02.033 Rapport de la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats sur les options de la politique d'intégration de la Suisse du 18 mars 2002

Monsieur le Président, Mesdames et Messsieurs La Commission de politique extérieure du Conseil des Etats vous présente son rapport sur les options de la politique d'intégration de la Suisse. Elle vous propose de prendre acte du présent rapport et d'adopter ses recommandations.

18 mars 2002

Au nom de la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats: Le président, Maximilian Reimann

2002-1905

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Rapport 1

Introduction

Tout au long de l'année 2001, la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats a procédé à une série d'auditions sur la politique européenne de la Suisse. Il s'agissait pour elle de dégager les options qui s'offrent à la Suisse pour les prochaines étapes de son intégration et de mettre en évidence leurs répercussions dans les différents domaines politiques. La Commission entendait également donner une assise factuelle à un débat qui joue en partie sur le registre des émotions. Enfin, la Commission souhaitait passer en revue, variante par variante, les réformes internes à mener dans les différents domaines politiques pour progresser dans le rapprochement avec l'Union européenne.

La Commission a consacré quatre séances à des auditions sur les six thèmes retenus: «L'économie» (11 et 12 janvier), «Le fédéralisme», «Les droits populaires et la démocratie directe» (17 et 18 mai), «La politique intérieure et la politique de sécurité», «La sécurité intérieure» (20 et 21 août), «La politique sociale», «La direction de l'Etat» (18 et 19 octobre). Les experts invités à s'exprimer étaient issus des milieux scientifiques, du monde économique et de l'administration fédérale. La Commission a également entendu des experts suisses et étrangers sur des questions spécifiques de portée générale.1 Chaque thème a été abordé en envisageant trois options: la voie bilatérale, l'adhésion à l'Espace économique européen et l'adhésion à l'Union européenne.

Une quatrième option serait la formule de l'association. Cette variante n'a été intégrée dans les réflexions de la Commission qu'en cours de travail, à la demande de ses partisans.

Le présent rapport commence par décrire les options envisagées (ch. 2) puis il procède à une appréciation globale des chances et des risques que comporte chacune de ces options sur la base des débats qui ont eu lieu au sein de la Commission (ch. 3).

Le rapport propose ensuite une présentation synthétique des différents domaines politiques selon les analyses entendues lors des auditions (ch. 4). Enfin, la Commission présente ses conclusions et ses recommandations sur la suite à donner (ch. 5).

L'option du cavalier seul (Alleingang) n'a pas été abordée par la Commission. Il existe pourtant des arguments qui plaident en sa faveur. La Suisse est membre de nombreuses organisations
internationales qui offrent aux petits Etats une grande sécurité du droit. L'existence de ces structures étatiques d'envergure mondiale ­ comme par exemple le Bureau international du travail, l'Organisation mondiale du commerce, les agences de développement de l'ONU, les organisations spécialisées telles que l'Union internationale des télécommunications ou encore les normes techniques et les traités internationaux ­ permet aux petits pays aussi de pratiquer avec d'autres pays des échanges adaptés et concrets dans des domaines spécifiques, sans devoir se rallier à un grand groupe continental. En contrepartie, le pays qui fait cavalier seul subit l'inconvénient de ne pas avoir voix au chapitre face aux groupes d'Etats forts; de plus, cette attitude est mal vue et peut constituer une faiblesse en politique étrangère.

1

Une liste complète des experts et de leurs exposés est proposée à l'annexe.

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La Commission remercie les services concernés de l'administration, en particulier le Bureau de l'intégration du DFAE et du DFE, pour le soutien qu'ils lui ont apporté dans ses travaux. Les présentations synoptiques des différents thèmes qui ont été mises à sa disposition lui ont été particulièrement précieuses.

2

Description des options envisagées

2.1

La voie bilatérale

La voie bilatérale correspond à la politique menée actuellement par le Conseil fédéral. La Suisse cherche à se rapprocher de l'Union européenne (UE) en concluant avec elle une série d'accords sectoriels. Sept de ces accords entreront prochainement en vigueur dans les secteurs suivants: recherche, libre circulation des personnes, marchés publics, obstacles techniques au commerce, agriculture, transports aériens et transports terrestres. Les accords sectoriels accordent une ouverture réciproque des marchés dans les domaines concernés; mais ils ne créent pas pour autant des conditions assimilables au marché unique, comme celles qui prévalent dans l'Espace économique européen (EEE). A l'exception de l'accord sur les transports aériens, il s'agit d'accords dits statiques, c'est-à-dire qui ne prévoient pas de mécanisme imposant d'intégrer les évolutions de la législation européenne dans les relations entre la Suisse et l'UE.

Les traités bilatéraux ont des répercussions sur les cantons dans la mesure où ils portent sur des domaines relevant de leur compétence. C'est, par exemple, le cas de l'accord sur les marchés publics, qui touche également les communes.

L'accord sur la libre circulation des personnes porte sur des compétences appartenant à la fois à l'UE et à ses Etats membres. Il fallait donc qu'il soit ratifié par les 15 Etats membres de l'UE. Les sept accords sectoriels sont liés sur le plan juridique.

C'est la raison pour laquelle il faut attendre que le processus de ratification de l'accord sur la libre circulation des personnes soit définitivement achevé pour que les six autres traités entrent également en vigueur. Ce sera vraisemblablement chose faite dans le courant du premier semestre 2002.

D'autres négociations ou pourparlers ont été engagés dans les domaines suivants: produits agricoles transformés; statistiques; environnement; services; éducation, formation, jeunesse; médias; imposition des pensions des fonctionnaires retraités de l'UE établis en Suisse; fraude douanière; fiscalité de l'épargne; sécurité intérieure (Schengen et Dublin). Il n'y a pas de lien juridique entre ces dossiers.

Le principe des négociations dans les secteurs «Produits agricoles transformés», «Statistiques», «Environnement», «Services», «Education, formation, jeunesse», «Médias» et «Pensions des fonctionnaires
retraités de l'UE établis en Suisse» avait été arrêté lors de la clôture des précédentes négociations et il avait fait l'objet d'une déclaration commune. Les secteurs «Fraude douanière» et «Fiscalité de l'épargne» ont été proposés par l'Union européenne tandis que la Suisse a demandé que soit abordée la question de la participation de la Suisse à l'accord de Schengen et à la convention de Dublin.

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Parmi ces nouveaux accords sectoriels, la participation à l'espace Schengen et l'accord sur les services auraient un caractère d'intégration, c'est-à-dire qu'ils supposeraient l'adoption systématique des évolutions de la législation européenne en la matière.

2.2

L'adhésion à l'EEE

L'EEE, qui est entré en vigueur en 1994, devait permettre aux Etats qui n'étaient pas encore prêts à prendre l'engagement politique d'une adhésion de plein droit aux Communautés européennes de participer au marché unique européen. Il a été négocié entre les Etats membres de l'AELE (Suède, Norvège, Finlande, Islande, Autriche, Liechtenstein et Suisse), d'une part, et les douze Etats membres que comptait alors la CE, d'autre part. La Suisse a refusé d'adhérer à l'EEE le 6 décembre 1992.

La caractéristique de l'EEE est que les pays qui en sont membres adoptent les nouvelles réglementations de l'UE au fur et à mesure de leur entrée en vigueur. N'étant pas membres de l'UE, les Etats de l'EEE ne participent pas à la prise des décisions proprement dite, mais ils ont le droit d'exercer une influence sur les décisions au stade de leur préparation (decision shaping) en oeuvrant au sein des groupes de travail et des comités de fonctionnaires et d'experts. L'EEE offre ainsi à ses membres qui ne font pas partie de l'UE des conditions assimilables au marché unique européen.

L'EEE se compose d'un pilier AELE et d'un pilier EU. L'AELE s'est dotée d'une autorité de surveillance et d'une Cour de justice pour faire pendant aux institutions correspondantes de l'UE. En 1995, trois membres de l'EEE sont entrés dans l'UE: la Suède, la Finlande et l'Autriche, ce qui a modifié l'équilibre entre les deux piliers.

Le pilier AELE ne compte plus que trois pays, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein, face aux 15 membres de l'UE. Le prochain élargissement de l'UE accentuera encore ce déséquilibre.

Depuis que l'accord sur l'EEE a été négocié, le traité sur les Communautés Européennes a subi plusieurs révisions. Il couvre désormais des domaines qui n'avaient pas été prévus dans l'accord sur l'EEE, par exemple certains volets de politique sociale, des aspects de la politique de l'environnement ou encore la coopération dans le domaine de la sécurité intérieure. Par ailleurs, la coopération entre les Etats membres de l'UE passe de plus en plus par des systèmes de réglementation flexibles et informels (soft law) reposant sur des objectifs et sur une coordination. Il n'existe toutefois aucune base légale ni obligation juridique permettant aux pays du pilier AELE de l'EEE de prendre part à ces formes de coopération.

L'EEE continue
de bien fonctionner, mais il est marqué par l'asymétrie de sa structure, qui a réduit l'influence relative du pilier AELE de l'EEE. Cependant, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein se montrent globalement satisfaits.

L'accord sur l'EEE ménage expressément à la Suisse le droit de présenter une demande d'adhésion. Mais depuis le refus de cette adhésion par le peuple et les cantons en 1992, le sujet n'a plus été abordé par la Suisse, ni par l'UE. Toutefois, si l'adhésion à l'EEE revenait à l'ordre du jour, il faudrait procéder à des négociations, en particulier dans les domaines où le droit des deux parties a évolué différemment.

Les négociations devraient également porter sur les contributions financières de la Suisse à l'EEE.

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2.3

L'adhésion à l'UE

Dans sa forme actuelle, l'UE est le produit d'une évolution complexe étalée sur plusieurs décennies. Les six Etats membres d'origine sont aujourd'hui quinze et l'organisation s'est dotée, au fil de l'évolution de ses traités fondateurs, de nouveaux domaines d'attributions et de nouvelles structures.

L'UE repose sur trois piliers. Le premier regroupe les trois Communautés européennes: l'ancienne Communauté économique européenne (CEE), devenue la Communauté européenne (Marché unique, Union économique et monétaire); la Communauté européenne de l'acier et du charbon (CECA); et la Communauté européenne de l'énergie atomique (CEEA ou Euratom). Ces trois communautés supranationales ont la personnalité juridique. Les deux autres piliers de l'UE, en revanche, sont de simples systèmes de coopération intergouvernementale entre les Etats membres. Le deuxième pilier porte sur la politique extérieure et de sécurité (PESC); le troisième pilier porte sur la justice et les affaires intérieures (JAI). Certains aspects de la coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures ont été transférés dans le premier pilier lors de la révision du traité d'Amsterdam, en vigueur depuis 1999, et relèvent donc désormais de la compétence communautaire.

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Marché unique: CE/UEM CECA

Politique extérieure et de sécurité commune

Coopération policière et judiciaire en matière pénale

Stratégies communes

Lutte contre la criminalité

Actions communes

Europol

Prises de position communes

SIS

Euratom

Politiques communes Agriculture Concurrence Commerce ext.

Monnaie Asile Migration Coopération judiciaire en matière civile etc.

Entraide judiciaire en matière pénale

4 libertés Circulation des marchandises, des personnes, des capitaux, des services

Depuis 1998, l'UE mène des négociations avec la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Slovénie, l'Estonie et Chypre en vue de leur adhésion; ces négociations ont été étendues, en février 2002, à la Lettonie, la Lituanie, la Slovaquie, la Bulgarie, la Roumanie et Malte. Dix nouveaux Etats pourraient faire leur entrée dans l'UE dès 2004.

L'Union sortira transformée de ce prochain élargissement. Face à l'accroissement du nombre de ses membres et des différences qui les séparent, l'UE offre aux Etats membres qui le souhaitent la possibilité de mettre en place des coopérations plus étroites dans des domaines spécifiques. Il n'en reste pas moins qu'en cessant de se consacrer à la seule Europe de l'Ouest, elle se met en position de revendiquer la représentation des intérêts de l'ensemble de l'Europe. Elle est donc appelée à jour un rôle nouveau sur l'échiquier de la politique mondiale.

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Depuis la conférence intergouvernementale tenue à Nice en décembre 2000, l'UE s'occupe également de questions importantes ayant trait à la réforme de ses institutions et de sa substance. Parmi les questions abordées à Nice figuraient l'adoption du principe de la subsidiarité pour délimiter les compétences de l'UE et celles des Etats membres, le statut juridique de la Charte des droits fondamentaux, la simplification des traités pour plus de clarté et de transparence ainsi que le rôle du Parlement européen et des parlements nationaux. Les travaux sur ces questions ont été poursuivis lors des sommets des chefs d'Etat de Göteborg (juin 2001) et de Laeken (décembre 2001).

Au vu de ses projets d'élargissement et de ses efforts de réforme, il serait faux de décrire l'UE comme un construction institutionnelle figée. Il faut au contraire la voir comme un processus d'intégration permanente.

Dans le cas de la Suisse, les négociations d'adhésion seraient relativement brèves, estime le Conseil fédéral, car un rapprochement important a déjà été accompli avec l'Accord de libre-échange (ALE) de 1972 mais aussi ­ et surtout ­ avec les accords sectoriels qui entreront prochainement en vigueur. Toutefois, la Suisse devrait procéder à un certain nombre de réformes intérieures. Elle adopterait la législation européenne en vigueur. Cela impliquerait entre autres de participer à l'Union monétaire, d'entrer dans le marché unique et dans l'union douanière, de coopérer en matière de sécurité et de droit dans l'espace européen et de prendre part à la politique extérieure et de sécurité commune.

Si elle adhérait à l'Union européenne, la Suisse s'intégrerait totalement dans une communauté d'Etats avec lesquels elle est liée par des langues, des cultures et des valeurs communes. Elle pourrait participer de plein droit à l'évolution de l'UE et, en contrepartie, partagerait une partie de ses pouvoirs de décision avec la communauté.

L'adhésion à l'UE constituerait incontestablement un bouleversement historique pour notre pays. La Suisse devrait revoir son organisation dans de vastes domaines, comme le système fiscal ou la direction de l'Etat. Il lui faudrait redéfinir des valeurs comme la souveraineté, l'indépendance et la démocratie directe, qui sortiraient transformées d'une adhésion à une organisation supranationale.

2.4

L'association sur la base d'un accord-cadre

Le terme d'«association» est utilisé pour décrire une solution institutionnelle réunissant dans un accord-cadre tous les traités bilatéraux conclus entre la Suisse et l'UE.

Cet accord-cadre permettrait d'entamer une démarche progressive, qui prendrait comme point de départ les accords bilatéraux existants et qui intégreraient toutes les négociations à venir dans sa ligne de négociation. Une adhésion à l'EEE pourrait entrer dans ce cadre. Le but est de faire en sorte que les relations entre la Suisse et l'UE soient aussi étroites et équilibrées que possible et de permettre à la Suisse d'apporter une contribution concrète et continue à la construction européenne. La Suisse aurait alors un droit de participation.

Selon ses partisans, cette démarche permettrait de sortir d'une fixation sur certaines options, qu'ils jugent stérile, et de progresser dans le rapprochement avec l'UE sans pour autant devoir prendre une décision définitive dans l'immédiat.

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Encore faut-il que l'Union soit intéressée par un accord d'association avec la Suisse.

Cette question n'a jamais encore été soulevée par la Suisse, ni discutée avec l'UE.

Selon la législation européenne, l'accord d'association se caractérise par le fait que les deux parties se dotent de procédures et d'institutions communes. Le contenu de cet accord peut être limité à des domaines spécifiques (p. ex. une association de type Schengen). Il peut également constituer un cadre pour l'ensemble des relations entre l'UE et un pays tiers. Dans ce sens, il serait envisageable d'intégrer les traités actuels et futurs conclus entre la Suisse et l'UE dans un accord-cadre d'association.

3

Appréciation des chances et des risques

3.1

Remarque liminaire: réformes indispensables dans tous les cas de figure

Pour apprécier les chances et les risques que comportent les options de la politique européenne examinées ici, il faut tenir compte des débats en cours sur la réforme des institutions suisses. Il faut également intégrer les réformes imposées dans des domaines spécifiques par des pressions extérieures. Ces facteurs marqueront l'évolution politique et économique des prochaines années, quelle que soit la politique d'intégration choisie in fine par la Suisse.

­

Il est impératif de réformer la direction de l'Etat. Le besoin grandissant de coordination entre les départements associé au fait que les décisions sont prises dans une urgence croissante créent une forte pression. Celle-ci a non seulement un impact sur les institutions (Conseil fédéral, administration et Parlement), mais des répercussions directes sur les décideurs eux-mêmes et en particulier les membres du Conseil fédéral. Le besoin de coordination ne fera qu'augmenter avec la complexité de la politique, ne serait-ce que parce que la mondialisation ne permet pas toujours de séparer clairement la politique intérieure de la politique extérieure. A cet égard, la manière dont la Suisse organisera ses relations avec l'Union européenne est accessoire.

­

Du fait du processus de mondialisation, les sujets de politique extérieure ont un impact croissant sur la politique intérieure, et inversement. Ce phénomène concerne également les cantons. A ce jour, la participation des cantons à la politique étrangère ne fonctionne pas de manière satisfaisante. Il faut procéder à des affinements dans l'application de la loi sur la participation des cantons à la politique extérieure, notamment en faisant en sorte que les cantons interviennent précocement, si l'on veut que ceux-ci soient à même d'assumer comme il convient leurs droits de participation dans la politique étrangère en général et dans la politique d'intégration en particulier.

­

Les pressions étrangères contre le secret bancaire s'accroissent pour des raisons variées: il y a le souhait de comprendre le passé, mais surtout des questions de concurrence entre les places financières et des considérations d'ordre fiscal. La principale revendication est la levée du secret bancaire dans les affaires fiscales. Ces pressions ne se relâcheront pas, quelle que soit la politique européenne de la Suisse.

­

La mondialisation oblige de nombreux secteurs économiques à s'adapter. Un exemple flagrant est celui de l'agriculture suisse, qui a accompli des transformations profondes au cours des années écoulées. Mais la nécessité de

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s'adapter subsiste. Dans ce domaine, ce sont surtout les réglementations de l'OMC qui jouent un rôle déterminant.

3.2

La voie bilatérale

3.2.1

Les chances

Sur le plan de la politique intérieure, la voie bilatérale est actuellement la seule option capable de réunir une majorité.

Le premier cycle de négociations a abouti à des solutions taillées sur mesure pour tenir compte de la situation particulière de la Suisse. Le résultat est équilibré dans la mesure où les deux parties ont à la fois fait des concessions et obtenu gain de cause sur des revendications importantes.

Les accords bilatéraux produisent un rapprochement marqué avec l'UE dans tous les domaines de négociation et ils présentent des avantages importants pour la Suisse.

Les éléments essentiels de l'identité de la Suisse restent intacts: la démocratie directe peut subsister sous sa forme actuelle, notre pays conserve sa monnaie et peut continuer de mener une politique monétaire et économique indépendante, le système fiscal ne change pas. L'autonomie formelle de notre pays n'est pas touchée.

La Suisse est en bonne position pour le prochain cycle de négociations: il est parfaitement réaliste d'espérer atteindre encore une fois un résultat équilibré puisque les négociations portent à la fois sur des sujets demandés par l'UE et sur des questions soulevées par la Suisse. Encore faut-il que les deux parties aient la volonté d'obtenir un résultat positif et soient prêtes à faire des concessions.

3.2.2

Les risques

Les traités issus à ce jour des négociations bilatérales sont majoritairement statiques, c'est-à-dire qu'ils ne s'adaptent pas automatiquement aux évolutions du droit, qu'il soit suisse ou européen. Or, la progression rapide du processus d'intégration dans l'UE rend rapidement les traités obsolètes. Parmi les traités issus du premier cycle de négociations, l'accord sur les transports aériens fait exception puisque son adaptation permanente au droit européen est prévue; d'autres traités contiennent des dispositions permettant des adaptations dans des domaines isolés.

De plus, l'UE devra exiger de la Suisse que le champ d'application de tous les traités bilatéraux soit étendu aux nouveaux Etats membres suite à son élargissement à l'Est. En vertu du principe de l'égalité de traitement entre tous ses membres, l'UE sera tenue de demander à la Suisse de souscrire à cette exigence au plus tard à l'expiration d'un délai de transition. De son côté, la Suisse ne pourrait se soustraire à cette obligation sans renoncer à l'ensemble des sept accords.

Le lien juridique qui unit les sept premiers traités ne facilite pas leur révision. Ainsi, il est impossible de dénoncer l'un des traités sans remettre en question les six autres.

Cela limite la flexibilité des deux parties à la négociation.

Le prochain élargissement de l'UE à l'Est implique que la Suisse devra étendre aux nouveaux Etats membres le traité actuel sur la libre circulation des personnes en signant des traités complémentaires. L'approbation des traités complémentaires par 5887

le Parlement est soumise au référendum facultatif. Un refus du corps électoral remettrait en question l'actuel traité sur la libre circulation, de même que tous les traités issus du premier cycle de négociations. C'est dans ce sens que les accords «statiques» du premier paquet contiennent aussi une composante «dynamique» dont la Suisse ne saurait se soustraire sans engendrer de lourdes conséquences.

Les sujets retenus pour le deuxième cycle de négociations concernent en partie des domaines dans lesquels il est encore difficile d'évaluer l'orientation que prendra l'UE. C'est le cas, en particulier, des domaines couverts par l'accord de Schengen et la convention de Dublin. Contrairement aux accords bilatéraux, qui sont statiques, ces traités sont dynamiques et donc appelés à évoluer, d'autant que l'UE ne fait que commencer à développer son droit dans ce domaine. Il faudrait donc assurer à la Suisse un droit de participation convenable dans le développement de la législation de l'UE. Des traités bilatéraux prévoyant l'adoption automatique du droit communautaire parviendraient difficilement à réunir une majorité en Suisse.

Un autre risque tient au fait que les succès antérieurs de la Suisse pourraient être considérés comme renouvelables à discrétion. Or, le fait d'avoir réussi jusqu'ici à préserver ce qui est au coeur de l'identité suisse ne garantit en aucune manière la répétition de ces succès à l'avenir. Dans certains domaines, comme le secret bancaire, les pressions extérieures se sont faites beaucoup plus fortes. La voie bilatérale ne met plus la Suisse à l'abri des grandes attentes des parties à la négociation.

Une négociation bilatérale est un processus extrêmement lourd. Entre le 6 décembre 1992, date à laquelle le processus bilatéral a été engagé suite au non à l'EEE, et l'entrée en vigueur probable des accords bilatéraux à la mi-2002, il se sera écoulé près d'une décennie. Les Communautés européennes, avec qui les premiers pourparlers avaient eu lieu, étaient une institution entièrement différente de l'UE, qui est désormais l'interlocuteur de la Suisse.

Même si la Suisse a des relations économiques étroites avec l'UE et de nombreuses convergences politiques et culturelles avec ses Etats membres, son influence sur les processus de décision de l'UE est négligeable alors que les décisions
prises par l'UE ont souvent des répercussions fortes sur les événements politiques et économiques de notre pays. Si l'autonomie de la Suisse subsiste sur le plan formel, elle est fortement limitée sur le plan matériel. L'intensification des relations bilatérales dans le cadre des accords existants et suite aux nouvelles négociations ne changera rien à ce déséquilibre.

3.3

L'adhésion à l'EEE

3.3.1

Les chances

L'adhésion à l'EEE permettrait à la Suisse de participer à part entière au marché unique européen. Elle assumerait les obligations économiques, mais pas toutes les obligations politiques d'une adhésion à l'UE. Le fait de bénéficier des quatre libertés du marché unique produirait une croissance économique quantifiable.

Le Traité EEE est dynamique. La nouvelle législation concernant l'EEE serait intégrée en permanence dans le droit suisse. La Suisse aurait le droit d'influer sur son élaboration au stade préparatoire (decision shaping) en participant aux travaux des experts.

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D'une manière générale, le système d'influence sur les décisions fonctionne bien: les représentants des Etats de l'AELE membres de l'EEE sont unanimes à dire qu'ils n'ont jamais encore été contraints d'adopter une disposition totalement inacceptable pour eux.

Les réformes à pratiquer en Suisse pour adhérer à l'EEE seraient minimes. Les droits politiques seraient maintenus dans la mesure où ils ne concernent pas directement le domaine d'application de l'EEE. Des institutions comme le système fiscal pourraient être conservées. La Suisse pourrait poursuivre sa «politique de niche» et exploiter les avantages d'une politique économique indépendante. Les ingérences dans les compétences des cantons seraient moins importantes qu'en cas d'adhésion à l'UE.

L'adhésion de la Suisse renforcerait le pilier AELE de l'EEE. Les trois Etats qui constituent actuellement ce pilier comptent ensemble moins de cinq millions d'habitants. Avec la Suisse, ce nombre approcherait les douze millions. De plus, l'augmentation de trois à quatre du nombre de pays membres faciliterait les procédures internes et la répartition du travail au sein du pilier AELE de l'EEE.

Le traité sur l'EEE contient, à l'art. 128, une disposition conférant expressément à la Suisse le droit de présenter sa candidature à l'adhésion à l'EEE. Il n'y aurait donc pas de négociation à mener sur le principe.

3.3.2

Les risques

Premièrement, l'EEE est asymétrique: le pilier AELE réunit moins de cinq millions d'habitants (douze millions avec la Suisse), face aux 370 millions d'habitants que représente le pilier UE. Le prochain élargissement à l'Est accentuera cette asymétrie car l'UE pourrait voir sa population grossir de 100 millions d'habitants supplémentaires. Deuxièmement, le droit d'influer sur les décisions au stade préparatoire (decision shaping) ne saurait compenser que partiellement l'absence de droit de vote; en revanche, il permettrait incontestablement de mieux défendre les intérêts de la Suisse que la pratique actuelle consistant à appliquer la réglementation de manière autonome a posteriori.

Une fois que les pays ont fait usage de leur droit de participation, l'on doit considérer comme impératif de traduire dans les législations nationales des pays membres les nouvelles dispositions de l'UE applicables à l'EEE, sauf si l'un d'eux utilise son droit de veto. Le veto est un instrument plus puissant que le droit de participation, mais son utilisation aurait pour effet d'éliminer de l'EEE le domaine concerné par la directive refusée. En contrepartie, l'UE pourrait dénoncer tout ou partie du traité.

Toutefois, la menace du veto devrait agir comme un aiguillon sur l'UE pour faire valoir une solution pragmatique. Il n'est encore jamais arrivé qu'une directive de l'UE ne soit pas reprise par les Etats membres du pilier AELE de l'EEE.

En raison de leurs faibles ressources en personnel ­ en comparaison avec les pays de l'UE ­ les pays membres du pilier AELE de l'EEE ont des difficultés à participer de bout en bout au processus d'influence sur les décisions. Ce processus est en outre très compliqué et manque parfois de transparence en ce qui concerne le déroulement des séances de travail. Par conséquent, les Etats membres du pilier AELE de l'EEE ne peuvent pas toujours faire totalement usage de leur droit de participation, ce qu'ils jugent non satisfaisant.

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Les pays du pilier AELE de l'EEE sont tenus de parler d'une seule voix face à l'UE.

Malgré de nombreuses convergences de vue, les pays membres du pilier AELE ont encore des avis divergents sur les priorités de la politique économique, ce qui peut porter préjudice à certaines négociations.

L'EEE couvre uniquement le marché unique européen. Les réglementations spéciales définies dans des accords bilatéraux (transports terrestres, circulation des personnes) devraient être renégociées sur la base de l'acquis communautaire. D'autres domaines dans lesquels la Suisse ou l'UE souhaitent une coopération plus étroite, comme la justice et les affaires intérieures, la fraude douanière ou la fiscalité de l'épargne, n'en font pas non plus partie. Il faudrait donc continuer d'en discuter dans le cadre de lourdes négociations bilatérales.

Depuis l'adoption du traité sur l'EEE au début des années 90, l'UE a connu une très forte expansion et elle s'est attribué de nombreux nouveaux domaines de coopération. Ceux-ci sont souvent traités dans des structures plus informelles qui n'offrent pas de base légale pour une participation des pays membres du pilier AELE de l'EEE, même si les domaines concernés relèvent du marché unique. La possibilité de réviser le traité sur l'EEE est actuellement à l'étude.

3.4

L'adhésion à l'UE

3.4.1

Les chances

Située au coeur de l'Europe, la Suisse est étroitement liée à l'UE, par des valeurs concordantes, par des cultures et des langues communes, par une interdépendance économique. En adhérant à l'UE, la Suisse rejoindrait officiellement une communauté économique et juridique incarnant des valeurs dont elle est déjà très proche.

En tant que membre de l'UE, la Suisse pourrait participer de plein droit à l'élaboration de la politique communautaire. Elle pourrait constituer avec d'autres membres des coalitions variables selon les domaines concernés. Aujourd'hui déjà, la politique de l'UE a une influence marquée sur la Suisse sans que celle-ci puisse participer aux décisions. Cela est particulièrement flagrant dans le débat sur le secret bancaire. Si elle avait été membre de l'UE, la Suisse aurait pu participer à l'élaboration de la décision de Santa Maria da Feira voire, en vertu du principe de l'unanimité, y faire échec. Dans ce sens, l'adhésion à l'UE peut être décrite comme un gain de souveraineté matérielle.

Les avantages économiques à long terme attendus de l'adhésion pourraient compenser les inconvénients subis au cours des premières années.

L'adhésion à l'UE ne remettrait pas en cause la neutralité au sens du droit international public. Les dispositions de l'UE qui régissent les processus de décision dans les domaines relevant du droit de la neutralité prévoient le principe de l'unanimité, ce qui signifie que chaque Etat membre a un droit de veto.

L'UE s'est donné pour but de se rapprocher des citoyens, d'être plus «conviviale» et de renforcer son ancrage démocratique. La Suisse pourrait faire valoir ses propres intérêts lors de ces travaux et, grâce à son expérience du fédéralisme et de la démocratie directe, apporter une contribution substantielle à cette évolution.

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3.4.2

Les risques

Après le net rejet de l'initiative «Oui à l'Europe!», l'ouverture de négociations en vue de l'adhésion à l'UE n'aurait actuellement pas de légitimité démocratique. Il est difficile d'estimer quand ce sujet pourra être abordé à nouveau et comment se présentera alors l'UE.

L'adhésion à l'UE entraînerait une perte de souveraineté formelle car la Suisse partagerait avec les autres Etats membres ses compétences matérielles dans les domaines communautaires. Cette perte de souveraineté ne pourrait être compensée qu'en partie par le droit de participation des délégués suisses dans les organes de l'UE. De plus, il n'est pas exclu que le renforcement de la politique de sécurité et de défense de l'UE oblige à terme à redéfinir la neutralité.

L'adhésion de la Suisse à l'UE supposerait une «refonte» du système suisse dans des domaines politiques importants, notamment la démocratie directe, le fédéralisme, la direction de l'Etat et la politique économique extérieure.

La démocratie directe ne pourrait être appliquée que de manière limitée dans les domaines soumis à la compétence communautaire. La Suisse aurait encore une liberté d'action réduite, sans cependant pouvoir se donner des lois contraires à la législation communautaire.

Il faudrait revoir la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons. Le partage des compétences avec l'UE aurait pour effet de réduire les compétences des cantons dans les mêmes proportions. Mais l'adhésion à l'UE ne déchargerait pas pour autant les cantons car ceux-ci devraient assumer des tâches d'exécution supplémentaires.

L'adhésion à l'UE obligerait à porter la TVA à 15 %. La charge supplémentaire que cela représenterait ne pourrait être compensée que par une refonte totale du système fiscal.

Au sein de l'UE, la Suisse ferait partie des contributeurs nets, c'est-à-dire des pays qui versent à l'Union plus de contributions qu'ils ne reçoivent d'aides. En l'état actuel des choses, la Suisse verserait environ quatre milliards de francs à l'UE.

La Suisse perdrait les avantages compétitifs dont elle jouit actuellement en raison de l'indépendance de sa politique économique.

Il ne serait plus possible de négocier bilatéralement des accords spéciaux tenant compte des besoins spécifiques de la Suisse que dans le cadre de réglementations transitoires à durée
limitée. En effet, en application du principe de l'égalité de traitement entre ses membres, l'UE serait contrainte d'abolir les avantages négociés bilatéralement par la Suisse. Cela concernerait, par exemple, les dispositions plus favorables à l'environnement que la législation communautaire contenues dans l'accord sur les transports terrestres ainsi que divers avantages obtenus par la Suisse dans le domaine de la libre circulation des personnes.

L'adhésion à l'UE s'accompagnerait d'une entrée dans l'union monétaire.

L'adoption de l'euro peut ne pas être jugée comme un désavantage en soi, mais le risque résiderait dans le fait que la Suisse ne pourrait plus mener une politique monétaire et économique indépendante. Cela concernerait également les taux d'intérêt, qui seraient alignés. Le bonus actuel des taux d'intérêt serait largement perdu.

5891

3.5

L'association

L'association est une variante de la voie bilatérale dans laquelle les accords existants sont inscrits dans un cadre institutionnel global où peuvent également s'intégrer les négociations en cours. Si un projet d'adhésion à l'EEE devait entrer dans ce cadre, l'association serait alors une variante de l'option de l'adhésion à l'EEE.

Les chances et les risques de l'association sont globalement les même que ceux de la voie bilatérale ou de l'adhésion à l'EEE. En tout état de cause, cette institutionnalisation aurait l'avantage d'obliger les deux parties à oeuvrer en permanence à leur rapprochement. Il est cependant difficile de dire si cette démarche aurait uniquement une valeur symbolique ou si elle permettrait à la Suisse de renforcer sa participation.

La possibilité d'une association n'a jamais été discutée avec l'UE.

3.6

Synthèse et appréciation

La voie bilatérale préserve le mieux la souveraineté et la liberté de décision formelles de la Suisse. C'est vrai tout au moins tant que les traités bilatéraux sont statiques, c'est-à-dire qu'ils ne s'adaptent pas automatiquement aux évolutions de la législation européenne. Cependant, la dynamique du droit et de la politique communautaires produit souvent des contraintes matérielles que la Suisse adopte a posteriori, sans avoir pu participer à leur élaboration. De plus, la voie bilatérale a un prix: certains accords bilatéraux n'ont pu être obtenus que moyennant des contre-prestations qu'il ne serait pas nécessaire de fournir une fois la Suisse membre de l'EEE ou de l'UE.

Les événements intervenus en prélude au deuxième cycle de négociations mettent en évidence les limites de cette option: alors que les premiers accords bilatéraux concernaient des domaines juridiques statiques, déjà largement figés au sein de l'UE, le deuxième cycle porte sur des domaines politiques (fiscalité de l'épargne, secret bancaire, accord de Schengen et convention de Dublin) qui sont en pleine évolution.

Pour qu'il soit politiquement possible de conclure des accords bilatéraux dans ces domaines, il faudra soit que leur évolution au sein de l'UE soit achevée avant la conclusion d'un futur traité, soit que la Suisse obtienne l'assurance d'avoir un droit de codécision ou au moins au droit de participation au processus de décision. Les premiers accords bilatéraux présentent en outre l'inconvénient d'avoir été liés entre eux pour répondre à la demande de l'UE. Ainsi, la dénonciation d'un seul de ces accords entraîne automatiquement l'abrogation des six autres. De ce fait, il est difficile d'adapter les accords individuellement.

Deux avantages importants sont à mettre en regard de ces inconvénients. En premier lieu, la voie bilatérale, contrairement à l'adhésion à l'UE, n'oblige pas la Suisse à refondre ses droits politiques et ses institutions, ni à suivre les évolutions du droit communautaire; cet aspect concerne notamment le système de gouvernement, les droits politiques et la démocratie directe ainsi que le système fiscal. En second lieu, la Suisse peut continuer de mener sa propre politique («politique de niche») dans différents domaines, ce que les observateurs jugent difficile à faire en cas d'adhésion à l'UE dans les
circonstances actuelles; cet aspect concerne la politique économique et monétaire, la politique agricole et la politique des transports.

Si elle s'engageait dans une sorte d'association avec l'UE, la Suisse pourrait éventuellement bénéficier de l'avantage important, par rapport à la voie bilatérale, d'un droit de codécision ou d'influence sur les décisions dans des domaines déterminés.

5892

On ne voit cependant pas encore clairement comment cette association pourrait se présenter et l'on ne sait pas si l'UE serait favorable à cette solution.

Par rapport à la voie bilatérale, l'EEE présente l'avantage que la Suisse pourrait participer au développement à venir du droit communautaire et influer sur les décisions au stade de leur préparation. Le traité sur l'EEE couvre les quatre libertés du marché unique. Il préserve en outre les deux grands avantages de la voie bilatérale dans la mesure où la Suisse n'aurait pas d'obligation de refondre ses structures politiques et pourrait continuer de pratiquer sa «politique de niche» sans restriction.

En revanche, il ne faut pas perdre de vue que le rapport entre le pilier AELE et le pilier communautaire au sein de l'EEE resterait très asymétrique même avec la participation de la Suisse (env. 12 millions d'habitants pour le premier contre 370 millions d'habitants pour le second) et que les Etats de l'AELE sont tenus de parler d'une seule voix. Après l'adhésion à l'UE de la Suède, de la Finlande et de l'Autriche, l'EEE, qui avait été conçue dans le contexte de la guerre froide, a perdu de son importance économique et politique pour l'UE.

L'adhésion de la Suisse à l'UE lui conférerait des droits de participation et de codécision illimités pouvant aller jusqu'à un droit de veto partiel. Mais elle suppose le partage de sa souveraineté avec les Etats de l'UE. La Suisse participerait à part entière au développement de l'UE, de ses institutions, de ses politiques et de son droit.

L'adhésion élimine les autres inconvénients liés aux options de la voie bilatérale et de l'adhésion à l'EEE, c'est-à-dire l'obligation de fournir les contre-prestations requises pour la conclusion d'accords spécifiques, l'asymétrie AELE/UE, l'obligation de parler d'une seule voix. En revanche, l'adhésion à l'UE obligerait la Suisse, comme exposé plus haut, à une refonte de son système et l'empêcherait de poursuivre sa «politique de niche» dans plusieurs domaines.

A ce jour, la voie bilatérale constitue la seule des options envisagées qui ait fait l'objet de négociations véritables entre la Suisse et l'Union européenne. Pour autant, cela ne signifie pas que l'UE rejette les autres options possibles: les auditions menées sur le sujet, et plus particulièrement les entretiens qui
ont eu lieu avec un représentant de la Commission européenne, ont en effet démontré que les représentants de l'UE n'étaient pas hostiles a priori à d'autres formes de coopération, et qu'ils étaient parfaitement disposées à examiner avec pragmatisme toutes propositions que la Suisse voudrait bien leurs soumettre.

4

Auditions: présentation synthétique de thèmes particuliers

4.1

Introduction

Le présent chapitre propose un résumé de l'analyse des principaux domaines politiques présentée lors des auditions. La Commission a ainsi passé en revue les principales questions en suspens qui marqueront le débat sur la politique européenne de la Suisse au cours des prochaines années (les trois options sont présentées comme cas de figure dans chaque chapitre).

5893

4.2

Economie

4.2.1

Répercussions économiques

Adhésion à l'UE

Le coût de l'adaptation est élevé, surtout en raison de la contribution nette dont la Suisse devrait s'acquitter. A court terme, la croissance économique ralentit; à long terme, elle s'accélère sous l'effet d'autres avantages.

EEE

L'EEE permet d'accéder au marché unique sans restriction et a un impact positif.

Accords bilatéraux

Le premier paquet d'accords répond aux principaux voeux de l'économie; une fois entré en vigueur, il aura des effets positifs. Lors du prochain cycle de négociations, la Suisse tentera d'obtenir des améliorations supplémentaires.

Parmi les conséquences économiques d'une adhésion de la Suisse à l'UE, il faut mentionner la contribution nette d'environ quatre milliards que la Suisse aurait à verser, le relèvement de la TVA à 15 %, l'abandon d'une politique monétaire indépendante et l'adoption de la politique extérieure, agricole et sociale communautaire.

A court terme, ces éléments défavoriseraient la place économique suisse et ralentiraient la croissance économique.

Ces désavantages seraient compensés entre autres par les avantages tirés de la reprise de la législation communautaire sur la fiscalité des entreprises, notamment la directive sur les sociétés mères et les filiales, par la baisse de l'impôt sur le revenu et l'augmentation des revenus du capital, par l'augmentation du volume d'activité, par l'amélioration de la compétitivité sous la pression de la concurrence et, dans le domaine des échanges de marchandises, par la suppression de tous les contrôles et formalités aux frontières. Il est toutefois impossible de dire avec certitude quand ces conséquences positives compenseront le coût négatif de départ, ni quelle ampleur elles auront in fine car les chiffres varient selon les calculs.

En cas d'adhésion à l'UE, la place financière suisse, qui est un pan important de l'économie de notre pays, aurait des désavantages à subir. Mais indépendamment de la variante retenue, le secteur financier est déjà soumis aux pressions de l'UE et d'autres partenaires économiques en ce qui concerne le secret bancaire. Il est donc impossible de faire des pronostics à long terme.

Pour les entreprises qui exportent, les trois options sont à peu près équivalentes dans la mesure où ces entreprises ont de toute façon besoin d'un potentiel de croissance à l'étranger. Néanmoins, elles accueilleraient positivement une conclusion rapide du deuxième cycle de négociations bilatérales.

4.2.2

Taxe sur la valeur ajoutée

Adhésion à l'UE

En cas d'adhésion à l'UE, il faut relever le taux de TVA à 15 %. Les taux réduits ne peuvent pas être inférieurs à 5 %.

EEE

Le système fiscal ne relève pas de l'EEE.

5894

Accords bilatéraux

Les accords bilatéraux avec l'UE n'ont pas de répercussions sur la TVA. Il semble actuellement que la poursuite du rapprochement avec l'UE n'aura pas non plus de conséquences dans ce domaine.

A l'heure actuelle, le taux de TVA en Suisse est de 7,6 %, avec des taux réduits à 2,3 % (biens d'usage courant) et 3,5 % (hébergement). Le relèvement de la TVA obligerait à procéder à une refonte du système fiscal suisse.

Il apparaît aujourd'hui déjà qu'une hausse de la TVA pourrait être envisagée pour assurer le financement des institutions sociales. La contribution de la Suisse au budget communautaire pourrait également être financée par la TVA. Néanmoins, le relèvement du taux de TVA rapporterait à la Confédération de très importantes recettes supplémentaires, qu'il faudrait compenser sous une forme ou sous une autre.

On pourrait baisser les impôts directs, au niveau fédéral comme au niveau cantonal.

Il faudrait donc entièrement revoir la répartition des recettes fiscales.

Le transfert de la charge fiscale des impôts directs sur les impôts indirects aurait des conséquences sociales car la TVA, qui est un impôt sur la consommation, est indépendante du revenu tandis que la fiscalité directe, qui obéit à un système de progression, est plus lourde pour les hauts revenus que pour les bas revenus.

4.2.3

Politique monétaire

Adhésion à l'UE

La Suisse adhère à l'Union monétaire européenne et adopte l'euro comme monnaie. Le franc suisse est abandonné.

EEE

Le franc subsiste. L'EEE est concerné par la participation au marché unique dans la mesure où l'euro en est la principale monnaie.

Accords bilatéraux

Le franc subsiste. En raison des liens économiques étroits entre la Suisse et l'UE, l'euro prendra une importance croissante en tant que monnaie officieuse secondaire ou parallèle.

L'adoption de l'euro aurait l'avantage de mettre un terme aux variations de prix dues aux fluctuations des taux de change. De plus, l'union monétaire entraînerait un développement des relations commerciales qui aurait un impact positif sur l'économie. Cet impact ne peut pas être chiffré avec précision. Selon des estimations de la Banque nationale, il pourrait représenter environ 0,25 % du produit intérieur brut.

En adhérant à l'Union monétaire européenne, la Suisse abandonnerait sa politique monétaire indépendante. Elle ne pourrait plus utiliser les taux de change comme instrument de stabilisation.

Le taux de change entre le franc et l'euro est généralement stable alors que le premier n'est pas lié au second. Le franc profite toujours de sa position de monnaie indépendante. Ainsi, par comparaison avec d'autres pays, le secteur financier suisse contribue fortement à la création de richesse.

5895

Ces dernières années, le franc suisse a été globalement plus stable que les monnaies de la zone euro. En s'élargissant à l'Est au cours des prochaines années, l'UE va accueillir des pays économiquement plus faibles ­ qui bénéficieront toutefois de délais de transition parfois très longs avant d'adhérer à l'Union monétaire. Cela devrait renforcer le franc en tant que monnaie indépendante. Si le franc devait devenir une valeur refuge, la pression à la hausse qu'il subirait pourrait devenir problématique et avoir des conséquences négatives pour les entreprises actives à l'exportation.

Tous les Etats membres de l'UE n'ont pas adopté l'euro. La Suisse pourrait-elle adhérer à l'UE sans rejoindre l'Union monétaire? Les experts interrogés ont répondu par la négative car il semblerait que l'UE ne soit pas disposée à accorder des exceptions aux candidats à l'intégration.

4.2.4

Secret bancaire

Adhésion à l'UE

Le secret bancaire doit être adapté aux dispositions communautaires, ce qui l'affaiblit. En particulier, le champ d'application de l'entraide administrative et judiciaire doit être élargi.

EEE

L'EEE n'a pas de réglementation concernant le secret bancaire. Mais la Suisse fait l'objet de pressions étant donné les efforts que fait l'UE pour lutter contre la fraude fiscale.

Accords bilatéraux

Les pressions de l'UE sur la Suisse sont très fortes. Le secret bancaire n'était pas compris dans le premier paquet d'accords et il n'est en principe pas négociable. Certaines adaptations dans le domaine de la coopération judiciaire seront cependant inévitables.

Par les décisions prises lors du sommet de Santa Maria da Feira en juin 2000, l'UE a exprimé la volonté politique de supprimer le secret bancaire envers les autorités fiscales à l'issue d'un délai de transition de huit ans et de mettre en place un système général d'échange d'informations. L'Union veut ainsi éviter que l'épargne n'échappe à l'imposition dans son pays d'origine grâce à des placements à l'étranger. Ce système englobera les places financières extérieures à l'UE. La Suisse est donc directement concernée.

Reste à savoir si l'UE se déclarera satisfaite par les mesures «équivalentes» proposées par la Suisse (prélèvement d'un impôt à la source et restitution des montants collectés aux Etats membres) ou si elle persistera à vouloir inclure la Suisse dans son système d'échange d'informations.

Environ la moitié de l'activité de gestion de fortune réalisée par les instituts financiers suisses porte sur des avoirs d'investisseurs étrangers. L'attrait de la place financière suisse est dû à la stabilité du franc suisse, aux performances et au service des intermédiaires financiers ainsi qu'au secret bancaire. Il est impossible d'évaluer avec précision la part que représente le secret bancaire dans ces avantages, mais elle est vraisemblablement importante. En conséquence, si la différence entre la Suisse et l'étranger dans la protection de la discrétion venait à diminuer, la place financière suisse deviendrait moins intéressante pour certaines catégories d'investisseurs. Cela

5896

aurait pour l'ensemble de l'économie des conséquences qu'il est impossible de quantifier.

Reste à savoir si l'UE aura déjà mis en place son système d'échange d'informations au moment d'une éventuelle adhésion de la Suisse. Dans la négative, la Suisse, si elle était membre de l'UE, pourrait faire échec à ce projet en vertu du principe de l'unanimité.

Dans le deuxième cycle de négociations bilatérales, le secret bancaire sera concerné par les dossiers portant sur la fiscalité de l'épargne, sur l'accord de Schengen et sur les services. Il donnerait également lieu à des pressions si des négociations étaient entamées en vue d'une éventuelle adhésion à l'EEE. Les différentes options ont donc des répercussions moins variables que l'on pouvait le supposer avant les décisions de Santa Maria da Feira.

4.2.5

Taux d'intérêt

Adhésion à l'UE

Les taux d'intérêt sont relevés pour atteindre le niveau de l'UE.

EEE

Le bonus actuel d'environ 1,5 % des taux d'intérêt devrait subsister.

Accords bilatéraux

Le bonus actuel d'environ 1,5 % des taux d'intérêt devrait subsister.

La convergence des taux d'intérêt au sein de l'UE est une conséquence de l'Union monétaire. Si la Suisse adhérait à l'Union monétaire, les perspectives d'appréciation du franc, qui ont contribué à faire baisser les taux d'intérêt, cesseraient d'exister.

Les auditions n'ont pas permis de déterminer de manière concluante si le bonus des taux d'intérêt subsisterait ou non. Une partie des experts était toutefois d'avis qu'un écart d'environ 0,25 % devrait subsister en cas d'adhésion à l'UE car une grande stabilité sociale et politique règne en Suisse et le risque d'inflation est faible. Le secret bancaire ne joue aucun rôle à cet égard.

4.2.6

Contrôles douaniers

Adhésion à l'UE

L'intégration dans l'union douanière entraîne la suppression des droits de douane et des contrôles en ce qui concerne les Etats membres de l'UE.

EEE

L'EEE n'est pas une union douanière: les droits de douane et les contrôles douaniers sont maintenus à leur niveau actuel.

Accords bilatéraux

Les contrôles de marchandises subsistent à leur niveau actuel.

L'adhésion à l'UE entraînerait la suppression des droits de douane à l'importation dans l'UE, ce qui serait positif pour les entreprises suisses qui exportent. Inversement, il y aurait une diminution du produit des droits de douane sur les importations en provenance de l'UE. Les seuls droits de douane qui existent encore entre la Suisse et l'UE portent presque uniquement sur le secteur agricole. La suppression des formalités douanières permettrait de faire des économies.

5897

Le tarif douanier communautaire est à peine plus élevé que celui de la Suisse. Son adoption aurait donc peu de répercussions sur les échanges avec les pays tiers. La Suisse bénéficierait des accords de libre-échange que l'UE a conclu et conclura avec de nombreux pays, sauf si elle a déjà passé elle-même des accords de ce type avec les pays concernés.

4.2.7

Politique agricole

Adhésion à l'UE

La politique agricole commune est adoptée en intégralité.

EEE

Les dispositions en la matière sont adaptées en permanence dans le cadre du marché unique.

Accords bilatéraux

Le premier paquet comprend un accord sur l'agriculture.

Les produits agricoles transformés font partie du prochain cycle de négociations.

En cas d'adhésion à l'UE, les prix des produits agricoles baisseraient fortement; cette baisse concernerait à la fois les revenus des producteurs et les prix à la consommation. Il faudrait réduire les subventions ou les remplacer par d'autres instruments de la politique agricole commune. Les paiements directs associés à des contraintes écologiques resteraient possibles, mais ils ne pourraient plus compenser totalement les pertes de gain. Il serait envisageable et possible de trouver des solutions particulières pour les régions de montagne et les régions périphériques (voir l'Autriche et la Scandinavie).

L'ouverture totale des marchés offrirait à l'agriculture et à l'industrie agroalimentaire suisses des débouchés pour leurs produits haut de gamme («produits de niche»). Les obstacles non douaniers aux échanges, comme les contrôles aux frontières, les contrôles vétérinaires, etc., seraient supprimés. La protection des appellations d'origine est une priorité pour l'UE comme pour la Suisse.

De plus en plus, le domaine de l'agriculture est régi par les règles de l'OMC, qui s'appliquent à la Suisse indépendamment de sa politique européenne. En conséquence, la pression sur le secteur agricole ne fera que s'accroître, d'autant que l'accord bilatéral sur l'agriculture contient une clause d'évolution.

4.3

Fédéralisme

Interrogée sur les conséquences possibles d'une adhésion à l'UE pour les cantons, la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC) a présenté un rapport complet intitulé: «Les cantons face au défi de l'adhésion à l'Union européenne. Rapport du groupe de travail ».

Pour des raisons méthodologiques, le présent chapitre examine d'abord la structure fédéraliste de la Suisse en tant que telle avant d'en venir à la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons.

5898

4.3.1

Structure fédéraliste

Adhésion à l'UE

Pas de répercussions directes. Le Traité de Nice reconnaît expressément les unités composant les Etats fédéraux.

EEE

Pas de répercussions directes.

Accords bilatéraux

Pas de répercussions directes.

Aucune des trois options étudiées ne remet en question la structure fédéraliste de la Suisse sur le plan formel. Cependant, quelle que soit la démarche d'intégration retenue, il faut tenir compte du fait que l'UE devient un quatrième niveau de décision, qui s'ajoute aux trois niveaux existants (Confédération, cantons et communes).

Il faut veiller à ce que les cantons puissent continuer à participer à la politique étrangère. En tout état de cause, les cantons doivent en partie raccourcir et simplifier leurs processus de décision.

Lors des auditions, il a été suggéré d'envisager la création d'institutions autres que la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC). Le Conseil des Etats représente l'élément fédératif au Parlement, mais pas les cantons. Ce point pourrait éventuellement être affiné au moyen des instruments offerts par la loi sur la participation des cantons. Dans le passé, le rapport entre les prises de position des conférences des chefs de département cantonaux et celles de la CdC n'a pas toujours été clair, d'autant qu'elles étaient souvent divergentes. En décembre 2001, l'assemblée plénière de la CdC a adopté un règlement-cadre portant sur la méthode de travail des cantons et des conférences des chefs de département cantonaux dans le domaine de la collaboration entre la Confédération et les cantons.

Les petits cantons n'ont généralement pas les ressources en personnel nécessaires pour suivre de près les questions relevant de la politique d'intégration. Un autre problème tient à l'extrême brièveté des délais disponibles pour consulter les cantons dans certains cas. Lors d'une audition, il a été proposé d'examiner les possibilités de renforcer la coopération régionale entre cantons pour faciliter la résolution de ce problème pratique.

4.3.2

Répartition des tâches entre la Confédération et les cantons

Adhésion à l'UE

Dans les domaines régis par le droit communautaire, les cantons perdent des compétences. Ils doivent appliquer la législation européenne, sous le contrôle de la Confédération.

EEE

La répartition des tâches est partiellement touchée, par exemple dans les secteurs des services et de la circulation des personnes.

Accords bilatéraux

Le premier paquet d'accords lie en partie aussi les cantons.

Le deuxième cycle de négociations comporte des sujets qui sont du ressort des cantons.

En cas d'adhésion, les cantons perdraient des compétences dans les domaines qui relèvent des attributions de l'UE. Les domaines concernés sont notamment la lutte contre la criminalité, la promotion économique, l'aménagement du territoire, la

5899

prévention dans la santé publique, la sécurité sociale, la culture, l'éducation et la formation. A contrario, les cantons auraient des tâches nouvelles, principalement dans le domaine de l'application de la législation communautaire. La Confédération serait tenue de renforcer son contrôle sur les cantons.

Les cantons conserveraient une certaine liberté d'action. Celle-ci sera-t-elle à même de compenser les compétences perdues ou les nouvelles tâches ne feront-elles qu'alourdir la charge des cantons? Les avis entendus sur la question lors des auditions étaient partagés.

L'introduction du taux de TVA en vigueur dans l'UE obligerait à revoir la répartition des recettes fiscales. Cela aurait des répercussions sur la péréquation financière.

Le fédéralisme pourrait être touché au coeur. Il est également prévisible que l'adhésion aurait un impact variable selon les cantons, en fonction de leurs liens économiques avec l'UE.

Au cours du premier cycle de négociations bilatérales, il est apparu clairement que les cantons avaient besoin de davantage de possibilités de participer à la politique étrangère car ils étaient également concernés par les thèmes des négociations. La loi fédérale élaborée suite à ce constat est déjà appliquée au deuxième cycle de négociations, mais elle ne fonctionne pas de manière satisfaisante dans la pratique. Les nouvelles négociations portent directement sur des compétences cantonales, notamment en ce qui concerne la participation de la Suisse à l'accord de Schengen et à la convention de Dublin. Il en va de même des dossiers «Services» et «Education, formation, jeunesse».

Les trois options envisagées ont donc toutes un impact sur la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons; la seule différence réside dans l'importance de cet impact.

4.4

Démocratie directe

La conscience démocratique en Suisse est marquée par le droit d'initiative et de référendum, qui donne aux citoyennes et aux citoyens une souveraineté encore plus grande que le droit de vote. Les droits démocratiques sont perçus non seulement comme des instruments de participation à une réflexion et à une action, mais aussi comme une responsabilité conjointe envers les institutions créées. Cet aspect de la question a sans cesse été rappelé lors des auditions. Le fait d'abandonner ne seraitce qu'une partie de ces droits représenterait un bouleversement profond car cela serait ressenti comme une perte de souveraineté. D'autres participants au débat ont rétorqué que l'influence de l'UE sur les événements économiques et politiques dans notre pays est déjà tellement importante que la Suisse est obligée, pour des raisons pratiques, d'adopter de nombreuses dispositions communautaires, ce qui constitue également une perte de souveraineté.

5900

4.4.1

Compétences communautaires

Adhésion à l'UE

Le droit communautaire est de rang supérieur et il est directement applicable. L'initiative et le référendum sont possibles sur le plan formel, mais avec des restrictions matérielles.

EEE

L'initiative et le référendum sont possibles selon les modalités en vigueur actuellement.

Accords bilatéraux

L'initiative et le référendum sont possibles selon les modalités en vigueur actuellement.

La politique douanière et commerciale, la politique agricole et la politique en matière de concurrence sont des compétences exclusivement communautaires; en cas d'adhésion à l'UE, elles seraient donc exercées conjointement. Les possibilités de modulation au stade de l'application sont restreintes. Les instruments de la démocratie directe pourraient rester en usage, mais seulement à condition de ne pas aboutir à des résultats non conformes au droit communautaire et seulement pour exploiter les marges de manoeuvre laissées par le droit communautaire. On peut supposer que l'UE cherchera à étendre encore ses attributions au cours des années à venir, ce qui aurait de nouvelles répercussions sur la démocratie directe en Suisse.

Dans les domaines couverts par l'EEE et les accords bilatéraux, l'initiative et le référendum restent applicables comme avant. Aujourd'hui déjà, ils sont limités dans leurs effets s'ils contreviennent à des engagements internationaux de la Suisse. Ainsi, si la Suisse était membre de l'EEE, il serait impossible d'édicter des textes de loi contraires au traité sur l'EEE, de même qu'il est exclu d'adopter des lois qui saperaient les accords bilatéraux en vigueur.

4.4.2

Autres domaines

Adhésion à l'UE

Les Etats membres ont des marges de manoeuvre variables pour appliquer les directives dans les droits nationaux.

L'initiative et le référendum sont possibles, sans pouvoir exclure quelques restrictions matérielles.

EEE

L'initiative et le référendum sont possibles selon les modalités en vigueur actuellement, pour autant qu'ils ne portent pas sur les domaines du droit couverts par l'EEE.

Accords bilatéraux

L'initiative et le référendum sont possibles selon les modalités en vigueur actuellement.

Dans de nombreux domaines politiques (dont le libre passage, la libre circulation des services et des capitaux, l'asile, l'immigration, la politique sociale, l'environnement), les compétences communautaires côtoient les compétences des Etats membres. De ce fait, les Etats membres jouissent d'une importante liberté d'action dans la mise en oeuvre du droit communautaire. Toutefois, cette mise en oeuvre ne doit pas être contraire au droit communautaire. L'initiative et le référendum resteraient possibles et continueraient de présenter un intérêt.

5901

Les questions d'éducation, de formation professionnelle, de santé publique et de culture restent du ressort des Etats membres. Les politiques sont coordonnées ou éventuellement organisées dans le cadre de la coopération intergouvernementale.

L'initiative et le référendum seraient possibles selon les modalités en vigueur actuellement et continueraient de présenter un intérêt.

Lors des auditions, il a été rappelé que les Etats membres sont conscients du déficit de démocratie dont souffre l'UE. Le traité de Nice tente d'en tenir compte en présentant la perspective d'une plus grande intégration des citoyens et de la société civile dans les processus de décision. Reste à savoir si les mesures qui seront prises dans ce sens parviendront à atténuer le malaise actuel.

4.4.3

Droit de vote

Adhésion à l'UE

Les ressortissants de l'UE ont, dans tous les Etats membres, le droit de voter et de se présenter aux élections communales ainsi qu'à l'élection au Parlement européen.

EEE

Le droit de vote n'est pas concerné.

Accords bilatéraux

Le droit de vote n'est pas concerné.

En cas d'adhésion à l'UE, les ressortissants de l'UE établis en Suisse auraient le droit de voter et de présenter leur candidature aux élections communales, mais pas celui de participer aux votations. Le droit de se présenter aux élections communales peut être limité dans des circonstances déterminées. Il en irait de même des ressortissants suisses établis dans les pays de l'UE. De plus, tous les ressortissants de l'UE établis dans un pays de l'UE ont le droit de voter et de se présenter à l'élection au Parlement européen.

4.5

Justice et affaires intérieures

4.5.1

Droits fondamentaux

Adhésion à l'UE

La Suisse peut apporter sa contribution à l'évolution de la Charte des droits fondamentaux et des rapports entre la Charte et la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH).

Elle participe de plein droit à la politique communautaire dans le domaine des droits de l'homme.

EEE

Répercussions indirectes éventuelles sur la politique menée envers des Etats tiers dans le domaine des droits de l'homme.

Accords bilatéraux

Pas de répercussions.

Le renforcement de la coopération policière et de l'entraide judiciaire impose d'améliorer la protection des droits fondamentaux dans l'UE. Cela crée une concurrence avec le Conseil de l'Europe. Si elle était membre de l'UE, la Suisse pourrait participer directement à cette évolution.

5902

En l'état actuel des relations, l'UE attend de ses partenaires de l'EEE qu'ils partagent sa politique en matière de droits de l'homme. Si, en revanche, elle était membre de l'UE, la Suisse pourrait exercer une influence sur cette politique et, inversement, elle serait liée par la coordination de l'UE.

4.5.2

Politique en matière de visas

Adhésion à l'UE

Suppression des contrôles aux frontières, intégration dans l'espace Schengen. La Suisse participe à la politique de l'UE en matière de visas et entrerait dans le réseau de coopération des consulats de l'UE.

EEE

Pas de répercussions.

Accords bilatéraux

Pas de répercussions à l'issue du premier cycle de négociations. En cas d'association à l'espace Schengen, adoption de la politique communautaire en matière de visas et reconnaissance réciproque des visas.

L'entrée de la Suisse dans l'espace Schengen serait intéressant pour le secteur suisse du tourisme et pour les voyageurs d'affaires. Aujourd'hui, les personnes venant des autres continents ont généralement besoin d'un visa pour l'espace Schengen, plus un visa séparé pour la Suisse. Cela conduit un nombre non négligeable de touristes et de voyageurs d'affaires à éviter la Suisse lorsqu'ils parcourent l'Europe. La Suisse s'accorde la facilité de reconnaître le visa de Schengen pour les ressortissants de certains Etats, ce qui est une perte de souveraineté.

La participation à la politique communautaire en matière de visas serait intéressante pour des raisons de politique de sécurité. Les consulats des pays de l'UE travaillent en étroite collaboration dans chaque pays et échangent des informations sur les documents falsifiés, les passeurs, etc.

En cas d'adhésion à l'UE, la Suisse ne pourrait plus pratiquer de politique indépendante en matière de visas; dans la pratique, sa politique est très analogue à celle de l'UE. De plus, la Suisse pourrait contribuer directement à la politique de l'UE en matière de visas et aux mesures prises dans ce domaine.

Dans le cas d'une solution bilatérale, c'est-à-dire une association à l'espace Schengen, il faudrait également reprendre en totalité la politique communautaire en matière de visas (y compris le visa unique) étant donné que le contrôle des personnes aux frontières serait aboli. Le contrôle des marchandises aux frontières serait maintenu. De plus, la Suisse n'aurait pas les mêmes possibilités de participation qu'en tant que membre de l'UE (influence sur les décisions en phase préparatoire ou «decision shaping», au lieu d'une véritable participation aux décisions).

4.5.3

Politique en matière de migration

Adhésion à l'UE

Participation à l'élaboration d'une politique de migration commune.

EEE

Pas de participation formelle à l'élaboration d'une politique de migration commune.

5903

Accords bilatéraux

Pas de participation formelle à l'élaboration d'une politique de migration commune.

Si elle était membre de l'UE, la Suisse pourrait participer pleinement à l'élaboration et au développement de la politique européenne en matière de migration, qui en est encore au stade embryonnaire. La politique de migration dépassant le cadre de l'acquis de Schengen, il est improbable que la Suisse ait une possibilité de participation par la voie bilatérale.

Bien que ce domaine soit une compétence communautaire depuis le traité d'Amsterdam, toutes les décisions en matière de migration, de visa et d'asile restent soumises au principe de l'unanimité. Ce long délai de transition a été choisi en raison du caractère délicat de la matière. La décision d'intégrer ce domaine dans le premier pilier sera revue en 2004. Cette nouvelle décision sera également soumise au principe de l'unanimité. Dans la négative, la réglementation de transition sera reconduite.

4.5.4

Politique en matière d'asile

Adhésion à l'UE

Participation à l'élaboration d'un système d'asile européen.

EEE

Pas de répercussions.

Accords bilatéraux

Pas de répercussions à l'issue du premier cycle. Deuxième cycle: négociation en vue d'obtenir une participation partielle à l'élaboration des règles de compétences concernant les demandes d'asile reçues (convention de Dublin) ainsi qu'aux échanges de données afférents (EURODAC).

Pour les requérants d'asile, qui ne peuvent déposer qu'une seule et unique demande d'asile dans l'ensemble de l'UE, la Suisse est actuellement la seule autre possibilité d'entrée en Europe de l'Ouest. Si elle adhérait à l'UE, la Suisse pourrait s'intégrer totalement dans le système d'asile européen et participer à l'élaboration de la politique communautaire en la matière.

La politique communautaire, qui s'étend aux domaines connexes à l'asile, comprend notamment des mesures d'octroi d'une protection temporaire: elles permettront d'accorder un droit de séjour temporaire aux réfugiés déplacés en masse par des faits de guerre. Elles prévoient également la répartition entre tous les Etats membres des charges supportées par les Etats qui accueillent des réfugiés. Le Fonds européen pour les réfugiés est le premier instrument créé pour assurer la péréquation de ces charges. Des mesures autonomes ne permettront à la Suisse de compenser que de manière très limitée les inconvénients qu'elle aura à subir dans ce domaine du fait de sa non-adhésion à l'UE.

Il est tout à fait envisageable d'obtenir une association à la convention de Dublin (pays de premier asile) par la voie bilatérale. Le Conseil fédéral a donné un mandat de négociation dans ce sens. Cela permettrait au moins à la Suisse de ne pas rester isolée, sans pour autant être intégrée dans la politique européenne en matière d'asile (définition du statut de réfugié, harmonisation des procédures d'asile, Fonds européen pour les réfugiés, etc.).

5904

4.5.5

Coopération policière

Adhésion à l'UE

Participation à la coopération en matière de sécurité intérieure (Schengen) et à Europol: accès direct aux informations, fonctionnaires suisses au sein d'Europol, participation aux équipes d'analyse, participation à la future académie de police européenne et à la task force des responsables des services de police européens.

EEE

Pas de répercussions.

Accords bilatéraux

Pas de répercussions à l'issue du premier cycle. Deuxième cycle: négociation d'une association à Schengen et à Europol, renforcement de la coopération policière.

La participation au système européen de sécurité intérieure contribue à l'efficacité de la protection contre le crime organisé et le terrorisme international. Cela est aujourd'hui plus évident que jamais. Si elle était membre de l'UE, la Suisse serait totalement intégrée dans le réseau d'information qui relie les Etats membres.

Une association à l'espace Schengen permettrait au moins à la Suisse de participer à la coopération policière opérationnelle et aux échanges d'informations (notamment au système SIS). Il existe déjà un accord de coopération avec Europol. Adhérer à l'UE apporterait deux avantages supplémentaires: l'accès à la coopération stratégique (task force des responsables des services de police européens) et, dans le cadre d'Europol, la participation aux équipes d'analyse et la possibilité d'avoir des fonctionnaires au sein d'Europol (et non pas de simples agents de liaison, sans accès direct à l'information). La coopération policière bilatérale devrait être renforcée en raison de la suppression des frontières intérieures. Les experts interrogés pensent que cela fera progresser nettement la sécurité.

4.5.6

Entraide judiciaire

Adhésion à l'UE

Participation à la politique communautaire en matière d'entraide judiciaire. Participation à Eurojust.

EEE

Pas de répercussions.

Accords bilatéraux

Pas de répercussions à l'issue du premier cycle. Deuxième cycle: adoption des dispositions de Schengen concernant l'entraide judiciaire, y compris en matière d'extradition, participation éventuelle à Eurojust (non compris dans Schengen).

Les Etats membres ont renforcé leur système d'entraide judiciaire en partant des instruments développés dans ce domaine par le Conseil de l'Europe. Une partie des règles pertinentes sont considérés comme une évolution de l'acquis de Schengen et, à ce titre, devraient être repris en cas d'association. Reste à savoir comment se présenterait l'entraide judiciaire dans le domaine fiscal.

En tant que membre de l'UE, la Suisse pourrait participer directement à la politique communautaire en matière d'entraide judiciaire. Ce domaine est soumis à la règle de l'unanimité. Il serait également plus facile de conclure des alliances avec des Etats 5905

ayant une convergence de vues en étant à l'intérieur de l'UE. La voie bilatérale aurait pour principal inconvénient que les modalités de participation seraient inégales, en particulier pour la définition du futur acquis communautaire.

4.5.7

Lutte contre la drogue

Adhésion à l'UE

Coopération dans la lutte contre la criminalité liée à la drogue, participation à l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies.

EEE

Pas de répercussions.

Accords bilatéraux

Pas de répercussions à l'issue du premier cycle. Deuxième cycle: coopération dans la lutte contre la criminalité liée à la drogue, via Europol entre autres.

En tant que membre de l'UE, la Suisse pourrait agir sur la stratégie européenne de lutte contre la drogue. Par la voie bilatérale, la coopération se limiterait vraisemblablement à Europol. Une participation à l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies n'est pas à l'ordre du jour des discussions.

4.6

Politique étrangère et de sécurité

4.6.1

Politique étrangère commune

Adhésion à l'UE

Participation à la PESC selon les dispositions du traité sur l'UE. La Suisse profite du plus grand poids de l'UE dans les relations internationales, aussi bien sur le plan politique qu'en matière commerciale.

EEE

L'accord EEE ne couvre pas le domaine de la politique étrangère. Toutefois, il prévoit la conduite d'un dialogue politique institutionnalisé UE-EEE (dont la portée pratique est extrêmement limitée).

Accords bilatéraux

La Suisse entretient, sur une base ad hoc, un dialogue politique informel avec la présidence de l'UE. En outre, elle participe à la Conférence européenne en tant que «membre désigné».

Bien que l'accord EEE ne couvre pas le domaine de la politique étrangère, l'UE offre aux Etats du pilier AELE de l'EEE la possibilité de soutenir ses déclarations en matière de politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et attend dans une certaine mesure un tel soutien.

L'adhésion à l'UE ne devrait pas poser de problème particulier, car les objectifs de la politique étrangère suisse et ceux de la PESC se recouvrent d'ores et déjà largement.

5906

L'UE entretient des relations institutionnalisées avec de nombreux pays, dont les plus importants. La Suisse bénéficierait des accords conclus par l'UE avec ces Etats tiers. Les risques de discrimination qui existent actuellement ­ en particulier en matière commerciale ­ disparaîtraient.

4.6.2

Politique de sécurité commune

Adhésion à l'UE

Participation à la PESD selon les dispositions du traité sur l'UE. Possibilité de participer sur un pied d'égalité aux aspects civils et militaires des futures missions de gestion des crises de l'UE.

EEE

L'accord EEE ne couvre pas le domaine de la politique de sécurité.

Accords bilatéraux

L'UE étant ouverte à la coopération avec des Etats tiers en matière de PESD, la Suisse peut proposer une contribution aux aspects civils et/ou militaires des futures missions de gestion des crises.

Tous les Etats membres de l'UE, qu'ils fassent ou non partie d'une alliance militaire, participent aux décisions en matière de politique de sécurité et de défense (PESD) sur un pied d'égalité (sauf le Danemark. L'un des opting-outs dont cet Etat bénéficie depuis son vote négatif sur le traité de Maastricht concerne la politique de sécurité et de défense).

4.6.3

Questions relatives à la neutralité

Adhésion à l'UE

Actuellement, un Etat neutre peut adhérer, sans renoncer à sa neutralité, à l'UE telle qu'elle se présente aujourd'hui.

EEE

L'EEE ne concerne pas les questions de neutralité. Au cas où l'UE adopte des sanctions économiques à l'égard d'un Etat tiers, elle peut toutefois être amenée à exercer une certaine pression sur les Etats du pilier AELE de l'EEE pour qu'ils s'y rallient.

Accords bilatéraux

La pression que l'UE pourrait être amenée à exercer en cas d'adoption de sanctions à l'égard d'un Etat tiers est probablement moins forte que dans l'option de l'adhésion à l'EEE.

Dans les deux cas où l'UE a imposé des sanctions non militaires à l'égard d'un Etat tiers sans résolution onusienne correspondante (ex-Yougoslavie en 1998 [sauf embargo aérien et embargo sur le pétrole] et Myanmar en 2000), la Suisse les a reprises de façon autonome. Le droit de la neutralité n'impose en principe pas d'obligations dans le domaine économique.

En matière de politique étrangère et de sécurité de l'UE, les décisions se prennent généralement à l'unanimité. Suivant les cas, la possibilité d'opposer un veto ­ qui, juridiquement, existe toujours en cas de prise de décision à l'unanimité ­ pourrait

5907

toutefois être limitée dans les faits par le principe de solidarité mutuelle qui soustend les activités des Etats membres de l'UE.

Le développement de la PESD ne concerne pour l'heure que la gestion des crises et non la défense territoriale. Lorsque l'UE décidera de lancer une opération de gestion des crises, chaque Etat membre sera libre de participer ou non à cette opération.

Même s'il n'est pas question pour l'instant de passer à une défense commune, un tel développement ne peut pas être totalement exclu à long terme. Le cas échéant, cette décision devrait être prise à l'unanimité par le Conseil européen et approuvée par tous les Etats membres selon leurs exigences constitutionnelles respectives. La Suisse devrait alors comparer les garanties offertes par le maintien de la neutralité avec celles offertes par le nouveau dispositif européen de sécurité, et définir sa position en conséquence. La neutralité ne constitue pas un but en soi, mais un moyen d'assurer la sécurité et l'indépendance du pays.

4.7

Politique sociale

4.7.1

Droit social

Adhésion à l'UE

La Suisse reprend toutes les dispositions de l'UE.

EEE

La Suisse reprend toutes les dispositions de l'UE.

Accords bilatéraux

A ce jour, les négociations bilatérales n'ont pas de répercussions dans ce domaine.

Dans le système du marché unique européen, le droit social fait partie des politiques dites d'accompagnement, qui soutiennent la réalisation des quatre libertés (libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux). Le droit social communautaire englobe les domaines législatifs suivants: santé et sécurité sur le lieu de travail, droit du travail au sens strict, égalité entre femmes et hommes. Les dispositions communautaires en la matière ont été totalement intégrées dans l'EEE alors qu'elles sont restées totalement exclues des accords bilatéraux entre la Suisse et l'UE.

Sur le plan matériel, le droit social communautaire ne présente pas de différences fondamentales avec le droit suisse. Ces dernières années, la législation suisse a évolué pour se rapprocher des dispositions communautaires dans de nombreux domaines (loi sur l'égalité; Swisslex, dont modifications du CO et adoption de la loi sur la participation; ordonnances portant application des lois sur le travail et sur l'assurance-accidents).

Les exceptions les plus importantes à cette convergence sont les dispositions en vigueur dans l'UE concernant le congé maternité et le congé parental ainsi que le temps de travail. Le congé maternité accordé par la législation suisse (8 semaines) est nettement plus court que celui prévu par la législation européenne (14 semaines); de plus, la législation suisse ne garantit pas le paiement du salaire. Il n'existe pas en Suisse de droit au congé parental. La loi sur le travail, qui vient d'être révisée, prévoit toujours des durées hebdomadaires de travail maximales de 45 à 50 heures, plus les heures supplémentaires, alors que la législation européenne part sur une moyenne de 48 heures, heures supplémentaires comprises. Il y a également des différences dans la réglementation du travail de nuit.

5908

Structurellement, il existe des différences importantes qui, en cas d'adhésion à l'UE ou à l'EEE, obligeraient à procéder à des adaptations. Par exemple, les domaines de la sécurité sur le lieu de travail et de la protection de la santé sur le lieu de travail sont considérés comme un tout et réglés par les mêmes directives, alors qu'en Suisse ils sont répartis entre la loi sur le travail et la loi sur l'assurance-accidents. De plus, les dispositions communautaires sont applicables dans la totalité des secteurs d'activités alors qu'en Suisse le champ d'application des dispositions pertinentes, en particulier la loi sur le travail, prévoient des exceptions, par exemple l'agriculture.

D'une manière générale, les règles communautaires sont plus détaillées que les dispositions en vigueur en Suisse, ce qui imposerait un certain nombre d'adaptations mineures, d'ordre généralement technique.

Les dispositions sur l'égalité entre femmes et hommes sont largement convergentes.

L'interdiction des discriminations, par contre, a un sens plus large dans l'UE dans la mesure où elle vise explicitement les discriminations fondées sur la race, la religion, un handicap, l'âge et l'orientation sexuelle.

4.7.2

Sécurité sociale

Adhésion à l'UE

La Suisse reprend les dispositions de l'UE.

EEE

La Suisse reprend les dispositions de l'UE.

Accords bilatéraux

L'accord sur la libre circulation des personnes intègre largement la Suisse dans le système en vigueur dans l'UE.

L'accord sur les services faisant partie du deuxième cycle de négociations fera avancer l'intégration.

La différence entre les trois options étudiées est pour ainsi dire négligeable puisque la Suisse adoptera la quasi totalité du système européen de sécurité sociale une fois que l'accord sur la libre circulation des personnes sera entré en vigueur. Cet accord prévoit la participation de la Suisse à l'évolution des dispositions en la matière.

Les assurances sociales font partie des domaines politiques laissés à la coordination des Etats membres, qui conservent donc leur liberté d'action. Par conséquent, l'harmonisation ne progresse que lentement.

La révision en cours de la loi sur la prévoyance professionnelle (LPP) permettra d'éliminer les différences qui subsistent. Le cas de l'assurance maternité n'est pas réglé.

4.8

Direction de l'Etat

4.8.1

Réforme du gouvernement

Adhésion à l'UE

Avec ses sept membres, le gouvernement n'a pas l'effectif suffisant pour représenter convenablement la Suisse aux réunions du Conseil européen.

EEE

Au sein de l'EEE, la Suisse exerce une influence au stade de la préparation des décisions par les fonctionnaires, ce qui augmente l'influence de l'administration.

5909

Accords bilatéraux

Le contenu du premier et du deuxième paquet d'accords bilatéraux requiert une coordination intensive.

Il est indispensable de procéder à la réforme du gouvernement, quelle que soit la future politique d'intégration européenne de la Suisse. Cette nécessité découle entre autres du processus de mondialisation, qui impose d'intensifier la coordination dans les relations intérieures comme dans les relations extérieures.

Dans l'UE, l'organisation du gouvernement est l'affaire de chaque Etat membre.

Cependant, leur structure doit leur permettre d'assumer correctement leurs obligations de membres de l'UE. En cas d'adhésion, la Suisse devrait augmenter le nombre de ses ministres car un gouvernement composé de sept membres seulement ne serait pas en mesure de participer à la centaine de réunions du Conseil des ministres dans ses diverses compositions tout en assumant ses obligations à l'intérieur du pays. L'adhésion à l'UE renforcerait la position politique du Conseil fédéral car les décisions prises au sein du Conseil des ministres ont une valeur obligatoire sur les plans politique et juridique.

Il faudrait également renforcer la position de la présidente ou du président de la Confédération. Les institutions communautaires établissent une distinction claire entre les ministres, d'une part, et les chefs d'Etat et de gouvernement, d'autre part.

Cela pourrait mettre dans une position ambiguë un représentant suisse qui exercerait les deux fonctions. De plus, la personne concernée ne pourrait assumer cette double charge qu'avec de grandes difficultés. Enfin, la continuité de la représentation extérieure de la Suisse pourrait pâtir du fait que le chef de l'Etat change chaque année.

En Suisse, l'administration joue un rôle très important. Lors des auditions, il a été avancé que ce sont en fait les départements qui assument la direction politique des affaires. Il faudrait renforcer la position dirigeante du Conseil fédéral en tant qu'institution. Les structures actuelles ne sont pas adaptées à la participation à une organisation supranationale telle que l'UE. Elles ont déjà atteint certaines limites lors des négociations bilatérales en raison de l'intensité de la coordination requise.

Ces réflexions sont également valables en cas d'adhésion à l'EEE.

Dans l'EEE, les Etats non membres de l'UE exercent une influence sur les décisions au stade de leur préparation par des experts ou des fonctionnaires (decision
shaping). Cela augmenterait encore l'influence de l'administration.

La réforme du gouvernement est engagée. Le message afférent a été approuvé par le Conseil fédéral en décembre 2001.

4.8.2

Rôle du Parlement

Adhésion à l'UE

Le Parlement se dote d'une commission permanente chargée des affaires européennes.

EEE

Le Parlement prend part aux processus de décision selon les modalités de participation actuellement en vigueur.

Accords bilatéraux

Le Parlement prend part aux processus de décision selon les modalités de participation actuellement en vigueur.

5910

En cas d'adhésion à l'UE, il faudrait instituer une commission permanente chargée des affaires européennes. Hormis cela, les instruments qui existent pour assurer la participation du Parlement à la politique étrangère sont en principe suffisants pour les trois options étudiées et ils devraient être renforcés par la nouvelle loi sur le Parlement.

L'Assemblée fédérale a un position institutionnelle forte: elle est compétente pour la législation et pour les finances de la Confédération et elle élit le gouvernement. En Suisse, la séparation des pouvoirs est pratiquée avec une grande rigueur, ce qui renforce la position du législatif. Or, le rapprochement avec l'UE irait plutôt dans le sens d'un affermissement de l'exécutif car c'est à ce niveau que doivent être prises de nombreuses décisions. Pour compenser, le Parlement pourrait fixer à l'avance la marge de manoeuvre du Conseil fédéral.

Pour le Parlement suisse, qui est une organisation de milice, la participation accrue à la politique étrangère représente un surcroît de travail qui atteint les limites du système. Cela est vrai dans les trois options étudiées car le Parlement devra s'occuper de plus en plus de questions relatives à la politique européenne.

5

Conclusions et recommandations sur la suite à donner

Les auditions ont permis à la Commission d'obtenir une vue d'ensemble des questions en suspens qui marqueront le débat européen en Suisse au cours des années à venir. Compte tenu de la diversité et de la complexité des thèmes, il était impossible de les étudier en détail. La Commission estime donc que l'Assemblée fédérale et le Conseil fédéral doivent approfondir et poursuivre le travail.

La Commission pense qu'il faut poursuivre le rapprochement avec l'Union européenne. Compte tenu, entre autres raisons, du résultat obtenu par l'initiative «Oui à l'Europe!» le 4 mars 2001, la voie bilatérale est actuellement l'option la plus facile à adopter et la seule capable de réunir une majorité. La Commission considère qu'il est impossible, sans pressions économiques ou politiques, de trouver à brève échéance une majorité favorable à l'adhésion à l'EEE ou à l'UE.

Les avis des membres de la Commission divergent sur la voie à emprunter à longue échéance, même s'ils sont d'accord pour dire qu'aucune décision ne s'impose à courte ou moyenne échéance en faveur de l'une ou l'autre option. Une partie des membres de la Commission soutient l'objectif du Conseil fédéral d'adhérer à l'UE dans une perspective à long terme. La majorité de la Commission estime que cette décision doit intervenir ultérieurement, une fois que l'évolution des relations entre la Suisse et l'UE et les développements intervenus au sein de l'UE seront connus.

Cependant, certains jugent aujourd'hui préférable, dans une optique à long terme, d'opter pour l'adhésion à l'EEE ou la poursuite de la voie bilatérale. La Commission a donc choisi de ne pas recommander de «voie royale» pour la politique d'intégration à long terme.

L'évolution politique et économique de la Suisse et de l'UE ainsi que les répercussions de l'élargissement à l'Est de l'UE joueront un rôle déterminant dans la formation de l'opinion en Suisse. Il est important que le processus de formation de l'opinion puisse se dérouler dans un climat de discussion factuel.

5911

La Commission propose donc que les recommandations suivantes soient adressées au Conseil fédéral: ­

Compte tenu du contexte politique et économique, le Conseil fédéral est invité à poursuivre la voie des relations bilatérales avec l'UE au cours des prochaines années. Il devra en particulier, dans les dossiers de négociation qui prévoient une reprise automatique de la législation communautaire, préciser les motifs et les avantages de cet automatisme ainsi que les possibilités de participation offertes à la Suisse.

­

Le Conseil fédéral est prié d'exposer quelles sont les réformes qui doivent être entreprises, indépendamment de la voie choisie pour l'intégration européenne, pour faire face au développement des relations entre la Suisse et l'UE; il proposera une appréciation de ces réformes en fonction des priorités matérielles et chronologiques.

­

Le Conseil fédéral est prié d'approfondir et de faire avancer, sur des bases factuelles, le débat concernant les implications et les répercussions des différentes options d'intégration. Il effectue cette démarche avec le concours du Parlement en impliquant de larges cercles de la société civile.

5912

Annexe

Liste des experts Referent

Datum

Thema

Ager Hans Bundesrat, ÖVP, Tirol

19.10.2001

Erfahrungen Österreichs in der EU

Ambühl Michael Botschafter, Integrationsbüro EDA/EVD

21.08.2001

Überblick über den Stand der Gespräche Schweiz-EU

Amstutz Max 12.01.2001 Präsident des Verwaltungsrats, Société Générale de Surveillance

Logistische Aspekte, Warentransport, Zollfragen

Aubert Gabriel Professeur, Université de Genève

18.10.2001

Fragen des Arbeitsrechts

Blankart Franz a. Staatssekretär

11.01.2001

Die Grenzen der Europäischen Integration

Brombacher Steiner Maria 18.10.2001 Verena Vizedirektorin, Delegierte für Sozialversicherungsabkommen, BSV

Soziale Sicherheit

Buntschu Marc stv. Leiter des Sekretariats des Datenschutzbeauftragten

20.08.2001

Polizei/Sicherheit an den Grenzen

Buomberger Peter Leiter «Economic Research», UBS

12.01.2001

Währung, Währungsunion

Ehrenzeller Bernhard Professor, Universität St. Gallen

19.10.2001

Staatsleitung und Staatsleitungsreform

Epiney Astrid Professorin, Universität Fribourg

18.05.2001

Perspektiven für Volksinitiative und Referendum: Reformbedarf im Fall eines EU-Beitritts

Fischer Judith Projektleiterin USIS, EJPD

20.08.2001

Polizei / Sicherheit an den Grenzen

Freymond Jean Groupe de refléxion Suisse-Europe

18.10.2001

Die Option «Assoziation»

Gerber Jean Daniel Direktor BFF, EJPD

20.08.2001

Migration und Asyl

5913

Referent

Datum

Thema

Goetschel Laurent 21.08.2001 Geschäftsführer Schweizerische Friendensstiftung

Gemeinsame Aussen- und Sicherheitspolitik und die Auswirkungen für die Schweiz

Hauser Heinz 20.08.2001 Professor, Universität St. Gallen, Arbeitskreis Schweiz-Europa

Die Option EWR

Jametti Greiner Monique Vizedirektorin, BJ, EJPD

20.08.2001

Justizielle Zusammenarbeit

Jeanrenaud Claude Professeur, Université de Neuchâtel

17.05.2001

Implications financières pour les cantons d'un rapprochement à l'Europe

Jost Alexander 12.01.2001 Generaldirektor Nestlé Schweiz

Quelques aspects soulevés par l'intégration européenne pour l'industrie alimentaire suisse

Krayer Georg Präsident Bankiervereinigung

12.01.2001

Bankensektor, Vermögensverwaltung

Languetin Pierrre Groupe de refléxion Suisse-Europe

18.10.2001

Die Option «Assoziation»

Mader Luzius Vizedirektor, BJ, EJPD

19.10.2001

Staatsleitung und Staatsleitungsreform

Martinelli Dante Ambassadeur, Mission suisse auprès des Communautés européennes

11.01.2001

La vue de la Mission suisse à Bruxelles

11.01.2001

Les grands défis de l'Union

Michel Nicolas Botschafter, Direktor DV, EDA

21.08.2001

GASP, ESVP: Neutralitätspolitische Fragen

Mohler Markus früher Polizeikommandant, Basel

20.08.2001

Polizei/Sicherheit an den Grenzen

18.10.2001 Murer Erwin Professor, Universität Fribourg

Tendenzen in der EU-Sozialpolitik und ihre möglichen Auswirkungen auf die Sozialpolitk der Schweiz

Nigg Josef Regierungsrat, Obwalden

17.05.2001

Die EuRefKa-Studie aus der Sicht der Kantone

Pfisterer Thomas Ständerat

17.05.2001

Die EU: Herausforderung für den Föderalismus

Ramsauer Rudolf Direktionspräsident economiesuisse

11.01.2001

Die Sicht der Schweizer Wirtschaft

5914

Referent

Datum

Thema

Rhinow René Professor, Universität Basel

19.10.2001

Staatsleitung und Staatsleitungsreform

Scheidegger Hans-Ulrich, Vize- 18.10.2001 direktor, Leistungsbereich «Arbeitsbedingungen», seco

Fragen des Arbeitsrechts

Schips Bernd Professor, Leiter der Konjunkturforschungsstelle der ETH

11.01.2001

Gesamtwirtschaftliche Überlegungen

Schneider Johann Niklaus Nationalrat, Arbeitskreis Schweiz-Europa

20.08.2001

Die Option EWR

Schönenberger Peter Regierungsrat, St. Gallen

17.05.2001

Institutionelle Fragen, Rolle der KdK

Schweizer Rainer Professor, Universität St. Gallen

17.05.2001

Annäherung an Europa: Konsequenzen für die Aufgaben der Kantone

Schwok René Professeur, Institut européen, Université de Genève

11.01.2001

Analyse du rapport sur l'intégration

Seiler Hansjörg 18.05.2001 Privatdozent, Universität, Bern

EU-Beitritt und direkte Demokratie: Ist Koexistenz möglich?

Stucky Georg alt Nationalrat, Arbeitskreis Schweiz-Europa

20.08.2001

Die Option EWR

Tanner Fred stv. Direktor, Geneva Center for Security Policy, Genf

21.08.2001

ESVP, Europäische Sicherheitsund Verteidigungspolitik und die Auswirkungen für die Schweiz

Thürer Daniel Professor, Universität Zürich

18.05.2001

Das europäische Bürgerrecht

Walter Jean-Philippe Stellvertreter des Datenschutzbeauftragten

20.08.2001

Polizei/Sicherheit an den Grenzen

Weilharter Engelbert Bundesrat, FPÖ, Steiermark

19.10.2001

Erfahrungen Österreichs in der EU

Widmer Sigmund Groupe de refléxion Suisse-Europe

18.10.2001

Die Option «Assoziation»

5915

Referent

Datum

Thema

Wild Claude Chef der Sektion «Politik und Institutionen», Integrationsbüro EDA/EVD

20.08.2001

Justiz und Inneres in der EU: Eine Einführung

Zepter Bernhard stv. Generalsekretär der Europäischen Kommission

17.05.2001

Die Entwicklung der Europäischen Union mit Blick auf die Erweiterung

5916