Haute surveillance parlementaire sur les tribunaux fédéraux Rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 28 juin 2002

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Résumé En janvier 2001, dans la perspective de la révision totale de l'organisation judiciaire et avec les diverses réorganisations touchant les autorités judiciaires en Suisse comme à l'étranger en toile de fond, les commissions de gestion (CdG) des Chambres fédérales ont décidé de se pencher sur certaines questions cruciales en matière de haute surveillance parlementaire sur la justice.

L'analyse de leur propre pratique en matière de haute surveillance sur le Tribunal fédéral et sur le Tribunal fédéral des assurances a montré que les CdG exercent une haute surveillance à large spectre, qu'elles font appel à l'ensemble de leurs pouvoirs lors de l'examen des rapports de gestion des tribunaux fédéraux et qu'elles respectent l'indépendance judiciaire inscrite dans la Constitution. La CdG du Conseil des Etats attache beaucoup d'importance à la gestion moderne des tribunaux, à une bonne organisation de la surveillance ainsi qu'à une grande transparence dans le domaine de la marche des affaires. La commission recommande notamment au Tribunal fédéral d'intégrer de nouveaux indicateurs de performance à ses rapports de gestion. Pour sa part, la commission va intensifier la haute surveillance en procédant, par exemple, à des contrôles approfondis de la gestion administrative des tribunaux.

Lors des débats sur la loi fédérale sur le Tribunal pénal fédéral, la question est apparue de savoir s'il fallait en plus de la préparation de l'élection des juges, également confier l'exercice de la haute surveillance sur les tribunaux fédéraux à la future Commission judiciaire. Lors de la session de printemps, le Conseil des Etats a renoncé à une telle double fonction et a décidé que la Commission judiciaire se limiterait à la préparation de l'élection des juges par l'Assemblée fédérale tant il est vrai qu'une préparation soigneuse et professionnelle est une tâche cruciale. En revanche, il est indéniable que le regroupement de la haute surveillance sur le Conseil fédéral, sur l'administration fédérale et sur les tribunaux fédéraux en une seule et même commission constitue l'un des points forts du système actuel. L'unité et la cohérence du contrôle parlementaire peuvent ainsi être garanties et des synergies mises à profit. La commission se demande cependant comment concevoir le rôle du Tribunal fédèral dans la surveillance
des tribunaux inférieurs. En tant que tribunal suprême, ce dernier a une bonne vue d'ensemble des activités des instances inférieures. Il est important que la haute surveillance puisse tirer parti de ces informations. C'est la raison pour laquelle, dans le cadre des débats sur la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, la commission proposera d'habiliter le Tribunal fédéral à communiquer aux CdG les impressions qu'il aura recueillies dans le cadre de ses activités au sujet du travail des tribunaux inférieurs de la Confédération. En outre, la commission recommande aux tribunaux fédéraux de collaborer dans les domaines de l'informatique, de l'analyse comparative des performances, de la gestion administrative ainsi que de la gestion et de la formation continue du personnel.

Le présent examen a été effectué par la sous-commission DFJP/tribunaux de la CdG du Conseil des Etats élargie à quelques députés du Conseil national avec l'aide de l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration.

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Rapport 1

Contexte et objet de l'examen

Au cours des dernières années, les commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) se sont penchées à plusieurs reprises, sur les questions fondamentales liées à la haute surveillance. Dans le cadre de la révision complète de la Constitution fédérale, elles ont particulièrement étudié les différents aspects de la surveillance sur le Conseil fédéral et l'administration fédérale ainsi que les conditions du contrôle concomitant (FF 1997 III 1226). En 1998/99, elles se sont consacrées à l'importance de la loi sur la protection des données du point de vue du contrôle parlementaire (FF 2000 3). En 1999, à l'occasion des modifications de la législation relatives à La Poste, à Swisscom et aux CFF, les CdG ont mené une discussion fondamentale sur les principes de la surveillance et de la haute surveillance et se sont attachées à la redéfinition de leur rôle en ce qui concerne la gestion de ces trois entreprises (FF 2000 4242). Plus récemment, elles ont examiné la question de la haute surveillance sur le Ministère public de la Confédération (rapport annuel 2001/2002 des Commissions de gestion et de la Délégation des commissions de gestion des Chambres fédérales, p. 25).

Les CdG ont abordé la question de la haute surveillance sur la justice en 2000 dans le cadre de la révision de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC) (FF 2001 5380). Ainsi, dans une prise de position à l'attention de la Commission des institutions politiques (CIP) du Conseil national, elles ont décrit leur pratique en matière de haute surveillance. Que les CdG aient renforcé leur attention en matière de haute surveillance sur la justice s'explique toutefois aussi par le fait que la révision totale de l'organisation judiciaire prévoie la création de deux nouveaux tribunaux et que divers aspects de la surveillance doivent être éclaircis à cette occasion. Selon l'article détérminant de la Constitution (art. 169, al. 1, Cst.), l'Assemblée fédérale exerce la haute surveillance sur les tribunaux fédéraux. Par conséquent, le Parlement n'exerce pas seulement la haute surveillance sur le Tribunal fédéral (TF) et le Tribunal fédéral des assurances (TFA), mais également sur les commissions de recours et les futurs tribunaux fédéraux d'instances inférieures.

Le Conseil fédéral a adopté le message concernant la révision totale de
l'organisation judiciaire fédérale (FF 2001 4000) le 28 février 2001. La révision ne prévoit pas uniquement des modifications de la procédure ou l'amélioration de la protection juridique; elle veut aussi introduire des innovations du point de vue organisationnel.

En effet, la création d'un Tribunal administratif fédéral permettra de réunir les actuelles commissions de recours sous un seul toit. La création d'un Tribunal pénal fédéral et l'intégration partielle du TFA dans le TF induiront également des modifications au niveau de l'organisation. La révision totale de l'organisation judiciaire prévoit en outre de renforcer l'autonomie administrative (avec, par exemple, la compétence de décider du genre et du nombre de cours) et financière des tribunaux mentionnés. Dans les limites fixées par la loi, chaque tribunal doit pouvoir disposer librement des moyens qui lui auront été octroyés par le Parlement. Selon le message, les tribunaux sont soumis à la haute surveillance du Parlement. Le Conseil fédéral propose de traiter les nouveaux tribunaux comme le Tribunal fédéral, et de ne pas

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les soumettre à une surveillance supplémentaire qui compléterait la haute surveillance parlementaire.

Entre-temps, la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats (CAJ-E) a traité le projet de loi fédérale sur le Tribunal pénal fédéral. La question de l'organe d'élection des juges du Tribunal pénal fédéral (et du Tribunal administratif fédéral) a été à l'origine d'une discussion portant aussi sur l'exercice de la haute surveillance. Contrairement au projet du Conseil fédéral, la CAJ-E a décidé que les juges devaient être élus par l'Assemblée fédérale. En raison du nombre élevé de juges (15 à 35 pour le Tribunal pénal fédéral et 50 à 70 pour le Tribunal administratif fédéral), la CAJ-E a, dans son rapport additionnel du mois de novembre 2001, proposé d'instaurer un Conseil de la magistrature qui assumerait aussi un certain nombre de tâches en matière de surveillance (FF 2002 1128). Le Conseil des Etats ayant renvoyé ce projet à sa commission, celle-ci a ensuite proposé d'instaurer une commission judiciaire composée de représentants des deux chambres. En plus de la préparation de l'élection des juges, cette commission serait également chargée d'exercer la fonction de haute surveillance sur tous les tribunaux de la Confédération. Le 18 février 2002, la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) a fait part à la CAJ-E de ses réserves concernant cette proposition. Pour cette raison, et du fait de l'étude que la CdG-E mène actuellement dans ce domaine, la CAJ-E a renoncé pour le moment à proposer à son conseil de transférer les compétences en matière de haute surveillance à cette commission judiciaire. En revanche, le 5 mars 2002, elle a annoncé que, à l'occasion de l'examen d'autres projets de lois liés à la révision totale de l'organisation judiciaire, elle poursuivrait le développement de son concept de commission judiciaire exerçant une fonction de haute surveillance. Le 19 mars 2002, le Conseil des Etats a décidé d'instaurer une commission judiciaire chargée de préparer l'élection des juges, mais ne disposant d'aucune compétence en matière de haute surveillance.

Dans ce contexte, l'inspection «Haute surveillance sur la justice» décidée le 19 janvier 2001 dans le cadre du programme annuel des CdG revêt une très grande importance. Cet examen a été entamé dans la perspective du
développement de la justice fédérale. Pour les CdG, il est évident que la haute surveillance parlementaire sur les tribunaux fédéraux doit être développée, raison pour laquelle il est indispensable d'examiner les conditions actuelles de l'exercice de la haute surveillance et de clarifier un certain nombre de points spécifiques afin de pouvoir, le cas échéant, formuler des propositions d'amélioration.

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Démarche

Les CdG ont confié l'examen de cette problématique à la sous-commission DFJP/Tribunaux de la CdG-E. Au vu de l'importance fondamentale de cet examen, la sous-commission a été élargie à quelques députés de la commission correspondante du Conseil national (CdG-N). La sous-commission élargie était composée des députés au Conseil des Etats Hans Hess (président), Helen Leumann-Würsch, Hans Lauri, Jean Studer et Franz Wicki ainsi que des conseillers nationaux Brigitta M.

Gadient (présidente de la CdG-N), Claude Janiak, Hubert Lauper (président de la sous-commission DFJP/tribunaux de la CdG-N) et Jean-Jacques Schwaab.

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Pour remplir le mandat qui lui a été confié, la sous-commission élargie s'est adressée à l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration (OPCA) qu'elle a chargé d'effectuer deux études. Le 26 février 2001, elle a chargé l'OPCA de répondre aux questions suivantes relatives à la gestion moderne de la justice: ­

Quelles mesures organisationnelles ont été prises par le TF, le TFA et les commissions de recours au cours des dix dernières années pour accroître leur efficacité? Comment la gestion actuelle fonctionne-t-elle?

­

Quelles sont les possibilités d'application et les limites du modèle de la nouvelle gestion publique (NGP) pour les tribunaux suisses?

­

Quels instruments de gestion modernes les tribunaux utilisent-ils, en Suisse et à l'étranger? Comment fonctionnent-ils? Quels sont leurs avantages et leurs inconvénients?

­

Quels sont les indicateurs (de prestations) opportuns pour la conduite d'un tribunal et l'exercice d'une haute surveillance efficace?

Pour répondre à ces questions, l'OPCA a, d'une part, procédé par enquête écrite auprès du TF, du TFA et de certaines commissions de recours. D'autre part, il a examiné de nombreux documents et analysé la littérature spécialisée traitant des domaines concernés. L'OPCA a présenté ses conclusions dans son rapport du 10 août 20011. Le 15 octobre 2001, la sous-commission a chargé l'OPCA d'effectuer un deuxième examen, dont le but était de procéder à une étude de la littérature suisse traitant de la portée et des problèmes de la haute surveillance parlementaire sur la justice et de présenter les diverses positions de la doctrine juridique. L'OPCA a rendu son rapport correspondant le 11 mars 2002.2 Le 15 octobre 2001, en se basant sur les conclusions du rapport de l'OPCA sur la gestion de la justice, la sous-commission élargie a entendu des représentants des milieux judiciaires et universitaires.3 Ces auditions ont permis à la sous-commission d'obtenir des informations supplémentaires et de répondre à un certain nombre de questions demeurées ouvertes jusque-là. De plus, lors de l'examen annuel des rapports de gestion du TF et du TFA, les sous-commissions DFJP/tribunaux des CdG ont discuté du futur aménagement des contacts entre le Parlement et le TF, et entre le Parlement et le TFA (respectivement les 28 et 29 mars 2001), de l'organisation de la surveillance et de la haute surveillance sur les tribunaux d'instances inférieures ainsi que de la poursuite du développement de la gestion des tribunaux (le 10 avril 2002 pour le TF et le 11 avril 2002 pour le TFA).

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Gestion moderne de la justice. Rapport de l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration (OPCA) à l'attention de la sous-commission élargie DFJP/tribunaux de la Commission de gestion du Conseil des États dans le cadre de l'inspection «Haute surveillance parlementaire sur la justice». Berne, le 10 août 2001.

La portée de la haute surveillance parlementaire sur les tribunaux ­ les avis de la doctrine juridique. Rapport de l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration à l'attention des membres de la sous-commission DFJP/tribunaux de la Commission de gestion du Conseil des États élargie à quelques députés au Conseil national dans le cadre de l'inspection «Haute surveillance parlementaire sur la justice». Berne, le 11 mars 2002.

Personnes entendues: Andreas Lienhard, maître assistant à l'Institut de droit public de l'Université de Berne; Marcel Maillard, secrétaire général du Tribunal fédéral des assurances, Paul Tschümperlin, secrétaire général du Tribunal fédéral et Paul Zimmermann, secrétaire général de la Cour suprême du canton de Zurich.

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Le TF et le TFA ont pris position sur le rapport de la sous-commission élargie le 21 juin 2002. La CdG-E a adopté le présent rapport le 28 juin 2002 et a décidé de le publier. A cette occasion, elle a également décidé de publier les deux analyses correspondantes de l'OPCA.

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Fonction et portée de la haute surveillance sur la justice

Dans ce chapitre, la CdG-E se limite à reprendre de manière condensée les résultats principaux de l'analyse documentaire effectuée par l'OPCA sur la haute surveillance parlementaire sur la justice. D'une manière générale, il est possible de dire que le but de la haute surveillance réside dans un contrôle de la justice effectué pour vérifier si celle-ci assume ses tâches et remplit ses devoirs dans le sens des dispositions constitutionnelles. L'indépendance judiciaire constitutionnellement garantie faisant également partie de ce bon fonctionnement de la justice, il n'est pas étonnant que la haute surveillance sur la justice soit sujette à controverse. En effet, la surveillance doit préserver l'indépendance judiciaire et l'exercice de la première ne doit en rien contrarier la seconde. Pour cette raison, une partie des auteurs sont d'avis que la haute surveillance sur la justice s'en trouve limitée ; ils insistent particulièrement sur la différence entre la haute surveillance qui peut être exercée sur la justice et celle qui peut être exercée sur l'exécutif et l'administration. Une autre partie des auteurs défendent une conception en partie différente. Ces derniers sont d'avis que la haute surveillance est un contrôle de tendance, qu'elle est axée sur le présent et l'avenir et qu'elle vise à optimiser le fonctionnement de l'organe contrôlé. Cette conception de la haute surveillance respecte également le principe de la séparation des pouvoirs et l'indépendance judiciaire, ce qui ne l'empêche toutefois pas de mettre haute surveillance sur la justice et haute surveillance sur l'exécutif sur un pied d'égalité. Ces auteurs insistent sur le fait que la limitation qui veut que les commissions de contrôle ne soient pas habilitées à casser ou à modifier les décisions des tribunaux s'applique de la même manière à l'ensemble du contrôle de l'administration (voir également l'art. 47quater, al. 4, LREC).

La littérature comporte diverses opinions sur la portée de la haute surveillance. Le rapport de l'OPCA les présente de manière détaillée. Il présente également les objets de la haute surveillance et décrit plus précisément les problèmes spécifiques qui y sont liés. Ce rapport établit une distinction entre une conception stricte, une conception élargie et une conception encore plus étendue (sur certains points)
de la haute surveillance.

La conception stricte considère que l'objet de la haute surveillance réside uniquement dans le contrôle de la «régularité formelle». La définition élargie, celle qui est majoritairement défendue dans la littérature, va nettement plus loin, bien qu'elle accorde aussi une grande importance au principe de l'indépendance judiciaire. Dans cette conception, la priorité est donnée au contrôle de la gestion des affaires. La gestion administrative des organes juridictionnels et la marche des affaires sont des objets explicites de la haute surveillance. Les cas de déni de justice formel, de retard injustifié et de procédure extrêmement longue exceptés, le Parlement ne peut pas se pencher sur des procédures qui ne sont pas closes. Selon les défenseurs de cette conception, la haute surveillance permet de discuter des tendances de la jurisprudence

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avec les autorités judiciaires. Cela permet en effet d'identifier d'éventuels dysfonctionnements ou lacunes de la législation et de prendre les mesures correctrices qui s'imposent. La littérature fait encore état d'une conception élargie accordant à la haute surveillance une marge de manoeuvre et une liberté d'appréciation plus étendue sur certains points. Les tenants de cette conception plaident avant tout pour une haute surveillance investie de droits d'information étendus, notamment le droit de requérir des renseignements auprès des autorités judiciaires sur la jurisprudence, le droit de prendre connaissance de pièces de procédures et la possibilité d'instituer une commission d'enquête parlementaire sur les tribunaux.

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Exercice de la surveillance sur la justice par les CdG

4.1

Rétrospective de la pratique des CdG à ce jour

En tant que tribunaux de dernière instance, le TF et le TFA ne sont pas soumis à une surveillance exercée en amont par le Parlement. Les commissions fédérales de recours sont, quant à elles, soumises à la surveillance du Conseil fédéral. En revanche, le Parlement exerce la haute surveillance sur tous ces tribunaux et commissions.

Dans la suite de ce rapport, la commission se penche sur la pratique des CdG en matière de haute surveillance sur le TF et le TFA, étant donné qu'à eux seuls, ces deux tribunaux constituent un sujet d'étude suffisamment étendu permettant d'éclairer convenablement la haute surveillance telle qu'elle a été exercée jusqu'à ce jour. Il faut cependant préciser que les CdG effectuent également des contrôles réguliers auprès des commissions de recours. A cet égard, il convient de mentionner en particulier l'examen de 1996 consacré à l'analyse de la pratique décisionnelle et procédurale de la Commission suisse de recours en matière d'asile (voir rapport de la CdG-N du 22 août 1996; FF 1997 III 655). Les conclusions de cet examen ont été reprises lors de la révision totale de la loi sur l'asile.

Au cours des années, la pratique des CdG en matière de surveillance sur la justice s'est bien développée et établie. La portée de la haute surveillance parlementaire a occasionnellement fait l'objet d'interprétations différentes de la part du TF et des CdG. Aujourd'hui, comme les exemples ci-après tirés de la récente pratique des CdG permettront d'illustrer, la pratique des CdG coïncide avec la conception élargie de la haute surveillance parlementaire décrite dans la littérature. Récemment, les CdG ont dû constater que la portée de la haute surveillance ne peut pas être définie de manière universelle et qu'il est, au contraire, nécessaire de la déterminer cas par cas. Les CdG font état de leurs activités de contrôle dans le domaine des tribunaux fédéraux dans le cadre de leurs rapports annuels publiés dans la Feuille fédérale.

Jusqu'à présent, les CdG se sont rendues aux tribunaux une fois par année pour en examiner les rapports de gestion; lors de ces visites, d'autres points ayant trait au tribunal concerné ont également été portés à l'ordre du jour. En analysant les procèsverbaux des sous-commissions compétentes des CdG, il apparaît que, chaque année, celles-ci ont en moyenne abordé
huit sujets différents (six pour le TFA). L'examen du rapport de gestion aborde plusieurs dimensions et aboutit souvent à des recommandations, voire à des exigences des CdG. Les questions portant sur le rapport de gestion concernent généralement la statistique de liquidation des affaires, les délibérations en séance publique, la durée des procédures ou les affaires en suspens. Au début des années 80, comme au milieu des années 90, les CdG ont à plusieurs repri7083

ses exigé le développement du rapport de gestion et la mise en place de certaines statistiques (nombre d'affaires closes par juge, évolution de la performance moyenne des collaborateurs juridiques, nombre d'affaires closes par des juges suppléants, etc.). L'organisation du tribunal, son efficacité, les performances insuffisantes des juges suppléants, l'informatique et l'accélération de la publication des arrêts sont des sujets qui ont également été discutés lors de l'examen des rapports de gestion.

En outre, les décisions de la CdG ont porté sur des domaines très variés de la gestion administrative des tribunaux. Ainsi, en 1991, elles ont entre autres exigé l'élaboration de directives sur la pratique en matière d'émoluments ainsi que la présentation d'un rapport sur l'informatique de gestion et, en 1992, la rédaction d'un rapport complémentaire concernant les expériences avec les collaborateurs personnels et l'élaboration de directives internes aux différentes chambres en matière d'émoluments. Ces séances ont permis de traiter les problèmes concernant le tribunal et la jurisprudence qui se posaient à l'époque et de discuter de certains jugements (par exemple un arrêt de 1999 concernant une indemnisation pour un montant de 100 000 francs) ou l'éventuel besoin de légiférer à la suite de certains arrêts (par exemple, en 1999, lors de cas de rigueur en matière de retrait de permis ou lorsqu'il était question de compléter la loi sur la nationalité par une norme pénale). En raison de la séparation des pouvoirs, les CdG ne commentent pas de jugement d'espèce d'un tribunal fédéral.4 Elles suivent toutefois l'évolution des tendances de la jurisprudence et, à l'occasion, elles en discutent avec le TF afin de déterminer d'éventuels dysfonctionnements ou lacunes de la législation. La constatation de lacunes dans l'exécution de la loi incite les CdG à procéder à des examens approfondis.

En 1994, la CdG-E a déposé une initiative parlementaire demandant l'augmentation du nombre de juges fédéraux (FF 1994 III 1221) sur laquelle le Conseil national n'est toutefois pas entré en matière. En 1999, les CdG ont lancé l'initiative parlementaire demandant la révision partielle de l'organisation judiciaire en vue de décharger le Tribunal fédéral (FF 1999 8857). Cette initiative a abouti à l'entrée en vigueur le 1er
janvier 2001 du projet de révision de cette loi, déchargeant ainsi le TF des procès directs en matière de droit civil et des procédures de recours en matière de responsabilité de l'État. Pour le TFA, la révision a permis à deux juges et à deux juges suppléants supplémentaires d'entrer en fonction. Selon le rapport du TFA sur sa gestion en 2001, cette mesure a déjà contribué à le décharger. Ici comme dans d'autres cas, les CdG jouent le rôle de trait d'union entre les tribunaux fédéraux et l'Assemblée fédérale. Actuellement, les CdG transmettent les informations du TF concernant des lacunes de la législation aux commissions parlementaires concernées ou discutent de l'opportunité de légiférer directement avec le TF. Lors des visites annuelles qu'elles rendent aux tribunaux fédéraux, les CdG tentent toujours de se faire une image la plus complète possible du travail qu'ils effectuent. Ce faisant, elles cherchent des indices leur permettant d'appréhender les problèmes des tribunaux (archivage, publication des arrêts sur le Web, accréditation des journalistes, âge de la retraite des juges fédéraux, réglementation des pensions de retraite des magistrats, collaboration entre le TF et le TFA). En outre, il faut rappeler que les 4

Afin d'éviter toute équivoque et par souci de délimiter clairement leur pouvoir d'examen, les CdG ont, dans le cadre de la révision de la loi sur les rapports, proposé à la Commission des institutions politiques du Conseil national d'inscrire dans la loi qu'il ne peut être exercé aucun contrôle sur le fond des décisions judiciaires. Cette précision a été reprise dans le projet de loi sur le Parlement. (FF 2001 5381)

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CdG traitent régulièrement des dénonciations à l'autorité de surveillance dirigées contre les tribunaux de la Confédération pour déni de justice formel, retard injustifié ou violation de principes fondamentaux de procédure. De ce fait, elles obtiennent des informations supplémentaires sur le travail des tribunaux, en particulier en ce qui concerne les points incriminés du droit de procédure. Il ne faut pas non plus oublier que les CdG considèrent qu'il est de leur devoir d'exercer la haute surveillance de manière à garantir à chaque citoyen l'égalité de droit en matière d'accès aux tribunaux. Cet accès ne doit pas être indûment restreint par une évaluation trop restrictive des conditions formelles ou du fait de la situation financière d'une partie.

En même temps, les CdG doivent également veiller à éviter que les parties abusent de l'assistance judiciaire gratuite au détriment du contribuable.

La très bonne connaissance des tribunaux fédéraux acquise avec le temps ainsi que le climat de confiance réciproque ont permis aux CdG de débattre ouvertement des objets de la haute surveillance parlementaire. Les CdG ont toujours respecté le principe de la séparation des pouvoirs et, partant, elles ont su faire preuve de la retenue nécessaire dans le domaine de la jurisprudence. Cela étant, les rapports entre séparation des pouvoirs et haute surveillance parlementaire sont conflictuels, raison pour laquelle des questions portant sur la portée de la haute surveillance se posent de temps à autre.

4.2

Conclusions

La littérature juridique et la pratique des CdG montrent que l'exercice de la (haute) surveillance sur la justice est une tâche délicate. Elle est en effet caractérisée par des rapports conflictuels entre la garantie de l'indépendance judiciaire inscrite dans la Constitution et le devoir de veiller à ce que la justice fonctionne dans le respect des lois et de l'efficacité économique, et cela indépendamment de l'organe ­ commission parlementaire ou instance extraparlementaire ­ qui l'exerce. Les expériences de la CdG ont également montré que les objets de la haute surveillance ne peuvent pas être définis une fois pour toutes. Indépendamment de ces problèmes de définition, la commission est d'avis ­ position également défendue dans la littérature juridique ­ que la haute surveillance sur les tribunaux ne se différencie pas fondamentalement de celle exercée sur le Conseil fédéral et l'administration. Les CdG ne disposent d'ailleurs d'aucun pouvoir leur permettant d'annuler ou de modifier des décisions, que celles-ci aient été prises par le pouvoir judiciaire ou par le pouvoir exécutif.

La CdG-E évalue positivement la haute surveillance sur le TF et le TFA telle qu'elle a été exercée jusqu'à ce jour. D'une manière générale, cette approche a fait ses preuves. Les discussions annuelles à l'occasion de l'examen du rapport de gestion permettent de se rendre compte des problèmes qui entravent le bon fonctionnement de la justice et, le cas échéant, de prendre les mesures qui s'imposent. La commission est toutefois consciente qu'il est possible d'intensifier la surveillance. A l'avenir, il faudra notamment effectuer des contrôles approfondis dans certains domaines (organisation, personnel, informatique, orientation vers la clientèle, etc.).

Dans le cadre de ses programmes annuels, la CdG prévoit de consacrer plus d'attention aux divers aspects de la justice. De plus, la base de la haute surveillance doit être agrandie, c'est-à-dire qu'il faut accorder plus de poids aux commissions plénières des CdG et au Parlement. A cet égard, le projet de nouvelle loi sur le Par-

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lement prévoit déjà des contacts renforcés entre les tribunaux fédéraux et l'Assemblée fédérale. En outre, la commission veut s'engager en permanence pour plus de transparence sur le travail effectué par les tribunaux, notamment en demandant à ces derniers d'ajouter des données supplémentaires dans leurs rapports de gestion annuels (extension ciblée de la partie statistique avec des séries chronologiques et des indicateurs de performance plus étendus).

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Effets de la gestion moderne des tribunaux sur la haute surveillance

5.1

Situation actuelle en matière de gestion des tribunaux

Jusqu'à présent, les CdG ont toujours consacré une grande attention aux tribunaux fédéraux et en particulier aux questions d'organisation ainsi qu'à l'introduction et au développement de nouveaux instruments de gestion. Cela d'une part parce que la gestion administrative des tribunaux est un domaine clé de la haute surveillance et, d'autre part, parce qu'une administration moderne et efficace du Tribunal fédéral ­ qui n'est soumis à aucune surveillance directe, mais uniquement à la haute surveillance du Parlement ­ revêt une très grande importance. La surcharge dont les tribunaux fédéraux ont souffert durant de longues années a, en particulier, incité les organes de contrôle à se pencher régulièrement sur l'organisation des tribunaux. En 1993, le nombre d'affaires introduites auprès du TF a dépassé la barre des 5000 et, malgré quelques fluctuations, s'est maintenu à ce niveau jusqu'en 2001, année au cours de laquelle un léger recul a pu être noté. Pour ce qui concerne le TFA, il a dépassé pour la première fois le seuil des 1500 nouvelles affaires en 1993. En 1997, 2000 nouvelles affaires ont été introduites et plus de 2500 en 2000. Pour parvenir à gérer efficacement cette masse d'affaires et éviter les retards, il faut, entre autres conditions, pouvoir compter sur des systèmes de gestion des affaires et du personnel performants et sur une gestion administrative qui fonctionne bien.

En Suisse comme à l'étranger, la justice a longtemps donné l'image d'un domaine aux méthodes de gestion dépassées, imperméable aux critères de performances et, au nom de l'indépendance judiciaire, sceptique envers tout effort de modernisation.

Bien qu'abordant principalement les instruments modernes de la gestion des tribunaux tels qu'ils ont été développés dans le cadre du court management américain et de la nouvelle gestion publique appliquée aux tribunaux, le rapport de l'OPCA sur la gestion moderne de la justice a aussi ­ même si ce n'est que de manière marginale ­ mis en évidence les raisons de cette résistance aux réformes administratives. Ces instruments modernes sont orientés vers la clientèle et les citoyens et font notamment appel à de nouveaux modèles de budgétisation, à un contrôle de gestion étendu, au contrôle de qualité, à la gestion des ressources humaines et à des concepts de formation continue. Un
certain nombre de ces instruments ont été introduit par les organes judiciaires en Suisse et à l'étranger et ont fait leurs preuves. D'autres se trouvent en phase d'élaboration ou ne répondent pas aux besoins spécifiques de la justice. Les recherches effectuées par l'OPCA sur les tendances actuelles de la gestion des tribunaux permettent à la commission d'évaluer la modernisation des tribunaux à l'échelon fédéral.

Le rapport de l'OPCA décrit les récentes mesures de réorganisation prises par divers organes judiciaires de la Confédération en vue d'améliorer leur efficacité. La com7086

mission se limite ici à tracer les grandes lignes de ces développements. Au cours des années 90, en raison de l'augmentation de la charge de travail, le TF et le TFA ont été plusieurs fois partiellement réorganisés afin de réaliser des gains d'efficacité. Le recours au concept de gestion moderne des tribunaux a notamment permis au TF et au TFA de renforcer leurs secrétariats généraux afin de décharger les juges des travaux administratifs. Outre les réformes structurelles (au TF, par exemple, introduction d'une structure directionnelle bipartite à l'échelon directement inférieur à la Cour plénière constituée de la Commission des présidents et de la Commission administrative), de nombreux nouveaux instruments de travail et de gestion ont été introduits au cours des années 90 (logiciels informatiques de gestion des dossiers et de comptabilité, développement de bases de données, informatisation de la bibliothèque, entretiens d'évaluation avec les collaborateurs, développement du personnel, concepts de formation continue, etc.). Dans le cadre des discussions sur la NGP, le TF et le TFA ont, sous une autre dénomination, repris un certain nombre d'instruments de cette nouvelle approche. Des instruments de contrôle modernes ont ainsi été introduits dans le domaine administratif et à l'échelon des greffiers. Ces innovations ne posent aucun problème pour ce qui est des tâches administratives en tant que telles. Elles sont en revanche délicates lorsqu'elles concernent la jurisprudence.

En effet, une orientation en fonction de la seule performance pourrait avoir des conséquences néfastes dans ce domaine. Ainsi, pour prendre un exemple dans le domaine de l'administration, divers mécanismes de contrôle interviennent dans les projets informatiques : un filtre d'analyse coûts / avantages, des rapports semestriels pour les projets qui ont été autorisés, des rapports annuels sur les coûts cumulés de chaque projet (investissements et heures de travail). En outre, les coûts informatiques du TF sont comparés avec ceux d'autres institutions judiciaires dans le sens d'une analyse comparative des performances. En ce qui concerne la jurisprudence, les instruments de contrôle ne sont utilisés qu'à l'échelon des greffiers. La fixation d'objectifs de productivité (traiter annuellement 60 affaires en temps normal et 40 au
minimum), un système de contrôle pour les affaires qui sont en suspens depuis plus de deux ans ou un contrôle de rédaction (si un dossier n'est pas clos dans un délai de trois mois, il est porté sur une liste noire et cette inscription déclenche immédiatement l'intervention de la direction) en font partie. Pour différentes raisons, les juges ne sont pas soumis à de tels contrôles de performances (les juges qui composent le collège des juges ont des qualités et des compétences différentes; en matière de qualité et d'efficacité, la qualification des juges par leurs pairs est considérée comme problématique). L'introduction de tels contrôles n'est pas prévue. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il est indispensable qu'un organe spécialisé et l'autorité d'élection accordent une attention toute particulière à une préparation professionnelle de l'élection des juges, donc à la mise en place d'un bon processus d'évaluation et de sélection des candidats.

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5.2

Conclusions

La commission a suivi les projets de réorganisation des tribunaux fédéraux ­ dont certains, qui portaient sur des questions de gestion, ont duré de nombreuses années ­ avec une attention soutenue. Elle est d'avis que la gestion actuelle du TF et du TFA répond aux exigences d'une organisation judiciaire moderne. La justice ­ à l'instar de l'ensemble des administrations publiques ­ est cependant soumise à une pression constante en matière d'efficacité. Il est donc important de poursuivre le développement et le perfectionnement des instruments modernes de gestion de la justice précédemment mis en place. C'est dans ce sens que le TF examine l'opportunité de l'introduction du nouveau modèle de comptes de la Confédération. Ce modèle, fondé sur un système comptable entièrement intégré, doit notamment calquer la gestion administrative sur la gestion d'entreprise et permettre de présenter en tout temps les données financières nécessaires pour la gestion aux différents niveaux. Pour atteindre ces objectifs, il est indispensable de poursuivre sur la voie de la professionnalisation de la gestion des tribunaux. En d'autres termes, il s'agit de faire appel, à l'échelon de la direction des tribunaux, à des gestionnaires qui pensent et agissent avec une logique économique étant donné que, à elles seules, les connaissances juridiques ne suffisent plus pour gérer un tribunal. C'est la raison pour laquelle la commission salue en particulier l'aménagement de secrétariats généraux au sein du Tribunal pénal fédéral et du Tribunal administratif fédéral comme les projets de loi correspondants le prévoient.

Dans le cadre de ses activités, la haute surveillance doit s'assurer que la surveillance interne sur la gestion des affaires des tribunaux fonctionne correctement. Elle le fait entre autres en examinant les rapports de gestion annuels des tribunaux. Toutefois, notamment pour éviter les malentendus et les fausses interprétations ou parce que, de l'avis du tribunal, ils concernent des questions internes, ces rapports ne font pas état de toutes les données relatives aux affaires dont le tribunal dispose. Les CdG doivent donc pouvoir accéder aux données du contrôle de gestion interne dans la mesure où elles concernent l'administration du tribunal. Ce n'est qu'en assurant cette transparence que les CdG peuvent contrôler si
la surveillance interne du tribunal fonctionne correctement. En outre, il faut également envisager l'extension des rapports de gestion et de leur partie consacrée aux statistiques. Les statistiques habituelles sont judicieuses pour l'exercice de la haute surveillance étant donné qu'elles fournissent des indications essentielles sur l'administration des tribunaux.

Cependant comme l'exemple de la Cour suprême du canton de Zurich l'a montré, la gestion administrative des affaires d'un tribunal peut être appréhendée avec plus de précision en utilisant de nouveaux indicateurs de performance: données sur la durée de traitement des affaires, nombre d'affaires closes par rapport au nombre d'affaires introduites ou le nombre de nouvelles affaires closes par rapport à la liquidation d'affaires introduites l'année précédente, etc. Ces indicateurs ne doivent pas forcément être liés à des objectifs de performance; ils serviraient principalement à améliorer la transparence et à indiquer des situations qui ­ par comparaison avec l'année précédente ­ exigent des explications. Si l'évaluation de la capacité à gérer le volume de travail fait partie de la haute surveillance parlementaire, l'évaluation et la qualification systématique des juges en sont en revanche exclues. Pour cette raison, il est indispensable de veiller à ce que la future Commission judiciaire accorde une grande attention à la préparation de l'élection des juges. Toutefois, du fait de l'exercice de la haute surveillance et des éventuelles dénonciations à l'autorité de 7088

surveillance, les CdG seront certainement informés si un juge fédéral ne répond manifestement pas aux exigences de sa fonction et si, par conséquent sa réélection ne peut pas être recommandée.

6

La haute surveillance sur le Tribunal pénal fédéral et sur le Tribunal administratif fédéral

6.1

Situation initiale

A l'occasion des débats sur la loi fédérale sur le Tribunal pénal fédéral, la CAJ-E et le Conseil des Etats se sont penchés sur les questions concernant la surveillance et la haute surveillance mentionnées au point 1 du présent rapport.5 Il faut relever que ces mêmes questions se poseront également en relation avec le projet de mise en place du Tribunal administratif fédéral. Ce tribunal réunira les nombreuses commissions fédérales de recours sous un même toit.

Selon la législation actuelle, les CdG exercent déjà la haute surveillance sur les quelque 30 commissions de recours et continueront d'assumer cette fonction dans le cadre du Tribunal administratif fédéral. La seule nouveauté réside dans la haute surveillance sur le Tribunal pénal fédéral. La charge de travail supplémentaire est donc relativement limitée. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'une modification fondamentale de l'objet ou de la portée de la haute surveillance telle qu'elle est exercée actuellement par les CdG. Concrètement, outre les activités liées aux examens approfondis et aux visites effectuées auprès de ce tribunal d'instance inférieure, il faut s'attendre à deux séances supplémentaires consacrées à l'examen du rapport de gestion au moins.

Comme elles le font pour la haute surveillance sur le Conseil fédéral et l'administration, les CdG définiront des points forts dans leur programme de contrôle annuel. A ce jour, l'exercice de la haute surveillance sur les tribunaux fédéraux a fait ses preuves et pourra être étendu aux futurs nouveaux tribunaux. Les CdG reconnaissent qu'un certain développement est encore possible. Elles sont disposées à poursuivre dans cette direction. La question qui se pose ici est plutôt celle du rôle qui reviendra au TF dans le nouveau concept de surveillance et dans quelle mesure il sera possible d'exploiter des synergies.

A l'échelon cantonal, c'est le Parlement qui, en règle générale, exerce la haute surveillance sur la haute juridiction. En revanche, les autorités judiciaires des instances inférieures sont soumises à la surveillance effectuée par l'instance supérieure. Cela est premièrement lié au fait que les juges des tribunaux de district et d'arrondissement ne sont pas élus par les parlements cantonaux. Deuxièmement, les tribunaux suprêmes qui sont appelés à traiter des décisions d'instances
inférieures connaissent parfaitement les forces et les faiblesses des tribunaux en question. Troisièmement, une commission parlementaire serait complètement dépassée si elle devait contrôler tous les tribunaux de district et d'arrondissement disséminés sur le territoire cantonal. En comparaison, seule la deuxième raison permet de justifier que, à l'échelon

5

Par surveillance, il faut comprendre un contrôle exercé par une autorité ou un organe proche de l'objet de la surveillance ; il s'agit généralement d'une surveillance interne exercée au sein du même pouvoir. Dans le cas des tribunaux, il s'agit de la surveillance exercée par l'instance judiciaire hiérarchiquement supérieure. En revanche, la haute surveillance est une surveillance exercée par un pouvoir sur un autre.

7089

fédéral, la surveillance des instances judiciaires inférieures soit confiée au TF. Contrairement aux constitutions cantonales, la Constitution fédérale ne confie pas explicitement la surveillance des instances judiciaires inférieures au Tribunal fédéral.

Compte tenu du traitement des dossiers et de ses relations de travail, le TF, à l'instar de tous les tribunaux d'instance supérieure, aura accès à de nombreuses informations sur la gestion des affaires des tribunaux inférieurs, informations qui pourraient ne pas parvenir à des tiers moins bien introduits dans le milieu judiciaire concerné.

Dans l'intérêt de la haute surveillance, il faudrait tirer parti de cet avantage étant donné que le bon fonctionnement de la surveillance dépend de l'étendue et de la qualité des informations. Le TF serait en mesure de rassembler les informations relevant de la haute surveillance sur la gestion administrative du Tribunal pénal fédéral et du Tribunal administratif fédéral et de les transmettre aux CdG. La délégation de l'intégralité de la surveillance au TF ne s'impose pas. La CdG-E est d'avis que la mise en place d'un bon système de contrôle de gestion interne au tribunal serait plus efficace qu'une surveillance exercée par une instance supérieure. En outre, étant donné que la haute surveillance parlementaire est une tâche de nature politique, elle ne saurait pas non plus être déléguée à un organe extraparlementaire.

6.2

Conclusions

En raison des expériences qu'elle a faites jusqu'ici, la CdG-E est d'avis qu'il n'est pas nécessaire de créer un nouvel organe pour exercer la surveillance et la haute surveillance sur les tribunaux fédéraux. Le modèle actuellement en vigueur présente de nombreux avantages. D'abord, la réunion dans un même organe de la haute surveillance exercée sur le Conseil fédéral, sur l'administration fédérale et sur les tribunaux fédéraux permet d'assurer l'unité et la cohérence du contrôle parlementaire.

Ainsi, les CdG peuvent se faire une image complète du fontionnement de l'administration, ce qui permet de mettre les synergies à profit. Les CdG peuvent notamment donner une suite directe à leurs observations lorsqu'elles constatent des lacunes d'exécution dans le cadre des contrôles de tendance de la jurisprudence du TF. Les efforts de coordination et les problèmes de délimitation, inévitables lorsqu'il y a plusieurs commissions de contrôle, sont supprimés. Les expériences et les méthodes développées dans le cadre du contrôle parlementaire sur le Conseil fédéral et l'administration profitent directement à l'exercice de la haute surveillance sur la justice. De plus, le développement de celle-ci tel qu'il a été esquissé aux chapitres précédents est tout à fait réalisable.

Pour la CdG-E, la question de savoir comment intégrer le TF dans l'actuel concept de surveillance doit être posée dans le contexte de la révision totale de l'organisation judiciaire. Le TF, hiérarchiquement supérieur aux nouveaux tribunaux fédéraux, a fréquemment l'occasion d'examiner le travail des instances inférieures et peut l'évaluer en bonne connaissance de cause. Pour pouvoir mettre cette précieuse source d'information à profit, la CdG-E propose de rédiger une disposition légale à l'occasion de l'examen préalable du projet de loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF). Cette norme devrait permettre au TF de transmettre ses observations relevant de la surveillance sur la gestion administrative des instances fédérales inférieures à l'organe chargé de la haute surveillance. Dans ce cas de figure, le TF n'assumerait pas la responsabilité immédiate de la surveillance, mais fonctionnerait en tant qu'instance auxiliaire de la haute surveillance. Il est cependant tout à fait possible 7090

d'imaginer que le TF assume l'entière responsabilité de la surveillance sur le Tribunal pénal fédéral et le Tribunal administratif fédéral, mais cette option irait à l'encontre de l'objectif de la révision totale de l'organisation judiciaire qui cherche à décharger le TF. En revanche, une harmonisation entre le TF, le Tribunal administratif fédéral et le Tribunal pénal fédéral dans le domaine administratif permettra certainement de réaliser des économies et des gains d'efficacité. Les domaines principalement concernés par cette harmonisation sont l'informatique, les statistiques, la gestion administrative des tribunaux ou la gestion et la formation continue du personnel. Pour leur part, les CdG vont s'engager en faveur d'une harmonisation de la gestion et des instruments de gestion des tribunaux fédéraux et faire en sorte qu'ils répondent à des exigences élevées. Cette harmonisation constitue en effet une condition de l'efficacité de la haute surveillance qui doit aussi pouvoir évaluer les tribunaux fédéraux en recourant à des comparaisons avec des valeurs de référence.

7

Proposition, recommandations et suite des travaux

Proposition: Lors de l'examen du projet de loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), la CdG-E proposera de rédiger une nouvelle disposition légale habilitant le Tribunal fédéral à transmettre aux CdG les impressions au sujet du travail des tribunaux inférieurs de la Confédération qu'il aura recueillies dans le cadre de ses activités.

Art. 3, al. 3, LTF (nouveau) 3 Il (le Tribunal fédéral) est habilité à transmettre ses constatations relatives à la marche des affaires du Tribunal pénal fédéral ou du Tribunal administratif fédéral lorsque celles-ci relèvent de la surveillance.

Recommandation 1: La CdG-E recommande au Tribunal fédéral de développer la partie statistique de son rapport de gestion et d'en améliorer la transparence au moyen d'indicateurs de performance et de séries chronologiques plus étendues.

Recommandation 2: La CdG-E recommande au Tribunal pénal fédéral et au Tribunal administratif fédéral, lors de leur constitution déjà, de veiller à la mise en place d'une gestion administrative professionnelle.

Recommandation 3: La CdG-E recommande aux tribunaux fédéraux de collaborer et de tirer parti de manière appropriée des synergies dans le domaine administratif (notamment en matière d'informatique, de statistiques, d'analyse comparative des performances, de gestion administrative ainsi que de gestion et de formation continue du personnel).

Cette collaboration doit être fixée dans les règlements des tribunaux.

7091

Suite des travaux: La CdG-E prie le Tribunal fédéral de bien vouloir prendre position sur la recommandation 1 d'ici à fin décembre 2002. La CdG-E suivra la mise en oeuvre des recommandations 2 et 3 dans le cadre de ses activités de contrôle ordinaires.

28 juin 2002

Au nom de la Commission de gestion du Conseil des Etats: Le président de la commission, Michel Béguelin, député au Conseil des Etats Le président de la sous-commission DFJP/tribunaux du Conseil des Etats élargie à quelques députés du Conseil national, Hans Hess, député au Conseil des Etats Le secrétaire des commissions de gestion, Philippe Schwab

7092

Annexes

Gestion moderne de la justice, rapport de l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration du 10 août 2001

La portée de la haute surveillance parlementaire sur les tribunaux ­ les avis de la doctrine juridique, rapport de l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration du 11 mars 2002

Abréviations CAJ-E

Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats

CdG

Commissions de gestion des Chambres fédérales

CdG-E

Commission de gestion du Conseil des Etats

CdG-N

Commission de gestion du Conseil national

CIP

Commission des institutions politiques

LREC

Loi fédérale sur la procédure de l'Assemblée fédérale, ainsi que sur la forme, la publication et l'entrée en vigueur des actes législatifs (loi sur les rapports entre les conseils) du 23 mars 1962

LTF

Loi fédérale sur le Tribunal fédéral (loi sur le Tribunal fédéral)

NGP

Nouvelle gestion publique

OPCA

Organe parlementaire de contrôle de l'administration

TF

Tribunal fédéral

TFA

Tribunal fédéral des assurances

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