. On surestime souvent le rôle de médiation joué par la Suisse depuis la Deuxième Guerre mondiale. Bien que le Conseil fédéral ait souvent offert ses bons offices, il n'a eu que rarement l'occasion de contribuer activement à la paix. Parmi les quelques succès de la Suisse, on pourra citer les efforts qu'elle a déployés pour la signature du cessez-le-feu d'Evian entre la France et l'Algérie (1962) ou pour obtenir le cessez-le-feu dans les monts Nouba au Soudan (2002).

La notion de bons offices a changé Le fait que les conflits d'aujourd'hui opposent surtout des groupes rivaux au sein d'un Etat et rarement des acteurs étatiques a des répercussions fondamentales sur les méthodes que doivent utiliser les tierces parties pour offrir leurs bons offices ou assurer leur médiation. Les possibilités sont restreintes pour s'immiscer de façon légitime dans les affaires «intérieures» d'un Etat. Les pays affectés considèrent en règle générale comme une affaire intérieure les conflits internes qui se déroulent sur leur territoire et voient d'un oeil sceptique les offres de médiation de pays étrangers ou de tierces parties. Les pays souhaitant jouer le rôle de médiateur doivent donc s'adapter à cette nouvelle donnée. Cela vaut en particulier pour les petits pays qui n'ont pas suffisamment de pouvoir politique pour peser sur les décisions des parties en conflit.

Le nombre des médiations a considérablement crû dans le monde pendant les années 90, parallèlement à celui des conflits armés. Mais la réalité montre que cela n'accroît pas
automatiquement les chances qu'a un petit pays comme la Suisse d'être impliqué activement dans des processus de médiation ou de négociation. En effet, le rôle de médiateur de l'ONU a beaucoup progressé depuis la fin de la guerre froide; simultanément, les mandats de ce type vont de plus en plus souvent à des organisations régionales comme l'OSCE, l'UE, l'Union africaine (UA) ou l'Organisation des Etats américains (OEA). Lorsqu'un Etat est mandaté, il s'agit le plus souvent d'un médiateur possédant un indéniable poids politique. Cela ressort tout à fait bien des efforts de médiation fournis au cours des années 90 dans l'exYougoslavie: l'ONU en a assuré 35 % et l'UE 25 % environ; quant aux Etats-Unis, il en ont coordonné à peu près 11 %8.

8

Données statistiques et indications fondées pour l'essentiel sur le International Conflict Management Dataset de Jacob Bercovitch de l'université de Canterbury (NZ) recensant de façon systématique toutes les tentatives de gestion de conflit effectuées entre 1945 et 2000.

7428

Nombre annuel des médiations dans le monde, 1950 à 2000

Le Conseil fédéral estime que la neutralité peut, dans certains cas, rester un atout dans les discussions d'attribution des mandats de médiation. L'expérience pratique de ces dernières années l'a cependant persuadé qu'elle ne constitue plus un avantage déterminant. Il est toutefois convaincu que la Suisse a la possibilité d'apporter un soutien diplomatique actif et constructif à des processus de paix et de médiation par les canaux officiels. Pour cela, il faut repenser la notion de bons offices et adapter cet instrument à la réalité d'aujourd'hui. Offrir seul ses bons offices est de plus en plus promis à l'échec, surtout quand on est un petit pays. Les médiations bilatérales assurées par de petits pays européens comme la Suisse, le Luxembourg, l'Autriche, la Finlande, la Suède, la Norvège et le Danemark entre la Deuxième Guerre mondiale et l'année 2000 représentent tout au plus 4 % des médiations entreprises dans le monde9.

9

Sont ici considérés comme petits pays ceux de moins de 10 millions d'habitants.

7429

Les médiations de l'ONU (1950 à 2000)

Les petits pays ont aujourd'hui plus de chances d'être appelés en médiation s'ils offrent leurs services au sein d'un groupe d'Etats ou d'une organisation internationale. Le Conseil fédéral tiendra compte de cet état de choses en intégrant davantage à l'avenir ses bons offices dans des partenariats avec d'autres pays ou dans des structures multilatérales. Membre des Nations unies, la Suisse est maintenant en mesure de rechercher plus intensivement de tels partenariats et de saisir dans ce contexte les opportunités qui s'offrent à elle dans le domaine de la politique de paix.

C'est à l'ONU que l'on fait maintenant le plus souvent appel pour des médiations dans des conflits armés. Les petits pays ont de moins en moins de chances d'être choisis quand ils se présentent isolément.

L'expérience montre que la médiation diplomatique de la Suisse est surtout demandée à l'échelon international lorsque ses négociateurs peuvent apporter des connaissances acquises au fil d'un travail long et systématique sur le conflit concerné. Ce solide savoir donne aux négociateurs la crédibilité nécessaire pour nouer des contacts et des rapports de confiance réciproque avec les parties au conflit.

7430

Bons offices dans le processus de paix colombien Un conflit armé ensanglante la Colombie depuis une quarantaine d'années; rien que dans ces dix dernières années, il a fait quelque 40 000 victimes et déplacé près de 2 millions de personnes à l'intérieur de leurs propres frontières. A la demande du gouvernement colombien et du mouvement rebelle Ejército de Liberación Nacional (ELN), la Suisse a rejoint en juin 2000 le groupe des «Países amigos»; formé de la France, de la Norvège, de l'Espagne et de Cuba, il soutient le dialogue de paix entre le gouvernement et l'ELN.

Depuis mars 2001, la Suisse est en outre membre de la Comisión Facilitadora Internacional qui accompagne le second processus de paix colombien entre le gouvernement et les Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia-Ejército del Pueblo (FARC). A côté de la Suisse siègent dans cette commission la France, la Norvège, le Canada, l'Italie, la Suède, l'Espagne, le Mexique, Cuba et le Venezuela.

Les «pays amis» et la Commission internationale ont récemment assumé une importante fonction dans le processus de paix. Les pays impliqués ont contribué ­ moyennant de nombreuses mesures de confiance, des conseils fournis aux parties au conflit et un travail d'accompagnement du dialogue ­ à préserver la volonté de négociation, à renforcer la capacité de dialogue et à développer la confiance réciproque entre les parties. Malgré tous ces efforts, ils n'ont pu empêcher les deux processus de paix de retomber au point mort au printemps 2002. La Suisse ne manquera pas de proposer à nouveau ses bons offices en cas de reprise du dialogue.

La Suisse joue depuis le début un rôle important au sein de ces deux groupes de suivi internationaux. Elle entretient avec toutes les parties au conflit des contacts spéciaux qu'elle consolide par des projets communs, par exemple dans le domaine du déminage humanitaire. Avec Genève, elle offre un lieu exceptionnel de rencontres où les parties retrouvent des experts du droit international humanitaire ou des questions constitutionnelles, de décentralisation et de partage du pouvoir, ce qui peut dynamiser sensiblement les entretiens de paix. Enfin, elle est activement présente au sein des organisations internationales intervenant en Colombie, comme le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme.

La Direction politique
et l'ONG Coordination Suisse-Colombie ont mis sur pied en 2001 un programme auxiliaire de gestion civile du conflit, pour soutenir les activités diplomatiques de la Suisse. Les projets réalisés dans ce cadre visent à instaurer une culture du dialogue, de la tolérance et de la réconciliation et à soutenir l'action de mouvements et de forces de la société civile ­ comme le mouvement des femmes pour la paix en Colombie.

Ambassadeur en mission spéciale Le Conseil fédéral a nommé en décembre 2000 un ambassadeur en mission spéciale dont la tâche consiste à développer sur le plan politique les efforts de médiation suisses et à étoffer la contribution suisse à l'avènement de la paix dans le monde.

La plupart des conflits armés actuels mettent en jeu une constellation d'acteurs complexe. Outre le renforcement de la présence de la Suisse au niveau politique et diplomatique, l'Ambassadeur en mission spéciale doit patiemment tisser un réseau de contacts utiles et acquérir une connaissance approfondie des tenants et des aboutissants ainsi que de la dynamique d'un conflit. Ainsi, il se donne la possibilité de créer des liens à différents échelons et de mettre les ressources et les idées de la Suisse au service de la stabilisation d'une situation de conflit. De par son rang protocolaire, il est en mesure d'apporter les contributions suisses aux niveaux politiques requis. La Suisse ne pouvant pas s'affirmer dans la gestion civile des conflits par un statut de grande puissance politique, elle doit acquérir le crédit nécessaire en se montrant compétente, imaginative, digne de confiance et tenace.

7431

Les contributions de la Suisse à la paix ne sortent pas du néant, elles reflètent toujours un peu de notre identité nationale. Ce qui caractérise le système suisse, ce sont les dispositifs de sécurité dont s'est dotée la nation contre l'abus du pouvoir de l'Etat et la concentration de ce pouvoir dans quelques mains. Bien sûr, ces gardefous ont un prix en termes d'efficience. L'Ambassadeur spécial sait parfaitement qu'il serait illusoire de vouloir «exporter» tels quels des traits distinctifs du système politique suisse dans des régions en conflit. Mais les spécificités de la Suisse peuvent aussi inspirer des Etats lorsque l'abus de pouvoir systématique est au centre du conflit.

Ce poste d'ambassadeur en mission spéciale permet au DFAE d'explorer des terrains d'action jusqu'à présent en friche ainsi que des méthodes innovantes de gestion civile des conflits. L'option de concentration et d'approfondissement prise dans ce domaine a pour corollaire que l'Ambassadeur doit lui aussi se concentrer sur un petit nombre de zones de conflit. C'est pourquoi il a déployé des efforts particuliers, depuis sa nomination, au Soudan et en Somalie.

L'Ambassadeur en mission spéciale et la médiation dans le processus de paix soudanais Après des années de contact avec les parties en conflit au Sud-Soudan, l'Ambassadeur en mission spéciale a conçu une ample «architecture de paix» pour le Soudan, qui devrait faciliter le passage de la guerre à la paix. Il a dégagé les grands points du conflit soudanais et ébauché des solutions. Il a dès le départ associé les parties au conflit ainsi que des Etats influents de la région et des pays occidentaux à cette réflexion.

À l'issue de multiples consultations bilatérales et multilatérales, il a concrétisé quelques-unes de ses idées en montrant comment elles s'inséraient dans sa stratégie globale. Trois d'entre elles ont une place à part dans sa stratégie générale: la répartition des recettes du pétrole, la réforme de l'armée et la création d'un cadre institutionnel pour la société divisée du Sud-Soudan.

­

Le gouvernement soudanais ayant commencé il y a trois ans environ à exploiter les gisements du Sud-Soudan, le pétrole est devenu l'un des principaux enjeux du conflit. Sans une répartition équitable des recettes issues de cette matière première stratégique, on ne voit pas comment le conflit armé pourrait se terminer. L'Ambassadeur en mission spéciale a donc préparé une formule de comptabilisation transparente de ces recettes et une clé de répartition toute simple.

­

Comme d'autres pays d'Afrique, le Soudan doit surtout sa cohésion à une armée contrôlée par l'Etat. Sa dissolution soudaine ferait surgir de très gros problèmes. Car le Soudan est un pays très hétérogène et le conflit entre le Nord et le Sud est militarisé depuis des générations. C'est pourquoi l'octroi de l'autonomie revendiquée par le Sud ne sera crédible que si des garanties fédérales sont aussi données en ce qui concerne l'armée. Au début de l'année 2002, l'Ambassadeur en mission spéciale a pour la première fois invité des délégations militaires du Nord et du Sud en Suisse pour leur montrer, par l'exemple de l'armée suisse, que le fédéralisme peut aussi fonctionner dans le domaine militaire.

7432

­

Plus d'une soixantaine de tribus peuplent le Sud-Soudan; elles n'ont jamais pu dans le passé mettre en place d'institutions communes viables. Or les mécanismes traditionnels d'arbitrage et de conciliation des intérêts ne fonctionnent plus parce que de nombreuses personnes ont été déplacées par la guerre ou parce que ces mécanismes traditionnels sont court-circuités par les milices armées. Sans d'authentiques institutions, le Sud-Soudan ne connaîtra pas de paix durable. C'est pourquoi l'Ambassadeur en mission spéciale a opiniâtrement recherché le dialogue avec des représentants des élites sudsoudanaises et finalement lancé un processus visant à créer des institutions à ancrage local. Un groupe sud-soudanais a soumis au débat public une proposition de création d'un conseil des tribus ­ comparable à la loya jirga d'Afghanistan ou à la conférence des tribus du nord de la Somalie ­ qui pourrait finalement reprendre le contrôle des milices armées.

Médiation sur le Bürgenstock En janvier 2002, un cessez-le-feu pour les monts Nouba, la région du centre du Soudan la plus touchée par la guerre civile du Sud-Soudan a été négocié sur le Bürgenstock (NW). Des pressions américaines avaient conduit le gouvernement soudanais et l'armée de libération du peuple soudanais (SPLA) à accepter des négociations de cessez-le-feu.

Les relations de confiance qu'a réussi à instaurer l'ambassadeur en mission spéciale avec les parties au conflit l'ont fait choisir pour diriger les négociations. Une féconde coopération américano-suisse est ainsi parvenue à transformer le cessez-le-feu en un accord de désengagement qui a rendu l'accès des terres agricoles à la population civile.

L'ambassadeur avait d'ailleurs eu la bonne idée d'intégrer des officiers supérieurs suisses à la délégation de médiation.

L'accord signé le 19 janvier 2002 a été très bien accueilli dans les monts Nouba. C'est la première fois en bientôt vingt ans de guerre civile qu'un accord est négocié et signé entre le gouvernement et les rebelles. Le gouvernement soudanais a pour la première fois aussi accepté la création d'une commission de supervision internationale, qui accomplit actuellement sa mission dans les monts Nouba; le cessez-le-feu n'a pour l'instant (automne 2002) pas été rompu. On pourrait enfin espérer une paix complète au Soudan.

Compte tenu des bons résultats obtenus jusqu'à présent par l'Ambassadeur en mission spéciale de gestion des conflits, le Conseil fédéral se propose d'affecter selon le besoin d'autres personnes à des missions spéciales diplomatiques dans les années qui viennent.

7433

1.5.1.2.2

Programmes de gestion civile des conflits

Les programmes de gestion civile des conflits sont des trains de mesures conçus pour une région de conflit donnée et mis en oeuvre dans cette région. Les programmes englobent des projets harmonisés entre eux ainsi que l'envoi d'experts.

Europe du Sud-Est: prévenir la violence et consolider la paix Divers acteurs de la Confédération se sont engagés ces dernières années en Europe du Sud-Est ; ils ont tenté de prévenir la violence et de consolider la paix par des programmes et des actions intégrées, dans le cadre de l'aide humanitaire, de la coopération avec les pays de l'Est, de l'aide au retour ou de la consolidation civile et militaire de la paix.

La Suisse a aussi concouru officiellement, au sein de structures multilatérales comme le Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est, à la mise en place de structures démocratiques et juridiques, à la protection des minorités ou au développement et à la coopération économiques. Par le passé, une attention particulière a également été accordée à l'Europe du Sud-Est pour ce qui est de la gestion civile des conflits. Les analyses révèlent qu'une paix durable n'est envisageable dans cette région éprouvée par la guerre que si l'on parvient à améliorer la compréhension entre ses groupes ethniques et religieux et à développer des capacités de règlement constructif des conflits entre les majorités et les minorités. Le potentiel de tensions restant important en Europe du Sud-Est, la Direction politique maintient dans cette région son plus gros programme en volume de gestion civile des conflits.

Le programme fait une large place à des projets et actions améliorant la protection des droits de l'homme et des minorités, et soutenant ou consolidant de nouvelles solutions constitutionnelles. La Direction politique intervient là où les problèmes de compréhension et, par conséquent, les conflits potentiels sont les plus importants: Serbie et Monténégro, Kosovo, Bosnie-Herzégovine et Macédoine. En Europe du Sud-Est existe un dense réseau d'acteurs multilatéraux; le programme s'appuie sur leur coopération. Le principal instrument utilisé dans ce cadre est constitué par les experts affectés le plus souvent aux missions de l'OSCE. Les activités liées à des projets se limitent à des secteurs ayant un impact déterminant sur la paix.

Les programmes de gestion civile des conflits présentent fréquemment un caractère préventif. Dans les zones où les conflits ont déjà éclaté, ils visent à les régler ou à consolider la paix. Ils sont donc en complète harmonie avec les efforts de médiation de la Suisse, qu'ils préparent ou accompagnent. Dans certains cas, il peut être judicieux de soutenir les efforts de médiation et de consolidation d'autres pays ou organisations internationales dans le cadre de programmes multinationaux de gestion civile des conflits.

Les programmes de gestion civile des conflits n'ont pas seulement leur place avant et pendant les conflits armés: souvent, il est nécessaire de procéder à un rapprochement des intérêts tout de suite après la phase de combats. Il est en effet important à ce moment de stabiliser une paix fragile et de mettre en place un régime d'après-guerre viable.

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Conseil aux parties au conflit au Sri Lanka et instauration de rapports entre elles La guerre civile qui oppose le gouvernement à dominance cinghalaise et le mouvement des Tigres de Libération de l'Eelam Tamoul (LTTE) éprouve douloureusement la population depuis le début des années 80: morts, destruction, personnes déplacées, populations traumatisées, criminalité croissante et désintégration de la société.

De graves violations des droits de l'homme ont été commises de part et d'autre. Pendant des décennies, aucun acteur n'a semblé être en mesure de désamorcer le conflit ni de produire d'initiative de paix prometteuse. Aucune solution militaire, diplomatique, politique ou constitutionnelle n'est jusqu'à présent parvenue à s'imposer.

La Direction politique mène depuis longtemps au Sri Lanka un programme de gestion civile du conflit. Dans ce cadre, elle soutient le Centre Berghof de gestion constructive des conflits (Berlin) dans la mise en place d'un réseau d'étude et de transformation du conflit au Sri Lanka. Elle complète ainsi les efforts de paix du gouvernement norvégien, auquel les parties ont demandé sa médiation.

Ce réseau doit renforcer les compétences et le potentiel d'acteurs importants dans la transformation du conflit et fournir des incitations à la coopération et aux relations. Le but du programme consiste à améliorer la capacité générale de règlement et de gestion constructive du conflit au Sri Lanka. Les personnes et les équipes encadrées par le programme doivent ensuite prendre un rôle actif dans le processus de paix car il s'agit avant tout d'encourager et de renforcer les capacités locales. Cet apport englobe par exemple des techniques de négociation et de médiation, des analyses de conflits similaires dans d'autres pays, des solutions imaginatives de passage du cessez-le-feu à un accord de paix ou des possibilités constitutionnelles de régler le conflit.

1.5.1.2.3

Pool d'experts pour la promotion civile de la paix (PEP)10

Le Pool d'experts suisse pour la promotion civile de la paix (PEP) s'est révélé ces dernières années un instrument efficace d'envoi de personnel de paix qualifié. Le concept adopté par le Conseil fédéral en décembre 2000 prévoit la création de structures permettant d'envoyer jusqu'à une centaine de personnes simultanément.

S'il n'éclate pas prochainement de nouveaux conflits, qui exigent des missions de paix multilatérales plus fournies, il s'en tiendra pour les années qui viennent à ce niveau.

En ce qui concerne l'envoi d'experts, l'accent sera mis ces prochaines années sur la croissance plutôt qualitative que quantitative. La Direction politique souhaite étoffer et optimiser la formation de base et le perfectionnement ainsi que l'encadrement des experts afin de garantir le niveau de qualité des personnes envoyées. De cette façon, les experts du PEP assumeront en outre de plus en plus des fonctions d'encadrement et pourront acquérir une expérience de direction.

Dans la mesure du possible, la Direction politique harmonise l'envoi d'experts avec les programmes de gestion civile des conflits. Lorsqu'il s'agit de programmes multilatéraux, les affectations des experts suisses visent à susciter des effets de synergie entre leur activité et l'axe stratégique du programme. Dans le cadre de programmes bilatéraux, leur activité consiste à codiriger ou à réaliser les activités sur place.

10

Pour plus ample information sur le Pool d'experts de promotion civile de la paix, se reporter au rapport du Conseil fédéral du 23 octobre 2002 sur les possibilités et les limites de l'affectation de volontaires à l'étranger dans le cadre de la promotion civile de la paix.

7435

Bien que la Direction politique s'efforce d'obtenir un maximum de synergies entre les divers instruments de gestion civile des conflits, il doit se montrer très souple en ce qui concerne l'envoi de personnes dans des missions multilatérales pour ce qui est du lieu et de la nature de leur intervention. Cette souplesse est nécessaire du fait que les modalités d'affectation et le type des tâches à accomplir dépendent en grande partie de l'organisation assumant la mission.

L'envoi de personnes dans des régions de conflit présente des risques qu'une préparation et un encadrement soigneux permettent de réduire, mais jamais d'éliminer.

Compétence suisse dans la création d'un organisme de conciliation, de médiation et d'arbitrage entre la population et le gouvernement au Kosovo Après l'intervention militaire de l'OTAN au Kosovo, au printemps 1999, et la création de missions de paix de l'ONU et de l'OSCE en juin 1999, quelque 800 000 réfugiés de souche albanaise chassés durant la guerre par les forces serbes sont revenus au Kosovo.

Depuis juin 1999, plus de 200 000 Kosovars non-albanais de souche ont pour leur part quitté le Kosovo; dans la plupart des cas, leur décision était due à des tensions ethniques et religieuses.

La Direction politique soutient depuis la fin des combats les missions de paix au Kosovo dans le cadre d'un ample programme de gestion civile des conflits; le principal instrument auquel elle recourt dans ce contexte est l'envoi d'experts. Fin 2001, plus de 120 d'entre eux intervenaient au Kosovo au titre de la promotion civile de la paix, contribuant à la stabilisation de la sécurité, au renforcement des structures de l'Etat de droit et à l'amélioration de la compréhension entre la majorité albanaise et diverses minorités.

Dès le début, la Direction politique a énergiquement soutenu l'organisme de conciliation, de médiation et d'arbitrage au Kosovo. Chargé de protéger et de promouvoir les droits et les libertés fondamentales des personnes physiques et morales sur les territoires du Kosovo, celui-ci doit garantir le respect des règles stipulées dans la Convention européenne des droits de l'homme, les deux pactes de l'ONU et d'autres textes importants sur les droits de l'homme. Des collaborateurs suisses de cet organisme n'ont cessé d'indiquer qu'ils passaient sur place pour des
spécialistes de la compréhension entre les divers groupes ethniques, et étaient parfois spécifiquement affectés à ce domaine. Ce qui montre que l'expérience suisse peut être mise à profit dans des formes constructives de conciliation des intérêts.

1.5.1.2.4

Initiatives diplomatiques thématiques

Le rapport de politique extérieure 2000 du Conseil fédéral qualifie la promotion de la sécurité et de la paix d'«élément central de la politique structurelle au niveau global». Par cette formule, il indique que les conflits armés et les guerres d'aujourd'hui concernent l'ensemble de la communauté internationale et que les problèmes de paix, actuels et à venir, appellent des solutions supra-étatiques. Il est donc logique que les questions et points fondamentaux concernant la paix soient de plus en plus abordés et développés au sein d'organes multilatéraux et de groupes informels de pays dont le rôle devrait gagner en importance. La Suisse possède sur un certain nombre de ces questions des compétences qu'elle peut apporter au niveau diplomatique ­ ce qu'elle fera davantage à l'avenir. Les discussions internationales sur des questions théoriques générales ou spécifiques ont souvent des implications directes sur le travail concret de gestion civile des conflits ou de promotion des droits de l'homme. En participant plus activement à ces discussions, le Conseil fédéral pourra dire son mot dans l'aménagement du cadre dans lequel s'inscrivent ses

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propres programmes. Cette présence plus intense de la Suisse dans les débats internationaux améliorera en outre la qualité interne de ses programmes de promotion de la paix ainsi que ses chances de s'intégrer dans des partenariats internationaux porteurs. De nouvelles possibilités s'offrent à elle dans ce contexte maintenant qu'elle est membre de l'ONU.

Ces dernières années, le Conseil fédéral s'est particulièrement impliqué, à l'échelon international, dans les débats sur l'amélioration de la sécurité humaine. Il s'est exprimé dans divers réseaux internationaux sur des questions fondamentales comme la prolifération des armes légères, le déminage humanitaire, les acteurs non étatiques des conflits, les enfants soldats, la réforme du dispositif sécuritaire dans les régions en conflit, l'atténuation des effets humanitaires et économiques pervers des sanctions (sanctions dites «intelligentes») ainsi que sur les initiatives d'amélioration et de professionnalisation des missions de paix multilatérales ou des structures d'envoi d'experts civils de la paix.

La Direction politique a besoin de faire appel à des compétences et à des réseaux extérieurs pour améliorer les chances de succès des initiatives diplomatiques de la Suisse sur certaines questions. Dans certains cas, il faut soutenir ces actions par des mesures d'accompagnement opérationnelles qui vaudront aux initiatives suisses crédibilité et crédit. Dans le domaine des armes légères, c'est en grande partie à une telle mesure d'accompagnement stratégique, à savoir le soutien à l'enquête «Small Arms Survey», que le Conseil fédéral doit de passer pour l'artisan crédible d'initiatives diplomatiques.

Conférence des Nations unies sur le commerce illicite des armes légères et diplomatie suisse En juillet 2001 a eu lieu à New York la première conférence sur les armes légères d'envergure mondiale: la Conférence des Nations unies sur le commerce illicite des armes légères et de petit calibre sous tous ses aspects. Les participants se sont entendus sur un programme d'action contenant un grand nombre de mesures nationales, régionales et globales, et qui aura une influence durable sur l'engagement à venir de la communauté internationale dans le domaine des armes légères.

Le DFAE s'est beaucoup impliqué dans la préparation du programme d'action. Avant la
Conférence de l'ONU, il a organisé divers séminaires internationaux où ont été approfondis des aspects primordiaux du problème. Cette préparation a contribué à rendre les discussions objectives avant et pendant la Conférence et a eu un impact déterminant sur la formulation du programme d'action.

Il faut en particulier mentionner dans ce contexte l'initiative diplomatique sur la traçabilité des armes légères, lancée par la Suisse avec la France; elle porte sur la mise en place d'un système international d'échange d'informations devant permettre de retrouver l'origine des armes légères et de marquer les armes elles-mêmes. Cette initiative francosuisse a suscité un vif intérêt à la Conférence de l'ONU. C'est un premier pas concret vers la mise en oeuvre des mesures qu'appelle le programme d'action.

7437

1.5.1.2.5

Partenariats

Partenariats multilatéraux et bilatéraux Les conflits actuels ont des causes si nombreuses et si intriquées que ce sont les initiatives de prévention de la violence et de promotion de la paix conçues et mises en oeuvre dans le cadre de l'ONU, de l'OSCE, de l'UE, de l'OCDE, de l'UA, de l'OAS ou d'autres organisations mondiales, régionales ou sous-régionales qui ont le plus de chances d'avoir un impact.

Dans son message relatif à l'initiative populaire «Pour l'adhésion de la Suisse à l'Organisation des Nations unies (ONU)», le Conseil fédéral a notamment justifié son accord par le fait qu'en devenant membre, la Suisse se donne la possibilité «de mieux promouvoir ses valeurs et ses priorités politiques dans le travail de cette organisation mondiale»11. En ce qui concerne la paix, cette coopération est d'autant plus naturelle qu'il s'agit d'un domaine prioritaire aux yeux de la Suisse comme de l'ONU. Ce partenariat intense s'impose à la Suisse en particulier du fait que l'ONU joue un rôle déterminant dans le travail de réflexion et de préparation consacré à de nouveaux concepts, dans les médiations politiques et diplomatiques et dans la mise en place de grandes opérations de paix.

L'ONU constitue aujourd'hui dans le monde le principal acteur de la paix. En entretenant d'actives relations de partenariat avec elle, le Conseil fédéral accroît les chances de succès des activités de la Suisse dans la gestion civile des conflits.

Outre l'ONU, l'OSCE constitue pour la Suisse un autre forum important pour développer et mettre en oeuvre des actions de prévention des crises, de traitement des conflits et de reconstruction. A côté des organisations internationales, il faut aussi signaler le rôle d'initiatives d'Etats isolées ou d'actions bilatérales coordonnées de plusieurs pays. Il est apparu ces dernières années que des pays se spécialisent dans certains aspects des efforts de paix internationaux et forment des partenariats avec d'autres qui ont adopté des priorités thématiques et des axes stratégiques similaires. Le Conseil fédéral est persuadé que les contributions de la Confédération à la paix gagneront en efficacité si elles s'inscrivent dans de tels partenariats.

Devenue membre des Nations unies, la Suisse prendra désormais en charge comme tous les autres membres sa part des frais des missions de paix,
par le biais de ses contributions au budget ordinaire de l'ONU.

Partenariats avec la science et la recherche La gestion civile des conflits est un domaine jeune dans lequel on ne dispose que de relativement peu de connaissances sûres. Il est donc indispensable de recourir à la recherche appliquée menée dans des organismes suisses et étrangers de façon que les activités correspondantes de la Confédération prennent un essor qualitativement satisfaisant.

11

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Pour définir et déployer des stratégies d'intervention responsables et efficaces, on ne peut se passer d'analyses scientifiques solides des régions concernées et des causes des conflits. Des décisions prises au vu d'analyses insuffisantes peuvent même conduire à se lancer dans des actions qui auront sur le conflit des effets contraires aux buts recherchés. Les capacités d'analyse nécessaires dépassant de loin celles dont dispose l'administration, il est indispensable de travailler avec des organismes extérieurs de recherche à la planification et à l'encadrement des activités concrètes. La Direction politique fait donc procéder à des recherches axées sur l'action, et cela dans les grands domaines suivants: statut de la politique de paix dans la politique extérieure; possibilités d'action de la politique de paix suisse; analyses géographiques et thématiques de conflits.

Partenariat de développement de stratégies de paix Le Harvard Program on Humanitarian Policy and Conflict Research (HPCR) est un partenaire important de la Direction politique. Il est centré sur la recherche appliquée en matière de sécurité humaine, de prévention des conflits et de protection des populations civiles. Le HPCR prépare des documents stratégiques à l'intention des responsables, ainsi que des informations sur certaines régions de conflits, puis en assure la diffusion en recourant à des technologies modernes de l'information. La Direction politique a soutenu la création du HPCR en étroite liaison avec le secrétariat exécutif du Secrétaire général de l'ONU à New York. Aujourd'hui, elle met à profit à divers niveaux les réflexions, analyses et idées issues du Programme, dont le personnel a notamment conseillé la Direction politique dans la préparation d'un mécanisme de contrôle du respect du droit international humanitaire au Proche-Orient. L'ONU, des acteurs et des gouvernements autres que la Suisse recourent aussi aux conseils du HPCR.

Partenariat avec des organisations non gouvernementales et des acteurs économiques Les acteurs étatiques ont intérêt à coopérer étroitement avec des ONG nationales et internationales, et cela pour diverses raisons. D'une part, les ONG possèdent une connaissance et une expérience du déroulement des conflits qui complètent utilement le travail de l'administration. D'autre part, ces organisations s'inscrivent souvent dans des réseaux, à l'intérieur comme à l'extérieur de la région en conflit, ce qui leur permet d'exercer une influence positive sur le déroulement du conflit. Les ONG ne sont pas soumises aux mêmes contraintes politiques qu'un Etat et il leur est fréquemment plus aisé d'accéder aux parties au conflit. Dans certains cas, il peut être bon de soutenir des organisations non étatiques qui entreprennent des initiatives prometteuses de médiation auxquelles la Suisse n'est pas ­ ou pas encore ­ officiellement associée.

L'expérience montre qu'une grande partie des conflits armés ont des origines directement ou indirectement économiques. La maîtrise de ressources rares, la lutte pour certains marchés, certains crédits ou l'utilisation de certaines infrastructures, la possibilité d'obtenir des devises ou des positions stratégiques dans l'économie nationale, voire le volume et la structure de l'économie nationale constituent autant de facteurs déterminants dans le déclenchement et le déroulement des conflits. Or le rôle potentiel des acteurs économiques a été jusqu'à présent sous-estimé dans les stratégies de gestion des conflits. Les entreprises présentes dans des zones de conflit se demandent souvent quel est l'impact de leurs investissements sur les rapports de force sur place, voire si ces investissements ne renforcent pas l'économie de guerre (cf. p. 11). Les entreprises qui adoptent une perspective à plus long terme souhaitent 7439

en général empêcher les conflits armés, ou au moins qu'ils trouvent le plus rapidement possible une solution pacifique. Pour les entreprises, la guerre et l'instabilité se traduisent par des coûts supplémentaires et font obstacle au développement économique durable.

La paix étant indispensable à des relations économiques florissantes, les entreprises ont tout intérêt à prévenir les conflits armés. Les acteurs économiques opérant dans des zones de conflit ont fréquemment des contacts avec des responsables influents sur place. Il est donc dans l'intérêt de la Confédération, mais aussi de l'économie privée, de mettre à profit ces contacts dans le cadre de stratégies intégrées de gestion civile des conflits.

1.5.1.3

Thèmes prioritaires

On observe une spécialisation thématique croissante des acteurs internationaux de promotion de la paix. La Direction politique en a conscience; elle se constitue donc un capital de spécialités internes ainsi que de ressources extérieures dans une sélection de domaines déterminants. Elle se concentre sur ceux qui se sont révélés particulièrement porteurs dans le pilotage de processus de gestion civile des conflits et la réalisation des activités correspondantes.

1.5.1.3.1

Droit constitutionnel, décentralisation et partage du pouvoir

Les divergences quant à l'organisation des structures de pouvoir et de compétences au sein de l'Etat sont à l'origine de nombreux conflits armés; mais ce sont aussi des questions qui reviennent régulièrement en bonne place dans les négociations de paix. C'est pourquoi il est indispensable de se créer un capital de compétences internes en droit constitutionnel et en matière de décentralisation, de partage du pouvoir et de protection des minorités, tout en intensifiant sa coopération avec des réseaux de spécialistes extérieurs. Depuis les années 90, la Direction politique est parvenue à exercer une action constructive sur le déroulement de divers conflits en amorçant des solutions crédibles dans ces domaines.

L'actuel débat sur la protection des minorités en droit international et sur le droit des peuples à l'autodétermination le montre clairement: le principe de subsidiarité s'imposera de plus en plus dans l'avenir, mais les voeux d'indépendance resteront rarement exaucés. Ce qui veut dire que les Etats devront de plus en plus se décentraliser de sorte que les groupes concernés puissent avoir un sentiment d'autodétermination au sein de leur région et avec leur propre administration, sans pour autant former un nouvel Etat indépendant. Dans la réalité de la plupart des relations entre majorités et minorités, il n'est possible d'aboutir à des règles d'autonomie et d'autodétermination qu'après une période longue et pénible de réflexion sur les revendications des minorités. Pour que les choses se passent bien, il ne suffit certainement pas d'arbitrer abstraitement entre la légitimité de la démocratie majoritaire et la protection des minorités. Pour un acteur cherchant à promouvoir la paix, il s'agit 7440

plutôt de lancer et d'accompagner un processus d'apprentissage et de règlement entre les parties impliquées et en leur sein. Ce processus vise à ce que les parties connaissent et comprennent leurs revendications respectives. La tâche de la tierce partie consiste à fournir sa compétence en matière constitutionnelle et à motiver les parties à rechercher ensemble une forme de partage du pouvoir acceptable pour toutes.

Les accords et les mécanismes d'arbitrage doivent être aussi précis que possible de manière à minimiser les risques de détournement des règles de l'autonomie. Pour qu'un accord de partage du pouvoir fonctionne, il faut que tout le monde adopte une conception commune des normes en vigueur en matière de protection des droits de l'homme et des minorités, mais aussi que l'on se soit accordé sur les façons de garantir la sécurité intérieure, la création d'organes autonomes représentatifs ou sur des formes de représentation élue du peuple.

La Somalie à la recherche du «bon» régime Depuis le renversement du régime de Siyad Barre, en 1991, la Somalie n'a plus de gouvernement national. L'Etat somalien s'est complètement effondré. Et pourtant, la société somalienne est parfaitement homogène en ce qui concerne sa composition ethnique, religieuse et linguistique. La Somalie présente à sa façon une occasion unique de repenser les buts et le rôle de l'Etat en tant que tel, et particulièrement son statut en Afrique.

L'effondrement des structures et des institutions de l'Etat en Somalie montre clairement à quel point les modèles d'Etats-nations à l'occidentale sont faiblement implantés sur le continent africain ­ avec quelles terribles conséquences pour la stabilité des pays concernés. Les événements du 11 septembre 2001 ont fait prendre conscience au monde que l'absence d'autorité étatique dans une seule région peut compromettre la sécurité internationale.

Mais il y a de l'espoir: des efforts sont déployés dans les régions du nord de la Somalie pour mettre en place des institutions étatiques originales. Cette tentative représente un problème épineux pour les experts occidentaux, qui doivent concilier leurs idées avec les besoins et la réalité de la société somalienne.

Le DFAE a décidé d'accompagner à divers niveaux la mise en place d'un nouvel Etat en Somalie. Depuis quelques années, il soutient
les nouvelles institutions en cours de création dans le nord-ouest et le nord-est du pays en proposant son expertise. Un groupe de travail a en outre été constitué sous la direction de l'ambassadeur en mission spéciale, avec l'appui d'un institut universitaire suisse; il réunit des représentants de diverses régions de Somalie.

Ce groupe prépare divers modèles de constitution qui serviront de base de discussion en vue de la conception du futur système politique de la Somalie. Ces modèles sont approfondis dans le dialogue avec différents groupes de la société somalienne avant d'être examinés par une future commission constituante. L'ambassadeur en mission spéciale soutient le processus en assurant les relations avec divers groupes somaliens et les principaux acteurs régionaux et internationaux.

L'encouragement du débat institutionnel en Somalie illustre bien l'importance des questions constitutionnelles dans les zones de conflit et montre comment on peut les aborder dans des stratégies de gestion des conflits. Dans bien des pays ravagés par la guerre, il ne s'agit pas simplement de réformer les institutions existantes, mais de refondre complètement l'Etat. La redéfinition du rôle de l'Etat et la mise en place d'un contrepoids à son monopole du pouvoir sont des préalables indispensables à la maîtrise d'un grand nombre de conflits déclenchés par l'abus du pouvoir de l'Etat en Afrique et ailleurs.

7441

Encadrement d'élections Même quand on parvient à faire négocier un système politique pour l'Etat concerné, il se révèle souvent difficile de faire admettre cet accord chez les diverses parties concernées et dans la population en général. Les élections peuvent ainsi avoir un effet stabilisant comme déstabilisant. Le mauvais déroulement des élections est souvent le signe d'un dysfonctionnement du système politique. Dans le cadre de stratégies préventives, les élections peuvent donc révéler le degré de respect des processus démocratiques et des règles de l'Etat de droit. Dans des sociétés déstabilisées par un conflit récent, les élections représentent une étape cruciale. Car c'est par des élections faites dans les règles que les formules constitutionnelles ou les accords politiques sur le partage du pouvoir sont légitimés et acceptés par l'ensemble de la population. Il est donc primordial d'avoir au préalable préparé et amélioré le code électoral.

C'est en général l'observation internationale qui sert à déterminer si des élections se déroulent dans des conditions régulières et démocratiques. Les observateurs assument une double fonction. D'une part, ils renforcent la légitimité du processus en le vérifiant et en prévenant les erreurs, les manipulations ou les fraudes. Ils l'entourent d'une atmosphère de franchise et renforcent la confiance des électeurs dans le déroulement du scrutin. Ils ne se limitent d'ailleurs pas en général à surveiller le vote à proprement parler: des missions plus longues permettent de contrôler que les libertés de réunion et d'expression ont bien été respectées avant le scrutin. Et d'autre part, en assurant ce contrôle, la communauté internationale montre l'intérêt qu'elle porte à l'évolution pacifique et démocratique du pays, ainsi que sa solidarité avec lui.

1.5.1.3.2

Médias et conflits armés

Non seulement les médias rendent compte des conflits armés, mais ils ont fréquemment une influence directe sur leur dynamique. Manipulés, ils peuvent contribuer à leur escalade en polarisant l'opinion, en exploitant les événements, en marginalisant telle ou telle partie voire en appelant à la violence.

Mais quand ils font preuve de sens des responsabilités, les médias peuvent aussi contribuer puissamment à prévenir, à désamorcer, voire à régler un conflit. Ils peuvent aider à analyser les intérêts, les besoins et les buts des parties impliquées, et les rendre transparents. En faisant mieux comprendre des aspects primordiaux du conflit dans les populations concernées, ils favorisent le dialogue au sein des parties en présence et entre elles. La couverture objective des événements peut avoir un effet préventif car elle montre clairement aux personnes impliquées quels intérêts sert l'escalade et quel sera son coût. Cette information est particulièrement importante lorsque les canaux de communication formels et informels ont été coupés entre les parties, et que les médias constituent donc le seul qui reste.

La Direction politique soutient les médias lorsqu'ils ont un impact direct sur la dynamique du conflit et peuvent motiver les parties au conflit à adopter des formes constructives de règlement du conflit.

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Les médias peuvent aussi contribuer directement au règlement du conflit en publiant des idées de solution constructive et en fournissant une plate-forme qui permette à toutes les parties de s'exprimer. Dans cette phase, ils peuvent insister sur le devoir d'information des chefs de négociations et démasquer les parties qui entravent le processus. Quant aux négociateurs, ils ont ainsi la possibilité de s'adresser à leur propre base, de lui expliquer les positions qu'ils défendent et de les faire accepter.

Radio OKAPI émet des ondes de paix!

La République démocratique du Congo est en proie à la guerre depuis 1996. Après un premier conflit qui s'est soldé par le renversement du régime de Mobuto Sese Seko, un second conflit éclate en août 1998; il dure encore et a entraîné dans son tourbillon plusieurs autres pays africains.

En juillet 1999 ont été signés à Lusaka des accords de paix prévoyant notamment l'instauration d'un «dialogue intercongolais»: une plate-forme politique permettant aux différents partis et groupes congolais de s'entendre dans un processus participatif et intégrateur sur le régime constitutionnel à venir du Congo. Ce dialogue a pris une nouvelle envergure en février 2002 lorsque, pour la première fois, toutes les parties en présence y ont participé.

La Direction politique accompagne le dialogue intercongolais d'un programme de gestion civile du conflit. Depuis novembre 2000, elle soutient l'actuelle Radio OKAPI en lui fournissant une aide financière et en mettant à sa disposition un expert du Pool d'experts suisse pour la promotion civile de la paix. Le fonctionnement de Radio OKAPI est assuré par la mission de l'ONU au Congo (MONUK) et la fondation Suisse Radio Hirondelle.

La station a notamment pour objectif de fournir à la population du Congo des informations fiables sur le processus de paix et le dialogue intercongolais et de soutenir ainsi le processus, d'expliquer le mandat et les activités de la MONUK, de diffuser des informations sur le droit international humanitaire et le travail du CICR, d'informer le public des programmes de déminage, de soutenir la réinsertion des enfants soldats dans la vie civile et de faire connaître les actions et les offres des acteurs humanitaires. Non seulement elle améliore les chances de paix durable au Congo mais elle contribue aussi concrètement à la sécurité humaine des populations locales.

1.5.1.3.3

Sécurité humaine

En mai 1998 a été créée avec le Human Security Network une structure institutionnelle qui permettait à ses membres (Canada, Norvège, Irlande, Pays-Bas, Autriche, Slovénie, Grèce, Mali, Jordanie, Chili, Afrique du Sud et Suisse) de discuter d'actions visant à améliorer la sécurité humaine. Comme la plupart des autres pays du Nord appartenant au réseau, la Suisse se concentre sur la sécurité humaine dans les situations de violence généralisée. Ces discussions tournent surtout autour de problèmes dont s'occupe le DFAE depuis des années et auxquels il continue d'accorder une grande importance dans le cadre de la gestion civile des conflits: la prolifération des armes légères, les mines antipersonnel et les acteurs non étatiques des conflits.

Réduire la prolifération des armes légères La lutte contre la prolifération incontrôlée et l'usage abusif des armes légères constitue un champ d'activité particulièrement délicat dans le domaine de la sécurité humaine. Ces armes provoquent d'incommensurables souffrances parmi les populations des régions en proie à un conflit; elles contribuent fréquemment à l'escalade de la violence du fait qu'elles sont bon marché, aisées à obtenir en contrebande, à 7443

transporter ou à introduire en contrebande, que leur manipulation ne demande guère de formation et que leur coût d'entretien est réduit. Elles constituent l'arme de guerre la plus utilisée dans les conflits intraétatiques. On estime qu'elles tuent 500 000 personnes environ chaque année dans le monde.

L'engagement de la Suisse dans le domaine des armes légères remonte à une décision prise en 1998 pour trois grandes raisons: tout d'abord, l'utilisation incontrôlée des armes légères doit être considérée comme un problème prioritaire dans la recherche de la paix; ensuite, il était évident qu'il fallait agir au niveau international; et enfin, la Suisse possède des compétences dans ce domaine. Depuis 1998, le DFAE a élaboré une politique indépendante en la matière, qui a contribué à ce que soient définis, mais aussi de plus en plus respectés, des normes et mécanismes internationaux de lutte contre la prolifération incontrôlée et l'usage abusif des armes légères. Il a d'autre part pris des mesures pour faire mieux connaître ce problème et obtenir une analyse plus soigneuse de points capitaux comme les restrictions au commerce incontrôlé des armes légères, leur marquage et la gestion des stocks d'armes.

Centre de compétences international sur les armes légères («Small Arms Survey») L'enquête «Small Arms Survey» est connue aujourd'hui comme une recherche soigneuse ayant débouché sur des informations claires sur les armes légères. C'est un projet réalisé à l'Institut universitaire de hautes études internationales (IUHEI) de Genève.

Il a pour objet principal de publier un annuaire des armes légères contenant des données et des analyses sur la production, les stocks et les flux d'armes légères, les répercussions de leur prolifération incontrôlée et de leur abus ainsi que sur les actions multilatérales et les initiatives réalisées dans ce domaine. La qualité des données analysées lui a d'ores et déjà valu un statut de publication de référence auprès des responsables politiques et des acteurs de la société civile.

L'organisation de projet qui s'occupe de publier l'enquête s'est imposée en un laps de temps relativement bref comme centre international de compétences sur les questions d'armes légères. Outre la publication de l'annuaire, ses rédacteurs conseillent de plus en plus souvent des pays, des organisations
internationales et régionales ainsi que des organisations non gouvernementales. Le fait que l'enquête soit préparée à Genève est une chance pour la Suisse, qui peut recourir à son savoir-faire pour la conception de ses activités politiques ou opérationnelles.

Il y a quelques années à peine, on manquait encore de données et d'analyses fiables dans ce domaine, ce qui entravait les efforts des acteurs internationaux pour évaluer l'ampleur du problème et prendre des mesures efficaces. L'enquête a notablement contribué à l'objectivité des débats et à l'efficacité durable de la lutte internationale contre la prolifération incontrôlée des armes légères et leur usage abusif. Le DFAE soutient ce projet depuis les débuts.

7444

Faire échec aux mines antipersonnel A côté des armes légères, les mines antipersonnel figurent parmi les armes de guerre les plus cruelles. Comme les armes légères, elles sont peu onéreuses, faciles à se procurer et d'un maniement aisé. C'est pourquoi elles sont surtout utilisées dans les pays en développement, où elles peuvent encore tuer ou blesser même des années après la fin des hostilités. Qui plus est, il a été démontré que leur usage n'a guère d'impact stratégique sur l'issue d'un conflit.

Le Conseil fédéral intervient depuis 1993 dans le domaine du déminage humanitaire. En 1994, il a décidé de soutenir les actions de déminage de l'ONU dans l'exYougoslavie et en Angola. Vers la fin des années 90, les contributions financières de ce type étaient de plus en plus canalisées vers les pays ou régions dans lesquels la Direction politique déploie également un programme de gestion civile d'un conflit.

Une mine antipersonnel enterrée a environ dix fois plus de chances de blesser un civil que de mettre hors combat un membre des forces belligérantes.

Sur le plan du droit international, la «Convention d'Ottawa» sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction a été signée en décembre 1997. Ce texte fondamental est entré en vigueur le 1er mars 1999 et s'applique aujourd'hui à 128 pays. La Suisse a été l'un des premiers pays à le signer, le 3 décembre 1997, et l'a ratifié le 24 mars 1998.

Depuis son entrée en vigueur, ses dispositions ont déjà eu des effets notables: le nombre des pays producteurs de mines, de plus d'une cinquantaine initialement, est retombé à un peu plus d'une douzaine; le commerce des mines a aussi été notablement réduit. En outre, divers pays ont conclu des accords bilatéraux ou régionaux par lesquels ils s'engagent à désamorcer les mines déjà enterrées et à ne plus en utiliser de nouvelles. Enfin, on est parvenu ces dernières années à ce que divers groupes rebelles et acteurs non étatiques impliqués dans des conflits proscrivent les mines antipersonnel et n'en utilisent plus. Pourtant, il reste toujours entre 60 et 110 millions de mines antipersonnel enterrées dans le monde; les stocks se comptent aussi en millions d'unités. Bien que la Suisse ne figure pas parmi les premiers donateurs pour ce qui est
des coûteuses opérations de déminage, le Conseil fédéral estime que, compte tenu de l'énormité de ces chiffres, il est de son devoir de continuer d'intervenir à l'échelon diplomatique pour que la Convention d'Ottawa soit appliquée à la lettre partout dans le monde. Avec son Centre international de déminage humanitaire de Genève, la Suisse dispose en outre d'un centre de compétence reconnu qui confère à son action une crédibilité internationale12.

12

Le Centre international de déminage humanitaire de Genève (CIDHG), de même que le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées (DCAF) et le Centre de politique de sécurité (GCSP), eux aussi installés à Genève, sont soutenus par le DFAE, mais financés en majeure partie par le DDPS.

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Déminage au Mozambique: l'aide à l'action locale Le Mozambique figure parmi les pays les plus minés du monde. Les experts estiment que la guerre d'indépendance et la guerre civile, laquelle a pris fin avec la signature de l'accord de paix en 1992, y ont laissé jusqu'à trois millions de mines antipersonnel posées en surface ou enfouies dans le sol.

Ces mines empêchent la population de vaquer librement à ses occupations, de cultiver ses champs et d'exploiter les ressources du pays. A la conclusion de la paix, de nombreuses organisations se sont lancées dans le déminage humanitaire; leurs activités étaient cependant la plupart du temps entravées par le manque de coordination et ne se fondaient pas sur une analyse rigoureuse des besoins. Certaines zones sans grande utilité dans la reconstruction économique et sociale du pays ont été déminées, tandis que des terres fertiles restaient minées.

La Direction politique a décidé en 2000 d'aider le Instituto Nacional de Desminagem (IND), l'administration nationale mozambicaine de déminage, à attribuer les mandats de déminage en fonction des besoins ainsi qu'à coordonner et à contrôler les campagnes de déminage à l'échelon national. L'aide financière et en infrastructures ainsi que les transferts de savoir-faire ont permis à l'IND d'accomplir une tâche d'une importance capitale pour la reconstruction du pays. La Direction politique finance en outre des opérations de déminage au sud et au nord du pays.

Problèmes spécifiques de sécurité humaine et perspectives La liste des problèmes couverts par la notion de sécurité humaine n'a cessé de s'allonger ces dernières années. La Direction politique continuera d'examiner les initiatives lancées dans de nouveaux domaines pour déterminer l'impact direct qu'elles ont sur ses activités opérationnelles. Nous allons reprendre rapidement ici deux catégories d'actions qui gagnent en importance dans la gestion civile des conflits.

­

Acteurs non étatiques des conflits Les acteurs non étatiques jouent un rôle de plus en plus important dans les conflits armés. La Direction politique s'est trouvée directement confrontée à ce problème lorsqu'elle a commencé à s'occuper de pays comme le Soudan ou la Colombie, où des acteurs de ce type sont très impliqués dans les combats. L'une des grandes difficultés dans ces régions de conflit consiste à trouver le contact avec ces acteurs non étatiques et leurs élites. Même si elle y parvient, elle se met en règle générale en situation dangereuse et les risques sont nombreux. Les choses s'améliorent si l'on dispose avant la confrontation directe d'informations fiables sur les titulaires des principales fonctions, les structures hiérarchiques et de commandement ainsi que les objectifs et les motivations des groupes concernés. La Direction politique peut puiser dans le capital d'expérience de la DDC, qui doit nouer des contacts avec les acteurs non étatiques des conflits dans le cadre de son aide humanitaire.

Une autre difficulté consiste à associer les acteurs non étatiques du conflit à des processus d'instauration de la confiance ou au dialogue avec d'autres acteurs. On a le plus de chances d'y parvenir lorsqu'ils ont au préalable adhéré à certaines normes et sont disposés à les respecter. Parmi ces normes et principes figurent au premier plan la protection internationale des droits de l'homme et le droit international humanitaire.

7446

Si, dans la plupart des cas, on sait à quelles normes les acteurs étatiques des conflits sont assujettis, les choses sont moins claires pour les acteurs non étatiques. Quelques-uns de ces derniers ont explicitement reconnu ces dernières années les règles internationales de protection des droits de l'homme et du droit humanitaire. L'expérience a montré qu'ils étaient souvent disposés à les respecter. Des problèmes surgissent toutefois fréquemment au niveau pratique du fait que ces acteurs non étatiques n'ont pas de mécanismes pour garantir une protection juridique efficace.

Dans certains cas, les élites des groupes rebelles se rendent compte qu'elles ont avantage à ce que leurs soldats connaissent les normes et les principes du droit international humanitaire: cela rehausse leur statut international et raffermit la discipline interne.

­

Réforme de l'appareil de sécurité La réforme de l'appareil de sécurité constitue dans les pays en développement et en transition une ligne d'intervention importante pour réduire les causes de conflit, résoudre les conflits sans recours à la violence et stabiliser les régimes démocratiques et conformes aux principes de l'Etat de droit. Il s'agit de processus de réforme complexes, qui touchent à la politique du développement et de sécurité et présentent des aspects économiques, sociaux et institutionnels. Il faut que la réforme prévoie des dépenses militaires et d'armement transparentes et limitées, légitimise démocratiquement les forces armées et instaure des relations constructives entre l'armée et la société civile.

Lorsque des parties à un conflit acceptent de négocier, l'une des premières questions à l'ordre du jour est presque toujours celle de l'organisation à venir de l'armée et de la police.

L'appareil de sécurité et sa réforme sont souvent directement liés au processus de paix; c'est pourquoi cette question est importante aussi dans la gestion civile des conflits. Mais les Etats se montrent moins disposés à réformer leur armée et leur police en période de tensions montantes car ils y voient le garant de leur souveraineté et de leur monopole du pouvoir. Dans les négociations de paix ou juste après une phase d'hostilités, il est cependant fréquemment nécessaire d'aborder les questions de l'insertion constitutionnelle de l'armée et de la police dans les structures démocratiques et de leur contrôle civil. Si la Direction politique est en mesure d'apporter des compétences sur ces questions, elle peut parfois exercer une influence positive sur les négociations. Le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées de Genève constitue pour elle un partenaire compétent et expérimenté, auquel elle peut recourir au besoin13. Compte tenu des multiples facettes des processus de réforme de la sécurité, ce secteur est considéré comme important

13

Cf. note 12.

7447

non seulement par la Direction politique, mais aussi, par exemple, par la DDC ou le DDPS. Tous les acteurs fédéraux mènent des actions complémentaires poursuivant des buts différents. Il peut s'en dégager des synergies rehaussant encore l'efficacité globale de l'engagement suisse.

1.5.1.3.4

Les droits de l'homme dans les conflits armés et le droit international humanitaire

Dans les zones de conflit, la protection internationale des droits de l'homme et le droit international humanitaire se complètent. Bien qu'ils diffèrent par leur champ d'application et les situations dans lesquelles ils s'appliquent, ils poursuivent en fin de compte le même but: protéger l'individu de l'arbitraire et de la violence. Les droits de l'homme s'appliquent en temps de paix comme en période de conflits internes ou internationaux. Le droit international humanitaire, en revanche, ne s'applique qu'aux conflits armés.

Protection internationale des droits de l'homme dans les conflits armés Dans les situations de conflit, les Etats peuvent suspendre certains droits de l'homme dans des conditions et conformément à des règles bien définies. Mais il y a aussi un noyau de droits qui ne peut en aucun cas, même dans les situations extrêmes, être remis en cause. Dans cette catégorie figurent par exemple l'interdiction du génocide, de l'esclavage et de la traite des esclaves, le droit à la vie, l'interdiction de la torture et autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants, la discrimination raciale systématique ou le principe de non-rétroactivité du droit pénal. Tous les Etats sont tenus de respecter ces règles et de s'acquitter intégralement des obligations d'interdiction, de protection et d'action qui en découlent, même en période d'escalade d'un conflit ou dans le cadre de stratégies de lutte contre le terrorisme.

Les acteurs soucieux de promouvoir la paix et les droits de l'homme ont grand besoin de savoir quelles sont les normes que reconnaissent les représentants et les négociateurs du gouvernement et des forces armées nationales en la matière.

Bien que l'Etat soit tenu de faire respecter les droits de l'homme même dans des situations de conflit et de protéger la population contre les attaques injustifiées, il n'est pas toujours en mesure de maintenir son monopole du pouvoir pendant un conflit. Il n'en reste pas moins responsable des violations des droits de l'homme commises dans de telles situations. Mais en général, cela n'est d'aucun secours aux victimes de violations. Elles peuvent en revanche ­ du moins théoriquement ­ faire valoir leurs droits et le cas échéant demander des compensations devant des tribunaux nationaux ou internationaux.

Aucune solution de paix durable
n'étant possible en dehors du respect des droits de l'homme, la Direction politique opte dans son effort de promotion de la paix pour des actions soutenant globalement la surveillance des droits de l'homme et le renforcement des mécanismes étatiques de sanctions et de protection des droits de l'homme.

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Règles et principes du droit international humanitaire Les violations graves et systématiques du droit international humanitaire (épuration ethnique, génocide, meurtres collectifs et autres traitements inhumains perpétrés par exemple pendant des conflits dans les Balkans, en Afrique australe et de l'Ouest, dans la région des Grands Lacs et dans la Corne de l'Afrique) causent des souffrances indicibles à la population civile et nourrissent la haine entre les différentes communautés. C'est pourquoi il faut imposer le respect intégral et inconditionnel du droit international humanitaire et des droits de l'homme dans les conflits et les situations de violence générale. Les limites que fixe le droit à l'usage de la force visent à protéger les populations civiles et à garantir que les individus seront traités humainement ­ qu'ils soient ou non directement impliqués dans le conflit.

L'application du droit international humanitaire est au premier chef l'affaire des Etats impliqués dans le conflit, mais aussi de toutes les parties aux Conventions de Genève, comme le prévoit leur article commun 1, par lequel ils s'engagent à respecter et à faire respecter ce droit en toutes circonstances. Enfin, l'art. 3 des Conventions de Genève ­ admis en droit coutumier ­ fait obligation à chacune des parties au conflit d'appliquer le droit international humanitaire. Dépositaire des conventions de Genève, mais aussi en raison de sa longue tradition humanitaire, la Suisse assume une responsabilité particulière dans la promotion et la consolidation du droit international humanitaire.

Au chapitre de la prévention, le DFAE s'attache surtout, comme le DDPS, à faire connaître les règles et les valeurs humanitaires parmi toutes les parties impliquées: armée, administration, classe politique et société civile. Ils contribuent tous deux en outre à la promotion du dialogue humanitaire avec les acteurs étatiques (gouvernement et forces armées) et les groupes armés non étatiques.

Dépositaire des conventions de Genève, la Suisse se doit d'améliorer la protection des populations civiles dans les conflits et les situations de violence généralisées, dans le cadre d'actions préventives ou de lutte contre les violations du droit international humanitaire.

Le DFAE lutte sur plusieurs plans contre les violations du droit international
humanitaire. Ses activités diplomatiques bilatérales et multilatérales visent à promouvoir le respect du droit international humanitaire et à stopper les violations. Il devient aussi de plus en plus important de sensibiliser les groupes armés non étatiques à leurs responsabilités en matière de respect des règles et des principes humanitaires.

Lutte contre l'impunité et aide à la réconciliation Il est primordial, pour promouvoir et faire respecter les droits de l'homme et le droit international humanitaire, de faire en sorte que les violations soient punies. Or des structures favorisant l'impunité peuvent indirectement inciter à les violer. Les poursuites lancées contre les auteurs de violations aident notablement à restaurer la confiance dans les principes de l'Etat de droit et ses institutions. Le DFAE soutient donc les efforts visant à ce que les personnes coupables de graves violations des droits de l'homme ou du droit international humanitaire soient jugées par les tribunaux compétents et condamnées. Il n'en est pas moins conscient du rôle des com-

7449

missions de vérité et autres mécanismes extrajudiciaires comparables, qui peuvent compléter les procédures judiciaires et favoriser puissamment la réconciliation au sein de sociétés déchirées par la guerre.

1.5.2

Promotion des droits de l'homme

1.5.2.1

Buts et principes

Ces dernières décennies, la Direction politique a concentré ses actions de promotion des droits de l'homme sur les violations graves commises par des pouvoirs publics.

La réaction suisse a souvent consisté à entreprendre de discrètes démarches politiques et diplomatiques ou, dans les cas extrêmes, à s'exprimer publiquement. Ces interventions et démarches auprès des gouvernements violant les droits de l'homme demeureront à l'avenir un instrument important de la politique de la Suisse. Elles sont toujours fondées sur les accords les plus largement reconnus et à valeur universelle, la Suisse n'exigeant que le respect des normes qu'elle observe elle-même.

L'expérience a toutefois montré qu'il convient souvent, pour obtenir un effet, d'accompagner la réaction d'actions constructives de soutien. Elles s'imposent en particulier lorsqu'il s'agit d'un pays conscient de ses problèmes en matière de droits de l'homme et qui se montre disposé à procéder aux réformes nécessaires. Le DFAE assigne cinq objectifs à sa Direction politique dans la conception et la mise en oeuvre de la promotion des droits de l'homme: ­

soutenir les processus et les acteurs favorisant le respect des droits de l'homme dans les zones de conflit comme dans les pays en paix;

­

pousser par une action constructive les pays où les structures de l'Etat de droit sont faiblement développées à respecter leurs obligations en matière de droits de l'homme et soutenir leurs efforts sur le mode du partenariat;

­

améliorer encore la formule du dialogue sur les droits de l'homme et l'appliquer dans d'autres pays partenaires;

­

lancer ou parrainer des initiatives diplomatiques sur des points relevant des droits de l'homme au sein de l'ONU et d'autres organisations, et soutenir les mesures d'accompagnement correspondantes;

­

maintenir des partenariats stratégiques avec de grandes organisations étatiques et non étatiques s'employant à renforcer la protection internationale des droits de l'homme.

Dans la réalisation de ces objectifs, la Direction politique suit les principes énoncés dans le rapport du Conseil fédéral sur la politique suisse des droits de l'homme (2000). Elle observe en outre les deux règles ci-dessous.

Mener de concert la promotion des droits de l'homme et la gestion civile des conflits La plupart des violations graves et systématiques des droits de l'homme étant actuellement commises à l'occasion de conflits armés, il est urgent d'harmoniser dans la mesure du possible les interventions de promotion des droits de l'homme avec celles de gestion civile des conflits et de les déployer dans le cadre de programmes intégrés.

7450

Concentrer l'emploi des ressources sur le plan thématique et géographique La Direction politique concentre aussi sur le plan thématique et géographique l'emploi de ses ressources dans le domaine de la promotion des droits de l'homme.

Les priorités thématiques seront abordées dans une section ultérieure. En ce qui concerne la concentration géographique, elle choisit les pays dans lesquels elle entretient un dialogue sur les droits de l'homme, intervient déjà dans le cadre de la gestion civile des conflits ou alors escompte des effets de synergie avec d'autres acteurs suisses. En l'absence de potentiel de synergies, elle peut s'impliquer indirectement en accordant une aide financière à des partenaires stratégiques pour des activités de promotion des droits de l'homme. Le principe de la concentration géographique possède une justification purement pragmatique: il accroît l'efficacité des actions concrètes. Cela n'enlève rien au fait que les principes d'universalité et d'indivisibilité des droits de l'homme restent au coeur de la politique de la Suisse en la matière.

1.5.2.2

Domaines d'action

1.5.2.2.1

Dialogues sur les droits de l'homme

Le dialogue sur les droits de l'homme figure parmi les instruments diplomatiques dont dispose le Conseil fédéral pour mettre en oeuvre sa politique en la matière. Il vise «à lutter contre les atteintes aux droits de l'homme, à renforcer leur respect et à soutenir la mise en place des conditions-cadre nécessaires à cet effet»14. Il s'agit de dialogues entre la Suisse et un certain nombre de pays partenaires; ils se traduisent par des discussions régulières sur des aspects spécifiques des droits de l'homme à l'échelon des gouvernements ou des administrations. Dans les pays où il entretient un dialogue sur les droits de l'homme, le DFAE favorise aussi les échanges d'experts et fournit une aide technique fondée sur des projets. Lorsque le partenaire éprouve des difficultés d'ordre général à respecter certaines de ses obligations en matière de droits de l'homme, la Direction politique s'efforce par des actions ciblées de l'aider à remédier à la situation. Concrètement, les mesures d'accompagnement déployées dans le cadre du dialogue sur les droits de l'homme poursuivent par exemple les objectifs suivants:

14

­

soutenir la réforme du système juridique du partenaire de façon à assurer sa conformité avec les normes et règles internationales en matière de droits de l'homme;

­

obtenir des améliorations concrètes de la situation des droits de l'homme dans le pays partenaire;

­

instaurer des relations de confiance réciproque et améliorer ainsi globalement les relations bilatérales avec le partenaire;

­

faciliter la coopération entre le pays partenaire et les rapporteurs spéciaux de l'ONU;

FF 2000 2502 ss

7451

­

soutenir les acteurs n'appartenant pas au gouvernement central du pays partenaire dans leurs efforts d'amélioration de la protection des droits de l'homme;

­

favoriser les échanges de vues entre le pays partenaire et les ONG internationales.

Le DFAE a mené dans les années 90 un dialogue officiel sur les droits de l'homme avec cinq pays: la Chine (depuis 1991), le Maroc (depuis 1997), le Vietnam (depuis 1997), le Pakistan (depuis 1997) et Cuba (depuis 1999). Il a été décidé à l'automne 2000 de concentrer pour l'instant l'effort sur le dialogue avec la Chine et de ne pas reconduire les dialogues avec les autres pays. Cette décision a été prise sur la base d'une évaluation effectuée par l'Institut de droit public de l'université de Berne, qui concluait qu'il fallait, pour rendre le dialogue sur les droits de l'homme plus efficace, clarifier ses contenus et sa conception, son centrage géographique et ses objectifs; pour développer un processus de dialogue crédible, l'évaluation jugeait nécessaire d'accorder la plus grande importance à la continuité ainsi qu'à la cohérence et à la compétence vis-à-vis du partenaire. Cela n'a pas toujours été possible par le passé, compte tenu des ressources humaines limitées du DFAE. Même si l'on disposait du personnel nécessaire, les ressources administratives internes ne suffiraient pas. Il est donc souvent indispensable de recourir à des experts extérieurs.

A la lumière de son expérience avec la Chine, le DFAE a tiré au clair ces dernières années de nombreuses questions relatives à la conception du dialogue sur les droits de l'homme. On s'est aussi aperçu que le dialogue sur les droits de l'homme n'a pas la même efficacité dans toutes les situations. C'est pourquoi le DFAE sélectionnera à l'avenir soigneusement ses partenaires de dialogue et vérifiera régulièrement que les dialogues en cours remplissent bien leur but.

Le Conseil fédéral est persuadé de la valeur du dialogue sur les droits de l'homme. L'exemple de la Chine montre que la confiance réciproque se renforce au fil des années, de même que la disposition à écouter les expériences de son partenaire.

Les fonds supplémentaires que demande le Conseil fédéral par le présent message serviront au DFAE à mettre à profit ces acquis du dialogue avec la Chine dans d'autres dialogues sur les droits de l'homme. Les partenaires des dialogues à venir seront choisis sur les critères suivants: ­

précarité de l'application des droits de l'homme dans le pays;

­

intérêt du gouvernement concerné pour un dialogue franc et critique, présence d'une authentique volonté de changement;

­

existence de relations bilatérales solides avec la Suisse ou d'ouvertures possibles pour de telles relations.

7452

Dialogue avec la Chine sur les droits de l'homme L'instauration d'un dialogue sur les droits de l'homme ayant été convenue avec la Chine en 1991, des délégations suisses se sont rendues en Chine la même année, puis en 1994, en 1997 et en 2002. Des délégations chinoises ont été reçues en Suisse en 1992 et 1996.

Divers problèmes relatifs aux droits de l'homme et présentant un caractère de pertinence non seulement pour la Chine, mais aussi pour la Suisse ont ainsi été abordés jusqu'à présent. Car ces discussions reposent sur la conviction que le dialogue ne peut être durable que si chacun des interlocuteurs est capable non seulement de critiquer l'autre, mais aussi de faire preuve d'autocritique et d'écouter les expériences de son partenaire.

Les grands points couverts jusqu'à présent ont été les suivants: On a recouru à des experts de ces trois domaines pour garantir aux entretiens le niveau de compétence souhaité. La dernière délégation suisse comportait donc notamment un consultant en exécution des peines, un ancien directeur de prison, un juge d'instruction et un tibétologue.

Lors de la visite de cette délégation, début 2002, la documentation a été traduite en chinois et remise par avance au partenaire en signe de transparence, d'ouverture et de confiance.

En ce qui concerne les mesures accompagnant le dialogue sur les droits de l'homme avec la Chine, la Direction politique a organisé des programmes d'études pour des juristes chinois en Suisse ainsi que des colloques sur les systèmes juridiques suisse et chinois. Il est aussi prévu que des experts du système suisse d'exécution des peines séjournent en Chine pour expliquer au personnel pénitentiaire chinois le système suisse et le familiariser avec lui. Dans un second temps, ce seront des fonctionnaires chinois qui viendront en Suisse pour y recueillir une expérience pratique.

1.5.2.2.2

Application des normes internationales en matière de droits de l'homme

L'un des problèmes actuels les plus urgents est de faire appliquer les normes internationales en matière de droits de l'homme. La plupart des accords internationaux prévoient des comités d'experts auxquels les Etats parties doivent soumettre à intervalles réguliers des rapports sur la situation régnant sur leur territoire national. Ces rapports doivent expliquer les mesures juridiques, administratives et autres prises par le pays pour s'acquitter de ses obligations, mais ils doivent aussi faire état d'éventuels obstacles rencontrés dans ses efforts. Ce dispositif de rapports nationaux ne cherche pas à accuser ou à condamner juridiquement un Etat manquant à ses obligations: il s'agit plutôt d'identifier les points de friction pour obtenir une meilleure application des conventions. Certains gouvernements ­ particulièrement dans les Etats possédant un système juridique peu développé ­ ne peuvent souvent pas s'acquitter de cette obligation de soumettre un rapport car ils ne disposent pas des capacités ou du savoir-faire nécessaires à la préparation d'un tel document ou à la mise en conformité de leur système juridique avec les exigences internationales.

La Direction politique va donc élaborer dans les années qui viennent des stratégies de soutien à ces gouvernements dans la préparation de rapports nationaux, et d'aide à la mise en place d'un système juridique répondant aux exigences du droit international. Cela peut englober le soutien à des organismes (chaires dans des universités locales, par exemple). Dans ces établissements, il est possible de former des spécialistes que les services de l'Etat pourront consulter pour la formulation des rapports nationaux et sur des questions générales d'application du droit.

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Si le nombre des accords internationaux sur les droits de l'homme et celui des Etats qui les ont ratifiés ont augmenté ces dernières années, ces textes sont encore loin d'être partout appliqués.

Bien des rapports nationaux ne répondent pas à toutes les questions importantes.

Pour pouvoir tout de même se faire une idée de la situation, les membres des commissions en sont réduits à consulter les médias et des informations fournies par des organisations de défense des droits de l'homme ­ comme Amnesty International ou Human Rights Watch. Mais il leur reste souvent impossible d'aller vérifier sur place l'information qu'ils reçoivent (fact finding), pour des raisons politiques mais aussi financières. Les organisations responsables doivent alors faire appel à la générosité de membres comme la Suisse pour mener à bien de telles enquêtes.

Rapporteurs spéciaux et autres instruments de surveillance Outre les comités de l'ONU ayant pour mission de vérifier l'application de certaines conventions sur les droits de l'homme, d'autres organisations et organes internationaux se chargent de missions comparables, comme le Conseil de l'Europe ou l'OSCE. Au sein de l'ONU, il faut particulièrement mentionner le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et la Commission des droits de l'homme. Cette dernière reçoit les plaintes et peut demander des enquêtes de façon à mieux analyser la situation des droits de l'homme dans tel ou tel pays. Pour ces enquêtes, elle dispose de rapporteurs spéciaux: des experts totalement indépendants, chargés de lui soumettre un rapport soit sur la situation des droits de l'homme dans le pays, soit sur des points spécifiques, comme les disparitions, la torture, les exécutions sommaires ou les détentions arbitraires, les mercenaires, la traite des enfants, la violence à l'encontre des femmes ou le racisme. Ces rapports peuvent déboucher sur la condamnation publique de l'Etat pris en faute et soumettre ce dernier à des pressions politiques le poussant à respecter ses obligations en matière de protection internationale des droits de l'homme.

1.5.2.2.3

Initiatives diplomatiques

Les démarches effectuées auprès des gouvernements sur des questions de droits de l'homme et les déclarations politiques faites à la Commission des droits de l'homme ou à d'autres organes multilatéraux constituent l'essence même de l'activité diplomatique. En règle générale, il s'agit de réponses à de graves violations des droits de l'homme, visant à obtenir que l'Etat incriminé remédie aussi rapidement que possible aux manquements qui lui sont reprochés. Or ces manquements sont fréquemment dus à l'absence de mécanismes de mise en oeuvre ou à l'incapacité des organes de l'Etat à les faire fonctionner. Si les violations ont des causes structurelles, la Direction politique s'efforcera davantage dans les années qui viennent d'aider le pays à y remédier.

7454

Initiatives diplomatiques sur des aspects primordiaux des droits de l'homme Le DFAE continuera à travailler au sein des organismes internationaux, sur le plan politique et diplomatique, à renforcer les instruments de protection des droits de l'homme et à combler les lacunes du droit. La Direction politique soutient par des mesures d'accompagnement spécifiques les initiatives diplomatiques allant dans ce sens.

L'action de la Suisse en faveur du protocole facultatif à la Convention de l'ONU contre la torture La Commission des droits de l'homme des Nations unies a approuvé à une nette majorité le 22 avril 2002 un protocole facultatif à la Convention de l'ONU contre la torture; ce texte prévoit la création d'un comité international d'experts possédant un droit d'accès permanent et d'inspection dans tous les établissements de détention des Etats parties.

Ces visites auraient pour objectif d'améliorer les conditions de détention par le biais de discussions avec les autorités compétentes, et ainsi de mieux protéger les détenus contre la torture et les mauvais traitements.

Le DFAE soutient activement depuis les années 80 les efforts déployés pour préparer et faire adopter ce protocole et il a souvent joué un rôle moteur. Tant que son pays n'était pas membre de l'ONU, la délégation suisse ne pouvait toutefois pas soumettre directement cette initiative sous son propre nom à la Commission des droits de l'homme. Elle s'est donc adressée au gouvernement du Costa Rica, qui s'est offert pour présenter le projet de la Suisse à la Commission.

Le DFAE a beaucoup contribué à la préparation et à la formulation actuelle du protocole, dont l'initiative revient en fait à l'ONG APT (Association pour la prévention de la torture). Il y a déjà plus de quinze ans, de 1985 à 1987, la Suisse, en coopération avec APT, avait largement contribué à l'adoption de la Convention européenne pour la prévention de la torture.

La mondialisation accroît aussi la nécessité d'adapter les normes et procédures existantes et d'en instaurer de nouvelles dans le domaine de la protection internationale des droits de l'homme. Les débats de ces dernières années ont montré que ce n'est pas simplement un processus économique, mais qu'il est primordial qu'elle englobe la protection universelle des droits de l'homme. C'est une dimension qui doit toujours être pleinement prise en compte dans les discussions économiques, sociales ou environnementales. Le DFAE s'emploiera dans ces discussions à ce que la mondialisation, loin d'affaiblir les droits de l'homme, les renforce. La Direction politique soutiendra par des mesures d'accompagnement ponctuelles les initiatives allant dans ce sens.

1.5.2.2.4

Partenariats

Soutien aux acteurs multilatéraux Le DFAE s'efforce de promouvoir l'universalité et l'indivisibilité des droits de l'homme. C'est pourquoi il considère l'ONU comme un partenaire de premier rang, du fait qu'elle couvre l'ensemble de la planète. La Suisse étant devenue membre de l'Organisation, elle va intensifier encore ses relations de partenariat avec elle et ses organismes compétents en matière de droits de l'homme. Parmi ces derniers figure le Haut-Commissariat aux droits de l'homme de Genève (HCNUDH), le principal centre d'information et de coordination au monde et le premier centre de compé-

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tences sur les questions de droits de l'homme. Il joue également un rôle primordial dans l'application des normes régissant les droits de l'homme en soutenant et en encadrant par exemple les rapporteurs spéciaux nommés par la Commission des droits de l'homme. Il gère en outre une série de fonds spécifiques dans des domaines que la Direction politique juge prioritaires, comme l'assistance aux victimes de la torture, la lutte contre les formes modernes d'esclavage et l'amélioration de la situation des peuples indigènes.

Le HCNUDH manque toujours de moyens, ce qui compromet son travail. Cela tient au fait qu'une petite partie seulement du budget de cette importante organisation est financée sur le budget ordinaire de l'ONU, le gros des coûts étant couvert par des contributions volontaires. Pour le Conseil fédéral, une politique suisse crédible des droits de l'homme implique nécessairement un soutien substantiel au Haut-Commissariat. Il prévoit donc de relever dans les années qui viennent ses contributions annuelles, qui seront calculées de façon à compléter le mieux possible les efforts bilatéraux de la Suisse.

La coopération avec le Conseil de l'Europe et l'OSCE conservera son rôle à l'avenir. La Direction politique continuera de les soutenir financièrement et leur apportera son appui pour le développement de nouveaux axes prioritaires et normes. Elle entend aussi leur envoyer davantage d'experts du Pool suisse pour la promotion civile de la paix et participer ainsi directement à leur développement et leur renforcement.

Soutien à des ONG et à des organismes scientifiques Compte tenu de ses ressources limitées, la Direction politique doit aussi recourir à des partenaires économiques et scientifiques non étatiques pour obtenir les compétences dont elle a besoin dans le domaine de la promotion des droits de l'homme.

L'évolution globale et l'actualité dans ce domaine empêchent de plus en plus de réunir seul les connaissances qu'il faut posséder pour intervenir avec compétence à l'échelon international. La Direction politique a besoin d'un volume croissant d'informations de base et spécialisées sur lesquelles elle puisse se fonder pour formuler des positions dans les instances internationales ou pour organiser ou conduire des activités opérationnelles. C'est pourquoi elle recherchera davantage à
l'avenir le partenariat avec des organismes universitaires et des ONG comme l'Association pour la prévention de la torture ou le Conseil international de politique des droits de l'homme.

L'un des changements les plus encourageants, depuis l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1948, est indéniablement l'apparition au fil des ans dans le monde d'un réseau de plus en plus dense d'ONG contribuant notablement à développer les droits de l'homme, à les faire connaître et à fournir une assistance juridique, psychologique et médicale aux victimes de violations. Leur constante vigilance et leur inlassable engagement constituent souvent la seule protection contre les atteintes aux droits de l'homme. Les personnes et les groupes qui travaillent à leur défense viennent au secours des plus défavorisés de la société mondiale et ne craignent souvent pas de rappeler clairement aux représentants des gouvernements leurs obligations dans ce domaine. C'est pourquoi ils deviennent souvent eux-mêmes la cible des mesures de répression. Le nombre de défenseurs des droits de l'homme emprisonnés, torturés voire assassinés par des représentants de la force publique a augmenté ces dernières années. Ces personnes, qui volent au 7456

secours de la dignité humaine même dans les pires conditions, apportent une contribution décisive à la consolidation de la protection internationale des droits de l'homme. La Direction politique entend donc leur fournir un soutien accru dans l'avenir.

Les partenariats stratégiques avec des établissements scientifiques et des praticiens constituent l'épine dorsale de la politique suisse des droits de l'homme.

La Direction politique appuie nombre de ses positions et stratégies sur des études préparées par de tels partenaires.

1.5.2.3

Priorités thématiques

1.5.2.3.1

Défense et promotion des droits élémentaires de l'Homme

Le principe de l'indivisibilité des droits de l'homme s'opposerait en principe à une distinction entre droits élémentaires et «usuels». Même la détermination des droits à considérer comme élémentaires est malaisée, et l'on n'est toujours pas arrivé à ce jour à dresser une liste universellement reconnue des droits élémentaires de l'Homme ou des droits à caractère impératif (jus cogens). On s'accorde par exemple à reconnaître que l'interdiction de la torture correspond à un droit élémentaire. Dans d'autres cas, comme le droit à la nourriture, les opinions divergent en fonction du niveau de développement et du milieu culturel. Pour un acteur comme la Direction politique, devant le pullulement des violations de toutes sortes des droits de l'homme et compte tenu des moyens limités dont il dispose, il est indispensable de se concentrer sur la promotion de certains droits de l'homme particulièrement importants.

Il importe de savoir comment évoluent certains droits de l'homme. Cette connaissance permet de concentrer son effort sur certains d'entre eux pour concevoir et mettre en oeuvre des mesures appropriées de promotion et de défense.

Ont caractère fondamental en tout état de cause les droits considérés dans la doctrine et la jurisprudence comme normes à valeur impérative du droit international (jus cogens): l'interdiction du génocide, de l'esclavage ou de la traite des esclaves, le droit à la vie et l'interdiction du meurtre et des disparitions, l'interdiction de la torture et d'autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants, ou encore celle de la discrimination raciale systématique par exemple.

Cette liste n'est ni exhaustive ni immuable. D'autres normes peuvent s'y ajouter du moment qu'elles sont universellement reconnues et que l'ensemble de la communauté internationale veut leur donner valeur impérative.

7457

1.5.2.3.2

Protection des groupes particulièrement vulnérables

La protection des groupes particulièrement vulnérables dans les régions en proie à des conflits constitue l'une des préoccupations les plus urgentes de la communauté internationale dans ses efforts pour améliorer la sécurité humaine et faire respecter les normes et principes du droit international humanitaire. Elle arrive même en toute première place dans la liste des priorités pour ce qui est de la promotion des droits de l'homme en temps de paix. Les membres des minorités, les enfants, les femmes, les personnes âgées, les réfugiés ou les détenus sont particulièrement touchés par les violations des droits de l'homme car ils ne peuvent pas se défendre efficacement contre leurs auteurs. La discrimination sous ses diverses formes, le racisme, les mauvais traitements, le viol et les mutilations ne sont que quelques formes de violation des droits de l'homme dont souffrent ces groupes. Là encore, il est impossible de dresser une liste exhaustive des catégories à classer comme particulièrement vulnérables: tout dépend du contexte.

Il est indispensable de savoir quels groupes souffrent de violations de droits de l'homme, dans quels pays, et de quelle nature sont ces violations. Faute de quoi il n'est souvent pas possible de soutenir spécifiquement ces groupes ou d'exiger le respect de leurs droits.

1.5.2.3.3

Nouvelles dimensions de la protection des droits de l'homme

La mondialisation ne doit pas être seulement jugée à l'aune de sa contribution à la prospérité, mais aussi à celle de sa capacité à généraliser le respect des droits fondamentaux, qu'il s'agisse des droits civiques et politiques, sociaux et économiques ou culturels. Presque tous les domaines politiques ont une dimension transfrontalière, voire globale en ce début de XXIe siècle. Dans le même temps, la marge de manoeuvre des acteurs étatiques nationaux se rétrécit aussi de plus en plus, tandis que s'étend le pouvoir des ONG et des groupes multinationaux. La réponse que donneront les acteurs globaux d'aujourd'hui aux questions transfrontalières et transsectorielles dépend en dernier ressort des buts que l'on fixe à la mondialisation et de la capacité à s'entendre sur des valeurs, des normes et des principes universels.

Toutes les parties impliquées ­ Etats, organisations internationales, acteurs économiques, syndicats et société civile ­ doivent favoriser la prise de conscience des problèmes que pose la mondialisation, puis discuter et développer des approches normatives et des codes de conduite. Il faut enfin mettre en place et développer des procédures et des mécanismes internationaux permettant à l'activité économique et publique de se référer à des valeurs convenues. Les acteurs économiques ont à collaborer au développement de ces procédures et mécanismes et au moins à faire leur possible dans leurs domaines d'activité et d'expérience immédiats pour favoriser l'amélioration durable et socialement équitable de la prospérité à l'échelon mondial.

En ce qui concerne les droits de l'homme, il faudra éviter que la mondialisation ne relativise, voire ne sape, les valeurs fondamentales et les normes de la protection internationale des droits de l'homme. Simultanément, il faudra faire prendre mieux conscience du fait que les instruments de promotion des droits de l'homme ne cher-

7458

chent pas seulement à transcrire un consensus moral en normes juridiques. Il s'agit bien davantage de repenser l'éthique autour de valeurs qui s'appuient sur les droits actuels de l'homme et la dignité humaine.

Droits de l'homme et économie Depuis le début des années 90, les flux économiques globaux s'accélèrent sans relâche et prennent une nouvelle qualité. L'intérêt critique de l'opinion publique à l'égard des activités d'investissement et de production des groupes d'envergure mondiale dans les pays du Sud s'est accru au fur et à mesure de leur intensification.

Ces dernières années, les gouvernements de nombreux pays en développement ont cherché à attirer les groupes internationaux en leur offrant des conditions avantageuses d'investissement et de production. En revanche, ils se dispensent d'introduire ou de développer leurs normes de protection des droits de l'homme en prétendant qu'elles risqueraient de décourager ces investissements. Certains sujets se révèlent particulièrement délicats, comme le travail des enfants ou les effets de la mondialisation économique sur les peuples indigènes et leur habitat. Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à prendre conscience de la responsabilité sociale que leur confère cette activité au-delà de leurs frontières nationales. Elles signent fréquemment à présent des codes de bonne conduite et s'engagent à respecter certaines normes et règles fondamentales.

En juillet 2000, M. Kofi Annan, Secrétaire général de l'ONU, a lancé son Global Compact. Ce pacte global est une initiative des Nations unies visant à faire accepter et à promouvoir les «bonnes pratiques» parmi les entreprises ainsi que le respect des valeurs fondamentales et des principes universellement acceptés dans le domaine des droits de l'homme, du droit du travail et de l'environnement. Il pousse les entreprises privées à instaurer un nouveau partenariat avec les organisations des Nations unies en vue de soutenir les principes et les grands objectifs de l'Organisation et de réunir les conditions nécessaires à un dialogue structuré entre les Nations unies, les entreprises, les travailleurs et la société civile. Le pacte doit aussi contribuer à pousser davantage d'entreprises que par le passé à défendre cette cause.

En lançant son «pacte global», le Secrétaire général de l'ONU a cherché
à obtenir des acteurs économiques qu'ils respectent et promeuvent les droits de l'homme dans leurs sphères d'intervention. La Suisse soutient cet objectif dans la mesure de ses possibilités et en partenariat avec des entreprises suisses.

La Direction politique assumera davantage encore à l'avenir un rôle d'interface entre les droits de l'homme et l'économie. Elle complète ainsi l'action d'autres acteurs fédéraux, comme la DDC et le seco, qui s'attachent traditionnellement à améliorer les conditions générales de croissance et d'investissement économiques et, de ce fait, accordent une grande importance aux normes et principes fondamentaux de la bonne gouvernance en ce qui concerne le droit du travail à l'échelon de l'entreprise.

7459

Droits de l'homme et terrorisme Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis d'Amérique ont braqué tous les regards sur la lutte contre le terrorisme. En quelques mois, divers pays ont introduit des législations anti-terroristes qui leur permettent de restreindre les droits civiques sur leur territoire.

Des actes terroristes entraînant la mort constituent par eux-mêmes de graves violations du droit à la vie ­ l'un des droits humains élémentaires. Or les Etats ont le devoir de protéger leur population contre de telles violations de leurs droits et de garantir l'intégrité physique des personnes qui la composent. C'est pourquoi il est nécessaire et légitime de lutter contre le terrorisme, et de poursuivre en justice ses organisateurs et ceux qui tirent les ficelles en coulisses. Mais le Conseil fédéral s'élève énergiquement contre tout détournement de la lutte anti-terrorisme visant à relativiser et à saper la valeur universelle des droits de l'homme et du droit international humanitaire.

1.5.3

Synergies et conflits d'objectifs

On ne saurait séparer paix et droits de l'homme. Dès son préambule, la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948) affirme que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.

En pratique, il existe d'étroites interrelations entre d'une part la gestion civile des conflits et d'autre part la promotion de la protection internationale des droits de l'homme et du droit international humanitaire. La plupart de ces activités se complètent. Cette complémentarité est particulièrement nette dans certains domaines d'intervention de la Direction politique, situés à la transition entre la gestion civile des conflits et la promotion des droits de l'homme.

­

L'observation des droits de l'homme permet souvent de contribuer à empêcher l'éclatement ou l'escalade d'un conflit. Les rapports préparés dans ce cadre ont une importante fonction de détection précoce et de prévention, la multiplication des violations des droits de l'homme étant en règle générale le signe précurseur de l'escalade. En contrôlant les prétendues violations, les observateurs des droits de l'homme peuvent empêcher que des reproches infondés ne servent de prétexte à l'escalade.

­

Pendant ou après un conflit armé s'instaurent en général des négociations sur les formules de paix possibles. Dans le cadre de ses programmes de gestion civile des conflits, la Direction politique s'efforce très tôt d'obtenir que les solutions avancées respectent les droits de l'homme et les principes du droit international humanitaire. Les négociations portent fréquemment sur de nouvelles structures de droit constitutionnel dans lesquelles la protection des individus et des minorités occupe une place centrale. Les conflits dans lesquels certaines parties ont combattu pour leur indépendance ou leur autonomie appellent des accords sur des formes appropriées de partage du pouvoir. Il faut aussi créer des normes et des mécanismes mettant les membres des groupes impliqués dans le conflit à l'abri de punitions ou de discriminations après la fin des hostilités.

7460

­

Les dispositions relatives aux droits fondamentaux et aux droits de l'homme ainsi qu'à la création d'institutions (tribunaux, commissions de la vérité, des droits de l'homme ou de l'égalité entre les sexes, organismes de surveillance, de conciliation et d'arbitrage, etc.) occupent dans ce contexte une place de premier plan. Il faut aussi veiller à obtenir un accord sur le traitement des prisonniers ainsi que sur les violations des droits de l'homme commises pendant le conflit.

Il peut arriver que des tensions apparaissent entre ces deux domaines politiques. Une tierce partie peut hésiter à condamner publiquement des violations des droits de l'homme pour ne pas compromettre le processus de paix en dénonçant l'une des parties. Or son silence pourra en revanche être interprété comme un signe d'assentiment, voire de partialité. Même problème avec la question de savoir si et dans quelle mesure le Conseil fédéral peut s'associer à une proposition d'amnistie qui paraîtrait judicieuse du point de vue de la gestion civile du conflit, mais contestable dans la perspective des droits de l'homme.

Le Conseil fédéral s'efforce de résoudre ce dilemme en donnant très clairement à comprendre que pour la Confédération, la recherche de la paix passe par le respect des normes et des principes minimaux des droits de l'homme et du droit international humanitaire, et que cela n'est pas négociable. Dans la mesure où il lui reste une marge de manoeuvre politique et tactique et que cela n'empêche pas la Suisse de remplir ses obligations juridiques, le DFAE ou le Conseil fédéral décide dans chanque cas sur la base d'un arbitrage politique entre les impératifs de la gestion civile des conflits et ceux de la promotion des droits de l'homme.

La science n'a encore guère étudié cette transition délicate entre la gestion civile des conflits et la promotion des droits de l'homme. Le Conseil fédéral abordera cette question lors de la préparation des directives en matière de politique de paix annoncées en introduction.

2

Conséquences pour les finances et le personnel

2.1

Allocation d'un crédit-cadre

Le Conseil fédéral propose pour la première fois un crédit-cadre destiné à financer la gestion civile des conflits et la promotion des droits de l'homme. La compétence d'utilisation de ce crédit sera confiée à la Division politique IV de la Direction politique.

Le crédit-cadre, instrument de planification et de contrôle financier, garantit la continuité nécessaire dans l'accomplissement de ces deux missions, qui exigent de plus en plus souvent ­ l'expérience le montre ­ un engagement de plusieurs années.

L'art. 25, al. 1, de la loi fédérale sur les finances de la Confédération15 prévoit que dans ce cas, un crédit d'engagement est requis. Le crédit-cadre proposé permettra de mettre en place une planification à moyen terme et de nouer des partenariats à horizon relativement éloigné avec des organisations et des organismes spécifiques. Cela se traduira par une amélioration de la qualité du travail de promotion de la paix et des droits de l'homme de la Direction politique.

15

RS 611.0

7461

A l'avenir, une demande de crédit-cadre sera soumise tous les quatre ans au moins aux Chambres fédérales sous la forme d'un message. Le Parlement aura donc régulièrement l'occasion de contrôler le volume des ressources allouées et les orientations stratégiques de leur utilisation.

Comme le prévoit l'art. 159, al. 3, de la Constitution, l'arrêté fédéral proposé est soumis au frein aux dépenses et doit être adopté à la majorité des membres de chaque Chambre.

2.2

Volume du crédit-cadre

Besoins La demande a fortement progressé ces dernières années dans le domaine de la gestion civile des conflits et de la promotion des droits de l'homme. Le nombre des conflits armés et des violations des droits de l'homme reste élevé. La Suisse est bien placée pour apporter des contributions efficaces dans ces deux domaines. Cette intensification de l'engagement de la Suisse s'inscrit dans les objectifs qu'a formulés le Conseil fédéral dans son rapport sur la politique extérieure 2000 et dont les Chambres fédérales ont pris acte en exprimant leur approbation.

Ressources allouées jusqu'à présent Les ressources dont dispose la Direction politique pour la gestion civile des conflits et la promotion des droits de l'homme ont été graduellement relevées ces dernières années. Les crédits prévus au budget 2003 pour ces deux domaines atteignent maintenant quelque 44,5 millions de francs16. Ce montant est nettement insuffisant et reste inférieur aux dépenses de pays comparables.

Comparaison des dépenses de la Suisse avec celles d'autres pays Il n'existe pas à l'heure actuelle de statistiques internationales fiables permettant de juger sur pièces l'écart entre les dépenses de la Suisse et celles d'autres pays dans le domaine de à la gestion civile des conflits et de la promotion des droits de l'homme.

Cela tient au fait que les pays inscrivent ces dépenses à des articles différents de leurs budgets; ils ne communiquent pas de façon uniforme ces chiffres aux organismes procédant aux relevés statistiques internationaux, comme le fait par exemple régulièrement l'OCDE. Cependant, les faits montrent que certains pays comparables à la Suisse (citons notamment la Norvège, la Finlande et le Canada, dont la politique de soutien de la paix a remporté des succès récemment), consacrent à ce domaine un volume de ressources financières nettement supérieur.

16

L'article budgétaire 201.3600.149 Promotion civile de la paix (43,0 millions de francs) figurera à compter du 1.1.2004 sous l'étiquette Gestion civile des conflits et promotion des droits de l'homme. Il sera augmenté de 1,50 million de francs provenant de l'article budgétaire 201.3600.104 (Actions volontaires en faveur du respect des droits de l'homme et du droit international, 1,78 million de francs), lequel, réduit à 0,28 million de francs, sera alors libellé Actions volontaires en faveur du respect du droit international et géré indépendamment du crédit-cadre.

7462

Cadre budgétaire Le frein à l'endettement oblige à faire preuve d'une extrême retenue dans les projets grevant le budget fédéral. Le Conseil fédéral en tient dûment compte dans le présent message. Par rapport au budget ouvert en 2001 pour la gestion civile des conflits et la promotion des droits de l'homme, il propose un volume de crédit qui excède d'un cinquième environ les dépenses antérieures.

Eu égard à ces considérations, le Conseil fédéral propose d'ouvrir un crédit-cadre de 240 millions de francs pour quatre ans au moins.

Il conviendra d'autoriser les crédits de paiement nécessités par les engagements contractés pendant la période de validité du crédit-cadre. Pour la période 2004­ 2007, il s'agira au total de 220 millions de francs environ, à répartir comme indiqué ci-dessous, et qui ont été pris en compte dans le plan financier 2004-2006.

2004: 2005: 2006: 2007:

47,5 millions de francs 52,5 millions de francs 57,5 millions de francs 62,5 millions de francs

Le montant effectif affecté à la gestion civile des conflits et à la promotion des droits de l'homme ne dépend pas seulement en dernier ressort du crédit-cadre, mais des crédits de paiement autorisés chaque année par le Parlement. D'éventuelles réductions opérées dans le budget ou le plan financier se traduiraient par une prolongation de la durée du crédit-cadre. Sans tenir compte de cette possibilité, nous estimons que le nouveau crédit-cadre sera épuisé dans la période minimum prévue de quatre ans.

Evolution des engagements et des dépenses annuelles (2004 à 2007) en millions de francs Année

2004

Engagements à moyen terme 7,90 (2004­2006) Engagements à moyen terme (2005­2007) Engagements à moyen terme (2006­2008) Engagements à moyen terme (2007­2009) Engagements d'un impact limité à l'année budgétaire

2005

2006

2007

7,90

7,90

8,75

8,75

8,75

9,60

9,60

6,60

10,40

6,70

Total des crédits de paiement 47,5 2004-2007

2009



23,70 26,25 25,80 6,70

23,80 99,55

Crédit d'engagement total 2004­2007 Paiements pour des engagements 39,60 sur un an Paiements pour des engagements 7,90 à moyen terme

2008

240,0 35,85

31,25

33,75

16,65

26,25

28,75

52,5

57,5

62,5

220,0

7463

Certaines activités déployées par la Direction politique dans les domaines de la gestion civile des conflits et de la promotion des droits de l'homme relèvent aux yeux de l'OCDE de l'aide publique au développement. Elles représentaient la moitié environ du total des ressources budgétaires dans le passé, soit une vingtaine de millions de francs pour 2001. La proportion des aides notifiées restera la même dans l'avenir. L'extension des activités entre 2004 et 2007 remontera en conséquence les chiffres de la Suisse dans les statistiques de l'OCDE ­ même si ce n'est que légèrement.

2.3

Durée du crédit-cadre

La durée du crédit-cadre est de quatre ans au minimum (2004 à 2007). Elle correspond à une législature et garantit que l'engagement de la Confédération sera soumis au moins une fois par législature à un contrôle parlementaire approfondi.

Les engagements contractés au cours de cette période devraient se traduire par des dépenses pour la période 2004 à 2009 (voir tableau ci-dessus). Les crédits de paiement nécessaires seront proposés dans le budget de la Confédération pour l'année concernée.

2.4

Ventilation des engagements financés par le crédit-cadre

Les indications ci-dessous reflètent l'état de la planification en 2002. Le Conseil fédéral et la Direction politique ont besoin d'une certaine souplesse en ce qui concerne la répartition effective des ressources, de façon à pouvoir s'adapter à l'évolution des besoins et de la situation politique.

2.4.1

Ventilation des engagements entre la gestion civile des conflits et la promotion des droits de l'homme

Certaines des activités prévues sont relativement aisées à classer dans la gestion civile des conflits (1) ou la promotion des droits de l'homme (2). Comme on l'a vu, il est difficile de circonscrire très exactement d'autres activités: les activités menées dans l'un de ces deux domaines concourent fréquemment à la réalisation d'objectifs relevant de l'autre. La Direction politique se propose de multiplier à l'avenir les programmes intégrés de façon à mieux exploiter les effets de synergie. Compte tenu de l'imprécision des délimitations, les chiffres ci-dessous n'ont qu'une valeur indicative. Il est toutefois prévu d'augmenter les dépenses de promotion des droits de l'homme en fonction de la proportion réelle de ce domaine, pour refléter le statut revalorisé des actions de cette nature dans la politique extérieure de la Suisse.

7464

2 (12.5%)

1 (87.5%)

(1) (2)

Gestion civile des conflits Promotion des droits de l'homme

2.4.2

Ventilation des engagements dans le domaine de la gestion civile des conflits

La ventilation proposée des engagements relevant de la gestion civile des conflits se fonde sur des valeurs empiriques des années précédentes. La catégorie (1) englobe toutes les mesures opérationnelles que déploie la Direction politique dans le cadre des processus de paix. Seule exception: les experts du Pool de promotion civile de la paix (2) envoyés en mission. La structure actuelle des dépenses permet de budgétiser assez précisément la part des dépenses à leur affecter. Les dépenses de la catégorie (3) serviront à développer encore la politique suisse de gestion civile des conflits et de promotion de la paix, à former les partenariats nécessaires à cet effet et à renforcer l'efficacité et la crédibilité des positions suisses et des initiatives diplomatiques thématiques par des mesures d'accompagnement. Dans la catégorie (4) figurent les charges de personnel et d'administration.

7465

Ventilation des engagements par catégories de dépenses

4 (5.0%) 3 (20.0%) 1 (50.0%)

2 (25.0%)

(1) (2) (3)

Bons offices et médiations, gestion civile des conflits (à l'exception du PEP) Pool d'experts pour la promotion civile de la paix (PEP) Développement politique, partenariats stratégiques, initiatives diplomatiques thématiques (mesures d'accompagnement) (4) Frais de personnel et d'administration

La répartition géographique générale des dépenses repose sur les options géographiques antérieures, qui ont fait leurs preuves et doivent être conservées dans un but de continuité. Elle a été légèrement modifiée à la lumière des analyses et des prévisions actuellement disponibles : le gros des moyens demandés restera affecté à l'Europe du Sud-Est (1), et en particulier au soutien aux missions multilatérales de paix qui s'y déroulent. Il sera réduit en cas de recul du risque d'escalade dans la région. L'Afrique représente la deuxième région cible (2) car les risques de conflits y restent importants sans espoir prévisible d'amélioration, et pourraient même s'aggraver. Le Proche-Orient (3) restera encore en bonne place à moyenne échéance ; les activités prévues dans cette région serviront surtout à faire mieux respecter les règles et principes du droit international humanitaire. En Asie (4) et en Amérique latine (5), la Direction politique mène déjà des activités ponctuelles de consolidation civile de la paix ; dans ces deux régions, il conviendra de travailler sur d'autres conflits convenablement sélectionnés. Une marge de manoeuvre (6) est enfin prévue pour permettre à la Direction politique de réagir à des impondérables.

7466

Ventilation géographique des dépenses de gestion civile des conflits

6 (10.0%) 5 (10.0%)

1 (30.0%)

4 (10.0%)

3 (15.0%)

(1) (2) (3) (4) (5) (6)

2 (25.0%)

Europe Afrique Proche-Orient Asie Amérique latine Marge de manoeuvre

2.4.3

Ventilation des engagements dans le domaine de la promotion des droits de l'homme

Dans le domaine de la promotion des droits de l'homme, c'est l'intensification de la coopération avec des organes multilatéraux et le soutien qui leur est apporté (1) qui représentent les coûts les plus importants. Il s'agit surtout de partenariats avec des organismes et des institutions de l'ONU. La mise en oeuvre des normes internationales relatives aux droits de l'homme (2) représente un instrument prioritaire permettant de renforcer la protection internationale des droits de l'homme ; les programmes déployés dans ce cadre absorbent un quart environ des ressources disponibles. Les fonds prévus dans les catégories (3) et (4) sont nécessaires pour accompagner de façon crédible les initiatives diplomatiques de la Suisse et les dialogues sur les droits de l'homme en cours et à venir. La catégorie (5) englobe les charges de personnel et d'administration.

7467

Ventilation des engagements par catégories de dépenses

4 (10.0%)

5 (5.0%)

3 (10.0%) 1 (50.0%)

2 (25.0%)

(1) (2) (3) (4) (5)

Partenariats Application des normes internationales relatives aux droits de l'homme Initiatives diplomatiques (mesures d'accompagnement) Dialogues sur les droits de l'homme Personnel et administration

2.5

Planification, contrôle et évaluation

Modes opératoires internes et optimisation de l'organisation Le contrôle de gestion contribue au pilotage efficace d'une organisation à tous les niveaux. L'organisation ­ la Direction politique dans le cas présent ­ s'efforce de se fixer des objectifs appropriés, de procéder à une planification réaliste, de surveiller la mise en oeuvre de ses décisions, de procéder aux ajustements nécessaires et de rendre compte avec transparence des résultats obtenus. Elle utilise les instruments et méthodes du contrôle de gestion pour vérifier ses processus de travail sur le plan quantitatif comme qualitatif. Elle identifie les éventuelles carences et améliore l'efficacité, la coordination, la transparence et la cohérence de son action. Outre l'autoévaluation systématique, elle fait régulièrement procéder à des évaluations extérieures de la qualité de ses activités. Les organisations partenaires recevant des subventions notables sont aussi soumises à des contrôles réguliers.

Assurance de la qualité Une fois fixés les objectifs et les orientations de ses activités de gestion civile des conflits et de promotion des droits de l'homme, la Direction politique opère en plusieurs étapes: l'analyse, la préparation des stratégies d'intervention et la réalisation des activités sont les trois phases d'un processus complet de planification politique et opérationnelle.

7468

Conflits armés et violations des droits de l'homme

Buts et principes

Analyses

Décision politique

Préparation des stratégies d'intervention

Planification des activités (programmes)

Processus d'évaluation

Mise en oeuvre et supervision

Pour réussir, les stratégies de gestion civile des conflits et de promotion des droits de l'homme doivent s'appuyer sur une base de connaissances fiables. Pour ce qui est des conflits, il faut absolument analyser avec une grande précision la dynamique du conflit, les acteurs impliqués, l'ensemble des facteurs et les problèmes susceptibles de déclencher une escalade ou qui l'ont déjà fait. La Direction politique est donc amenée à puiser dans son capital de compétences internes, mais aussi dans d'autres ressources de l'administration. S'il le faut, elle recourt à des spécialistes extérieurs.

Elle prépare ensuite des modèles et des stratégies d'intervention possibles sur la base de ces analyses et d'une évaluation réaliste de ses capacités et instruments.

Selon le résultat obtenu, la stratégie envisagée peut être locale, nationale ou régionale. Les instruments disponibles au sein de l'administration fédérale sont appliqués aux problèmes identifiés dans la zone ou le conflit envisagé, et le cas échéant coordonnés avec les instruments d'autres acteurs suisses ou étrangers.

Après quoi, la Direction politique ou le Conseil fédéral décide s'il y a lieu ou non d'intervenir, sur la base d'une appréciation politique globale de la situation. Si la décision est positive, la stratégie d'intervention la plus appropriée est traduite en actions et programmes concrets, avec plan de mise en oeuvre détaillé sous forme de modèle à moyen terme.

Le dispositif de supervision (monitoring) de la Direction politique garantit que les actions et programmes sont réalisés conformément au modèle à moyen terme. Elle contrôle leurs effets et s'assure en même temps que les résultats obtenus sont conformes aux objectifs stratégiques et aux axes de travail. Le déroulement d'un conflit peut s'infléchir rapidement pour prendre une nouvelle dynamique. La Direction politique en tient compte en vérifiant le bien-fondé de ses analyses, de ses stratégies d'intervention et de ses plans de mise en oeuvre à la lumière de l'évolution de la situation, et apporte le cas échéant les correctifs nécessaires.

7469

Elle s'efforce d'optimiser en permanence les modes opératoires qui sous-tendent la planification politique et opérationnelle ainsi que la mise en oeuvre de ses actions et programmes. C'est pourquoi il est important de faire le point sur l'expérience recueillie et les erreurs commises, de façon à en tirer la leçon pour des activités en cours ou à venir.

2.6

Organisation et personnel

Depuis l'année 2000, la Direction politique a procédé en son sein à diverses réorganisations et créé quelques postes indispensables. Mais le nombre des postes affectés à la Division politique IV (chargée de la politique de paix et des droits de l'homme) financés sur les crédits de personnel reste insuffisant. Le service occupe actuellement 33 personnes, soit un volume d'emploi total de 3095 % (juillet 2002), personnel administratif et de secrétariat compris. Compte tenu des impératifs financiers à respecter, on ne peut accroître l'effectif du personnel structurel. Pour maîtriser le volume de travail, la Division a déjà dû financer sur le crédit de Promotion civile de la paix 6 équivalents-postes supplémentaires à 100 %.

Les activités de promotion de la paix et des droits de l'homme se dérouleront la plupart du temps dans un environnement politiquement hypersensible. Elles doivent donc être encadrées de très près; outre son prix financier, un suivi insuffisant ferait un tort considérable à la politique extérieure de la Suisse. En ce qui concerne les experts envoyés en mission, c'est leur sécurité qui est en jeu: les risques qu'ils encourent ne peuvent être circonscrits que par une planification et un suivi soigneux.

Il est souvent impossible de confier des tâches à l'extérieur, compte tenu de leur confidentialité. De plus, cela revient d'habitude cher. La Division politique IV se trouve, de par la spécificité de son champ d'action, dans une position très différente de celle de tous les autres offices fédéraux en ce qui concerne la politique du personnel.

Le crédit-cadre demandé fait apparaître un besoin en personnel supplémentaire de 11 équivalents-postes à 100 % en tout, à financer sur le crédit-cadre. Cela correspond à un maximum de 2,5 millions de francs, montant auquel s'ajoutent les cotisations de l'employeur. Ce chiffre tient compte des postes déjà financés avant 2004 sur les crédits de paiement annuels. Les emplois supplémentaires nécessaires sont prévus pour des travaux de conception et opérationnels découlant directement de l'accroissement du budget global. Ces personnes seront engagées conformément à la loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération17.

Sur les 11 nouveaux équivalents-postes à 100 %, 7 seront affectés à la gestion civile des conflits.

­

17

2,5 comme responsables de programmes qui préparent ou encadrent des analyses de conflits, conçoivent des stratégies d'intervention et des concepts à moyen terme, lancent des projets concrets qu'ils suivent et évaluent. Ils maintiennent un dialogue structuré avec des partenaires opérationnels en Suisse et dans les zones de conflit.

RS 172.220.1

7470

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3,5 comme personnes affectées à des missions diplomatiques spéciales, ou encore préparant et suivant de telles missions avec leurs mesures d'accompagnement. 50 % de poste au moins seront consacrés aux interventions visant à renforcer le droit international humanitaire.

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1 pour l'encadrement du Pool d'experts pour la promotion civile de la paix.

Les capacités actuelles suffisent à accompagner le travail et à assurer le suivi logistique de 80 experts parallèlement en mission. Or le Conseil fédéral prévoit de monter ce chiffre à 100, tout en garantissant un niveau qualitatif élevé de recrutement, de formation et d'encadrement.

2 équivalents-postes à 100 % seront affectés à la promotion des droits de l'homme.

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2 équivalents-postes à 100 % sont nécessaires à la mise en oeuvre des mesures prévues dans les quatre domaines d'intervention. Les besoins sont particulièrement intenses en ce qui concerne le suivi de nouveaux dialogues sur les droits de l'homme. Ce travail très prenant englobe l'analyse de la situation des droits de l'homme chez l'interlocuteur, des travaux de préparation et de suivi des visites de délégations des droits de l'homme et des études approfondies menées avec des experts extérieurs et des acteurs de la société civile.

2 équivalents-postes à 100 % serviront à maîtriser le surcroît de travail administratif découlant de l'extension des activités de gestion civile des conflits et de promotion des droits de l'homme. Il s'agit surtout du suivi administratif et financier de projets.

2.7

Conséquences pour les cantons et les communes

L'exécution de l'arrêté fédéral proposé incombe uniquement à la Confédération et ne met pas à contribution les cantons ni les communes.

3

Programme de la législature

Ce projet n'est pas annoncé dans le programme de la législature 1999­2003.

Après d'amples études menées au sein de l'administration, le Conseil fédéral a décidé en 2000 de doter d'une base légale les actions de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme. Le projet de loi a été transmis aux Chambres fédérales en même temps que le présent message. Le Conseil fédéral ne pouvant proposer un crédit-cadre que s'il existe une base légale, il lui a été impossible d'intégrer formellement la proposition de crédit-cadre dans le programme de la législature 1999­2003.

L'extension de la gestion civile des conflits et de la promotion des droits de l'homme avait en revanche été annoncée dans le programme de la législature.

7471

4

Bases légales

L'arrêté fédéral proposé s'appuie sur l'art. 4 de la loi fédérale sur des mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme, qui prévoit que le financement de ces mesures doit être accordé sous la forme de crédits-cadres pluriannuels.

S'agissant d'un arrêté financier, la forme adoptée est celle d'un arrêté fédéral simple, comme le prévoit l'art. 4 de la loi fédérale du 23 mars 1962 sur les rapports entre les conseils18. La compétence budgétaire de l'Assemblée fédérale découle de l'art. 167 de la Constitution et des règles correspondantes figurant dans la loi fédérale sur les finances de la Confédération19 et son ordonnance20.

18 19 20

RS 171.11 RS 611.0 RS 611.01

7472

Table des matières Condensé

7396

1 Gestion civile des conflits et promotion des droits de l'homme 1.1 Introduction 1.2 Situation générale et défis 1.3 Approches, stratégies et tendances internationales 1.4 Rétrospective: les réponses de la Suisse (1989­2002) 1.4.1 Des opérations de maintien de la paix à la gestion civile des conflits 1.4.2 Création et développement de la promotion des droits de l'homme 1.5 Perspectives: stratégies et priorités (2004­2007) 1.5.1 Gestion civile des conflits 1.5.1.1 Buts et principes 1.5.1.2 Domaines d'action 1.5.1.2.1 Bons offices et médiation 1.5.1.2.2 Programmes de gestion civile des conflits 1.5.1.2.3 Pool d'experts pour la promotion civile de la paix (PEP) 1.5.1.2.4 Initiatives diplomatiques thématiques 1.5.1.2.5 Partenariats 1.5.1.3 Thèmes prioritaires 1.5.1.3.1 Droit constitutionnel, décentralisation et partage du pouvoir 1.5.1.3.2 Médias et conflits armés 1.5.1.3.3 Sécurité humaine 1.5.1.3.4 Les droits de l'homme dans les conflits armés et le droit international humanitaire 1.5.2 Promotion des droits de l'homme 1.5.2.1 Buts et principes 1.5.2.2 Domaines d'action 1.5.2.2.1 Dialogues sur les droits de l'homme 1.5.2.2.2 Application des normes internationales en matière de droits de l'homme 1.5.2.2.3 Initiatives diplomatiques 1.5.2.2.4 Partenariats 1.5.2.3 Priorités thématiques 1.5.2.3.1 Défense et promotion des droits élémentaires de l'Homme 1.5.2.3.2 Protection des groupes particulièrement vulnérables 1.5.2.3.3 Nouvelles dimensions de la protection des droits de l'homme 1.5.3 Synergies et conflits d'objectifs

7398 7398 7403 7407 7415 7415 7422 7424 7424 7424 7427 7428 7434 7435 7436 7438 7440 7440 7442 7443 7448 7450 7450 7451 7451 7453 7454 7455 7457 7457 7458 7458 7460

7473

2 Conséquences financières et effets sur l'état du personnel 2.1 Allocation d'un crédit-cadre 2.2 Volume du crédit-cadre 2.3 Durée du crédit-cadre 2.4 Ventilation des engagements financés par le crédit-cadre 2.4.1 Ventilation des engagements entre la gestion civile des conflits et la promotion des droits de l'homme 2.4.2 Ventilation des engagements dans le domaine de la gestion civile des conflits 2.4.3 Ventilation des engagements dans le domaine de la promotion des droits de l'homme 2.5 Planification, contrôle et évaluation 2.6 Organisation et personnel 2.7 Conséquences pour les cantons et les communes

7467 7468 7470 7471

3 Programme de la législature

7471

4 Bases légales

7472

Arrêté fédéral concernant l'ouverture d'un crédit-cadre pour des mesures de gestion civile des conflits et de promotion des droits de l'homme (Projet)

7475

7474

7461 7461 7462 7464 7464 7464 7465