01.457 Initiative parlementaire Prescription de l'action pénale ­ adaptation de dispositions du code pénal et du code pénal militaire au nouveau droit régissant la prescription Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats du 16 novembre 2001

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Conformément à l'art. 21ter, al. 3 et à l'art. 21quater, al. 3 de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC), la commission vous soumet le présent rapport qu'elle transmet simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose par 10 voix contre 0 et deux abstentions d'adopter le projet de loi ci-joint.

16 novembre 2001

Au nom de la commission: Le président, Dick Marty

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2001-2610

Condensé Dans son message du 10 mai 2000 à l'Assemblée fédérale, le Conseil fédéral proposait une modification du code pénal en vertu de laquelle la poursuite pénale des actes d'ordre sexuel commis avec des enfants de moins de 16 ans aurait été suspendue jusqu'à ce que la victime ait atteint l'âge de 18 ans. En lieu et place de cette proposition, le Parlement a opté pour un autre modèle, à savoir une réglementation de prescription générale s'appliquant à toutes les infractions, selon la révision de la partie générale du code pénal (cf. message du 21.9.1998, FF 1999 1787 s.). La nouvelle réglementation de la prescription ne prévoit plus de suspension ni d'interruption de la prescription, supprimant ainsi la notion de délai de prescription absolu; les dispositions correspondantes figurant aux art. 72 CP et 53 CPM ont été biffées. En contrepartie, le nouveau droit fixe des délais de prescription plus longs pour l'action pénale.

La suppression sans contrepartie de l'art. 72 CP (art. 53 CPM), c'est-à-dire de l'institution de la suspension et de l'interruption, entraînerait cependant dans divers domaines une réduction indésirable des délais de prescription. Ce serait le cas notamment pour les contraventions selon le CP (art. 109) et dans le droit pénal accessoire. Le présent projet vise à empêcher ces réductions.

Le projet permettra d'adapter aux nouveaux mécanismes de prescription des articles de loi contenant des dispositions particulières relatives à la prescription de l'action pénale. Comme ces délais de prescription ne peuvent plus être interrompus, ils doivent être prolongés, faute de quoi les autorités de poursuite pénale auraient, dans les faits, moins de temps qu'aujourd'hui pour poursuivre une infraction.

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Rapport 1

Historique

1.1

Prescription de la poursuite pénale en général et concernant des infractions en matière sexuelle commises contre des enfants de moins de 16 ans

Depuis l'entrée en vigueur en 1992 du nouveau droit pénal en matière sexuelle, le public a pris peu à peu conscience du fait que de nombreuses victimes d'exploitation sexuelle n'étaient capables de porter plainte que des années après les agressions subies. C'est la raison pour laquelle le Conseil fédéral a été chargé, par un postulat des deux Conseils, d'élaborer un modèle de prescription dans lequel la poursuite pénale des actes d'ordre sexuel commis avec des enfants de moins de 16 ans serait suspendue jusqu'à ce que la victime ait atteint l'âge de 18 ans. Le 10 mai 2000, le Conseil fédéral a adopté un message en ce sens à l'attention de l'Assemblée fédérale.

En lieu et place de la proposition du Conseil fédéral (suspension de la prescription en cas d'infractions graves en matière sexuelle commises contre des enfants de moins de 16 ans, jusqu'à ce que la victime atteigne l'âge de 18 ans), les Chambres fédérales ont opté pour un autre modèle, à savoir une réglementation de prescription générale s'appliquant à toutes les infractions, selon la révision de la partie générale du code pénal (cf. message du 21.9.1998, FF 1999 1787 s.). La nouvelle réglementation de la prescription ne prévoit plus de suspension ni d'interruption de la prescription, supprimant ainsi la notion de délai de prescription absolu; les dispositions correspondantes figurant aux art. 72 CP et 53 CPM ont été biffées. En contrepartie, le nouveau droit fixe des délais de prescription plus longs pour l'action pénale.

Après le vote final du 5 octobre 2001 et la publication du texte sujet au référendum dans la feuille fédérale (FF 2001 5480), il a été constaté, lors de la préparation de l'entrée en vigueur, que certaines adaptations rendues nécessaires par la suppression des art. 72 CP et 53 CPM avaient été omises.

Les articles mentionnés prévoient qu'à chaque interruption, les délais ordinaires (relatifs) de prescription de l'action pénale recommencent à courir. L'action pénale est cependant prescrite malgré les éventuelles interruptions lorsque le délai relatif (ordinaire) est dépassé de moitié (prescription absolue). En revanche, en cas de suspension de la prescription de l'action pénale (p. ex. pendant l'exécution à l'étranger d'une peine privative de liberté), aucun délai de prescription absolu ne met fin au délai de prescription
relatif.

La suppression sans contrepartie des art. 72 CP et 53 CPM, c'est-à-dire de l'institution de la suspension et de l'interruption, entraînerait cependant dans divers domaines une réduction indésirable des délais de prescription. Ce serait le cas notamment pour les contraventions selon le CP (art. 109) et dans le droit pénal accessoire. Le présent projet vise à empêcher ces réductions.

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Principaux aspects du projet

Le projet permettra d'adapter aux nouveaux mécanismes de prescription des articles de loi contenant des dispositions particulières relatives à la prescription de l'action pénale. Comme ces délais de prescription ne peuvent plus être suspendus ou interrompus, ils doivent être prolongés, faute de quoi les autorités de poursuite pénale auraient, dans les faits, moins de temps qu'aujourd'hui pour poursuivre une infraction.

Concernant les contraventions au sens du code pénal (art. 109 CP) et le droit pénal accessoire (art. 333 CP), nous proposons de reprendre les amendements correspondant au nouveau concept de prescription de la révision de la partie générale du code pénal. Pour le reste, les propositions se bornent à rallonger certains délais de prescription particuliers pour qu'ils correspondent à la prescription absolue du droit en vigueur. Dans deux cas cependant, les adaptations ne sont pas purement arithmétiques. A l'art. 302, al. 3, CP la prescription de l'action pénale est doublée et passe à deux ans à la place d'une augmentation de moitié à 1 an et demi. A l'art. 148b CPM le délai de prescription est porté à 4 ans, comme à l'art. 178 CP, au lieu de 3.

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Commentaire des modifications proposées

3.1

Code pénal

3.1.1

Art. 59 Confiscation de valeurs patrimoniales

S'agissant de la confiscation de valeurs patrimoniales (art. 59, ch. 1, par. 3 CP), le délai de prescription de 5 ans correspond au délai de prescription relatif qui est applicable aux délits sanctionnés par une peine maximale de 3 ans d'emprisonnement. Comme, cependant, le nouveau droit de la prescription a porté ce délai à 7 ans, il est prévu, dans le cadre de la révision de la partie générale du code pénal, que le droit d'ordonner la confiscation de valeurs patrimoniales se prescrive dorénavant par 7 ans, l'application d'une durée de prescription plus longue continuant toutefois d'être réservée. Cette réglementation doit pouvoir être concrétisée dans le cadre du présent projet.

3.1.2

Art. 75bis Imprescriptibilité

L'actuel al. 2 fait référence aux art. 70 à 72 CP. Or l'art. 72 CP devant être abrogé, il est nécessaire de modifier cette référence.

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3.1.3

Art. 109 Prescription de l'action pénale pour les contraventions

Selon l'art. 72, ch. 2, par. 2, qui est en vigueur, le délai de prescription absolu qui s'applique à l'action pénale dans les cas de contraventions équivaut au double de la durée ordinaire (relative), fixée à une année par l'art. 109 CP.

Or si l'art. 72 CP est purement et simplement abrogé, le délai de prescription absolu susmentionné sera raccourci de moitié. Pour des raisons d'ordre pratique, la commission propose, à l'instar de la révision de la partie générale du code pénal, de porter non pas à deux ans, mais à trois ans, le délai de prescription de l'action pénale pour les contraventions.

Le délai de prescription applicable à l'exécution de la peine ne sera quant à lui pas modifié puisque, même sous l'empire de la nouvelle réglementation prévue, ce délai pourra continuer d'être interrompu.

3.1.4

Art. 118, al. 2 Prescription de l'action pénale en cas d'avortement commis par la mère

Aux termes de l'art. 118, al. 2, CP l'action pénale, en cas d'avortement commis par la mère se prescrit par deux ans. Le délai de prescription absolu est, quant à lui, de 3 ans.

Si l'art. 72 CP est abrogé, l'avortement commis par la mère se prescrira dans tous les cas par deux ans. Aussi la commission propose-t-elle de porter à trois ans le délai de prescription de l'action pénale.

Si le nouveau droit régissant l'interruption de grossesse (régime du délai, FF 2001 1257) passe le cap des urnes ­ on sait qu'il a fait l'objet d'une demande de référendum ­ le délai de prescription de l'action pénale prévu dans le nouvel art. 118, al. 4, devra, lui aussi, être porté de deux à trois ans.

3.1.5

Art. 119, ch. 1, par. 4 Prescription de l'action pénale en cas d'avortement commis par un tiers

Selon l'art. 119, ch. 1, par. 4 CP, l'action pénale en cas d'avortement commis par un tiers se prescrit par deux ans, le délai de prescription absolu étant quant à lui de 3 ans.

Si l'art. 72 CP est abrogé, l'avortement commis par un tiers se prescrira, dans tous les cas, par deux ans. Aussi la commission propose-t-elle de porter à trois ans le délai de prescription de l'action pénale.

Si le régime du délai adopté par le Parlement était accepté par le souverain, il n'y aurait pas besoin d'adapter l'art. 119 CP puisqu'il ne contient plus de mention des délais de prescription.

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3.1.6

Art. 178, al. 1 Prescription de l'action pénale pour les délits contre l'honneur

Selon l'art. 72, ch. 2, par. 2 CP, l'action pénale en cas de délit contre l'honneur se prescrit, en tout cas, à l'expiration d'un délai du double de la durée ordinaire (relative), qui est fixée à deux ans par l'art. 178 CP.

Si l'art. 72 CP est purement et simplement abrogé, le délai de prescription absolu applicable à l'action pénale sera raccourci de moitié. Afin, cependant, de maintenir le délai de prescription de l'action pénale à son niveau actuel, la commission propose de porter à 4 ans le délai de prescription de l'action pénale pour les délits contre l'honneur.

3.1.7

Art. 302, al. 3 Prescription de l'action pénale pour les infractions visées aux art. 296 CP (outrages aux Etats étrangers) et 297 CP (outrages à des institutions interétatiques)

Aux termes de l'art. 302, al. 3, CP, l'action pénale dans les cas prévus aux art. 296 CP (outrages aux Etats étrangers) et 297 CP (outrages à des institutions interétatiques), se prescrit par un an, le délai de prescription absolu étant, quant à lui, d'un an et demi.

Si l'art. 72 CP est abrogé, ces délits se prescriront, en tout cas, au bout d'une année.

La commission propose de porter, en l'arrondissant, le délai de prescription à deux ans. Selon la règle de transformation qui trouve application avec le nouveau droit de la prescription, le nouveau délai devrait s'élever à un an et demi. La commission propose d'arrondir le délai à 2 ans.

3.1.8

Art. 333, al. 5 (nouveau) Prescription de l'action pénale dans le droit pénal accessoire

La suppression de la possibilité d'interrompre le délai de prescription, qui résulte de l'abrogation de l'art. 72 CP, se traduit par un raccourcissement de l'ensemble des délais de prescription fixés par le droit pénal accessoire (dispositions pénales d'autres lois fédérales). Afin de compenser les effets susmentionnés, une réglementation transitoire a été prévue dans le cadre de la révision de la partie générale du code pénal. Cette réglementation peut être reprise in extenso. Elle dispose que jusqu'à l'adaptation des autres lois fédérales: a.

les délais de prescription de l'action pénale sont augmentés de la moitié de la durée ordinaire pour les crimes et les délits et du double de la durée ordinaire pour les contraventions, autrement dit accrus d'une fois et demi dans le premier cas et triplés dans le second;

b.

les délais de prescription de l'action pénale pour les contraventions, qui dépassent un an, sont augmentés de la durée ordinaire, autrement dit doublés;

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c.

les règles sur l'interruption et la suspension de la prescription de l'action pénale sont abrogées; est réservé l'art. 11, al. 3, de la loi fédérale sur le droit pénal administratif;

d.

la prescription de l'action pénale ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu.

Cette disposition est nécessaire afin d'éviter une réduction de moitié des délais des prescription dans le droit pénal accessoire où l'interruption et la suspension de la prescription sont également supprimées.

3.2

Code pénal militaire

3.2.1

Art. 42 Confiscation de valeurs patrimoniales

S'agissant de la confiscation de valeurs patrimoniales (art. 42, ch. 1, par. 3 CPM), le délai de prescription de 5 ans correspond au délai de prescription relatif qui est applicable aux délits sanctionnés par une peine maximale de 3 ans d'emprisonnement. Comme, cependant, la nouvelle réglementation de la prescription a porté ce délai à 7 ans, il est prévu, dans le cadre de la révision de la partie générale du code pénal, que le droit d'ordonner la confiscation de valeurs patrimoniales se prescrive dorénavant par 7 ans, l'application d'une durée de prescription plus longue continuant toutefois d'être réservée.

Comme celle du CP, cette modification doit pouvoir être concrétisée dans les meilleurs délais.

3.2.2

Art. 56bis Imprescriptibilité

L'actuel al. 2 fait référence aux art. 51 à 53. Or l'art. 53 devant être abrogé, il est nécessaire de modifier cette référence.

3.2.3

Art. 148b Prescription de l'action pénale en cas d'atteintes à l'honneur

Aux termes de l'art. 53, al. 3 CPM, à chaque interruption, un nouveau délai de prescription commencera à courir. Néanmoins, l'action pénale sera en tout cas prescrite lorsque le délai ordinaire sera dépassé de moitié.

En vertu de l'art. 148b CPM, l'action pénale pour les atteintes à l'honneur se prescrit par deux ans, de sorte que la prescription absolue de l'action pénale intervient au bout de trois ans. L'abrogation pure et simple de l'art. 53 CPM aura pour effet de ramener à deux ans le délai de prescription absolu. La commission propose de porter à quatre ans, comme dans l'art 178, al. 1 CP, le délai de prescription prévu à l'art.

148b CPM.

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3.2.4

Art. 183 Prescription de l'action pénale pour les fautes de discipline

Cet article dispose que le droit de prononcer une sanction disciplinaire se prescrit par une année, l'interruption de la prescription étant exclue.

Dans ces conditions, il ne s'impose pas de modifier le délai de prescription. En revanche, il est indispensable de biffer la norme voulant que l'interruption de la prescription de l'action pénale soit exclue. Cette norme devient, en effet, superflue puisque l'interruption de la prescription est abolie de manière générale. S'agissant de la prescription applicable à la sanction elle-même, il convient, en revanche, de maintenir la réglementation actuelle.

3.2.5

Référendum

La loi fédérale est sujette au référendum facultatif (art. 141, al. 1, let. a Cst.).

4

Incidences

4.1

Incidences financières et effets sur l'état du personnel

Le présent projet n'aura aucune incidence financière ni effet sur l'état du personnel.

4.2

Exécutabilité

L'exécutabilité du nouveau droit relatif à la prescription constitue l'objectif primordial du présent projet. Il s'agit d'éviter l'application de différents régimes de prescription.

4.3

Autres conséquences

Le présent projet n'aura, à notre connaissance, pas d'autres conséquences.

5

Compatibilité avec le droit européen

Le présent projet n'a pas de rapport direct avec le droit de l'UE.

6

Bases juridiques

6.1

Constitutionnalité et légalité

Aux termes de l'art. 123, al. 1, Cst., la législation en matière de droit pénal relève de la compétence de la Confédération.

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